Les maisons d`hôtes au Maroc constituent

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Les maisons d`hôtes au Maroc constituent
Les maisons d’hôtes au Maroc constituent-elles un terrain de prédilection
de l’approche expérientielle ?
Nouredine BELHSEN
Professeur Habilité à diriger des Recherches
A l’Ecole Nationale de Commerce et de Gestion - Tanger
[email protected]
Tél : (+212) 661 46 03 78
Oussama Sentel
Area trade Marketing at British American Tobacco
PhD student At the National School of Management ENCGT
[email protected]
Tél : (+121) 66 00 15 273
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RÉSUMÉ
Cette recherche vise à apporter une contribution au débat sur l’universalité des
clés en
concepts
comportement de consommation notamment sous l’angle de l’approche
expérientielle dans un contexte culturel particulier d’une économie en développement : le
Maroc.
Pour atteindre cet objectif, une étude empirique est conduite en deux phases. Une étude
qualitative par le biais des entretiens semi-directifs a été réalisée auprès des huit gérants des
maisons d’hôtes et auprès de dixvisiteursau moment de leur arrivée dans les maisons
d’hôtesde deux grandes villes touristiques à savoir Fès et Marrakech. Pour relater le vécu
l’expérience de la visite, la méthode des récits de vie a été préconisée au moment du check
out des visiteurs.
Les résultats montrent que la stratégie expérientielle est souvent émergente et rarement
délibérée chez les gérants. L’expérience vécue par les visiteurs met en évidence les éléments
fondateurs de l’approche expérientielle dans les maisons d’hôtes : mise en scène, ravissement
et enchantement, surprise.
Mots clés : approche expérientielle, ravissement, mise en scène, surprise.
2
L’idée de l’expérience est forte ancienne et remonte aux années cinquante dans les recherches
d’Abbott et d’Alderson (Holbrook, 2000). Toutefois, l’approche expérientielle en marketing
trouve réellement son origine dans l’article séminal de Holbrook et Hirschman, publié en
1982 dans le Journal of Consumer Behaviour. Ces auteurs affirment la présence des
éléments hédoniques dans l’acte de la consommation. Les émotions, la rêverie et
l’amusement, l’enchantement, dépaysement, l’euphorie sont tant d’éléments au centre de cette
approche de consommation. Toutefois, c’est à Pineet Gilmore (1999, 2004) qu’on doit l’idée
d’une nouvelle économie basée sur l’expérience.
La recherche marketing sur l’expériences’est focalisée sur l’étude des antécédents, le
contenu et la naturede l’expérience (Hirschman et Holbrook, 1982 ; Holbrook et Hirschman,
1982 ) et sur les conséquences de l’expérience aussi bien pour l’entreprise que pour le
client (Oliver, 1999; Aurier et al., 2004). Dans ce cadre, nous affirmons qu’il existe de
nombreux travaux consacrés aux apports managériaux de l’approche expérientielle (Pine
et Gilmore, 1999 ; Hetzel, 2002 ; La Salle et Britton, 2003 ; Schmitt, 2003; Carbone, 2004).
Cette approche a en effet une portée managériale amenant l’entreprise à considérer son offre
commerciale dans sa globalité dépassant le seul produit ou service (Hetzel, 2002; La Salle et
Britton, 2003; Schmitt, 2003). La démarche expérientielle permet de gagner des parts de
marché, fidéliser ou réduire le taux d’attrition des clients et constitue un levier de
différenciation (Prahalad et Ramaswamy, 2004 ; Vargo et Lusch, 2004). Notons également
que la recherche a été entreprise dans le cadre de l’environnement marchand traditionnel
brick and mortar puis sur un aspect virtuel de la consommation hors barrières temporelles ou
spatiales avec l’expérience en ligne.
Si des stratégies expérientielles ont donné lieu à des résultatsconcluants comme pour leMall
of the Emiratesà Dubaï, la municipalité d’Helsinki désignée comme capitale européenne de la
culture en 2000, l’échec est spectaculaire pour d’autres cas comme les restaurants Planet
Hollywood, les restaurants Dive. Les résultats escomptés par la stratégie expérientielle ne
sont pas toujours concluants (Filser, 2001; Dupuis et Le Jean Savreux, 2004).
