Intervention JP. Assailly “Adolescence et prise de risque”

Transcription

Intervention JP. Assailly “Adolescence et prise de risque”
Intervention
de Jean-pascal assailly
DOCTEUR EN PSYCHOLOGIE
“Adolescence et
prise de risque”
colloque régional sur l'accidentalité
des 15-24 ans, le 23 février 2012
“On a déjà souligné pourquoi on fait cette journée. Les 15-25 ans c'est un sur-risque très important :
15% des français, 25% des tués, 33% des blessés graves.
J'attire votre attention sur la question du handicap, parce qu'on a un peu trop tendance à être
obnubilé sur la question des tués sur la route dans la sécurité routière, alors qu’à cet âge là,
perdre une jambe c'est quelque chose d’extrêmement important et ça coûte presque aussi cher
que les tués.
On a les gens qui font l'économétrie de la santé qui ont prit une calculette pour voir qu'est ce que
ça coûte la mort d'un jeune français sur la route, et la mort d'un jeune français, c'est 1,7 million si
on additionne tout.
Donc ça : c'est un message que l'on envoi à nos politiques quand ils nous disent que la
prévention et l'éducation coûtent cher, certes, mais en face, mille tués par an, si vous multipliez
par 1,7 million d'euros, vous voyez ce que coûte chaque année !
Ce qu'il faut savoir tout de même c'est que c'est une loi de la nature : les égyptiens et les grecques
déjà nous disaient qu'ils avaient des problèmes avec leurs ados, qu'ils avaient des sur-risques,
qu'ils avaient des problèmes d'incivilité qu'ils savaient mal les gérer. Donc, le fait de se mettre en
danger plus fortement entre 15 et 25 ans semble une donnée de base de l’humanité. Ça à
toujours été là, et c'est comme ça dans n'importe quel pays tel qu'il soit, quels que soient les
systèmes politiques, culturels, quels que soient les systèmes réglementaires de sécurité routière.
Il y a des pays qui font mieux que nous dans l'absolu mais par contre le sur-risque des jeunes vous
l'avez partout.
La deuxième chose que je voudrais dire maintenant pour nuancer ça, c'est qu'il faut bien
comprendre le caractère systémique de l'évolution de la sécurité routière depuis 50 ans.
Oui on a des cibles, c'est très important : les 4 cibles dont a parlé Jean-Luc Nevache*, mais il ne
faut pas oublier que tout bouge ensemble aussi. C'est à dire que, si vous regarder les évolutions
depuis 50 des tués : des nourrissons, des adolescents, des personnes âgées, de qui vous voulez,
ces courbes sont généralement superposables. Ça a bougé ensemble. Quand ça se dégrade, ça se
dégrade ensemble, quand ça s'améliore, ça s'améliore pour tout le monde quel que soit son âge.
*Pour rappel : l'alcool, les 2RM, les distracteurs, les + de 75 ans piétons (voir discours JL Nevache)
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On le voit bien chez les jeunes : on ne va prendre que les ados, les 15-17 ans. On voit qu'ils
progressent quand-même, par exemple : depuis l'année dernière, et que plus globalement, si on
regarde par rapport aux années 70 on avait 16 000 tués par an, on a diminué par 4, et bien les
jeunes ont fait pareil. Il y avait 800 jeunes qui étaient tués à un nombre sensiblement égal, donc
voyez que les ados, les jeunes adultes se tuent 4 fois moins sur la route que les jeunes et les ados
des années 70. Ils ont progressé autant que les adultes. Donc il n'y a pas de raison d'être
particulièrement stigmatisant, fatalistes et pessimistes vis-à-vis de cette cible, on l'observe partout.
Les jeunes anglais, eux aussi, font 25% de tués et 33% des blessés graves. En même temps, les
jeunes anglais se débrouillent pour produire moitié moins de tués que les jeunes français.
