Presse : Le Courrier - accueil Théâtre Saint

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Presse : Le Courrier - accueil Théâtre Saint
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CULTURE
LE COURRIER
VENDREDI 11 MARS 2011
Jérôme Richer se met à nu
THÉÂTRE • Le metteur en scène présente à Saint-Gervais son nouveau
spectacle, sorte d’autoportrait intimiste d’une collectivité.
NICOLA DEMARCHI
Sur la scène, cloîtrée par un ruban de travaux en cours, ne
restent que quelques débris de
verres en plastic, un tapis, une
boule à facettes, quelques lambeaux de la manchette du spectacle. Tandis que les comédiens
avancent vers la sortie publique
en nous regardant droit dans les
yeux d’un air bienveillant. Je me
méfie de l’homme occidental (encore plus quand il est de gauche),
la nouvelle pièce de Jérôme Richer à l’affiche jusqu’au 26 mars
du Théâtre Saint-Gervais à Genève, ne laisse rien au hasard.
Pas même la sortie de scène.
L’ambition? Explorer, une
fois de plus, un lien inédit engageant scène, spectateur et histoire contemporaine. Le but?
Laisser le public avec des questions plein la tête et le cœur tout
chose. Soit un mélange de douceur et de politique, d’humain
et d’inhumain.
Ruth Childs et Mehdi Belhaouan dans une scène piquante de la nouvelle pièce de Jérôme Richer, intitulée
Je me méfie de l’homme occidental (encore plus quand il est de gauche). ISABELLE MEISTER
Pas «politique»
Créée dans le cadre de la résidence de Saint-Gervais (lire cidessous), la pièce n’a pourtant
rien de l’inquisition intellectuelle. Plutôt une mise à nu de la
conscience de cet homme occidental que nous sommes. Et
qu’est le metteur en scène Jérôme Richer: «Je me sers souvent
de moi comme objet d’étude
pour débusquer les contradictions de l’humain. J’ai décidé
pour ce spectacle de ne plus me
cacher derrière des personnages, mais de jouer de manière
très consciente avec ce que je
suis.» Voici alors disséquée cette
conscience qui justifie tout par
le compromis et inclinant très
naturellement à la contradiction.
Non pas une pièce «politique»
donc, mais faite en toute sincérité par un homme habité par la
politique et le rôle du théâtre.
Sous la forme composite et
frontale d’une variété déglinguée, les numéros de cette mise
à nu s’enchaînent. Autant de
scènes et monologues qui composent l’écriture fragmentaire de
cet «autoportrait pour troupe».
L’ouverture étant peut-être le
sujet le plus hétérogène de l’ensemble: le cas de conscience
d’une escort girl confrontée au
cynisme de notre système ban-
caire, qui avait fait la une des
journaux. C’est en effet surtout
à partir du deuxième fragment,
en misant sur l’autofiction, que
ce pari trouve sa cohérence.
Public interpellé
La scène s’habille alors d’autant de paysages, plus mentaux
que réels, où donner libre cours
aux ambitions, à la «colère d’ado
stupide et stérile», aux rêves et
aux désillusions de cet homme
occidental. Et cela sans éviter,
mais plutôt en exacerbant ça et
là, les clichés et la rhétorique qui
jonchent ce parcours périlleux
– comme un certain «moralis-
SAINT-GERVAIS, FABRIQUE DU THÉÂTRE
Une quinzaine d’auteurs, 7 compagnies, 32 spectacles, 21 tournées et près de 900 représentations.
Fondées par Philippe Macasdar lors de sa nomination à la tête du Théâtre Saint-Gervais, les résidences d’écriture (Résidence de création) et de
mise en scène (Résidence de projet), produisent
plein pot. Quinze ans plus tard, elles n’ont pas non
plus perdu leur rôle dans le développement d’un
projet. Comme pour la dernière pièce de Jérôme
Richer, composée et montée dans ce cadre avec
la Compagnie des Ombres. «C’est l’occasion,
confirme l’auteur, d’être dans la recherche pure,
d’éprouver le texte, de discuter avec les comédiens.» Une productivité et un suivi garantis à
l’avenir avec l’arrivée, dès 2012, de quatre nouveaux auteurs et compagnies de la région. NDI
me» inspiré ici par les images
choc de la prison d’Abou Ghraib.
Ou encore la mise en abîme
sciemment gênante de la relation scène-spectateurs lors de
séquences qui, par de longs silences, la vacuité de propos et
la provocation, créent les conditions pour susciter la réaction
de ces derniers. Sans oublier non
plus le point fort de l’opération:
l’exercice de l’autodéfinition, au
cœur d’une des scènes les plus
significatives et hilarantes.
