En savoir plus - Orchestre national d`Île-de
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J_Onif•4 20/10/03 12 17:15 Page 12 ÉMOTIONS CHRONIQUE DE GOLLIWOGG l’étrange travail de pincer, de souffler, de taper toute sa vie sur ces cordes, dans ces tuyaux, sur ces peaux, peut-il prétendre donner une leçon de sérieux au monde si sérieux ? Un ingénieur-conseil, un employé de banque, un notaire, un courtier d’assurances, un informaticien, d’accord, mais l’enfant étrange qui un jour, parce qu’il a entendu la cloche de son village, un morceau de jazz dans un café, un violon tzigane dans un restaurant, ou vu passer la fanfare municipale et la splendeur des cuivres, a décidé de devenir percussionniste, corniste, altiste, tromboniste, etc., ne se redit-il pas sans cesse au fond de lui-même que son désir, que sa gloire, auront été de se consacrer à la plus belle chose du monde, la musique ? Un orchestre est une immense boîte à joujoux. Il conviendrait aisément, cet enfant étrange, cet enfant bizarre, que le plus bel instrument, le plus beau jouet, le plus luxueux, le plus difficile, le plus riche, le plus complexe, le plus agréable, le plus ingénieux, le plus étendu, le plus efficace, à la fois le plus diabolique et le plus divin, c’est justement l’orchestre. Et bien sûr, le petit garçon qui rêve d’être empereur ou roi (délire enfantin fréquent des petits garçons si l’on en croit Freud), aura envie de devenir chef d’orchestre, histoire de commander un peu cette armée sonore, pour s’apercevoir que ce n’est nullement un régiment, mais une étrange communauté d’êtres humains qui consentent, pour un temps et pour le plaisir, à suivre ensemble des ordres et des nombres. Une communauté inavouable, comme dit le philosophe. D’autant plus facile à caricaturer qu’elle vise au sublime. D’autant plus occupée à faire valoir ses droits qu’elle ne sert qu’à produire des sons. D’autant plus fragile qu’elle se voue au plus éphémère des arts. Mais d’autant plus indispensable que chaque orchestre garde dans ses instruments, dans l’apprentissage de ceux qui en usent et dans la mémoire de tant d’élèves formés par tant de maîtres, une quantité d’expériences artisanales aussi innombrables que celles des métiers anciens, et une sélection secrète de moments rares, uniques, inouïs, qui se sont transmis sans qu’on sache comment – silencieusement dirais-je. Oui, à un enfant, faites cadeau d’un orchestre ! Qu’il en soit l’apprenti sorcier ! Que les musiciens se réveillent la nuit pour défiler en fanfare dans sa chambre ! Qu’il en ait la tête assourdie ! Qu’il rêve d’enrichir l’univers de sons nouveaux ! Qu’il s’ajoute à son tour au chant des oiseaux ! « La personne frêle, délicate et presque immatérielle de Weber me charmait jusqu’à l’extase. Sa face fine, émaciée, aux yeux vifs et pourtant voilés souvent, me fascinait. Son pas fortement claudicant, que j’entendais sous nos fenêtres quand le maître rentrait à midi de ses fatigantes répétitions, symbolisait, dans mon imagination, le grand artiste et en faisait pour moi un être extraordinaire et surhumain. J’avais neuf ans quand je lui fus présenté ; il me demanda ce que je voulais devenir. Musicien peut-être ?