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HOMMAGE A ARMAN 7 NOVEMBRE 2015 – 6 MARS 2016 MAMAC Arman dans les collections du musée Le travail d’Arman occupe une place essentielle dans l’histoire du musée et dans la structure de ses collections. En effet, lors de la première phase d’acquisitions d’œuvres pour le futur MAMAC, la ville de Nice avait acquis Clair-obscur (1982), puis The Birds (1981). Arman avait conjointement offert au musée une de ses œuvres majeures, Allure aux bretelles (1959), une œuvre sur papier de grandes dimensions. Une Accumulation Renault de 1968 est acquise en 1999. En 2000, la collection Ronchèse qui s’est constituée à Nice lors des prémices du Nouveau Réalisme, vend au musée Vénus aux ongles rouges (1967). L’exposition monographique « Passage à l’acte » consacrée à l’artiste en 2001 est l’occasion de réitérer certaines de ses actions : Conscious Vandalism (destruction volontaire sous forme de performance d’un appartement bourgeois reconstitué), La Tulipe (explosion d’une Spitfire dans une carrière de Vence), Fleurs (installation d’une forêt de portemanteaux), etc. Cette même année, le fonds Arman s’accroît considérablement par achats et par donations : la ville de Nice achète Sans titre (coupe de violoncelle, 1962), Village de Grand-mère (1962), Sans titre (coupe de tubas, saxophones et trombones, 1983). Arman fait don de la Poubelle de Warhol (1969), tandis que la galerie Nahon offre Anamorphose (1962). En 2005, le fonds Arman est complété par l’acquisition d’une dizaine de gouaches et d’empreintes de cachets (1956-57). En 2004, à l’occasion de l’exposition « Intra-muros », Arman réalise sur l’une des façades du musée l’installation Camin dei Inglese. De plus, des dépôts à long terme permettent d’enrichir le fonds Arman : Colère (1961), mise en dépôt par le Fnac depuis 2002, Tulipe (2001), mise en dépôt par la Succession Arman depuis 2011, Accumulation de foulards dans résine (1965), mise en dépôt par Monsieur Guichard depuis 2003 et Volutes cubaines, mise en dépôt par Monsieur Amiel depuis 1999. Enfin, la sculpture en bronze de Music Power (1985), une accumulation de coupes de contrebasses appartenant à la ville de Nice, est présente depuis 1985 sur le parvis d’Acropolis, signal fort à l’image de la volonté de la Ville d’intégrer l’art dans le paysage urbain niçois. « Cachets » et « Allures » Dans les années 1950, Arman dirige son travail vers une peinture non figurative témoignant de l’influence de Serge Poliakoff et de Nicolas de Staël. Puis, l’artiste découvre l’œuvre d’Hendrik Nicolaas Werkman et voit certaines toiles de Jackson Pollock. Il abandonne alors le pinceau pour utiliser des tampons encreurs avec lesquels il imprime par des gestes, la surface de la feuille ou du tableau. Il adopte rapidement les grands formats et la composition en all over avec la série des « Cachets », technique consistant à recouvrir entièrement la toile par la répétition d’un même geste et motif. Il fréquente le groupe de recherches musicales (GRM) fondé par Pierre Schaeffer, qui vient d’inventer les appareils permettant d’étirer le son ou de le ralentir, donnant lieu aux Allures d’objets en musique. Arman débute alors sa propre version des « Allures » d’objets. Dans Allure aux Bretelles de 1959, Arman trempe dans l’encre de Chine des bretelles de pantalon et en gifle une large feuille de papier. Dans cette série, un objet de la vie quotidienne est détourné de sa fonction première ; un mouvement, une vitesse sont imprimés, saisis sur le papier, et ce geste est répété de manière à couvrir la surface de la toile selon la même technique du all-over. Les traces entrecroisées et dynamiques laissent deviner le spectacle qu’a dû être la réalisation de l’œuvre, avec sa violence obligée et sa chorégraphie. Les « Allures » sont l’étape intermédiaire entre la représentation de l’objet et sa présentation directe, en tant que telle, dans une composition. « Poubelles » À la fin de l’année 1959, Arman déverse le contenu d’une poubelle ménagère dans une boîte en verre, expérimentant