Une méthode de correction de l`effet Ramadan
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Une méthode de correction de l`effet Ramadan
Une méthode de correction de l’effet Ramadan par Jean-Marie Fournier et Hosni Nemsia 1 L’analyse conjoncturelle suppose que les séries économiques utilisées soient corrigées des différents effets de calendrier qui peuvent les affecter. Les plus connus sont les variations saisonnières, pour lesquelles il existe des méthodes standardisées de correction qui sont très largement diffusées. Elles montrent toutefois leurs limites pour traiter d’autres effets de calendrier dont la périodicité est différente de celle de l’année solaire. C’est notamment le cas des fêtes religieuses qui sont basées sur le calendrier lunaire, les fêtes de Pâques pour les religions chrétiennes et juives et celle du Ramadan pour le monde musulman. Pour ces dernières, leur impact sur l’activité économique est tel qu’elles tendent à rendre totalement inefficace toute procédure de désaisonnalisation. C’est le point de vue qui est développé dans cet article où, après avoir exposé brièvement les enjeux d’une correction de l’effet Ramadan, nous proposons une méthode permettant d’obtenir simultanément une correction de l’effet Ramadan et d’autres effets du calendrier musulman et des variations saisonnières. Appliquée à différentes séries économiques tunisiennes, cette méthode s’est révélée relativement efficace. Sur bon nombre de drapeaux de pays musulmans figure un croissant. Celui-ci symbolise l’importance qu’attache l’Islam à la lune, celle qui marque le début et la fin du Ramadan, ou qui ponctue l’ensemble des événements de la vie. Comme le dit le Coran, “ Les nouvelles lunes sont le temps établi pour l’utilité des hommes ”. Mais si le monde musulman met une conscience scrupuleuse à vivre selon le calendrier lunaire, cela ne va pas sans difficultés. En effet, selon ce système, l’année comprend douze mois dont les deux premiers comportent chacun 30 jours alors que les autres en comptent alternativement 29 et 30. 1 Jean-Marie Fournier, attaché de l'INSEE, travaille au Centre d'Etudes et de Prospective de la Direction de l'Architecture et de l'Urbanisme. Au moment de la rédaction de cet article, il était affecté au Département de la conjoncture de l'INSEE. Hosni Nemsia travaille au Cabinet du Ministre du Développement Economique de Tunisie, et il appartenait auparavant à la Sous-Direction de la conjoncture de l'Institut National de Statistique de Tunisie. Statéco n° 86 - avril 1997 40 Chaque mois dure donc en moyenne 29 jours et demi et est censé 2 représenter une lunaison (ou nouvelle Lune) . Les mois du calendrier musulman sont donc indépendants des saisons. Le neuvième mois, qui est celui du Ramadan, se déplace ainsi chaque année solaire de 10 à 11 jours. Les études économiques, et notamment l’analyse conjoncturelle, sont fondées sur l’interprétation et le suivi d’indicateurs à périodicité infra-annuelle. Dans ce cadre, le premier travail du statisticien consiste à corriger les séries étudiées d’éventuels effets temporaires récurrents (saisonnalité ou autres effets de calendrier) qui peuvent altérer les tendances que connaissent à court terme les différents indicateurs. La complexité de ce système, ainsi que l’ouverture internationale croissante des pays musulmans, font que c’est aujourd’hui le calendrier solaire qui est largement utilisé dans la vie courante. Le calendrier lunaire sert essentiellement à définir les dates des fêtes religieuses et des congés qui en dépendent. A cet égard, le Ramadan est la manifestation la plus spectaculaire de l'influence du calendrier lunaire, à la 3 fois par son ampleur et par les pratiques qui y sont associées. Dans de nombreux pays la CVS est encore peu utilisée. Néanmoins, conscients des problèmes liés à l'interprétation au mois le mois, ou au trimestre le trimestre de leurs séries statistiques à périodicité infra-annuelle, les économistes de ces pays ont souvent recours à deux méthodes d’analyse, le glissement annuel et le cumul, qui ne sont pas exemptes de défauts. Du chevauchement de ces deux systèmes de calendrier naît une réelle difficulté, notamment dès que l'on cherche à étudier les séries statistiques à périodicité infra-annuelle de pays musulmans. Ainsi, pour l’analyse conjoncturelle, il est nécessaire de tenir compte des effets liés à la coexistence de ces deux systèmes de calendrier afin de dégager de véritables tendances d’évolution : les éventuels effets saisonniers pour le calendrier solaire, les effets des fêtes religieuses liées au calendrier lunaire islamique, que nous regrouperons dans la suite sous le terme générique "d'effet Ramadan". Après avoir rapidement rappelé les principes de la correction des variations saisonnières (CVS) et expliqué pourquoi le Ramadan constitue un effet de calendrier particulier qui ne peut être convenablement corrigé par la CVS, nous proposerons dans cet article une méthode permettant d'en corriger les effets. La correction des variations saisonnières (CVS) : pratique indispensable pour l’analyse conjoncturelle La délicate interprétation des séries à périodicité infra-annuelle 2 En fait la durée exacte d’une lunaison est très légèrement supérieure à 29 jours, douze heures et quarante minutes. Pour tenir compte de cette différence, le calendrier musulman fait donc varier la longueur du douzième mois selon un cycle de trente ans. Ainsi l’année musulmane se termine-t-elle 19 fois sur 30 par un mois de 29 jours et compte 355 jours dont 30 lors du dernier mois au cours des années 2, 5, 7, 10, 13, 16, 18, 21, 24, 26, et 29 du cycle de trente ans. 3 Neuvième mois du calendrier musulman, il constitue une période de jeûne et de privations aux règles relativement strictes. Statéco n° 86 - avril 1997 Le glissement annuel Il a pour but de se soustraire des variations saisonnières affectant l'activité économique, puisqu'il s'agit de comparer le niveau de la série étudiée au cours d’une période à celui obtenu lors de la même période (le même mois ou le même trimestre ) de l'année précédente. Il est largement utilisé pour étudier des séries de productions agricoles, de production industrielle ou même d’activités de services (tourisme notamment). Il présente toutefois un certain nombre d'inconvénients : Une forte sensibilité aux points aberrants. L'analyse des glissements annuels successifs peut être faussée par l'apparition de chocs ponctuels ou plus simplement d’un jour férié