Cass. soc., 1er juin 2010, no 09-40.421 - Wk-rh

Transcription

Cass. soc., 1er juin 2010, no 09-40.421 - Wk-rh
Détail d'une jurisprudence judiciaire
11/06/10 11:39
Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mardi 1 juin 2010
N° de pourvoi: 09-40421
Publié au bulletin
Cassation
Mme Collomp (président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 25 mai 1987 par la société Laboratoires Fournier en qualité
de directeur du département biochimie et exerçait en dernier lieu les fonctions de « responsable des études
pharmacologiques de produits en développement et ou sur le marché » au sein de la direction des affaires
scientifiques ; que la société a établi le 5 octobre 2004 un plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant la suppression de
185 postes dont celui de M. X... ; qu'après le refus par celui-ci d'un poste de reclassement en tant que chercheur en
pharmacologie, il a été licencié pour motif économique le 15 mars 2005 ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches qui sont préalables :
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le poste du salarié n'a
pas été effectivement supprimé dès lors que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait un nouveau rattachement
hiérarchique et que les missions confiées au salarié devaient perdurer au delà du licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, sans qu'il résulte de ses constatations que l'emploi de M. X... n'avait pas été supprimé, la cour
d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la société Laboratoires
Fournier devait interroger le groupe Solvay, qu'elle allait intégrer à brève échéance, sur la possibilité pour celui-ci de
reclasser le salarié, de sorte qu'elle n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement ;
Attendu, cependant, que, sauf fraude, les possibilités de reclassement s'apprécient au plus tard à la date du
licenciement ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations qu'à la date du licenciement, l'opération de
cession n'étant pas encore réalisée, la société Laboratoires Fournier n'était pas intégrée au groupe Solvay, la cour
d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2008, entre les parties, par la cour
d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et,
pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être
transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000022313041&fastReqId=2130562411&fastPos=1
Page 1 sur 3
Détail d'une jurisprudence judiciaire
11/06/10 11:39
premier juin deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux conseils pour la société Laboratoires Fournier ;
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et
sérieuse et d'avoir en conséquence condamné la société LABORATOIRES FOURNIER à lui verser 45 000 euros à titre de
dommages et intérêts de ce chef ainsi que 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE « M. X... a été licencié pour motif économique aux termes d'une lettre de trois pages qui détaille les
causes justifiant la décision de l'entreprise ; qu'il apparaît de ce courrier que les LABORATOIRES FOURNIER s'estiment
contraints d'adapter leur organisation à raison d'une part de problèmes concernant l'ensemble de la profession et
d'autre part à raison de problèmes propres à l'entreprise ; que selon l'employeur sont notamment des causes propres
au secteur d'activité : les politiques publiques de réduction des dépenses de santé, le développement des produits
génériques ou encore le coût croissant des dépenses à engager pour la mise au point de nouveaux médicaments ; que
constitue selon lui des causes propres à la firme, le manque à court terme de nouveaux produits commercialisables et
sa dépendance pour les prochaines années de son produit principal le Lipanthyl, lui-même concurrencé par les
génériques et les statines ;
Attendu que lorsque la lettre de licenciement allègue une réorganisation pour un motif économique, il appartient au
juge de rechercher si cette réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du
secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; Attendu qu'il est constant qu'à la date où les LABORATOIRES
FOURNIER ont établi un plan de sauvegarde de l'emploi, l'entreprise ne connaissait pas de difficultés financières ;
qu'ainsi, l'expert comptable mandaté par le comité central d'entreprise a, pour l'exercice précédent celui de l'adoption
