Quelle graphie pour la promotion et l`enseignement de la langue

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Quelle graphie pour la promotion et l`enseignement de la langue
Quelle graphie pour la promotion
et l’enseignement de la langue amazighe ?
D r. M o h a n d M A H R A Z I
Université de Béjaia, Algérie
Introduction
La première étape de la standardisation de chaque langue à tradition orale est
l’élaboration d’un système graphique. Dans le domaine de la fixation et de la normalisation, la
langue amazighe est transcrite grâce à trois alphabets : l’alphabet tifinagh, l’alphabet latin et
l’alphabet arabe.
En effet, les tifinaghs ont été utilisés depuis l’antiquité presque dans tout l’espace
berbérophone et ils ont continué à être utilisés par les Touaregs jusqu’à nos jours. L’origine
des caractères tifinaghs reste toujours obscure du fait qu’on les retrouve dans plusieurs
endroits sous des formes différentes, selon André Basset (1969: 47), "les caractères de cet
alphabet sont apparentés au millier d’inscriptions "libyques" découvertes en Afrique du
Nord : au Maroc, en Algérie et en Tunisie. Certaines sont bilingues (libyque/punique ou
libyque/latin). Selon ce dernier, parmi les deux bilingues libyques-puniques de Dougga en
Tunisie, seuls 21 sur 24 signes sont identifiés. On distingue plusieurs variétés :
- La variante du libyque oriental établie sur la base des inscriptions anciennes du
nord-ouest de la Tunisie et du nord-est algérien ;
- La variante du libyque occidental établie à partir des inscriptions anciennes au
Maroc et du nord-ouest algérien ;
- La variante saharienne qui est à la base des inscriptions du sud algérien, de la
Libye, du Niger et du Mali ;
Ces variantes présentent beaucoup de similitudes mais également des différences.
Seule la variante saharienne est utilisée chez les Touaregs.
Avec la conquête arabe, les Berbères abandonnent les tifinaghs au profit d’un autre
type de support : les caractères arabes. Il est surtout utilisé à partir du XVIème siècle au
Maroc (par les Chleuhs) et en Algérie (par les Mozabites). A partir du XIXéme siècle, un
troisième type de support, qui est la notation à base latine, est apparu. Il est notamment utilisé
par les missionnaires, les militaires occidentaux et les divers chercheurs. Ces trois types
d’écriture ont donc connu des utilisations effectives dans le monde berbère.
Problématique
Le Niger et le Mali, les deux premiers pays qui ont reconnu le berbère (touareg)
comme l'une de leurs langues nationales, ont officiellement adopté en 1966 les caractères
latins. Le Maroc a officiellement adopté les tifinaghs en 2003. Quant à l’Algérie, la question
reste encore en suspens. Toutefois, depuis l’introduction de l’amazighe dans l’enseignement,
on a toujours utilisé l’alphabet latin, du moins en Kabylie. Des rencontres sur le thème :
Quelle graphie pour la langue berbère ? ne manquent pas ; depuis la semi-officialisation de
cette langue en Algérie, plusieurs colloques, séminaires, tables rondes… ont été organisés,
mais sans qu’il y est vraiment de consensus. On avance toujours des arguments en faveur de
telle ou telle graphie pour légitimer son choix, comme scientificité, commodité et universalité,
historicité et identité, unité et cohésion…
Par cette communication, je tenterai de répondre à cette question en prenant en
considération à la fois l’aspect linguistique (scientificité, commodité et universalité) et
l’aspect socioculturel (historicité et identité, unité et cohésion).
1- Description des trois systèmes graphiques
(tifinagh, arabe et latin)
a- Les caractères tifinaghs
Les tifinaghs, alphabet tombé en désuétude depuis plusieurs siècles, voire des
millénaires, a été utilisé seulement par les touaregs et récemment dans quelques milieux
berbérophones. L’académie berbère de Paris (1967) a introduit quelques modifications à
certaines lettres et en a rajouté d’autres afin de l’adapter au kabyle. Depuis, plus d’une dizaine
d’adaptations plus ou moins officielles ont vu le jour dans les milieux associatifs,
essentiellement au Maroc et en Algérie, parmi lesquelles on distingue : Tamazgha (Tam), Afus
deg ufus (FF), Arabia ware Benlux (Awb), Amazigh (Ama), Tifawt (Tif), Tifinagh / Agraw
(Tifag), Tasafut (Tas), Tamunt (Tan), Tamazight (Taz), Tamagit (Tag), Tawiza (Taw).