supplémentaire. Cette sensibilité sera d'autant plus grande que la périodicité de la série considérée est forte. Ainsi, un jour chômé de plus que d’ordinaire aura un impact nettement dépressif sur la production d’un mois comptant une vingtaine de jours ouvrés, moindre mais néanmoins significative pour un trimestre, comptant lui un peu plus de 70 jours ouvrés. Pour bien comprendre ce problème, un simple exemple suffit : soit une série, dont la croissance est en moyenne de +1% par trimestre. Si elle connaît un accident au début de l’année A1, rattrapé immédiatement lors du trimestre suivant, les glissements annuels en seront affectés jusqu’au deuxième trimestre de l’année 2 (graphique 1). • Le glissement annuel est également doté d’une forte inertie et traduit assez mal les phénomènes d'accélération ou de ralentissement de l’activité. Pour bien comprendre ce point, un autre exemple peut être utilisé. Soit une série trimestrielle qui croît au rythme de 1%. Si elle connaît une accélération ponctuelle, celle-ci va se répercuter de deux à trois trimestres après sa fin et le ralentissement de la croissance qui en découle va se prolonger pendant encore un an sur le glissement annuel (graphique 2). 41 Graphique 1 Comparaison des évolutions trimestrielles et des glissements annuels dans le cas d’un choc rattrapé 8 Evolution trimestrielle 7 Glissement annuel 6 en % 5 4 3 2 1 0 -1 -2 T1A0 T2A0 T3A0 T4A0 T1A1 T2A1 T3A1 T4A1 T1A2 T2A2 T3A2 T4A2 T1A3 T2A3 T3A3 T4A3 trimestre Graphique 2 Comparaison des évolutions trimestrielles et des glissements annuels dans le cas d’une accélération ponctuelle 14 13 Evolution trimestrielle 12 Glissement annuel 11 10 en % 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 T1-A0 T2-A0 T3-A0 T4-A0 T1-A1 T2-A1 T3-A1 T4-A1 T1-A2 T2-A2 T3-A2 T4-A2 T1-A3 T2-A3 T3-A3 T4-A3 trimestre Le cumul Autre pratique courante des économistes voulant se soustraire des effets saisonniers sans recourir à la CVS, le cumul consiste à comparer les niveaux atteints au cours de l'année, aux niveaux atteints l'année précédente. En juin de l'année N, cela revient à comparer la somme des produits réalisés depuis le début de l'année à la production réalisée de janvier à juin de l'année (N-1). Le cumul présente l'avantage par rapport au glissement annuel d'être moins sensible aux points aberrants et donc de mieux tenir compte d’un éventuel choc éventuel dû au calendrier, du moins dès que l'on dispose d'un nombre suffisant de mois ou de périodes pour le calcul. En revanche, son interprétation est encore plus difficile au mois le mois. Non maîtrisé, il peut amener à comparer la moyenne annuelle de l'année précédente (cumul en décembre de l'année N) au premier glissement annuel (cumul en janvier) de l'année suivante. Ce manque d’homogénéité des concepts utilisés peut donc largement fausser le diagnostic. En outre, si le cumul permet de mieux tenir compte d’accidents conjoncturels que le glissement annuel (graphique 3), il est en revanche soumis à une plus forte inertie encore (graphique 4). Statéco n° 86 - avril 1997 42 Graphique 3 Comparaison des évolutions trimestrielles , des glissements annuels et des cumuls dans le cas d’un choc rattrapé E v o lu tio n tr im e s tr ie lle 8 Cum ul 7 G lis s e m e n t a n n u e l 6 5 en % 4 3 2 1 0 -1 -2 T 1 -A 0 T 2 -A 0 T 3 -A 0 T 4 -A 0 T 1 -A 1 T 2 -A 1 T 3 -A 1 T 4 -A 1 T 1 -A 2 T 2 -A 2 T 3 -A 2 T 4 -A 2 T 1 -A 3 T 2 -A 3 T 3 -A 3 T 4 -A 3 trim e s tre en % Graphique 4 Comparaison des évolutions trimestrielles, des glissements annuels et des cumuls dans le cas d’une accélération ponctuelle 14 13 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 G lis s e m e n t trim e s tr ie l Cum ul G lis s e m e n t a n n u e l T 1 -A 0 T 2 -A 0 T 3 -A 0 T 4 -A 0 T 1 -A 1 T 2 -A 1 T 3 -A 1 T 4 -A 1 T 1 -A 2 T 2 -A 2 T 3 -A 2 T 4 -A 2 T 1 -A 3 T 2 -A 3 T 3 -A 3 T 4 -A 3 tr im e s tre Au delà du suivi des glissements annuels et des cumuls, le diagnostic conjoncturel implique la détermination d’une véritable tendance d’évolution, « robuste », c’est-à-dire faisant la part de ce qui provient de chocs exogènes ou de simple effets saisonniers ou de calendrier (nombre de jours ouvrés ou effet Ramadan par exemple). Pour cela il convient d’en tester les effets et d’opérer le cas échéant des redressements ad-hoc. De la sorte, il est également possible de mieux interpréter les glissements annuels et les cumuls. La correction des variations saisonnières en pratique Principes de la CVS La correction des variations saisonnières a pour objet de faciliter et d’améliorer l’interprétation des indicateurs économiques à périodicité infra-annuelle. Dans ce cadre, l’usage est de distinguer dans la série les divers éléments qui contribuent à l’évolution globale du phénomène étudié en faisant apparaître : T t : la tendance de la série, S t : sa saisonnalité, I t : une composante irrégulière. Les méthodes utilisées pour corriger les effets saisonniers sont relativement nombreuses. Elles Statéco n° 86 - avril 1997 peuvent être regroupées en deux grandes catégories : celles fondées sur la modélisation économétrique (utilisée notamment par les conjoncturistes allemands) et celles basées sur la détermination des éléments définis précédemment à partir de moyennes mobiles. 4 La plus populaire d’entre elles appartient à la second famille de méthodes. Les différentes composantes de la série sont étudiées et déterminées à partir de moyennes mobiles, et selon deux formes possibles, soit un schéma additif de la forme : X t = Tt + St + I t , soit multiplicatif de la forme : X t = T t * S t * I t . Dans les deux cas, la tendance de la série constitue le mouvement conjoncturel extra-saisonnier « régulier », qui correspond à l’évolution fondamentale de la série. Le mouvement saisonnier correspond lui à des fluctuations périodiques d’amplitude plus ou moins identiques d’une année à l’autre. Enfin, la composante irrégulière ou aléatoire 4 Le programme CENSUS - X11 constitue une référence internationale en la matière. Très largement diffusé, il est utilisé par la plupart des instituts de statistique européens pour la publication de leurs principaux résultats CVS. Il est disponible à partir du logiciel SAS. 43 comporte les fluctuations de l’activité réputées imprévisibles, et supposées généralement de faible amplitude. Le choix du modèle dépend de l'évolution, ou non, de la saisonnalité dans le temps. Si la saisonnalité a tendance à évoluer, il convient d’utiliser un modèle 5 multiplicatif , si par contre la saisonnalité est stable dans le temps il est conseillé d'utiliser un modèle additif. non plus les mêmes d’un pays à l’autre et peuvent avoir une influence différente d’un pays à l’autre. La CVS permet de dépasser ce problème en déterminant, pour chacun des pays, une tendance d’évolution directement comparable. Après avoir dégagé une tendance d’évolution à partir de moyennes mobiles, le programme calcule des coefficients saisonniers qui peuvent être définis grossièrement comme étant la moyenne des écarts observés par rapport à la tendance, pour un mois ou un trimestre en particulier. En outre, l’emploi de moyennes mobiles relativement courtes pour déterminer la tendance et les effets saisonniers permet d’obtenir des estimations qui s’adaptent rapidement aux variations de l’activité, ainsi qu’aux modifications des comportements saisonniers. Au cours du mois de Ramadan, les comportements du producteur et du consommateur sont complètement perturbés ; on assiste en particulier à une baisse de la productivité touchant tous les secteurs d'activité à l'exception du commerce et à une hausse de la demande des biens de consommation. Une autre particularité de ce mois de jeûne est que le travail est mené à mi-temps, ce qui explique, en partie, les perturbations que subissent la plupart des séries temporelles des pays musulmans. Celles-ci présentent donc une quatrième composante due aux fêtes fixées par le calendrier lunaire (jours fériés lunaires et mois de Ramadan). Cette composante mobile dans le temps nécessite un traitement particulier. Ignorée lors d’une correction des seuls effets saisonniers, elle peut conduire à biaiser fortement les résultats, aussi bien pour des séries mensuelles que pour des séries trimestrielles. La CVS fournit plus facilement des éléments de comparaison Deux raisons principales incitent le statisticien et l’économiste à ne raisonner que sur des séries corrigées des variations saisonnières : - L’ajustement saisonnier permet d’harmoniser la répartition infra-annuelle de la série brute : en effet la composition d’un indicateur peut changer d’un mois à l’autre en fonction des changements saisonniers. A titre d’exemple, en Tunisie la production de sucre s’arrête au mois de mai et au mois d’octobre, ce qui se traduit invariablement par une baisse mécanique de l’indice de la production industrielle dans les industries agro-alimentaires au cours de ces deux mois. Ce phénomène s’observe chaque année et a donc une influence constante sur l’indice de la production industrielle des industries agroalimentaires. La CVS tiendra facilement compte de cet effet et permettra de calculer des indices comparables d’un mois sur l’autre ; - La CVS permet de mener des comparaisons internationales : l’économie d’un pays ouvert sur le marché international doit pouvoir être directement comparée à celle d’autres pays, notamment celle de ses concurrents. Or les saisons ne sont pas les mêmes d’une région du globe à l’autre : l’hiver en Tunisie correspond à l’été en Argentine, et les agrumes, le ciment ou les tomates ne sont pas produits ou exportés à la même époque dans les deux régions. Les modes de production, les coutumes, les congés annuels, le nombre de jours ouvrables ne sont pas 5 Concrètement, cela revient à observer l ’évolution des pics et des creux de la série brute. Si ceux-ci sont d’amplitude à peu près constante dans le temps, il faudra appliquer un schéma de décomposition additif. En revanche, s’ils évoluent a priori de la même façon, un schéma de CVS multiplicatif devra être utilisé. La CVS est insuffisante pour traiter les séries des pays musulmans La CVS apparaît biaisée par l’effet Ramadan L’impact du Ramadan sur la CVS de séries mensuelles L’emploi de programmes de correction des variations saisonnières pour traiter des séries chronologiques de pays musulmans est loin d’être optimal. La CVS est insuffisante pour corriger l’effet Ramadan. Comme on l’a vu en introduction, du fait du décalage temporaire entre les calendriers solaire et lunaire, les fêtes islamiques, notamment le Ramadan, ont tendance à se déplacer dans le temps, à raison de onze jours en moyenne par an. Ils peuvent ainsi avoir un impact jusqu’à six fois de suite sur le même mois, avec toutefois une ampleur différente, de un à quarante jours pour le Ramadan (tableau 1). Celui-ci peut, en effet, lorsqu’il a lieu en fin d’année, apparaître deux fois au cours d’une même année et influencer alors une quarantaine de jours, au lieu de 6 vingt-neuf d’ordinaire (voir la situation anticipée pour les années 1997 et 2000). Appliquer directement une correction des variations saisonnières à une série influencée par l’effet Ramadan est donc inadapté. Le programme risque d'identifier leur répétition dans le temps comme l’expression d’un phénomène saisonnier. Il va alors en corriger explicitement les mois concernés, ce qui est bien le but recherché. Le problème vient de ce qu’il va par la suite continuer à en corriger le même mois alors que le Ramadan affecte désormais le mois précédent. La dynamique du Ramadan et les effets de 6 le Ramadan est fixé par une autorité religieuse chargée de surveiller l'apparition du croissant "le jour du doute". Statéco n° 86 - avril 1997 44 bord qu’il génère peuvent alors entraîner des corrections saisonnières abusives. C’est notamment le cas si les effets du Ramadan sont forts, et induisent un rattrapage au cours du mois suivant (M+1), ou du mois précédent (M-1). La correction des effets saisonniers même adaptative corrigera alors fortement à la baisse les mois (M-1) et (M+1) et corrigera à la hausse le mois de Ramadan (M). L’année suivante, alors que le Ramadan affecte désormais le mois (M-1), la CVS continuera à corriger à la baisse ce mois, ce qui amplifie la dépression de l’activité, et corrigera encore à la hausse le mois M au cours duquel a lieu un rattrapage (amplification artificielle de la hausse de l’activité). Tableau 1 Calendrier (solaire) des mois de Ramadan depuis 1980 - influence mensuelle -. Année 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997* 1998* 1999* 2000* Premier mois et nombre de jours concernés juillet (18) juillet (29) juin ( 8) juin (19) mai ( 1) mai (11) mai (22) avril ( 1) avril (13) avril (24) mars ( 4) mars (15) mars (27) février ( 6) février (17) février (28) janvier (10) janvier (22) janvier (27) janvier (16) janvier ( 5) Deuxième mois et nombre de jours concernés août (11) juillet (21) juillet (10) juin (28) juin (18) juin ( 7) mai (28) mai (16) mai ( 5) avril (25) avril (14) avril ( 2) mars (23) mars (12) mars ( 1) février (19) février ( 7) décembre (13) décembre (24) novembre ( 4) Troisième mois et nombre de jours concernés décembre ( 2) décembre (25) * prévisionnel L’impact du Ramadan sur la CVS de séries trimestrielles On pourrait croire que l’influence de l’effet Ramadan n’est sensible que pour des séries mensuelles et non pour des séries trimestrielles puisqu’il induit une saisonnalité trimestrielle glissante sur longue période seulement (onze années). Lorsque les effets du Ramadan sont homogènes (sur une période de dix ans par exemple), une simple CVS pourra se révéler efficace. En revanche, lorsque sur la période traitée le Ramadan passe d’un trimestre à un autre, chercher à corriger des variations saisonnières ces séries peut être totalement inadapté et fausser fortement le diagnostic, comme cela a été décrit plus haut pour les séries mensuelles. Utiliser la seule procédure de CVS sans correction préalable de l’effet Ramadan peut conduire à corriger de manière abusive ces séries et à obtenir des résultats qui vont à l’encontre du résultat cherché. La CVS risque, en outre, d’être jugée totalement inefficace alors même qu’elle est utilisée de manière non optimale. Tableau 2 Calendrier (solaire) des mois de Ramadan depuis 1980 - influence trimestrielle -. Année 1980 1981 1982 1983 1984 Premier trimestre et nombre de jours concernés 3ème trimestre (29) 3ème trimestre (29) 2ème trimestre ( 8) 2ème trimestre (19) 2ème trimestre (29) Statéco n° 86 - avril 1997 Deuxième trimestre et nombre de jours concernés 3ème trimestre (21) 3ème trimestre (10) - 45 Année Premier trimestre et nombre de jours concernés 2ème trimestre (29) 2ème trimestre (29) 2ème trimestre (29) 2ème trimestre (29) 2ème trimestre (29) 1er trimestre ( 4) 1er trimestre (15) 1er trimestre (27) 1er trimestre (29) 1er trimestre (29) 1er trimestre (29) 1er trimestre (29) 1er trimestre (29) 1er trimestre (27) 1er trimestre (16) 1er trimestre ( 5) 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997* 1998* 1999* 2000* Deuxième trimestre et nombre de jours concernés 2ème trimestre (25) 2ème trimestre (14) 2ème trimestre ( 2) 4ème trimestre ( 2) 4ème trimestre (13) 4ème trimestre (24) 4ème trimestre (29) * prévisionnel. Exemple : la CVS de l’I.P.I. mensuel de la branche des brasseries (base 100 en 1983) Pour illustrer à l'excès ce point, nous avons cherché à corriger des variations saisonnières une série que l’on sait à la fois saisonnière et dont l’effet Ramadan est évidemment très spectaculaire : l’Indice de la Production Industrielle de la Branche des Brasseries, base 100 en 1983 de Tunisie. On sait en effet que l’activité dans cette branche est quasiment nulle au moment du Ramadan et qu’elle est également saisonnière (croissance de l’activité au printemps et à l’été, en liaison avec la saison touristique), comme le montre le graphique 5 Graphique 5 Série brute de l’I.P.I. mensuel de la branche des brasseries - TUNISIE - base 100 en 1983 - Présentation année par année depuis 1983 180 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 160 140 120 100 80 60 40 20 jan mar mai 1983 j ul sep 1984 no v 0 jan 1985 mar mai 1986 j ul sep 1987 no v 1988 250 160 140 200 120 100 150 80 100 60 40 50 20 0 0 jan mar mai 1989 j ul sep 1990 no v jan mar 1991 mai j ul 1992 sep no v 1993 source : INS de Tunisie Statéco n° 86 - avril 1997 46 Cette série connaît également une croissance marquée au cours de la période 90-94, ce qui incite a priori à utiliser un modèle multiplicatif de correction des variations saisonnières. Le problème vient alors de ce que la production est parfois réduite à zéro lors des périodes de Ramadan. Appliquer une seule correction à partir d’un modèle multiplicatif apparaît alors totalement inadapté. Pour dépasser ce problème, on peut essayer d’utiliser de manière plus fine le programme de CVS en utilisant toute l’information disponible pour traiter la série. En appliquant un schéma de décomposition additif par exemple, on peut ainsi faire abstraction du problème lié à l’activité nulle à certaines périodes. En commençant la correction sur une période homogène en termes d’effets Ramadan, il est également possible de mieux corriger la première période et d'assurer à mesure que l’on dispose de points supplémentaires une meilleure correction « glissante » des effets Ramadan sur les autres mois. Le graphique 6 montre que cette correction n’est pas totalement efficace car elle est largement perturbée par l’effet Ramadan. Comme le montre le tableau 1, en débutant la correction en 1985, l’effet Ramadan joue tout d’abord en partie sur mai et juin, puis plus complètement sur le mois de mai au cours de la période 86-88, sur le mois d’avril de 89 à 91, mars en 92-93, et février de 1994 à 1996. Graphique 6 CVS de l’I.P.I. mensuel de la branche des brasseries - TUNISIE - base 100 en 1983 - schéma additif depuis 1985 seulement 250 Indice brut Indice CVS (schéma additif) 200 150 100 50 0 jan-85 jan-86 jan-87 jan-88 jan-89 jan-90 jan-91 jan-92 jan-93 jan-94 source : INS de Tunisie Les passages rapides d’un mois à l’autre du Ramadan altèrent fortement la CVS. En outre, de cette façon, il n’est pas possible d’extrapoler des coefficients pour les années à venir. Calculés aujourd’hui, ils ignorent les effets à attendre de la CVS et du Ramadan. La simple correction des effets saisonniers est donc insuffisante pour traiter des séries affectées par l’effet Ramadan. Il convient donc d’utiliser d’autres corrections, spécifiquement conçues pour traiter ce genre de problème. Dans ce qui suit, nous proposons une méthode permettant de tenir compte de ces effets spécifiques de calendrier. Elle a été appliquée à des séries issues de l’Institut National de la Statistique de Tunisie, avec un certain succès. Cette méthode peut facilement être mise en pratique. Elle nécessite de disposer d’un calendrier sur une longue période et d’un logiciel de traitements statistiques standards (tableur éventuellement). Statéco n° 86 - avril 1997 Une méthode de correction de l’effet Ramadan Le problème de la correction des effets de calendrier peut-être abordé de deux façons : - soit, on cherche explicitement à corriger ce seul effet, indépendamment des effets saisonniers, en repérant l’impact des différents jours fériés du calendrier lunaire et les mois de Ramadan ; - soit, le but est d’obtenir une correction globale intégrant l’ensemble des effets de calendrier et de saisonnalité. La première optique est a priori la plus délicate à mettre en oeuvre, les séries étudiées n’étant pas, la 7 plupart du temps, stationnaires . Il faut donc pouvoir 7 On appelle série stationnaire, une série statistique dont la moyenne est constante, ou pour les séries chronologiques, indépendante de la période choisie pour la calculer. Les évolutions décrites ne sont alors que cycliques ou accidentelles. 