Aide et soins au long cours, le modèle du Denknetz. Une esquisse

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Aide et soins au long cours, le modèle du Denknetz. Une esquisse
Le modèle du Denknetz : les soins et l’assistance au long cours
Denknetz Working Paper
Aide et soins au long cours, le modèle du
Denknetz. Une esquisse
23 juin 2015
Le groupe de travail « aide et soins au long cours » du Denknetz
Adrian Durtschi, chef de projet UNIA pour l’organisation syndicale dans le domaine des soins au long cours
Susy Greuter, auteure, Bâle
Barbara Gysi, conseillère nationale, PS
Silvia Marti, politologue, Berne
Katharina Prelicz-Huber, présidente SSP-VPOD, Zürich
Beat Ringger, secrétaire général Denknetz, Aarburg
Sarah Schilliger, sociologue, Bâle
Theresia Storz, infirmière, Zürich
Hans Sturm, rentier, Baden
Susanne Ulrich, historienne et fonctionnaire syndicale SSP-VPOD, Berne
Christina Werder, spécialiste en assurances sociales, brevet fédéral, Zürich
Traduction en français : Véréna Keller, professeure honoraire HES travail social, Genève
Résumé
Le groupe de travail « aide et soins1 au long cours » du Denknetz publie l’esquisse d’un
modèle de consolidation et de développement de l’aide et des soins au long cours. Un grand
nombre d’expert-e-s suisses et étrangers ont contribué à sa construction. Nous les
remercions chaleureusement. Le modèle a pour ambition de déclencher une discussion
politique et une réflexion publique quant à l’avenir de l’aide et des soins au long cours en
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Note de la traductrice : Le terme allemand Betreuung peut se traduire par accueil, accompagnement, aide,
assistance, encadrement, gestion, prise en charge, soutien, s’occuper de, ou même éducation. Aucun terme français
ne rend exactement la signification de Betreuung. Les activités ainsi désignées se distinguent clairement des activités
de soin. Trois références pour choisir un terme : le titre professionnel « Fachperson Betreuung EFZ » est traduit par
« CFC d’assistante socio-éducative ». L’OFS traduit Hilfe und Pflege par aide et soins. Le nouvel examen
professionnel (EP) Berufsprüfung Langzeitpflege und –betreuung se traduit en Assistant-e spécialisé-e en soins de
longue durée et accompagnement. Nous choisissons le terme d’aide. Quoique moins courant dans le domaine que le
terme d’accompagnement, il exprime plus clairement, selon nous, l’intervention active et la responsabilité des
professionnel-le-s et des organisations qui les emploient.
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Suisse. Le but en est la construction de repères cohérents permettant une organisation
démocratique et durable de l’aide et des soins au long cours respectant la dignité humaine.
Nous fondons nos réflexions sur le constat selon lequel l’aide et les soins au long cours
glissent, en Suisse comme ailleurs, dans une crise croissante. Il manque, selon nous, une
politique d’ensemble cohérente. Les prestations sont défaillantes, l’organisation actuelle est
dépassée et le financement n’est pas satisfaisant. Les prestations sont facturées selon des
standards de durée (« minutage »), ce qui entrave un processus de prise en charge globale et
aliène les soignant-e-s des soigné-e-s.
Nous plaidons, entre autres, pour une nouvelle législation nationale qui stipulerait un
concept élargi de soins, en y incluant précisément les prestations d’aide et de soutien. Cette
législation serait mise en œuvre par des services publics. Elle comprendrait l’habitat
accompagné (begleitetes Wohnen) et les soins et l’aide à domicile (Spitex). Nous ne
préconisons pas la création d’une nouvelle assurance de soins : le développement des
prestations doit se financer au travers de contributions fiscales.
