Jules VERNE, Les Indes noires, Librio, 1877

Transcription

Jules VERNE, Les Indes noires, Librio, 1877
DISSERTATION SUR ŒUVRES
Balzac, L’auberge rouge, 1831.
Démarche : ETAYER une thèse.
[Partie I du développement]
L’auberge Rouge de Balzac est un roman réaliste, car il s’inscrit dans un cadre
spatio-temporel réel, c’est-à-dire que l’histoire que raconte Balzac est une histoire vraie
ou du moins plausible.
En premier lieu, on verra que l’histoire s’inscrit dans un lieu réel, dans des endroits
connus que Balzac n’a pas inventés. Balzac multiplie les allusions à des activités
professionnelles se rattachant au monde réel : chaque personnage évolue dans un lieu
qui existe vraiment. D’abord, l’auteur évoque un banquier vivant à Paris (« un banquier à
Paris ») pour pouvoir introduire un personnage clef de l’histoire. L’auteur ajoute que le
second personnage principal, Hermann, est allemand et travaille à « Nuremberg » (p. 13).
C’est lui qui va prendre en charge le récit de l’auberge rouge. Cet hôtel se situe à
« Andernach », petite ville située sur la rive gauche du Rhin, à quelques lieues de
Coblentz : il s’agit, par conséquent, d’un lieu qui existe vraiment, que Balzac a retenu pour
donner l’illusion au lecteur que son récit est authentique. Les deux jeunes gens présents
au début des aventures que relate Hermann « viennent de France », plus précisément de
« Bonn » (p. 23). Plus loin, lorsque Prosper se met à rêver à tout ce qu’il ferait de l’argent
qu’il souhaite dérober au commerçant fortuné rencontré par hasard, le héros évoque
« l’Autriche », autre lieu qu’il souhaite gagner afin d’échapper aux poursuites éventuelles.
Balzac prend soin de multiplier les allusions à des lieux que l’on peut aisément situer sur
une carte, afin de créer un « effet de réel » : l’histoire est authentique, les événements
racontés ne sont pas le fruit de l’imagination de notre auteur.
Dans un second temps, on constate que l’écrivain réaliste rattache chaque
événement relaté à un contexte spécifique. Il fait fréquemment allusion à des
événements historiques, notamment en faisant en sorte que son récit se déroule
« pendant les guerre de la Révolution » et plus précisément pendant « la seconde
coalition » (p. 18). C’est pourquoi les deux jeunes gens doivent se rendre à Andernach : ils
doivent poursuivre « leurs études sur le champ de bataille », car ils sont « chirurgiens ».
Plus loin, lorsque le narrateur croit avoir dévoilé l’identité du vrai meurtrier, il fait allusion
à la « guerre en Allemagne » ainsi qu’à la « campagne de Wagram » (p. 48) : il s’agit de la
campagne militaire conduite par Napoléon contre l’Autriche. Parfois aussi, Balzac cherche
à mettre en évidence certaines pages de l’histoire de France, à mettre en perspective
plusieurs événements historiques : à la page 56, par exemple, le narrateur demande
conseil à ses amis, lors d’un repas qu’il a organisé, car il ne parvient pas à se résoudre à
épouser Victorine, la femme qu’il aime : au cours de la conversation, il fait référence à la
« révocation de l’édit de Nantes ». Louis XIV est à l’origine de cet acte politique majeur qui
a marqué l’histoire de France. Toutes ces allusions à des périodes temporelles présentes
ou passées permettent à Balzac de donner l’illusion qu’il s’active à rapporter des faits
réels.
[Partie II du développement]
Certains personnages du roman L’Auberge Rouge sont des héros, autrement dit
des personnages principaux de l’œuvre, car ils tiennent l’un des rôles les plus importants
dans l’action que relate Balzac. Le romancier évoque différentes actions qu’ils ont
accomplies au cours de leur existence et veille également à les décrire tant physiquement
que moralement.
