Présentatoin du livre "La Soie au Fil du Temps"
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Présentatoin du livre "La Soie au Fil du Temps"
Tassinari Chatel La soie au fil du temps Les grands prédécesseurs Camille Pernon Biographie succincte de Camille Pernon (1753-1808) Le nom de Camille Pernon est indissociablement lié à la soierie lyonnaise tant fut grande sa notoriété en France et à l’étranger à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. On ne peut cependant passer sous silence ses aïeux, qui, déjà, travaillaient la soie. En effet, Camille Pernon faisait état en 1789 à l’intendant du trésor royal, de la fondation de son affaire vers 1680 par Louis Pernon, tisseur de drap d’or, d’argent et de soie. Son grand-père, Claude Pernon (1681-1760 ?) fut reçu maître en 1710. Recteur de la Charité en 1735 il acheta peu après une charge de conseiller secrétaire du roi près de la Cour des Monnaies de Lyon. Il est intéressant de noter qu’il fut un des rares à soutenir le métier mécanique de Vaucanson ; métier qui eut très peu de succès. Claude Pernon eut sept enfants, dont les plus célèbres sont Louis et Étienne, ce dernier étant le père de Camille. Louis, quoique nommé maître en 1746, s’occupa peu de l’entreprise de son père, car, député du commerce et trésorier général des troupes de la Maison du roi, il était peu présent à Lyon. On lui prête une aide efficace à l’exportation, mais peu d’effet auprès de Pierre-Elisabeth de Fontanieu, intendant du Mobilier royal de 1767 à 1784. Quoique très proche des sculpteurs et des artisans, il ne passa jamais commande de soieries à la maison Pernon, pour des raisons encore inexpliquées. Sa famille était propriétaire de cette charge depuis trois générations. Fontanieu vend cette charge à Marc-Antoine Thierry de Ville d’Avray en 1783, qui restera intendant du Garde-Meuble de la Couronne jusqu’en 1792, date à laquelle il fut massacré à la prison de Livre des Commissions, débuté en janvier 1791, Page 265 25 Les grands prédécesseurs Portrait tissé de Camille Pernon avec la mention : Fondateur en 1762 de la Manufacture de soieries de Chatel et V., Tassinari Détail de la tenture dite Aux colombes Commandes pour la Russie Une longue tradition a lié la Cour de Russie et la Maison Pernon, qui bénéficia de commandes très importantes. Il faut garder à l’esprit que de 1780 à 1792, Pernon fut nommé Agent de Sa Majesté l’Impératrice de toutes les Russies. La Russie lui resta toujours fidèle, malgré la fourniture de soieries de la manufacture de Koupavino près de Moscou. Dans un texte intitulé Idées sur le commerce français en Russie par Camille Pernon commerçant de Lyon Pernon écrit : La France a des productions nécessaires à la Russie, la Russie en a d’essentielles à la France. Le commerce de ces deux états est donc fondé sur un intérêt réciproque. Ainsi Camille Pernon avait réfléchi à des accords commerciaux entre la Russie et la France. Un agrément fut signé en 1787 dans ce sens entre les deux pays. Malheureusement la Révolution française arrêta ces échanges. Cependant Camille Pernon poursuivra ses activités avec l’aristocratie russe. Catherine II avait connu par Voltaire, vers 1770, l’existence de Philippe de Lasalle, qui tissa pour elle son portrait et d’autres soieries. D’après les recherches de Tatiana Lekhovich 4, les relations de Camille Pernon avec la Russie datent du début 1780. Il est intéressant à ce sujet de rappeler une correspondance de février 1780 de son propre père, Etienne, lui faisant part des difficultés rencontrées avec les teinturiers pour fournir la soie destinée à tisser un velours de 17 couleurs d’une aune de large pour l’Impératrice de Russie… Ce velours posait des difficultés techniques, puisqu’il s’agissait d’un velours chiné (à la branche) fond blanc rebrodés en chenille sur velours satin