les americains a clamecy 1918 1919 mickael boudard 2011 2

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les americains a clamecy 1918 1919 mickael boudard 2011 2
Publié dans le Bulletin de la Société scientifique et artistique de Clamecy - 2011
Les Américains à Clamecy
(1918 – 1919)
Michaël Boudard
Introduction
Après l’entrée en guerre des États-Unis en avril 1917, les premières troupes débarquent progressivement
sur les ports français de la côte atlantique. Par sa position géographique et son réseau ferré, le département
nivernais est intéressant pour l’armée américaine qui souhaite installer différents établissements.
Dès août 1917, la municipalité de Clamecy propose au commandant des forces américaines basées à
Nevers d’y installer des cantonnements pour les troupes. Néanmoins, les mois passent sans qu’il soit donné suite à
ce projet. Par contre, d’autres villes nivernaises accueillent l’armée américaine : Nevers, Varennes-Vauzelles,
Cosne, Verneuil ainsi que les hôpitaux de Mesves-sur-Loire et Mars-sur-Allier1.
L’arrivée et l’installation de l’armée américaine
De l’été 1918 à l’armistice du 11 novembre
Finalement, à l’été 1918, l’armée américaine s’intéresse à Clamecy. En juin, le Conseil municipal est
informé du projet d’installer : un champ de tir ; un champ d’aviation ; un champ de manœuvre et l’édification de
quarante baraquements. Une première visite technique a rapidement lieu avec deux officiers américains,
accompagnés d’un interprète, d’un officier français et du premier adjoint. Et, le jeudi 1er août, arrive en gare de
Clamecy le premier contingent de l’armée américaine, constitué de 600 hommes, « de grands et forts gaillards
pour la plupart »2.
Selon les journaux, les habitants se sont retrouvés sur l’avenue de la Gare pour « acclamer les vaillants
soldats qui ont traversé l’Atlantique pour se joindre à nous contre le boche détesté ». Ces Américains sont
notamment cantonnés dans les locaux de l’École primaire supérieure et de l’École communale de filles mais aussi
chez l’habitant (privilège réservé surtout aux officiers). Ces installations sont provisoires en l’attente de
l’installation des baraquements. Pour les journaux, « ce premier contact de nos alliés avec la population laisse à
tous la meilleure impression de réconfort et de confiance en l’avenir ».
La séance du Conseil municipal du 10 août est largement consacrée à cette arrivée et à cette installation des
troupes américaines. Symboliquement, pour saluer cette nouvelle coopération, les élus décident de donner un
nouveau nom à la rue de Beuvron : ce sera désormais la rue du Président-Wilson, en hommage au président des
États-Unis Woodrow Wilson. D’autres mesures plus surprenantes sont également prises : ainsi, face à ce « surcroît
de population qui nécessite une consommation de plus en plus grande d’eau potable, il est rappelé que son usage
pour l’arrosage et les lavages est rigoureusement interdit ». Une nouvelle organisation des sens de circulation des
routes est mise en place : la police américaine participe d’ailleurs à la surveillance de ces modifications.
1
Ces recherches ont été entreprises aux Archives départementales de la Nièvre (ADN), aux Archives de la ville de Clamecy
(AVC) et à la bibliothèque de la Société scientifique et artistique de Clamecy (SSAC) d’où provient l’ensemble des
illustrations de cet article (fonds Laguinier et cartes postales). D’autres illustrations figurent dans le récent ouvrage de MM.
Stengel (père et fils).
2
ADN et SSAC. Sauf mention contraire, toutes les citations seront extraites des trois journaux clamecycois qui donnent de
précieuses indications sur la présence américaine dans la ville : L’Écho de Clamecy, L’Indépendance et Le Clamecycois.
Une autre mesure est prise. Mais, si les journaux se gardent bien de la relater, le compte-rendu de la séance
ne peut pas la passer sous silence : « le maire informe le Conseil qu’une demande d’établissement d’une maison de
tolérance lui a été faite et qu’il y a lieu d’accorder l’autorisation, étant donnée la présence d’une formation
américaine qui la rend nécessaire. L’emplacement choisi maison Boisseau, rue de l’Abreuvoir, ne paraît pas
convenir et le maire consulte le Conseil à ce sujet. Le Conseil estime en effet que la rue de l’Abreuvoir est trop
passagère et le quartier trop populeux. Par suite, le maire informera le demandeur que la municipalité est disposée
à donner l’autorisation nécessaire mais pour un emplacement plus convenable »3.