Nos réflexions visent avant tout le bien-être des personnes ayant besoin d’aide, de leurs
familles et ami-e-s, ceci au travers d’une approche globale. Or, la politique actuelle se
focalise sur le financement des soins et, partant, sur la réduction des coûts. La politique
actuelle ignore totalement le fait qu’il est impossible d’économiser dans ce domaine. Dans la
mesure où nous admettons que toute personne ayant besoin d’aide obtienne de l’aide, où
nous admettons donc que personne ne doit tomber dans la misère, la seule option consiste à
transférer les charges et les coûts (sur les familles et les femmes, notamment) et non à les
éviter. L’expérience montre que des services publics d’aide et de soins constituent la
meilleure garantie pour le bien-être de toutes les personnes concernées.
1. Situation actuelle
En Suisse, une crise croissante caractérise l’offre de prestations d’aide et de soins aux personnes qui, pour cause de
maladie, d’accident, de handicap ou de vieillesse, ont besoin d’aide au long cours dans les actes de la vie
quotidienne. Contrairement aux explications courantes, les causes de cette crise ne résident pas prioritairement dans
l’évolution démographique. Il est toutefois vrai que le nombre de personnes nécessitant de l’aide augmente pour des
raisons démographiques. Or, un pays riche comme la Suisse est parfaitement en mesure de répondre à ce défi.
Plusieurs raisons expliquent pourquoi ce défi n’est pas relevé.
- Un grave manque de moyens publics mis à disposition pour les soins et l’assistance dans la vie quotidienne. Les
membres de la famille se trouvent de moins en moins en mesure d’aider leurs proches : soit ils et elles sont
professionnellement actives, soit l’éloignement géographique ne le permet pas. En ce qui concerne la politique de
santé, elle donne la priorité aux soins curatifs au détriment d’un accompagnement et d’aides de qualité en direction
des groupes particulièrement vulnérables. La prévention spécifiquement adressée aux personnes âgées est lacunaire,
guère financée publiquement et se limite le plus souvent à la distribution de médicaments. Il manque, de manière
assez générale, une offre de visites à domicile préventives financées publiquement. Les prestations préventives des
services d’aide à domicile ont été réduites car de telles prestations ne sont plus remboursées par les assurances
maladie. En forçant à peine le trait, on peut résumer la situation ainsi : plutôt que d’éviter les chutes, on en guérit les
effets à grands frais. Les logiques de financement actuelles peuvent même conduire à des effets pervers. Plutôt que
de conserver l’autonomie des personnes, elles produisent l’effet contraire : plus vite une personne est-elle installée
sur une chaise roulante, plus élevée est la contribution aux soins dont elle a besoin.
- Les pays scandinaves montrent l’exemple. Le Danemark, par exemple, consacre 2,5 fois plus de financements
publics (impôts, assurances sociales) à l’aide et aux soins des personnes de plus de 65 ans que la Suisse, alors que les
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dépenses pour la santé n’y sont pas, globalement, plus élevées qu’en Suisse. Au Danemark, le principe « mieux vaut
prévenir que guérir » est pleinement réalisé.
- L’offre de prestations est organisée de manière rigide et dépassée. Déjà lacunaire, elle continue à être réduite en
certaines régions. A de rares exceptions prêts, l’habitat accompagné, dont l’importance va croissante, se trouve
négligé par les pouvoirs publics. Ce sont ainsi les établissements médico-sociaux (EMS) qui délivrent des prestations
d’hébergement pour lesquelles ils n’ont pas été pensés, et qui y coûtent très cher. On observe, de plus, l’installation
d’organismes à but lucratif qui cherchent à profiter des modes de financements actuels. Leur option est le gain privé
au détriment des besoins des destinataires et du personnel.
- Les offres sont mal intégrées, guère mises en réseau et l’information à leur propos est défaillante. Les nouveaux
concepts est stratégies élaborés constamment (par exemple, en matière de démence ou de Palliative Care) n’ont
guère d’effets dans la pratique, ce qui s’explique, entre autres, par le fait que leur mise en œuvre est de compétence
cantonale ou communale.
