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LA LETTRE DU CABINET
ISF :
CARACTERISTIQUES PRINCIPALES
ET LES NOUVEAUTES DE L’ANNEE 2015
Par Olivier Charpentier-Stoloff & Merabi Murgulia
Olivier Charpentier-­‐Stoloff ostoloff@iea-­‐avocats.fr Avocat associé Spécialiste en Droit fiscal et douanier Merabi Murgulia mmurgulia@iea-­‐avocats.fr Avocat ! Mécanisme global de l’ISF
L'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est dû par les personnes physiques disposant au 1er janvier de
l'année d'imposition d'un patrimoine supérieur à 1 300 000 €.
L'ISF est assis sur l'ensemble des biens, droits et valeurs non expressément exonérés composant le
patrimoine du redevable au 1er janvier de chaque année. L'ensemble du patrimoine s'apprécie au niveau
du foyer fiscal comprenant les conjoints (personnes mariées, liées par un PACS ou vivant en concubinage)
et les enfants mineurs dont ils ont l'administration légale des biens.
Les personnes physiques qui ne sont pas domiciliées en France sont imposables uniquement sur leurs biens
situés en France.
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Certains biens sont exonérés de l'ISF notamment les biens professionnels, les objets d'antiquité, d'art et de
collection, les droits de la propriété littéraire, artistique, industrielle (brevets, marques, dessins et modèles)
appartenant à leur inventeur, les titres reçus en contrepartie de la souscription, directe ou indirecte via
une société holding, au capital d'une PME, les bois et forêts et parts de groupements forestiers et autres.
Les biens imposables sont évalués selon les règles prévues pour les droits de succession, c'est-à-dire
d'après la valeur vénale réelle. Les dettes existant au 1er janvier de l'année d'imposition sont déductibles
pour la détermination de l'assiette de l'impôt, sous réserve qu'elles soient à la charge personnelle du
redevable. Par ailleurs, les dettes contractées pour l'acquisition des biens sont déductibles de la valeur
taxable de ces biens à condition qu'ils soient compris dans l'assiette d'ISF.
Une fois le patrimoine déterminé, il existe deux modalités différentes de déclaration :
" Lorsque le patrimoine est compris entre 1 300 000 € et 2 570 000 €, il convient de porter
directement le montant de la valeur brute et de la valeur nette taxable du patrimoine sur la
déclaration d'ensemble de revenus dans le cadre ISF de l'imprimé n° 2042 C.
" Lorsque le patrimoine est égal ou supérieur à 2 570 000 €, il convient de déposer une déclaration
d'ISF n°2725.
Le montant de l'ISF à payer est calculé en appliquant au patrimoine net le barème de l'article 885 U du
CGI. Le taux de l’ISF varie de 0.5% à 1.5% selon le montant du patrimoine net taxable.
Barème ISF 2015
Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine
Taux applicable
Jusqu'à 800 000 €
0%
Entre 800 000 € et 1,3 million € (inclus)
0,5 %
Entre 1,3 million € à 2,57 millions € (inclus)
0,70 %
Entre 2,57 millions € et 5 millions € (inclus)
1%
Supérieure à 5 millions € et inférieure ou égale à 10 millions €
1,25 %
Supérieure à 10 millions €
1,5 %
Important : lorsque le patrimoine net taxable excède 1,3 million €, le barème de l'ISF s'applique dès la
fraction dépassant 800 000 € et non pas à partir de 1,3 million €.
! Intérêt de faire une déclaration d’ISF
En matière d’ISF, il existe deux prescriptions différentes. Le délai de reprise de l'administration se prescrit :
" le 31 décembre de la 3ème année suivant celle au cours de laquelle l'exigibilité des droits a été
suffisamment relevée par la déclaration sans qu'il soit nécessaire de recourir à des recherches
ultérieures.
" le 31 décembre de la 6ème année dans les autres cas.
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Il apparaît donc judicieux de déposer une déclaration d'ISF (n°2042 C ou n°2725) afin de démarrer une
prescription courte de 3 ans. Par exemple, une insuffisance d’évaluation d’un bien immobilier se prescrit
par trois ans. En revanche, l’omission du même dans la déclaration ISF se prescrit par six ans.
