Prévisions de trafic et planification des infrastructures aéroportuaires

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Prévisions de trafic et planification des infrastructures aéroportuaires
Prévision de trafics et planification des infrastructures aéroportuaires :
Expériences en Méditerranée Occidentale
Elisabeth SAVARY
DGAC / Direction des Transports Aériens
Jacques LE BERRE
DGAC / Service Technique des Bases Aériennes
Ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement
FRANCE
Prévisions de trafic et planification des infrastructures aéroportuaires à la DGAC
I. Description des méthodes de prévisions : applications à la planification aéroportuaire.
Dans ce que je vais présenter en termes d’outils et méthodes, on se rapproche en fait très
fortement de ce que M. Javier Cristóbal a présenté.
Je voudrais simplement faire une principale observation, qu’il avait déjà faite au début de son
intervention : c'est qu’en fait, il n’y a pas «une méthode», mais «des méthodes», et il est
extrêmement rare que pour une prévision qui nous est demandée, nous n’utilisions qu’un seul
type de méthode. Nous disposons d’un certain nombre d’outils - qui sont des outils soit
quantitatifs soit de type qualitatif - et nous les combinons selon la nature du problème posé et
la précision attendue de résultats.
Nous pouvons avoir, effectivement, des prévisions très globales (au niveau par exemple de la
France entière) ou des prévisions qui nous sont demandées à un niveau extrêmement détaillé
pour un aéroport donné, auquel cas nous travaillons soit de manière globale soit de manière
désagrégée (ce qui est de plus en plus fréquent pour la prévision de trafic aérien).
En règle générale, ce qui nous est demandé quand nous travaillons pour le service des bases
aériennes, c’est d’établir une prévision en terme de mouvements, de passagers et de capacité
avions, par faisceau et liaison, à 5, 10, 15 et 20 ans. Les outils classiques sont de trois ordres :
les modèles économétriques, les outils qualitatifs et l’analyse prospective.
I.1.
Les modèles économétriques.
En termes de modèle économétrique, nous utilisons pour tout ce qui est prévision à court
terme (un an) des modèles de Box-Jenkins. Nous utilisons ces modèles, par exemple, tous les
26 de chaque mois, en établissant une prévision annuelle pour l’ensemble du trafic
aéroportuaire français et pour le trafic de chacun des dix premiers aéroports français. Il s’agit
d’une prévision qui est établie en termes de passagers et de mouvements.
Nous utilisons également les outils économétriques pour la prévision à moyen terme. Dans
cette prévision, nous avons différents types de modélisation. Nous utilisons des régressions en
fonction du temps pour les prévisions à 5 ans et essentiellement quand l’évolution du trafic est
extrêmement stable longtemps ; les aéroports des Caraïbes, par exemple, se prêtent tout à fait
à ce type de méthodologie. Par contre, il est certain qu’une prévision sur le trafic de l’aéroport
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Expériences en Méditerranée Occidentale
de Clermont-Ferrand, qui a bénéficié ces dernières années d’une stratégie de hubs de la part
de la compagnie régionale Air Lines, fait que ce type de méthode est totalement inutilisable.
Nous avons également actuellement, en préparation, un ensemble de modèles qui sont des
modèles de régression multiple avec un certain nombre - là encore - de variables exogènes. Ce
sont des modèles qui vont permettre de prévoir le trafic pays-pays (c’est-à-dire, FranceAllemagne, France-Royaume Uni, etc.) et aussi par grandes zones (c’est-à-dire FranceAmérique du Nord, France-Amérique du Sud, etc.). C’est de l’agrégation des résultats de
chacun de ces modèles que l’on peut reconstituer la prévision de l’ensemble du trafic
aéroportuaire français.
Chacun de ces modèles - au total une vingtaine - est un modèle de type ARIMA et nous donne
des tendances annuelles et en même temps une prévision trimestrielle. Chaque modèle a une
famille de variables explicatives, en fonction de la relation qu’on cherche à expliquer. Parmi
les variables exogènes utilisées, il y a le PIB (qui peut être soit national, soit régional), les
tarifs (nous avons deux séries tarifaires qui sont prises en compte et qui sont des séries très
longues à reconstituer : d’une part le tarif «y» et d’autre part le tarif «aller–retour» le plus
bas), et les données démographiques (la répartition de la population et principalement la partie
de la population active dans le secteur tertiaire).