ainsi la première « Poubelle ». Quelques mois plus tard, l’artiste commence la série des « Portraits-robots ». Dans ses « Portraits-poubelles », Arman empile les déchets trouvés dans la corbeille à papier d’amis comme dans l’œuvre Poubelle de Warhol datant de 1969 ou Portrait-poubelle de Jean de 1986. Le jeu artistique consiste à réunir dans une boîte des objets fournis par une personne afin de mettre en exergue l’essence même de sa personnalité. Puis, en 1960, après la retentissante exposition sur « Le Vide » (1958) de son ami Yves Klein à la galerie Iris Clert, Arman organise « Le Plein ». Il remplit pour cela la galerie du sol au plafond de détritus et d’objets de rebut. Le carton d’invitation est une boîte de conserve contenant quelques mégots et autres tickets avec l’annonce de l’évènement. En 1970, il reprend la série des « Poubelles » en incluant tous les déchets, y compris organiques. Les Ordures au Naturel de 1972, présentant divers déchets scellés dans des pots Le Parfait®, sont le résultat de son exposition à la galerie Carita à Paris au cours de laquelle les visiteurs, eux-mêmes producteurs de déchets, apportent ceux de leur choix à l’artiste afin qu’il les mette en pot et les signe. « Accumulations » L’accumulation est la répétition en grand nombre d’un objet de même type ; elle fait valoir le principe de production en série d’un même objet mais aussi la singularité de chacun à l’image de Culture Crème, œuvre datant de 1970 et présentant le même livre accumulé dans une grande boîte en plexiglas. Arman prend acte de la production de masse comme nouvelle réalité. Dans ses « Accumulations » planes ou en volume, l’artiste emploie surtout des objets du quotidien, usagés ou neufs, manufacturés ou artisanaux. Il raconte comment lui est venue l’intuition de l’accumulation en regardant ses boîtes d’objets collectés : « La plus profonde contenait des ampoules de postes radio, dorées, argent, certaines noires. C’était bien plein. Je la regarde et j’ai une sorte d’impulsion. Je trouve un rhodoïd, je le coupe à la taille de la boîte. Puis je prends un pinceau avec du noir, je peins les côtés. Je la redresse et j’ai ma première accumulation ». L’artiste ne s’est pas borné à accumuler et à coller, il compose comme un peintre. En 1959, il installe Fleurs, une forêt de portemanteaux, première accumulation spectaculaire d’objets provenant de l’hôtel Ruhl, sur la Promenade des Anglais. Le choix des objets eux-mêmes n’est pas anodin. Il inclut les « Accumulations » dans de la résine (Accumulation de foulards dans résine, 1965) ou du polyester comme dans la sculpture Vénus aux ongles rouges de 1967. Cette « Accumulation » présente des mains de mannequins aux ongles écarlates dans une inclusion de résine transparente en forme de nu féminin, une œuvre inquiétante à mi-chemin entre le fantastique, la citation des Vénus et le Surréalisme. Il emprisonne également des objets dans le béton, ou en a fait des tirages en bronze. L’immersion des objets dans une matière fait référence aux fossiles et aux sites archéologiques. La transparence de la résine polyester tend vers l’allégorie pompéienne. Enfin, en 2004, lors de l’exposition « Intra-muros », Arman réalise sur l’une des façades, l’installation Camin dei Inglese. À l’occasion de la mise au rebut des chaises bleues de la Promenade des Anglais, germe l’idée que ce symbole de la Baie des Anges des années 1950 pouvait être un matériel idéal pour réaliser une accumulation monumentale au-dessus de la galerie contemporaine. L’usage répété d’un objet de récupération rapproche cette installation des œuvres du début des années 1960, et sa mise en espace rappelle l’exposition parisienne « Le Plein ». Arman, à la fin de l’exposition, décide d’en faire don à la Ville, ce qui l’inscrit définitivement et de façon originale dans l’architecture du musée. « Colères » et « Coupes » Contrairement aux « Accumulations », dans les « Colères » et « Coupes » Arman privilégie des objets nobles : instruments de musique (Coupe de violoncelle sur panneau de bois, 1962) ou statues