! Sort des avoirs (comptes bancaires, contrats d’assurance-vie, trusts, etc.) détenus à l’étranger et
non déclarés en France dans l’assiette de l’ISF
En application de l'article 1649 A du CGI, les personnes physiques domiciliées en France sont tenues de
déclarer les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger.
Lorsque ces obligations déclaratives n'ont pas été respectées par les contribuables concernés, le délai de
reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la 10ème année suivant celle au titre de laquelle
l'imposition d'ISF est due.
L'administration risque donc de réintégrer la valeur du compte (assurance-vie, trusts etc.) dans l'assiette de
l'ISF à partir de l'année 2007 et assortir le supplément d'ISF avec la majoration de 40%, des intérêts de
retard et de l'amende pour non-déclaration des avoirs à l'étranger (prescription différente de l'amende
pour la non-déclaration des avoirs à l'étranger).
Il convient donc de s'interroger sur l'opportunité de régulariser les avoirs non déclarés sous le bénéfice
actuel de la circulaire Cazeneuve qui propose des atténuations de la majoration de 40% et de l'amende
pour non-déclaration (les intérêts de retard demeurent inchangés).
En tout état de cause, la prescription de 10 ans s'applique aux avoirs (comptes bancaires, contrats
d'assurance-vie, trusts, etc.) non déclarés détenus à l'étranger.
! Nouveauté concernant les véhicules de collection
Les véhicules de collection peuvent bénéficier de l'exonération d'ISF. Une circulaire douanière du
8 décembre 2014 est venue préciser des nouveaux critères de détermination des véhicules de collection.
A partir du 1er janvier 2015, les véhicules de collection en matière d'exonération d'ISF s'entendent de ceux
qui, cumulativement :
" se trouvent dans leur état d'origine, sans modification substantielle du châssis, de la carrosserie,
du système de direction, de freinage, de transmission ou de suspension ni du moteur. Les
réparations et les restaurations sont autorisées. Les pièces, accessoires et unités endommagés ou
usés peuvent être remplacés pour autant que le véhicule soit conservé et maintenu dans un bon
état sur le plan historique, les véhicules modernisés ou modifiés étant exclus ;
" sont âgés d'au moins 30 ans ;
" correspondent à un modèle ou type dont la production a cessé.
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Par ailleurs, les véhicules ayant participé à un événement historique et ceux conçus, construits et utilisés
exclusivement pour la compétition et qui possèdent un palmarès sportif significatif lors d'événements
nationaux ou internationaux prestigieux gardent la qualification des véhicules de collection même s'ils ne
remplissent pas les trois critères ci-dessus.
Il est donc impératif d'analyser les caractéristiques des véhicules afin de les exclure de l'assiette de l'ISF.
! La problématique de la holding animatrice de groupe
Comme nous avons rappelé dans le mécanisme d'ISF, les biens professionnels sont exonérés de l'assiette
d'ISF. L'administration considère comme condition essentielle l'existence d'un lien de nécessité entre
l'activité exercée et les biens appartenant au redevable pour que ces derniers puissent être regardés
comme des biens professionnels.
Les actions d'une société holding peuvent être considérées comme des biens professionnels à condition
que cette société holding soit considérée comme une animatrice effective de son groupe.
En effet, la qualification de biens professionnels doit être retenue pour les actions des sociétés holding qui
sont animatrices effectives de leur groupe, participent activement à la conduite de sa politique et au
contrôle des filiales et rendent, le cas échéant et à titre purement interne au groupe, des services
spécifiques administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers par opposition aux actions des
sociétés holding qui ne font qu'exercer les prérogatives usuelles d'un actionnaire.
La démonstration du rôle d'animatrice de la société holding est largement factuelle et la vigilance doit
être de mise.
Récemment, la chambre commerciale de la Cour de cassation (arrêt n°13-11420 en date du 6 mai 2014)
a considéré qu'un soutien financier de la société holding à sa filiale ne constitue pas une intervention
effective dans l'animation de cette dernière.
