Présentatoin du livre "La Soie au Fil du Temps"

Transcription

Présentatoin du livre "La Soie au Fil du Temps"
Tassinari
Chatel
La soie au fil du temps
Les grands prédécesseurs
Camille Pernon
Biographie succincte de
Camille Pernon (1753-1808)
Le nom de Camille Pernon est indissociablement lié à la soierie
lyonnaise tant fut grande sa notoriété en France et à l’étranger à la fin
du XVIIIe et au début du XIXe siècle. On ne peut cependant passer sous
silence ses aïeux, qui, déjà, travaillaient la soie. En effet, Camille Pernon
faisait état en 1789 à l’intendant du trésor royal, de la fondation de son
affaire vers 1680 par Louis Pernon, tisseur de drap d’or, d’argent et de
soie. Son grand-père, Claude Pernon (1681-1760 ?) fut reçu maître en
1710. Recteur de la Charité en 1735 il acheta peu après une charge de
conseiller secrétaire du roi près de la Cour des Monnaies de Lyon. Il est
intéressant de noter qu’il fut un des rares à soutenir le métier mécanique
de Vaucanson ; métier qui eut très peu de succès. Claude Pernon eut sept
enfants, dont les plus célèbres sont Louis et Étienne, ce dernier étant
le père de Camille. Louis, quoique nommé maître en 1746, s’occupa
peu de l’entreprise de son père, car, député du commerce et trésorier
général des troupes de la Maison du roi, il était peu présent à Lyon.
On lui prête une aide efficace à l’exportation, mais peu d’effet auprès
de Pierre-Elisabeth de Fontanieu, intendant du Mobilier royal de 1767
à 1784. Quoique très proche des sculpteurs et des artisans, il ne passa
jamais commande de soieries à la maison Pernon, pour des raisons
encore inexpliquées. Sa famille était propriétaire de cette charge depuis
trois générations. Fontanieu vend cette charge à Marc-Antoine Thierry
de Ville d’Avray en 1783, qui restera intendant du Garde-Meuble de la
Couronne jusqu’en 1792, date à laquelle il fut massacré à la prison de
Livre des Commissions,
débuté en janvier 1791,
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Les grands prédécesseurs
Portrait tissé de Camille Pernon
avec la mention : Fondateur en 1762 de
la Manufacture de soieries
de Chatel et V., Tassinari
Détail de la tenture dite
Aux colombes
Commandes pour la Russie
Une longue tradition a lié la Cour de Russie et la Maison Pernon, qui
bénéficia de commandes très importantes. Il faut garder à l’esprit que
de 1780 à 1792, Pernon fut nommé Agent de Sa Majesté l’Impératrice
de toutes les Russies. La Russie lui resta toujours fidèle, malgré la fourniture de soieries de la manufacture de Koupavino près de Moscou.
Dans un texte intitulé Idées sur le commerce français en Russie par
Camille Pernon commerçant de Lyon Pernon écrit : La France a des
productions nécessaires à la Russie, la Russie en a d’essentielles à la
France. Le commerce de ces deux états est donc fondé sur un intérêt
réciproque. Ainsi Camille Pernon avait réfléchi à des accords commerciaux entre la Russie et la France. Un agrément fut signé en 1787 dans
ce sens entre les deux pays. Malheureusement la Révolution française
arrêta ces échanges. Cependant Camille Pernon poursuivra ses activités
avec l’aristocratie russe.
Catherine II avait connu par Voltaire, vers 1770, l’existence de
Philippe de Lasalle, qui tissa pour elle son portrait et d’autres soieries.
D’après les recherches de Tatiana Lekhovich 4, les relations de Camille
Pernon avec la Russie datent du début 1780. Il est intéressant à ce
sujet de rappeler une correspondance de février 1780 de son propre
père, Etienne, lui faisant part des difficultés rencontrées avec les teinturiers pour fournir la soie destinée à tisser un velours de 17 couleurs
d’une aune de large pour l’Impératrice de Russie… Ce velours posait
des difficultés techniques, puisqu’il s’agissait d’un velours chiné (à la
branche) fond blanc rebrodés en chenille sur velours satin gerofflé
herborisé blanc. La question fut malgré tout réglée et le velours fut
terminé en octobre 1781.