du plan, fait les observations suivantes : « En 2003, le chiffre d'affaires de FOURNIER PHARMA a continué de
progresser sous l'effet de la croissance des ventes aux USA et à l'international. Le niveau de résultat consolidé est
resté élevé, avec un bilan affichant des liquidités importantes et une absence d'endettement. Le plan à moyen terme
ne montre pas une dégradation significative des paramètres financiers du groupe d'ici à 2006. Ces résultats s'appuient
sur les bonnes performances de l'activité aux USA » ;
Attendu cependant que cette situation favorable immédiate contraste avec des perspectives plus sombres puisque le
même expert comptable relève que : « L'évolution de l'environnement pharmaceutique met en exergue les fragilités
de FOURNIER PHARMA : un portefeuille peu diversifié, dépendant d'une molécule mature soumise à un risque
générique imminent, des autres produits vieillissants, une insuffisance de produits en développement et une recherche
insuffisamment productive » ; Attendu qu'il incombe aux responsables d'entreprises confrontées à une situation
comme celle ci-dessus décrite de prendre les mesures nécessaires pour assurer la pérennité de l'entreprise à long
terme ; qu'il relève du pouvoir de direction du chef d'entreprise de choisir celle (s) qui lui paraisse (nt) le (s) plus
convenable (s) pour atteindre cet objectif ; que l'adossement à un groupe financier plus important, solution préconisée
par M. X... pour faire face aux difficultés prévisionnelles de l'entreprise, d'ailleurs mise en.. uvre par la direction des
LABORATOIRES FOURNIER à l'occasion de la cession au groupe SOLVAY, n'exclut pas l'éventualité de licenciements
dans le cadre d'une réduction d'effectifs, si ceux-ci sont nécessaires et sous réserve que soient respectées les
dispositions des articles L. 1233-1 et suivants du Code du travail ; Attendu qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du
Code du travail le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de
formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou
dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi
relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ; à défaut, et sous réserve de
l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure ; les offres de
reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ; Attendu qu'en l'espèce, l'intimée soutient avoir satisfait à
son obligation de reclassement, en ce qu'elle a proposé à l'intéressé un poste de chercheur en pharmacologie à son
établissement de Daix, poste refusé par M. X... et du fait qu'elle ne disposait pas d'autre poste disponible en France ou
à l'étranger ; Que cependant alors que le 15 mars 2005, les LABORATOIRES FOURNIER licenciaient M. X..., le journal
Le Monde du 17 mars 2005 annonçait le rapprochement des LABORATOIRES FOURNIER avec le groupe SOLVAY,
concrétisé définitivement l'été suivant ; qu'au moment où l'appelant allait être licencié, son employeur négociait donc
la cession de la société qui allait aboutir à son intégration dans un groupe industriel beaucoup plus vaste ; que les
LABORATOIRES FOURNIER se devaient au moins d'interroger leur acquéreur sur les possibilités pour lui de reclasser
les salariés qu'il envisageait de licencier, s'agissant tout particulièrement d'un cadre ayant démontré par sa carrière
passée qu'il pouvait être très mobile ; Qu'en se limitant à rechercher un emploi dans le cadre de son groupe existant,
alors que l'extension de celui-ci était certaine et acquise au moment où il a procédé au licenciement, en dehors de
toute urgence, la société intimée n'a pas exécuté son obligation de reclassement de bonne foi et ne peut faire grief au
salarié d'avoir refusé le seul emploi de catégorie inférieure qu'elle lui proposait ;
Attendu encore que la cour ne suivra pas M. X... dans sa démonstration, nécessairement teintée de subjectivité même
si elle n'est pas dénuée d'arguments, selon laquelle son profil était le plus à même de correspondre aux orientations
stratégiques de la société ; qu'en revanche, elle juge comme lui étonnant que la réorganisation de la recherche au
sein des laboratoires FOURNIER aboutisse à la suppression d'un seul emploi de cadre celui occupé par l'appelant,
puisque l'autre poste de cadre supprimé était vacant et n'a donc pas donné lieu à licenciement ;
Que, selon l'intimée, cette suppression se justifie en ce que le poste de M. X... était un poste de « support » ; que ce