en bronze. En 1961, Arman réalise une première « Colère » en public à l’Abbaye de Roseland à Nice en détruisant des copies de meubles Henri II. Une seconde « Colère » est réalisée devant les caméras de la NBC. Pour chaque colère, l’artiste travaille dans une gestualité empruntée aux arts martiaux, qu’il adapte pour sauvegarder partiellement l’identité de l’objet. À partir de 1963, Arman invente des « Colères » spectaculaires avec les explosions dont la White Orchid, pour laquelle il intègre l’automobile à son œuvre en dynamitant la MG blanche du cinéaste Charles Wilp qui filme l’opération. Cette action est rééditée en 2001 avec l’explosion et la combustion d’une Spitfire dans une carrière à Vence, intitulée La Tulipe à l’occasion de l’exposition « Passage à l’acte » qui lui est consacrée au MAMAC. La Tulipe est présentée au MAMAC depuis 2005 à la suite du dépôt généreux de la Succession Arman. Le 5 avril 1975, Arman réalise la performance Conscious Vandalism, pour laquelle il saccage un appartement bourgeois. Cette action filmée sera rééditée en 2001 pour cette même exposition dans la galerie contemporaine du musée. La vidéo est présentée actuellement dans la salle de projection. L’acte de destruction fait fonction de défoulement poétique, à la fois brutal et merveilleux. Le geste artistique est ici paradoxal puisqu’il démolit l’objet uniquement en partie et le fait renaître en le présentant sous une nouvelle forme dans une dialectique de déconstruction/reconstruction. Dans Clair-obscur (1982) et Concerto de Pékin (1989), il brise la matière, la disloque en la projetant sur un pan du mur, l’explose en multiples fractions, puis laisse opérer la dispersion aléatoire des éléments d’instruments. Avec le procédé de la « Coupe » développé dès 1961, Arman cherche à comprendre la structure interne de l’objet, qu’il décompose afin de la remanier comme il le souhaite. Dans Le Village de grand-mère (1962), il accumule, par la technique du collage, une vingtaine d’anciens moulins à café mécaniques qui dégagent une certaine nostalgie. Arman révèle ici la beauté par la quantité dans une logique de saturation de l’espace. Le Village de grand-mère appartient à la série des « Coupes ». En effet, l’artiste tranche verticalement les moulins à café et les dispose sur un fond rouge encadré, selon un agencement qui ne doit rien au hasard. Ce geste de coupe permet de révéler un potentiel à l’accoutumée caché. Arman s’exprime à ce sujet : « Je crois que dans le désir d’accumuler il y a un besoin de sécurité, et dans la destruction, la coupe, se trouve la volonté d’arrêter le temps ». Parallèlement, les « Combustions » participent à l’exploration de cette volonté de destruction du sublime. La fragilité de l’objet saisi au moment critique de sa fin évoque une esthétique de la ruine engageant notre rapport au temps (Clair-obscur, 1962). Dans le film « Ecole de Nice », actuellement en projection dans la salle, le cinéaste Gérard Patris montre à travers la première « Combustion » de piano, l’implication du travail d’Arman dans le contexte des années 1960. DONATION FERRERO Avant de devenir le galeriste que l’on connait, Jean Ferrero a débuté sa carrière comme photographe aussi bien dans le domaine de la presse que dans celui de la photographie créative. D’abord à la rude école du « photo stop », il réalise dans la rue, des portraits à la volée où il développe son sens du cadrage, l’immédiateté du coup d’œil. Ensuite, au milieu des années cinquante, il débute une série de photos de nus masculins qui lui permet d’aborder le travail de la pose et les raffinements techniques de la lumière. Parallèlement, il été photographe de presse (carte de presses acquise dès 1956) et a collaboré avec plusieurs journaux dont Le Patriote, Nice-Matin, La Stampa…, mais surtout avec la prestigieuse revue « XXe siècle » pour laquelle il a réalisé de nombreux reportages sur des artistes célèbres de Picasso à Henri Moore, de Man Ray à Lucio Fontana, de Miro à Chagall en passant par Max Ernst ou Edouard Pignon. Ainsi introduit dans le monde de