11 Décembre 1960 : Le jour où l`Aâquiba s`embrasa

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11 Décembre 1960 : Le jour où l`Aâquiba s`embrasa
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lundi 08 d�cembre 2014
11 Décembre 1960 : Le jour où l’Aâquiba s’embrasa...
PUBLIE LE : 11­12­2011 | 0:00
A propos des journées de décembre 1960, le journal El Moudjahid numéro 75 du 19 décembre 1960 a analysé ainsi cette période héroïque de fin d’année : «Les pages qui
suivent ne sauraient refléter toute la densité historique, tout l’héroïsme des journées de décembre… ».
Tout a commencé le 9 décembre, des membres du FAF (Front de l’Algérie française) ont attaqué, arme au poing, des commerçants algériens indociles au mot d’ordre de grève
lancé par les ultras. Ce sera l’étincelle qui déclenchera la colère de la population algérienne. Il gronde alors dans la ville une rumeur de liberté, d’insoumission et de révolte.
Des heurts entre Algériens et Français pieds­noirs émaillent certains quartiers d’Alger en cette journée du 10 décembre. L’après­midi même, au niveau du monoprix de la rue
d’Isly au centre du quartier européen, un groupe d’Algériens vient à s’affronter avec une bande de pieds­ noirs. Le scénario se répète un peu partout. D’autres incidents non
moins violents se produisent dans certains arrondissements, notamment à Hussein Dey, Belcourt, Champ de Manœuvre et Clos Salembier. La tension monte d’heure en
heure. Aux environs de 18 heures alors que le soir s’est installé, des dizaines de femmes et de jeunes filles, lançant des youyous, accompagnées d’enfants, se mêlent aux
hommes pour rejoindre les rues des quartiers dits européens. Ainsi, les colonnes de manifestants et manifestantes déferlent du Vieux Kouba, du Clos Salembier et de
Birmandreis empruntant les chemins du Ravin de la Femme Sauvage pour envahir les rues du centre d’Alger. Armés de barres de fer, de bâtons, de chaînes de vélo, les
manifestants scandent des slogans : « Algérie musulmane ! Abbas au pouvoir ! Libérez Ben Bella ! Lagaillarde au poteau !» Défiant toute autorité militaire, les Algériens
viennent occuper les rues. Vagues humaines portées par l’espoir, mettant à nu aux yeux du monde le malheur d’un peuple et six longues années de guerre.
Belcourt crie. Belcourt, par la voix de ces hommes et de ces femmes et surtout des enfants, se déchaîne contre le pouvoir colonial. Face à la foule excédée, hurlant son ras­le­
bol contre les exactions d’une guerre sans nom, des Européens usant de leurs pleins pouvoirs absolus n’hésitent pas, de leurs balcons, à tirer sur les manifestants. La tension
est à son comble. Belcourt devient le point nodal de la révolte algéroise. Les autorités militaires face au flux humain indomptable interviennent. Camions transportant des
gardes mobiles, des cars de soldats, véhicules blindés et chars se dirigent vers Belcourt. Bombes lacrymogènes, tirs à balles réelles ne dissuadent nullement la révolte urbaine.
La répression est sans merci. Puis, aux environs de 20h30, des flammes montent vers le ciel. Le dépôt central du Monoprix prend feu. Une nuit froide s’installe sur Alger,
alors que la population algérienne fébrile se donne rendez­vous pour le lendemain. Le mot d’ordre est donné. Les enfants de Décembre ne seront pas morts pour rien. De
retour dans leurs foyers, les femmes passent la nuit à coudre des emblèmes aux couleurs nationales, frappés de l’étoile et du croissant. Les hommes de leur côté
confectionnent des banderoles et des bannières et autres pancartes affichant des expressions contre la répression coloniale à l’exemple de : « FLN vaincra ! »
Dimanche 11 décembre, dès huit heures, des centaines de drapeaux «vert, blanc et rouge» sont brandis, flottant au vent alors que la marée humaine venue de tous les quartiers
«indigènes» investit les rues de la capitale. Tous les îlots de la «ville européenne» craignent d’être envahis par les Algériens. Les manifestants encore une fois se heurtent aux
soldats français et aux pieds­noirs armés qui leur bloquent le passage, empêchant un rassemblement massif. La Casbah prisonnière des barbelés, entièrement encerclée par
des contingents de soldats, se rebelle à sa façon : murs et parois de la vieille ville portent des slogans agressifs à l’occupation française. La journée du 11 décembre est
endeuillée par les fusillades à divers endroits de la capitale. Au Ruisseau, sont dépêchées des unités de parachutistes, particulièrement le 18e Régiment de Chasseurs
Parachutistes. Les «bérets rouges» n’hésiteront pas à tirer à bout portant sur les manifestants. Ce même 18 e RCP impliqué dans le putsch des généraux sera dissous le 30
avril 1961 quatre mois après les journées de décembre. A Bab El Oued, la place des Martyrs (place du gouvernement) au Climat de France, El Harrach (maison Carrée), de
tous les quartiers dits musulmans, les cris de « Algérie algérienne» sont scandés accentués par les youyous des femmes.
Le 12 décembre, un lundi, les manifestants enregistrent encore des morts dans leurs rangs. Oran, Constantine, Chlef (Orléansville) Blida, Cherchell, toutes ces villes n’ont pas
trahi les journées de décembre 1960 en se rassemblant autour de l’éveil massif des consciences et des mouvements de masse qui ont interpellé le monde sur un peuple ayant
soif d’indépendance. Un journal parisien, L’aurore, daté du 12 décembre 1960, rapporte en ces termes ce que furent les journées glorieuses de décembre : « C’est un spectacle
qui coupe le souffle. La rue Albin­Rozet, une ruelle de trois mètres de large… qui descend des hauteurs de Belcourt, semble prête à éclater sous la tempête qui se déchaîne.
5.000 musulmans sont entassés et brandissent des drapeaux vert et blanc à croissant rouge et des pancartes… « Référendum sous contrôle de l’ONU » «Algérie, indépendance
totale !»… Au premier rang, de jeunes gens lèvent le poing, derrière eux des jeunes juchés sur des épaules… contenant à grande peine ce déferlement, les CRS s’arc­boutent
l’air grave, stupéfaits.» Pétrifiés étaient les CRS devant cette explosion de colère, le plus important rassemblement populaire que n’a jamais connu à Alger depuis le début de
la guerre de libération. Voici cette phrase prémonitoire publiée par El Moudjahid dans son édition du 15 décembre 1957, et où Abane Ramdane avait écrit : « Le mouvement
de masse constitue un moment historique privilégié qui ne se reflète pas... il est l’aboutissement d’un processus irréversible dont on ne connaît pas la croissance.»
* remerciements à M. Rebah pour ses archives personnelles.
Lamia Nazim
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