Une méthode de correction de l`effet Ramadan

Transcription

Une méthode de correction de l`effet Ramadan
Une méthode de correction de l’effet
Ramadan
par Jean-Marie Fournier et Hosni Nemsia
1
L’analyse conjoncturelle suppose que les séries économiques utilisées soient corrigées
des différents effets de calendrier qui peuvent les affecter. Les plus connus sont les
variations saisonnières, pour lesquelles il existe des méthodes standardisées de
correction qui sont très largement diffusées. Elles montrent toutefois leurs limites pour
traiter d’autres effets de calendrier dont la périodicité est différente de celle de l’année
solaire. C’est notamment le cas des fêtes religieuses qui sont basées sur le calendrier
lunaire, les fêtes de Pâques pour les religions chrétiennes et juives et celle du Ramadan
pour le monde musulman. Pour ces dernières, leur impact sur l’activité économique est
tel qu’elles tendent à rendre totalement inefficace toute procédure de désaisonnalisation.
C’est le point de vue qui est développé dans cet article où, après avoir exposé brièvement
les enjeux d’une correction de l’effet Ramadan, nous proposons une méthode
permettant d’obtenir simultanément une correction de l’effet Ramadan et d’autres
effets du calendrier musulman et des variations saisonnières. Appliquée à différentes
séries économiques tunisiennes, cette méthode s’est révélée relativement efficace.
Sur bon nombre de drapeaux de pays musulmans
figure un croissant. Celui-ci symbolise l’importance
qu’attache l’Islam à la lune, celle qui marque le début
et la fin du Ramadan, ou qui ponctue l’ensemble des
événements de la vie. Comme le dit le Coran, “ Les
nouvelles lunes sont le temps établi pour l’utilité des
hommes ”. Mais si le monde musulman met une
conscience scrupuleuse à vivre selon le calendrier
lunaire, cela ne va pas sans difficultés. En effet, selon
ce système, l’année comprend douze mois dont les
deux premiers comportent chacun 30 jours alors que
les autres en comptent alternativement 29 et 30.
1
Jean-Marie Fournier, attaché de l'INSEE, travaille au Centre d'Etudes et de Prospective de la Direction de l'Architecture
et de l'Urbanisme. Au moment de la rédaction de cet article, il était affecté au Département de la conjoncture de l'INSEE.
Hosni Nemsia travaille au Cabinet du Ministre du Développement Economique de Tunisie, et il appartenait auparavant à la
Sous-Direction de la conjoncture de l'Institut National de Statistique de Tunisie.
Statéco n° 86 - avril 1997
40
Chaque mois dure donc en moyenne 29 jours et
demi et est censé
2
représenter une lunaison (ou nouvelle Lune) . Les
mois du calendrier musulman sont donc indépendants
des saisons. Le neuvième mois, qui est celui du
Ramadan, se déplace ainsi chaque année solaire de 10
à 11 jours.
Les études économiques, et notamment l’analyse
conjoncturelle, sont fondées sur l’interprétation et le
suivi d’indicateurs à périodicité infra-annuelle. Dans
ce cadre, le premier travail du statisticien consiste à
corriger les séries étudiées d’éventuels effets
temporaires récurrents (saisonnalité ou autres effets
de calendrier) qui peuvent altérer les tendances que
connaissent à court terme les différents indicateurs.
La complexité de ce système, ainsi que l’ouverture
internationale croissante des pays musulmans, font
que c’est aujourd’hui le calendrier solaire qui est
largement utilisé dans la vie courante. Le calendrier
lunaire sert essentiellement à définir les dates des
fêtes religieuses et des congés qui en dépendent. A
cet égard, le Ramadan est la manifestation la plus
spectaculaire de l'influence du calendrier lunaire, à la
3
fois par son ampleur et par les pratiques qui y sont
associées.
Dans de nombreux pays la CVS est encore peu
utilisée. Néanmoins, conscients des problèmes liés à
l'interprétation au mois le mois, ou au trimestre le
trimestre de leurs séries statistiques à périodicité
infra-annuelle, les économistes de ces pays ont
souvent recours à deux méthodes d’analyse, le
glissement annuel et le cumul, qui ne sont pas
exemptes de défauts.
Du chevauchement de ces deux systèmes de
calendrier naît une réelle difficulté, notamment dès
que l'on cherche à étudier les séries statistiques à
périodicité infra-annuelle de pays musulmans. Ainsi,
pour l’analyse conjoncturelle, il est nécessaire de
tenir compte des effets liés à la coexistence de ces
deux systèmes de calendrier afin de dégager de
véritables tendances d’évolution : les éventuels effets
saisonniers pour le calendrier solaire, les effets des
fêtes religieuses liées au calendrier lunaire islamique,
que nous regrouperons dans la suite sous le terme
générique "d'effet Ramadan".
Après avoir rapidement rappelé les principes de la
correction des variations saisonnières (CVS) et
expliqué pourquoi le Ramadan constitue un effet de
calendrier particulier qui ne peut être convenablement
corrigé par la CVS, nous proposerons dans cet article
une méthode permettant d'en corriger les effets.
La correction des variations
saisonnières (CVS) : pratique
indispensable
pour
l’analyse
conjoncturelle
La délicate interprétation des séries à
périodicité infra-annuelle
2
En fait la durée exacte d’une lunaison est très légèrement
supérieure à 29 jours, douze heures et quarante minutes.
Pour tenir compte de cette différence, le calendrier
musulman fait donc varier la longueur du douzième mois
selon un cycle de trente ans. Ainsi l’année musulmane se
termine-t-elle 19 fois sur 30 par un mois de 29 jours et
compte 355 jours dont 30 lors du dernier mois au cours des
années 2, 5, 7, 10, 13, 16, 18, 21, 24, 26, et 29 du cycle de
trente ans.
3
Neuvième mois du calendrier musulman, il constitue une
période de jeûne et de privations aux règles relativement
strictes.
Statéco n° 86 - avril 1997
Le glissement annuel
Il a pour but de se soustraire des variations
saisonnières affectant l'activité économique, puisqu'il
s'agit de comparer le niveau de la série étudiée au
cours d’une période à celui obtenu lors de la même
période (le même mois ou le même trimestre ) de
l'année précédente. Il est largement utilisé pour
étudier des séries de productions agricoles, de
production industrielle ou même d’activités de
services (tourisme notamment). Il présente toutefois
un certain nombre d'inconvénients :
Une forte sensibilité aux points aberrants. L'analyse
des glissements annuels successifs peut être faussée
par l'apparition de chocs ponctuels ou plus
simplement d’un jour férié supplémentaire. Cette
sensibilité sera d'autant plus grande que la périodicité
de la série considérée est forte. Ainsi, un jour chômé
de plus que d’ordinaire aura un impact nettement
dépressif sur la production d’un mois comptant une
vingtaine de jours ouvrés, moindre mais néanmoins
significative pour un trimestre, comptant lui un peu
plus de 70 jours ouvrés. Pour bien comprendre ce
problème, un simple exemple suffit : soit une série,
dont la croissance est en moyenne de +1% par
trimestre. Si elle connaît un accident au début de
l’année A1, rattrapé immédiatement lors du trimestre
suivant, les glissements annuels en seront affectés
jusqu’au deuxième trimestre de l’année 2
(graphique 1).