47 tenir compte de leur tendance d’évolution pour estimer l’effet du Ramadan (il s’agit d’ailleurs du même problème que pour la CVS). En outre, on l’a vu plus haut, si désaisonnaliser une série affectée par l’effet Ramadan peut conduire à fausser quelque peu les résultats, il semble que symétriquement, chercher à corriger de l’effet Ramadan une série saisonnière puisse fausser cette correction. Il semble donc qu’il faille tenir compte simultanément des effets saisonniers et de calendrier pour assurer la meilleure correction possible de ces deux effets. C’est le choix que nous avons développé et présenté ici. Une estimation simultanée des différents effets de calendrier En premier lieu, il s’agit de déterminer une tendance d’évolution de la série qui permette de récupérer ensuite un écart à cette tendance, par définition stationnaire, à partir duquel il est alors possible d’estimer l’impact des différents effets de calendrier que l’on cherche à éliminer, l’effet saisonnier, l’influence du Ramadan, ainsi que d’autres effets liés aux jours fériés. L’estimation se fait à partir d’une relation économétrique liant les écarts à la tendance à des indicatrices permettant de mesurer les effets moyens de chacun des éléments retenus. Ces indicatrices sont de deux ordres : d’une part une variable dichotomique (0,1) pour chacun des mois solaires de l’année (mesure des effets saisonniers) et d’autre part les nombres de jours de Ramadan hors dimanche, de jours fériés et de dimanches du mois. Ces indicatrices sont donc définies à partir du calendrier du pays sur lequel portent les indicatrices étudiées. On dispose dès lors d’une mesure des effets moyens associés à chacun de ces phénomènes sur toute la période d’estimation. Il s’agit d’un modèle d’analyse de la variance, à la différence près que l’on ne cherche pas à déterminer d’effets croisés. Pour cela, il aurait fallu intégrer des indicatrices croisées représentatives des effets combinés de la saisonnalité, du Ramadan et des jours fériés. Chercher à mesurer ces effets croisés aurait conduit à incorporer beaucoup trop de variables explicatives rendant peu robuste l’estimation. On fait ainsi l’hypothèse, sans doute abusive, que les différents effets de calendrier sont indépendants les uns des autres. Ce qui paraît peu réaliste quand on sait que par exemple le mois de Ramadan est suivi immédiatement de deux jours de fête. De la même manière, on fait l’hypothèse que ces effets sont les mêmes quel que soit le mois considéré, et donc que le Ramadan a la même influence en juillet et en décembre. A partir de ce modèle, il est possible de disposer de mesures des effets de calendrier en calculant la contribution à l’écart à la tendance de chacun de ces effets pris individuellement. Ainsi en multipliant le nombre de jours du Ramadan d’un mois en particulier par le coefficient estimé, on obtient l’écart à la tendance dû à l’effet Ramadan. De même, pour l’effet des jours fériés, que leur origine provienne des calendriers lunaire ou solaire. Il est également possible de tester la pertinence de la correction de ces différents effets (test de Student des coefficients), et décider ainsi, au vu des résultats des tests, de corriger ou non la série de ces effets. Une estimation itérative On n'est pas certain au départ que l'écart à la tendance qui a servi à estimer l’impact des différents effets de calendrier englobe l’ensemble de ces effets. C’est pourquoi il convient d’estimer si la série une fois corrigée n’est pas encore soumise à des effets résiduels de calendrier (on procède de même dans Census-X11 pour la correction des variations saisonnières). Après la première correction, il est possible de déterminer une nouvelle tendance d’évolution de la série et de recommencer à nouveau la correction décrite précédemment en cherchant à déterminer des effets résiduels de calendrier. Les mêmes estimations sont alors menées, et les coefficients font également l’objet de tests. Les nouvelles contributions ainsi calculées viennent s’ajouter à celles calculées préalablement permettant ainsi une correction plus large. Cette procédure itérative peut être poursuivie tant que l’on obtient des contributions non nulles des effets de calendrier (Ramadan, jours ouvrés), c’est à dire tant que l’on est en mesure de corriger la série de ces effets. En final, la série est censée ne plus contenir d’effets de calendrier hors saisonnalité. En pratique, deux itérations suffisent, puisque l’on ôte dès le départ l’essentiel des effets de calendrier hors saisonnalité. A l’issue de cette procédure, on dispose de l’estimation globale d’effets de calendrier et du Ramadan que l’on peut facilement appliquer à la série initiale pour la corriger. On va ensuite chercher à « caler » la série corrigée de manière à retrouver en final les mêmes niveaux annuels pour la série corrigée ou non. Bien que les phénomènes de calendrier et de Ramadan puissent avoir une influence sur les niveaux annuels de la production, il est souhaitable que ceux-ci, une fois corrigés, soient exactement les mêmes que ceux de la série initiale. Cette contrainte supplémentaire permet de répondre facilement aux critiques portant habituellement sur les redressements des séries temporelles à périodicité infra-annuelle et qui consiste à ne voir dans ces procédures qu’une falsification des chiffres à partir de méthodes relativement opaques. En s’assurant que les niveaux annuels sont bien les mêmes, on dépasse ce problème sans remettre en cause l’intérêt du traitement : déterminer des tendances d’évolution Statéco n° 86 - avril 1997 48 indépendantes des effets de calendrier. Le calage peut être effectué de plusieurs façons. Celui retenu ici consiste à retrancher ou à rajouter aux différents mois, proportionnellement à leur saisonnalité (si elle est repérée) ce qui a été ajouté ou retranché pour compenser l’effet Ramadan et des jours fériés. Statéco n° 86 - avril 1997 Enchaînements des différentes étapes et mise en pratique Concrètement, la méthode est divisée en plusieurs procédures qui peuvent être appelées plusieurs fois tant que cela apparaît nécessaire. Leur enchaînement est décrit par le schéma suivant. 