gerofflé herborisé blanc. La question fut malgré tout réglée et le velours fut terminé en octobre 1781. Il convient de citer les soieries exécutées en 1780 aux motifs du paon, du faisan et de la perdrix. Il s’agit de la première livraison de 47 Les grands prédécesseurs Tenture dite Aux colombes de Philippe de Lasalle vers 1773, pour les palais de Catherine II de Russie. Patron TC 856 Nouvelle suitte de cahiers arabesques chinois à l’usage des dessinateurs et des peintres. Inventés et dessinés par Jean-Baptiste Pillement. Gravés par Anne Allen, Planche n°5 et 7 de J.Pillement (1719-1808) Nouvelle suitte de cahiers arabesques chinois à l’usage des dessinateurs et des peintres. Inventés et dessinés par Jean-Baptiste Pillement. Gravés par Anne Allen, Planche n°3 et 4 de J.Pillement (1719-1808) Jean-Baptiste Pillement est un excellent décorateur de paysages, de marines, de figures et d’ornements chinois ; ces derniers seront repris par les manufactures de soie et d’indiennes. Les archives de la maison Tassinari et Chatel ont conservé un recueil, malheureusement Tassinari Chatel , La soie au fil du temps incomplet, intitulé Fleurs, oiseaux et fantaisies par J. Pillement. On y trouve des dessins de paysages chinois, qui ont très probablement inspiré des lampas tissés par cette maison (patrons TC 10135 et TC 10140). 70 71 Les grands prédécesseurs Camille Pernon sous le Consulat Bordure brochée, Cabinet du Premier consul au palais de SaintCloud en 1803. Patron TC 1597 Comme cela a été évoqué dans le chapitre consacré à la biographie de Camille Pernon, ce dernier a reçu de nombreuses commandes émanant du général Duroc, un proche du Premier consul Bonaparte (le Mobilier impérial se substitue à Duroc sous l’Empire). Ces commandes concernent essentiellement le palais de Saint-Cloud, que Napoléon affectionnait tout particulièrement. Très proche de Paris, il lui convenait mieux que les Tuileries et Versailles. C’est surtout sous l’Empire qu’eurent lieu les grands aménagements concernant les autres palais impériaux, comme Compiègne, Fontainebleau, les Trianon, etc. Sous le Consulat, Napoléon s’est efforcé de relancer le tissage lyonnais, mis à mal par les événements survenus pendant la Révolution. La ville de Lyon s’était rebellée contre la Convention, la répression fut féroce. Deux mille métiers à tisser disparaissent… Les métrages commandés par le général Duroc dépassent largement les besoins concernant les palais de Saint-Cloud, Tuileries et Versailles, mais c’est la volonté du Premier consul de faire travailler la Grande Fabrique, à la fois pour combattre la misère, mais aussi pour favoriser une industrie de luxe, à la gloire de l’empire français. Un grand nombre de ces tissus seront employés sous l’Empire, la Restauration et même plus tard. Pour simplifier la présentation, nous évoquerons ces étoffes à l’époque où elles ont été produites. Lors de la restauration des musées, après la Seconde Guerre mondiale, un grand nombre de ces tissus seront retissés, notamment par la maison Tassinari et Chatel. Bordure des rideaux de la Salle du conseil d’état au palais de Saint-Cloud. Patron TC 1598 Bordure du Grand Salon au palais de Saint-Cloud. Patron TC 1598 Dos de chasuble richement décoré de rinceaux avec au centre l’Agneau mystique. Dessin à la plume, Musée de Fourvière, fonds Tassinari et Chatel T6 Paramentique Les vêtements liturgiques au XIXe siècle. Projet de patron de chasuble (au dos, non représenté, les armes du pape Grégoire VI). Dessin à la plume, Musée de Fourvière, fonds Tassinari et Chatel T127 Après un siècle des « Lumières » peu tourné vers les très beaux ornements religieux, le XIXe siècle ouvre une ère fastueuse dans ce domaine, aussi bien pour les représentants de l’église que pour les artistes et les maisons de tissage et de broderie de haut niveau. Dès 