1/4 3ème dimanche de Carême – Année C Frère Jean

Transcription

1/4 3ème dimanche de Carême – Année C Frère Jean
3ème dimanche de Carême – Année C
Frère Jean-Christophe
Ex 3,1-15; Ps 102; 1Co 10,1-12; Lc 13,1-9
Dimanche 11 mars 2007
Eglise Saint-Gervais, Paris
Qui est le coupable ?
La foule, qui s’assemble autour de Jésus et qui l’interroge,
soulève la terrible question de la souffrance des innocents.
Hier, des Galiléens ont été massacrés par Hérode.
Pourquoi eux et pas d’autres ?
Dix-huit personnes ont péri
à cause de la chute de la tour de Siloé.
Pourquoi elles et pas d’autres ?
Aujourd’hui, une famille fauchée dans un accident,
un être cher éprouvé par la maladie,
un pays ébranlé par une catastrophe naturelle.
Pourquoi lui, pourquoi eux et pas d’autres ?
Poser la question sous-entend
qu’une ou plusieurs réponses semblent monter en nous
mais elles ne peuvent nous laisser en paix.
La première réponse est de dire :
des innocents souffrent, parce qu’au fond…
ils ne sont pas innocents.
Leur malheur n’est que la conséquence de leur propre péché.
Le coupable, c’est la victime elle-même.
«Si cela lui arrive,
c’est qu’il l’avait sûrement mérité…»
Or Jésus écarte une telle interprétation
vraiment trop simpliste.
Ceux qui ont péri ne sont pas plus coupables que les autres.
Le lien n’est pas aussi évident qu’on l’imaginerait
entre le malheur qui arrive et le péché de la personne.
Ni lui, ni ses parents n’ont péché,
pour que cet enfant naisse aveugle,
dira un jour Jésus (Jn 9,2-3).
Difficile de trouver le coupable…
Il y a aussi une deuxième réponse
qui sera la source de bien des athéismes :
Des innocents souffrent, parce qu’au fond…
Dieu, lui, n’est pas innocent.
L’homme est pure victime,
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il paie au prix fort cette indifférence de Dieu.
Ainsi Job, au comble du malheur,
clame son innocence et intente un procès à Dieu :
Je vais procéder en justice, conscient d’être dans mon droit.
Qui veut plaider contre moi ?
Je choisirai mes arguments contre Dieu (Job 13,18-19;9.14).
Dieu est mis au rang des accusés
pour ne pas intervenir en faveur du faible.
Mais comment reconnaître en ce Dieu dur et inhumain
le visage du Père de miséricorde que Jésus nous révèle ?
Dieu n’est pas au-dessus de nos croix
comme un Dieu impassible.
Il est cloué sur notre croix
offrant sa vie pour nous
afin que de la croix jaillisse la vie.
*
Nous le voyons, la recherche du coupable reste aléatoire.
Elle n’est souvent qu’une manière trop facile
de nous donner bonne conscience,
en nous plaçant nous-mêmes dans le camp des justes,
dans le camp de ceux qui n’y sont pour rien.
Aussi, à nous qui cherchons à comprendre ce pourquoi du mal,
bien souvent impuissants quand il se déchaîne,
Jésus nous propose de réfléchir sur deux points.
Le premier point est sur le sens que nous donnons à la mort.
La mort des innocents, à juste titre,
nous scandalise, nous trouble.
Mais Jésus, sans minimiser celle-ci,
nous ouvre les yeux sur une autre mort, beaucoup plus terrible,
et qui pourtant ne semble pas nous inquiéter.
Jésus s’exclame devant son auditoire :
Si vous ne vous convertissez pas,
vous périrez tous comme eux.
En entendant cela, on se dit que Jésus se contredit.
Il menace la foule en usant d’un argument
qu’il vient justement de dénoncer :
la mort sera votre punition si votre péché demeure.
C’est là qu’il nous faut comprendre que Jésus ne parle pas
de la même mort que cette mort physique
subie par les opposants massacrés par Pilate
ou les accidentés de la tour de Siloé.
Il affirme qu’il y a une autre mort, une autre perdition,
éternelle celle-là, à laquelle personne ne songe,
et dont il ne cesse, lui, de parler.
Plus terrible que la mort de notre corps,
il y a la mort de notre âme.
Tout homme est un vivant en sursis.
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Le péché menace la vie de son âme.
Aussi Jésus nous dit de ne pas circonscrire notre regard
sur cette mort physique qui nous scandalise
dans bien des situations mais, au contraire,
de l’élargir en voyant le vrai mal qui tue l’homme.
Le salaire du péché, c’est la mort, dit Paul (Rm 6,23)
Et la vie, c’est le fruit de la conversion.
Il y a donc un remède.
C’est la conversion de notre cœur !
Dieu ne condamne pas, il propose la vie en plénitude.
Mais c’est l’homme qui se condamne lui-même
s’il refuse de se convertir.
Se convertir, c’est se tourner vers Dieu,
c’est accueillir son regard de Père sur ce que nous faisons,
c’est finalement le laisser agir en nous.
La deuxième réflexion proposée par Jésus
rejoint notre interrogation du départ.
Qui est ce coupable par qui la mort terrasse des innocents,
si ce n’est ni la victime elle-même, ni Dieu ?
Jésus nous dit par la parabole du figuier stérile
que personne n’est innocent devant le scandale de la mort.
En effet, comme le figuier planté dans la terre de la vigne,
l’homme est enraciné dans le monde.
Le figuier laisse monter en lui toutes les forces de la terre
pour produire son fruit,
et s’il refuse de donner son fruit, il épuise pour rien la terre.
De même, le cœur de l’homme est enraciné dans la Création ;
s’il ne donne pas, il épuise mystérieusement le monde,
il fait violence à toute la Création,
il laisse la sève se dessécher en lui.
Voilà comment le péché de tous,
et non de quelques-uns seulement,
atteint l’harmonie entre la création et l’homme.
La création tout entière gémit
dans les douleurs de l’enfantement, dit Paul (Rm 8,22).
Elle attend le salut de l’homme car le péché de l’homme
est toujours une stérilisation de la vie ;
il laisse pénétrer dans la création des forces de mort,
capables de frapper le faible et l’innocent.
Nous ne pouvons donc pas nous dire
innocents de la souffrance des innocents.
Mais Jésus, bien sûr, ne s’arrête pas là.
Il nous fait prendre conscience de cette vérité :
s’il y a une solidarité de tous dans le péché,
c’est parce que, avant tout, il y a une solidarité de tous,
devant Dieu, dans l’amour.
Il nous faut revenir à ce principe
unificateur originel qui est l’amour.
Si nous tous déployons toutes nos forces
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pour aimer nos frères, le mal reculera.
Nous ne savons pas pourquoi le mal frappe ici et non là,
mais nous savons désormais qu’il y a en nous
une force d’opposition, plus originelle
que le péché, et qui est l’amour.
Nous pouvons être nous-mêmes
la réponse de Dieu au problème du mal.
Aimons donc et la lumière de la Résurrection
transfigurera peu à peu notre monde de souffrance
en une création nouvelle
où la joie habitera le cœur de tout homme.
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