Le secteur de grandes enseignes de distribution (Dupuis et al.,2004) et des services ont
constitué un terrain de prédilection de la recherche en Marketing expérientiel.
Dans le domaine des services, les recherches ont été conduites principalement dans le
domaine de la culture ou des loisirs. La consommation de produits culturels comme le
théâtre (Bourgeon et al., 1995) ou l’exposition des produits de l’antiquité (Chronis, 2005),
3
le spectacle sportif (Bourgeonet al., 2007), la visite d’un musée (Bourgeon-Renault et
al.,2009), restaurant du consommateur-touriste (Matson-Barkat, 2012).
Si toutes ces recherches ont été réalisées dans les pays développés, nous relevons un constat
de carence quant au nombre, jusqu’à aujourd’hui limité des travaux ayant intégré les
pays en développement dans leur terrain d’investigation (Li et al. 2008). A ce titre, Ellis
(2005) affirme que toute critique à l’égard de la robustesse et de la validité externe des
dimensions et modèles marketing doit être suspendue sous réserve d’études supplémentaires
dans les pays en développement.
Notons que l’expérience touristique est plurielle. La variété des types de touristes et de leurs
expériences passées est déterminante pour le choix de la destination. En effet, la
consommation touristique est probablement un des domaines d’expériences de consommation
les plus complexes. Chaque touriste poursuit des objectifs et activités de vacances multiples
et variés de façon individuelle, interindividuelle, en fonction des rencontres, accompagné ou
en groupe. Ces expériences sont subjectives et construites à partir de fragments de modes
touristiques ou de services touristiques différents (Matson-Barkat, 2012).
La présente recherche se positionne alors dans le sillage de plusieurs auteurs qui postulent
l’urgence de tester les théories, même les plus élaborées, dans un contexte international
(Steenkamp, 2005; Sheer, Kumar et Steekamp, 2003). Le but de cette recherche est donc
d’apporter une contribution au débat sur l’universalité des concepts clés en comportement
de consommation notamment sous l’angle de l’approche expérientielle dans le contexte
culturel particulier d’une économie en développement : le Maroc.
Pour atteindre cet objectif, nous avons conduit une étude empirique en deux phases. Lors de
la première phase, nous avons réalisé une étude qualitative auprès des huit gérants des
maisons d’hôtes de deux grandes villes touristiques à savoir Fès et Marrakech. Cette phase a
été suivie par des entretiens semi-directifs auprès de dixvisiteursau moment de leur arrivée
dans les maisons d’hôtes. Pour relater le vécu de leur expérience, la méthode des récits de vie
a été préconisée au moment de leur départ.
La revue de littérature sur le concept de l’expérience et de l’approche expérientiellefera
l’objet d’une première partie. La seconde partie sera consacrée à la méthodologie appliquée.
Les résultats et discussions sont présentés dans le troisième point et enfin, la conclusion et les
voies futures de recherche sont exposées.
I. Cadre conceptuel
La recherche marketing a connu la succession de plusieurs approches : transactionnelle,
relationnelle et expérientielle. Jusqu’à la fin des années 1970, l’approche cognitive a dominé
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la recherche en comportement de consommateur. Dans cette approche, le processus de
décision est décliné en trois étapes : cognition (recherche de l’informations), affect (
développement des attitudes) et comportement (prise de décision). Dans les modèles connus
de traitement d’information, le consommateur est supposé comme un être rationnel.Le
consommateur est en quête d’un produit qui répond à ses attentes en fonction de ses besoins et
de son budget. Le choix du produit est fait sur la base d’un meilleur rapport qualité/prix. Ce
rapport fonde la valeur chez le client. Ce faisant, il cherche une réponse optimale à un
problème identifié objectivement par l’individu. Cette compréhension a été progressivement
remise en question et complétée et le champ de la recherche en marketing commence à se
porter sur un nouvel aspect du comportement du consommateur, le sens donnée à la
consommation.Par conséquent, la dimension affective, émotionnelle s’ajoutent à la dimension
cognitive voire même l’emporte dans l’acte de consommation. Dans cette perspective, les
recherches de Holbrook et Hirschman (1982) ont été à l’origine de l’éclosion de l’approche
expérientielle. Nous sommes dès lors dans le cadre d’une consommation plus hédonique
qu’utilitaire, qui de par sa nature peut faire appel à tous types d’expériences émotionnelles. A
travers ses expériences délibérément choisies ou imposées par l’entreprise ou produites,
ancrées dans le réel ou fictionnelles, le consommateur cherche des expériences multiples, la
magie, des frissons, « voyages » dans le passé et dans le futur,… il s’agit de fidéliser à travers
une forte immersion des clients dans des expériences inoubliables. Pour atteindre cet objectif,
il conviendrait de «sur-stimuler les sens et l'imaginaire du consommateur par une mise
en scène spectaculaire dans un contexte thématisé, enclavé et sécurisé » (Carù, et al. 2006).