1805, la réorganisation de l’Église de France, grand mouvement suscité par Chateaubriand, est en quelque sorte un point de départ. Dans la période 1840-1853, la liturgie romaine réunifiée est une renaissance des rites marquée par deux évènements : l’instauration du dogme de l’Immaculée Conception par le pape Pie IX en 1854 et la tenue du concile du Vatican en 1869 avec l’assistance de tous les évêques français. Quels sont les artisans du renouveau ? Dom Guéranger restaure l’ordre de saint Benoît et la vie monastique à Solesmes. Les vêtements liturgiques présentent des formes primitives confectionnées en tissu léger. Auguste Pugin (né à Londres en 1812), converti au catholicisme, édite en 1844 un glossaire sur les ornements et costumes ecclésiastiques. Arthur Martin, jésuite (né à Auray en 1801), rassemble un nombre considérable d’objets sacrés et étoffes publiés dès 1847 dans les Mélanges archéologiques. Il est aussi l’auteur avec l’abbé Cahier d’un ouvrage célèbre, les Vitraux de Saint-Étienne de Bourges. Enfin, il convient de citer Franz Bock, chanoine de la cathédrale de Cologne, grand collectionneur de tissus médiévaux. Le style néogothique l’emporte largement. Paris et Lyon se partagent le marché du vêtement liturgique. À Lyon, on note deux cent quatre-vingt-huit maisons confectionnant ces vêtements. Cette ville exporte une grande partie de sa production, car le diocèse est Dessin montrant les deux faces d’une chasuble avec décor de guirlandes de roses, grappes et épis de blé. Musée de Fourvière, fonds Tassinari et Chatel T8 Détail du dos d’un pluvial avec tête de saint. Collection particulière 136 Les Tassinari et Chatel à la fin du XIXe siècle Les principaux collaborateurs de Tassinari et Chatel, à l’occasion du dîner d’inventaire annuel en 1911 Brocart liturgique vers 1865, Patron TC 4017 Pierre Yantorny (1874-1936) Pierre Yantorny, né en Italie en 1874, n’alla que six mois à l’école avant d’être ouvrier dans une usine de macaronis à l’âge de huit ans. À douze ans il fait son apprentissage de bottier à Naples, puis à dix sept ans il se rend à Paris. Gagnant mal sa vie, il est obligé de faire la vaisselle dans les restaurants… Il va apprendre le métier de formier à Londres puis revient ouvrir une boutique à Paris, rue du Faubourg Saint-Honoré, avant de s’installer comme bottier place Vendôme. Pour mieux se faire connaître, il affiche dans sa vitrine, mais aussi sur ses factures et son papier à lettres une formule lapidaire : « Le bottier le plus cher du monde ». Dans les années vingt, le succès couronne ses efforts et récompense son talent. Sa clientèle est composée de femmes riches et élégantes. Très original, il se rend à Bombay, puis au pied de l’Everest afin de se recueillir ; il devient alors végétarien et méditatif. Sans jamais aboutir, il a voulu créer une nouvelle école de cordonnerie, ainsi qu’un musée de la chaussure. Ses vœux seront exaucés, puisque nombre de ses chaussures sont exposées au musée de la ville de Romans et au Metropolitan Museum de New York. Il laisse le souvenir d’un grand artiste et d’un grand professionnel sachant employer différentes matières pour décorer ses produits, notamment des plumes ou des brocarts. C’est ainsi que la maison Tassinari et Chatel lui fournit des soieries à décor dentelle (patron TC 4971) ou un lampas aux fleurs très stylisées (patron 6996). Lampas au décor ancien, utilisé par Yantorny entre 1921 et 1932. Patron TC 4971 Marque de fabrique de la société Trévoux Frères intitulé Le Côteau de Fourvières. Satin broché réalisé par Tassinari et Châtel en 1872 Les autres productions Marques de fabrique La maison Bonnet fondée en 1810 par Charles-Joseph Bonnet, spécialisée d’abord dans la préparation des soies, devint une des plus grandes maisons lyonnaises de production d’unis, puis de façonnés à