Il convient de citer les soieries exécutées en 1780 aux motifs du
paon, du faisan et de la perdrix. Il s’agit de la première livraison de
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Les grands prédécesseurs
Tenture dite Aux colombes
de Philippe de Lasalle
vers 1773, pour les palais
de Catherine II de
Russie. Patron TC 856
Nouvelle suitte de cahiers arabesques chinois à l’usage des dessinateurs et des peintres. Inventés et dessinés par Jean-Baptiste Pillement.
Gravés par Anne Allen, Planche n°5 et 7 de J.Pillement (1719-1808)
Nouvelle suitte de cahiers arabesques chinois à l’usage des dessinateurs
et des peintres. Inventés et dessinés par Jean-Baptiste Pillement.
Gravés par Anne Allen, Planche n°3 et 4 de J.Pillement (1719-1808)
Jean-Baptiste Pillement est un
excellent décorateur de paysages, de
marines, de figures et d’ornements
chinois ; ces derniers seront repris
par les manufactures de soie et
d’indiennes. Les archives de la maison
Tassinari et Chatel ont conservé
un recueil, malheureusement
Tassinari
Chatel , La soie au fil du temps
incomplet, intitulé Fleurs, oiseaux
et fantaisies par J. Pillement. On
y trouve des dessins de paysages
chinois, qui ont très probablement
inspiré des lampas tissés par cette
maison (patrons TC 10135 et TC
10140).
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Les grands prédécesseurs
Camille Pernon sous le Consulat
Bordure brochée, Cabinet du
Premier consul au palais de SaintCloud en 1803. Patron TC 1597
Comme cela a été évoqué dans le chapitre consacré à la biographie de
Camille Pernon, ce dernier a reçu de nombreuses commandes émanant
du général Duroc, un proche du Premier consul Bonaparte (le Mobilier
impérial se substitue à Duroc sous l’Empire). Ces commandes concernent
essentiellement le palais de Saint-Cloud, que Napoléon affectionnait
tout particulièrement. Très proche de Paris, il lui convenait mieux
que les Tuileries et Versailles. C’est surtout sous l’Empire qu’eurent
lieu les grands aménagements concernant les autres palais impériaux,
comme Compiègne, Fontainebleau, les Trianon, etc. Sous le Consulat,
Napoléon s’est efforcé de relancer le tissage lyonnais, mis à mal par
les événements survenus pendant la Révolution. La ville de Lyon
s’était rebellée contre la Convention, la répression fut féroce. Deux
mille métiers à tisser disparaissent… Les métrages commandés par
le général Duroc dépassent largement les besoins concernant les palais
de Saint-Cloud, Tuileries et Versailles, mais c’est la volonté du Premier
consul de faire travailler la Grande Fabrique, à la fois pour combattre
la misère, mais aussi pour favoriser une industrie de luxe, à la gloire
de l’empire français. Un grand nombre de ces tissus seront employés
sous l’Empire, la Restauration et même plus tard. Pour simplifier
la présentation, nous évoquerons ces étoffes à l’époque où elles ont été
produites. Lors de la restauration des musées, après la Seconde Guerre
mondiale, un grand nombre de ces tissus seront retissés, notamment
par la maison Tassinari et Chatel.
Bordure des rideaux de
la Salle du conseil d’état
au palais de Saint-Cloud.
Patron TC 1598
Bordure du Grand Salon
au palais de Saint-Cloud.
Patron TC 1598
Dos de chasuble
richement décoré
de rinceaux avec
au centre l’Agneau
mystique. Dessin
à la plume, Musée
de Fourvière, fonds
Tassinari et Chatel T6
Paramentique
Les vêtements liturgiques au XIXe siècle.
Projet de patron de
chasuble (au dos,
non représenté,
les armes du pape
Grégoire VI).
Dessin à la plume,
Musée de Fourvière,
fonds Tassinari
et Chatel T127
Après un siècle des « Lumières » peu tourné vers
les très beaux ornements religieux, le XIXe siècle ouvre
une ère fastueuse dans ce domaine, aussi bien pour
les représentants de l’église que pour les artistes et
les maisons de tissage et de broderie de haut niveau.