Le marketing expérientiel propose en fait de faire de la consommation une suite d’immersions
extraordinaires pour le consommateur (Bhattacharjee
etMogilner, 2014). Il consiste à engager les consommateurs dans des processus inoubliables –
en leur offrant une expérience, ou encore mieux, en les transformant à travers des expériences
dans lesquelles on les guide (Firat et Dholakia, 1998). L’idée de l’expérience, de moments
inoubliables est déterminante dans cette approche. En effet, l’expérience sera extraordinaire
grâce aux décors de plus en plus spectaculaires et surprenants et à l’accroissement incessant
de la taille des extravagances et des simulations dans lesquelles le consommateur sera
immergé (Hetzel, 2002). L’aménagement physique et spatial du lieu dédié à l’expérience
sera enrichi par des actions du marketing sensoriel (musique, senteurs d’ambiance, choix
des couleurs) (Rieunier, 2004) traduisant ainsi la stratégie expérientielle de l’entreprise. Le
champ du marketing sensoriel et environnemental a largement contribué au développement
de la recherche en marketing expérientiel. Certains auteurs utilisent indifféremment les
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appellations de marketing de l’expérience, marketing expérientiel, marketing sensoriel. Une
exaltation obsessive, expériences brillantes ou éclatantes et un culte des émotions fortes, la
quête d’euphorie perpétuelle, on est dans la totale démesure. Aujourd’hui, cette démesure
n’est plus envisagéecomme une aventure, mais, au contraire, est recherchée par le client postmoderne. Dans la production comme dans la consommation, ce désir de « vivre grand »,
d’avoir « une vie intense », est la traduction de l’incapacité à accepter les limites et du besoin
de les dépasser.
En dépit de l’abondance des recherches, la notion d’expérience de consommation souffre,
d’un déficit de conceptualisation (Carù et Cova, 2002 ; Filser, 2002) et les auteurs ne
s’accordent pas sur la définition et les dimensions de l’expérience (Tynan, McKechnie, 2009;
Poulsson and Kale, 2004). De ce fait, l’expérience est toujours un concept polysémique,
multiforme et multidimensionnel. Elle peut comprendre plusieurs dimensions à la fois
cognitive, affective et conative.
Pour ces auteurs, une expérience se produit quand une entreprise utilise délibérément et
intentionnellement des services en tant que scène et des produits en tant qu'accessoires,
pour créer chez les clients évènement mémorable. Pour atteindre cet objectif, les expériences
doivent être hors pairs, agréables, marquantes, extraordinaires….dès lors, de nombreuses
stratégies ont été établies pour immerger le consommateur dans une expérience associée ou
autour du produit. L’expérience de consommation est envisagée comme à un vécu individuel
et personnel. Elle se définit comme « un vécu personnel – souvent chargé émotionnellement –
fondé sur l’interaction avec des stimuli que sont les produits ou les services rendus
disponibles par le système de consommation » (Carù et Cova, 2002). Cette définition met
l’accent sur le vécu personnel et occulte explicitement l’objet et la situation de la
consommation. Ces éléments ont été introduits dans la définition de Punj et Stewart (1983).
Ces derniers auteurs soulignent que l’expérience de consommation se définit comme une
interaction entre une personne et un objet de consommation (produit, service), dans une
situation donnée (paradigme P.O.S « personne x objet x situation » (Punj et Stewart,
1983).
Cette interaction
s’inscrit dans le temps
et fonctionne selon une dynamique
cumulative. On distingue ainsi l’avant expérience, le cœur de l’expérience et l’après
expérience. L’interaction peut produire des conséquences positives ou négatives. Le cœur de
l’expérience concerne l’interaction personne – objet. L’objet consommé peut être établi selon
un continuum allant du matériel à l’immatériel.