- Les prestations d’aide reposent sur une conception sectorielle des besoins des personnes. L’aide, les soins et le
soutien dans la vie quotidienne sont considérés comme des aspects spécifiques et séparables. Les seules prestations
standardisées et reconnues sont les prestations de soins médicaux. Elles sont définies étroitement et même ces
prestations ne sont pas toutes financées correctement. Or il est nécessaire d’organiser les prestations sur la base d’une
vue d’ensemble, globale et intégrée des besoins concrets des personnes. Cette conception doit se négocier
publiquement et en tant que prestation de service public.
- Les salaires et les conditions de travail du personnel de soins et d’aide au long cours sont souvent insatisfaisants. Il
manque, de plus, des possibilités de formation professionnelle. Quant aux proches aidant-e-s, ils et elles ne sont pas
suffisamment soutenu-e-s. Leur situation se caractérise par des pressions d’ordre financier, émotionnel et temporel.
- Il manque des standards de qualité clairs en ce qui concerne les prestations offertes dans le domaine des soins au
long cours, et plus particulièrement dans le domaine de l’aide (Betreuung). Un trop grand nombre d’entreprises à but
lucratifs arrivent sur ce « marché ». Elles imposent au personnel des conditions de travail problématiques.
- Le fédéralisme produit des conditions d’accès, des offres et des prix variables en fonction du domicile. Le principe
d’égalité n’est pas respecté. Il l’est encore moins en matière de capacité économique des personnes. Les personnes
fortunées sont en mesure de s’offrir des soins et des aides de première qualité, alors que celles disposant de moindres
moyens sont réduites à des prestations lacunaires.
L’évolution démographique attendue renforcera, dans les années à venir, les effets de la mauvaise politique en
matière d’aide et de soins au long cours. C’est pour cette raison que le groupe de travail « aide et soins au long
cours » du Denknetz a esquissé un modèle de consolidation et de développement de l’aide et des soins au long cours.
Le modèle a pour ambition de déclencher une discussion politique et une réflexion publique dans le but de construire
une offre d’aide, de soins et de soutien moderne et humainement satisfaisante pour toutes les personnes ayant besoin
d’aide. Nous osons souhaiter qu’une alliance de personnes et d’organisations se formera sur la base de notre modèle.
Nous présenterons ci-après les principaux paramètres du modèle du Denknetz. Dans les mois à venir, nous
publierons divers documents fournissant des analyses et des chiffres à la base des différents éléments du modèle.
2. L’esquisse du modèle du Denknetz : les paramètres
Mandat légal
Un mandat légal national est indispensable pour permettre à chacun-e l’accès à des prestations de qualité en matière
de soins, d’assistance, de prévention de la santé et d’aide dans les actes de la vie quotidienne fournies par des
services publics. La mise en œuvre de ces prestations appartient aux cantons. Ils ne pourront pas déléguer ces tâches
aux communes, car cela favoriserait des inégalités d’offre entre communes riches et pauvres.
Une offre correspondant aux besoins
L’offre actuelle est centrée sur l’aide à domicile et des établissements médico-sociaux. Cette offre doit être
complétée et, en partie, remplacée par des formes d’habitat accompagné, des logements collectifs avec soins
(Pflegewohngruppen) ainsi que des structures stationnaires diurnes et nocturnes proches du domicile. Il est
nécessaire d’intégrer des services spécialisés et le Palliative Care et de favoriser des formes d’habitat innovantes, des
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offres d’infrastructures et la cohabitation intergénérationnelle. Ces offres doivent, bien entendu, être cohérentes et
complémentaires. Pour ce faire, il faut une conception d’ensemble et intégrée des services (partiellement ou
entièrement) stationnaires et ambulatoires. Une conception globale des prestations de soin, de prévention de la santé
et d’assistance s’impose. Cette tâche, à mener en réseau, est une tâche de la société tout entière. Elle doit se mener
selon des critères de qualité communément admis fixés pour l’ensemble du pays et être financée solidairement.
L’étendue des prestations et les responsabilités des acteurs respectifs seront fixées pour l’ensemble du pays. Les
cantons seront obligés d’offrir et de prévoir des prestations de soin, d’assistance et de soutien en quantité et en
qualité suffisante.