• Le glissement annuel est également doté d’une
forte inertie et traduit assez mal les phénomènes
d'accélération ou de ralentissement de l’activité. Pour
bien comprendre ce point, un autre exemple peut être
utilisé.
Soit une série trimestrielle qui croît au rythme de 1%.
Si elle connaît une accélération ponctuelle, celle-ci va
se répercuter de deux à trois trimestres après sa fin et
le ralentissement de la croissance qui en découle va
se prolonger pendant encore un an sur le glissement
annuel (graphique 2).
41
Graphique 1
Comparaison des évolutions trimestrielles et des glissements annuels dans le cas d’un choc rattrapé
8
Evolution trimestrielle
7
Glissement annuel
6
en %
5
4
3
2
1
0
-1
-2
T1A0
T2A0
T3A0
T4A0
T1A1
T2A1
T3A1
T4A1
T1A2
T2A2
T3A2
T4A2
T1A3
T2A3
T3A3
T4A3
trimestre
Graphique 2
Comparaison des évolutions trimestrielles et des glissements annuels dans le cas d’une accélération
ponctuelle
14
13
Evolution trimestrielle
12
Glissement annuel
11
10
en %
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
T1-A0
T2-A0
T3-A0
T4-A0
T1-A1
T2-A1
T3-A1
T4-A1
T1-A2
T2-A2
T3-A2
T4-A2
T1-A3
T2-A3
T3-A3
T4-A3
trimestre
Le cumul
Autre pratique courante des économistes voulant se
soustraire des effets saisonniers sans recourir à la
CVS, le cumul consiste à comparer les niveaux
atteints au cours de l'année, aux niveaux atteints
l'année précédente. En juin de l'année N, cela revient
à comparer la somme des produits réalisés depuis le
début de l'année à la production réalisée de janvier à
juin de l'année (N-1). Le cumul présente l'avantage
par rapport au glissement annuel d'être moins
sensible aux points aberrants et donc de mieux tenir
compte d’un éventuel choc éventuel dû au calendrier,
du moins dès que l'on dispose d'un nombre suffisant
de mois ou de périodes pour le calcul. En revanche,
son interprétation est encore plus difficile au mois le
mois. Non maîtrisé, il peut amener à comparer la
moyenne annuelle de l'année précédente (cumul en
décembre de l'année N) au premier glissement annuel
(cumul en janvier) de l'année suivante. Ce manque
d’homogénéité des concepts utilisés peut donc
largement fausser le diagnostic. En outre, si le cumul
permet de mieux tenir compte d’accidents
conjoncturels que le glissement annuel (graphique 3), il est en revanche soumis à une plus forte
inertie encore (graphique 4).
Statéco n° 86 - avril 1997
42
Graphique 3
Comparaison des évolutions trimestrielles , des glissements annuels et des cumuls dans le cas d’un choc
rattrapé
E v o lu tio n tr im e s tr ie lle
8
Cum ul
7
G lis s e m e n t a n n u e l
6
5
en %
4
3
2
1
0
-1
-2
T 1 -A 0 T 2 -A 0 T 3 -A 0 T 4 -A 0 T 1 -A 1 T 2 -A 1 T 3 -A 1 T 4 -A 1 T 1 -A 2 T 2 -A 2 T 3 -A 2 T 4 -A 2 T 1 -A 3 T 2 -A 3 T 3 -A 3 T 4 -A 3
trim e s tre
en %
Graphique 4
Comparaison des évolutions trimestrielles, des glissements annuels et des cumuls dans le cas d’une
accélération ponctuelle
14
13
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
G lis s e m e n t trim e s tr ie l
Cum ul
G lis s e m e n t a n n u e l
T 1 -A 0 T 2 -A 0 T 3 -A 0 T 4 -A 0 T 1 -A 1 T 2 -A 1 T 3 -A 1 T 4 -A 1 T 1 -A 2 T 2 -A 2 T 3 -A 2 T 4 -A 2 T 1 -A 3 T 2 -A 3 T 3 -A 3 T 4 -A 3
tr im e s tre
Au delà du suivi des glissements annuels et des
cumuls, le diagnostic conjoncturel implique la
détermination d’une véritable tendance d’évolution,
« robuste », c’est-à-dire faisant la part de ce qui
provient de chocs exogènes ou de simple effets
saisonniers ou de calendrier (nombre de jours ouvrés
ou effet Ramadan par exemple). Pour cela il convient
d’en tester les effets et d’opérer le cas échéant des
redressements ad-hoc. De la sorte, il est également
possible de mieux interpréter les glissements annuels
et les cumuls.
La correction des variations saisonnières
en pratique
Principes de la CVS
La correction des variations saisonnières a pour objet
de faciliter et d’améliorer l’interprétation des
indicateurs économiques à périodicité infra-annuelle.
Dans ce cadre, l’usage est de distinguer dans la série
les divers éléments qui contribuent à l’évolution
globale du phénomène étudié en faisant apparaître :
T t : la tendance de la série,
S t : sa saisonnalité,
I t : une composante irrégulière.
Les méthodes utilisées pour corriger les effets
saisonniers sont relativement nombreuses. Elles
Statéco n° 86 - avril 1997
peuvent être regroupées en deux grandes catégories :
celles fondées sur la modélisation économétrique
(utilisée notamment par les conjoncturistes
allemands) et celles basées sur la détermination des
éléments définis précédemment à partir de moyennes
mobiles.
4
La plus populaire d’entre elles appartient à la second
famille de méthodes. Les différentes composantes de
la série sont étudiées et déterminées à partir de
moyennes mobiles, et selon deux formes possibles,
soit un schéma additif de la forme :
X t = Tt + St + I t ,
soit multiplicatif de la forme : X t = T t * S t * I t .
Dans les deux cas, la tendance de la série constitue le
mouvement
conjoncturel
extra-saisonnier
« régulier »,
qui
correspond
à
l’évolution
fondamentale de la série. Le mouvement saisonnier
correspond lui à des fluctuations périodiques
d’amplitude plus ou moins identiques d’une année à
l’autre. Enfin, la composante irrégulière ou aléatoire
4
Le programme CENSUS - X11 constitue une référence
internationale en la matière. Très largement diffusé, il est
utilisé par la plupart des instituts de statistique européens
pour la publication de leurs principaux résultats CVS. Il est
disponible à partir du logiciel SAS.
43
comporte les fluctuations de l’activité réputées
imprévisibles, et supposées généralement de faible
amplitude.