Le héros d’un roman réaliste est réaliste, autrement dit, le personnage principal
d’une histoire qui se déroule dans un contexte réel doit également posséder des
Nathalie SOUBRIER Janvier 2013
1
caractéristiques susceptibles de le rendre « authentique », vraisemblable. Dans cet
ouvrage, Hermann et Prosper Magnan font figure de héros réalistes, dans la mesure où
leur comportement n’a rien d’inhabituel. Au tout début de la narration, Balzac décrit ainsi
le Banquier Hermann : il précise qu’il « riait avec simplesse », « buvait remarquablement
bien », « mangeait avec ce tudesque appétit » (p. 13). Tous ces verbes mettent en
évidence l’idée selon laquelle ce personnage est à l’origine d’actions banales, que tout le
monde peut effectuer au quotidien. Il insiste, en particulier, sur les besoins naturels du
personnage : le héros « boit » et « mange »… De tels détails permettent au lecteur de
s’identifier au personnage décrit, de se reconnaître en lui. Plus loin dans le récit, les deux
amis français mangent, échangent avant d’aller se reposer : leurs réactions sont
naturelles : « ils causèrent ainsi en gens dont la langue était déliée par le vin » (p. 29).
Cette proposition subordonnée montre que ces personnages réagissent à l’alcool, comme
n’importe quel individu dans la réalité. Ils ont, en effet, ce qui est logique étant donné le
contexte, tendance à parler un peu trop et donc à faire des confidences… Là encore,
Balzac souhaite pousser le lecteur à s’imaginer que cette situation est vraie.
Les personnages de ce récit sont non seulement réalistes mais encore à l’origine
de toutes les actions déterminantes de l’histoire. Ils sont toujours présents, à chaque
moment clef du roman. Hermann présente de la manière suivante la situation initiale : les
deux jeunes chirurgiens français marchent un long moment avant d’atteindre l’auberge
rouge : « les deux jeunes gens arrivèrent à Andernach » (p. 22). Le verbe de mouvement
employé montre que les personnages sont au cœur de l’action : c’est à partir de ce
moment que les péripéties vont se multiplier. L’élément perturbateur est clairement
évoqué : la venue d’un homme fortuné recouvert d’ « or » et de « diamants » met en
place l’action future (prépare le crime) : Prosper Magnan commence à imaginer le crime,
commence à échafauder un plan susceptible de lui permettre de s’enrichir très
rapidement (« ses pensées prirent insensiblement une mauvaise pente »). Toute
l’attention du lecteur se concentre sur ce personnage, car il va d’abord agir par la
« pensée ». L’image de la « mauvaise pente » dit assez bien que ses intentions ne vont pas
tarder à devenir réalité, ce que les pages suivantes confirment : les verbes d’action se
multiplient, car Prosper Magnan s’apprête à commettre le crime : il « prit sa trousse, y
chercha l’instrument le plus convenable pour achever son crime » (p. 33). Balzac met en
évidence le point de vue de son personnage : le recours à la focalisation interne permet
au public de se mettre à la place du héros, d’imaginer, de l’intérieur, ses actions. Ce
phénomène d’identification (que favorise le recours au point de vue interne) conduit le
lecteur à éprouver des sensations fortes : il a « peur », comme le suggérait d’ailleurs
Hermann au début de son histoire, en contemplant les actions du héros de l’histoire.
[Partie III du développement]
L’Auberge rouge se présente comme un roman ambigu, incertain, dont la nature
est difficile à cerner. Plusieurs explications justifient ce point de vue : Balzac nous propose
un roman policier et son récit est en partie fantastique.
D’abord, nous avons affaire à un roman policier, autrement dit un récit lié aux
enquêtes, à la police, aux crimes. La structure de ce roman est complexe : en effet, deux
couches narratives se superposent : un narrateur anonyme rapporte une conversation à
laquelle un banquier, Hermann, prend part. Au cours de la soirée, ce dernier raconte une
étrange histoire susceptible de faire « peur » aux convives rassemblés autour de la table.