L’accès aux prestations doit être garanti à toutes et à tous. Dans ce but, les prestations complémentaires et les
allocations pour impotent-e-s seront garanties dans les situations de besoin, plus particulièrement pour les nouvelles
formes d’habitat accompagné (ce dernier comprend au moins un repas par jour, un service d’urgence 24h/24 et
pourra se compléter, selon les besoins, par d’autres services nécessaires).
Il est nécessaire de repenser l’articulation entre soins aigus stationnaires et ambulatoires. Les soins de réhabilitation
et de transition (Übergangspflege) seront fournis jusqu’à stabilisation de l’état de santé. De tels soins seront financés
selon les règles en cours pour les soins aigus stationnaires. Il est inadmissible de facturer aux patient-e-s des milliers
de francs lorsque les hôpitaux les transfèrent dans des établissements médico-sociaux où la prise en charge des
prestations hôtelières et d’assistance n’est plus couverte.
Un financement solidaire via les impôts – non à une assurance de soins
Nous demandons que les cantons couvrent, par les impôts, les coûts des prestations de prévention de la santé,
d’assistance et d’accomplissement des actes de la vie quotidienne ainsi que les prestations de soins non couvertes pas
les assurances maladie. Le financement via les impôts est nettement plus social qu’à travers des cotisations
individuelles d’assurance maladie. Ce type de financement inclut les profits des multinationales de la pharma et de
l’industrie de la santé. Ces dernières décennies, ces entreprises ont réalisé des profits énormes avec notre santé. Il est
nécessaire d’empêcher que le financement soir répercuté sur les communes. En outre, les assurances maladie
continueront à contribuer au financement à la hauteur de leurs charges actuelles. En Suisse, la part des impôts dans le
financement de la santé est très faible en comparaison internationale – c’est particulièrement choquant au vu des
cotisations individuelles non solidaires. Il faudra en outre calculer les contributions au maintien de l’existence (p.ex.
prestations hôtelières dans les EMS) de sorte que tout le monde puisse accéder à des conditions de vie digne. Ces
multiples raisons nous conduisent à refuser très clairement une nouvelle assurance de soins.
L’aide, les soins et le soutien dans la vie quotidienne pour le bien de toutes et tous
L’aide, les soins et le soutien dans la vie quotidienne seront conçus et mis en œuvre de manière cohérente et globale.
Cela implique de prendre en charge les besoins sociaux des destinataires. L’intégration sociale limite les dépressions
liées à l’âge ainsi que l’isolement et l’abus de drogues ou d’alcool. Il importe de limiter, dans toute la mesure du
possible, le morcellement des interventions et des changements trop fréquents du personnel soignant dans l’aide à
domicile. Les prestations seront rémunérées en tenant compte des besoins individuels des destinataires. Pour ce faire,
le type et l’étendue des prestations se détermineront, après une analyse appropriée (assessment), d’un commun
accord avec les personnes concernées. La qualité des prestations, l’efficience des moyens et les conditions de travail
du personnel seront assurées par des contrôles réguliers effectués par les pouvoirs publics. Un nouveau système de
rémunération est nécessaire, en remplacement de l’actuelle logique fondée sur la mesure du temps des seuls actes
médico-techniques (« minutage »). La logique actuelle entrave le processus global de soins, aliène les destinataires
des soignant-e-s et méprise les compétences empathiques des professionnel-le-s.
Un personnel soutenu et solide : éviter le stress moral, assurer des conditions de travail équitables
Dans une situation où le personnel d’aide et de soins n’est pas en mesure d’assurer des prestations suffisantes par
manque de temps, les professionnel-le-s se trouvent dans une situation de stress moral et déontologique. Ce stress
constitue, avec les conditions de travail, l’une des raisons principales pour lesquelles de nombreux professionnel-le-s
d’aide et de soins quittent leur activité prématurément et décident de changer de profession. De plus, une
standardisation exagérée ajoutée au manque de temps peut conduire à une dévalorisation démotivante du travail et
détruire l’attractivité des professions.
