Les espoirs déçus de l`Union du Maghreb Arabe
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Les espoirs déçus de l`Union du Maghreb Arabe
Les espoirs déçus de l’Union du Maghreb Arabe Que reste-t-il aujourd’hui du Maghreb mythique des Fatimides et des Almohades ? Du Front de Libération du Maghreb Arabe ? À l’heure de la mondialisation, alors que la nouvelle économie internationale entraîne une intégration commerciale régionale accrue, où en est le Maghreb ? Face à l’ALÉNA, l’UE, le MERCOSUR, ou encore l’ASEAN, l’UMA, l’Union du Maghreb Arabe, fait bien piètre figure. Et elle en paie un prix fort : les divisions politiques ont un arrière-goût de désunion économique, sociale et culturelle… JIHANE LAMOURI candidate à la Maîtrise en études internationales Université Laval [email protected] Mais à quoi bon revenir sur la persistance des contentieux politiques quand les chiffres parlent d’eux-mêmes ? Quand il suffit simplement de constater pour « démontrer » l’absurdité de la situation : pourquoi les voitures Logan, par exemple, commercialisées en Algérie, sont-elles fabriquées en Roumanie alors que Renault possède une usine d’assemblage au Maroc ? C’est qu’au Maghreb, le commerce interrégional ne représente que 3 % des échanges. Un chiffre qui contraste avec les 70 % du commerce extérieur consacrés à l’Union européenne. Le volume des échanges et des investissements régionaux dans l’Union du Maghreb arabe sont ainsi parmi les plus faibles au monde. Selon Fayza Ghozali, ce n’est ni plus ni moins « cent milliards de dollars supplémentaires par an (…) que gagneraient les économies du Maghreb à l’horizon 2015 si leurs pays cessaient de se regarder en chiens de faïence et décidaient enfin de coopérer » (Jeune Afrique, Les milliards perdus de la désunion). Toujours selon le même article, la Banque Mondiale a estimé qu’une « pleine intégration économique de la sous-région permettrait une hausse importante du PIB de chacun des pays, de 24 %, 27 % et 34 %, respectivement pour la Tunisie, le Maroc et l’Algérie, entre 2005 et 2015 ». Le manque de coopération et de dialogue entre les pays du Maghreb contribue à entretenir la sous exploitation des potentialités de chaque pays. Comment ne pas déplorer un tel gâchis économique, alors que le chômage des jeunes dans la sous région touche 37 % de la population au Maroc, 66 % en Algérie et 68 % en Tunisie ? Rarement dans l’histoire, le Maghreb a été unifié : celui des Fatimides du Xe siècle et de la dynastie berbère des Almohades du XIIe siècle sont désormais un couchant imaginaire… Et quand bien même, des siècles plus tard, le Maghreb semble s’unir pour les indépendances, c’est essentiellement la pression du joug des puissances coloniales qui fait office d’élément fédérateur. Roger le Tourneau relativisait déjà à l’époque la pertinence de « l’idée d’unité nord-africaine », qui, avant d’être un idée constructive (…) s’est surtout manifestée comme réflexe de défense »…Trente et un ans après la conférence de Tanger de 1958, première expression d’un rêve d’unité maghré- bine très vite avorté, Nouakchott, Rabat, Alger, Tunis et Tripoli signaient pourtant l’Accord de Marrakech. Les premiers articles évoquent ni plus ni moins la « fraternité », « le progrès », « la paix », et la « libre circulation » et définissent trois principaux axes à développer : un volet politique, économique et culturel. Mais la chimérique unité arabe a bien vite cédé le pas à la logique de l’intérêt national. D’ailleurs, pourquoi une union « arabe » ? La diversité culturelle du Maghreb contiendrait-elle des ferments de division ? N’est-ce pas plutôt en elle que réside la richesse de cette région ? L’inépuisable question du Sahara occidental s’est également très vite élevée comme un obstacle à l’unité maghrébine. Le contentieux marocain-algérien apparaît aux yeux de certains observateurs comme un prétexte pour le « leadership régional ». Ainsi, les États maghrébins ne peuvent s’en prendre qu’à eux mêmes : à certains égards, la Tunisie et le Maroc semblent plus intéressés à approfondir leurs liens avec l’UE. Il n’en demeure pas moins que leur plus grand partenaire économique se garde bien de les encourager à s’unir : en effet, l’absence de l’UE dans le projet maghrébin est notable. Ne serait-ce que pour des raisons économiques, l’Union apparaît comme une question de survie. Une grande partie du commerce mondial s’inscrit dorénavant dans les aires d’intégration régionale. Ainsi, les relations commerciales de l’Union Européenne, de l’ASEAN et du Mercosur sont respectivement à 60 %, 22 % et 19 % régionales ; celles de l’UMA atteignent seulement les 3 %... L’enjeu est de taille pour les économies et les sociétés maghrébines dont la désunion les rend tous les jours un peu plus vulnérables et marginales au sein de l’économie mondiale. Sans compter que www.regardcritique.ulaval.ca A se fier à l’expérience européenne, on peut voir l’Union du Maghreb Arabe sous un angle optimiste : qui aurait cru, au sortir de la Seconde Guerre mondiale que la coopération, puis l’intégration économique, prendrait le pas sur les tensions politiques historiques ? Selon l’analyse de Jacques Tenier « Les intégrations régionales, de niveau continental ou sous-continental, offrent aujourd’hui le meilleur gage d’une organisation politique à la hauteur de l’action économique ». Encore faut-il que les projets politiques des gouvernements maghrébins aient à cœur le développement économique et humain de leur pays. WWW.MAGHREBARABE.ORG Réunion de femmes et hommes d’affaires avec le Secrétaire général de l’UMA, Habib Ben Yahia (au centre), en mars 2010. 20 le processus d’intégration européen à l’Est a affecté considérablement les relations économiques entre les deux rives. Plus le Maghreb sera désuni, plus son pouvoir de négociation avec l’Union Européenne sera faible. L’Union le ferait gagner en crédibilité et lui permettrait de faire valoir ses intérêts propres. Aux liens asymétriques MaghrebEurope, les Maghrébins doivent répondre par l’intégration et la coopération Sud-Sud, enjeu fondamental du développement. Mais il n’est pas question pour le Maghreb de s’unir pour mieux se dresser contre l’Europe : l’union maghrébine ne constitue-telle pas en elle-même un préalable à tout projet euro-méditerranéen comme l’Union pour la Méditerranée ? Et cette union ne doit pas seulement se réaliser dans la perspective de l’Europe seule, le Maghreb doit relever son propre défi. Pris séparément, les marchés domestiques maghrébins sont fragmentés, alors qu’ils représentent un marché potentiel de 75 millions de consommateurs… On se rappelle de l’engouement des investisseurs étrangers vers les pays d’Europe centrale et orientale à la veille de l’adhésion à l’Union européenne. D’un coup, ces pays présentaient de nouvelles perspectives et potentialités. Volume 5 - Numéro 3 - Octobre 2010