Carù et Cova (2007) soulignent que l’expérience de consommation varie sur un
continuum entre une expérience principalement orchestrée par l’entreprise (company6
drivenexperiences) et une expérience produite totalement par le consommateur (consumerdrivenexperiences). La stratégie expérientielle peut être délibérée et pensée soigneusement
par l’entreprise ou simplement résulter d’une stratégie émergente émanant de la pratique ou
« initiés » par les clients.
Dans le premier extrême, l’entreprise fait vivre au consommateur une expérience idéale,
hyper réelles et que ce dernier est relativement passif vis-à-vis de cette expérience. Son
autonomie est réduite au maximum. Alors dans l’autre extrême, l’entreprise propose le
minimum d’éléments que le consommateur utilise pour s’immerger dans une expérience
mémorable. Entre ces deux extrêmes, nous affirmons l’existence des expériences co-produites
par l’entreprise et le consommateur. L’entreprise offre les conditions de l’expérience, sous la
forme de ce que Carù et Cova (2007) appellent une plateforme expérientielle, et c’est au
consommateur que revient la création de sa propre expérience par le biais de sa participation
active.
II. Méthodologie de recherche
De par la difficulté d’accès à l’expérience de l’autre, l’utilisation des différentes méthodes
semblent idoines. Pour collecter les données, la méthodologie qualitative à travers la méthode
des entretiens a été utilisée. Ces derniers ont été conduits auprès des gérants des maisons
d’hôtes pour aboutir à une compréhension en profondeur du terme expérience et ses
contours chezles gérants,si les stratégies expérientielles
sont délibérées et pensées
soigneusement ou simplement émergentes émanant de la pratique ou « initiés » par les
clients. En d’autres termes, nous cherchons à vérifier company-drivenexperiences ou
consumer-drivenexperiences ou co-drivenexperiencesvoire même l’absence de l’expérience.
De même, des entretiens ont été faits avec le visiteur. Dans ce dernier cas, le consommateur
livre au chargé d’étude sa propre expériencesous forme orale ou écrite (Carù et Cova, 2008).
Les entretiens semi-directifs ont été utilisés au moment de l’arrivée et pendant le séjour des
visiteurs dans les maisons d’hôtes.Pour restituer l’expérience vécue à la fin de leur séjour, la
méthode des récitsa été préconisée.Cette méthode est couramment utilisée en comportement
du consommateur pour accéder au réel (Belk et al, 1988; Cours et al, 1999). Il y a récit de vie
dès lors qu’un sujet raconte à une autre personne, chercheur ou pas, son expérience vécue
(Bertaux, 1997).
Dans notre cas, elle semble pertinente pour restituer l’expérience vécue par le visiteur. Elle est
rétrospective. Les récits de vie que les consommateurs construisent autour de leurs
expériences de consommation et la place de celles-ci dans leur vie et
surtout
leurs
significations permettent (Thompson, 1997)de comprendre les consommateurs, et de
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savoir ce qu’eux-mêmes comprennent de leurs expériences de consommation (ÖzçağlarToulouse, 2009) et les éléments et aspects les plus prisés par le consommateur.
Précisons que notre échantillon est constitué des gérants des maisons d’hôte situées dans les
deux plus grandesvilles touristiques1 du Royaume à savoir Fès et Marrakech et les visiteurs
qui s’y séjournent. La taille de l’échantillon a été définie selon le principe de saturation
théorique (Corbin et Strauss, 1967). Les individus de l’échantillon ont été interviewés pour
une durée moyenne de 35 minutes dans le bureau du gérant entre janvier 2014 et juillet 2014.
Les interviews ont été enregistrées intégralement puis retranscrits. Les verbatims générés ont
fait l’objet d’une analyse de contenu selon les préconisations de Miles et Huberman (1991)
sous NVIVO 10.
Notons que le recrutement des individus pour les entretiens a constitué un défi important
pour réussir ce projet de recherche. Il était question d’interviewer des personnes qui sont
actuellement en vacances, il était difficile de les convaincre de nous consacrer du temps, faire
preuve d’ouverture et de spontanéité dans leurs réponses et les amener à percevoir ces
entretiens comme une activité agréable et nonpas une contrainte qui s’imposait dans leur
temps de vacances. Dans cette perspective, la collaboration des gérants des maisons d’hôtes
était précieuse. Ils ont eu l’amabilité de nous présenter aux visiteurs.