Pour remédier à ces problèmes, il importe de maintenir, dans les plans de soins, des marges de manœuvre
correspondant aux compétences professionnels et qui favorisent l’autonomie, la motivation et le sens des
responsabilités des soignant-e-s. De plus, les conditions de travail du personnel engagé dans ce secteur doivent
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correspondre sans restrictions à celles en vigueur dans les autres institutions de la santé et fixées dans des règlements
cantonaux d’emploi et de salaire. Les conventions collectives de travail s’orienteront également à ces normes
cantonales ; elles règleront les points indiqués de manière contraignante. Dans ces cas, elles devront avoir force
obligatoire. Lorsque les autorités signent des contrats de prestation et financent des prestataires, elles poseront
comme condition préalable le respect de ces principes. Le but est que l’ensemble de personnes engagées dans l’aide
et les soins au long cours soit soumis soit au statut en vigueur dans les institutions publiques soit à une convention
collective de travail.
Former le personnel en nombre suffisant, répartir les compétences de manière judicieuse
Aujourd’hui, une importante pénurie de personnel qualifié s’observe. Afin d’y répondre, il est nécessaire que les
cantons et la Confédération s’engagent davantage dans la formation professionnelle initiale et continue des
spécialistes de l’aide et des soins. Ces professionnel-le-s doivent disposer de compétences adéquates. Nous
demandons que la Confédération contribue à l’extension de l’offre de formation avec des financements initiaux. Il
convient, plus particulièrement, que l’ensemble des institutions dispensant des soins au long cours mette à
disposition un nombre approprié de places d’apprentissage et de stages. Pour ce faire, les institutions ont besoin de
soutien. Il appartient aux pouvoirs publics de financer les coûts de la mise en place de nouvelles filières de formation
(p.ex. le nouvel examen professionnel (EP) d’Assistant-e spécialisé-e en soins de longue durée et accompagnement).
Distinguons les soins aigus des soins au long cours. Dans le premier cas, ce sont les médecins qui disposent des
compétences générales et qui remplissent le rôle de coordinateurs. Dans le second cas, ces fonctions reviennent aux
soignant-e-s. Il leur appartient de conduire les processus de soins et d’assistance ; ils et elles doivent disposer des
compétences décisionnelles correspondantes (p.ex. ordonner des mesures de soin).
Soutenir les proches et les bénévoles de manière professionnelle
Dans notre modèle, les mesures de soins seront délivrées par des professionnel-le-s. Il s’agit là d’une tâche publique.
On observe que les contributions des proches, d’amis et de bénévoles se réalisent mieux et davantage lorsque les
pouvoirs publics assurent les besoin de base en soins et assistance. Les proches aidant-e-s sont ainsi soulagés et
protégés. Il importe, de plus, de les décharger suffisamment, de mettre à leur disposition toute information utile et de
favoriser l’échange d’expériences entre ces personnes. Nous refusons toutefois l’idée de verser une indemnité à ces
aidant-e-s. Un tel système, pratiqué dans certains pays, nous semble contreproductif. Il en va de même pour l’aide
bénévole. Elle n’est pas une alternative aux prestations des professionnel-le-s ; pour être acceptée et produire des
effets positifs, le bénévolat a besoin de soutien professionnel. Nous refusons des systèmes de prévoyance-temps
(Zeitvorsorgesysteme2). En outre, lorsqu’il faut assister rapidement un membre de la famille, nous demandons
d’accorder un congé pour soins aux salarié-e-s, ceci sans réduction salariale et en garantissant la place de travail.
Renforcer la prévention pour chaque groupe cible
Ces dernières années, la prévention s’est trouvée discréditée car abordée comme une mise sous tutelle des citoyens et
des citoyennes. Cela s’explique car la perception de la prévention est marquée par les campagnes des autorités
sanitaires. Or, une prévention efficace s’adresse surtout et de manière ciblée aux groupes les plus vulnérables. Le
Danemark montre l’exemple : dans un but de prévention, chaque personne âgée se voit proposées deux visites à
domiciles par année. A cette occasion, on aborde avec elle non seulement son état de santé, mais également sa
situation de logement et son entourage social. En Suisse aussi, nous aurions besoin de telles offres de prévention.
