Fiche n°7 HISTOIRE COMMUNE, HISTOIRE PARTAGEE
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Fiche n°7 HISTOIRE COMMUNE, HISTOIRE PARTAGEE
Fiche n°7 HISTOIRE COMMUNE, HISTOIRE PARTAGEE Comme nous l’avons vu dans les fiches précédentes, une des caractéristiques de la médecine générale est qu’elle assure une continuité des soins qui inscrit donc la relation médecin-patient dans le temps. La WONCA ajoute : "Chaque contact entre le patient et le médecin généraliste - médecin de famille contribue à l’histoire qui évolue, et chaque consultation individuelle peut s’appuyer sur cette expérience partagée." [1] Une étude réalisée par l’institut de sondage IPSOS en janvier 2007 montrait que 52% des patients n’avaient pas changé de médecin depuis 6 ans et plus et que 37% avaient le même médecin depuis plus de 10 ans [51]. Cette relation prolongée dans le temps conduit bien à une histoire commune, partagée, qui s’écrit entre le médecin et son patient au fil du temps, et qui fait dire au patient : "Mon médecin me connaît." Cette histoire partagée facilite la relation mais peut conduire aux pièges de la routine et des a priori [24]. Discussion Ce temps passé avec le patient donne au médecin une connaissance intime de l’histoire du patient et induit par la même occasion une histoire partagée avec lui. Avoir conscience de l’impact de cette histoire commune est important : elle est le lieu où grandit la confiance ; le médecin est ainsi l’interlocuteur privilégié dès que le patient doit rencontrer d’autres acteurs de santé car c’est lui qui le connaît le mieux du point de vue de sa santé. La proximité créée par le temps peut aussi être source de difficultés : le patient n’osera pas parler de certaines choses car le médecin le connaît trop, et il se sent de ce fait trop impliqué affectivement : "que va-t-il penser de moi ? ". De même la vigilance du médecin peut être altérée par cette longue histoire commune, et le faire agir différemment de ce qu’il ferait pour un patient jusqu’alors inconnu de son cabinet. On comprend bien ainsi que cette histoire commune est un atout précieux pour dispenser le soin le plus adapté possible au patient. D'année en année, le généraliste connaît bien son patient et son écosystème. Il a entendu ses résistances et ses peurs. Il connaît souvent son entourage. C'est un incontestable avantage pour le patient quand le médecin peut être amené à dire : « Je le connais depuis 25 ans, je ne l’ai jamais vu comme ça ! » Mais l'immersion dans cette histoire partagée peut également parasiter sa neutralité, le gêner dans son écoute singulière, perturber la communication. Cela devient alors un danger, quand le médecin dit : « Ça fait 25 ans que je le connais, il est toujours comme ça… » Illustration Marie a 13 ans. Sa maman lui a pris rendez-vous pour parler avec "son" médecin. "Maman trouve que je suis trop maigre". A l'issue de la consultation il ressort que Marie a un IMC normal. Elle est tout au plus un peu préoccupée de ne pas grossir. En revanche elle dort mal et reconnaît qu'elle est souvent triste. Elle s'exprime très bien, aisément et use de l'autocritique parfois avec le sourire. Le médecin connaît bien l'histoire de cette famille. Il avait suivi la maman pour des troubles addictifs il y a une dizaine d'année. Elle avait souffert d'anorexie mentale à l'adolescence. Au cours de la conversation Marie évoque : « Je crois que maman est persuadée que je reproduis son histoire… » Il est convenu de se revoir chaque mois pour parler et de proposer un rendez-vous séparé pour sa maman. Marie acquiesce avec le sourire. "Son" médecin. De qui était-ce le médecin ? De Marie ou de la maman ? On voit ici l'importance de l'histoire commune et l'on peut entrevoir les inconvénients possibles du suivi concomitant de la mère et de la fille. Pour aller plus loin Allen J, Gay B, Crebolder H et al. La définition européenne de la médecine générale. Médecine de famille. WONCA Europe 2002. Concepts en médecine générale, tentative de rédaction d’un corpus théorique propre à la discipline. Thèse de médecine - 2013