III.
Résultats et discussion
L’analyse de contenu répond à deux fonctions complémentaires (Bardin, 2001). Une fonction
heuristique qui enrichit une approche de découverte et d’exploration : c’est l’analyse de
contenu pour "voir ou comprendre" et une fonction d’administration de preuves empiriques,
ou d’inférence à partir d’hypothèses de travail que l’on cherche à vérifier.
Trois temps ont rythmé notre étude qualitative. Un avec les gérants des maisons d’hôtes et
deux autres avec les visiteurs. Présentons successivement les résultats.
Résultats des entretiens avec les gérants des maisons d’hôtes.
Rappelons que l’objectif assigné à cette étape est de savoir si l’expérience et ses contours
(stratégie expérientielle, environnement expérientiel,…) est présent chez les gérants, si ces
éléments sont délibérément pensés ou relevant d’une stratégie émergente. L’entretien a été fait
avec cinq gérants à Marrakech et trois à Fès (voir annexe 1).
Les résultats de l’analyse de contenu montrent que tous les gérants se soucient de la visite des
clients. Cet intérêt est montré dans la récurrence des mots "le plaisir", "divertissement".Nos
clients sont des personnes âgées, ils ont de l’expérience de visite des différents sites
1
Marrakech et Fès représentent 35% de nombre de lits pour maison d’hôtes.
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touristiques et destinations. Ils n’aiment pas fréquenter les hôtels et les clubs, ils viennent
souvent en groupe en général en couple. Ils cherchent le calme, le repos, le divertissement, le
plaisir de passer un séjour dans un endroit authentique, des produits artisanaux. Notre
démarche commerciale tient compte de ces éléments pour les enchanter et éventuellement
prolonger le nombre de nuitées chez nous, les amener à revenir, à parler positivement de
nous auprès de leurs proches et connaissances. Le visiteur est au centre d’intérêt du
personnel des maisons d’hôtes. Dans l’expérience que nous voulons faire vivre à nos
visiteurs, il y a plein d’éléments dont le plus important est la qualité de l’interaction avec
notre personnel. Ce dernier est empathique, bienveillant, serviable, gentils habillé
traditionnellement. Il a toujours envie de faire plaisir au visiteur. On considère nos visiteurs
comme des copains, comme des amis. Chez nous, la qualité de la relation prime.
Cette attention accordée au visiteur se justifie par la concurrence qui est de plus en plus
acharnée. "La concurrence la fois directe et indirecte est rude et demande à ce qu’on soit
attentif au détail des choses. Chez nous, on allie confort, simplicité et élégance. Comme toutes
les maisons d’hôtes, nous sommes fidèles au concept de maison d’hôtes.L’idée que nous
souhaitions faire passer à nos visiteurs et que notre maison est un site agréable, calme, à
l’écart du monde. Un lieu où s’évader, se déstresser, se ressourcer.
Les produits nostalgiques et authentiques constituent un avantage compétitif pour que
l’expérience client se passe comme souhaité par les visiteurs. "On utilise les produits locaux,
anciens et nostalgiques tels que les tapis traditionnels à l’entrée, thé marocain, peau de
mouton, de l’ours collé au mur, bougies dans les escaliers. Les repas servis dans des plats
fabriqués à base de l’argileont une signification et une singularité particulière. Pour créer
une ambiance cordiale, l’animation est faite sur la base de la musique purement marocaine:
la musique Gnawa, chaâbi, Andalousse, etlamusiqueberbère. Cette animation est faite
pendant les repas et le soir".Ces produits servent aussi pour mettre en scène le site d’accueil
et sa théâtralisation."Les produits nostalgiques permettent un voyage dans le passé. Les
produits servis pour la mise en scène de notre maison sont anciens et permettent des
réminiscences nostalgiques même s’ils n’ont pas directement participé au vécu de cet
évènement". Les produits nostalgiques font partie de la culture marocaine et servent en
conséquence à la mise en scène "Cette mise en scène permet de s’imprégner la culture
marocaine. Cette dernière est plurielle et riche".En effet, l’ouverture et la découverte de
l’autre culture sont souvent répétées dans les énonciations des interviewés. "De même,
nombre important de nos visiteurs recherche une ouverture envers la culture locale à travers
la dégustation de plats locaux, musique et ambiance locales. Nous tenons compte de tous ces
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éléments pour leur proposer une offre convenable". L’évasion et la découverte sont prisées
présentes dans le discours des gérants. "Nos clients qui sont des personnes généralement
âgées cherchent à passer du temps, s’évader la pression, à découvrir et une rencontre intime
avec une autre culture, d’autres modes de vie, ambiance locale, connaitre l’histoire de
l’autre".
