Le lin, l`étoffe d`un succès

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Le lin, l`étoffe d`un succès
SAVEURS ET TERROIRS V
JEUDI 5 NOVEMBRE 2015 COURRIER PICARD
TEXTILE
Le lin, l’étoffe d’un succès
Parmi les dix départements producteurs de lin textile en France, on trouve la Somme.
Visite de la coopérative Calira, qui contrôle 75 % des surfaces de lin du département.
À SAVOIR
▶ La coopérative Calira emploie
80 salariés. Présidée par Antoine
Berthe, producteur de lin à Ailly-leHaut-Clocher, elle regroupe 430
associés-coopérateurs, qui exploitent 5 100 hectares de lin, dans
la Somme, le nord de la SeineMaritime et le sud du Pas-deCalais.
▶ Dans la Somme, les coopérateurs de Calira exploitent 75 % de
la surface de lin du département.
▶ L’usine de Martainneville, dans
le Vimeu, possède cinq lignes de
teillage (extraction des produits du
lin à partir de la plante récoltée) et
peut travailler 180 tonnes de lin par
jour.
▶ La France est le premier producteur de lin dans le monde, avec
une production estimée de 103 500
tonnes de fibres longues en 2015
(134 000 tonnes en Europe, c’est-àdire France, Belgique, Hollande), et
69 000 hectares de surface estimée
en 2015, pour 93 000 hectares en
Europe.
▶ L’ensemble du lin textile français est produit dans la Somme,
l’Oise, l’Aisne, le Pas-de-Calais, le
Nord, la Seine-Maritime, la Seineet-Marne, l’Orne, le Calvados et
l’Eure.
huiles pour peintures ou linoléum,
et des tourteaux, qui servent d’aliments pour le bétail ».
Les balles de lin, que les tracteurs de la coopérative vont chercher chez ses adhérents, arrivent à l’usine de Martainneville. Le teillage peut commencer. Parmi les
ci, 180 tonnes de lin textile
sont travaillées par jour, par 80
salariés. « On a pratiquement la
plus grosse capacité de production
en France », annonce Vincent Delaporte, directeur de la coopérative Calira, à Martainneville (dans
le Vimeu, à l’ouest de la Somme,
entre Abbeville et Blangy-surBresle). L’homme est un passionné. Il suffit de le voir toucher les
échantillons de filasse, ou fibre
longue, afin d’en évaluer la qualité et la résistance, pour s’en
rendre compte.
Calira est une coopérative, ce qui
signifie qu’elle appartient aux
producteurs. « Nous mutualisons
les moyens techniques pour transformer le lin et vendre chaque produit le plus cher possible afin de
procurer le maximum de revenus
aux producteurs », explique le directeur. La transformation en
question, c’est le teillage, autrement dit, l’extraction de la fibre à
partir de la paille de lin. « Chez
nous, tout est suivi, continue
Vincent Delaporte. Il y a une traçabilité totale, de la parcelle du
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champ aux produits finis ». Ainsi,
chez Calira, on ne mélange jamais
les productions de deux agriculteurs, y compris au moment de la
vente. Un gage de qualité,
d’amour de ce produit issu du terroir, qui valorise le travail des producteurs. Cerise sur le gâteau, le
lin demande peu d’intrants (d’engrais), se félicite le directeur.
LE LIN DANS LES CHAMPS Le lin est
une culture particulière. Il demande des terrains avec de
bons limons, peu de craie, un climat assez « maritime », ce qui explique les localisations de cette
culture (lire par ailleurs). « On le
sème fin mars, et on l’arrache entre
le 1er et le 15 juillet », résume
Vincent Delaporte. « C’est un cycle
court de 110 jours. Si un accident
climatique se produit, la plante ne
peut pas se rattraper, contrairement
au blé qui est déjà semé à cette
époque de l’année et sera moissonné l’été prochain ».
Au moment de la récolte, le lin
n’est pas coupé, mais arraché,
laissé sur le sol (c’est l’étape du
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rouissage) puis retourné, et finalement enroulé. Des opérations
qui font appel à des machines
spécifiques. « L’objectif est que le
producteur nous fournisse la
meilleure qualité possible de lin »,
précise le directeur de la coopérative. Quand le lin est prêt, il peut
être apporté à l’usine de Martainneville, pour être traité dans ses
cinq lignes de teillage (qui réalisent chacune l’ensemble des
opérations), et en tirer les produits suivants.
LA FILASSE C’est la fibre longue
extraite de la paille de lin
(qui désigne la plante entière
telle qu’elle arrive à l’usine,
contrairement à la paille du blé).
« La filasse représente entre 17 et
25 % du poids de la paille de lin »,
détaille Vincent Delaporte. « Et
85 % des recettes, puisque le prix de
vente atteint les 3 euros par kilo ».
Elle est revendue à des grossistes
qui l’envoient, « à 90 % », en Chine,
pour y être travaillée dans les filatures. La filasse sert à confectionner des vêtements ou des tissus
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d’ameublement (rideaux, draps,
nappes, etc.) Au final, « des produits vendus aux États-Unis, en Europe de l’Ouest, en Inde et au Japon », selon le directeur de Calira.
LES ÉTOUPES C’est la fibre courte
(de 13 à 20 % du poids de la
paille de lin). « Les meilleures
fibres courtes servent aussi dans les
filatures, pour des mélanges avec
du coton, de la laine ou du polyester », explique Vincent Delaporte.
« Les moins bonnes vont en papeterie, pour fabriquer, notamment, du
papier à cigarettes ou des billets de
banque. La qualité intermédiaire finit dans les matériaux d’isolation ».
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LES GRAINES Elles représentent
entre 4 et 7 % du poids du lin.
Il ne s’agit pas ici de graines
comestibles, utilisées par exemple
par certains boulangers. « Le lin
textile est sélectionné pour sa qualité de fibres, ce n’est pas la même
variété », rappelle le directeur de
la coopérative. « Les graines
partent pour des huileries, qui
après trituration, en sortent des
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LES ANAS Ces fragments qui résultent du teillage représentent entre 47 et 50 % du
poids de la paille de lin. Cette matière très légère (120 kg le mètre
cube) est revendue à un prix modique (35 à 50 euros la tonne, à
comparer avec les 3 euros par kilo
de filasse). Elle sert à fabriquer
des panneaux de particules, des
agglomérés, pour ses qualités
d’isolation phonique. Calira a décidé de diversifier les débouchés
de ce produit en le revendant à
des fabricants de granulés (ou
pellets) pour chaudières à biomasse. « Vu que les granulés d’anas
de lin sont friables, on les déconseille à l’usage dans les poêles »,
prévient Vincent Delaporte. Sous
forme de granulés ou de
paillettes, les anas sont également
utilisés pour pailler les sols des
jardins et plantations. Autre
usage, après dépoussiérage : des
litières pour chevaux.
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LES POUSSIÈRES Ce résidu final
du teillage (10 % du poids de
la paille de lin) sert de compost. Là aussi, du 100 % naturel.
DENIS DESBLEDS
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GCA05.

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