La gouvernance de la protection de l`impluvium de Volvic

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La gouvernance de la protection de l`impluvium de Volvic
Séminaire « Economie, Institutions, Développement et Espaces Ruraux »
UMR Métafort
Jeudi 6 octobre 2016
10h30 à 12h00
La gouvernance de la protection de l’impluvium de Volvic
Résumé de l’intervention
La protection de la qualité des ressources en eau est aujourd’hui un enjeu majeur. D’abord
réglementaire (et politique) pour les pouvoirs publics avec la nécessité de respecter des exigences de
la DCE (2000) en termes de protection des masses d’eau mais aussi de protection des périmètres des
34.000 captages d’eau potable de France. Cet enjeu est aussi économique : plus d’un milliard
d’euros1, c’est ce que coûterait aux ménages français la dégradation2 de la qualité des eaux liée aux
excédents d'engrais azotés et de pesticides d'origine agricoles, selon le Conseil général au
développement durable (CGDD, 2011). L’enjeu économique est également majeur (en termes
d’emplois, de retombées fiscales) pour les territoires où sont implantés les industriels du secteur de
l’eau qui commercialisent eaux minérales et/ou de source à destination du marché (domestique et
export) des ménages.
Si de nombreux travaux en économie portent sur le coût de la politique de l’eau ou les instruments
les plus efficaces (taxes versus normes réglementaires) pour protéger la ressource, peu d’auteurs se
sont penchés sur les stratégies (en particulier préventive) mises en place par le secteur privé (ie. les
grands industriels de l’eau). En dehors du cas emblématique et largement étudié de Vittel (Chia,
Brossier et Benoit 1992 ; Hellec 2015), les démarches de protection mises en œuvre par le privé sont
peu étudiées dans la littérature alors même que des enseignements pourraient potentiellement être
tirés de ces expériences pour améliorer l’action publique dans ce domaine.
Notre recherche porte sur le cas de la protection de la qualité de la nappe d’eau souterraine de
Volvic. La question posée est celle de la gouvernance de la protection de l’impluvium (= aire
d’alimentation de la nappe) et de son efficacité (rapport coût bénéfices en particulier).
Pour y répondre, nous positionnons différents cadres d’analyse de la nouvelle micro-économie
(théorie des incitations) et du courant de l’économie néo-institutionnelle (théorie des coûts de
transaction en particulier). Nous développons en particulier l’approche (systémique) de Mc Ginnis et
Ostrom (2014) et du cadre du système socio-écologique.
L’analyse empirique s’appuie sur une série d’entretiens semi-directifs conduits auprès des acteurs du
territoire (élus, agriculteurs, institutionnels) entre mars et juillet 2016. Ces entretiens nous ont
permis de reconstruire le système socio-écologique à l’échelle de l’impluvium de Volvic et de mieux
comprendre la manière dont était pensée la stratégie de protection entre Danone (le propriétaire de
1
Total des dépenses additionnelles des services d’eau et d’assainissement liées aux pollutions diffuses agricoles et se
répercutant sur la facture d’eau des consommateurs domestiques ; environ 10% de la facture d’eau des ménages français.
2 Il y aurait un intérêt à avoir une idée de la courbe de coût marginal des dommages (suggestion de Karim B.).
la société des eaux de Volvic) et les autres acteurs du territoire (agriculteurs et pouvoirs publics
locaux).
La recherche est réalisée dans le cadre du projet européen H2020 PEGASUS qui vise à mettre en
évidence des synergies positives entre l’activité agricole et/ou forestière et la fourniture de services
environnementaux. Les premiers résultats montrent qu’une structure de gouvernance multipartite
originale a été mise en place depuis 2005 sur le territoire ; démarquant clairement la stratégie
volontairement décentralisée et collaborative poursuivie par Danone de celle empruntée par Nestlé
Waters dans les années 90 sur le territoire de Vittel.
A l’avenir, ces résultats impliquent de mieux comprendre les modalités d’action d’une telle structure
et son efficacité au regard des coûts investis (investissements financiers, humains, etc.) dans la
protection. Une poursuite du travail de recherche est envisagée sur l’automne et l’hiver 2016-17.
Christophe Déprés
Maître de conférences économie de l'environnement
VetAgro Sup - UMR Métafort 1273
Avec la collaboration de Colas Chervier, docteur en économie, Cirad-Ird
Références
Bommelaer O., Devaux J., 2011. Coûts des principales pollutions agricoles de l’eau. La Défense,
Rapport n°52, 32 pages.
Chia E., Brossier J., Benoît M., 1992. Recherche-action : qualité de l'eau et changements des
pratiques agricoles. Economie rurale, 208-209, 30-36.
Déprés C., Grolleau G., Mzoughi N., 2008. Contracting for Environmental Property Rights: The Case of
Vittel. Economica, 75 (299), 412-434.
Hellec F., 2015. Revenir sur l'exemplarité de Vittel : formes et détours de l'écologisation d'un
territoire agricole. VertigO, 15 (1).
Mcginnis M.D., Ostrom E., 2014. Social-ecological system framework: initial changes and continuing
challenges. Ecology and Society, 19 (2), 30
Medde, 2014. L'environnement en France. Edition 2014. CGDD, service de l’observation et des
statistiques (SOeS), du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, La Défense
(92), 384 pages.
Williamson O.E., 2005. The Economics of Governance. American Economic Review, 95 (2), 1-18.