49 Détermination de la tendance de la série Une première tendance d’évolution de la série est calculée par moyenne mobile. Il est ainsi possible de tenir compte des caractéristiques de la série, notamment pour chercher à lisser le plus possible cette tendance si les effets de calendrier apparaissent a priori relativement violents (l’examen du graphe de la série brute est une condition préalable pour déterminer au mieux la forme de la tendance de la série). Estimation de l’écart de la série à sa tendance On peut dès lors calculer un écart relatif à la tendance sous la forme d’un coefficient multiplicatif (Et), qui vaut 1 si la série ne connaît aucun accident autour de sa tendance. Et=Xt / Tt, avec Xt = la série brute au cours du mois t et Tt = la tendance de cette série lors du mois t. Cet écart relatif intègre donc aussi bien la saisonnalité que d’autres effets de calendrier (effet Ramadan, influence des jours fériés des calendriers lunaires et solaires) ainsi qu’une composante irrégulière. Les méthodes économétriques traditionnelles d'estimation des effets de jours ouvrés ne s’intéressent d’ordinaire qu’à l’estimation de l’irrégulier obtenu après la CVS. Ils estiment ensuite les effets journaliers en effectuant une régression directe de cet irrégulier de la série traitée sur les 7 indicatrices correspondant à chacun des 8 jours de la semaine . La méthode présentée ici part du principe que le programme de CVS ne peut dissocier correctement les composantes saisonnières et celles tenant compte des jours ouvrés, de l’effet Ramadan et des jours fériés lunaires. C’est donc bien l’ensemble de l’écart à la tendance que l’on va chercher à expliquer et pas seulement une composante irrégulière obtenue après CVS. Estimation des différents effets de calendrier et de la saisonnalité Il s’agit alors d’établir à partir du modèle suivant l’influence respective des différents effets. valant respectivement 1 si t correspond au mois j et 0 sinon. Ainsi M1t représente l’indicatrice associée au mois de janvier, qui vaut 1 si le mois t est un mois de janvier et zéro dans tous les autres cas. De même, on définit les variables M2t, M3t, ... , M11t pour les mois de février, mars, ... et novembre. Le mois de décembre n’apparaît pas pour éviter qu’il y ait stricte colinéarité des variables exogènes du modèle et de la constante. Cette dernière joue le rôle d’indicatrice du mois de décembre, qui va luimême servir de mois de référence. Les indicatrices mensuelles servent à prendre en compte la partie saisonnière de l’écart à la tendance indépendante des effets de calendrier et de Ramadan (mesurés par les coefficients associés aux variables explicatives Rt, Lt, Ft). Leur influence est loin d’être négligeable, car ces indicatrices permettent d’obtenir en final des estimations des différents effets de calendrier. Rt = le nombre de jours Ramadan du mois t. Lt = le nombre de jours fériés du calendrier lunaire du mois t (hors dimanches et jours fériés du calendrier solaire). Ft = le nombre de dimanches et de jours fériés du calendrier solaire du mois t. On dissocie les effets des jours fériés en fonction de l’origine des fêtes. Sont ainsi distingués les nombres de jours fériés du calendrier solaire (et les dimanches) et le nombre de jours fériés du calendrier lunaire. Ces derniers, comme le Ramadan, sont liés au calendrier islamique et sont donc indépendants des saisons. En revanche, les fêtes ayant lieu à date fixe devraient être prises en compte comme un phénomène saisonnier. Mais, si la fête nationale a bien toujours lieu à la même date, elle peut très bien « tomber » un dimanche, ce qui en fait alors un jour chômé de moins que d’habitude. C’est donc l’interaction possible entre les dimanches et les jours fériés que l’on cherche à déterminer en intégrant cette variable à l’estimation des différents effets de calendrier. Enfin Ut est une composante aléatoire assimilée à un « bruit blanc ». Et = (1 + a ) + ∑ bjMjt + c. Rt + d . Lt + e. Ft + Ut E( Ut ) = 0 , V ( Ut ) = s 2 et COV ( Ut , Us ) = 0 ; ∀t et ∀s et avec t ≠ s. Avec : Et = l’écart relatif de la série à sa tendance d’évolution observée au mois t. Test des coefficients associés aux effets de calendrier (coefficients des variables Rt, Lt et Ft) L’estimation économétrique précédente permet également de disposer d’un certain de nombre de tests portant sur la significativité des différentes variables introduites dans ce modèle. Ainsi, lorsque le coefficient associé à la variable Rt est significativement différent de zéro (au sens du test de Student), il est alors prouvé que la série est affectée par l’effet Ramadan. On peut procéder de la même façon pour l’ensemble des variables j La composante saisonnière est composée de variables indicatrices tenant compte de la périodicité de la série. Ainsi, dans le cas d’une série mensuelle, elle est composée de onze variables Mjt (j=1, 2, ..., 11), 8 Voir Dagum, Quenneville, Sutradhar (1992). Statéco n° 86 - avril 1997 50 utilisées dans ce modèle. Si le test fait apparaître une influence significative pour l’une au moins des composantes que l’on cherche à éliminer (effets de calendrier hors saisonnalité), sa contribution à l’écart à la tendance est alors calculée et tient lieu de coefficient correcteur à appliquer à la série initiale. Les contributions ainsi calculées représentent les variations relatives de la série autour de sa tendance d’évolution imputables aux seuls effets de calendrier. Pour en calculer la contribution en niveau, il convient de multiplier la contribution relative par le niveau de la tendance de la série. On calcule, pour une année donnée N Exemple : si le coefficient associé à l’effet Ramadan vaut -0.05, cela veut dire que chaque jour de Ramadan contribue à faire baisser la série de 5% en moyenne par rapport à sa tendance. En multipliant ce coefficient par le nombre de jours de Ramadan du mois, on obtient l’influence relative du Ramadan (c.Rt). En multipliant cette contribution par la tendance de cette série en niveau, on estime par là même la perte en niveau associée (c.Tt.Rt). CVS de la série corrigée des effets de calendrier et de Ramadan Correction des effets de calendrier affectant la série Cette correction est effectuée à partir des contributions relatives calculées pour l’ensemble des effets de calendrier. Les étapes précédentes sont reconduites sur