Dès 1805, la réorganisation de l’Église de France, grand
mouvement suscité par Chateaubriand, est en quelque
sorte un point de départ. Dans la période 1840-1853,
la liturgie romaine réunifiée est une renaissance des
rites marquée par deux évènements : l’instauration du
dogme de l’Immaculée Conception par le pape Pie IX
en 1854 et la tenue du concile du Vatican en 1869 avec
l’assistance de tous les évêques français.
Quels sont les artisans du renouveau ? Dom
Guéranger restaure l’ordre de saint Benoît et la vie
monastique à Solesmes. Les vêtements liturgiques
présentent des formes primitives confectionnées en
tissu léger. Auguste Pugin (né à Londres en 1812),
converti au catholicisme, édite en 1844 un glossaire
sur les ornements et costumes ecclésiastiques. Arthur
Martin, jésuite (né à Auray en 1801), rassemble un
nombre considérable d’objets sacrés et étoffes publiés
dès 1847 dans les Mélanges archéologiques. Il est aussi
l’auteur avec l’abbé Cahier d’un ouvrage célèbre, les
Vitraux de Saint-Étienne de Bourges. Enfin, il convient
de citer Franz Bock, chanoine de la cathédrale de
Cologne, grand collectionneur de tissus médiévaux.
Le style néogothique l’emporte largement. Paris et
Lyon se partagent le marché du vêtement liturgique.
À Lyon, on note deux cent quatre-vingt-huit maisons
confectionnant ces vêtements. Cette ville exporte une
grande partie de sa production, car le diocèse est
Dessin montrant les deux faces
d’une chasuble avec décor de
guirlandes de roses, grappes et
épis de blé. Musée de Fourvière,
fonds Tassinari et Chatel T8
Détail du dos d’un pluvial avec
tête de saint. Collection particulière
136
Les Tassinari et Chatel
à la fin du XIXe siècle
Les principaux collaborateurs de Tassinari et
Chatel, à l’occasion du dîner
d’inventaire annuel en 1911
Brocart liturgique vers 1865,
Patron TC 4017
Pierre Yantorny (1874-1936)
Pierre Yantorny, né en Italie en 1874, n’alla que six mois à l’école
avant d’être ouvrier dans une usine de macaronis à l’âge de huit ans.
À douze ans il fait son apprentissage de bottier à Naples, puis à dix
sept ans il se rend à Paris. Gagnant mal sa vie, il est obligé de faire la
vaisselle dans les restaurants… Il va apprendre le métier de formier
à Londres puis revient ouvrir une boutique à Paris, rue du Faubourg
Saint-Honoré, avant de s’installer comme bottier place Vendôme. Pour
mieux se faire connaître, il affiche dans sa vitrine, mais aussi sur ses
factures et son papier à lettres une formule lapidaire : « Le bottier le
plus cher du monde ».
Dans les années vingt, le succès couronne ses efforts et récompense
son talent. Sa clientèle est composée de femmes riches et élégantes.
Très original, il se rend à Bombay, puis au pied de l’Everest afin de se
recueillir ; il devient alors végétarien et méditatif. Sans jamais aboutir,
il a voulu créer une nouvelle école de cordonnerie, ainsi qu’un musée de
la chaussure. Ses vœux seront exaucés, puisque nombre de ses chaussures sont exposées au musée de la ville de Romans et au Metropolitan
Museum de New York.
Il laisse le souvenir d’un grand artiste et d’un grand professionnel
sachant employer différentes matières pour décorer ses produits, notamment des plumes ou des brocarts. C’est ainsi que la maison Tassinari
et Chatel lui fournit des soieries à décor dentelle (patron TC 4971) ou
un lampas aux fleurs très stylisées (patron 6996).