Le choix du modèle dépend de l'évolution, ou non, de
la saisonnalité dans le temps. Si la saisonnalité a
tendance à évoluer, il convient d’utiliser un modèle
5
multiplicatif , si par contre la saisonnalité est stable
dans le temps il est conseillé d'utiliser un modèle
additif.
non plus les mêmes d’un pays à l’autre et peuvent
avoir une influence différente d’un pays à l’autre. La
CVS permet de dépasser ce problème en déterminant,
pour chacun des pays, une tendance d’évolution
directement comparable.
Après avoir dégagé une tendance d’évolution à partir
de moyennes mobiles, le programme calcule des
coefficients saisonniers qui peuvent être définis
grossièrement comme étant la moyenne des écarts
observés par rapport à la tendance, pour un mois ou
un trimestre en particulier. En outre, l’emploi de
moyennes mobiles relativement courtes pour
déterminer la tendance et les effets saisonniers permet
d’obtenir des estimations qui s’adaptent rapidement
aux variations de l’activité, ainsi qu’aux
modifications des comportements saisonniers.
Au cours du mois de Ramadan, les comportements du
producteur et du consommateur sont complètement
perturbés ; on assiste en particulier à une baisse de la
productivité touchant tous les secteurs d'activité à
l'exception du commerce et à une hausse de la
demande des biens de consommation. Une autre
particularité de ce mois de jeûne est que le travail est
mené à mi-temps, ce qui explique, en partie, les
perturbations que subissent la plupart des séries
temporelles des pays musulmans. Celles-ci présentent
donc une quatrième composante due aux fêtes fixées
par le calendrier lunaire (jours fériés lunaires et mois
de Ramadan). Cette composante mobile dans le temps
nécessite un traitement particulier. Ignorée lors d’une
correction des seuls effets saisonniers, elle peut
conduire à biaiser fortement les résultats, aussi bien
pour des séries mensuelles que pour des séries
trimestrielles.
La CVS fournit plus facilement des éléments de
comparaison
Deux raisons principales incitent le statisticien et
l’économiste à ne raisonner que sur des séries
corrigées des variations saisonnières :
- L’ajustement saisonnier permet d’harmoniser la
répartition infra-annuelle de la série brute : en effet la
composition d’un indicateur peut changer d’un mois
à l’autre en fonction des changements saisonniers. A
titre d’exemple, en Tunisie la production de sucre
s’arrête au mois de mai et au mois d’octobre, ce qui
se traduit invariablement par une baisse mécanique de
l’indice de la production industrielle dans les
industries agro-alimentaires au cours de ces deux
mois. Ce phénomène s’observe chaque année et a
donc une influence constante sur l’indice de la
production industrielle des industries agroalimentaires. La CVS tiendra facilement compte de
cet effet et permettra de calculer des indices
comparables d’un mois sur l’autre ;
- La CVS permet de mener des comparaisons
internationales : l’économie d’un pays ouvert sur le
marché international doit pouvoir être directement
comparée à celle d’autres pays, notamment celle de
ses concurrents. Or les saisons ne sont pas les mêmes
d’une région du globe à l’autre : l’hiver en Tunisie
correspond à l’été en Argentine, et les agrumes, le
ciment ou les tomates ne sont pas produits ou
exportés à la même époque dans les deux régions.
Les modes de production, les coutumes, les congés
annuels, le nombre de jours ouvrables ne sont pas
5
Concrètement, cela revient à observer l ’évolution des
pics et des creux de la série brute. Si ceux-ci sont
d’amplitude à peu près constante dans le temps, il faudra
appliquer un schéma de décomposition additif. En
revanche, s’ils évoluent a priori de la même façon, un
schéma de CVS multiplicatif devra être utilisé.
La CVS est insuffisante pour traiter les
séries des pays musulmans
La CVS apparaît biaisée par l’effet Ramadan
L’impact du Ramadan sur la CVS de séries
mensuelles
L’emploi de programmes de correction des variations
saisonnières pour traiter des séries chronologiques de
pays musulmans est loin d’être optimal. La CVS est
insuffisante pour corriger l’effet Ramadan. Comme
on l’a vu en introduction, du fait du décalage
temporaire entre les calendriers solaire et lunaire, les
fêtes islamiques, notamment le Ramadan, ont
tendance à se déplacer dans le temps, à raison de
onze jours en moyenne par an. Ils peuvent ainsi avoir
un impact jusqu’à six fois de suite sur le même mois,
avec toutefois une ampleur différente, de un à
quarante jours pour le Ramadan (tableau 1). Celui-ci
peut, en effet, lorsqu’il a lieu en fin d’année,
apparaître deux fois au cours d’une même année et
influencer alors une quarantaine de jours, au lieu de
6
vingt-neuf d’ordinaire (voir la situation anticipée
pour les années 1997 et 2000).
Appliquer directement une correction des variations
saisonnières à une série influencée par l’effet
Ramadan est donc inadapté. Le programme risque
d'identifier leur répétition dans le temps comme
l’expression d’un phénomène saisonnier. Il va alors
en corriger explicitement les mois concernés, ce qui
est bien le but recherché. Le problème vient de ce
qu’il va par la suite continuer à en corriger le même
mois alors que le Ramadan affecte désormais le mois
précédent. La dynamique du Ramadan et les effets de
6
le Ramadan est fixé par une autorité religieuse chargée
de surveiller l'apparition du croissant "le jour du doute".
Statéco n° 86 - avril 1997
44
bord qu’il génère peuvent alors entraîner des
corrections saisonnières abusives. C’est notamment le
cas si les effets du Ramadan sont forts, et induisent
un rattrapage au cours du mois suivant (M+1), ou du
mois précédent (M-1). La correction des effets
saisonniers même adaptative corrigera alors
fortement à la baisse les mois (M-1) et (M+1) et
corrigera à la hausse le mois de Ramadan (M).
L’année suivante, alors que le Ramadan affecte
désormais le mois (M-1), la CVS continuera à
corriger à la baisse ce mois, ce qui amplifie la
dépression de l’activité, et corrigera encore à la
hausse le mois M au cours duquel a lieu un rattrapage
(amplification artificielle de la hausse de l’activité).
Tableau 1
Calendrier (solaire) des mois de Ramadan depuis 1980 - influence mensuelle -.