… »1 Golliwogg 1 Richard Wagner, Ma Vie, tome 1, Trad . N. Valentin et A. Schenk, Plon. On retrouve là l’exaltation un tantinet naïve de Golliwogg, et qui n’engage que lui. À l’heure où tant de problèmes concrets se posent aux institutions orchestrales et artistiques en général, il est singulier de voir ce béotien y aller une fois de plus de son romantisme béat. Innocence ou inconscience ? [n.d.l.r.] LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW Carte P ass saison 2 00 3»4 Saison 2003»4 Abonnez-vous à l’Orchestre national d’Ile de France ! La Carte Pass vous permet, si vous choisissez un minimum de 5 concerts, de bénéficier d’une réduction : # de 10 € sur les concerts au théâtre Mogador et à la Salle Gaveau # de 5 € sur les concerts au Cirque d’HiverBouglione et l’église des Billettes # de 3 € sur les concerts à la Maison de l’orchestre à Alfortville La Carte Jeune permet aux étudiants et aux personnes de moins de 26 ans d’assister à 3 concerts de leur choix* pour 15 €. Brochures, renseignements et tarifs des concerts disponibles sur www.orchestre-ile.com ou au 01 43 68 76 00. * hors Cité de la Musique 13 Duo à coulisse Nous nous sommes entretenus avec Laurent Madeuf et Patrick Hanss, deux des trombonistes de l’orchestre. La place des trombones dans l’orchestre » Combien y a-t-il de trombones dans l’orchestre ? Qui est le 1er trombone ? Laurent Madeuf : Nous sommes tous les deux premiers trombones. Un second trombone vient d’être recruté. Il y a un troisième trombone qui est bientôt à la retraite. Le nombre de trombones va-t-il jusqu’à quatre ? L. M. : Oui, mais l’orchestre fonctionne généralement par trois. Cet usage nous vient de l’époque de Beethoven. Les trombones se divisaient entre l’alto pour le premier, le ténor pour le deuxième et le basse pour le troisième. On avait donc une famille complète d’instruments, comme les cordes (violons, altos, violoncelles et contrebasses). La musique du XX e siècle est souvent écrite pour trois trombones ténors. Patrick Hanss : Le trombone alto était utilisé à l’époque parce qu’il se rapprochait beaucoup de la voix humaine. Les trois instruments allaient donc de pair avec les voix d’alto, de ténor et de basse. À la Renaissance, Schütz par exemple recréait un dialogue entre les trombones et les chanteurs. Quelle place occupez-vous dans l’orchestre ? Est-elle variable ? Gênez-vous d’autres pupitres ? L. M. : Je comprends que les hautboïstes et les clarinettistes puissent être gênés par les cuivres, tout comme nous pouvons l’être par les timbaliers. Mais c’est un problème inhérent à la pratique même de l’orchestre. P. H. : Logiquement, le premier trombone et la première trompette sont placés côte à côte pour régler la justesse. Les cors sont généralement à la gauche des trombones. Le corniste solo fait le lien entre les cordes et la petite harmonie (c’est-à-dire les bois), il a un rôle très important. Il faut que les personnes qui jouent ensemble soient à proximité pour s’entendre au maximum. Ce n’est pas toujours évident de trouver la place idéale. L. M. : Changer la disposition ordinaire de l’orchestre dépend parfois de la lubie d’un chef d’orchestre. Laurent Madeuf La technique du trombone Jouez-vous d’autres instruments ? P. H. : Je joue également de la trompette basse, qui a une technique différente de celle du trombone puisque c’est un instrument à pistons. Les embouchures sont pratiquement identiques. L. M. : J’ai pratiqué la musique ancienne. Je joue de la sacqueboute, du cornet à bouquin et surtout du trombone XIX e siècle. Quelles sont les spécificités du trombone XIX e siècle ? L. M. : Les instruments ont évolué techniquement. Les violons ne sont Patrick Hanss plus barrés de la même manière. Les trombones sont aujourd’hui plus gros et plus complets puisqu’ils ont un double circuit qui permet de jouer toutes les notes sur l’instrument. Les trombones étaient utilisés de manière diatonique alors que maintenant, on les utilise de manière chromatique. Au XIX e siècle, les instruments étaient beaucoup plus simples, faits avec une toute petite perce et une facture moyenne. Le chef Emmanuel Krivine est en train de créer un orchestre où l’on pourra entendre des instruments d’époque. J_Onif•4 20/10/03 14 17:15 Page 14 LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW Vous avez une faveur particulière pour le trombone XIX e siècle? L. M. : Oui, je cherche à retrouver une sonorité. En se modernisant, l’instrument perd beaucoup de la richesse de son timbre. Il est impossible, par exemple, de prendre une partition pour sacqueboute et la jouer sur un instrument moderne. Les instruments étant tout petits autrefois, on pouvait aller très vite. Aujourd’hui, avec des instruments plus imposants, on ne gère plus l’air de la même façon. Existe-t-il plusieurs sortes de trombones ? P. H. : Des trombones à pistons ont été conçus au milieu du XIX e siècle. À cette époque est apparue une multitude d’instruments expérimentaux. Adolphe Sax, [le sax de saxophone] ingénieur, a mis au point une série d’instruments. Certains ont été utilisés par Berlioz pour être par la suite abandonnés parce qu’ils étaient inutilisables dans un autre contexte. C’est le moment où l’orchestre a pris toute son importance symphonique. On faisait des recherches pour trouver de nouvelles sonorités, pour changer le son de l’orchestre. L. M. : Les trombones à pistons sont rarement utilisés : la musique italienne s’en est servi… P. H. : et le jazz en fait encore usage actuellement. Et la coulisse ? Quelle est sa fonction ? Quelle est la rapidité des mouvements pour aller chercher des notes ? L. M. : C’est un principe acoustique : plus on allonge le tuyau, plus le son descend. Sur chaque position déterminée par la longueur du tuyau, c’est la loi des harmoniques qui joue : la résonance. Nous devons choisir la place du son, comme un violoniste. La note ne se joue pas automatiquement en appuyant sur un bouton ; il faut savoir exactement à quel endroit elle se trouve. P. H. : Ce n’est pas exactement comme un violoniste : sur chaque emplacement, celui-ci fait une seule note, tandis que nous pouvons faire plusieurs notes. Le trombone combine deux facteurs : la longueur de l’instrument varie quand on bouge la coulisse et la hauteur du son est fonction de la position des lèvres. Vous n’avez pas de anche comme les hautbois ? Comment apprend-t-on cette position ? (Laurent Madeuf imite le son du trombone) P. H. : Les anches sont nos lèvres. On apprend à en contrôler la dynamique, la force. L. M. : Il est plus facile de sortir des sons graves avec une embouchure. C’est la vibration des lèvres par le biais de l’air qui fait tout. Pour qu’il y ait un son, il faut qu’il y ait une vibration. Par exemple, quand on tape sur une cloche, le métal vibre. Si vous tapez sur le trombone, il ne vibrera jamais ! P. H. : L’embouchure récupère la vibration des lèvres, et l’instrument l’amplifie. Quelle est la tessiture d’un trombone moderne ? L. M. : Quatre octaves. Fa grave, contre Ut, c’est ce qui est utilisé habituellement pour un premier trombone ténor. P. H. : En général, c’est plutôt trois et demi. Nous mêmes en utilisons deux. Les trombones basses descendent plus bas mais montent moins haut et les trombones altos montent plus haut et descendent moins bas. Nous pouvons monter plus haut en modifiant le jeu, en faisant de l’équilibrisme, comme LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW dans le Voyage d’Hiver de Zehnder. C’est une pièce contemporaine. L. M. : Nous pouvons jouer de la musique arabe en quarts de tons et faire des glissandos continus sur trois tons ! Sacqeboute ténor du XVI e siècle. Le mouvement des bras est-il particulier au trombone ? L. M. : C’est le mouvement de la coulisse qui nous fait trouver les notes. P. H. : On a déterminé sept positions sur le trombone chromatique. Le jeu consiste à aller chercher la note à la position. Par exemple, le ré se trouve à la quatrième position. Pour un Do, on va à la sixième ou à la première