Au final certes sincère, la pièce n’est pas aussi naïve qu’il n’y
paraît vu l’habileté à bluffer le
public, en lui donnant par moments l’impression d’être pris
en otage ou en le gratifiant de
monologues parfaitement poétiques – servie en cela par une
énergique et versatile Compagnie des Ombres. I
Je me méfie de l’homme occidental...,
jusqu’au 26 mars, Théâtre Saint-Gervais,
5 rue du Temple, Genève; me et je à 19h,
ma, ve et sa à 20h30, di à 18h, relâche di
13 mars et les lu. ☎ 022 908 20 20,
www.saintgervais.ch
Un «Orphée» sombre et très humain
OPÉRA • Le chorégraphe Mats Ek revisite le chef-d’œuvre de Gluck au Grand Théâtre de Genève.
«Puisqu’on peut avoir un si grand plaisir
pendant deux heures, je conçois que la vie
soit bonne à quelque chose», disait JeanJacques Rousseau à propos de l’Orphée et
Eurydice de Christoph Willibald Gluck. Le
célèbre chorégraphe suédois Mats Ek, pour
sa première mise en scène d’opéra, confirme
et conteste à la fois cette affirmation.
Il la confirme par le soin qu’il met à rendre
vivant et touchant chaque moment d’une
œuvre dont le rythme n’est pas a priori des
plus haletants. Grâce à une chorégraphie
subtile, il parvient à éviter tout statisme sans
jamais donner l’impression de gratuité. La
gestion des foules est exemplaire, non seulement dans les mouvements, mais aussi dans
la création de tableaux vivants. On n’oubliera
pas de sitôt la formidable scène des furies,
où mille être difformes surgissent et disparaissent dans des volutes de fumée, avant de
s’affaisser comme des insectes morts, vaincus par le chant d’Orphée.
Pourtant, il n’est pas certain qu’on ressorte du spectacle convaincus comme Rousseau que «la vie soit bonne à quelque chose»,
tant la vision du mythe qui s’en dégage est
pessimiste. Renversant l’image habituelle
d’un héros rayonnant, Mats Ek fait d’Orphée
un vieillard rongé par la solitude. Loin d’exalter le triomphe du Poète sur la mort, il cherche au contraire à illustrer un deuil.
Seul dans son fauteuil, derrière son journal, le vieil homme aspire de toute sa force
une ouverture alerte, diligemment menée
par Jonathan Darlington, suivie d’un premier chœur en demi-teintes superbes. Mais
il semble qu’on peine ensuite à imposer des
couleurs plus franches. Les chœurs, toujours
impeccables, manquent parfois de hargne.
L’orchestre, de même, est excellent dans la
veine élégiaque (merveilleux solo de flûte
du «Ballet des ombres heureuses»!), mais
reste trop poli aux moments les plus cinglants de la partition.
à retrouver l’épouse perdue. Il descend en
lui-même pour l’y chercher. Eurydice reparaît dans le salon d’Orphée, mais ce n’est
pas pour l’illuminer de son amour radieux;
au contraire, l’incommunication et le reproche larvé gèlent le feu des retrouvailles. Et si
Orphée ne parvient pas à regarder Eurydice, c’est à cause d’un enfermement dans la
routine plus que par la force d’un interdit
transcendant...
Ce déficit de force dramatique concerne
aussi l’Orphée d’Annette Seiltgen: son timbre
délicat fait merveille dans la déploration qui
suit la perte d’Eurydice, mais les lamentations du 1er acte manquent d’ampleur, notamment les récitatifs, dans lesquels la voix
manque de graves. L’Eurydice de Svetlana
Doneva, elle, chante très bien sans pour autant donner une consistance vocale particulièrement saillante à son personnage.
On a globalement l’impression d’une
sorte de sourdine générale, qui atténue l’ensemble des effets musicaux et met une distance entre la scène et le public. Dans ce
contexte, Clémence Tilquin tire joliment
son épingle du jeu, incarnant un Amour délicat et lumineux. CHRISTOPHE IMPERIALI
Il faut regretter que les aspects musicaux
ne s’élèvent pas tout à fait à cette même altitude. Les choses commencent bien, avec
Jusqu’au 19 mars au Grand Théâtre, 11 bd du Théâtre,
Genève. ☎ 022 418 31 30, www.geneveopera.ch
Billets en vente du ma au sa 10h-18h,
[email protected]
Une vision noire d’«Orphée». MATS BÄCKER
PRIX DU CINÉMA SUISSE
Romands favoris!
Vous avez suivi les César, voire
les Oscar, et pourquoi pas les
Quartz? Ces prix du cinéma suisse sont décernés pour la quatorzième fois samedi à Lucerne. La cérémonie est couverte
en direct dès 19h par La Première1 et dès 20h10 par la TSR,
qui diffuse aussi longs et courts
métrages helvétiques jusque
tard dans la nuit.
Parmi les 35 prétendants à
l’une des neuf distinctions en
jeu, trois longs métrages se détachent avec trois nominations
chacun: le film d’horreur alpestre Sennentuntschi de Michael
Steiner (sortie romande mercredi prochain), ainsi que les comédies Der Sandmann de Peter
Luisi et Stationspiraten de Michael Schaerer.