Année
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997*
1998*
1999*
2000*
Premier mois
et nombre de jours
concernés
juillet (18)
juillet (29)
juin ( 8)
juin (19)
mai ( 1)
mai (11)
mai (22)
avril ( 1)
avril (13)
avril (24)
mars ( 4)
mars (15)
mars (27)
février ( 6)
février (17)
février (28)
janvier (10)
janvier (22)
janvier (27)
janvier (16)
janvier ( 5)
Deuxième mois
et nombre de jours
concernés
août (11)
juillet (21)
juillet (10)
juin (28)
juin (18)
juin ( 7)
mai (28)
mai (16)
mai ( 5)
avril (25)
avril (14)
avril ( 2)
mars (23)
mars (12)
mars ( 1)
février (19)
février ( 7)
décembre (13)
décembre (24)
novembre ( 4)
Troisième mois
et nombre de jours
concernés
décembre ( 2)
décembre (25)
* prévisionnel
L’impact du Ramadan sur la CVS de séries
trimestrielles
On pourrait croire que l’influence de l’effet Ramadan
n’est sensible que pour des séries mensuelles et non
pour des séries trimestrielles puisqu’il induit une
saisonnalité trimestrielle glissante sur longue période
seulement (onze années). Lorsque les effets du
Ramadan sont homogènes (sur une période de dix ans
par exemple), une simple CVS pourra se révéler
efficace. En revanche, lorsque sur la période traitée le
Ramadan passe d’un trimestre à un autre, chercher à
corriger des variations saisonnières ces séries peut
être totalement inadapté et fausser fortement le
diagnostic, comme cela a été décrit plus haut pour les
séries mensuelles.
Utiliser la seule procédure de CVS sans correction
préalable de l’effet Ramadan peut conduire à corriger
de manière abusive ces séries et à obtenir des
résultats qui vont à l’encontre du résultat cherché. La
CVS risque, en outre, d’être jugée totalement
inefficace alors même qu’elle est utilisée de manière
non optimale.
Tableau 2
Calendrier (solaire) des mois de Ramadan depuis 1980 - influence trimestrielle -.
Année
1980
1981
1982
1983
1984
Premier trimestre
et nombre de jours concernés
3ème trimestre (29)
3ème trimestre (29)
2ème trimestre ( 8)
2ème trimestre (19)
2ème trimestre (29)
Statéco n° 86 - avril 1997
Deuxième trimestre
et nombre de jours concernés
3ème trimestre (21)
3ème trimestre (10)
-
45
Année
Premier trimestre
et nombre de jours concernés
2ème trimestre (29)
2ème trimestre (29)
2ème trimestre (29)
2ème trimestre (29)
2ème trimestre (29)
1er trimestre ( 4)
1er trimestre (15)
1er trimestre (27)
1er trimestre (29)
1er trimestre (29)
1er trimestre (29)
1er trimestre (29)
1er trimestre (29)
1er trimestre (27)
1er trimestre (16)
1er trimestre ( 5)
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997*
1998*
1999*
2000*
Deuxième trimestre
et nombre de jours concernés
2ème trimestre (25)
2ème trimestre (14)
2ème trimestre ( 2)
4ème trimestre ( 2)
4ème trimestre (13)
4ème trimestre (24)
4ème trimestre (29)
* prévisionnel.
Exemple : la CVS de l’I.P.I. mensuel de la
branche des brasseries (base 100 en 1983)
Pour illustrer à l'excès ce point, nous avons cherché à
corriger des variations saisonnières une série que l’on
sait à la fois saisonnière et dont l’effet Ramadan est
évidemment très spectaculaire : l’Indice de la
Production Industrielle de la Branche des Brasseries,
base 100 en 1983 de Tunisie. On sait en effet que
l’activité dans cette branche est quasiment nulle au
moment du Ramadan et qu’elle est également
saisonnière (croissance de l’activité au printemps et à
l’été, en liaison avec la saison touristique), comme le
montre le graphique 5
Graphique 5
Série brute de l’I.P.I. mensuel de la branche des brasseries - TUNISIE - base 100 en 1983
- Présentation année par année depuis 1983 180
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
160
140
120
100
80
60
40
20
jan
mar
mai
1983
j ul
sep
1984
no v
0
jan
1985
mar
mai
1986
j ul
sep
1987
no v
1988
250
160
140
200
120
100
150
80
100
60
40
50
20
0
0
jan
mar
mai
1989
j ul
sep
1990
no v
jan
mar
1991
mai
j ul
1992
sep
no v
1993
source : INS de Tunisie
Statéco n° 86 - avril 1997
46
Cette série connaît également une croissance marquée
au cours de la période 90-94, ce qui incite a priori à
utiliser un modèle multiplicatif de correction des
variations saisonnières. Le problème vient alors de ce
que la production est parfois réduite à zéro lors des
périodes de Ramadan. Appliquer une seule correction
à partir d’un modèle multiplicatif apparaît alors
totalement inadapté.
Pour dépasser ce problème, on peut essayer d’utiliser
de manière plus fine le programme de CVS en
utilisant toute l’information disponible pour traiter la
série. En appliquant un schéma de décomposition
additif par exemple, on peut ainsi faire abstraction du
problème lié à l’activité nulle à certaines périodes. En
commençant la correction sur une période homogène
en termes d’effets Ramadan, il est également possible
de mieux corriger la première période et d'assurer à
mesure que l’on dispose de points supplémentaires
une meilleure correction « glissante » des effets
Ramadan sur les autres mois.
Le graphique 6 montre que cette correction n’est pas
totalement efficace car elle est largement perturbée
par l’effet Ramadan. Comme le montre le tableau 1,
en débutant la correction en 1985, l’effet Ramadan
joue tout d’abord en partie sur mai et juin, puis plus
complètement sur le mois de mai au cours de la
période 86-88, sur le mois d’avril de 89 à 91, mars en
92-93, et février de 1994 à 1996.
Graphique 6
CVS de l’I.P.I. mensuel de la branche des brasseries - TUNISIE - base 100 en 1983 - schéma additif depuis 1985 seulement
250
Indice brut
Indice CVS (schéma additif)
200
150
100
50
0
jan-85
jan-86
jan-87
jan-88
jan-89
jan-90
jan-91
jan-92
jan-93
jan-94
source : INS de Tunisie
Les passages rapides d’un mois à l’autre du Ramadan
altèrent fortement la CVS. En outre, de cette façon, il
n’est pas possible d’extrapoler des coefficients pour
les années à venir. Calculés aujourd’hui, ils ignorent
les effets à attendre de la CVS et du Ramadan.
La simple correction des effets saisonniers est donc
insuffisante pour traiter des séries affectées par l’effet
Ramadan. Il convient donc d’utiliser d’autres
corrections, spécifiquement conçues pour traiter ce
genre de problème.
Dans ce qui suit, nous proposons une méthode
permettant de tenir compte de ces effets spécifiques
de calendrier. Elle a été appliquée à des séries issues
de l’Institut National de la Statistique de Tunisie,
avec un certain succès.
Cette méthode peut facilement être mise en pratique.
Elle nécessite de disposer d’un calendrier sur une
longue période et d’un logiciel de traitements
statistiques standards (tableur éventuellement).
Statéco n° 86 - avril 1997
Une méthode de correction de
l’effet Ramadan
Le problème de la correction des effets de calendrier
peut-être abordé de deux façons :
- soit, on cherche explicitement à corriger ce seul
effet, indépendamment des effets saisonniers, en
repérant l’impact des différents jours fériés du
calendrier lunaire et les mois de Ramadan ;
- soit, le but est d’obtenir une correction globale
intégrant l’ensemble des effets de calendrier et de
saisonnalité.
