Germaine Richier devant l`Ecole des Beaux-Arts de
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Germaine Richier devant l`Ecole des Beaux-Arts de
Germaine Richier, de Montpellier à Montpellier ... Salle Germaine Richier ... L’après-guerre, entre figuration et abstraction ... 45 Germaine Richier n’a que deux ans lorsque sa famille quitte Grans pour s’installer à Castelnaule-Lez, aux portes de Montpellier, où elle passe son enfance et sa jeunesse dans la propriété familiale du Prado. La sculpture devient rapidement sa principale préoccupation lorsqu’elle rentre à l’Ecole des beaux-arts de Montpellier, inscrite en « dessin d’imitation » en 1920, à « tous les cours » en 1923, et enfin en "histoire de l’art, décoration, sculpture" en 1925. Elle est l’élève du sculpteur montpelliérain Guigues, à qui l’on doit une Tête de jeune femme* en pierre serpentine verte ainsi qu’un Portrait de Frédéric Bazille (salle 39), en plâtre. Cet ancien praticien de Rodin lui enseigne la technique de la taille directe, qu’elle utilisera peu dans son œuvre ultérieure. On peut supposer que Guigues, directeur de l’école des Beaux-Arts et conservateur du musée Fabre, deux institutions réunies dans le même bâtiment, ait incité les élèves à fréquenter assidûment les collections ; mais au début des années 20 les exemples de sculptures que Germaine Richier peut y puiser sont essentiellement académiques. Elle finit sa scolarité en 1926 avec Jeunesse, qui lui vaut un premier prix et « monte » à Paris à l’automne. Devenue la seule élève particulière d’Antoine Bourdelle, à qui l’on doit la Tête d’Apollon* et une figure allégorique, la Tête de l’Eloquence*, elle découvre l’art du modelage d’après le modèle vivant, qui donne une inflexion décisive à sa pratique. Installée dans son propre atelier, avenue du Maine en 1929, puis à partir de 1933 et jusqu’à la fin de sa vie dans celui de l’avenue de Châtillon, elle travaille à partir de cette date en toute indépendance et accueille à son tour des élèves, tel César Baldaccini, dit César. Le Loretto est certainement l’une des œuvres les plus importantes de cette période, dite « réaliste », où Germaine Richier multiplie les études d’après nature, les bustes et les nus. Si cette partie de l’œuvre appartient pleinement à la statuaire de l’entre-deux-guerres et témoigne d’un métier parfaitement maîtrisé, elle fait déjà entendre une note discordante. La grâce de l’adolescent se trouve contredite par le crâne chauve, le torse maigre, presque rachitique, et l’ancrage ferme des pieds dans le sol. Les disproportions du corps sont au service d’une force expressionniste qui transcende le modèle classique, et l’aplomb rigoureux de la pose rompt avec l’harmonie du contrapposto. Germaine Richier met au point un vocabulaire qui lui est propre, et se livre à une première exploration des possibilités expressives du corps humain, territoire dans lequel se développera toute son œuvre. La guerre éclate alors qu’elle se trouve à Zurich en compagnie de son mari, le sculpteur suisse Otto Bänninger ; elle décide d’y rester et ouvre un atelier qui reçoit de nombreux élèves. Ces années de guerre représentent une époque charnière pour Germaine Richier. Les Escrimeuses*, réalisées en 1943, apparaissent comme le point de basculement entre la période réaliste et le reste de l’œuvre : à la fois fidèles à l’enseignement reçu, portant la marque de ses préoccupations sur le mouvement, et annonçant les postures imitées des animaux et insectes qui vont suivre. Si leur stabilité renvoie au Loretto, l’action suspendue annonce un déséquilibre à venir : « Je ne cherche pas à reproduire un mouvement, dit-elle, je cherche plutôt à y faire penser. Mes statues doivent donner à la fois l’impression qu’elles sont immobiles et qu’elles vont remuer. » En 1944, Germaine Richier commence à mêler à certaines de ses créations humaines le monde animal avec la Sauterelle, puis le monde végétal avec l’Homme-forêt, en 1945. L’inspiration vient de son enfance au milieu de la campagne languedocienne peuplée d’insectes, qu’elle aimait beaucoup observer et avec lesquels elle jouait. C’est le début d’une * 2 ex de cette fiche 45 Un astérisque signifie que l’œuvre mentionnée fait partie de l’accrochage de la salle Germaine Richier devant l’Ecole des Beaux-Arts de Montpellier durant l’hiver 1920-21 Archives Françoise Guiter / © Françoise Guiter / ADAGP nouvelle série que la critique nomme les « êtres hybrides » ; parfois inquiétantes, parfois paisibles, ces œuvres renvoient l’être humain à ses origines, et traduisent aussi bien la violence de ses pulsions que la permanence de son inscription dans le cosmos. 