On utilise également pour la prévision au niveau du trafic intérieur les modes concurrents
comme variable explicative, c’est-à-dire l’offre de services des modes concurrents en termes
de prix et de temps d’acheminement.
Nous avons aussi une variable explicative intégrée désormais dans les modèles (qui n'était pas
intégrée il y a deux ou trois ans), qui est une variable «Hub» ; c’est-à-dire, par exemple, que si
je veux expliquer le trafic entre Lyon et Francfort, je vais faire intervenir, en plus des
variables économiques, une variable Hub qui va être calculée à partir de la base OAG (je vais
calculer le nombre de sièges offerts pendant un certain temps sur la plate-forme de
destination). C’est un peu compliqué à expliquer, mais c’est ce qui me permet d’avoir une
variable Hub et d’expliquer la partie non économique du trafic.
I.2.
Les outils qualitatifs.
En règle générale, le plus souvent, l’ensemble de cette approche économétrique est - bien
évidemment - complétée par une approche qualitative qui va être plus ou moins riche en
fonction soit de la précision de ce que l’on nous demande, soit de la complexité du problème.
Ces approches qualitatives sont composées d’un certain nombre d’outils : enquêtes passagers,
enquêtes entreprises, enquêtes agences de voyages et entretiens avec les acteurs politiques et
économiques.
•
Les enquêtes passagers, lorsque l’on en dispose, sont extrêmement précieuses, car elles
permettent par exemple de mesurer le taux de correspondance. Actuellement, nous
avons accès - via un prêteur - aux données du BSP, qui nous permettent d’avoir sur
l’ensemble des plates-formes françaises les origines et destinations véritables des
passagers, ce qui nous facilite la tâche.
30
Prévision de trafics et planification des infrastructures aéroportuaires :
Expériences en Méditerranée Occidentale
•
Nous avons aussi des enquêtes auprès des entreprises qui sont interviewées, ainsi que
des enquêtes auprès des agences de voyages qui vont nous permettre d’avoir cet avis
appelé jugementaire et qui va compléter l’approche économétrique.
•
Et puis, il y a évidemment des entretiens avec les compagnies aériennes, et aussi avec
les acteurs politiques et économiques qui vont nous éclairer sur la stratégie à moyen et
long terme des aéroports et du contexte politique et économique (grands projets
d’infrastructures) et de la zone de chalandise que draine l’aéroport.
I.3.
L’analyse prospective.
Ces deux familles d’outils - quantitatifs et qualitatifs - nous servent surtout à une prévision sur
le moyen terme. Pour essayer de «se sortir» un peu du poids du passé, nous utilisons une
approche prospective. Si dans les outils économétriques que nous utilisons, il est bien évident
qu'il y a en fait une projection de la structure du passé, dans une méthode prospective - qui va
intervenir en complément de ces deux autres méthodes que je viens de citer - il y a une
projection dans le futur.
La démarche prospective, c’est considérer que l’avenir est le résultat du jeu de multiples
acteurs qui agissent en fonction de leurs projets futurs, ce qui va nous permettre de définir
quels sont les futurs possibles, et non pas simplement des projections de la tendance passée.
C’est donc le fait d’envisager qu’on peut avoir des compositions du paysage aéronautique très
différentes les unes des autres. L’alinéa III.1. montre comment on l’a appliqué au niveau de la
France. Nous le résumons sur quatre types de scénarios que je vous cite et qui correspondent
un petit peu à des organisations différentes du transport aérien :
ž
le réseau maillé (qui est une généralisation des dessertes point à point) ;
ž
les compagnies globales (l’organisation du réseau aérien simplement en système de
hub) ;
ž
l’Europe des infrastructures, où il y a une très forte concurrence modale ; et
ž
la vie à distance, qui est un scénario de réappui.
Il est bien évident que la méthode prospective nous permet d’être plus créatif ou plus
imaginatif qu'avec les méthodes économétriques, qui sont véritablement des projections du
passé.
I.4.
Observations concernant les méthodes de prévision.
En ce qui concerne les méthodes de prévision, je voudrais faire trois observations :
Ÿ
Il y a un problème de fonds : le problème des statistiques. Effectivement, globalement il
faut de plus en plus - quand on fait de la prévision- pouvoir dissocier le trafic lié au
phénomène économique du trafic lié aux stratégies des compagnies aériennes, et ouvoir
- justement - désagréger le trafic entre trafic vrai et trafic de correspondance.