La première optique est a priori la plus délicate à
mettre en oeuvre, les séries étudiées n’étant pas, la
7
plupart du temps, stationnaires . Il faut donc pouvoir
7
On appelle série stationnaire, une série statistique dont la
moyenne est constante, ou pour les séries chronologiques,
indépendante de la période choisie pour la calculer. Les
évolutions décrites ne sont alors que cycliques ou
accidentelles.
47
tenir compte de leur tendance d’évolution pour
estimer l’effet du Ramadan (il s’agit d’ailleurs du
même problème que pour la CVS). En outre, on l’a
vu plus haut, si désaisonnaliser une série affectée par
l’effet Ramadan peut conduire à fausser quelque peu
les résultats, il semble que symétriquement, chercher
à corriger de l’effet Ramadan une série saisonnière
puisse fausser cette correction.
Il semble donc qu’il faille tenir compte
simultanément des effets saisonniers et de calendrier
pour assurer la meilleure correction possible de ces
deux effets. C’est le choix que nous avons développé
et présenté ici.
Une estimation simultanée des différents
effets de calendrier
En premier lieu, il s’agit de déterminer une tendance
d’évolution de la série qui permette de récupérer
ensuite un écart à cette tendance, par définition
stationnaire, à partir duquel il est alors possible
d’estimer l’impact des différents effets de calendrier
que l’on cherche à éliminer, l’effet saisonnier,
l’influence du Ramadan, ainsi que d’autres effets liés
aux jours fériés.
L’estimation se fait à partir d’une relation
économétrique liant les écarts à la tendance à des
indicatrices permettant de mesurer les effets moyens
de chacun des éléments retenus. Ces indicatrices sont
de deux ordres : d’une part une variable
dichotomique (0,1) pour chacun des mois solaires de
l’année (mesure des effets saisonniers) et d’autre part
les nombres de jours de Ramadan hors dimanche, de
jours fériés et de dimanches du mois. Ces indicatrices
sont donc définies à partir du calendrier du pays sur
lequel portent les indicatrices étudiées.
On dispose dès lors d’une mesure des effets moyens
associés à chacun de ces phénomènes sur toute la
période d’estimation. Il s’agit d’un modèle d’analyse
de la variance, à la différence près que l’on ne
cherche pas à déterminer d’effets croisés. Pour cela, il
aurait fallu intégrer des indicatrices croisées
représentatives des effets combinés de la saisonnalité,
du Ramadan et des jours fériés. Chercher à mesurer
ces effets croisés aurait conduit à incorporer
beaucoup trop de variables explicatives rendant peu
robuste l’estimation. On fait ainsi l’hypothèse, sans
doute abusive, que les différents effets de calendrier
sont indépendants les uns des autres. Ce qui paraît
peu réaliste quand on sait que par exemple le mois de
Ramadan est suivi immédiatement de deux jours de
fête. De la même manière, on fait l’hypothèse que ces
effets sont les mêmes quel que soit le mois considéré,
et donc que le Ramadan a la même influence en
juillet et en décembre.
A partir de ce modèle, il est possible de disposer de
mesures des effets de calendrier en calculant la
contribution à l’écart à la tendance de chacun de ces
effets pris individuellement. Ainsi en multipliant le
nombre de jours du Ramadan d’un mois en particulier
par le coefficient estimé, on obtient l’écart à la
tendance dû à l’effet Ramadan. De même, pour l’effet
des jours fériés, que leur origine provienne des
calendriers lunaire ou solaire. Il est également
possible de tester la pertinence de la correction de ces
différents effets (test de Student des coefficients), et
décider ainsi, au vu des résultats des tests, de corriger
ou non la série de ces effets.
Une estimation itérative
On n'est pas certain au départ que l'écart à la tendance
qui a servi à estimer l’impact des différents effets de
calendrier englobe l’ensemble de ces effets. C’est
pourquoi il convient d’estimer si la série une fois
corrigée n’est pas encore soumise à des effets
résiduels de calendrier (on procède de même dans
Census-X11 pour la correction des variations
saisonnières).
Après la première correction, il est possible de
déterminer une nouvelle tendance d’évolution de la
série et de recommencer à nouveau la correction
décrite précédemment en cherchant à déterminer des
effets résiduels de calendrier. Les mêmes estimations
sont alors menées, et les coefficients font également
l’objet de tests. Les nouvelles contributions ainsi
calculées viennent s’ajouter à celles calculées
préalablement permettant ainsi une correction plus
large.
Cette procédure itérative peut être poursuivie tant que
l’on obtient des contributions non nulles des effets de
calendrier (Ramadan, jours ouvrés), c’est à dire tant
que l’on est en mesure de corriger la série de ces
effets. En final, la série est censée ne plus contenir
d’effets de calendrier hors saisonnalité. En pratique,
deux itérations suffisent, puisque l’on ôte dès le
départ l’essentiel des effets de calendrier hors
saisonnalité.
A l’issue de cette procédure, on dispose de
l’estimation globale d’effets de calendrier et du
Ramadan que l’on peut facilement appliquer à la série
initiale pour la corriger. On va ensuite chercher à
« caler » la série corrigée de manière à retrouver en
final les mêmes niveaux annuels pour la série
corrigée ou non. Bien que les phénomènes de
calendrier et de Ramadan puissent avoir une
influence sur les niveaux annuels de la production, il
est souhaitable que ceux-ci, une fois corrigés, soient
exactement les mêmes que ceux de la série initiale.
Cette contrainte supplémentaire permet de répondre
facilement aux critiques portant habituellement sur
les redressements des séries temporelles à périodicité
infra-annuelle et qui consiste à ne voir dans ces
procédures qu’une falsification des chiffres à partir
de méthodes relativement opaques. En s’assurant que
les niveaux annuels sont bien les mêmes, on dépasse
ce problème sans remettre en cause l’intérêt du
traitement : déterminer des tendances d’évolution
Statéco n° 86 - avril 1997
48
indépendantes des effets de calendrier. Le calage peut
être effectué de plusieurs façons. Celui retenu ici
consiste à retrancher ou à rajouter aux différents
mois, proportionnellement à leur saisonnalité (si elle
est repérée) ce qui a été ajouté ou retranché pour
compenser l’effet Ramadan et des jours fériés.
Statéco n° 86 - avril 1997
Enchaînements des différentes étapes et
mise en pratique
Concrètement, la méthode est divisée en plusieurs
procédures qui peuvent être appelées plusieurs fois
tant que cela apparaît nécessaire. Leur enchaînement
est décrit par le schéma suivant.
49
Détermination de la tendance de la série
Une première tendance d’évolution de la série est
calculée par moyenne mobile. Il est ainsi possible
de tenir compte des caractéristiques de la série,
notamment pour chercher à lisser le plus possible
cette tendance si les effets de calendrier
apparaissent a priori relativement violents
(l’examen du graphe de la série brute est une
condition préalable pour déterminer au mieux la
forme de la tendance de la série).