partir de 1880. En 1 871 elle commande à Tassinari et Chatel au moins 1 000 exemplaires de marques de fabrique. En effet, il était devenu indispensable de donner aux étoffes des signes distinctifs. Une réglementation vit le jour en 1883. Il convient de distinguer les lisières des tableaux tissés, qui apparurent en 1870. Ces dessins et marques étaient déposés au Tribunal de Commerce afin de se protéger des éventuelles contrefaçons. Le Livre des patrons de la maison Tassinari et Chatel montre qu’elle a travaillé pour beaucoup de confrères. La mise en carte était réalisée suivant le procédé Berclé donnant plus de satisfaction pour ce type de tissage. Les principales réalisations concernent les maisons C.J. Bonnet avec un décor de cavalier et de cheval, intitulé le Cheval (patron TC 4329), C. Ponson avec le Lion (patron TC 4330), Tapissier Fils Debry avec le Navire (patron TC 4334). Il faut aussi citer le Griffon pour Cochaud de Boissieu (patron TC 4357) (à ce propos la maison Tassinari a toujours comme marque de fabrique un griffon surmontant un globe), une Renommée pour la maison Jaubert, Lions et Audras (patron TC 4360), enfin le très bel éléphant pour Johnson (patron TC 4360). Il y en a encore beaucoup d’autres que l’on ne peut citer 11. Lampas aux fleurs très stylisées dans un décor géométrique, utilisé par Yantorny en 1922. Patron TC 6996 165 Les Tassinari et Chatel à la fin du XIXe siècle Histoire succincte du tissage Tissage de la soie de Louis XI à nos jours Afin de réduire « la grande vuidange d’or et d’argent », occasionnée par l’achat de soieries italiennes, Louis XI en 1466 évoque la possibilité de créer à Lyon une industrie de la soierie. Les Lyonnais ne sont pas très enthousiastes et préfèrent rester des négociants. Poursuivant son projet, le roi fait envoyer à Tours les dix-sept Italiens et leur matériel, que les Lyonnais ne voulaient pas financer. C’est ainsi que se crée à Tours un centre de tissage de la soie. En 1515 les tisseurs tourangeaux fourniront les ornements pour le Camp du Drap d’Or. Heureusement pour la ville de Lyon, François Ier, en 1536, favorise une véritable activité de tissage de la soie en accordant à ses habitants les mêmes privilèges que ceux accordés à deux Piémontais venus s’installer dans la région. Dès 1540 Lyon obtient le monopole de l’importation des soies grèges, c’est-à-dire des soies brutes. Cette ville est particulièrement bien placée par sa proximité avec l’Italie, très en avance sur le tissage de la soie, et de tous les métiers connexes. Le développement lyonnais est très rapide, puisque l’on compte, treize ans après, douze mille personnes vivant du tissage. Pendant longtemps ce seront de petits ateliers indépendants. Mais la profession s’organise dès la fin du XVIe siècle. Au début du XVIIe siècle, les premiers métiers « à la grande tire » sont montés par Claude Dangon, métiers sans doute importés d’Italie. Les règlements institués par Colbert dès 1667 structurent la profession des fabricants, mais aussi celles gravitant autour. C’est la création de la « Grande Fabrique ». Les commandes royales sont importantes et contribuent au développement des soieries françaises et à leur notoriété. Malheureusement la révocation de l’édit de Nantes en 1685 va conduire un certain nombre de tisseurs protestants à s’exiler. Ils seront à l’origine de la concurrence des Anglais, des Allemands ou encore des Suisses. 