LA PARALLAXE D`UNE ETOILE

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LA PARALLAXE D`UNE ETOILE
LA PARALLAXE D'UNE ETOILE
La méthode des parallaxes est excellente, mais elle est très délicate à mettre en œuvre. Il a fallu attendre des moyens d’observation évolués pour
pouvoir l’utiliser, mais alors elle a révolutionné notre connaissance de notre entourage stellaire.
Pour comprendre son principe, faisons une petite expérience. Tendons le bras en avant, index levé. On voit le doigt se profiler devant le mur d’en
face. Si on ferme l’œil droit, on va voir le doigt devant l’image du téléphone. Sans bouger, fermons maintenant l’œil gauche. Le doigt ne se
projette plus devant le téléphone, mais devant le flocon de neige. On va profiter de cela pour mesurer la distance du doigt :
La distance entre les deux yeux produit un effet de perspective, que l’on nomme parallaxe. Cet effet est d’autant plus marqué que l’objet observé
est plus proche, c’est-à-dire que sa distance est plus petite devant l’écart entre les yeux. On peut le mesurer par l’angle que font les rayons
lumineux sur le dessin.
Historiquement, c'est Thalès qui a le premier décrit la méthode ; il l'a utilisée pour mesurer de loin la hauteur d'une pyramide.
Dans le triangle formé par les yeux et le doigt, on connait la distance e entre les yeux, et on mesure l’angle α. On en déduit la distance d. C’est ce
que notre cerveau fait en permanence (vous voyez bien que vous savez calculer un sinus !). Si on ferme un œil, on perd la notion de profondeur.
L’idée des astronomes a été d’augmenter l’écart entre les yeux ! Pour simuler cela, ils ont pris deux photos du ciel à 6 mois d’intervalle. Sur ces
photos, il y a des étoiles très lointaines, qui jouent le rôle du mur, et des étoiles proches qui jouent le rôle du doigt. La distance entre les deux
yeux (les deux photos) est la dimension de l’orbite de la Terre ! 300 millions de kilomètres. Avec cela, on peut espérer mesurer la distance des
étoiles les plus proches.
On connait la base du triangle ; c’est le diamètre de l’orbite terrestre. On mesure l’angle α ; il ne reste plus qu’à résoudre le triangle, pour calculer
l’un des côtés qui n'est autre que la distance qui nous sépare de l'étoile.
On nomme parallaxe l’angle sous lequel on voit le rayon de l’orbite terrestre (et non pas son diamètre
comme sur le schéma ci-dessus ; par l’observation, on mesure l’angle α, et on le divise par deux pour obtenir
la parallaxe de l’étoile). On utilise le rayon de l’orbite terrestre, parce que c’est l’unité astronomique.
Le Parsec
Cette méthode a donné une nouvelle unité de distance : le parsec est la distance correspondant à une parallaxe d’une seconde d'arc ( as).
C’est donc :
1 parsec = distance à laquelle on voit l’Unité Astronomique ( UA) sous un angle d’une seconde d'arc
Abréviation de parsec : pc
Remarque 1 : le parsec est défini à partir de l’unité astronomique, donc les distances entre les étoiles peuvent être mesurées dans la même unité
que les distances dans le système solaire (homogénéité du système d’unités astronomiques). Ce n’est pas le cas avec l’année-lumière, dont la
définition ne fait intervenir que les propriétés de la lumière. On peut toutefois établir des formules de transformation des unités, qui permettront
de passer de l’une à l’autre :
1 pc = 3,26 années-lumière = 206 265 UA (à peu près 3 1013 km)
Cette méthode des parallaxes a permis de mesurer depuis le sol les distances stellaires avec une précision de 10 à 20 % jusqu’à une distance de
30 pc.
Pour sa cohérence avec l’unité astronomique, le parsec présente un grand intérêt, et les astronomes ont tendance à l’utiliser à la place de l’annéelumière.
Calcul de la distance à l'étoile connaissant la parallaxe de l'étoile
La formule est simple ( et pourrait se démontrer facilement, géométrie élémentaire):
d( en parsec - pc) = 1 : parallaxe (en seconde d'arc - as)
Ce qui en français se traduit par:
La distance entre l'étoile et l'observateur est inversement proportionnelle à la parallaxe de l'étoile .
Autrement dit, plus la parallaxe de l'étoile est petite, plus l'étoile sera loin de nous.
Remarque:
La seconde d'arc (as) est une unité d'angle un peu particulière:
1 as = 1 am /60 où 1am est la minute d'arc
1am = 1°/60
soit 1 as = 1° /3600= 0,00028 ° qui est un angle ultra petit
La seconde d'arc est une unité d'angle bien adaptée à la parallaxe qui est souvent un angle extrêmement petit.
Il n'est pas rare que la parallaxe se mesure en millième de seconde d'arc (mas): 1 mas = 0.001 as = 0,00000028 °
Mesures des parallaxes depuis le sol
Les étoiles sont si loin, que leurs parallaxes sont très faibles, et bien difficiles à mesurer. Impossible à l'œil nu en tous cas, et cette impossibilité à
suscité des oppositions au système héliocentrique de Copernic : puisqu'on ne voit pas de déplacement annuel des étoiles, c'est que la Terre est
fixe !