Progressivement, les soldats s’installent. Un vaste camp est construit à proximité immédiate de la gare et de
l’usine des produits chimiques mais il n’est pas suffisant. Le collège cède ainsi une partie de ses locaux à l’armée
américaine. Quant au terrain d’aviation, il s’établit en périphérie de la ville, sur la route de La Forêt.
Sur ces photographies, le modèle présenté est un DH.4. À l’origine, ce biplan biplace est construit par les
Anglais et a été mis en service à partir de mars 1917. Après leur entrée en guerre, les États-Unis ont acheté ce
modèle et l’ont mis en production. 1885 avions de ce type ont été livrés en France avant l’Armistice.
L’une des photographies permet de distinguer l’emblème de l’escadrille alors présente : il s’agit de la 50th
Education Squadron aussi nommée « Dutch Girl » (sur le fuselage gauche de l’appareil). D’après un article très
détaillé disponible en anglais sur le site Wikipédia, cette escadrille a été présente à Clamecy durant le mois de mai
1919 avant qu’elle ne reparte pour les États-Unis.
Pour leur entraînement, un champ de tir permanent d’infanterie des troupes américaines est établi à l’ouest
de Clamecy jusqu’à Oisy, délimité par le Val-des-Rosiers (au nord-ouest) et la voie ferrée de Clamecy à Cosne en
passant par Moulot (au sud-ouest).
Carte du champ de tir (archives municipales de Clamecy)
3
AVC. 1 D 19 : Registre des délibérations du Conseil municipal (1911-1920). Nous ne savons pas où cette maison de
tolérance a été finalement implantée. Dans d’autres villes nivernaises avec une garnison américaine, la prostitution est
« surveillée » par les autorités.
De novembre 1918 au départ (avril-mai 1919)
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’armistice du 11 novembre 1918 n’implique pas le départ
rapide des soldats américains, comme d’ailleurs il n’a pas eu pour conséquence le retour rapide des soldats français
dans leurs foyers. Un armistice n’est que la cessation provisoire des hostilités en attendant les traités de paix entre
les belligérants.
Par conséquent, l’armée américaine poursuit son implantation à Clamecy. À sa demande, lors de la séance
du 16 décembre, le Conseil municipal l’autorise à s’installer dans les bâtiments de l’École primaire supérieure de
jeunes filles (qui, après avoir hébergé l’hôpital temporaire français n°36, venait d’être désaffecté). Jusqu’alors,
l’armée américaine avait transformé en hôpital les maisons de Baudre et Nondé mais, au vu de l’exiguïté des
locaux et du nombre de malades en augmentation, il lui fallait une nouvelle affectation4. Pour se concilier les élus,
le service de santé américain se propose de donner des consultations aux civils et même de pratiquer des
interventions chirurgicales.
Dans les semaines suivantes, des troupes continuent d’arriver à Clamecy : dans la presse locale, on
demande aux « habitants qui ont encore des chambres disponibles » de se faire connaître et de s’inscrire à la mairie
pour accueillir les officiers. Mais, pour les hommes de troupe, l’hébergement est plus « spartiate ». En janvier
1919, les nouveaux contingents tout juste arrivés s’installent dans les nouveaux baraquements édifiés en face de la
gare ainsi que sur un troisième camp édifié aux Chaumes, à l’angle de la route de Tannay et du chemin dit « du
dixième ».
Sur le terrain d’aviation de la route de La Forêt, des aménagements se poursuivent également. Ainsi, de
nouveaux hangars sont construits pour abriter les avions d’entraînement. À la mi-avril 1919, l’ensemble de ces
installations sera démonté. À la même époque, les tirs sur le polygone cessent et les terrains requis sont rendus aux
propriétaires.
Les contacts entre les troupes américaines et les Clamecycois
Très rapidement, les forces américaines sont entrées en contact avec la population de Clamecy. C’est sans
nul doute une volonté de l’état-major de l’armée pour se faire connaître et apprécier.
Dès le 15 août 1918, il organise une petite fête : tout d’abord, une trentaine de soldats, qui se sont déguisés
et costumés de différentes façons, parcourent la ville avant qu’une représentation théâtrale et musicale n’aient lieu
dans la cour de l’école communale des filles. Selon les journaux, cette « great attraction » a remporté un vif succès
auprès des Clamecycois. D’ailleurs, par la suite, les concerts seront très fréquents que ce soit sur la place de la
mairie ou au kiosque, place des Promenades.