Pourquoi ? Parce qu'ils vivent dans un environnement routier moins dangereux et donc, chaque
fois que vous améliorez ce qu'on peut appeler “la citoyenneté”, puisque - je suis tout à fait
d'accord avec les 4 cibles - mais dessous le noyau dur c'est quand même la question de la
citoyenneté, du respect de la vie d'autrui, de la prise en compte d'autrui sur la route et chaque
fois que vous améliorez ça, vous touchez à ce noyau dur de la violence routière et tout s'améliore
en parallèle.
Trouvons aussi des mesures générales, bien sûr qu'il faut travailler sur le port du casque, bien sûr
qu'il faut travailler sur la question de ne pas prendre le volant après avoir fumé du cannabis - et là
vous voyez très bien de qui je parle - mais ça n'empêche qu'on a effectivement des cibles
importantes. Simplement, dès qu'on prend une mesure de prévention ou de répression, dès qu'elle
est efficace, elle produit des effets autant chez les jeunes que chez les adultes. Les radars ont
produit autant de bénéfice sur les jeunes conducteurs que chez les conducteurs adultes.
Donc sur nos cibles 15-25 ans, on est d'accord qu'on a quelque chose qui joue sur la mobilité, que
chez les 15-17 ans, on a bien sûr cette extrême importance des cyclomoteurs puisque pour
certains ils sont actifs et donc on est sur une mortalité du passager de voiture et cyclomoteurs,
alors que chez les 18-24 ans c'est bien sûr la voiture que reprend l'importance sur les deux roues,
puisqu'il y a tous les jeunes qui accède au statut de conducteur de voiture.
Alors, un facteur finalement encore un peu plus important que les jeunes, c'est vraiment la question
de la différence masculin/féminin, puisque vous voyez que c'est à cet âge-là de la vie qu'elle est
maximale. Elle est toujours là, de toute façon : 75 % des tués, c'est des hommes sur la route. Mais là
on est encore au plus au-dessus, vous voyez : ça va jusqu'à 83 % ! Et encore dans les 2 filles tuées sur
dix, une est tuée comme passagère d'un conducteur masculin. Ce qu'on a vu dans le film “les retours
de discothèque”, ce sera pareil chez les adultes de retour de banquet de mariage !
Donc on est en terme de responsabilité accidentalité mortelle, sur le facteur de variation le plus
important de la sécurité routière de très loin.
C'est pas l'âge, ni votre milieu social, ni votre voiture qui peut produire une telle différence.
La question de fond, c'est : est-ce que, au volant, c'est un homme ou une femme.
Alors ça c'est un gros enjeu, tout le monde s'attend à ce que cette différence se réduise, parce
que, avec les progrès du féminisme, on a l'impression que les jeunes femmes, on acquis le droit
de faire les même bêtises que les jeunes hommes, et il y a des domaines où cela peut s'observer.
Peut-être dans les cours de récréation. Mais en tout cas, sur la route, non seulement le
phénomène ne se réduit pas, mais il s'aggrave ! Moi quand j'ai commencé ma carrière le taux de
comparaison était de 75%/25% maintenant il est de 83%/17% !
Donc il y a quelque chose qui résiste très fortement à la mise en danger sur la route chez les
jeunes femmes, et c'est peut être ça le grand secret de la sécurité routière : Qu'est ce que c'est
qu'une femme sur la route, et pourquoi elle se comporte comme elle le fait ?
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On a bien sûr quelques pistes, qui est que le bombardement de testostérones chez les jeunes
hommes à partir de 15 ans : on ne pourra pas y faire grand chose, ni la sécurité routière, ni
quiconque. Mais, par contre, effectivement ce qu'on appelle le genre, l'adhésion au stéréotype de
sexe et surtout les pratiques éducatives parentales, comment ils ont construit ça, c'est à dire le fait
de lier la masculinité à la conduite nerveuse, agressive et le fait de prétendre tenir l'alcool et le
cannabis, et la “sur-confiance”.
Tant qu'on aura cette association dans la tête des jeunes garçons que pour être un homme, faut
faire ça, on aura beaucoup de mal à progresser... Parce que les gisements de tués, c'est les
hommes que vous allez trouver. Quand on est à 80 % de tués, c'est pas chez les jeunes femmes
que vous allez trouver beaucoup de tuées, parce que, on a beau être une femme, il a y toujours
un pneu qui éclate. On a vu que la moitié était tuée pas des hommes.