position. Les études L’apprentissage du trombone est-il long et difficile ? L’instrument est-il lourd à porter ? P. H. : C’est un instrument qui est assez équilibré dans sa tenue, on en a une partie derrière et une partie devant soi. Le trombone n’est pas du tout déséquilibré vers l’avant. L. M. : J’ai débuté à 4 ans, il y a de petits trombones pour apprendre. Comment êtes-vous venus à cet instrument ? P. H. et L. M. : Par hasard ! L. M. : J’étais dans une ville, en Auvergne, où il y avait une fanfare. Mon frère y jouait du clairon et on m’a proposé le tuba. On m’a incité à commencer le trombone au conservatoire : l’instrument m’intéressait plus, il avait plus de possibilités. P. H. : Une petite école de musique s’est montée dans mon village en Alsace. On s’est mis au solfège pendant deux ans. Et un jour, autour d’une grande table, on a demandé à chacun : « Que veux-tu faire ? ». 15 Avec toutes les campagnes anti-bruit, on peut presque être condamné à la prison pour avoir joué du trombone chez soi. C’est pire pour les pianistes qui sont obligés de travailler huit heures par jour. Même à des horaires raisonnables, les gens n’acceptent plus… P. H. : Et pourtant nous devons trouver des solutions pour un entraînement quotidien ! Sacqeboute ténor du XVIII e siècle. Et c’est un entraînement physique ? Tombone moderne Mon camarade voisin a répondu par un mot que je n’ai pas compris et j’ai dit que je voulais faire comme lui ! C’était le trombone. Au début, on en avait un pour deux et comme c’était le fils du président de l’association, je n’avais l’instrument qu’une fois par semaine. Je ne suis jamais rentré dans un conservatoire et ai toujours continué dans cette école de musique. Je ne me destinais pas à en faire mon métier. L. M. : J’ai passé quatre ans en conservatoire de région et quatre ans au Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon. P. H. : J’ai commencé à 9 ans et suis rentré au CNSM de Lyon à 19 ans. J’ai intégré l’Orchestre national d’Ile de France à 22 ans et ai eu mon prix du CNSM à 23 ans. L. M. : On apprend aussi l’histoire de l’art et l’histoire de la musique en conservatoires. Lyon était pilote en la matière. Cela permet d’avoir une culture générale de la musique. Êtes-vous enseignants ? L. M. et P. H. : Oui, au conservatoire et à l’école de musique. L. M. : Ce n’est pas très courant de donner des cours particuliers. Le trombone est un instrument très populaire. Les gens n’avaient pas l’argent pour acheter des cuivres et se payer des cours. Il y a donc une tradition de ne jamais faire payer les cours particuliers. P. H. : On apprenait l’instrument et, en échange, on donnait son temps pour la fanfare. C’était un échange de services. Les fanfares disparaissent. A notre époque, c’était la seule activité possible alors qu’actuellement il y a une telle offre culturelle… Y a-t-il des grandes écoles de trombones ? Des grands trombonistes ? L. M. : Michel Becquet, qui est professeur au CNSM de Lyon, et qui dirigera le programme « Mille soleils » à l’orchestre en mars 2004, est un très grand tromboniste. L’école française est actuellement la plus réputée. Pratiquez-vous tous les jours ? L. M. : Oui, cela pose d’ailleurs des problèmes de voisinage ! Il faut choisir son lieu de résidence. C’est un instrument qui peut être très fort, même si on ne joue pas très fort en continu ! L. M. : Oui. Pour des concours, il m’est arrivé de travailler huit heures par jour ! Il faut fournir en plus un travail réfléchi pour arriver à transcender la performance. Le Boléro de Ravel par exemple est un concentré de difficultés. On joue dans l’aigu pour le thème principal puis on attend un quart d’heure sans rien faire. P. H. : C’est un travail à la fois