Ÿ
Le deuxième point concerne les enquêtes passagers. En France, nous n’avons pas
d’enquêtes passagers qui soient faites systématiquement. Par les aéroports nous avons
des informations ponctuelles et c’est un outil qui est à mettre en place si nous voulons
faire de la bonne prévision ; il faut faire en sorte que les aéroports mènent régulièrement
31
Prévision de trafics et planification des infrastructures aéroportuaires :
Expériences en Méditerranée Occidentale
Ÿ
des enquêtes auprès des passagers qui permettent de connaître l’origine-destination, la
typologie, le motif du voyage, etc.
Et puis, la troisième observation, c’est qu’on peut s’interroger sur la pérennité de la
notion d’élasticité et notamment de l’élasticité par rapport au PIB (qui est en fait l’outil
qui est principalement utilisé). Du fait du développement des réseaux et de la mise en
correspondance des réseaux, on s’aperçoit que le développement du trafic aérien est de
plus en plus déconnecté de la croissance économique.
Je n’ai peut-être pas traité fondamentalement des méthodes, mais plutôt de l’esprit dans lequel
nous faisons ces prévisions ; bien évidemment, tout ce que je vous ai expliqué est supporté par
ailleurs par des modèles.
Maintenant, je vais passer la parole à M. Jacques Le Berre, qui va vous parler de la manière
dont il utilise ces prévisions pour ces propres besoins.
I.5.
Applications des prévisions de trafic.
Pour prolonger l’intervention de Mme Savary, je vais vous faire une présentation de deux
types d’application au sein de la DGAC des prévisions de trafic qui sont élaborées par nos
services : d’une part, en présentant les études de capacité qui sont menées au STBA (Service
Technique des Bases Aériennes) et, d’autre part, en faisant un point rapide sur les études
d’environnement et de bruit.
I.5.1. Études de capacité.
L’étude de la capacité aéroportuaire est ce qui permet de relier la prévision trafic à la
prévision des besoins en infrastructure.
Depuis quelques années, nous avons engagé un travail sur cette notion de capacité
aéroportuaire, en essayant d’une part de mieux définir ce qui était la capacité aéroportuaire et
d'autre part d’avoir une approche plus globale de cette capacité - c’est-à-dire ne portant pas
seulement sur la piste, mais aussi sur l’ensemble du système aéroportuaire, et en particulier
sur l’aérogare, avec le débit de passagers accepté par l’aérogare et en allant même jusqu’à la
capacité des voies d’accès à l’aérogare et puis à la capacité environnementale, à
l’acceptabilité de notre infrastructure aéroportuaire -.
L’objet de l’étude de capacité est de calculer une capacité et de la comparer au trafic qui a été
calculé dans le cadre des prévisions de trafic qui vous ont été présentées auparavant.
Nous avons défini la capacité de la manière suivante :
ž
d’une part, la capacité théorique (CT), qui est la capacité idéale de l’aéroport - c’est-àdire celle qu’on obtient quand finalement dans un monde un peu rêvé où les avions sont
positionnés à l’arrivée comme au départ de façon idéale, sans qu’il y ait aucun retard,
aucune perte de temps ; et
ž
d’autre part, une capacité opérationnelle (CO), qui est une capacité maximale, réaliste,
en tenant compte des moyens dont on dispose au sein de l’aéroport et de la qualité de
service qu’on souhaite offrir aux passagers.
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Prévision de trafics et planification des infrastructures aéroportuaires :
Expériences en Méditerranée Occidentale
Pour relier la capacité théorique à la capacité opérationnelle, on définit une notion de
rendement (CO/CT, capacité opérationnelle divisée par la capacité théorique, la capacité
opérationnelle étant évidemment inférieure à la capacité théorique). On calcule ce rendement
par l’expérience, sur des sites donnés.