Lampas au décor ancien, utilisé par Yantorny
entre 1921 et 1932. Patron TC 4971
Marque de fabrique de la société
Trévoux Frères intitulé Le Côteau
de Fourvières. Satin broché réalisé
par Tassinari et Châtel en 1872
Les autres productions
Marques de fabrique
La maison Bonnet fondée en 1810 par Charles-Joseph Bonnet, spécialisée d’abord dans la préparation des soies, devint une des plus grandes
maisons lyonnaises de production d’unis, puis de façonnés à partir de
1880. En 1 871 elle commande à Tassinari et Chatel au moins 1 000
exemplaires de marques de fabrique. En effet, il était devenu indispensable de donner aux étoffes des signes distinctifs. Une réglementation
vit le jour en 1883. Il convient de distinguer les lisières des tableaux
tissés, qui apparurent en 1870. Ces dessins et marques étaient déposés
au Tribunal de Commerce afin de se protéger des éventuelles contrefaçons. Le Livre des patrons de la maison Tassinari et Chatel montre
qu’elle a travaillé pour beaucoup de confrères. La mise en carte était
réalisée suivant le procédé Berclé donnant plus de satisfaction pour ce
type de tissage.
Les principales réalisations concernent les maisons C.J. Bonnet
avec un décor de cavalier et de cheval, intitulé le Cheval (patron TC
4329), C. Ponson avec le Lion (patron TC 4330), Tapissier Fils Debry
avec le Navire (patron TC 4334). Il faut aussi citer le Griffon pour
Cochaud de Boissieu (patron TC 4357) (à ce propos la maison Tassinari
a toujours comme marque de fabrique un griffon surmontant un globe),
une Renommée pour la maison Jaubert, Lions et Audras (patron TC
4360), enfin le très bel éléphant pour Johnson (patron TC 4360). Il y
en a encore beaucoup d’autres que l’on ne peut citer 11.
Lampas aux fleurs très stylisées dans
un décor géométrique, utilisé par
Yantorny en 1922. Patron TC 6996
165
Les Tassinari et Chatel à la fin du XIXe siècle
Histoire succincte du tissage
Tissage de la soie de Louis XI à nos jours
Afin de réduire « la grande vuidange d’or et d’argent », occasionnée
par l’achat de soieries italiennes, Louis XI en 1466 évoque la possibilité
de créer à Lyon une industrie de la soierie. Les Lyonnais ne sont pas
très enthousiastes et préfèrent rester des négociants. Poursuivant son
projet, le roi fait envoyer à Tours les dix-sept Italiens et leur matériel,
que les Lyonnais ne voulaient pas financer. C’est ainsi que se crée à
Tours un centre de tissage de la soie. En 1515 les tisseurs tourangeaux
fourniront les ornements pour le Camp du Drap d’Or.
Heureusement pour la ville de Lyon, François Ier, en 1536, favorise une véritable activité de tissage de la soie en accordant à ses
habitants les mêmes privilèges que ceux accordés à deux Piémontais
venus s’installer dans la région. Dès 1540 Lyon obtient le monopole
de l’importation des soies grèges, c’est-à-dire des soies brutes. Cette
ville est particulièrement bien placée par sa proximité avec l’Italie, très
en avance sur le tissage de la soie, et de tous les métiers connexes. Le
développement lyonnais est très rapide, puisque l’on compte, treize ans
après, douze mille personnes vivant du tissage. Pendant longtemps ce
seront de petits ateliers indépendants. Mais la profession s’organise
dès la fin du XVIe siècle.
Au début du XVIIe siècle, les premiers métiers « à la grande tire »
sont montés par Claude Dangon, métiers sans doute importés d’Italie.
Les règlements institués par Colbert dès 1667 structurent la profession
des fabricants, mais aussi celles gravitant autour. C’est la création
de la « Grande Fabrique ». Les commandes royales sont importantes et contribuent au développement des soieries françaises et à
leur notoriété. Malheureusement la révocation de l’édit de Nantes en
1685 va conduire un certain nombre de tisseurs protestants à s’exiler.
Ils seront à l’origine de la concurrence des Anglais, des Allemands ou
encore des Suisses.
197
Histoire succincte du tissage
Métier à tisser à bras. Sur le dessus du bâti
on peut distinguer la mécanique Jacquard,
qui permet de lever les simples donnant
ainsi la possibilité, en fonction du décor,
de faire passer le fil de trame approprié
À gauche : Lampas Les quatre éléments L’eau, au décor d’organismes marins sur fond vert d’après un dessin d’Yvonne Clarinval de 1923 (voir gouache en page 250). Patron TC 9713.