psychologique et physique. Dans les symphonies de Chostakovitch par exemple, il faut travailler le souffle, c’est très physique. Il faut tenir la longueur. Quelle place tiennent les femmes dans le pupitre de trombones ? L. M. : Il y a très peu de femmes qui jouent du trombone : historiquement, c’est en effet un instrument qui était joué par les fanfares de mineurs et de militaires. Le répertoire Des origines à nos jours, qu’y a-t-il d’intéressant ? P. H. : À l’orchestre, on participe principalement aux programmes des XIXe et XXe siècles. L. M. : Il n’y a rien pour trombone au XVII e siècle, 3 cantates de Bach au XVIII e siècle pour un instrument qui se situe entre le sacqueboute et le trombone moderne. Mozart n’a utilisé 20/10/03 16 17:15 Page 16 LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW aucun trombone dans ses symphonies, sauf dans la musique religieuse parce que les trois trombones symbolisaient la franc-maçonnerie. Don Giovanni, La Flûte Enchantée et l’Enlèvement au Sérail comprennent des trombones. Il n’y avait donc pas beaucoup de trombonistes à l’époque ? P. H. : Les compositeurs ont toujours écrit pour les instrumentistes disponibles. En Allemagne et en Italie, il y avait beaucoup plus de trombonistes. La facture venait de Nuremberg pour ses nombreux trombonistes et cornettistes. En Italie, il y a aussi une musique écrite spécifiquement pour trombone : Gabrieli et Frescobaldi, les instruments s’y appelaient déjà trombones. C’étaient des « Posaunen » en Allemagne. L. M. : Dans les musées en France, on ne trouve pas de trombones français. En revanche, on a des textes, et notamment l’Harmonie Universelle de Mersenne [prêtre de l’ordre des Minimes et correspondant de Descartes]. Il parle du trombone dans son traité. Qui sont les premiers grands utilisateurs du trombone ? Weber, Beethoven ? L. M. : Il y a trois symphonies de Beethoven, mais la partie de trombone n’est pas très intéressante. P. H. : Le son de l’orchestre s’est étoffé avec Berlioz. Le père de Mozart, Léopold a composé un concerto pour trombone et orchestre. Il a ajouté à la main qu’en cas d’absence d’un bon trombone, cette partition pouvait être jouée par un altiste. La V e symphonie de Beethoven est très délicate du point de vue de la tessiture. On ne joue que dans le dernier mouvement. La difficulté vient du passage aigu qu’il faut donner à froid. Dans Brahms, il y a également beaucoup de trombones, c’est une musique beaucoup plus délicate. Et Wagner, Mahler, Bruckner ? P. H. : Wagner a beaucoup utilisé le trombone et la trompette basse dans ses opéras. Bruckner a écrit pour trombones et chœurs, en alliant le son du trombone et les voix. Nous avons joué des messes de Brückner et des symphonies de Brückner ou de Mahler. Qu’en est-il de la musique française et de la musique du début du XX e siècle ? P. H. : Dans la Mer de Debussy, ce que nous jouons est rarement mélodique et surtout harmonique. Le Concerto pour la Main Gauche de Ravel est très délicat. Il était un contemporain de l’éclosion du jazz en France. Nous jouons beaucoup dans le concerto pour violon « À la Mémoire d’un Ange » d’Alban Berg. L. M. : En musique contemporaine, LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW il y a une Sequenza de Berio pour trombone, des concertos de Nino Rota et de Rimski-Korsakov. Notre répertoire reste tout de même restreint ! La Symphonie du Jaguar de Thierry Pécou, jouée au Festival Présences en février dernier a beaucoup de trombones. P. H. : Stravinski utilise le trombone partout, ainsi que les compositeurs d’Europe de l’Est, comme Prokofiev, Chostakovitch ou Bartok : la musique a ce côté un peu spectaculaire. Dans l’ex-URSS, la musique était écrite comme une apologie au monde du travail, bruyant. Les trombones sont utilisés comme des décibels, comme dans Mossolov et Sviridov. L. M. : Et en musique de chambre, on a des quintettes de cuivres et des quatuors de trombones. Gabrieli a écrit des œuvres pour quintette et chœur. Partition de la V e Symphonie de Beethoven : entrée des trombones. 