Suivent avec deux nominations Cosa voglio di più de Silvio Soldini et La Petite chambre
des Vaudoises Stéphanie Chuat
et Véronique Reymond – qui
se taille un joli succès en salles
(plus de 40 000 entrées à ce jour)
et représentait la Suisse dans la
course aux nominations pour
l’Oscar du meilleur film étranger.
Comme Ursula Meier (Home) en
2009 et Séverine Cornamusaz
(Cœur animal) en 2010, les deux
réalisatrices pourraient bien décrocher le Quartz de la meilleure
fiction, que les cinq films cités
se disputent.
Dans la catégorie documentaire, un Vaudois fait aussi figure
de favori: Jean-Stéphane Bron,
déjà lauréat du Prix de Soleure
pour son Cleveland contre Wall
Street. Il est toutefois en concurrence avec deux sérieux candidats du bout du lac: Aïsheen
[still alive in Gaza] de Nicolas
Wadimoff et Romans d’ados de
Béatrice Bakhti.
La comédienne genevoise
Isabelle Caillat est par ailleurs en
lice pour sa prestation dans All
that remains de Pierre-Adrian
Irlé et Valentin Rotelli, tandis
qu’un prix d’honneur sera remis
au Zurichois Marcel Hoehn,
producteur de Daniel Schmid
ou Christoph Schaub et des Faiseurs de Suisses de Rolf Lyssy.
MATHIEU LOEWER/ATS
1
Dimanche, toujours sur La Première,
les éditions de l’information présenteront le palmarès et l’émission Synopsis
proposera de 10h à 11h une analyse sur
les lauréats.
www.prixducinemasuisse.ch,
www.tsr.ch/fiction/2011/quartz
EN BREF
CONCERT, GENÈVE
Musique des îles à Pitoëff
Dimanche à Pitoëff, Yggdrasil vous emmène sur les Iles
Féroé. Cette formation qui mélange jazz et musiques traditionnelles inuites interprète les compositions du Danois
Kristian Blak, fondateur du groupe établi dans l’archipel
– terre volcanique sous souveraineté danoise située en
mer du Nord, entre l’Ecosse et l’Islande. MOP
Di 13 mars à 15h, Théâtre Pitoëff, 52 rue de Carouge, entrée libre
(chapeau à la sortie). Suivi de la piece Le Dîner de Babette, de Karen
Blixen, par le Théâtre de l’Epiderme.
DÉBAT, GENÈVE
La culture attire-t-elle?
«Quelle place tient la culture dans l’attractivité de Genève?» GenèveActive organise mardi 15 mars un débat
autour de cette question en compagnie du sociologue
Philippe Chaudoir, du directeur du Musée d’art et d’histoire Jean-Yves Marin et du conseiller administratif Pierre
Maudet. Animé par Jacques Magnol, le débat se tiendra
de 12h15 à 13h45 au Théâtre du Grütli. SSG
LECTURE, CAROUGE
Paris-Lisbonne par Dannemark
La librairie carougeoise Nouvelles Pages convie le public à un
cycle de trois lectures qui démarre demain avec Du train où
vont les choses à la fin d’un long hiver de Francis Dannemark
(Le Mag du Courrier du 22 janvier). Dans un train qui roule vers
Lisbonne, un homme fuit. En face de lui, une inconnue. Entre
Paris et le Portugal, au fil des heures, ils vont se parler. Les
deux autres lectures sont prévues le 28 mai et le 18 juin. MOP
Sa 12 mars 11h, librairie Nouvelles Pages, 15 rue St-Joseph, Carouge.
☎ 022 343 22 33, www.nouvellespages.ch
DANSE, LAUSANNE
Cent ans de danse en une heure
Lundi 14 mars, le chorégraphe et danseur Foofwa d’Imobilité parcourra au Théâtre Sévelin 36, à Lausanne, «La
danse au XXe siècle en 1h» (19h). Il y croisera démonstrations dansées, vidéos et éléments historiques. Il abordera ensuite «La transmission de la danse» à l’Arsenic
(20h30), pour poser notamment la question de l’enseignement du mouvement et de la chorégraphie. Dans les
deux cas: entrée libre, sans réservation. SSG
Sévelin 36, 36 av. de Sévelin, Lausanne. Arsenic, 57 rue de Genève,
Lausanne. www.arsenic.ch
MÉTAL À LAUSANNE
Kruger, 10 sur 10
Les Lausannois de Kruger, quatre albums et 300 concerts
au compteur, fêtent ce soir une décennie de pilonnage
«riffique» sur la scène du Romandie en compagnie
d’Abraham (le groupe local, pas le barbu en tunique) et
de Year Of No Light, excellente formation bordelaise de
post-metal bruitiste et atmosphérique. RMR
Ce soir, 21h, Le Romandie, 1a pl. de l’Europe, Lausanne. www.leromandie.ch