Cet alphabet est strictement consonantique, les voyelles ne sont pas notées.
L'orientation est très fantaisiste, souvent de haut en bas, mais aussi de gauche à droite ou de
droite à gauche. Cette écriture n’a servi de support pour la production littéraire ni à la
mémoire historique, ni aux Touaregs ni aux autres berbérophones. Selon Karl-G. Prasse
(2000), "ils [les Touaregs] l'utilisent uniquement pour de courtes inscriptions sur les armes et
les bijoux ou pour de courts messages, […] ils sont incapables de lire de longs textes. […] et
lire de longs textes, pour eux, c'est une opération pénible. […] pour comprendre le sens du
texte, ils doivent lire et relire jusqu'à obtenir la signification".
En 2003, le Maroc a opté officiellement pour les tifinaghs. Dans la perspective de
construction d’un amazigh standard, selon Fatima BOUKHRIS (2007), l’IRCAM a développé
un système d’écriture en tenant compte de quatre principes : l’historicité, simplicité,
l’univocité du signe et l’économie. En effet, pour Ahmed Boukous (2003 : 17), le choix de cet
alphabet « est fondé sur une approche à tendance phonologique, ce qui présente l’avantage
d’unifier l’amazighe au niveau de l’écrit tout en permettant des réalisations phonétiques
particulières au niveau de la prononciation des unités phoniques l’accent, de l’intonation, du
rythme, etc. ». Ce système comprend 33 graphèmes, dont :
•
29 consonnes dont :
20
sont
simples :
;
2 labiovélaires
(kw gw), qui ont un statut phonologique dans les variétés
marocaines et qui jouissent d’une grande productivité contrairement aux autres labiovélaires ;
•
5 emphatiques :
;
•
2 semi voyelles :
(w, y) ;
3 voyelles pleines :
(a, i, u) ;
1 voyelle neutre :
(e).
Dans cet alphabet, des modifications ont été apportés à certains caractères, comme par
•
exemple, le rajout d’un trait pour les emphatiques aux graphèmes de base,
remplacement par un autre caractère pour éviter la confusion
au lieu de //.
pas notées.
-
,
ou le
Les spirantes, les affriquées et certaines labiovélaires et emphatiques ne sont
Cet alphabet ne comporte pas de majuscules ;
Pendant une année l’IRCAM a développé les pilotes du clavier amazighe pour
les systèmes d’exploitation Windows et Mac et récemment, l’Organisation Internationale de
Normalisation (ISO) a officiellement reconnu les tifinaghs comme faisant partie du plan
multilingue de base.
b- Les caractères arabes
L'écriture arabe est employée au Maroc chez les Chleuhs, et chez les Chaouis et les
Mozabites en Algérie. Dans le milieu kabyle, en revanche, la notation en caractères arabes,
n’est utilisée qu'à titre d’usage individuel, chez les personnes de formation arabisante. Pour
Salem Chaker (2002), on ne pourrait même pas parler de "tradition écrite à caractères arabes"
car, selon lui, l’usage de cet alphabet, même s’il est bien attesté dans certaines régions
(comme dans le sud du Maroc), n’est pas systématique et n’a jamais donné lieu à une pratique
importante et généralisée de l’écrit. La transcription est phonétique et parfois on trouve même
des mots autonomes écrits en un seul tenant, ce qui ne favorise pas leur identification. Le
système graphique arabe le plus récent est celui de Mohammed Chafiq. Contrairement aux
systèmes anciens, ce dernier s’appui en partie sur une étude phonologique. Il comprend 31
consonnes, dont :
1. 20 consonnes simples :
;
- 5 emphatiques :
;
- 3 labio-vélaires :
;
- 3 affriquées :
.
- la chuintante j est confondue avec l’affriquée ğ, même si l’opposition est pertinente entre
elles dans les parlers considérés.
- les spirantes ne sont pas notées excepté la palatale
- la tension consonantique est noté par la shadda (
.
).
pour (u), la fetḥa (-)
- les voyelles ne sont pas notées, elles sont rendues par la d’emma
pour (a) et la kesra (—) pour (i).