Donc ce travail là, éducatif, qui doit commencer dès la naissance dans la famille, changer les
modes éducatifs parentaux qui sont toujours un peu trop sexistes, en donnant beaucoup trop de
liberté aux garçons pour se mettre en danger et ne pas respecter les règles, et qui tiennent
toujours beaucoup plus fermement le respect des règles chez les filles.
Pendant 18 ans on a ça : “(au garçon) Si tu respectes pas les règles c'est la nature , (à la fille) si tu
ne les respecte pas les règles c'est mal” . Et au bout de 18 ans, on leur met un volant entre les
mains, alors on voit très clairement que c'est le rapport à la règle, c'est pas une question de la
perception du danger. Les garçons perçoivent aussi bien que les filles que c'est dangereux, que ça
va faire mal, qu'ils vont se blesser, mais ils le font qu'en même, parce que dès qu'il y a une règle, et
bien, elle est toujours beaucoup mieux respectée par les filles que par les garçons.
Donc les testostérones on peut rien y faire, la masculinité et son expression sur la route, là il y a un
gros enjeu éducatif pour les parents, pour les éducateurs, pour l'éducation nationale, pour les
auto-écoles, mais tant qu'on ne touchera pas à ça, on restera aux marges.
Je voudrais aussi pointer quelque chose qui n'est pas toujours bien connue, le milieu social.
Quand on parle santé, sécurité, délinquance, réussite scolaire, vous le savez en général, dans
l'enfance chez les 0-14 ans, on pointe l'influence du milieu social. Les enfants des milieux
défavorisés s'en sortent moins bien sur tous les plans que les enfants de milieux favorisés. Cette
forte influence du milieu social vous la retrouvez à l'âge adulte, vous connaissez la différence
d'espérance de vie entre les cadres et les ouvriers, etc. et des indicateurs sur la délinquance aussi.
Il semblerait qu'il y ait une période de la vie où il y a une espèce de triste justice de classe,
tragique, qui est que, entre 15 et 25 ans, cette influence sociale joue beaucoup moins. Elle joue
sur certaines choses encore, bien sûr, sur la réussite scolaire, vous connaissez tous les travaux en
sociologie, qui montrent que les enfants de milieu social favorisé réussissent mieux leurs études.
Par contre, sur nos indicateurs à nous, c'est à dire les accidents, les accidents de sport, la
consommation d'alcool, la consommation de cannabis, la dépression, le suicide, et bien, les
jeunes de la bourgeoisie, on va dire, s'en sortent pas du tout mieux que les jeunes de milieux
défavorisés - j'allais dire “ouvriers”, mais vous savez que c'est une catégorie qui est en train de
disparaître. Donc là, pour la prévention, il y a un enjeu fort.
Tous ces jeunes, comme on dit souvent, qui sont nés avec une petite cuillère en argent dans la
bouche, pensent qui sont toujours magiquement protégé des problèmes. Malheureusement,
souvent dans la vie, c'est vrai ! Mais là, pour une fois dans la vie, ce n'est pas vrai ! C'est à dire que
la route va niveler tout ça, probablement pour deux raisons : d'une part parce que les styles de vie
de l'adolescence vont gommer un peu les différences, si vous êtes ivre en discothèque à 4h du
matin, que votre papa soit PDG ou ouvrier ça ne changera pas grand-chose. Et, en plus, on sait
maintenant qu'il y a des facteurs de risque qui s’équilibrent entre les deux populations.
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Donc notre message c'est : “Vous êtes tous en danger, même ceux qui ne le pensent pas” parce que
là, il y a encore une grande illusion de la part des parents aussi. Les parents, notamment de la
bourgeoisie, pensent que leurs enfants sont moins en danger que les autres, et que l'accident va
plus tomber sur la tête des autres, et les banlieues, etc.
Mais non ! Ce n'est pas du tout ça l'accident de la route ! Rien que les indicateurs, les
consommations d'alcool et de cannabis sont supérieurs chez les enfants de milieux favorisés - vous
connaissez l'importance de ça dans les accidents de la route - vous voyez déjà comment ça va jouer.