Pendant le récit d’Hermann, on peut noter des interruptions, à plusieurs reprises, liées
aux interventions du narrateur, qui ne cesse d’observer l’attitude du convive Taillefer :
« si bien relevée par une cravate noire, que Whilem le montra à Prosper… Ici, Monsieur
Taillefer but un verre d’eau » (p. 26). On peut voir que dans cet extrait dès que Taillefer,
alias Whilem, entend parler de lui, il se met à faire des actes susceptibles de jeter le
Nathalie SOUBRIER Janvier 2013
2
soupçon sur lui. Les actions surprenantes et étranges de ce type se multiplient, si bien
que le narrateur le soupçonne de plus en plus fortement d’être responsable du crime qui
a été commis à Andernach, d’être Whilem, l’ami d’enfance de Prosper Magnan. Certain
de l’avoir démasqué, le narrateur va dès lors le torturer mentalement en revêtant en
quelque sorte la tenue d’un détective, d’un justicier. Pour ce faire, le narrateur va lui faire
comprendre implicitement qu’il a découvert sa véritable identité : « Ma voisine me
poussa le pied, et me fit un signe en me montrant Monsieur taillefer. L’ancien fournisseur
avait négligemment laissé tomber sa main sur ses yeux […] nous crûmes voir une flamme
sombre dans son regard » (p. 44) On peut voir que les doutes persistent du côté du
narrateur et s’accentuent : chaque regard est interprété…Tout est sujet à interprétation,
car chaque geste non contrôlé fait figure d’indice susceptible d’accabler de façon certaine
le criminel que notre héros détective veut voir arrêté. Taillefer, pris soudainement d’un
malaise à cause des tortures infligées par le narrateur, décide de se retirer : « Sa figure
exprima tout à coup d’horribles souffrances, et il sortit brusquement » (p. 50) Dans ce
passage, le narrateur suggère que l’accusé est rongé par la culpabilité au point d’en être
malade. A la fin du récit, le narrateur ne doute plus : il est certain d’avoir compris que
Taillefer est en réalité Wilhem. A la fin de ce roman policier déroutant, Taillefer meurt et
le narrateur se retrouve devant une affaire qu’aucun policier n’a su résoudre : l’Amour.
Ensuite, le récit est en partie fantastique, car les événements se produisent dans
une atmosphère mystérieuse et inhabituelle. Cette atmosphère est mise en évidence
d’emblée, au début du récit d’Hermann : il précise que les compagnons de route, Wilhem
et Prosper, rejoignent de « nuit » Andernach : « au moment où les deux jeunes gens
arrivèrent à Andernach, il était nuit close » (p. 22). L’indice temporel plonge le lecteur
dans l’effroi : la « nuit » noire, obscure peut en effet l’inquiéter et rendre l’action plus
mystérieuse encore. Ils atteignent enfin l’auberge, « entièrement peinte en rouge. Cette
auberge produisait un piquant effet dans le paysage » (p. 23) Le lieu ne passe pas
inaperçu, et pour cause ! La couleur « rouge » connote le sang, la violence… Ce détail
annonce d’ores et déjà qu’un crime abominable risque d’être commis, que l’endroit est
peut être hanté… Le lieu est déroutant, mais les personnages - contaminés par l’ambiance
mortifère – semblent évoluer dans un univers quasi surnaturel. Par moments, le lecteur
hésite entre une interprétation rationnelle et irrationnelle des événements relatés.
Prosper, en particulier, semble imaginer en permanence des événements : il s’imagine le
crime du négociant et se met à supposer « qu’il n’avait jamais existé » (p. 32). Balzac
laisse entendre que les personnages qu’il fait évoluer dans son récit n’existent pas
vraiment, qu’ils ne sont que le fruit de l’imagination des personnages qu’il a lui-même
créés. D’ailleurs, le lendemain du crime, Prosper en vient à douter de lui-même : « Par
moments, il croyait, m’a-t-il dit, ne plus exister » (p. 38) Prosper a le sentiment d’évoluer
dans un rêve, ou plutôt un cauchemar terrifiant et angoissant. D’ailleurs, l’accusé ajoute :
« Mes mains y ont fatalement trempé pendant que je dormais, car mon sommeil est
toujours agité » (p. 42) Le héros faisait-il un cauchemar ? A-t-il tout imaginé ? Ou a-t-il
véritablement commis le crime, dans un état second, lors d’une crise de
« somnambulisme » ? Balzac fait vaciller nos certitudes en poussant le lecteur à passer
d’un monde réel à un monde imaginaire et reconstruit de façon illusoire en permanence.
Quand il essaie d’expliquer le crime, il précise : « j’ai voulu expliquer le crime par le
somnambulisme » (p. 43) Il ne sait même pas s’il est l’auteur du crime ou pas ! Il est en
proie aux doutes, aux interrogations, tout comme le lecteur. Or, le crime a eu lieu la
« nuit » : par définition, ce moment est associé aux rêves, à l’imagination, se rattache
volontiers au monde des « rêveries » (p. 35). Tous ces éléments nous plongent dans un
univers fantastique, car Balzac ne nous offre pas de réponse, ne nous dévoile pas avec
certitude la fin de l’histoire.
Nathalie SOUBRIER Janvier 2013
3