Au total, selon les résultats, nous pouvons souligner que les dimensions et les composantes de
l’approche expérientielle sont présentes dans l’esprit des gérants de façon intuitive et
s’imposent à eux pour enchanter le client. Cette "stratégie" d’enchantement est envisagée un
dispositif inéluctable pour assurer la pérennité des maisons d’hôtes.
Résultats des entretiens avec les clients.
Les entretiens semi-directifs avec les clients ont été conduits au moment de leur arrivée dans
la maison hôte pour identifier leurs attentes quant à l’expérience attendue. La méthode de récit
de vie a été appliquée au moment de leur check out pour vérifier le degré de correspondance
entre l’expérience vécue, celle attendue et celle orchestrée par les gérants.
Attentes des visiteurs quant à l’expérience de visite
Une fois retranscrits, les entretiens ont fait l’objet d’analyses de contenu thématique et lexical.
Les mots "découverte", "évasion", "détente et repos" sont fort présents dans le discours des
visiteurs. Les résultats sont résumés dans le tableau suivant.
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découverte − Je cherche à découvrir la culture marocaine
− Je suis là pour découvrir un autre monde, une autre culture, d’autres modes
de vie.
− C’est important d’aller vers l’autre, connaitre son histoire, son passé, ses
habitudes.
Evasion
− Pour moi, c’est me dépayser, vivre des expériences différentes, riches et
extravagante
− Chercher des expériences hors du commun.
− Un vrai dépaysement, une aventure
− faire des choses inhabituelles, sortir de l’ennui, de la monotonie de tous les
jours
− Vivre des expériences différentes.
Détente
− Me reposer, me détendre,…
− Me ressourcer, Profiter de longues heures de soleil, la cuisine locale, Vivre
des traditions.
Expérience vécue par les visiteurs
Au moment du check-out, nous avons rencontré de nouveaux les personnes interviewées au
moment de leur arrivée, on leur a demandé de nous raconter leur séjour. L’analyse de contenu
fait ressortir les énonciations suivantes.
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− C’est une réelle évasion !!!
Surprise
− C’est extraordinaire, surprenant !!!
− Tout le monde est toujours émerveillé parce que déjà ça change pas mal
− C'est quelque chose de particulier
− Je ne m'attendais pas du tout à ça
− On est agréablement surpris
− c’est génial comme destination
Enchantement et Ravissement
− un plaisir de découvrir une culture ancestrale
− J’ai l’impression d’être une autre, j’en parlerais surement à mes amis et ma famille
− C’est extraordinaire, les gens sont ici sont plus courtois, chaleureux
− Je suis agréablement surpris de l’ambiance ici, comportements du personnel,
− La culture est originale ici, intacte, c’est authentique, nostalgique
− On était très bien accueilli, ça donne de l’envie de revenir
− J’ai envie de revenir dès que possible….
− J’étais super contente pendant mon séjour ici
− Un séjour inoubliable
− Un séjour de rêve
− Ambiance exotique à l’intérieur
− Riads bien meublées avec des articles traditionnels
− On dirait une maison qui remonte au 16ème siècle, partout des articles artisanaux,
Mise en scène
architecture très classique, toits en bois,…c’est agréable.
− Les matériaux traditionnels utilisés dans l’architecture et la décoration créent un
monde authentique où la vie se déroule paisible et sereine.
− Le décor est typiquement marocain avec ses carreaux de terre cuite au sol, ses
plafonds de plâtre magnifiquement sculptés à la main et les vitres de ses fenêtres
joliment colorées qui donnent sur des ruelles de la médina.