Les études de capacité s’inscrivent pour la DGAC française dans un cadre multiple : d’une
part, il s’agit d’offrir aux aéroports des conseils techniques pour lutter contre la saturation
aéroportuaire qui gagne les principales plates-formes aéroportuaires françaises ; d’autre part,
ces études de capacité sont aussi un outil de tutelle des gestionnaires d’aéroports, des titulaires
de concessions aéroportuaires, pour contrôler l’opportunité des investissements qui sont
réalisés sur les aéroports ; enfin, comme c’est l’administration française qui est en charge de
la planification à long terme des aéroports, puisqu’elle est propriétaire des terrains des platesformes aéroportuaires, il s’agit de se doter d’un outil de planification à long terme.
On retrouve donc un élément à la décision pour tous les termes de la prévision de trafic : court
terme (donc terme immédiat avec les questions de gestion et de coordination en particulier),
moyen terme (avec l’avis sur les projets d’infrastructures des gestionnaires), et long terme
(avec la planification aéroportuaire et le calendrier des investissements).
La capacité théorique est calculée en tenant compte de l’infrastructure, des règles de sécurité
de navigation aérienne et aussi du type de trafic. En fait, pour calculer une capacité qu’on va
comparer aux prévisions trafic en fin d’étude, on a aussi besoin d’information sur le trafic
comme donnée initiale, comme paramètre d’entrée.
Pour faire ce calcul, nous travaillions il y a quelques années avec un logiciel appelé SIMOD,
que nous n’utilisons plus actuellement car nous estimons que c’est un outil trop lourd, qui ne
nous permet pas de faire des études de variantes de façon suffisamment souple. Nous utilisons
maintenant un outil de calcul propre à nos Services. Cet outil calcule une capacité théorique,
qui permet de comparer cette capacité au trafic constaté ou prévu et de tester des variantes
d’infrastructures. Nous disposons de cet outil dans les volets pistes et aussi dans les volets
aérogares.
Les données de trafic qui nous sont utiles pour la réalisation de nos études concernent les
prévisions de la structure du trafic de pointe avec, d’une part, les types d’avion que nous
allons trouver (quatre groupes d’avions) et, d’autre part, la typologie du trafic avec la
répartition des séquences AA, AD, DD, DA (arrivée-arrivée, arrivée-départ, départ-départ,
départ-arrivée) caractérisant le trafic.
Ce calcul de capacités que nous faisons, nous le comparons à des données de trafic annuelles
qui font l’objet des études que Mme Savary vous a présentées - donc prévision de trafic
annuelle en nombre de passagers par an et sa traduction en trafic horaire de pointe
(mouvements/heure), avec des relations entre l’heure de pointe caractéristique et le trafic
annuel -.
I.5.2. Les études de bruit.
Pour les études de capacité, je devrais vous présenter également l’utilisation des données de
trafic dans les études d’environnement. Peut-être parce que c’est une donnée qui dans le cas
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Prévision de trafics et planification des infrastructures aéroportuaires :
Expériences en Méditerranée Occidentale
de la planification tel qu’elle est établie en France aujourd’hui devient une donnée de base, un
élément d’aide à la décision de planification qui est de plus en plus importante. Ces études de
bruit, qui étaient faites à posteriori autrefois, sont aujourd’hui de plus en plus des études
initiales, qui permettent de faire des choix de planification en fonction de l’impact des
différentes variantes de projet sur l’environnement immédiat de l’aéroport.
En France, nous disposons d’un outil principal, le plan d’exposition au bruit (PEB), qui
permet de limiter l’urbanisation autour des aérodromes. Pour établir ce PEB, nous devons
disposer de données de prévisions de trafic à moyen terme, puisque le plan d’exposition au
bruit est établi sur 10 à 15 ans. Les informations qui nous intéressent sont :
ž
le total du trafic prévu à cet horizon,
ž
la traduction de ce trafic en nombre de mouvements,
ž
la détermination d’une journée représentative (nous retombons encore sur ces questions
d’heure de pointe, de jour de pointe, et de relation entre ce qu'est une journée
représentative et ce qu’est une journée de pointe), et
ž
des données plus détaillées, comme la répartition du trafic entre le jour et la nuit
(puisque ces deux trafics ne sont pas comptés de la même façon pour calculer l’impact
sur l’environnement) et la répartition par type d’avion.
III.
Réflexions sur les scénarios socio-économiques et les besoins d’infrastructures
aéroportuaires.
Nous allons vous montrer maintenant deux types d’exercices :
Ÿ
Un premier exercice qui s’inscrit dans ce que l’on appelle en France les «schémas de
services de transport», qui est un exercice de planification, de définition de la politique
de transport à l’horizon 2020 et de la mise en place de cette politique de transport à
l’horizon 2020, qui se décline aussi bien en termes de services que d’infrastructures.