Pour diversifier ses activités et toucher d’autres populations, la formation américaine se tourne vers le
sport. Un concours de natation est organisé au mois d’août sur l’Yonne, entre le pont de Bethléem et l’embouchure
du Beuvron. Après leurs démonstrations des diverses techniques de plongeons et des courses à la nage, une section
de jeunes Clamecycois prend part au concours.
Début septembre, ces réjouissances sportives se poursuivent cette fois-ci sur le terrain de Bagatelle avec
courses et des jeux divers. Les jeunes garçons de Clamecy âgés de 10 à 13 ans sont invités à prendre part à la
course de 50 mètres.
4
Originaire de Bretagne, le docteur Charles de Baudre s’était installé à Clamecy au début de l’année 1910. Élu conseiller
municipal de Clamecy en 1912, il est mobilisé dès le début du conflit et reçoit la Croix de guerre en août 1915. Après la fin du
conflit, il quitte définitivement Clamecy.
Cette « osmose » se concrétise d’une autre manière. En effet, L’Indépendance publie en première page et à
cinq reprises des articles en anglais intitulés : « to our friends of the American army in Clamecy ». Il s’agit pour le
journal d’expliquer l’histoire de Clamecy et de ses principaux monuments5.
En novembre, l’annonce de la signature de l’armistice donne lieu à des manifestations de « joie délirante »
et « un débordement d’enthousiasme » unissant Clamecycois et Américains. En plus des cloches des églises et des
sirènes des usines qui traduisent ce bonheur, les « Yanks » et les Poilus en permission se retrouvent au champ de tir
américain et « balancent » plus de 4 000 grenades6. « Sur la tour Saint-Martin, de nombreux soldats américains
tiraient sans relâche des coups de fusil et faisaient partir des fusées multicolores. La foule, réunie place de
l’Église, était transportés d’allégresse et secouée d’un patriotique frisson. À cinq heures et demie, un long cortège
se forma, précédé de clairons et tambours, avec drapeaux français et américains. Un détachement de soldats
américains en armes fermait la marche. Et une retraite parcourut les rues de la ville, chantant la Marseillaise,
acclamant nos chers et vaillants poilus, sans oublier tous nos alliés et principalement nos amis américains ».
5
Ces articles paraissent dans les éditions des dimanches 13 et 20 octobre, 1er et 29 décembre 1918 et 5 janvier 1919.
Dans son édition du dimanche 25 août 1918, l’Indépendance avant signalé que « les Américains ne veulent pas être appelés
« Sammies ». Le général March, chef d’état-major général, a déclaré aux représentants des journaux que « Yanks » est
l’appellation qui leur plaît le mieux ».
6
À la fin du mois de décembre, c’est l’œuvre américaine appelée Y.M.C.A qui organise un arbre de Noël au
Foyer du Soldat Américain situé avenue de la Gare : « à quatre heures, une distribution de bonbons et chocolat a
été faite aux enfants de la ville. Aux soldats – et même aux civils – tabac et cigarettes furent distribués à profusion.
À sept heures, une grande séance de cinéma eut lieu, coupée par des chants et de la musique. Le tout fut terminé
par une grande séance de boxe »7.
Les traces et le souvenir de ces Américains
Le départ des troupes américaines semblent s’échelonner entre avril et mai 1919. Le 4 juillet, Clamecy
célèbre comme fête nationale française l’Independance Day, la fête nationale des États-Unis, anniversaire de la
proclamation de leur indépendance. Selon un journal, « les écoliers ont eu congé toute la journée et, le soir, sur les
Promenades, un concert offert par la Philharmonique a réuni une grande partie des Clamecycois ».
Le matériel américain a aussi été vendu à des particuliers et à des entrepreneurs. Cependant, comparée aux
grandes ventes réalisées à Mesves et surtout à Verneuil, la liquidation a été peu importante. Peut-être aussi est-ce
due à ce qui s’est passé quelques temps auparavant et qu’un article d’un journal énonce ainsi : « Attention ! Les
autorités américaines ont constaté que les baraquements laissés libres par le départ des troupes sont mis au pillage
et détériorés par certains éléments de la population de la ville. La population est avertie que des sentinelles et des
patrouilles armées sont chargées de faire respecter la propriété du gouvernement américain et qu’elles ont reçu
pour consigne de tirer sur tout individu qui s’y introduirait »8.