la série corrigée jusqu’à ce que les coefficients associés aux différents effets de calendrier ou de Ramadan soient tous jugés non significatifs. Le risque que cette procédure ne converge pas est relativement faible puisqu’à chaque itération, les effets de calendrier repérés sont éliminés. Néanmoins, par prudence l’arrêt du programme est prévu après un nombre défini d’itérations. Dans la pratique, il semble que cette procédure converge en trois itérations maximum. Calage des résultats corrigés On respecte une contrainte supplémentaire, d’ailleurs appliquée aux méthodes de CVS : les corrections apportées aux séries brutes doivent être neutres sur une année. Il s’agit alors de redresser les données corrigées des effets de calendrier de manière à ce que leur somme sur l’année civile soit égale à la somme des valeurs brutes. Soit à partir de la série corrigée : X$ t = X t − T t (c . Rt + d . Lt + e . F t ) Statéco n° 86 - avril 1997 ( t ∈N ), la somme des corrections apportées à la série : CN = ∑ ( X − X$ ) t t t ∈N La série corrigée, une fois calée vaut : 1 + a + ∑ bj . Mjt j $ X$ t = X$ t + C N 12 (1 + a) + bj ∑j Une fois corrigée des effets CER, la série est à nouveau désaisonnalisée. La première correction des variations saisonnières est effectuée simultanément avec l'estimation des différents effets du calendrier. Plutôt que d'utiliser les coefficients CVS calculés à cette occasion qui ne permettent d'ailleurs qu'une correction des effets moyens, nous avons préféré appliquer un programme de désaisonnalisation plus performant à la série corrigée des effets Ramadan. Notre choix s'est alors porté sur le logiciel CENSUS-X11. Quelques résultats L’I.P.I. des brasseries base 100 en 1983 de Tunisie (série longue) Cette méthode a été appliquée à la série qui a servi d’exemple plus haut pour montrer que la CVS était inefficace pour éliminer l’effet Ramadan. Elle permet de corriger les creux observés au cours des mois de Ramadan et de se ramener à une série qui présente à première vue une saisonnalité suivant un schéma de décomposition multiplicatif. Ce que confirment d’ailleurs les coefficients associés aux indicatrices des différents mois de l’année calculés après correction de la série des effets de calendrier. Les effets de la procédure de calage s’observent également assez bien par la réduction de l’amplitude de la série après correction (graphique 7). 51 Graphique 7 I.P.I. mensuel de la branche des brasseries - TUNISIE - base 100 en 1983 - après correction des effets de calendrier et calage-base 100 en 1983 250 Indice brut Indice corrigé de l'effet ram adan 200 150 100 50 0 8301 8401 8 50 1 8601 8 70 1 8801 8901 9001 9 10 1 9201 9301 9401 Source : INS de Tunisie Les coefficients associés aux divers effets de calendrier calculés après la première itération sont les suivants: Variable Coefficient Ecart type R : « nombre de jours de Ramadan » -0.05 0.003 L : « nombre de jours fériés lunaires» -0.03 0.028 F : « nombre de jours fériés solaires» -0.06 0.020 |T| de Student -16.279 - 1.000 - 2.718 Interprétation : Chaque jour supplémentaire de Ramadan au cours d’un mois entraîne une baisse de la production de bière de l’ordre de 5% par rapport à sa tendance d’évolution hors effets saisonniers. De même, chaque jour chômé supplémentaire au cours du mois entraîne une baisse de l’indicateur de l’ordre de 6%. Un jour férié supplémentaire dû au calendrier lunaire est en revanche jugé sans influence. Résultat de la modélisation convergence en deux itérations après Après avoir réalisé une première correction de la série initiale à partir des résultats précédents, le Root MSE : 0.12 R-square : 0.73 Nombre d’observations: 144 Paramètres du modèle : Coefficient Variable Estimé Constante 0.231 R 0.000 L -0.025 F -0.003 M1 0.087 M2 0.009 M3 0.181 M4 0.303 M5 0.289 M6 0.411 M7 0.483 M8 0.619 M9 0.362 M10 0.279 M11 0.054 programme détermine une nouvelle tendance d’évolution de cette série corrigée et réestime d’éventuels effets résiduels de calendrier. Le modèle donne alors les résultats suivants : Adj R-sq : 0.71 Ecart Type 0.075 0.002 0.021 0.015 0.049 0.048 0.051 0.049 0.050 0.049 0.050 0.051 0.048 0.048 0.047 Durbin-Watson : 2.075 T de Student -3.052 0.013 -1.160 -0.239 1.751 0.191 3.508 6.108 5.772 8.390 9.604 11.987 7.525 5.823 1.138 Interprétation : Les coefficients associés aux différents effets de calendrier et du Ramadan ne sont plus significatifs. Cela veut dire que le programme ne détecte plus d’effets de calendrier, mais repère encore une saisonnalité. Les Mi qui représentent les coefficients associés aux indicatrices des mois i (1=janvier, 2=février, etc...) calculés par le modèle sont pour la plupart significatifs (test de Student). Pour déterminer l’écart à la tendance dû au mois i, il faut considérer le coefficient (constante + Mi )9. Ils sont présentés dans le tableau suivant : Janvier - 14% 9 Février - 22% Mars - 5% Avril + 7% Mai + 6% Juin +18% Juillet +25% Août +39% Septembre +13% Octobre + 5% Novembre -18% Décembre -23% La constante donne directement l’écart relatif à la tendance du mois de décembre. Statéco n° 86 - avril 1997 52 Après avoir corrigé la série des différents effets de calendrier et l’avoir calée, il est alors possible de procéder à une CVS. Comme le montre le graphique 8, le résultat est meilleur que ce qui avait été spontanément obtenu par l’emploi de la seule procédure de CVS (voir la première partie). Graphique 8 Comparaison de l’I.P.I mensuel de la branche des brasseries après CVS simple ou effectuée après correction des effets de Ramadan base 100 en 1983 200 Indice CVS (schéma additif) Indice CER-CVS 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 jan-83 jan-84 jan-85 jan-86 jan-87 jan-88 jan-89 jan-90 jan-91 jan-92 jan-93 jan-94 Source : INS de Tunisie l’I.P.I. du textile habillement et du cuir base 100 en 1990 - (Tunisie) La méthode décrite ici peut également être appliquée à des séries plus courtes. C’est notamment le cas pour le nouvel indice de la production industrielle calculé par l’I.N.S. de Tunisie. Pour certains secteurs, l ’ u t i l i s a t i o n d e c e p r o g r a mme p e r me t d e dégager des tendances d’évolution qui apparaissent particulièrement robustes et intéressantes pour l’analyse conjoncturelle. Les résultats pour l’indice de la production industrielle du secteur du textile, de l’habillement et du cuir (graphique 9) montrent un ralentissement de l’activité en fin de période, ce qui est difficile à percevoir à partir