Estimation de l’écart de la série à sa tendance
On peut dès lors calculer un écart relatif à la
tendance sous la forme d’un coefficient
multiplicatif (Et), qui vaut 1 si la série ne connaît
aucun accident autour de sa tendance.
Et=Xt / Tt, avec Xt = la série brute au cours du
mois t et Tt = la tendance de cette série lors du
mois t.
Cet écart relatif intègre donc aussi bien la
saisonnalité que d’autres effets de calendrier (effet
Ramadan, influence des jours fériés des calendriers
lunaires et solaires) ainsi qu’une composante
irrégulière.
Les méthodes économétriques traditionnelles
d'estimation des effets de jours ouvrés ne
s’intéressent d’ordinaire qu’à l’estimation de
l’irrégulier obtenu après la CVS. Ils estiment
ensuite les effets journaliers en effectuant une
régression directe de cet irrégulier de la série traitée
sur les 7 indicatrices correspondant à chacun des
8
jours de la semaine . La méthode présentée ici part
du principe que le programme de CVS ne peut
dissocier
correctement
les
composantes
saisonnières et celles tenant compte des jours
ouvrés, de l’effet Ramadan et des jours fériés
lunaires. C’est donc bien l’ensemble de l’écart à la
tendance que l’on va chercher à expliquer et pas
seulement une composante irrégulière obtenue
après CVS.
Estimation des différents effets de calendrier et
de la saisonnalité
Il s’agit alors d’établir à partir du modèle suivant
l’influence respective des différents effets.
valant respectivement 1 si t correspond au mois j et
0 sinon. Ainsi M1t représente l’indicatrice associée
au mois de janvier, qui vaut 1 si le mois t est un
mois de janvier et zéro dans tous les autres cas. De
même, on définit les variables M2t, M3t, ... , M11t
pour les mois de février, mars, ... et novembre. Le
mois de décembre n’apparaît pas pour éviter qu’il y
ait stricte colinéarité des variables exogènes du
modèle et de la constante. Cette dernière joue le
rôle d’indicatrice du mois de décembre, qui va luimême servir de mois de référence. Les indicatrices
mensuelles servent à prendre en compte la partie
saisonnière de l’écart à la tendance indépendante
des effets de calendrier et de Ramadan (mesurés par
les coefficients associés aux variables explicatives
Rt, Lt, Ft). Leur influence est loin d’être
négligeable, car ces indicatrices permettent
d’obtenir en final des estimations des différents
effets de calendrier.
Rt = le nombre de jours Ramadan du mois t.
Lt = le nombre de jours fériés du calendrier lunaire
du mois t (hors dimanches et jours fériés du
calendrier solaire).
Ft = le nombre de dimanches et de jours fériés du
calendrier solaire du mois t.
On dissocie les effets des jours fériés en fonction de
l’origine des fêtes. Sont ainsi distingués les
nombres de jours fériés du calendrier solaire (et les
dimanches) et le nombre de jours fériés du
calendrier lunaire. Ces derniers, comme le
Ramadan, sont liés au calendrier islamique et sont
donc indépendants des saisons. En revanche, les
fêtes ayant lieu à date fixe devraient être prises en
compte comme un phénomène saisonnier. Mais, si
la fête nationale a bien toujours lieu à la même date,
elle peut très bien « tomber » un dimanche, ce qui
en fait alors un jour chômé de moins que
d’habitude. C’est donc l’interaction possible entre
les dimanches et les jours fériés que l’on cherche à
déterminer en intégrant cette variable à l’estimation
des différents effets de calendrier.
Enfin Ut est une composante aléatoire assimilée à
un « bruit blanc ».
Et = (1 + a ) + ∑ bjMjt + c. Rt + d . Lt + e. Ft + Ut
E( Ut ) = 0 , V ( Ut ) = s 2 et COV ( Ut , Us ) = 0 ;
∀t et ∀s et avec t ≠ s.
Avec :
Et = l’écart relatif de la série à sa tendance
d’évolution observée au mois t.
Test des coefficients associés aux effets de
calendrier (coefficients des variables Rt, Lt et Ft)
L’estimation économétrique précédente permet
également de disposer d’un certain de nombre de
tests portant sur la significativité des différentes
variables introduites dans ce modèle. Ainsi, lorsque
le coefficient associé à la variable Rt est
significativement différent de zéro (au sens du test
de Student), il est alors prouvé que la série est
affectée par l’effet Ramadan. On peut procéder de
la même façon pour l’ensemble des variables
j
La composante saisonnière est composée de
variables indicatrices tenant compte de la
périodicité de la série.
Ainsi, dans le cas d’une série mensuelle, elle est
composée de onze variables Mjt (j=1, 2, ..., 11),
8
Voir Dagum, Quenneville, Sutradhar (1992).
Statéco n° 86 - avril 1997
50
utilisées dans ce modèle. Si le test fait apparaître
une influence significative pour l’une au moins des
composantes que l’on cherche à éliminer (effets de
calendrier hors saisonnalité), sa contribution à
l’écart à la tendance est alors calculée et tient lieu
de coefficient correcteur à appliquer à la série
initiale. Les contributions ainsi calculées
représentent les variations relatives de la série
autour de sa tendance d’évolution imputables aux
seuls effets de calendrier. Pour en calculer la
contribution en niveau, il convient de multiplier la
contribution relative par le niveau de la tendance de
la série.
On calcule, pour une année donnée N
Exemple : si le coefficient associé à l’effet
Ramadan vaut -0.05, cela veut dire que chaque jour
de Ramadan contribue à faire baisser la série de 5%
en moyenne par rapport à sa tendance. En
multipliant ce coefficient par le nombre de jours de
Ramadan du mois, on obtient l’influence relative du
Ramadan (c.Rt). En multipliant cette contribution
par la tendance de cette série en niveau, on estime
par là même la perte en niveau associée (c.Tt.Rt).
CVS de la série corrigée des effets de calendrier
et de Ramadan
Correction des effets de calendrier affectant la
série
Cette correction est effectuée à partir des
contributions relatives calculées pour l’ensemble
des effets de calendrier. Les étapes précédentes sont
reconduites sur la série corrigée jusqu’à ce que les
coefficients associés aux différents effets de
calendrier ou de Ramadan soient tous jugés non
significatifs. Le risque que cette procédure ne
converge pas est relativement faible puisqu’à
chaque itération, les effets de calendrier repérés
sont éliminés. Néanmoins, par prudence l’arrêt du
programme est prévu après un nombre défini
d’itérations. Dans la pratique, il semble que cette
procédure converge en trois itérations maximum.