Lors de contrôles fiscaux, l’administration fiscale brandit une définition particulièrement restrictive de la
holding animatrice. Elle considère qu’une holding n’est animatrice que si elle assure l’animation effective
de l’ensemble de ses filiales et pas seulement des sociétés dont elle a le contrôle effectif. Il suffit donc
qu’une filiale ne soit pas animée pour que la qualité d’animatrice de la holding lui soit refusée.
Cependant, un récent jugement du TGI de Paris (jugement n°13-06939 en date du 11 décembre 2014)
apporte un espoir aux contribuables. Selon ce jugement, le seul fait de détenir une participation
minoritaire dans une filiale non animée n'est pas de nature à remettre en cause sa qualité de holding
animatrice. (cf. ci-après la jurisprudence relative à l’ISF).
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! Le sort de la trésorerie excédentaire
La base des données BOFiP (BOI-PAT-ISF-30-30-10-40 n°130, 05-08-2013) dispose que :
"Les liquidités et placements financiers assimilés sont présumés constituer des biens professionnels
pour leur totalité si le total des valeurs réalisables à court terme ou disponibles est inférieur au passif
exigible à court terme ou, dans le cas contraire, pour leur fraction égale au passif exigible à court
terme de l'entreprise diminué des créances d'exploitation."
Tout comme la notion de la société holding animatrice, l'administration fiscale a la faculté de contester le
caractère professionnel d'un bien inscrit à l'actif d'une entreprise.
L'administration peut apporter la preuve que les trésoreries excédentaires ne sont pas nécessairement et
effectivement affectées à l'exercice de la profession.
Cependant, l'appréciation à porter sur le montant des liquidités ne peut résulter d'un indice unique, mais
suppose la prise en compte d'un certain nombre de critères, tels que la taille de l'entreprise, son secteur
d'activité, sa situation régulièrement bénéficiaire ou déficitaire, l'évolution régulière ou erratique du ratio :
liquidités et placements financiers assimilés / valeurs réalisables à court terme ou disponibles.
Il convient tout de même de demeurer vigilent sur la trésorerie excédentaire lorsqu'elle dépasse le chiffre
d'affaire ou le passif exigible d'une société.
! Remise en cause de l'abattement de 30% pour la résidence principale lorsque le bien immobilier
est détenu via une SCI
Conformément l'alinéa 2 de l'article 885 S du CGI, un abattement de 30 % est effectué, en matière d'ISF,
sur la valeur vénale lorsque l'immeuble est occupé, au 1er janvier de l'année d'imposition, à titre de
résidence principale par son propriétaire.
Le texte de la loi est muet sur le cas de la détention de la résidence principale via une SCI mais la base
BOFiP l'exclue explicitement.
En effet, la base des données de BOFiP (BOI-PAT-ISF-30-50-10 n°120, 21-01-2014) précise que :
La notion de résidence principale doit s'entendre du logement dans lequel le redevable réside
effectivement et de manière habituelle pendant la majeure partie de l'année.
Il est précisé que ce dispositif concerne également les parts de sociétés mentionnées à
l'article 1655 ter du CGI, dont les associés sont réputés être directement propriétaires des logements
correspondant à leurs droits. En revanche, sont exclus de ce dispositif les titres de sociétés civiles de
gestion ou d'investissement immobilier, alors même que l'immeuble détenu par le redevable
constituerait sa résidence principale.
Il ressort que le BOFiP refuse le bénéfice de l'abattement de 30% sur le bien immobilier détenu par un
contribuable via une SCI dans lequel il réside de manière effective et habituelle.
A la suite de l'affaire Carrez de l'année dernière, nous n'avons pas pu analyser la position des juridictions
judiciaires car ce dernier n'a pas voulu contester le redressement basé sur l'extrait de BOFiP susvisé, mais il
serait curieux de voir l'analyse des tribunaux sur le fait qu'un article du CGI ne parle pas de l'interdiction de
détention d'une SCI mais c'est une instruction administrative qui l'affirme.
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Cependant, il convient de souligner que le texte de la loi (article 885 S du CGI) parle d'un "immeuble
occupé à titre de résidence principale par son propriétaire", ce qui semble exclure la SCI. C’est la SCI qui
est propriétaire du bien immobilier occupé et non pas la personne physique qui y réside.