l’art, il a pu assouvir sa curiosité pour ces personnages. Jean Ferrero a toujours vécu au plus près des artistes qu’il a collectionnés et montrés, avec des affinités profondes pour certains, en particulier avec Arman, dont il fut non seulement un des marchands mais aussi un ami et un complice actif dans l’élaboration de son œuvre. « J’ai rencontré Arman très tôt quand il faisait du judo à la salle de la Police avec Yves Klein, vers 1954. J’ai eu avec lui une complicité très grande jusqu’à la fin de sa vie. Quand il a commencé à travailler sur les objets, avec les « allures », j’ai été très intéressé par l’originalité de cette démarche qui renouvelait l’approche dadaïste et surréaliste du collage. […] Klein était un mystique, un peu illuminé, difficile d’accès et Martial Raysse, n’était pas un caractère facile non plus… Avec Arman, c’était autre chose, il était curieux de tout et avait une capacité énorme à mémoriser les connaissances sur toute sorte de sujets. Comme il avait un esprit particulièrement clair et qu’il aimait transmettre son savoir et charmer son auditoire, il était très intéressant comme interlocuteur. Ce qui était frappant, c’était sa capacité de se passionner pour un sujet et de le creuser à fond ; on apprenait beaucoup de choses avec lui. » De cette relation intime partagée jusqu’à la disparition de l’artiste, Jean Ferrero a saisi nombre d’instantanés évoquant aussi bien son travail de création que sa vie familiale et amicale. BIOGRAPHIE Né à Nice en 1928, Armand Pierre Fernandez, dit Arman, suit tout d’abord les cours de l’Ecole nationale des arts décoratifs de sa ville natale, puis ceux de l’Ecole du Louvre à Paris. Lors de deux expositions dans la capitale en 1954, la révélation des collages de Kurt Schwitters puis des « Drippings » de Jackson Pollock décide de sa carrière. Délaissant les outils traditionnels de la peinture et ses démarches de peintre abstrait, il entreprend dès 1955 le geste de la répétition systématique dans l’acte de tamponner à travers la série des « Cachets ». A la fin des années 1950, n’importe quel objet peut devenir pour lui un nouveau médium pictural. Ce sont des chaînes de bicyclettes, des colliers de boules, des chapelets ou des tiges qu’il trempe dans la couleur puis qu’il projette avec force sur le support. Dans Allure aux Bretelles de 1959 présente dans les collections du MAMAC, Arman trempe dans l’encre de Chine des bretelles de pantalon et en gifle une large feuille de papier. Collectionneur dans l’âme, il initie en 1959 la période des « Accumulations ». Le casier, le compartiment, le tiroir, la case de l’échiquier ou le jeu de go, célèbre jeu chinois de stratégie combinatoire dont Arman était un fervent adepte, ont fondé son langage artistique. La première accumulation d’Arman fut conçue en un éclair, en regardant un casier d’objets amassés. Puis, il réalise les « Poubelles » dans lesquelles les détritus organiques ou des objets utilitaires sont entassés dans des boîtes en plexiglas. Dans ses « Portraits-poubelles », Arman empile les déchets trouvés dans la corbeille à papier d’amis comme dans l’œuvre Poubelle de Restany. Ses œuvres sont le résultat d’une action, le plus souvent réalisée en public sans toutefois supprimer dans sa démarche l’avatar du tableau. En 1960, Arman devient l’un des fondateurs du groupe des nouveaux réalistes. À partir de 1961, l’artiste développe sa carrière à New York, où il réside et travaille la moitié de son temps, en alternance avec sa vie à Nice jusqu'en 1967, puis à Vence jusqu'à sa mort dans sa maisonatelier nommée Le Bidonville construite par l’architecte et ami Guy Rottier. Il s’engage en 1961 dans un corps à corps avec l’objet et il réalise la série des « Colères » puis des « Coupes » sur des objets ménagers ou des instruments de musique. En 1964 et 1965, il exerce un geste-happening dans les « Combustions », dont est issue La Tulipe en dépôt au musée, qui fut réalisée à l’occasion de l’exposition « Passage à l’acte » consacrée à l’artiste en 2001 au MAMAC. Arman meurt à New York en octobre 2005.