17 Le trombone à coulisse. Le trombone est-il utilisé couramment en jazz ? P. H. : Il est utilisé aussi couramment que la trompette. Quelques trombonistes utilisent le trombone à pistons pour sa vélocité. Ils arrivent à avoir la virtuosité de la trompette avec le son d’un trombone puisqu’un piston va logiquement plus vite que les coulisses. Le trombone à coulisse n’est pas fait pour des traits rapides. À quels instruments êtes-vous associés plus particulièrement ? P. H. : À tous les cuivres. Le premier trombone et la première trompette jouent souvent des accords et des phrases en parallèle. Il faut donc partir synchronisés. L’inspiration donne le tempo de ce qu’on va jouer et permet de partir ensemble. Plus on joue ensemble, plus on a l’habitude de partir ensemble. Quand un nouveau arrive, il faut qu’il fasse sa place. Il y a un temps d’adaptation. On arrive à anticiper quand on se connaît, on va à l’essentiel. La grande exigence d’un orchestre, c’est la souplesse. Le chef d’orchestre Qu’attendez-vous d’un chef ? Dans sa façon de diriger ? L. M. : Qu’il sache diriger ! Le chef d’orchestre doit transcender la musique, nous faire jouer tous ensemble, régler les problèmes de tempo, de cohésion et d’équilibre entre les différentes familles d’instruments. Il faut après qu’il soit musicien. Emil Tabakov et Ion Marin sont des gens qui connaissent leur métier. P. H. : Le chef d’orchestre doit avoir une idée. La partition doit en être un support. Si le chef ne comprend pas cette idée, l’interprétation de l’œuvre ne pourra pas se faire correctement. En cas d’absence d’idée, la place de chef d’orchestre lui sera illégitime. La musique ne respirera pas, elle n’aura pas de sens. Si je vous lis un superbe texte froidement, parce que je ne comprends pas le sens de ce qui est écrit, il perdra toute sa beauté. La qualité artistique compte autant que la qualité humaine. Comment exprime-t-il son idée ? P. H. : Pas par la parole. Nous avons joué la V e symphonie de Chostakovitch avec George Pehlivanian. Quand il est arrivé, il a joué toute la partition d’une traite. Puis, il a fermé la partition et a dit « Maintenant, on va travailler ». Il y a le chef qui s’impose par la force et celui qui s’impose par son talent. La musique doit se jouer naturellement, elle ne doit pas être trop éloignée du texte. On peut ainsi avoir la note beaucoup plus près. La facture instrumentale Quelle facture préférez-vous ? P. H. : La fabrication américaine est très bonne dans la conception du son. Ce sont les proportions de l’alliage qui font varier le son. L. M. : Je joue sur un trombone « Bach » en laiton : un mélange de cuivre, de zinc et d’étain. J’estime qu’il est d’une qualité supérieure. Il y a les trombones Courtois en France, Besson en Grande-Bretagne, et Yamaha au Japon. Un des grands facteurs d’instruments au XIX e siècle s’appelait Selmer. Notre instrument est notre outil. Il y a des innovations constantes dans sa fabrication mais il reste toujours fonction de l’instrumentiste. Propos recueillis par François Regnault et Gabrielle Seurrat Définitions J_Onif•4 Chromatique : Faisant l’emploi d’une succession d’altérations des degrés de l’échelle fondamentale (un demi-ton vers le grave ou vers l’aigu). Glissando : « Technique d’exécution qui consiste à réaliser une intervalle en glissant rapidement sur tous les sons intermédiaires. » (Science de la Musique. Bordas, Paris 1976)