- la voyelle neutre n’est pas notée, elle est rendu par le soukoune (
).
- le trait d’union n’est pas usité.
c- Les caractères latins
L'alphabet latin est "employé depuis la fin du dix-neuvième siècle par des linguistes
occidentaux qui ont effectué un important travail de description des différents parlers,
notamment A. Basset, L. Galand, E. Destaing ou encore les Pères Blancs de Kabylie"
(Aghali-Zakara, 1994). En Algérie, depuis plus d’un siècle, tous les intellectuels kabyles qui
ont produit en berbère ont eu recours aux caractères latins (Bensedira, Boulifa, Feraoun,
Amrouche, Mammeri et d’autres...).
Au début, cette notation est influencée par la graphie française. Il faudrait attendre le
Fichier de Documentation Berbère pour que cette graphie s’uniformise progressivement.
Avec l’émergence du phénomène du passage à l’écrit, ce système se voit de plus en plus
amélioré et tend vers un alphabet phonologique. La graphie actuelle, est donc le résultat d’un
véritable travail de fourmis. Après de longs tâtonnements, cette notation tend à se stabiliser et
à s’homogénéiser, sous l’influence déterminante d’un lent effort entrepris par des spécialistes
barbarisants depuis un demi-siècle. La plus récente est la notation usuelle issue des ateliers
organisés par le Centre de Recherche Berbère – INALCO (1993, 1996, 1998). Ce système
comprend 31 signes, dont :
-
20 consonnes simples :
;
-
3 voyelles pleines : a, i, u ;
-
1 voyelle neutre : e ;
-
2 semi-occlusives :
-
3 emphatiques :
-
2 semi-voyelles : w, y ;
;
;
-
Le trait d’union est utilisé entre le mot principal et ses satellites (verbe et pronom
direct ou indirect, verbe et particule de direction, verbe et pronom ; nom et ses
affixes ; préposition et pronom possessif...).
-
Utilisation de la majuscule.
En revanche :
-
Les labio-vélaires ne sont pas notées à l’exception des rares contextes où il peut y
avoir opposition.
-
Les dentales affriquées
et
ne sont plus notées.
-
La spirantisation de b, d, g, k, t n’est pas notée.
-
Les assimilations sont rétablies dans leur forme canonique.
-
L'emphase de ṛ n’est notée que dans les très rares cas où il y a opposition.
2- Avantages et inconvénients de chaque système
graphique
a- Alphabet tifinagh
-
Avantages
Univocité des caractères.
Cet alphabet est aménagé et amélioré par l’IRCAM en s’appuyant sur une étude
phonologique des trois dialectes marocains.
La portée symbolique remarquable de ce système graphique : prestige et symbole
d'identité. Les tifinaghs sont qualifiés de génie ancestral, d’invention des ancêtres et les
adopter est considéré comme une fidélité aux Anciens et une marque de fierté de […] ses
origines… (Sini C., 2002). Le est l’emblème même de la revendication berbère.
Marquage d’une appartenance historique incontestable de la langue berbère au
monde de l'écriture.
-
Inconvénients
Cet alphabet est presque inconnu de la majorité des berbérophones ;
A l’échelle pan-amazighe, cet alphabet tifinagh, doit être standardisé et réaménagé,
ce qui demande des moyens financiers et techniques avant qu’il soit prêt pour l'enseignement ;
Tout ce qui a déjà été fait en graphie latine (lexiques, grammaires, textes...) doit
être retranscrit en tifinagh ;
Ecrire l’amazighe avec les tifinaghs couperait certainement une partie des Berbères
de l’essentiel de la documentation existante (dictionnaires, recueils de poésies, recueils de
contes, romans, pièces de théâtre, périodiques, manuels de grammaire, manuels de
conjugaison...) transcrite en caractères latins ; il faudrait donc « tout recommencer à zéro »
(perte de beaucoup de temps) ;
Coût de l’infrastructure technologique et informatique que cela exigerait pour
l’aménager ;
Limitation de sa portée à l’échelle de toute l’aire linguistique berbère et
confinement des recherches académiques locales ;
L’opposition des acteurs du mouvement amazighe indépendant (associations,
écrivains, créateurs...) à ce choix ;
Le remaniement de cet alphabet lui fait perdre de son authenticité.
b- Alphabet arabe
-
Avantages
Cet alphabet est connu et maîtrisé par la majorité des populations maghrébines en
raison de la politique d’arabisation menée par ces pays ;
Cet alphabet symboliserait une certaine "cohésion nationale", selon les défenseurs
de cette option et les officiels.