Un phénomène, aussi peut être - ça fait pas très longtemps qu'on l'a bien compris - le rapport entre
le biologique et le psychique à cet âge là, c'est à dire, qu'il y a un phénomène qui est purement
physiologique, qu'on connaît depuis longtemps, qui s'appelle le décalage séculaire, c'est que la
puberté arrive de plus en plus tôt, maintenant - c'est stabilisé, ça ne bouge plus - mais pendant très
très longtemps, depuis le 19e siècle, la puberté descendait, descendait de 3 mois tous les 10 ans
pour des raisons qui sont les mêmes que celle de l'épidémie d'obésité qu'on a actuellement.
Comme vous le savez, nous sommes plus grand et plus gros que nos ancêtres.
Et bien, la puberté : c'est les hormones. Et les hormones sont très sensibles à l'alimentation, aux
polluants, et aussi aux conditions sanitaires. Donc, on devenait ados de plus en plus tôt, garçons et
filles. Ça c'est un premier champ.
Le deuxième champ, en parallèl,e qui était que les gens qui sont dans l'éducation, les éducateurs,
les éducateurs sociaux parlaient de plus en plus de la précocité des troubles, en disant : “On a
l'impression que les bêtises ils les font de plus en plus tôt”. Ce qu'ils faisaient à14 ans avant, ils le font à
12 ans maintenant pour l'ensemble des phénomènes et, ce qu'il faut savoir, c'est que cette
précocité est elle-même un facteur de risque. C'est à dire que, maintenant, on sait bien que l'âge
que vous commencez à initier une consommation, alcool ou cannabis, est extrêmement prédictive
de comment ça va devenir ensuite.
Qu'est ce qui se passe ?
Si vous rencontrez l'alcool à 15-16 ans, en France c'est normatif. Si vous suivez les gens qui
commencent à boire de l'alcool à 15-16 ans, vous allez avoir une distribution qui correspond
exactement à celle de la population générale en termes de consommateurs modérés, excessifs et
dépendants.
Si vous regardez les gens qui ont commencé à boire à 12 ans, vous verrez qu'une fraction
importante, va aller vers l'alcoolo-dépendance et les problèmes de l'incivilité liés à l'alcool.
Pourquoi ? Ce n'est pas le fait de boire de l'alcool en soit, ce n'est pas ce qui sera un facteur de
risques, c'est simplement ce qu'on appelle un marqueur du risque. C'est que si vous commencez
à boire à 12 ans, il y a des raisons sûrement, ce sont ces raisons qui vont être les causes des
problèmes en fait, c'est ce qu'on appelle un marqueur. Et donc, ce qu'il faut bien comprendre,
c'est que ces deux phénomènes sont liés. Cette précocité progressive de l'arrivée de la puberté et
la précocité des problèmes sont liés.
Pourquoi ? Parce que la précocité et la puberté créent l'arrivée de la testostérone de plus en plus
tôt dans les cerveaux des jeunes de 12 ans au lieu de 14 ans, et qu'est ce que fait la testostérone ?
Elle va inonder de dopamine une partie de notre cerveau, qui s'appelle le système limbique, qui
est le système, qu'on appelle de récompense. C'est à dire tous nos rapports au plaisir, aux
gratifications. Quel que soit le plaisir, que ce soit : l'alcool, le cannabis, le sexe, la montagne, la
mer, prendre le pouvoir sur les autres. C'est le système limbique qui gère ça. Donc la testostérone
allume ce système de récompense de plus en plus tôt dans l'existence. Malheureusement pour
les jeunes, il y a une autre partie de notre cerveau qui s'appelle le cortex pré-frontal et cette partie
là, elle est en charge du contrôle cognitif des décisions en matière de récompense et aussi à la
résistance de la pression des pères. C'est à dire effectivement, quand je cherche un plaisir, quels
vont être les coûts bénéfices ? Quels vont être les avantages et inconvénients ? Et ça,
malheureusement pour les jeunes ça ne mature que vers 22-23-24 ans.