Des exercices de prévision de trafic ont été bien évidemment menés sur la base des
quatre scénarios sur lesquels nous travaillons en France. À partir de ces prévisions, nous
verrons comment il est possible d'identifier les problèmes des insuffisances de capacité
auxquelles nous allons être confrontés dans les années à venir.
Ÿ
Un deuxième exercice sur le cas de Marseille-Provence, qui est une application directe
des méthodes que nous utilisons et qui sont toujours dans la même veine de ce que nous
vous avons expliqué préalablement, c’est-à-dire une approche économétrique et une
approche qualitative, et tout ceci soutenu par une démarche prospective en termes de
scénarios.
III.1. Les schémas de services de transport.
Les schémas de services de transport vont être l’élément directeur de la politique des
transports en France pour les vingt prochaines années.
C’est un exercice multimodal, qui est fait par l’ensemble des modes de transport et qui se
décline aussi bien en termes de services. Cet exercice doit permettre pour chacun des modes
d’identifier les problèmes de capacité - donc les investissements à mener - ainsi que de
poursuivre un certain nombre d’objectifs en termes de qualité de services, en termes
d’intermodalité, en termes d’accessibilité des territoires au niveau européen et au niveau
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Prévision de trafics et planification des infrastructures aéroportuaires :
Expériences en Méditerranée Occidentale
international et, puis des objectifs en termes également de réduction des émissions de CO2
conformément aux engagements pris par la France lors du protocole de Kyoto.
Pour établir en fait cette réflexion, nous avons déterminé les quatre scénarios déjà cités
préalablement : « le réseau maillé », «les compagnies globales», «l’Europe des
infrastructures» et «la vie à distance». Ces quatre scénarios sont entamés d’une manière tout à
fait classique (figure 1) :
ž
D’abord, par un cadre au niveau géopolitique. Nous imaginons les différents scénarios
possibles au niveau de l’organisation mondiale. Ce qui va être déterminant, surtout au
niveau du transport aérien, c’est le type de relation que la France va avoir soit avec
l’Europe, soit avec les États-Unis, soit avec le sud-est asiatique.
ž
Ensuite, par le mode de régulation économique, qui va d’un libéralisme très accentué à
une intervention de l’État beaucoup plus importante.
ž
Enfin, en termes de modes de vie.
Figure 1 – Le cadre général des scénarios
LE RESEAU
L ES COMPAGNIES
L'E UROPE DES
MAILLE
GLOBALES
INFRASTRUSTURES
L A VIE À
D ISTANCE
Cadre
géopolitique
Nations
(pas de
regroupements
stables )
Structure
mu ltipolaire (EU,
ALENA, Japon,
Chine, Russie...)
Triade (Union
Européenne, ÉtatsUnis, Japon)
Montée de la zone
Pacifique (et de
l'Est de l' Europe)
Mode de
régulation
économi que
Concurrence
atomistique
Concurrence
oligopolistique
(entreprises
globales)
Libéralis me
tempéré
(préférence
communautaire)
Retour du politique
au niveau local
Société d'individus
et de petits groupes
instables
Inégalités au sein
de l'archipel des
grandes métropoles
mondiales
European Way of
life
Villages
électroniques
Modes de vie
Ces scénarios sont également déterminés en termes d’organisation du transport aérien (figure
2), en débouchant en fait soit sur une accentuation de la desserte pointe à point, soit sur une
organisation du transport aérien en termes de hub au niveau de l’espace communautaire, soit
sur un troisième futur possible qui est un développement de l’ensemble des infrastructures
TGV.
Derrière tous ces éléments qualitatifs, il y a un modèle économétrique qui est basé un petit
peu sur le même exercice qui a été fait en Tunisie et qui donne un certain nombre de résultats.
La figure 3 montre l’évolution pour l’ensemble du trafic aéroportuaire français, qui était
environ de 117 millions de passagers en 1999, et qui attend selon ces divers scénarios
différents types de niveau.