-
Inconvénients
Qasim Amin disait : « l’Européen lit pour comprendre quant à nous, nous devons
comprendre pour lire ». En effet, l’absence de voyelles en arabe serait un handicap important
pour transcrire l’amazighe où « les voyelles jouent un rôle absolument fondamental dans les
distinctions lexicales et, souvent même, grammaticales » (Chaker, 2007).
La graphie arabe n’a jamais fait l’objet d’une quelconque uniformisation sérieuse.
L’absence de la voyelle neutre est un véritable handicap surtout dans la
transcription des unités mono-litères du genre ečč, eg… Elle peut aussi créer des confusions
pour certains mots de type ecc (terme employé pour chasser la volaille) et icc (corne).
L’absence de majuscules, qui peuvent avoir deux fonctions : démarcative (début de
la phrase) et distinctive (noms propres/noms communs), est aussi l’un des désavantages de
cette graphie.
L’absence de rationalité, c'est-à-dire, ce système ne repose pas sur le principe selon
lequel à chaque son doit correspondre un seul signe graphique et inversement.
La multiplicité de la forme des lettres (début, milieu, fin) ; tracé des lettres différent
d’un pays à un autre ; liaisons capricieuses des lettres (Lounaouci, 2006).
En cas d’uniformisation, on sera contraint de créer des signes supplémentaires
surchargés de diacritiques.
L’amazighe en caractère arabe n’aura qu’un lectorat très restreint ;
Et enfin, l’adoption des caractères arabes pour transcrire l’amazighe court un grand
risque de rejet par les berbérophones en raison de la situation dominante de la langue et
culture arabes dans les pays du Maghreb1 et également parce qu’elle émane d’auteurs connus
pour leur hostilité à la berbérité. En revanche elle aurait pu être admise si les Etats l’avaient
décidé dès leurs indépendances, en remplaçant les caractères latins qu’utilisaient les Français
par les graphèmes arabes.
c- Alphabet latin
-
Avantages
Cette graphie a déjà été standardisée et a fait l’objet d’affinements dus aux travaux
menés pendant des décennies par les linguistes berbérisants à l’échelle internationale. Elle
s’appui sur une étude phonologique :
- Elle répond aux critères de stabilité : élimination du maximum de variations
contextuelles et locales pour aboutir à une représentation stable des segments. Elle permet
concrètement d’écrire la langue amazighe presque de la même façon, quel que soit le dialecte.
- La labio-vélarisation, qui est instable, et quelquefois même absente dans certains
parlers appartenant au dialecte même où elle est attestée (comme la région de Bougie), n’est
donc pas notée. Du point de vue fonction, cette caractéristique n’a pratiquement aucune valeur
distinctive.
- Les dentales affriquées
et
, qui concernent en particulier le kabyle et le
parler du Sud-Ouest d’Alger (Chenoua), ne sont également pas notées. Elles sont ramenées
systématiquement aux phonèmes dont elles sont, phonétiquement ou morphologiquement,
issues (tt, ss, zz).
- Seules les véritables emphatiques sont notées (on note l’emphase et non
l’emphatisation).
- La spirantisation concerne le kabyle et quelques parlers du nord (rifain, Maroc
central en partie...) n'a aucune pertinence, elle n’est donc pas notée.
- Les assimilations sont rétablies dans leur forme canonique. Ce qui permettra, d’une
part un gain important au niveau de la clarté syntaxique de l'énoncé et, d’autre part, de se
rapprocher des formes effectivement attestées dans la généralité du berbère.
- Le trait d’union permet le décodage immédiat des énoncés.
- Contrairement à l'arabe et aux tifinaghs, l'alphabet latin permet la distinction entre
majuscules et minuscules. La majuscule permettrait d’assurer deux fonctions : démarcative
(au début de la phrase) et distinctive (noms propres / noms communs).
1
"La langue comme la graphie arabe sont dirigées contre l’amazighité", déclarait un enseignant de berbère (Sini,
2002).