1946 est une année exceptionnellement créatrice pour Germaine Richier, qui achève trois œuvres majeures : L’araignée I*, La mante, La chauve-souris*. Avec L’araignée I, entrée dans les collections du musée grâce à un don de l’association des amis du musée Fabre, Germaine Richier innove en incorporant à son œuvre des fils métalliques ; cette invention va lui permettre de prolonger dans l’espace ses sculptures et de matérialiser les lignes de force ; on les retrouve en particulier dans La fourmi en 1953. Germaine Richier travaillant à l'Escrimeuse avec son modèle, dans son atelier, à Zurich, en 1943 Archives Françoise Guiter / © Françoise Guiter / ADAGP Dans la Chauve-souris*, Germaine Richier utilise pour la première fois un matériau pauvre, la filasse ; plongée dans le plâtre, puis égouttée, étendue, elle devient une sorte de résille ajourée, évoquant la fragilité de la membrane qui couvre les ailes des chauve-souris. Richier décide pour la première fois de ne pas recouvrir la sculpture d’une patine, mais de conserver le bronze dans son état naturel qui, une fois nettoyé, est doré. Cette technique, que l’on retrouve dans les années 50 avec La cigale, Tauromachie, Le cheval à six têtes traduit une autre des préoccupations de l’artiste, celle de réintroduire la couleur en sculpture. Elle annonce ainsi les incrustations de verre coloré et les plâtres peints de L’échiquier réalisés dans les dernières années de sa vie. Revenue en France en 1947, Germaine Richier rencontre un engouement croissant pour son œuvre. En 1950, elle reçoit une commande d’un christ en croix pour l’Eglise de Notre–Dame–de–Toutes–les–Grâces, sur le plateau d’Assy, l’un des grands manifestes de l’art religieux après guerre où tout ce que l’art moderne compte d’important est réuni : mosaïque de Fernand Léger, vitraux de Bazaine et Rouault, céramiques de Chagall et Matisse, peinture de Bonnard… Le Christ de Germaine Richier, totalement dépouillé, déclenche une vive polémique ; il en est retiré en 1951 et n’ y sera replacé et classé monument historique qu’en 1971. L’une des dernières œuvres de Germaine Richier, La montagne (cour Richier) a récemment rejoint les collections du musée Fabre grâce à un dépôt du musée national d’art moderne. Elle représente à bien des égards l’aboutissement de toutes les recherches de l’artiste. Organisée sur le vide, comme les sculptures à fils, elle nous montre la lutte de deux êtres comme les Escrimeuses. Le corps obèse et creux à la fois rappelle celui de Nardonne, le modèle de Rodin qui posa à de nombreuses reprises pour Germaine Richier. Celui du personnage maigre, évoque la mante religieuse de la série des êtres hybrides. On retrouve également ce pied massif et disproportionné qui ancre la sculpture au sol, comme dans le Loretto des débuts. Après une exposition au musée national d’Art moderne en 1956, Germaine Richier, malade, arrête son travail pour la première fois et va habiter chez sa sœur au Domaine de la Tour d’Aling près d’Arles. Elle décède à Montpellier le 31 juillet 1959 au faîte d’une consécration internationale. Les musées d’Antibes, Zurich, le Louisiana Museum of Modern Art au Danemark, la Tate modern à Londres, la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence, l’Akademie der Künste à Berlin, le Pavillon du musée Fabre à Montpellier et la Fondation Peggy Gugenheim à Venise ont, depuis, consacré des expositions importantes à ce sculpteur majeur pour l’art du XXe siècle. verso du 45 Germaine Richier dans son atelier, à Paris, durant l'été 1956 Archives Françoise Guiter / © Françoise Guiter / ADAGP