L`humour, matière sensible Dans la peau de l`autre Commenta
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L`humour, matière sensible Dans la peau de l`autre Commenta
Persönlich erstellt für: asbl asti Page 5 La phrase Le Luxembourg compte 387.000 salariés, dont 83% d'étrangers. Comment toutes ces personnes, d'origines et de cultures très différentes parviennent-elles à collaborer? Le plus naturellement du monde, dans la plupart des cas. Mais la prise en compte des différences apporte une importante plus-value à leurs relations. Photo: Julien Garroy “ Savoir simplement se taire, laisser s'exprimer l'autre, cela peut beaucoup aider aux relations interculturelles.» Erin Meyer, professeur a l'insead Commentaire L'humour, matière sensible ien n'avait été économisé par ce journal (d'un pays voisin) pour R célébrer celles qui constituaient la plus grande part de sa rédaction: les femmes. Elles eurent un numéro spécial, avec la photo de La langue, premier facteur de cohésion Pour Fabrice Delcourt (Deloitte), il ne faut pas faire de l'interculturalité un challenge. Au gré des départs et des arrivées, le grand cabinet d'audit Deloitte compte entre 50 et 55 nationalités dans son personnel. Faut-il se contenter d'être comptable de la diversité ou l'administrer avec des recettes compliquées? Fabrice Delcourt, partenaire et secrétaire général de la société, a une approche relativement tempérée: «La diversité, nous la gérons par la force des choses, mais aussi de façon volontariste parce que nous la considérons comme un atout. Nous mettons donc en place ce qui est nécessaire pour en tirer le meilleur parti. Mais en aucun cas nous ne la considérons comme un challenge. Vouloir la gérer avec des méthodes compliquées serait contre-productif. Le piège serait de trop formaliser ces différences. Les choses se passent de façon bien plus naturelle que cela. Nous nous assurons, au moins, que chacune des personnes engagées ait un niveau d'anglais suffisant pour s'insérer dans la société. Une langue véhiculaire, c'est très important pour la cohésion. Cela n'empêche évidemment pas les germanophones ou les italophones, par exemple, de se rapprocher, d'entretenir des liens privilégiés.» Chaque année, la société célèbre une «journée de chacune, et des colonnes entières pour exprimer leur parcours, leurs aspirations. Quel triomphe de cynisme d'entendre un peu plus tard un responsable de l'initiative expliquer en privé que les femmes, il y en avait trop, qu'elles prenaient des congés de maternité, que ça désorganisait ses services, et qu'il fallait en renvoyer un maximum à la maison. Etre femme, déjà une diversité, déjà un motif de discrimination. Et déjà un argument de marketing pour les entreprises. Alors, être juif, asiatique, handicapé, malade chronique, hétéro, homo, abstinent, pratiquant, musulman... Etre de cultures différentes ou semblables mais avoir des parcours sociaux différents... Chinois, Indien, Népalais, Russe, Normand, Frison ou Alsacien... Le clocher du village n'est plus depuis longtemps le point de repère d'une population homogène sans guère de contacts avec l'«étranger», surtout au Luxembourg. Et ceux qui ont eu l'idée de faire le cadastre de cette diversité étaient plutôt bien inspirés, puisqu'il suffit parfois de trois mots d'explication pour faire tomber une montagne d'incompréhension due à des différences d'éducation ou d'origine. La prise de conscience des différences est particulièrement salutaire dans un milieu professionnel. En vogue dès les années 80, la gestion de la diversité donne du grain à moudre aux sceptiques, parce qu'elle a revêtu chez certains la panoplie du marketing et de la bonne conscience. Entre réalité et communication, entre pureté des intentions, recherche de productivité et réelle aspiration à un meilleur vivre ensemble, pas toujours facile de faire le tri. Ce qui est sûr, c'est que la vie n'est pas une publicité métissée pour Coca-Cola ou Benetton. Et que le dialogue interculturel est d'abord l'affaire de chacun. la diversité», qui donne l'occasion aux employés de cuisiner des plats de leur pays d'origine et de les vendre au profit de l'une ou l'autre œuvre. Il n'y a par contre pas de formation spécifique à l'éveil aux autres cultures. «A l'exception d'une formation au mandarin demandée par des équipes qui