197 Histoire succincte du tissage Métier à tisser à bras. Sur le dessus du bâti on peut distinguer la mécanique Jacquard, qui permet de lever les simples donnant ainsi la possibilité, en fonction du décor, de faire passer le fil de trame approprié À gauche : Lampas Les quatre éléments L’eau, au décor d’organismes marins sur fond vert d’après un dessin d’Yvonne Clarinval de 1923 (voir gouache en page 250). Patron TC 9713. À droite : Lampas Les quatre éléments L’Air au décor d’oiseaux et de papillons sur un fond bleu et de nébulosités blanches d’après un dessin d’Yvonne Clarinval de 1923. Patron TC 9720 Yvonne Clarinval Gouache de 1923 d’Yvonne Clarinval représentant Les quatre éléments : L’eau au décor de polypiers, algues, étoiles de mer, hippocampes… ayant servi de modèles à Tassinari et Chatel pour le tissage du patron 9713 Gouache de 1923 d’Yvonne Clarinval représentant Les quatre éléments : Le Feu ayant servi de modèle à Tassinari et Chatel pour le tissage du patron 9712 Yvonne Clarinval (1884- ?) dessine en 1923 les quatre éléments : La Terre, Le Feu, L’Eau et L’Air. Ils seront transposés en soieries par Tassinari et Chatel. Ces lampas, très emblématiques des textiles des années 1920, sont composés de soie et de rayonne, première utilisation de cette fibre artificielle. Eugène Printz l’utilise pour sa présentation au Salon des Artistes Décorateurs de 1926. Yvonne Clarinval, peu connue en dehors de ces créations, sait marier une très grande poésie à des motifs très riches en couleurs et en détails, voire exubérants, montrant aussi une très grande maîtrise dans la composition. Le premier, La Terre, présente un sol brun foncé d’où émergent des fougères vert émeraude et des plantes brun clair et or. Des tortues et des escargots parsèment ce fond végétal (patron TC 9706). Le Feu, un satin damassé fond brun à décor « rouille » beige et or, est composé d’une succession de flammes orangées, de tourbillons de fumées ocre et de salamandres affrontant les feux (patron TC 9712). La Mer, de couleur verte plus ou moins foncée montre une succession de décors d’organismes marins : polypiers, algues, étoiles de mer, hippocampes, oursins, méduses, anémones de mer, du plus bel effet (patron TC 9713). Enfin dans l’Air, sur un fond bleu parsemé de nébulosités blanches, volent des oiseaux de couleur ocre et différents papillons (patron TC 9720). Ces quatre tissus représentent de véritables tableaux d’inspiration d’un style voisin de l’Art-Déco. Il est intéressant de noter que ces lampas ont fait l’objet de commandes par des clients britanniques et parisiens, mais aussi des commandes de stock, ce qui montre le succès de ces tissages. Dans les archives de Tassinari et Chatel sont conservées les gouaches des dessins originaux, sur lesquels sont reportés les coloris à employer pour le tissage. D’après ces gouaches est établie la mise en carte permettant le travail du tissage proprement dit. Ces gouaches sont splendides par la qualité des couleurs et la finesse du trait. Nous donnons deux exemples se rapportant au thème du « Feu » et de la « Mer » à comparer au tissage qui en est dérivé ! Tassinari Chatel , La soie au fil du temps 250 À gauche : Lampas Les quatre éléments La Terre au décor de fougères, de plantes et de tortues sur un fond brun foncé d’après un dessin d’Yvonne Clarinval de 1923. Patron TC 9706 À droite : Lampas Les quatre éléments Le Feu au décor de flammes orangées, de fumées et de salamandres d’après un dessin d’Yvonne Clarinval de 1923 (voir gouache en page 250). Patron TC 9712 Musée de Fontainebleau Le château de Fontainebleau est connu depuis longtemps, puisqu’il est mentionné en 1137 dans une charte du roi Louis VII. Mais c’est réellement en 1528, peu après le retour de François Ier de captivité, qu’il est reconstruit et agrandi, (les travaux durent moins de vingt ans) et abrite des collections prestigieuses. Henri II poursuit cette politique avec le grand architecte Philibert Delorme, auquel succède Le Primatice. Le roi Henri IV y laisse également une oeuvre considérable sur tous les plans (bâtiments, jardins, décors). Les royautés successives apportent leur contribution respective (à l’exception de Louis XIV), surtout Louis XV, qui confie ses projets aux