Finalement, c’est par la présence de tombes de soldats américains au cimetière de Clamecy que ce souvenir
reste le plus longtemps gravé dans la mémoire des habitants. Une dizaine de soldats y ont été inhumés. Ces décès
ont deux causes : certains sont décédés de leurs blessures dans les hôpitaux et d’autres sont morts à Clamecy même,
victimes d’accidents. Ainsi, à la fin du mois de novembre 1918, un soldat « puni de prison » qui s’est échappé des
locaux disciplinaires ainsi qu’un soldat de la police parti à sa recherche tombent dans le canal près de l’écluse
Saint-Roch et se noient. En février 1919, un autre soldat périt au même endroit ce qui fait dire à l’un des journaux
qu’« il serait très urgent que l’autorité municipale fasse éclairer ce passage excessivement dangereux ». Fin mars,
alors qu’il maniait des explosifs, un soldat est déchiqueté sur le champ de tir de Beaumont.
Tous ces hommes sont donc inhumés dans un carré du cimetière de Clamecy. Fin mai 1920, lors du
Memorial Day (journée du souvenir des soldats tombés au champ d’honneur), « les sépultures américaines ont été
ornées de couronnes et de fleurs, tandis qu’au somment du mât a flotté jusqu’au soir le drapeau étoilé ». Quelques
semaines plus tard, la plupart des corps sont rapatriés mais deux subsistent. Et, il faut noter qu’en mai 1927, cette
cérémonie du souvenir se poursuit car « l’Association des Dames françaises, les enfants des écoles et les autorités
officielles » déposent des fleurs sur ces deux tombes. En mars 1929, les restes mortels de ces deux soldats, John M.
Walker et Arthur Gooding, sont transférés au cimetière militaire américain de Suresnes (Seine). À partir de ce
moment-là, on peut penser que la mémoire de cette période s’estompe chez les Clamecycois.
Les incidents et problèmes consécutifs à cette présence
On peut en fait relever deux périodes distinctes : celle qui correspond à la présence américaine et celle
postérieure à leur départ.
En décembre 1918, la presse relate un événement que l’on suppose exceptionnel : une dame de Surgy qui
louait une chambre à deux Américains a été volée par ceux-ci pendant son absence. Le préjudice, constitué de
bijoux, d’un sac à main et d’argent, se monte à 200 francs. Alors que les soldats s’étaient enfuis, c’est la
collaboration de la gendarmerie de Clamecy et de la police américaine qui permet leur arrestation à Andryes.
Plus dramatique, des civils ont été victimes d’accidents qui sont imputables aux Américains à cause du
champ de tir. En octobre 1918, un paysan de 79 ans qui s’y trouvait à proximité est mortellement touché par un
engin explosif. Comme on peut le constater, l’un des journaux de l’époque n’hésite pas à « entrer » dans les
détails : « Le cadavre de notre infortuné compatriote était complètement déchiqueté : la poitrine défoncée, le crâne
ouvert, l’avant-bras droit fracturé, la main droite détachée du membre, les deux jambes coupées au-dessous des
genoux ; le pied gauche, broyé, fut retrouvé à 80 mètres du cadavre ». Malgré des appels à la prudence, deux mois
plus tard, un jeune garçon de 13 ans commet une imprudence en ramassant une grenade qui, en explosant, le blesse
sérieusement. Et, en mai 1919, deux autres enfants sont à leur tour blessés par une grenade.
Mais, ce champ de tir va également poser problème après leur départ. En effet, les Américains sont partis
sans en effectuer la « dépollution ». Il faut attendre le mois d’octobre 1919 pour que les opérations de destruction
7
Y.M.C.A. : Young Men’s Christian Association (Association de Jeunes Gens Chrétiens). Ce sont des volontaires faisant
partie du Corps expéditionnaire américain. Ils étaient chargés de construire un local où se réunissaient les soldats ; c’était un
lieu de convivialité, de réunion avec à disposition des livres, des magazines, des jeux.