de l'indice brut. Graphique 9 I.P.I. mensuel de la branche du textile de l’habillement et du cuir de Tunisie - base 100 en 1990 210 Indice brut Indice CER-CVS 180 150 120 90 60 j anv- 9 0 janv- 9 1 janv- 9 2 j anv- 9 3 janv- 9 4 Source : INS de Tunisie Résultats du modèle : Pour chaque jour supplémentaire de Ramadan : -0,5% par rapport à la tendance. Pour chaque jour férié lunaire supplémentaire : -6,0% par rapport à la tendance. Statéco n° 86 - avril 1997 janv- 9 5 53 Pour chaque jour férié solaire supplémentaire : -3,0% par rapport à la tendance. Le nombre de mariages en Tunisie : l’utilisation de modèles additifs Graphique 10 Séries mensuelles des mariages en Tunisie - brutes et corrigées de l’effet Ramadan 20000 Nombre brut 18000 Nombre corrigé de l'effet Ramadan 16000 14000 12000 10000 8000 6000 4000 2000 0 jan-80 jan-81 jan-82 jan-83 jan-84 jan-85 jan-86 jan-87 jan-88 jan-89 jan-90 jan-91 jan-92 jan-93 jan-94 Source : INS de Tunisie La série mensuelle du nombre de mariages enregistrés en Tunisie est apparemment extrêmement sensible aux différentes périodes de l’année. Ils apparaissent en effet beaucoup plus nombreux lors des mois d’été. En comparaison, l’effet Ramadan apparaît marginal. Il a un impact dépressif relativement faible (pour des raisons relativement simples à comprendre), alors que les jours fériés, surtout ceux liés au calendrier lunaire ont plutôt une influence positive. Il faut sans doute interpréter ceci par le fait que les jours fériés sont accompagnés de « ponts » plus propices aux mariages. L’intérêt de cette série réside dans l’absence de tendance. Elle permet ainsi d’étudier comment réagit le programme lorsqu’on utilise un schéma de décomposition additif. Le graphique 11 montre que les résultats sont relativement satisfaisants car ils permettent d’éliminer l’ensemble des effets de calendrier. Graphique 11 Comparaison des séries mensuelles des mariages tunisiens (brutes et corrigées des effets de calendrier CVS) 18000 nom bre de m ariages 16000 nom bre de m ariages CER et CVS 14000 12000 10000 8000 6000 4000 2000 0 jan-80 jan-81 jan- 82 jan- 83 jan-84 jan-85 jan-86 jan- 87 jan- 88 jan-89 jan-90 jan-91 jan- 92 jan- 93 jan-94 Source : INS de Tunisie Les résultats du modèle sont : Pour chaque jour supplémentaire de Ramadan : - 3,0% par rapport à la tendance. Pour chaque jour férié lunaire supplémentaire : +12,0% par rapport à la tendance. Pour chaque jour férié solaire supplémentaire : + 4,0% par rapport à la tendance. Statéco n° 86 - avril 1997 54 La série de l’indice de la production industrielle du secteur de l’énergie (pétrole) base 100 en 1990 - (Tunisie) Graphique 12 Séries mensuelles de l’indice de la production industrielle du secteur de l’énergie - base 100 en 1990 Tunisie - brutes et corrigées des effets de calendrier hors saisonnalité 120 115 110 105 100 95 90 indice brut Indice CER 85 j an- 9 0 jan- 9 1 jan- 9 2 jan- 9 3 j an- 9 4 jan- 9 5 Source : INS de Tunisie Lorsque le modèle ne repère aucun effet de calendrier hors saisonnalité, bien évidemment, il ne procède à aucune correction. Tout au plus, a-t-il repéré un effet lié aux jours fériés issus du calendrier lunaire. La correction ainsi effectuée est relativement neutre et dans ce cas les résultats sont très proches de ceux obtenus directement après une CVS. Graphique 13 Séries mensuelles de l’indice de la production industrielle du secteur de l’énergie - base 100 en 1990 Tunisie - brutes et corrigées des effets de saisonnalité et de calendrier 120 115 110 105 100 95 90 Indice brut Indice CER-CVS 85 j an- 9 0 j an- 9 1 jan- 9 2 j an- 9 3 jan- 9 4 jan- 9 5 Source : INS de Tunisie Résultats du modèle : Pour chaque jour férié lunaire supplémentaire : -1,0% par rapport à la tendance. Avantages méthode et limites de cette Les avantages sont de deux ordres Avec cette méthode, on ne cherche pas à lisser les séries coûte que coûte. Le but de ce traitement est d’expliquer le mieux possible les évolutions que connaissent autour de leur tendance d’évolution les Statéco n° 86 - avril 1997 séries à périodicité infra-annuelle. La correction apportée a un sens et permet d’améliorer la lisibilité de ces séries. Les coefficients correcteurs ainsi estimés peuvent également être utilisés à des fins de prévision. En l’occurrence, ils donnent facilement des indications sur les sens de variations attendus des principales séries, et fournissent ainsi un cadre conceptuel plus propice pour l’analyse économique à court terme. 55 Les limites peuvent donner lieu à des développements La première limite est liée au mode de détermination de la tendance de la série. Appliquer différentes méthodes, ou chercher à déterminer celles qui sont les plus adaptées aux différents cas rencontrés pourrait permettre d’améliorer la robustesse des modèles de correction. L’estimation des différents effets de calendrier (saisonniers, Ramadan ou jours ouvrés) à partir de simples indicatrices ne permet pas de tenir compte de l’impact croisé de ces différents éléments. Prendre en compte les effets croisés doit permettre d’améliorer encore le traitement. Introduire une véritable correction des effets jours ouvrés ou en tout cas moins fruste que celle retenue ici peut également constituer un axe de progrès. Il est envisageable de gagner en précision en distinguant les effets de calendrier liés à chaque type de jour. Ainsi, le nombre de samedis par exemple doit avoir une influence nette sur les séries concernant le commerce, le nombre de nuitées touristiques (réservation du samedi au samedi), etc. Il est toutefois délicat d’introduire également des indicatrices supplémentaires distinguant pour chaque type de jours (lundis, mardis, mercredis, etc.), ceux qui ont lieu lors du Ramadan, ou s’ils sont fériés ou non. Le nombre de variables candidates pour l’estimation d’un tel modèle risque d’être beaucoup trop élevé par rapport au nombre d’observations dont on dispose. Se pose également le problème du calcul des coefficients sur toute la période. Les corrections apportées sont fixes dans le temps, ce qui apparaît également peu réaliste. Il serait possible d’améliorer les choses et de relativiser les effets par des estimations dynamiques des coefficients. On pourrait de la sorte estimer les évolutions temporelles de ces coefficients, et par lissage les prévoir à un horizon proche. Il serait alors envisageable d’établir des coefficient de correction sur un ou deux ans (en fonction de la longueur de la série). Statéco n° 86 - avril 1997