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C'est ça qui nous explique que la même personne peut se comporter très dangereusement à 18
ans, et ensuite beaucoup plus prudemment à 24 ans, sans souvent qu'il y ait beaucoup
d'éducation de répression, mais simplement il y a ce qu'on appelle la minimisation, les chaînes
synaptiques qui lient le limbique au pré-frontal sont constituées qu'à partir de 22-24 ans, c'est pas
que les jeunes cherchent plus le plaisir, ou soient plus impulsifs que les adultes, pas plus. C'est
qu'ils voient moins bien toutes les conséquences possibles de tous les comportements de
récompense. C'est un phénomène ou le biologique et le psychique sont très impliqués.
Ceci-dit, comme je vous l'ai dit, les jeunes anglais eux aussi traversent cette phase, cet agenda
neuro-biologique, où on dirait qu'il y a un problème de tempo, il y a un système qui démarre plus
vite que l'autre, mais il fait moitié moins de tués que les jeunes français, donc c'est que la culture
joue aussi.
Les facteurs chez les jeunes : 30 % d'alcool, comme chez les adultes. Ce qui est, bien sûr beaucoup
plus particulier aux jeunes, c'est cette présence de 15 % de cannabis dans les accidents mortels, qui
en fait effectivement là aussi un nouvel enjeu. J'insiste aussi sur le rôle de la fatigue, puisqu’il n'est
pas illégal d'être fatigué. Les policiers ne recherchent que l'alcool et le cannabis, or cette population
est très sujette à la dette de sommeil. Chaque jour de la semaine, elle prend une heure en moins
pour concilier ses études et ses loisirs, et cette heure en moins, qui va s'accumuler, le samedi soir
justement en fin de nuit, là elle va compter. Et précisément le scénario d'accidents mortels, la perte
de contrôle en courbe, avec collision avec l'obstacle latéral, il n'y a pas besoin d'alcool et cannabis,
ça peut être tout simplement une légère hypovigilance due à cette dette de sommeil. Donc ça, il
faudrait aussi en faire un gros enjeu. Évidemment, on a des statistiques moins solides que l'alcool et
le cannabis parce que ça se mesure pas, mais c'est important.
On l'a dit encore : avec les même doses de cannabis, si effectivement, il y avait des vitesses moins
importantes et la ceinture à l'arrière pour tout le monde, on aurait déjà des blessés légers et pas
des morts. Et puis on a parler aussi, bien sûr, de ce problème pour les jeunes, dans les accidents
de deux roues pour les 15-17 ans, de ce phénomène très important, que l'on appelle “la non
détectabilité comportementale”. C'est à dire, que, quand on interroge les gens après l'accident, le
conducteur de voiture dit : “J'aurais jamais imaginer que ce jeune conducteur de cyclo allait être là !”,
et le jeune conducteur de cyclo dit : “J'aurais jamais imaginer que la voiture allait passer là !”
Donc ça veut dire qu'ils se voient physiquement, mais ils ne se comprennent pas. Il y a tout un
travail aussi. Il y aurait beaucoup à dire sur la formation de deux roues, mais on a une deuxième
table ronde sur la formation, donc je n'insiste pas.
Et je vais terminer, puisque cette table ronde c'est adolescence et prise de risque, je voudrais
préciser, pour que ce soit bien clair, la distinction entre trois choses :
–
Il n'y a pas que la prise de risque chez les jeunes, oui il y a la prise de risque, comme je l'ai
dit depuis les Égyptiens, voilà, c'est une loi de la nature, “je sais que c'est dangereux, mais
je le fais qu'en même !” Ils savent, ils ont les informations, ils sont bombardés
d'informations les jeunes. Donc là, ce que vous allez chercher à comprendre, c'est ce
qu'on appelle les bénéfices des comportements dangereux. Quand les gens font des
choses dangereuses dans la vie, forcément c'est qu'il y a aussi des bénéfices. Si vous ne
parlez que mort, blessure, punition, vous ne voyez que la moitié du problème. Dans la
tête des gens il y a d'autres choses. Il y a, pour eux, les bénéfices de leur comportement
dangereux, qui sont des bénéfices essentiellement psychologiques, qui sont de l'ordre de
la recherche de sensation, le fait d'évacuer l'angoisse, de plaire aux copains, d'acquérir de
la dominance dans son groupe. Il peut y avoir beaucoup de choses, différentes pour
chacun, mais il y a aussi des bénéfices, donc il faut aussi comprendre cet aspect là dans la
prise de risque.