! Les arrêts récents en matière d’ISF
• Plafonnement de l'ISF et produits d'assurance-vie
Le Conseil d'Etat a annulé pour excès de pouvoir la doctrine administrative qui précisait que les produits
des contrats d'assurance-vie devaient être retenus, pour le calcul du plafonnement, pour leur montant
soumis annuellement aux prélèvements sociaux (CE 20 décembre 2013 n° 371157, 372625 et 372675, 8e et
3e s.-s., SA Axa France Vie).
L'administration avait pris position en ce sens en dépit de la décision du Conseil constitutionnel 2012-662
DC du 29 décembre 2012 invalidant sur ce point l'article 13 de la loi de finances pour 2013.
Après une nouvelle tentative de la part de l’administration fiscale, le Conseil constitutionnel dans sa
décision 2013-685 DC du 29 décembre 2013 a déclaré contraire à la Constitution le dispositif de prise en
compte de revenus latents dans le plafonnement ISF.
• Holding animatrice de groupe
Les arrêts sont fréquents. Dans une première espèce, la convention conclue entre la société holding et sa
filiale n'établissaient pas la nature exacte des prestations devant être fournies. Le rôle de la holding n’était
pas démontré. Aucune facturation n’a été émise par la société holding (Cass. com. 10 décembre 2013
n° 12-23.720 ; également, Cass. com. 8 octobre 2013 n° 12-20.432).
Dans une deuxième espèce, la holding s’était portée caution des financements souscrits par sa filiale et
avait mis en place une convention de trésorerie. Ces faits, selon les juges, s'ils attestent du soutien
financier d'un actionnaire, ne constituent pas une intervention effective dans l'animation de la filiale. Les
titres de la société holding ne pouvaient pas en conséquence bénéficier de l'exonération au titre des
biens professionnels (cf. Cass. com. 6 mai 2014 n° 13-11.420).
• Dettes déductibles des bases de l’ISF
Les dettes d’impôt sont déductibles des bases de l’ISF. La dette d'impôt résultant d’un report d’imposition
n’est pas à la charge du contribuable. Elle n’est pas déductible de l'actif taxable au titre de l'ISF tant qu'il
n'a pas été mis fin au report (cf. Cass. com. 6 mai 2014 n° 13-11.420).
• Caractère professionnel des liquidités et titres de placement
Le prix vente d’un fonds avait été immobilisé pendant une longue période par une société. La
reconversion envisagée nécessitait des capitaux importants. Toutefois, les ratios relevés par l'administration
fiscale démontraient que les liquidités et titres de placement représentant 85 à 95 % de l'actif. Le
caractère professionnel a été reconnu par le juge (cf. CA Toulouse 6 janvier 2014 n° 12/04586, 1e ch.,
sect. 1, Dircofi Sud-Pyrénées c/ E).
En revanche, lorsqu’une société cède la quasi-totalité de ses actifs que ses associés lui avaient apportés
et réinvestit faiblement sa trésorerie dans la gestion de chambres de maisons de retraites médicalisées,
l’exonération d’ISF est refusée (Cass. com. 21 janvier 2014 n° 12-28.988).
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• Quelle rémunération pour une exonération d’ISF au titre des biens professionnels ?
L’article 885 O bis du CGI exonère d’ISF les parts ou actions de sociétés lorsque leur propriétaire exerce
des fonctions de direction lui procurant plus de la moitié de ses revenus professionnels.
Le texte légal exige que les fonctions de direction exercées dans la société donnent lieu à une
rémunération normale.
L’administration fiscale admet que l'on puisse prendre en compte la rémunération attachée à une autre
fonction exercée au sein de la société par le contribuable (BOI-PAT-ISF-30-30-30-10 n° 240, 8 juillet 2013).
Pour la première fois, la Cour de cassation rejoint cette analyse en admettant le principe d’une
rémunération globale (fonction de dirigeant et création artistique au profit de la société.
Cass. Com. 17 mars 2015, n° 299 FS-D).
O. CHARPENTIER-STOLOFF & M. MURGULIA
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