8
SSAC. L’Indépendance de la Nièvre du dimanche 20 avril 1919.
des explosifs laissés à l’abandon aient été réalisées. Mais, malgré tout, deux ans plus tard, on y découvre encore
neuf obus non éclatés de calibre 75.
La municipalité clamecycoise qui avait proposé ces services n’a cependant pas oublié de « faire ses
comptes » après le départ des Américains. Ainsi, elle facture à près de 15 300 francs l’occupation de l’École
primaire de jeunes filles. Quelques autres indemnités sont également demandées pour l’occupation d’autres
bâtiments (notamment la mairie et le collège). En août 1919, elle se plaint au Préfet des dégradations « très
imposantes surtout dans la traversée et aux abords de la ville occasionnées par l’armée américaine aux routes et
chemins ». Surtout, les services routiers américains n’ayant rien réparé avant leur départ, la question se pose : qui
va le faire et qui va payer ?
Ces récriminations et ces factures réclamées aux États-Unis ont dû être assez fréquentes : pour couper court
à de longs et difficiles arbitrages, « suite à un contrat intervenu le 1er décembre 1919 entre les États-Unis et la
République française, la France se substitue à l’Amérique et la garantit contre toutes réclamations, demandes,
obligations, droits, actions, poursuites et controverses de toute nature, élevés en France pendant la dite période de
guerre… ». Par conséquent, ce sera dorénavant à la France de « régler » les problèmes et les factures. Pour
Clamecy, des dossiers traînent en justice au moins jusqu’en octobre 1922 : un avocat est chargé par Paul Bonneau,
« propriétaire à Clamecy, route d’Auxerre, d’obtenir de l’État français le règlement des indemnités qui lui sont
dues en raison de la réquisition et de l’occupation des terrains lui appartenant, sis au levant de la gare de Clamecy
et qui ont été occupés par l’armée américaine »9.
Ainsi, après les effusions de joie et l’amitié indéfectible proclamée lors du départ des troupes américaines,
le « principe de réalité », c’est-à-dire très souvent des questions financières, est revenu très rapidement sur le
devant de la scène.
Conclusion
Combien de soldats américains ont été stationnés à Clamecy durant ces dix mois de présence ? Les divers
journaux ne le précisent jamais. Par contre, dans un document de mai 1919 qui concerne des droits d’octroi sur
diverses marchandises entrées par les Américains pendant leur séjour à Clamecy et dont ils ont été exonérés par la
municipalité, on peut lire ceci : « Il est entendu qu’environ 5 000 Américains ont séjourné à Clamecy en différentes
fois, mais qu’on ne peut guère compter que sur une moyenne de 1 000 au maximum par jour et ce, pendant 9 mois
en ce qui concerne les conserves alimentaires »10. Cette estimation moyenne d’un millier d’hommes signifie tout de
même qu’un Clamecycois sur 6 est Américain entre août 1918 et mai 1919.
Cet apport démographique a été sans nul doute une chance pour un certain nombre d’habitants, en premier
lieu les commerçants mais aussi ceux qui louaient des chambres aux officiers. Finalement, le journal Le
Clamecycois résume assez bien la situation : « On s’était si bien habitué à leur présence dans nos murs depuis le
mois d’août dernier, qu’on était venu à se familiariser avec eux et leur départ causera un vide, particulièrement
chez certains « mercantis ». On a dit qu’ils avaient peut-être été cause du renchérissement des denrées sur nos
marchés mais quels immenses services ne nous ont-ils pas rendus ! Imitons au moins leur activité et leurs méthodes
d’organisation et de travail. Souhaitons-leur : Au revoir et merci ! Good bye, our best thanks »11. Le mot
« mercantis » est péjoratif puisqu’il désigne en fait des profiteurs, des personnes malhonnêtes, cupides et âpres aux
gains. Si le journaliste met aussi en avant une inflation de certains produits, il souligne également qu’il faudrait
imiter « leurs méthodes d’organisation et de travail » ce qui revient à dire que les Français ne les appliquent pas. Il
veut sans doute souligner la logistique de l’armée déjà à cette époque bien en place et que l’on reverra à l’œuvre en
France vingt-cinq ans plus tard lors de la Libération de l’été 1944.
9
Paul Bonneau a été conseiller général de Clamecy entre 1889 et 1895.
AVC. 4 H 48 : subsistances et logement des troupes américaines, militaires américains (1916-1929).
11
ADN. Journal du dimanche 30 mars 1919.
10

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