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–
Il y a aussi tout simplement chez eux, comme chez les adultes, de la non perception du
risque et ça c'est très important aussi et ça ce n'est pas du tout de la prise de risque. C'est
qu'ils ne savent même pas qu'ils sont en danger.
Elles sont archi-connues : la compréhension des distance de sécurité, quand je roule à 60,
à 90, à 130 km/h, en combien de mètres je vais m'arrêter ? J'ai fait des études. En
demandant à des gens de 5 ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans, 25 ans, 30 ans, ce qui est
incroyable c'est que, malgré, le passage par l'école, l'énergie cinétique en physique, par
l'auto-école, par le fait d'obtenir son permis, par le fait de rouler, et bien, ça ne rentre pas !
Les 30 ans sont quasiment aussi sous-estimateurs que les 5 ans !
Donc ça veut dire que cette notion : c'est une des grandes énigmes de la sécurité
routière ! Un des grands échecs de la sécurité routière. On se retrouve dans les stages de
permis à point avec des gens qui sont médecins, avocats, qui sont BAC +10 et qui
continuent à vous coller à 3 mètres derrière votre par-choc arrière, et ça normalement, un
enfant de 8 ans, normalement constitué - pas des sur-doués - n'importe quel enfant de 8
ans peut comprendre cette distance de sécurité, et à BAC +10 c’est toujours pas rentré !
Donc vous voyez ce n'est pas de la prise de risque ça. Alors c'est pareil pour le rapport entre
les unités d'alcool et l'alcoolémie, c'est pas toujours de la prise de risque. Savoir si je suis à 0,4
ou à 0,6, on sait très bien effectivement qu'il y a beaucoup de jeunes qui sous-estiment
l'alcoolémie à laquelle ils croient. D'où l'importance des stratégies d'auto-contrôle.Donc voilà,
il y a des aspects comme ça, c'est pas particulier aux jeunes. Les conducteurs sont des
mauvais évaluateurs du risque qu'ils soient jeunes ou adultes, il y a toujours un travail
d'éducation à continuer parce qu'ils ne savent même pas qu'ils sont en danger.
–
Et la troisième chose qui est très importante, qui n'est pas vraiment de la prise de risque,
c'est l'acceptation du risque, je pense beaucoup aux jeunes femmes, aux deux jeunes
femmes tuées sur la route, c'est pas qu'elles prennent des risques, mais c'est qu'elles ne
voient pas comment faire autrement. A 4h du matin, si je crains plus l'agression sexuelle
sur un parking de discothèque, que l'accident de la route, pourtant je vois bien que mon
copain est sous alcool ou cannabis, et comme je vais peut-être craindre plus autre chose,
je vais accepter de monter dans cette voiture, et je vais mourir sur la route.
Donc là, vous voyez qu'on est pas vraiment dans la prise de risque, on est beaucoup plus
dans ce qu'on va appeler la planification de ses styles de vie, la planification de sa
mobilité, je vais où, avec qui, dans quel état, qu'elle est la personne qui va me ramener.
Tant que vous n'assurez pas à ce niveau là, vous êtes dans le risque, c'est pas réellement
la prise de risque, c'est du risque subit, mais ça aussi c'est un travail important à faire, ça
concerne plus les filles que les garçons mais les garçons aussi sont sujets aussi à
l'acceptation du risque par la pression, la pression de la publicité qui va lier la grande
vitesse à la masculinité, la pression des copains, etc.
Donc il faut bien différencier ces 3 choses, ce sont 3 mécanismes très différents, chacun
demande des actions très différentes, vous n'allez pas faire la même choses sur la prise de
risque que sur la mauvaise perception.
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