devaient travailler avec des banques chinoises, on laisse plutôt les choses se faire naturellement, explique Fabrice Delcourt. Promouvoir le respect des autres est au centre de nos valeurs, et comme notre clientèle est internationale par essence, les choses vont plutôt de soi. Mais nous restons attentifs aux problèmes qui découleraient de ces différences culturelles». Entre blague et biais Et, sans rire, plutôt que le respect de la hiérarchie ou d'autres considérations très professionnelles... c'est l'humour qui est souvent le plus apte à semer la zizanie ou, à tout le moins, l'incompréhension. «Le sens de l'humour, c'est quelque chose qui est déjà très différent entre un Belge, un Français et un Allemand! Entre le premier et le troisième degré, avec tous les risques de biais linguistiques liés à notre environnement international, c'est parfois compliqué. Le degré de finesse n'est pas le même partout. Mais pas question de faire la chasse à l'humour, qui est un véhicule de renforcement des liens interculturels. Les gens comprennent vite où se situent les limites.» T. N. T. N. 4 Dimensions Dans la peau de l'autre Tout est relatif, même les stéréotypes Point de vue Bref, l'origine culturelle de l'observateur conditionne totalement la vision qu'il a de l'autre... «Ce qu'on perçoit d'une autre culture est en fait plus révélateur de notre propre personnalité que de la culture elle-même», sourit Erin Meyer. Pour dépasser les différences interculturelles, elle conseille d'être curieux et humble, et surtout d'essayer de se mettre à la place de l'autre. «Ainsi, j'aurai la réponse à la question "Comment me voient-ils?" plutôt qu'au simple "Comment les vois-je?"» «Dans notre monde, il est en tout cas capital pour les managers, mais pas seulement eux, d'être conscients des différences culturelles. Je me souviens de cette Française aux résultats inacceptables, qui était restée sur les trois points positifs relevés par son patron américain au début de l'entretien. Sur son nuage, elle n'écoutait plus la suite... totalement négative.» T. N. Les 12 premieres nationalites des salaries au Luxembourg Luxembourg France Portugal Belgique Allemagne Italie Pologne Pays-Bas Roumanie Espagne Graphique: Le Jeudi/Virginie Alonzi GrandeBretagne 1.080 2.230 1.800 2.320 1.270 2.520 220 2.740 2.430 3.700 590 9.960 8.550 41.150 29.710 43.270 36.530 51.710 2016 2006 38.460 70.110 96.460 115.210 96.940 Placer les gens sous des étiquettes culturelles, cela aide à mieux les comprendre, certes. Mais tout est relatif. Erin Meyer, professeur au département de comportement organisationnel à l'INSEAD, relate son expérience avec une équipe franco-indo-britannique. Interrogés sur les Français, les Britanniques les décrivent comme naturellement «chaotiques et désorganisés». Même question aux Indiens. Réponse fort différente: «Les Français sont toujours rigides, obsédés par les structures et les échéances» 1.510 Erin Meyer (INSEAD) exhorte à la curiosité et l'humilité. Pour aborder les différences culturelles, de nombreux modèles existent. Celui du psychologue néerlandais Geert Hofstede met en évidence quatre dimensions, points de divergence entre les cultures: le degré de distance au pouvoir, celui d'acceptation de l'incertitude, le degré de masculinité ou féminité, et le degré d'individualisme ou collectivisme. Exemples: en matière de hiérarchie, certaines cultures reconnaissent une distance assez élevée avec le pouvoir. Subordonnés et patrons s'acceptent comme inégaux, les subordonnés attendent des ordres précis, les signes de pouvoir sont acceptés. Ce caractère est fort marqué dans le pourtour méditerranéen, en Asie et en Amérique du Sud. A l'inverse, dans les pays scandinaves, germaniques ou anglo-saxons, les subordonnés et les patrons se considèrent plus égaux; les premiers attendent des seconds une approche participative. Dans les cultures à «contrôle d'incertitude élevé», on constate plus de comportements anxieux envers l'inconnu, d'émotivité ou d'agressivité, et une tendance à structurer les institutions et les relations. C'est le fait de l'Europe du Sud et de l'Amérique latine. A l'inverse, en Afrique, en Asie du Sud-Est ou en Scandinavie, le niveau d'anxiété est bas, le goût du risque élevé, l'attitude plus nonchalante. Cap-Vert Source: IGSS Le b.a.-ba du 8.9. au 14.9.2016