Les caractères latins sont largement répandus et ils ont acquit un statut universel
puisqu’ils servent à véhiculer de nombreuses langues de grandes diffusion, y compris celles
qui ont une écriture propre ;
Cette graphie a l’avantage de s’adapter facilement aux phonologies particulières des
différentes langues.
Univocité et économie des caractères.
Existence d’un formidable cumul de savoir portant sur la langue et la culture
amazighes supporté par la transcription latine ;
Intégration de l’amazighe dans le système d’enseignement à moindre coût ;
Gain de temps.
-
Inconvénients
Il est en concurrence, d’une part avec les tifinaghs qui est l’alphabet authentique
des Berbères, et d’autre part, avec les caractères arabes qui sont considérés comme sacrés.
Les politiques linguistiques menées dans les pays concernés sont hostiles à ces
caractères.
Recours à des caractères grecs : γ et ε.
Risque de confusion pour les apprenants entre les lettres qui se lisent différemment
entre le français et le berbère comme c, x, u.
Ainsi, si on compare les avantages et les inconvénients de chacune des graphies en
toute objectivité, on pourra facilement opter pour les caractères latins. C’est d’ailleurs l’avis
de la plupart des spécialistes du domaine, y compris ceux de l’IRCAM. A la question : quel
est le système d'écriture le mieux approprié à tamazight ? Karl-G. Prasse (2000) sommité
mondiale dans le domaine du berbère répond :
"La chose la plus pratique à faire est d'adapter l'alphabet latin, parce que nous avons
développé dans cet alphabet beaucoup de caractères spéciaux pour écrire de nombreuses
langues différentes et cela n'a jamais été fait en arabe. Vous avez quelques lettres spéciales
pour écrire le Persan, l'Afghani et ainsi de suite… mais, en général, vous n'avez pas une
grande variété de signes consonantiques alors qu’ils sont nécessaires pour écrire le tamazight.
Et quand vous désirez écrire le touareg, le problème réside dans l’écriture des voyelles parce
qu'en arabe vous avez accès à l'écriture de seulement trois voyelles longues différentes tandis
que d'habitude, vous n'écrivez pas les voyelles courtes".
Au Maroc, une grande partie du mouvement culturel associatif(2) a aussi manifesté son
mécontentement à l’issue du choix des tifinaghs par l’IRCAM, comme l’organisation
Tamazgha (2003) qui déclare :
"Cette décision, aussi satisfaisante soit-elle sur le plan symbolique, constitue, à la
vérité, une arme redoutable pointée en direction de la langue berbère elle-même. Aussi
(2)
Au moment où se faisait le débat à l’IRCAM sur quelle graphie adopter, 70 associations ont signé la déclaration de
Meknès pour revendiquer les caractères latins.
paradoxal que cela puisse paraître, nous pensons que l’adoption des caractères tifinaghs pour
la transcription du berbère est un moyen dont se dotent les autorités pour neutraliser le
développement et le rayonnement de la langue berbère".
Quant à Salem Chaker (2004), il considère que la décision de l’IRCAM est précipitée
et mal fondée voire dangereuse pour l’avenir et le développement du berbère dans ce pays. Il
perçoit donc ce choix comme contreproductif et déraisonnable. En effet, selon lui, aucun
débat scientifique sérieux n’a jamais eu lieu au Maroc ni ailleurs sur la question de l’alphabet
à utiliser. La décision est donc essentiellement politique et surtout en déphasage avec les
usages réels actuels, tant au Maroc que dans le reste du monde berbère.
Pour conclure, il est nécessaire de rappeler qu’il n’y a aucune raison scientifiquement
valable pour s’opposer au choix de l’alphabet latin. Cette option avec des caractères
universels, est un choix pragmatique, destiné à faciliter la lecture, l’écriture et donc
l’apprentissage de la langue. "L’alphabet latin est doté d’une grande adaptabilité. Il est par
plusieurs langues et plusieurs familles de langues, chacune d’elles, l’adapte fort bien à ses
besoins phonologiques. Il a par ailleurs l’énorme avantage de fournir au berbère une entrée
immédiate dans la modernité et l’universalité eu égard à la familiarité dont il jouit de par le
monde. Ce qui n’est évidemment le cas ni de l’alphabet arabe, ni, encore moins de l’alphabet
tifinagh" (Quitout, 2006).
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