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Prévision de trafics et planification des infrastructures aéroportuaires :
Expériences en Méditerranée Occidentale
Ce qu’il faut savoir, c’est que cet exercice global est soutenu par des prévisions qui sont faites
aéroport par aéroport. Ces prévisions sont ensuite confrontées aux études que l’on peut faire
d’une manière beaucoup plus fine pour assurer une cohérence entre les prévisions que nous
faisons aéroport par aéroport - dans le cas par exemple des documents de planification - et
cette vision globale, afin qu’il y ait une bonne adéquation entre l’ensemble des prévisions. Cet
exercice ne conduit donc qu’à identifier des problèmes de sous-capacité pour certains
aéroports.
Figure 2 – Définition des quatre scénarios
L E RÉSEAU
L ES COMPAGNIES
MAILLE
Alignement vers le
bas des coûts au
siège (notamment
p our les p etits
porteurs) et
domination de l'aval
conduisant à une
offre p eu concentrée.
Mécanismes de
base
Concurrence
entre modes
Structures du
transport
aérien
L'E UROPE DES
INFRASTRUCTURES
GLOBALES
Économies d'échelle
et de réseau
provoquant une
concentration de
l'offre.
L A VIE À
Développement des
technologies de
l'information et de la
communication
conduisant à un
décrochement
"PIB/transports".
Gestion publique
européenne des
ressources rares :
"slots" et espace
aérien contrôle.
Le transport aérien
s'impose par sa
flexibilité et sa
capacité à couvrir les
demandes les plus
variées.
Les compagnies
globales se
focalisent sur le
long-courrier, plus
rentable et laissent le
reste à des
"Rabatteurs".
Réseau finement
maillé et
développement des
vols directs
Hiérarchisation forte
des compagnies et
des "hubs" euxmêmes.
D ISTANCE
Développement des
infrastructures
terrestres
(notamment TGV),
en liaison avec les
préoccupations
écologiques.
L'aérien tire son
épingle du jeu,
l'absence de réseau
TGV faisant
apparaître un bilan
écologique favorable
face à la route.
Liaisons
intercontinentales et
déplacements
d'affaires européens
d'une durée de plus
de 2h30 en TGV
Reconquête du
court/moy en-courrier
dans une optique de
développement
régional.
Figure 3
Schémas de services : perspectives de
trafic de passagers à l'horizon 2020
Titre
250
150
Compagnies
globales
100
Réseau maillé
Europe des
infrastructures
50
Vie à distance
Années
36
2029
2027
2025
2023
2021
2019
2017
2015
2013
2011
2009
2007
2005
2003
2001
1999
1997
1995
1993
1991
1989
1987
1985
1983
1981
1979
1977
0
1975
Millions de passagers (hors transit)
200
Prévision de trafics et planification des infrastructures aéroportuaires :
Expériences en Méditerranée Occidentale
Capacité du réseau aéroportuaire en 2020.
Avec le même cadre d’études, c’est-à-dire d’élaboration de schémas de services collectifs,
dans le cas de la Loi d’aménagement du développement durable et du territoire (LOADDT),
nous avons effectué une étude qui consiste à comparer à long terme (à l’horizon 2020) l’offre
à la demande issue des prévisions du trafic effectuées dans le cadre des quatre scénarios qui
viennent d’être présentés. L’offre a consisté essentiellement à choisir entre deux variantes
d’infrastructures : d’une part, une amélioration sur la base des grandes lignes de
l’infrastructure actuelle et, d’autre part, un investissement lourd pour améliorer
considérablement l’infrastructure (en construisant de nouvelles pistes, de nouvelles aérogares,
etc.). Les plates-formes qui sont concernées sont les 13 principaux aéroports français, qui
concentrent plus du 90% du trafic national.
La méthodologie d’études qui a été retenue a consisté à valider les scénarios d’infrastructures,
à estimer des capacités horaires de pointe en mouvements par heure et à traduire ces capacités
horaires en capacités annuelles en passagers et par an, qu’on a pu comparer aux prévisions
trafic de chacun des quatre grands scénarios. En croisant le scénario économique d’une part et
le choix d’infrastructure d’autre part, nous avons obtenu 8 cartes dont l’objet est de permettre
d’avoir une vision simple de la situation aéroport par aéroport sur les principales platesformes et de donner aux décideurs politiques des éléments d’appréciation simples sur la
capacité des aéroports.
III.2. Étude de cas : Marseille – Provence.
Récemment, nous avons dû satisfaire une demande de prévision de trafic sur l’aéroport de
Marseille.
