NOTE DE VEILLE SCIENTIFIQUE : Acanthaster planci

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NOTE DE VEILLE SCIENTIFIQUE : Acanthaster planci
Note de veille scientifique Acanthaster planci (1758, Linné)
Maury J.
Une étoile de mer proliférante :
Acanthaster planci (étoile de mer épineuse) appartient à
l’embranchement des Echinodermes qui est composé de 5
classes : Crinoïdea, Holothuridea, Echinoidea, Ophiuroidea et
Asteroidea. Acanthaster est une étoile de mer qui a une forme
particulière avec un large disque central entouré de bras courts
(environ 16 à 17 bras) répartis en couronne. Le dos et les bras
sont recouverts d’épines acérées et venimeuses qui lui servent de
défense. La taille d’Acanthaster planci est en moyenne de
l’ordre de 25 à 35 cm de diamètre. La coloration est très variable
d’une région à l’autre, elle varie du brun rouge au gris olive, du
vert foncé au violet bleuté (Photo 1). Cette espèce possède une
forte fécondité, elle pond en moyenne 12 à 24 millions d’œufs,
et jusqu’à 60 millions pour une femelle de 40 cm de diamètre,
environ 1 mois après le début de la saison des pluies (été austral)
et la dispersion larvaire étant très importante, elle peut coloniser
les récifs adjacents. Sa croissances est très rapide, elle atteint la
maturité sexuelle à l’âge de deux ans (Power et al, 1996 ; Moran,
1988). Les juvéniles se nourrissent majoritairement d’algues ou
d’éponges mais des cas de cannibalisme ont été observés
(Moran, 1988). Les adultes sont corallivores mais leur régime
alimentaire n’est pas strict et peut comporter des algues, des
gorgones… Leurs proies de prédilection sont les coraux de
forme tabulaire, dont la famille des Acroporidae.
Particularité : Les cellules épithéliales le long des épines peuvent
libérer des composés toxiques provoquant chez les hommes des
piqûres très douloureuses pouvant durer plusieurs heures à
plusieurs jours ; des nausées, des vomissements et des réactions
allergiques sont fréquentes. Même après des années, une seconde
piqure déclenche des réactions encore plus violentes (Lassig,
1995).
Les étoiles de mer épineuses affectionnent les eaux calmes des
lagons et les eaux profondes des pentes externes où elles
trouvent leur nourriture en abondance et où l’agitation de l’eau
est minimale (De’ath et Moran, 1998). La zone de distribution
est très large, dans tout l’Indopacifique, de la mer rouge à
l’Afrique de l’est, la Micronésie, le golf de Californie et jusqu’au
nord du Japon. Acanthaster est absente des Caraïbes en
atlantique.
Photo 1 : A gauche, Acanthaster planci, où l’on peut observer ses épines acérées et venimeuses et à droite, agrégation d’Acanthaster à
Mayotte, 2011. (Crédit photo, Alexandra Gigou)
Les prédateurs :
Dans Pearson et Endea, 1969, « un triton a été observé mangeant 0.7 Acanthaster par semaine ». Cette observation a depuis été
confirmée par des experts et à Mayotte les observations ont montré la lenteur de l’ingestion d’une étoile de mer par un triton. Les
balistes et le napoléon se nourrissent également d’Acanthaster. Ce dernier les consomme de manière plus rapide que le triton. La
majeure partie de la prédation se fait sur les coraux étant eux-mêmes des prédateurs des larves d’Acanthaster (Thomassin, 1984). Pour
les juvéniles ce sont certains poissons comme Arothon hispidas (poissons globe), Chelinus undulatas (poisson napoléon). Certains
coraux sont défendus contre Acanthaster par une crevette Hymenocera picta, un crabe Trapezia sp et un polychéte Pherecardia striata
(Glynn, 1981 ; Moran, 1986 ; Pratchett, 2001 ; Brodie et al, 2005).
Déroulement et cause d’une pullulation :
Il faut distinguer deux types de pullulation : une primaire,
résultant d’un changement des paramètres environnementaux
(nutriments, température…) et une secondaire, qui provient de la
dispersion des larves issues d’explosions primaire ou de la
migration des adultes de la pullulation primaire (Endean, 1977).
Certaines pullulations durent 1 ou 2 ans, d’autres entre 4 et 5 ans
et dans un récif complexe elles peuvent se prolonger pendant 15
ans (Grande barrière australienne) en fonction du taux de
transport des larves par les courants et des liens qui relient les
récifs entre eux (Colgan, 1987 ; Moran, 1988). La fin des
pullulations brutales avec un déclin de la population rapide serait
à mettre en relation avec : les maladies transmissibles (Zan et al,
1990), la migration vers un récif voisin (Keesing et Lucas, 1992)
et le stress dû à un manque de nourriture. Il est difficile de
déterminer à partir de combien d’individus on définit une
pullulation ; plusieurs chiffres et indications sont avancés ; pour
Endean (1973) c’est à partir de 40 individus par 20 minutes de
recherche ; c'est encore lorsqu’une population d’Acanthaster
planci sur un récif atteint le niveau où le corail est consommé
plus rapidement qu’il ne peut se développer (Moran, 1988).
