vol en entreprise

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vol en entreprise
LA LETTRE DU TRANSPORT ROUTIER N° 1344 – 22/02/2015 - 28/02/2015
Fiche n°2-53
JURIDIQUE
VOL EN ENTREPRISE
ET FAUTE GRAVE DU SALARIÉ
LA LOI NE PRÉVOIT PAS DE DÉFINITION DE LA FAUTE GRAVE. CE SONT DONC LES
JUGES QUI, AU FUR ET À MESURE DU CONTENTIEUX EN MATIÈRE DE LICENCIEMENT
DISCIPLINAIRE, ONT ÉLABORÉ UNE DÉFINITION DE LA FAUTE GRAVE.
_Le cadre juridique
L’article L1222-1 du Code du travail, dispose que le contrat de travail doit être exécuté de
bonne foi, reprenant ainsi la disposition similaire de l’article 1134 du Code Civil qui dispose
que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » et
qu’elles « doivent être exécutées de bonne foi ».
Cette obligation implique, de la part du salarié, de s’abstenir, pendant l’exécution du
contrat, de tout acte contraire à l’intérêt de l’entreprise. Elle lui impose ainsi de se garder de
commettre un acte moralement et/ou pénalement répréhensible à l’égard de l’entreprise
et/ou de ses collègues, tel que tromperie, manœuvre indélicate ou frauduleuse.
De tels actes peuvent être, le cas échéant, constitutifs d’une faute grave de nature à
entraîner son licenciement immédiat.
_La définition de la faute grave
A SAVOIR
Le vol par un salarié de biens de
l’entreprise entraîne souvent des
poursuites. Mais l’employeur doit
obligatoirement apporter des
preuves, sous peine de voir sa
sanction qualifiée d’«injustifiée».
Aucune définition de la faute grave n’est prévue par la loi. Ce sont donc les juges qui, au
fur et à mesure du contentieux en matière de licenciement disciplinaire, ont élaboré une
définition de la faute grave.
La définition de la faute grave actuelle est la suivante : la faute grave s’entend d’une
violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail qui rend
impossible le maintien dans l’entreprise du salarié qui en est l’auteur, y compris pendant
une période de préavis.
_La caractérisation de la faute grave en cas de vol
Le vol constitue, d’une manière générale, une infraction pénale, réprimée par l’article
311-1 du Code pénal. Ce texte énonce que « Le vol est la soustraction frauduleuse de
la chose d’autrui ». Il est donc logique que le vol sur le lieu de travail soit en principe
considéré comme une faute grave. Ainsi, un détournement d’argent ou un vol de matériel
de l’entreprise seront généralement considérés comme tels, permettant le licenciement
disciplinaire du salarié.
Autrefois, la Cour de cassation admettait systématiquement le vol en entreprise comme
constitutif d’une faute grave : l’illustration la plus caractéristique en avait été donnée dans
un arrêt du 20 février 1986, où les juges avaient estimé qu’un salarié ayant volé une paire
de lacets dans un supermarché avait commis une faute grave.
Néanmoins, les solutions retenues se sont progressivement complexifiées.
_L’adoucissement de la jurisprudence sociale sur le vol
La Cour de cassation, dans sa jurisprudence dite de « la barre de chocolat » (arrêt de
la chambre sociale de la Cour de cassation, 19 mai 1993) a évolué en affirmant : « ne
constitue pas une cause réelle et sérieuse, encore moins une faute, l’écart d’un employé
de supermarché, comptant 15 ans d’ancienneté au service du même employeur, qui
s’est permis de soustraire une tablette de chocolat, d’en consommer quelques
morceaux avant de camoufler le reste derrière une boîte de conserve ».
LA LETTRE DU TRANSPORT ROUTIER N° 1344 – 22/02/2015 - 28/02/2015
Depuis, les juges affirment qu’il convient d’apprécier la gravité de la faute du salarié au
regard de l’exécution de son contrat de travail. Dès lors, pour apprécier la gravité du
vol commis sur le lieu de travail, l’employeur est tenu de prendre en compte un certain
nombre d’éléments :
• l’ancienneté du salarié dans l’entreprise ;
• la nature des fonctions exercées par le salarié ;
• le caractère isolé ou répété de la faute ;
• le préjudice subi par l’entreprise (caractère modique ou non de l’objet, ou des objets,
dérobés).
 Des évolutions notoires
En prenant en compte ces aspects du contexte, la jurisprudence de la Cour de cassation
a évolué en s’adoucissant progressivement. Ainsi depuis 1986, de nouvelles décisions sont
apparues :
• Dans un arrêt du 24 mai 2000, la Cour de cassation a cassé un arrêt de cour d’appel
au motif que celle-ci n’indiquait pas en quoi le vol d’un article d’une valeur très modique
(un couteau dans un supermarché) par un salarié ayant plus de 20 ans d’ancienneté
empêchait son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis. Ce faisant elle
considérait que tout vol n’est pas une faute grave.
• Dans le même sens, en 2008, conjuguant la modicité du vol, son caractère isolé et
l’ancienneté de la salariée sans aucune autre remarque, la Cour de cassation n’a pas
reconnu le caractère de faute grave pour le vol d’une pizza par une caissière qui avait
sept années d’ancienneté dans l’entreprise (Cour de cassation 29 janvier 2008).
Cependant, malgré l’évolution de la jurisprudence sociale concernant le licenciement
pour vol, même de faible importance, le vol au préjudice de l’employeur peut encore
entraîner un licenciement pour faute grave.
À titre d’illustration, dans un arrêt du 5 mai 2011, la Cour de cassation a validé la décision
d’une Cour d’appel qui avait décidé que le comportement d’un conducteur qui avait
à plusieurs reprises commis des vols de carburant aux dépens de son employeur rendait
impossible son maintien dans l’entreprise et constituait, en droit du travail, une faute
grave, et ce alors même que les pouvoirs publics avaient décidé de ne pas poursuivre la
personne sur le plan pénal.
_L’attitude de l’employeur en cas de vol dans l’entreprise
Dans ce type de litige, les décisions tendent globalement vers un adoucissement des
positions judiciaires à l’égard du salarié : les juges ont une appréciation au cas par cas
de la gravité de la faute, en fonction de différents éléments : ancienneté, âge, absence
d’antécédents. En conséquence, il appartient à l’employeur d’être prudent avant de
réagir : il doit examiner scrupuleusement les circonstances de fait afin, autant que possible,
de réduire les risques d’un futur contentieux.
En d’autres termes, les juges veillent à examiner, en cas de contentieux, la proportionnalité
entre les faits reprochés au salarié et la réaction de l’employeur (rupture du contrat de
travail). Ce principe de proportionnalité a pris une importance considérable dans les
positions de la Cour de cassation depuis plusieurs années.

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