Calage des résultats corrigés
On respecte une contrainte supplémentaire,
d’ailleurs appliquée aux méthodes de CVS : les
corrections apportées aux séries brutes doivent être
neutres sur une année. Il s’agit alors de redresser
les données corrigées des effets de calendrier de
manière à ce que leur somme sur l’année civile soit
égale à la somme des valeurs brutes.
Soit à partir de la série corrigée :
X$ t = X t − T t (c . Rt + d . Lt + e . F t )
Statéco n° 86 - avril 1997
( t ∈N ),
la somme des corrections apportées à la série :
CN =
∑ ( X − X$ )
t
t
t ∈N
La série corrigée, une fois calée vaut :
1 + a + ∑ bj . Mjt 


j
$
X$ t = X$ t + C N  12 (1 + a) + bj 
∑j 



Une fois corrigée des effets CER, la série est
à nouveau désaisonnalisée. La première correction
des variations saisonnières est effectuée
simultanément avec l'estimation des différents
effets du calendrier. Plutôt que d'utiliser les
coefficients CVS calculés à cette occasion qui ne
permettent d'ailleurs qu'une correction des effets
moyens, nous avons préféré appliquer un
programme de désaisonnalisation plus performant à
la série corrigée des effets Ramadan. Notre choix
s'est alors porté sur le logiciel CENSUS-X11.
Quelques résultats
L’I.P.I. des brasseries base 100 en 1983
de Tunisie (série longue)
Cette méthode a été appliquée à la série qui a servi
d’exemple plus haut pour montrer que la CVS était
inefficace pour éliminer l’effet Ramadan. Elle
permet de corriger les creux observés au cours des
mois de Ramadan et de se ramener à une série qui
présente à première vue une saisonnalité suivant un
schéma de décomposition multiplicatif. Ce que
confirment d’ailleurs les coefficients associés aux
indicatrices des différents mois de l’année calculés
après correction de la série des effets de calendrier.
Les effets de la procédure de calage s’observent
également assez bien par la réduction de
l’amplitude de la série après correction
(graphique 7).
51
Graphique 7
I.P.I. mensuel de la branche des brasseries - TUNISIE - base 100 en 1983 - après correction des effets de
calendrier et calage-base 100 en 1983
250
Indice brut
Indice corrigé de l'effet ram adan
200
150
100
50
0
8301
8401
8 50 1
8601
8 70 1
8801
8901
9001
9 10 1
9201
9301
9401
Source : INS de Tunisie
Les coefficients associés aux divers effets de calendrier calculés après la première itération sont les suivants:
Variable
Coefficient
Ecart type
R : « nombre de jours de Ramadan »
-0.05
0.003
L : « nombre de jours fériés lunaires»
-0.03
0.028
F : « nombre de jours fériés solaires»
-0.06
0.020
|T| de Student
-16.279
- 1.000
- 2.718
Interprétation :
Chaque jour supplémentaire de Ramadan au cours d’un mois entraîne une baisse de la production de bière de l’ordre de 5% par rapport à sa
tendance d’évolution hors effets saisonniers. De même, chaque jour chômé supplémentaire au cours du mois entraîne une baisse de
l’indicateur de l’ordre de 6%. Un jour férié supplémentaire dû au calendrier lunaire est en revanche jugé sans influence.
Résultat de la modélisation
convergence en deux itérations
après
Après avoir réalisé une première correction de la
série initiale à partir des résultats précédents, le
Root MSE : 0.12
R-square : 0.73
Nombre d’observations: 144
Paramètres du modèle :
Coefficient
Variable
Estimé
Constante
0.231
R
0.000
L
-0.025
F
-0.003
M1
0.087
M2
0.009
M3
0.181
M4
0.303
M5
0.289
M6
0.411
M7
0.483
M8
0.619
M9
0.362
M10
0.279
M11
0.054
programme détermine une nouvelle tendance
d’évolution de cette série corrigée et réestime
d’éventuels effets résiduels de calendrier. Le
modèle donne alors les résultats suivants :
Adj R-sq : 0.71
Ecart
Type
0.075
0.002
0.021
0.015
0.049
0.048
0.051
0.049
0.050
0.049
0.050
0.051
0.048
0.048
0.047
Durbin-Watson :
2.075
T de
Student
-3.052
0.013
-1.160
-0.239
1.751
0.191
3.508
6.108
5.772
8.390
9.604
11.987
7.525
5.823
1.138
Interprétation :
Les coefficients associés aux différents effets de calendrier et du Ramadan ne sont plus significatifs. Cela veut dire que le programme ne
détecte plus d’effets de calendrier, mais repère encore une saisonnalité. Les Mi qui représentent les coefficients associés aux indicatrices des
mois i (1=janvier, 2=février, etc...) calculés par le modèle sont pour la plupart significatifs (test de Student). Pour déterminer l’écart à la
tendance dû au mois i, il faut considérer le coefficient (constante + Mi )9. Ils sont présentés dans le tableau suivant :
Janvier
- 14%
9
Février
- 22%
Mars
- 5%
Avril
+ 7%
Mai
+ 6%
Juin
+18%
Juillet
+25%
Août
+39%
Septembre
+13%
Octobre
+ 5%
Novembre
-18%
Décembre
-23%
La constante donne directement l’écart relatif à la tendance du mois de décembre.
Statéco n° 86 - avril 1997
52
Après avoir corrigé la série des différents effets de
calendrier et l’avoir calée, il est alors possible de
procéder à une CVS. Comme le montre le graphique
8, le résultat est meilleur que ce qui avait été
spontanément obtenu par l’emploi de la seule
procédure de CVS (voir la première partie).
Graphique 8
Comparaison de l’I.P.I mensuel de la branche des brasseries après CVS simple ou effectuée après
correction des effets de Ramadan
base 100 en 1983
200
Indice CVS (schéma additif)
Indice CER-CVS
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
jan-83
jan-84
jan-85
jan-86
jan-87
jan-88
jan-89
jan-90
jan-91
jan-92
jan-93
jan-94
Source : INS de Tunisie
l’I.P.I. du textile habillement et du cuir
base 100 en 1990 - (Tunisie)
La méthode décrite ici peut également être appliquée
à des séries plus courtes. C’est notamment le cas pour
le nouvel indice de la production industrielle calculé
par l’I.N.S. de Tunisie. Pour certains secteurs,
l ’ u t i l i s a t i o n d e c e p r o g r a mme p e r me t d e
dégager des tendances d’évolution qui apparaissent
particulièrement robustes et intéressantes pour
l’analyse conjoncturelle. Les résultats pour l’indice
de la production industrielle du secteur du textile, de
l’habillement et du cuir (graphique 9) montrent un
ralentissement de l’activité en fin de période, ce qui
est difficile à percevoir à partir de l'indice brut.
Graphique 9
I.P.I. mensuel de la branche du textile de l’habillement et du cuir de Tunisie - base 100 en 1990
210
Indice brut
Indice CER-CVS
180
150
120
90
60
j anv- 9 0
janv- 9 1
janv- 9 2
j anv- 9 3
janv- 9 4
Source : INS de Tunisie
Résultats du modèle :
Pour chaque jour supplémentaire de Ramadan : -0,5% par rapport à la tendance.