Les premières pullulations ont été signalées en 1970 à Mayotte
(Gigou, 2011) et en 1969 en Polynésie Française. En 1984
autour de l’île de Tahiti, 110 individus par hectare ont été
observés
(Lagouy, 2007). Depuis 10 ans il existe une
augmentation du nombre de récifs affectés de 3,9% à 35%
actuellement (Miller et al., 2004).
Deux théories ont été avancées pour expliquer les causes d’une
pullulation : La première est un phénomène naturel cyclique
basé sur les capacités de forte fécondité de l’espèce ou des
fluctuations naturelles de salinité, de température, de nourriture
qui peuvent induire une augmentation des larves d’Acanthaster
planci (Vine, 1973 ; Potts, 1981). La seconde, une influence
humaine qui serait la cause des pullulations (augmentation de la
fréquence et de l’intensité) car depuis les années 70, il existe une
accélération des phénomènes (Brodi et al, 2005). Facteurs en
cause : la surpêche des prédateurs des Acanthaster adultes et
juvéniles : le triton en particulier et divers poissons (Endean,
1977) et l’enrichissement des eaux lagunaires en sels nutritifs
liés aux dragages, à la déforestation, aux constructions, à
l’agriculture…. (Chesher, 1973 ; Salvat et al, 1979).
Conséquences et lutte :
Les conséquences des pullulations d’Acanthaster sont très
variables selon la durée et l’intensité de la pullulation, le degré
de recouvrement corallien ainsi que la composition spécifique de
la communauté, le type et l’histoire du récif (Faure, 1989 ;
Witman, 1992 ; Hughes et Connell, 1999). Les pullulations
impliquent un grand changement dans la structure des
communautés coralliennes qui induisent une perturbation de
fonctionnement de l’écosystème avec la chute du taux de
recouvrement en corail vivant et la diminution de la diversité
spécifique ; des espèces d’Acropora (Photo 2) qui dominaient en
1979 à Moorea avaient complètement disparu en 1982 après une
pullulation (Bouchon, 1985). La structure des communautés de
poissons récifaux est fortement perturbée par la mortalité
corallienne, associée à une perte d’habitat et une faible
abondance de nourriture (Sano et al, 1987). Connell (1997)
estime une période de 12 à 15 ans pour qu’un récif retrouve son
état originel lorsque ce sont surtout des coraux à croissance
rapide qui sont présents et que le récif ne subit pas de fortes
pressions humaines supplémentaires.
Plusieurs méthodes ont été mises au point pour lutter contre les
pullulations d’Acanthaster planci. Une lutte chimique qui
consiste en des injections de bisulfate de sodium (Fraser, 2003).
Cette solution est rapide et économique mais nécessite
l’introduction de substances chimiques étrangères dans le milieu,
il est donc indispensable de s’assurer avec certitude de l’absence
totale de tout autre impact sur l’écosystème corallien (Lagouy,
2007). Celle qui est utilisée dans tout l’Indopacifique est la
méthode manuelle qui consiste à ramasser manuellement les
étoiles de mer (Photo 3). Le ramassage manuel est une tâche
longue, laborieuse et risquée (piquants venimeux). Des
observations ont montré que le ramassage sur des zones peu
étendues, apporte un maximum de succès pour un moindre coût.
Il s’agit de préserver, par exemple, des sites de plongée (Gigou,
2011). Les différentes observations sur le terrain montrent
l’importance et la nécessité de la mise en place des réseaux de
surveillance du milieu récifal capables d’alerter les autorités lors
des phénomènes de pullulation. L’implication de la population
locale et des professionnels de la mer est importante pour
récolter des données et contrôler les surfaces les plus étendues
possibles. Il est également important de sensibiliser les habitants
et ensuite de définir une personne ou une structure chargée de
centraliser les informations afin d’agir le plus rapidement
possible au début de la pullulation (Lagouy, 2007 ; Gigou,
2011).
Photo 3 : Une méthode de
collecte : le ramassage
manuel d’Acanthaster
planci à Mayotte, 2011.
(Crédit photo, Alexandra
Gigou)
Photo 2 : Cicatrice
alimentaire sur Acropora
à Mayotte, 2011.
(Crédit photo, Alexandra
Gigou)
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