À droite : Lampas Les quatre éléments L’Air au décor d’oiseaux et de papillons sur un fond bleu et de nébulosités blanches d’après un dessin d’Yvonne Clarinval de 1923. Patron TC 9720
Yvonne Clarinval
Gouache de 1923 d’Yvonne Clarinval représentant
Les quatre éléments : L’eau au décor de polypiers, algues,
étoiles de mer, hippocampes… ayant servi de modèles
à Tassinari et Chatel pour le tissage du patron 9713
Gouache de 1923 d’Yvonne Clarinval représentant
Les quatre éléments : Le Feu ayant servi de modèle à
Tassinari et Chatel pour le tissage du patron 9712
Yvonne Clarinval (1884- ?) dessine en 1923 les quatre éléments :
La Terre, Le Feu, L’Eau et L’Air. Ils seront transposés en soieries par
Tassinari et Chatel. Ces lampas, très emblématiques des textiles des
années 1920, sont composés de soie et de rayonne, première utilisation de cette fibre artificielle. Eugène Printz l’utilise pour sa présentation au Salon des Artistes Décorateurs de 1926. Yvonne Clarinval,
peu connue en dehors de ces créations, sait marier une très grande
poésie à des motifs très riches en couleurs et en détails, voire exubérants, montrant aussi une très grande maîtrise dans la composition.
Le premier, La Terre, présente un sol brun foncé d’où émergent
des fougères vert émeraude et des plantes brun clair et or. Des
tortues et des escargots parsèment ce fond végétal (patron TC
9706). Le Feu, un satin damassé fond brun à décor « rouille »
beige et or, est composé d’une succession de flammes orangées,
de tourbillons de fumées ocre et de salamandres affrontant
les feux (patron TC 9712). La Mer, de couleur verte plus ou moins
foncée montre une succession de décors d’organismes marins :
polypiers, algues, étoiles de mer, hippocampes, oursins, méduses,
anémones de mer, du plus bel effet (patron TC 9713). Enfin dans
l’Air, sur un fond bleu parsemé de nébulosités blanches, volent des
oiseaux de couleur ocre et différents papillons (patron TC 9720).
Ces quatre tissus représentent de véritables tableaux d’inspiration
d’un style voisin de l’Art-Déco. Il est intéressant de noter que ces
lampas ont fait l’objet de commandes par des clients britanniques
et parisiens, mais aussi des commandes de stock, ce qui montre
le succès de ces tissages. Dans les archives de Tassinari et Chatel
sont conservées les gouaches des dessins originaux, sur lesquels
sont reportés les coloris à employer pour le tissage. D’après ces
gouaches est établie la mise en carte permettant le travail du tissage
proprement dit. Ces gouaches sont splendides par la qualité des
couleurs et la finesse du trait. Nous donnons deux exemples se
rapportant au thème du « Feu » et de la « Mer » à comparer au
tissage qui en est dérivé !
Tassinari
Chatel , La soie au fil du temps
250
À gauche : Lampas Les quatre éléments La Terre au décor de fougères, de plantes et de tortues sur un fond brun foncé d’après un dessin d’Yvonne Clarinval de 1923. Patron TC 9706
À droite : Lampas Les quatre éléments Le Feu au décor de flammes orangées, de fumées et de salamandres d’après un dessin d’Yvonne Clarinval de 1923 (voir gouache en page 250). Patron TC 9712
Musée de Fontainebleau
Le château de Fontainebleau est connu depuis longtemps, puisqu’il
est mentionné en 1137 dans une charte du roi Louis VII. Mais c’est
réellement en 1528, peu après le retour de François Ier de captivité, qu’il
est reconstruit et agrandi, (les travaux durent moins de vingt ans) et
abrite des collections prestigieuses. Henri II poursuit cette politique avec
le grand architecte Philibert Delorme, auquel succède Le Primatice.