Gabriel, père et fils. Quant à Louis XVI, il fait principalement transformer les appartements du roi et de la reine. Sous la Révolution, peu de destructions sont à déplorer, sauf les décors intérieurs. En 1796, l’École centrale du département s’y installe, puis l’École spéciale militaire instituée par Bonaparte, qui quitte les lieux en 1808. Avec l’Empereur, le château de Fontainebleau redevient la résidence du souverain. Son œuvre est considérable sur le plan Détail du lit de la Chambre de l’Empereur au palais de Fontainebleau, recouvert d’un velours chiné à la branche, fond prune brodé d’un quadrillage chenille paille, au décor de fleurs et de feuilles de laurier. Patron TC 1625 et retissage 61150 et bordure 61152 279 ALO: RAW existe page précédente : page 277 : Chambre de l’Empereur au château de Compiègne. Les tentures et les garnitures des sièges sont en damas cramoisi à décor de feuilles de chêne, d’abeilles et d’étoiles, la bordure en brocart à décor de palmes et d’étoiles, et le fond du lit en poult de soie blanc brodé d’étoiles. Patron TC 1643 et retissage 9804 (pour le damas), 1619 et retissage 9805 (pour la bordure) Travail de pose de la passementerie pour l’habillage du lit de la Chambre de l’Empereur au palais de Fontainebleau Tassinari et Chatel et les contemporains L’Élysée Le palais de l’Élysée a été édifié entre 1718 et 1722 par l’architecte Armand-Claude Mollet pour le comte d’Evreux, selon une ordonnance classique, avec un corps central et deux ailes au rez-de-chaussée. Le jardin était conçu à la française. C’était à l’époque « la plus belle maison de plaisance des environs de Paris ». À la mort du comte, cet hôtel est racheté par Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de Pompadour, qui le léguera au roi Louis XV. Il servit à recevoir les ambassadeurs, puis abrita le Garde-Meuble de la Couronne. Le financier Nicolas Beaujon le fit alors profondément modifier par l’architecte ÉtienneLouis Boullée. En 1787, Louis XVI le vend à sa cousine, la duchesse de Bourbon ; il s’appellera alors « l’Hôtel Bourbon ». En 1797, après quelques vicissitudes pendant la Révolution, la duchesse récupère son bien et le donne en location à un négociant Hovyn, qui y organise des bals populaires. L’hôtel prit alors le nom « d’Élysée » en référence à la promenade toute proche. Mais la famille Hovyn, couverte de dettes, dut le céder à Joachim Murat, maréchal de France, qui eut le souci de redonner son lustre à l’ancien hôtel d’Evreux. Nommé roi de Naples en 1808 il le cède à son tour à l’Empereur, qui l’habitera dès 1809. L’hôtel prendra le nom « d’Elysée-Napoléon » et sera la résidence officielle des présidents de la République à compter de 1848 jusqu’à nos jours. Ses salons sont prestigieux. Le Salon Murat abrite le Conseil des ministres ; le Salon doré est le bureau du président de la République. Le décor est de 1861, inspiré par l’impératrice Eugénie. La tapisserie des Gobelins évoque les Muses, le tapis de la Savonnerie, l’Amour. Un bureau de l’ébéniste Charles Cressent orne la pièce. La maison Tassinari et Chatel a fourni les soieries pour les rideaux et les sièges (damas Racine et lampas Les mésanges). Le salon Pompadour, chambre de parade au XVIIIe et au XIXe, est utilisé par le président pour les audiences. Cette pièce est décorée d’un buste de la marquise, attribué à Jean-Baptiste Pigalle (1759) et d’un ensemble de sièges en bois doré Louis XV, recouverts d’un lampas bleu et or à décors de fruits exotiques, Les Ananas, tissé par Tassinari et Chatel. Le salon des Ambassadeurs sert aux réceptions officielles et, depuis le maréchal de Mac Mahon, aux ambassadeurs afin de remettre leurs lettres de créance. Le décor est 375 Tassinari et Chatel et les contemporains Sièges du Salon Pompadour, chambre de parade au XVIIIe et au XIXe, utilisé pour le