Il a fallu attendre donc d'avoir de bons instruments pour mettre la parallaxe des étoiles les plus proches en évidence. C'est Bessel qui a publié la
première mesure en 1838, de la parallaxe de l'étoile 61 Cygni (0,29", 11,36 AL, soit 3,48 pc ; 61 Cyg est aussi la première étoile dont on ait
mesuré le mouvement propre). Cette mesure fut une justification supplémentaire de l'héliocentrisme.
La petitesse de la parallaxe de toutes les étoiles (sauf les toutes proches), rend très difficile sa mesure, et les instruments au sol, avec la turbulence
atmosphérique, sont bien limités. Pour progresser, il faut se débarrasser de l'atmosphère, donc observer depuis l'espace. Avant cela, on disposait
seulement des positions de 300 étoiles avec une précision de 10 %.
Même depuis l'espace, seules les étoiles les plus proches seront mesurables. On imagine déjà que pour les plus lointaines, il faudra trouver des
méthodes indirectes. La parallaxe est une mesure équivalente aux mesures que l'on fait sur Terre, par comparaison avec un étalon. De ce fait,
elle sera la base de toute détermination de distance dans l'Univers, d'où son importance.
Mesure de la parallaxe d'une étoile depuis l'espace
Le satellite HIPPARCOS
Le satellite Hipparcos (High Precision PARallax COllecting Satellite)
de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), lancé par Ariane IV le 8 août
1989 depuis la base de Kourou, observant hors de l’atmosphère, a
augmenté 50 fois la précision des mesures, sur un nombre d’étoiles
multiplié par 80 ! Ses résultats ont amené les astronomes à revoir tout
le système de mesures de l’Univers.
Le satellite Hipparcos de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), lancé par Ariane IV le 8 août 1989 depuis la base de Kourou, observant hors de
l’atmosphère, a augmenté 50 fois la précision des mesures, sur un nombre d’étoiles multiplié par 80 ! Ses résultats ont amené les astronomes à
revoir tout le système de mesures de l’Univers.
Il était équipé d'un petit télescope de Schmidt de 29 cm de diamètre, lui permettant d'atteindre la magnitude 12,4. Il observait simultanément
deux régions écartées de 58° l'une de l'autre. Il était en rotation lente (un tour en 2 h 8 minutes), provoquant un balayage systématique du ciel.
C'est ce balayage qui permettait de mesurer les positions.
Il a observé 120.000 étoiles à moins de 500 AL de la Terre, avec une précision de l’ordre du millième de seconde d’arc. Il a produit trois
catalogues :



la catalogue Hipparcos, contenant 120.000 étoiles mesurées à 1 mas ;
le catalogue Tycho, contenant plus d’un million d’étoiles à une précision de 20 à 30 mas ;
le catalogue Tycho2, qui est une extension du précédent, contenant 2.500.000 étoiles, avec une précision un peu améliorée. Il couvre
99 % de toutes les étoiles de magnitude inférieure à 11.
Le résultat le plus spectaculaire d'Hipparcos a été la modification de toutes les distances dans l'Univers. La révision des erreurs antérieures sur la
distance des étoiles, base de toutes les distances dans l'Univers, ont entraîné une augmentation de la taille estimée de l'Univers. Correlativement,
l'âge de l'Univers a été révisé à la baisse.
Le satellite GAIA
L’Agence Spatiale Européenne a construit un
successeur d’Hipparcos, nommé Gaia. Gaia fait partie
du programme scientifique de l'ESA Horizon 2000,
comprenant Rosetta, Herschel, Planck, Lisa,
BepiColombo et Gaia. Il a été lancé le 19 décembre
2013 depuis la base européenne de Kourou, par une
fusée Soyouz Fregat. Gaia est arrivé à son poste, autour
du point de Lagrange L2, le 8 janvier 2014.
Cet instrument est exceptionnel. Il a été entièrement réalisé en carbure de silicium (monture, support, miroir… afin de garantir la meilleure
stabilité thermique pour la fiabilité des mesures. Il comporte deux télescopes séparés d'un angle de 106,5°. Les faisceaux qui en émergent sont
combinés. Cette méthode et plus efficace que celle utilisée sur Hipparcos
Gaia est 50 fois plus précis qu’Hipparcos, et mesurera plus d’un milliard d’étoiles jusqu’à la magnitude 20 (position, photométrie, spectre). Ce
nombre représente quelque chose comme 1 % des étoiles de la Voie Lactée. La durée de la mission est de 5 ans.
A cette magnitude limite, il déterminera les positions du milliard d'étoiles à la précision de 300 µas (micro arc-seconde). C'est 10.000 fois plus
d'étoiles qu'Hipparcos, à une précision plus de 3 fois meilleure.
Pour les étoiles proches, Gaia obtiendra une précision bien meilleure : jusqu'à la magnitude 12, c'est à mieux que 7 µas que l'on obtiendra les
mesures. Ceci représente une pièce d'un euro sur la Lune. A cette précision, il faut tenir compte des effet de lentille gravitationnelle produits par
le Soleil bien sûr, mais aussi par les planètes, et même certains satellites ! La précision sera meilleure pour les étoiles rouges (type spectral M),
que pour les bleues.
La précision de position atteinte pourrait permettre la découverte de 10 à 20.000 exoplanètes, par la mesure des changements provoqués par leur
circulation orbitale. Ce n'est plus seulement la vitesse (radiale), mais aussi le mouvement propre (tangentiel) de l'étoile qui trahit la planète ! Un
changement radical dans la façon de considérer les exoplanètes.
Gaia apportera aussi de nombreux renseignements sur les propriétés physiques des étoiles : luminosité, température, composition chimique…