L’aéroport de Marseille a une composante de trafic avec Paris qui est très forte. Deux autres
composantes sont aussi solides : le trafic vers l’Europe et le trafic notamment vers les
départements et les territoires français d’outre-mer. Par contre, un certain nombre d’autres
faisceaux sont plus fragiles : le trafic avec le Maghreb et le trafic avec la Corse.
Pour établir les prévisions sur l’aéroport de Marseille, nous avons défini et identifié en
premier lieu quels seront les faits porteurs en 2015, en identifiant les suivants :
Ÿ
La mise en place des services TGV Paris-Marseille, qui va mettre Marseille à 3 heures
de Paris au deuxième semestre 2001.
Ÿ
Le développement économique : jusqu’à présent l’économie marseillaise et des
Bouches-du-Rhône était fortement dimensionnée par les industries pétrolières et la
sidérurgie ; actuellement, il s'agit d'une zone en complète reconversion vers des activités
de haute technologie. Il y a en outre un deuxième pôle important au niveau de
l’agglomération marseillaise ; au niveau de son développement économique, c’est le
rôle du port qui jusqu’à présent à été plutôt dans un trafic stable - voire décroissant - et
qui est actuellement en train de se redéployer notamment vers l’activité de la croisière.
Ÿ
Deux autres facteurs sont très forts à l’horizon 2015 pour établir une prévision pour
l’aéroport de Marseille :
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Prévision de trafics et planification des infrastructures aéroportuaires :
Expériences en Méditerranée Occidentale
ž
Les relations avec le marché du Maghreb, sachant qu’une des stratégies de
l’aéroport de Marseille est de mettre en place un hub au niveau de la plate-forme
qui permette de drainer l’ensemble du trafic domestique et de l’éclater vers les
pays du Maghreb.
ž
Le marché avec la Corse, qui est une composante importante du trafic ; cependant,
il y a parfois un certain nombre de problèmes avec la Corse qui fait que le trafic
peut comporter, en fait, une certaine volatilité.
À partir de ces faits porteurs d’avenir, nous avons déterminé trois types de scénarios. Ces trois
scénarios sont les suivants :
Ÿ
Le repli de Marseille ou «Marseille dans les Bouches-du-Rhône». C’est-à-dire que
Marseille se referme au niveau économique sur sa propre zone d’influence.
Ÿ
« Marseille dans le Grand Sud-Est » : il s'agit d'un des scénarios qui est défendu par
l’aménagement du territoire. C’est l’idée de développer un grand triangle de
développement économique entre Lyon, Marseille et Nice avec une arête dorsale qui est
très forte - c’est la liaison TGV Lyon-Marseille -, ce qui entraînerait une espèce de
spécialisation des trois aéroports entre Lyon, Marseille et Nice, avec un drainage de la
clientèle marseillaise vers l’aéroport de Lyon. Cela est extrêmement important en thème
de stratégie.
Ÿ
« Marseille dans le bassin méditerranéen » : c’est en fait Marseille qui regarde vers le
bassin méditerranéen, drainant l’ensemble du trafic domestique et intra-communautaire
sur sa plate-forme pour l’éclater donc vers le bassin méditerranéen - aussi bien vers les
pays du Maghreb que vers le marché grec et d’autres zones, y compris l’Afrique (il ne
faut pas oublier que Marseille a quand même une grande histoire avec le continent
africain).
Dans ces trois scénarios, nous avons quand même toujours introduit une variante, parce que
c’était une très forte incertitude pour nous de savoir quelles seraient les relations notamment
avec l’Algérie, et la possibilité ou non justement qu’il y ait un assouplissement au niveau des
visas ; il s’agit là d’une variante que nous avons toujours introduite dans chacun de ces
scénarios.
Il est bien évident que ces scénarios - que je vous ai décrit d’une manière qualitative - sont
assortis d’hypothèses en termes de croissance du PIB régional, parce qu’il est bien évident
que selon les scénarios on a des taux de croissance de la région marseillaise et donc de la
demande de trafic qui va être différent, selon ces trois scénarios.