Le roi Henri IV y laisse également une oeuvre considérable sur tous
les plans (bâtiments, jardins, décors). Les royautés successives apportent leur contribution respective (à l’exception de Louis XIV), surtout
Louis XV, qui confie ses projets aux Gabriel, père et fils. Quant à Louis
XVI, il fait principalement transformer les appartements du roi et de
la reine. Sous la Révolution, peu de destructions sont à déplorer, sauf
les décors intérieurs. En 1796, l’École centrale du département s’y
installe, puis l’École spéciale militaire instituée par Bonaparte, qui quitte
les lieux en 1808. Avec l’Empereur, le château de Fontainebleau redevient la résidence du souverain. Son œuvre est considérable sur le plan
Détail du lit de la
Chambre de l’Empereur au palais de
Fontainebleau, recouvert
d’un velours chiné à la
branche, fond prune
brodé d’un quadrillage
chenille paille, au décor
de fleurs et de feuilles
de laurier. Patron TC
1625 et retissage 61150
et bordure 61152
279
ALO: RAW existe
page précédente :
page 277 : Chambre de l’Empereur au château
de Compiègne. Les tentures et les garnitures
des sièges sont en damas cramoisi à décor de
feuilles de chêne, d’abeilles et d’étoiles, la bordure
en brocart à décor de palmes et d’étoiles, et le
fond du lit en poult de soie blanc brodé d’étoiles.
Patron TC 1643 et retissage 9804 (pour le damas),
1619 et retissage 9805 (pour la bordure)
Travail de pose de la passementerie
pour l’habillage du lit de la Chambre de
l’Empereur au palais de Fontainebleau
Tassinari et Chatel et les contemporains
L’Élysée
Le palais de l’Élysée a été édifié entre 1718 et 1722 par l’architecte
Armand-Claude Mollet pour le comte d’Evreux, selon une ordonnance classique, avec un corps central et deux ailes au rez-de-chaussée.
Le jardin était conçu à la française. C’était à l’époque « la plus belle
maison de plaisance des environs de Paris ». À la mort du comte, cet
hôtel est racheté par Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de Pompadour,
qui le léguera au roi Louis XV. Il servit à recevoir les ambassadeurs,
puis abrita le Garde-Meuble de la Couronne. Le financier Nicolas
Beaujon le fit alors profondément modifier par l’architecte ÉtienneLouis Boullée. En 1787, Louis XVI le vend à sa cousine, la duchesse
de Bourbon ; il s’appellera alors « l’Hôtel Bourbon ». En 1797, après
quelques vicissitudes pendant la Révolution, la duchesse récupère son
bien et le donne en location à un négociant Hovyn, qui y organise des
bals populaires. L’hôtel prit alors le nom « d’Élysée » en référence à
la promenade toute proche. Mais la famille Hovyn, couverte de dettes,
dut le céder à Joachim Murat, maréchal de France, qui eut le souci de
redonner son lustre à l’ancien hôtel d’Evreux. Nommé roi de Naples en
1808 il le cède à son tour à l’Empereur, qui l’habitera dès 1809. L’hôtel
prendra le nom « d’Elysée-Napoléon » et sera la résidence officielle
des présidents de la République à compter de 1848 jusqu’à nos jours.
Ses salons sont prestigieux. Le Salon Murat abrite le Conseil des
ministres ; le Salon doré est le bureau du président de la République.
Le décor est de 1861, inspiré par l’impératrice Eugénie. La tapisserie
des Gobelins évoque les Muses, le tapis de la Savonnerie, l’Amour.
Un bureau de l’ébéniste Charles Cressent orne la pièce. La maison
Tassinari et Chatel a fourni les soieries pour les rideaux et les sièges
(damas Racine et lampas Les mésanges). Le salon Pompadour, chambre
de parade au XVIIIe et au XIXe, est utilisé par le président pour
les audiences. Cette pièce est décorée d’un buste de la marquise, attribué
à Jean-Baptiste Pigalle (1759) et d’un ensemble de sièges en bois doré
Louis XV, recouverts d’un lampas bleu et or à décors de fruits exotiques,
Les Ananas, tissé par Tassinari et Chatel. Le salon des Ambassadeurs
sert aux réceptions officielles et, depuis le maréchal de Mac Mahon,
aux ambassadeurs afin de remettre leurs lettres de créance. Le décor est
375
Tassinari et Chatel et les contemporains
Sièges du Salon Pompadour, chambre de parade au XVIIIe
et au XIXe, utilisé pour le président de la République pour
les audiences au palais de l’Elysée. Cette pièce est décorée
d’un buste de la marquise, attribué à Jean-Baptiste Pigalle
vers 1759 et d’un ensemble de sièges en bois doré Louis
XV, recouvert d’un lampas bleu et or à décors de fruits
exotiques Les Ananas, tissé par Tassinari et Chatel, d’après
le décor d’une tapisserie des Gobelins sous Louis XIV.