président de la République pour les audiences au palais de l’Elysée. Cette pièce est décorée d’un buste de la marquise, attribué à Jean-Baptiste Pigalle vers 1759 et d’un ensemble de sièges en bois doré Louis XV, recouvert d’un lampas bleu et or à décors de fruits exotiques Les Ananas, tissé par Tassinari et Chatel, d’après le décor d’une tapisserie des Gobelins sous Louis XIV. Patrons TC 2181 et 1501 Les Ananas Collection Patrimoine Promenade au XXIe siècle avec François-Joseph Graf Au fil des siècles, Tassinari et Chatel a toujours été le reflet de son temps grâce aux artistes qui surent créer pour elle. Nous terminons cet ouvrage par une promenade dans l’œuvre accomplie en partenariat avec l’architecte François-Joseph Graf. Fils d’une antiquaire parisienne, baigné dans la culture française. Élève de l’École des Monuments historiques et de l’École du Louvre, il fit ses premières classes à Versailles. L’œuvre textile qu’il réalise avec Tassinari et Chatel, par ses textures, ses coloris, sa façon de capter la lumière, d’adapter les proportions aux volumes qu’elle sert évoque l’esprit d’un Serizawa – l’esprit repensé par les trésors nationaux vivants japonais qui font passer le mental et l’innovation dans la palette qu’ils inventent. Celle de François-Joseph Graf est feutrée délicate, très personnelle. Ses motifs sont ethniques, orientaux, XVIIIe, ils sont pétris de culture, «celle qui reste quand on a tout oublié». 425 Tassinari et Chatel et les contemporains broché Les motifs (fleurs par exemple) sont ajoutés au tissu par des trames supplémentaires, que l’on décèle sur l’envers du tissu. chenille Le fil est fabriqué à partir d’un mince ruban frangé et tordu et donne ainsi un aspect de velours coupé. L’échantillon de chenillé broché montre bien ce faux aspect de velours coupé. cannelé Caractérisé par des côtes parallèles à la trame, formées par des flottés de chaîne, c’est-à-dire par un enjambement du fil de chaîne au-dessus de plusieurs fils de trame. On parle d’un cannelé à 2 coups de trame (deux fils enjambés), de 3 coups, etc. Le gros de Tours est un cannelé à 2 coups de trame. chiné Le fil comporte différentes colorations obtenues par teinture ou par impression préalable au tissage. Le chiné « à la branche » est un tissu du XVIIIe siècle décoré de dessins polychromes. Des groupes de fils ou branches, constituant la chaîne du tissu, reçoivent les teintures successives avec des réserves, qui ne reçoivent pas la couleur. Patron TC 40019 fond vert d’eau (original). cannetillé Les fils de chaîne et de trame forment de petits carreaux ou rectangles imbriqués, effet produit par le flotté des fils de chaîne, c’est-à-dire par l’enjambement du fil de chaîne au dessus et en dessous de plusieurs fils de trame contigus. Patron TC 10873 endroit et envers. Tassinari Chatel , La soie au fil du temps damas Tissu façonné (c’est-à-dire un tissu décoré pendant le tissage par des croisements variés des fils de chaîne et des fils de trame). Il est caractérisé par un effet brillant et un effet mat produits par la face chaîne et par la face trame d’un tissage de type satin. Il existe des damas bicolores, des damas rayés et surtout des damas économiques, dont le fil de chaîne est généralement en soie et le fil de trame en coton. Il est ainsi beaucoup moins cher. Pernon s’en 450 451 était fait une spécialité, comme il l’explique à Desmazis (administrateur du Mobilier impérial) en 1807 : « Je ne saurais donner les détails de la composition de cette Etoffe, c’est un secret qui a valu de tous temps la préférence de son achat à ma manufacture. L’expérience a prouvé qu’elle pouvait être prise lorsqu’elle est tendue sur le mur pour du Damas soye et qu’elle a la même durée. » Échantillon 18164 bleu et crème, damas économique ancien. Lexique des termes utilisés pour définir les tissus