Nous avons également émis des hypothèses en matière de complémentarité et d’intermodalité
au niveau du TGV. Ces hypothèses sont le fruit de l’expérience que nous avons acquise lors
de l’ouverture de liaisons TGV entre Paris et Lyon, entre Paris et Nantes, et également entre
Paris et Bordeaux. Maintenant nous avons une bonne connaissance de la stratégie des
compagnies aériennes - de la manière dont elles anticipent en fait l’arrivée des services TGV et nous connaissons les parts du marché qui sont prises par le ferroviaire par rapport à
l’aérien. Nous savons comment tout ceci se stabilise au bout d’un certain nombre d’années et
aussi comment le trafic est redistribué entre les deux plates-formes entre Orly et Charles de
Gaulle. Une bonne connaissance de ces phénomènes nous permet d’établir une prévision qui
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Prévision de trafics et planification des infrastructures aéroportuaires :
Expériences en Méditerranée Occidentale
est relativement cohérente et que parfois - d’ailleurs - nous arrivons à confronter avec celle de
la SNCF.
Dans ces trois scénarios, il est bien évident que vous avez de types d’échanges avec les autres
pays qui sont différents selon la stratégie économique, selon la dimension économique de
scénario. Marseille dans le grand sud-est aura un trafic intra-communautaire différent de
Marseille dans le bassin méditerranéen. De même pour le trafic en courrier, sachant qu'Air
France a un positionnement de hub sur Lyon et si nous imaginons un drainage de trafic de
Marseille vers Lyon pour des longs courriers, il est bien évident que nous aurons des
structures de trafic qui seront différentes pour l’aéroport de Marseille selon le scénario.
Ces trois scénarios - chacun assorti d’une variante en fonction de l’état de relations
notamment avec l’Algérie et aussi en tenant compte des problèmes qui peuvent se poser en
Corse - sont donc déterminés en termes de niveau trafic, de croissance de trafic et de
segmentation de trafic.
Il s’agit donc d’un exemple de prévision qui en même temps intègre une démarche
économétrique, une démarche en terme de scénario, qui intègre également une partie
qualitative à base d’enquêtes au niveau des agences de voyages, des compagnies aériennes et
des enquêtes passagers, et pour lequel nous sommes en mesure de donner une prévision
totalement désagrégée liaison par liaison.
La figure 4 montre la comparaison entre le trafic réalisé et le trafic prévu pour l’an 2000 en
1997, sur la base du trafic 1996. Le trafic que nous avions prévu pour l’an 2000 était entre 6,2
et 6,4 millions de passagers - cela dépendait de la variante relation entre le Maghreb et la
Corse - ; le trafic réalisé en 1999 est de 5,9 millions de passagers et le trafic prévu pour l’an
2000 (prévu actuellement avec un «Box-Jenkins») est de 6,5 millions de passagers. Nous
constatons donc que sur une période de quatre ans, il y a effectivement une erreur, mais il n’y
a pas un dérapage très important.
Figure 4 – Le cas de Marseille-Provence : comparaison trafic réalisé / prévu
Trafic prévu pour 2000
6,2 à 6,4 millions de passagers
(en 1997, base 1996)
Trafic réalisé en 1999
5,9 millions de passagers
Trafic prévu pour 2000
6,5 millions de passagers
(au début 2000)
IV.
Réflexions finales sur les résultats des prévisions réalisées.
En conclusion de nos interventions, nous voulions vous faire part de deux types de réflexions
finales sur les résultats des prévisions réalisées :
Ÿ
D’une part, le fait qu’en général les prévisions soient pessimistes par rapport à la réalité,
donc qu’il convient de les manier avec prudence. Sur ce thème, nous pouvons
également constater que l’exercice aujourd’hui devient de plus en plus difficile, de plus
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Prévision de trafics et planification des infrastructures aéroportuaires :
Expériences en Méditerranée Occidentale
en plus aléatoire, du fait de la complexité croissante du secteur du transport aérien et de
la volatilité des compagnies sur les différents sites.
Ÿ
Par ailleurs, il faut également noter qu’en France l’environnement est aujourd’hui un
facteur extrêmement important, dont il convient de tenir compte dans les études de
capacité. Nous pourrions presque parler de «capacité environnementale» de certains
sites, capacité environnementale liée évidemment à l’agent sonore, mais aussi aux
différents types de pollution que nous pouvons rencontrer et qui peuvent amener à fixer
des limites de développement en certains sites, comme c’est le cas pour les aéroports
parisiens ou le site de Nantes.
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