− Au centre la maison d’hôtes, une fontaine en marbre. le bruit de l’eauqui coule
imprègne l’atmosphère et te fait vivre des choses formidables, j’étais émue.
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Calme etdétente
− Un endroit calme où on peut se reposer, faire les grâces matinées, se ressourcer
− Calme absolu ! un endroit magique m'ont fait un bien inouï, accompagné d'un bon
bouquin, du chant des oiseaux et du jeu des chats, bruit de l’eau coulante d’une
fontaine. On a tout pour passer un excellent séjour
IV. CONCLUSION ET VOIES DE RECHERCHE
Nous rappelons que les recherches conduites sous l’angle de l’approche expérientielle ont été
entreprises dans les pays développés. Elles traitent le concept de l’expérience, son contenu et
sa nature ; ses déterminants et ses conséquences aussi bien pour l’entreprise que pour le
client.Cesujet n’a pas fait l’objet de d’études empiriques dans les pays en développement
notamment le Maroc. Nous ne pouvons pas négliger les pays émergents où vivent plusde 80%
des consommateurs et qui constituent de ce fait des pôles attractifs pour les investissements
étrangers. Dans ce cadre, la présente recherche vise àcombler ce manque dans la littérature.
De façon plus claire, l’objectif principal escompté est de vérifier si les gérants des maisons
d’hôtes des deux grandes villes touristiques du Maroc à savoir Marrakech et Fès prennent
conscience de l’approche expérientielle, ses objectifs, les stratégies expérientielles. Et si oui, y
a-t-il une congruence entre l’expérience voulue par l’entreprise, l’expérience attendue et
l’expérience réellement vécue par le visiteur.
Une étude qualitative basée sur les entretiens semi-directifs et les récits de vie a été
privilégiée. Les résultats montrent que la stratégie expérientielle est souvent émergente et
rarement délibérée chez les gérants. Pour pérenniser les maisons d’hôtes, les attentes des
visiteurs sont toujours mises en avant.
De par la spécificité de la clientèle des maisons d’hôtes, les visiteurs sont en quête de
l’évasion, la détente et la découverte. Ce sont des éléments relevés lors de l’arrivée des
interviewés de notre échantillon. L’expérience vécue par les visiteurs met en évidence les
éléments fondateurs de l’approche expérientielle dans les maisons d’hôtes : mise en scène,
ravissement et enchantement, surprise. Nous pouvons conclure que la démarche expérientielle
des gérants permet de répondre aux attentes des visiteurs.
Compte tenu de nos résultats, la problématique traitée auprès d’un échantillon non
représentatif au sens statistique du terme mériterait des approfondissements,notamment sur le
plan quantitatif. Ainsi, de futures études pourraient élargir la taille de l’échantillon et prendre
en compte les visiteurs des maisons d’hôtes de différentes villes du royaume. Il serait
judicieux de conduire une étude comparative entre les visiteurs des maisons d’hôtes, des
hôtels et des clubs.
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18
Annexe I - Caractéristiques sociodémographique de l’échantillon des gérants
Nom et Prénom
Maisons d’hôte
Ville
Riad Fès
Fès
Claudia Girou
Riad Adarissa
Fès
LeylaKettani
Riad Leyla
Fès
Patrick Armel
Riad Dar Demana
Marrakech
Nadia Florence
Riad Abracadabra
Marrakech
Phillipe Marcel
Riad Bab Marrakech
Marrakech
ChaimaeSenhaji
Riad Chaimae
Marrakech
Riad Tizwa
Marrakech
Emanuel Bouchet
Jean François
Annexe II - Caractéristiques sociodémographique de l’échantillon-visiteurs
Nom et Prénom
Situation familiale
Age
Profession
Nombre de nuitées
Mathieu Petit
marié
42
Notaire
5
Gilles François
Marié
45
Chef d’entreprise
7
Carola Nicolas
Divorcée
52
Cadre supérieur
6
Gervais Fontaine
Marié
61
Retraité
4
Christine Roux
Mariée
39
Médecin
7
Célibataire
42
Ingénieur
5
Robert Richard
Marié
65
Retraité
6
Olivier Morin
Marié
47
Avocat
4
Pascal Blanc
Marié
38
Commerçant
9
Maryem Bernoussi
Mariée
35
Dr. Marketing
7
Sara Alaoui
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