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000022313041&fastReqId=2130562411&fastPos=1
Page 2 sur 3
Détail d'une jurisprudence judiciaire
11/06/10 11:39
terme de support, au demeurant assez vague, ne figurait nullement dans la définition de fonctions de l'intéressé, selon
laquelle sa première mission était, sous l'autorité du directeur des affaires scientifiques : « d'assurer la mise en place
et le suivi des études précliniques de produits sur le marché ou en développement » ; que la suppression du poste de
M. X... ne correspond pas à l'abandon ou à l'externalisation des tâches qui lui étaient confiées ; qu'en effet, le plan de
sauvegarde de l'emploi (page 50) prévoit : « les missions relevant du responsable études pharmacologiques seraient
placées sous la responsabilité du responsable exécutif du département de pharmacologie » ; que le plan, s'il prévoit un
nouveau rattachement hiérarchique pour la personne responsable des études pharmacologiques, est taisant sur la
personne qui sera effectivement en charge des missions qui étaient celles de l'appelant ; qu'il n'est donc pas établi que
le poste de M. X... ait été effectivement supprimé ; qu'il l'est d'autant moins que, compte tenu des objectifs assignés
par l'employeur à sa nouvelle organisation : « Se donner les meilleurs moyens de produire des molécules à mettre en
développement dans l'avenir le plus proche », il est bien évident que la nécessité de voir exécuter les missions
confiées à l'appelant perdurent au delà de son licenciement ; Attendu qu'au double constat que les LABORATOIRES
FOURNIER n'ont pas recherché loyalement à reclasser M. X... et que le poste de ce salarié n'a pas été effectivement
supprimé, la cour infirmant le jugement entrepris dira que le licenciement de M. X... est sans cause réelle et sérieuse
»
1. ALORS QUE les possibilités de reclassement doivent être recherchées avant la date du licenciement, à compter du
moment où celui-ci est envisagé, au sein du périmètre de reclassement existant à cette date ; qu'il résultait des
propres constatations de l'arrêt attaqué que si le rapprochement des LABORATOIRES FOURNIER avec le groupe
SOLVAY, était envisagé à la date du licenciement de Monsieur X... le 15 mars 2005, il ne s'était concrétisé
effectivement que l'été suivant, soit quatre mois après le licenciement de l'intéressé ; qu'en reprochant néanmoins à
la société LABORATOIRES FOURNIER de n'avoir pas recherché le reclassement de Monsieur X... au sein de ce groupe
avant même qu'elle en fasse partie, la Cour d'appel a violé l'article L1233-4 du code du travail ;
2. ALORS QUE le poste d'un salarié est supprimé lorsque les taches qui y étaient rattachées sont réparties entre
d'autres salariés de l'entreprise ; qu'en se bornant à relever que les taches qui étaient confiées à Monsieur X... ne
devaient pas disparaître après son licenciement mais simplement faire l'objet d'un nouveau rattachement hiérarchique,
pour en déduire que le poste de Monsieur X... n'avait pas été supprimé, sans cependant caractériser que le salarié
avait été remplacé dans son poste de responsable d'études pharmacologiques après son licenciement, la Cour d'appel
qui s'est fondée sur un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L1233-3 du code du
travail ;
3. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous
les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour démontrer que
le poste de responsable d'études pharmacologiques occupé par Monsieur X... avait bel et bien été supprimé, la société
LABORATOIRES FOURNIER versait aux débats le document présentant la réorganisation qu'elle avait remis aux
représentants du personnel lors de la procédure d'information consultation, ainsi que le livre d'entrées et de sorties du
personnel, desquels il ressortait que la réorganisation impliquait la suppression des deux postes de la direction des
affaires scientifiques, dont celui de Monsieur X..., et qu'aucun responsable d'études pharmacologique n'avait été
embauché après le licenciement de ce dernier (conclusions d'appel de l'exposante p 15-16 et 22) ; qu'en jugeant que
la suppression du poste du salarié n'était pas établie, sans examiner ni même viser ces pièces, la Cour d'appel a violé
l'article 455 du code de procédure civile.
Publication :
Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon du 27 novembre 2008
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000022313041&fastReqId=2130562411&fastPos=1
Page 3 sur 3