Patrons TC 2181 et 1501 Les Ananas Collection Patrimoine
Promenade au XXIe siècle avec François-Joseph Graf
Au fil des siècles, Tassinari et Chatel a toujours été le reflet de son temps
grâce aux artistes qui surent créer pour elle.
Nous terminons cet ouvrage par une promenade dans l’œuvre
accomplie en partenariat avec l’architecte François-Joseph Graf.
Fils d’une antiquaire parisienne, baigné dans la culture française. Élève
de l’École des Monuments historiques et de l’École du Louvre, il fit ses
premières classes à Versailles.
L’œuvre textile qu’il réalise avec Tassinari et Chatel, par ses textures,
ses coloris, sa façon de capter la lumière, d’adapter les proportions aux
volumes qu’elle sert évoque l’esprit d’un Serizawa – l’esprit repensé
par les trésors nationaux vivants japonais qui font passer le mental et
l’innovation dans la palette qu’ils inventent. Celle de François-Joseph
Graf est feutrée délicate, très personnelle. Ses motifs sont ethniques,
orientaux, XVIIIe, ils sont pétris de culture, «celle qui reste quand on
a tout oublié».
425
Tassinari et Chatel et les contemporains
broché
Les motifs (fleurs par exemple) sont ajoutés au
tissu par des trames supplémentaires, que l’on
décèle sur l’envers du tissu.
chenille
Le fil est fabriqué à partir d’un mince ruban
frangé et tordu et donne ainsi un aspect de
velours coupé. L’échantillon de chenillé broché
montre bien ce faux aspect de velours coupé.
cannelé
Caractérisé par des côtes parallèles à la trame,
formées par des flottés de chaîne, c’est-à-dire par
un enjambement du fil de chaîne au-dessus de
plusieurs fils de trame. On parle d’un cannelé
à 2 coups de trame (deux fils enjambés), de 3
coups, etc. Le gros de Tours est un cannelé à 2
coups de trame.
chiné
Le fil comporte différentes colorations obtenues
par teinture ou par impression préalable au
tissage. Le chiné « à la branche » est un tissu
du XVIIIe siècle décoré de dessins polychromes.
Des groupes de fils ou branches, constituant
la chaîne du tissu, reçoivent les teintures successives avec des réserves, qui ne reçoivent pas
la couleur. Patron TC 40019 fond vert d’eau
(original).
cannetillé
Les fils de chaîne et de trame forment de petits
carreaux ou rectangles imbriqués, effet produit
par le flotté des fils de chaîne, c’est-à-dire par
l’enjambement du fil de chaîne au dessus et
en dessous de plusieurs fils de trame contigus.
Patron TC 10873 endroit et envers.
Tassinari
Chatel , La soie au fil du temps
damas
Tissu façonné (c’est-à-dire un tissu décoré
pendant le tissage par des croisements variés
des fils de chaîne et des fils de trame). Il est
caractérisé par un effet brillant et un effet mat
produits par la face chaîne et par la face trame
d’un tissage de type satin. Il existe des damas
bicolores, des damas rayés et surtout des damas
économiques, dont le fil de chaîne est généralement en soie et le fil de trame en coton.
Il est ainsi beaucoup moins cher. Pernon s’en
450
451
était fait une spécialité, comme il l’explique à
Desmazis (administrateur du Mobilier impérial)
en 1807 : « Je ne saurais donner les détails de
la composition de cette Etoffe, c’est un secret
qui a valu de tous temps la préférence de son
achat à ma manufacture. L’expérience a prouvé
qu’elle pouvait être prise lorsqu’elle est tendue
sur le mur pour du Damas soye et qu’elle a
la même durée. » Échantillon 18164 bleu et
crème, damas économique ancien.
Lexique des termes utilisés pour définir les tissus

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