Favoriser l’organisation intégrée de l’aide et des soins
Nous demandons que les offres de soins de santé soient mieux intégrées par les prestataires. Mais cela ne suffira pas.
Il s’agira de déterminer pour chaque personne les prestations les plus adéquates. Dans ce but, chaque assuré-e
disposera d’une sorte de « centre de santé personnel » en désignant son prestataire de premier recours
(Grundversorger) (institution de prise en charge à long terme, réseau de soin, médecin de famille). En coordination
avec les patient-e-s et d’autres prestataires, ce prestataire de premier recours coordonne la prise en soin et
l’assistance. Il ou elle est responsable des offres de prévention selon les besoins de la personne et tient son dossier à
jour. Cette tâche est rémunérée. Elle permet également d’organiser le Palliative Care, cas échéant. Il importe que les
2
NdT : Dans le modèle de la prévoyance-temps, des personnes bien portantes apportant de l’aide à ceux et celles
qui en ont besoin au quotidien. En contrepartie, elles reçoivent des crédits de temps qui alimentent un compte
individuel et qu’elles pourront échanger par la suite contre des prestations d’aide, suivant leurs besoins.
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patient-e-s soient libres dans le choix des différents prestataires. L’instauration de dossiers de patient-e-s
électroniques sera aisément compatible avec de tels centres de santé personnels. La condition pour que de tels
dossiers soient utiles réside dans leur tenue professionnelle et responsable.
3. Activités prioritaires
En vue de changer la situation en Suisse rapidement et de manière durable, voici nos priorités :
1.
Il faut un mandat légal national garantissant à toute la population des prestations de soin, d’aide, de prévention et
de soutien dans la vie quotidienne. Ces prestations seront de bonne qualité et fournies par des entreprises
publiques.
2.
Une rapide revalorisation des services publics d’aide à domicile promet la meilleure efficacité. Il convient
d’intégrer les prestations d’aide, de soutien et d’assistance dans leur mandat de prestation de soins. De même, le
soutien dans les actes de la vie quotidienne sera offert par ces services et à des pris accessibles. Le statut de ces
services sera celui d’organismes d’intérêt public. Ils offriront des services d’urgence 24h/24. Il s’agira également
d’éviter le morcèlement des interventions et des changements de personnel trop fréquents. Il sera nécessaire de
mettre à disposition des moyens suffisants en plus de deux milliards de francs que coûte aujourd’hui, en Suisse,
l’aide à domicile. Les cantons sont libres d’agir dans ce sens. Cependant, la Confédération devra soutenir les
cantons avec des financements initiaux, jusqu’à ce que l’offre soit disponible dans l’ensemble du pays.
3.
Nous demandons que des possibilités d’habitat accompagné soient conçues, régulées et considérablement
développées en tant qu’infrastructures publiques. Il importe que ces formules permettent de recevoir les
prestations complémentaires pour autant que les autres conditions d’éligibilité soient remplies.
4.
La Confédération et les cantons doivent développer rapidement et énergiquement les offres de formation initiale
et continue dans les filières de soins et d’aide au long cours. Dans ce domaine également, la Confédération doit
viser une amélioration rapide de la situation actuelle au travers de financements initiaux. Il convient, plus
particulièrement, que l’ensemble des institutions dispensant des soins au long cours mette à disposition un
nombre important de places d’apprentissage et de stages. Il faut permettre de suivre gratuitement les nouvelles
filières (p.ex. le nouvel examen professionnel (EP) d’Assistant-e spécialisé-e en soins de longue durée et
accompagnement). La Confédération et les cantons doivent favoriser les statuts publics d’engagement ainsi que
les conventions collectives, afin de garantir de bonnes conditions de travail.
5.
Dans le but de renforcer l’offre de soins intégrée et globale, il s’agit de réaliser le modèle des centres de santé
personnel.
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