Pour chaque jour férié lunaire supplémentaire : -6,0% par rapport à la tendance.
Statéco n° 86 - avril 1997
janv- 9 5
53
Pour chaque jour férié solaire supplémentaire : -3,0% par rapport à la tendance.
Le nombre de mariages en Tunisie : l’utilisation de modèles additifs
Graphique 10
Séries mensuelles des mariages en Tunisie - brutes et corrigées de l’effet Ramadan
20000
Nombre brut
18000
Nombre corrigé de l'effet Ramadan
16000
14000
12000
10000
8000
6000
4000
2000
0
jan-80
jan-81
jan-82
jan-83
jan-84
jan-85
jan-86
jan-87
jan-88
jan-89
jan-90
jan-91
jan-92
jan-93
jan-94
Source : INS de Tunisie
La série mensuelle du nombre de mariages
enregistrés en Tunisie est apparemment extrêmement
sensible aux différentes périodes de l’année. Ils
apparaissent en effet beaucoup plus nombreux lors
des mois d’été. En comparaison, l’effet Ramadan
apparaît marginal. Il a un impact dépressif
relativement faible (pour des raisons relativement
simples à comprendre), alors que les jours fériés,
surtout ceux liés au calendrier lunaire ont plutôt une
influence positive. Il faut sans doute interpréter ceci
par le fait que les jours fériés sont accompagnés de
« ponts » plus propices aux mariages.
L’intérêt de cette série réside dans l’absence de
tendance. Elle permet ainsi d’étudier comment réagit
le programme lorsqu’on utilise un schéma de
décomposition additif. Le graphique 11 montre que
les résultats sont relativement satisfaisants car ils
permettent d’éliminer l’ensemble des effets de
calendrier.
Graphique 11
Comparaison des séries mensuelles des mariages tunisiens (brutes et corrigées des effets de calendrier CVS)
18000
nom bre de m ariages
16000
nom bre de m ariages CER et CVS
14000
12000
10000
8000
6000
4000
2000
0
jan-80
jan-81
jan- 82
jan- 83
jan-84
jan-85
jan-86
jan- 87
jan- 88
jan-89
jan-90
jan-91
jan- 92
jan- 93
jan-94
Source : INS de Tunisie
Les résultats du modèle sont :
Pour chaque jour supplémentaire de Ramadan : - 3,0% par rapport à la tendance.
Pour chaque jour férié lunaire supplémentaire : +12,0% par rapport à la tendance.
Pour chaque jour férié solaire supplémentaire : + 4,0% par rapport à la tendance.
Statéco n° 86 - avril 1997
54
La série de l’indice de la production industrielle du secteur de l’énergie (pétrole) base
100 en 1990 - (Tunisie)
Graphique 12
Séries mensuelles de l’indice de la production industrielle du secteur de l’énergie - base 100 en 1990 Tunisie - brutes et corrigées des effets de calendrier hors saisonnalité
120
115
110
105
100
95
90
indice brut
Indice CER
85
j an- 9 0
jan- 9 1
jan- 9 2
jan- 9 3
j an- 9 4
jan- 9 5
Source : INS de Tunisie
Lorsque le modèle ne repère aucun effet de calendrier
hors saisonnalité, bien évidemment, il ne procède à
aucune correction. Tout au plus, a-t-il repéré un effet
lié aux jours fériés issus du calendrier
lunaire. La correction ainsi effectuée est relativement
neutre et dans ce cas les résultats sont très proches de
ceux obtenus directement après une CVS.
Graphique 13
Séries mensuelles de l’indice de la production industrielle du secteur de l’énergie - base 100 en 1990 Tunisie - brutes et corrigées des effets de saisonnalité et de calendrier
120
115
110
105
100
95
90
Indice brut
Indice CER-CVS
85
j an- 9 0
j an- 9 1
jan- 9 2
j an- 9 3
jan- 9 4
jan- 9 5
Source : INS de Tunisie
Résultats du modèle :
Pour chaque jour férié lunaire supplémentaire : -1,0% par rapport à la tendance.
Avantages
méthode
et
limites
de
cette
Les avantages sont de deux ordres
Avec cette méthode, on ne cherche pas à lisser les
séries coûte que coûte. Le but de ce traitement est
d’expliquer le mieux possible les évolutions que
connaissent autour de leur tendance d’évolution les
Statéco n° 86 - avril 1997
séries à périodicité infra-annuelle. La correction
apportée a un sens et permet d’améliorer la lisibilité
de ces séries.
Les coefficients correcteurs ainsi estimés peuvent
également être utilisés à des fins de prévision. En
l’occurrence, ils donnent facilement des indications
sur les sens de variations attendus des principales
séries, et fournissent ainsi un cadre conceptuel plus
propice pour l’analyse économique à court terme.
55
Les limites peuvent donner lieu à des
développements
La première limite est liée au mode de détermination
de la tendance de la série. Appliquer différentes
méthodes, ou chercher à déterminer celles qui sont les
plus adaptées aux différents cas rencontrés pourrait
permettre d’améliorer la robustesse des modèles de
correction.
L’estimation des différents effets de calendrier
(saisonniers, Ramadan ou jours ouvrés) à partir de
simples indicatrices ne permet pas de tenir compte de
l’impact croisé de ces différents éléments. Prendre en
compte les effets croisés doit permettre d’améliorer
encore le traitement.
Introduire une véritable correction des effets jours
ouvrés ou en tout cas moins fruste que celle retenue
ici peut également constituer un axe de progrès. Il est
envisageable de gagner en précision en distinguant
les effets de calendrier liés à chaque type de jour.
Ainsi, le nombre de samedis par exemple doit avoir
une influence nette sur les séries concernant le
commerce, le nombre de nuitées touristiques
(réservation du samedi au samedi), etc. Il est toutefois
délicat d’introduire également des indicatrices
supplémentaires distinguant pour chaque type de
jours (lundis, mardis, mercredis, etc.), ceux qui ont
lieu lors du Ramadan, ou s’ils sont fériés ou non. Le
nombre de variables candidates pour l’estimation
d’un tel modèle risque d’être beaucoup trop élevé par
rapport au nombre d’observations dont on dispose.
Se pose également le problème du calcul des
coefficients sur toute la période. Les corrections
apportées sont fixes dans le temps, ce qui apparaît
également peu réaliste. Il serait possible d’améliorer
les choses et de relativiser les effets par des
estimations dynamiques des coefficients. On pourrait
de la sorte estimer les évolutions temporelles de ces
coefficients, et par lissage les prévoir à un horizon
proche. Il serait alors envisageable d’établir des
coefficient de correction sur un ou deux ans (en
fonction de la longueur de la série).
Statéco n° 86 - avril 1997