Detroit abandonne des quartiers pour éviter la faillite
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Detroit abandonne des quartiers pour éviter la faillite
2 dimanche Ouest-France 24 juin 2012 Reportage actualités Detroit abandonne des quartiers pour éviter la faillite Confrontée à un dépeuplement massif, la capitale américaine de l’automobile n’arrive plus à boucler ses fins de mois. Elle taille dans ses dépenses. Certains quartiers sont à l’abandon. Détroit. De notre envoyé spécial Imaginez une ville deux fois grande comme Marseille et qui aurait perdu les deux tiers de ses habitants. C’est ce qui est arrivé à Detroit, l’exJeff Horner. capitale mondiale de l’automobile, aujourd’hui au bord du dépôt de bilan. « Dans les années 50, la population était de deux millions d’habitants. Elle est tombée à 700 000 », assène Jeff Horner qui enseigne la sociologie et l’urbanisme à l’université Wayne. Les fabricants de voitures - Ford, General Motors et Chrysler - viennent de traverser une crise qui a failli les couler. Des dizaines de milliers d’emplois, y compris dans la soustraitance, sont passés à la trappe. Les gens sont partis vivre ailleurs. Un quart d’habitants en moins, rien que dans la dernière décennie. À vrai dire, le mouvement avait démarré dans les années 70, quand les Blancs aisés se sont mis à vendre leurs maisons. « Ils se sont installés dans la lointaine périphérie, là où il y a des terrains de golf et un haut niveau de vie », témoigne Tim Weikel, Des quartiers entiers sont en état de quasi-abandon. Dette abyssale Dans les quartiers, le spectacle est affligeant. La ville est comme un anorexique flottant dans des habits trop grands. L’immense gare centrale Des dizaines de villes « dans le rouge » d’euros et ne parvient plus à boucler ses fins de mois. Des métropoles comme Los Angeles, Chicago et même New York se trouvent dans des situations financières préoccupantes. En 2010, l’analyste Meredith White chiffrait à une centaine le nombre de villes au bord de la faillite. Leurs dettes ajoutées à celles des États auraient dépassé 1 600 milliards d’euros. Soit 15 % du PIB national. Jamais dans leur histoire les Américains n’auront supporté un tel poids de dette : environ 37 000 € par habitant. Soit 50 % de plus que les Français. milliards… de dollars. C’est le montant de la dette publique américaine, état fédéral et collectivités confondues. Pour la première fois en 2011, elle a dépassé la richesse produite chaque année par le pays. « On ne sort jamais le soir » Wright et son épouse Martha habitent dans Margaret Street, une petite rue du quartier nord, l’un des plus délaissés. « Quand nous sommes arrivés, il y a trente ans, toutes les maisons étaient occupées », dit Wright. « Il y avait des commerces et des restaurants pas loin. Il n’en reste plus aucun. On doit prendre la voiture pour aller faire des courses dans le quartier voisin », ajoute Martha. Comme les services de la voirie ne passent jamais, c’est Wright qui se charge d’entretenir les espaces verts devant les maisons à l’abandon. L’insécurité les tracasse, car la police ne L’entrée de Central Falls. Textes et photos : Marc MAHUZIER. 15 000 Reuters Le cas du comté d’Orange reste le plus connu. En 1994, le gouverneur, qui s’appelle Robert Citron (authentique), déclare la faillite de cette région de la Californie qui compte plus de trois millions d’habitants. Depuis, d’autres collectivités américaines l’ont rejoint sur la liste des dépôts de bilan. En novembre dernier, la ville d’Harrisburg, en Pennsylvanie, s’est retrouvée en cessation de paiement. C’est le seul moyen qu’a trouvé le conseil municipal pour obtenir des créanciers un rééchelonnement de la dette. Central Falls, 18 000 habitants dans l’état du Rhode Island, est officiellement en banqueroute depuis août 2011. Naguère, c’était une florissante petite cité, surnommée Chocolateville, car elle a abrité les premiers fabricants de chocolat des États-Unis. Pour avoir créé en 1972 son propre fonds de retraite, destiné aux employés municipaux, elle accuse un déficit de l’ordre de 60 millions d’euros et qui augmentait d’un million par mois l’an passé. Les pensions des pompiers et des policiers ont été réduites de moitié. La bibliothèque municipale a fermé, les services fonctionnent au ralenti, faute de personnel, car il y a eu des coupes claires dans les effectifs municipaux. Son cas n’est pas isolé. Stockton, 300 000 habitants en Californie, est tout près du dépôt de bilan. Dans l’Alabama, le comté de Jefferson est endetté à hauteur de trois milliards ressemble à une carcasse. Dès que l’on quitte le centre, ce ne sont que magasins et ateliers fermés, immeubles et maisons à l’abandon. Certaines sont à l’état de ruines dangereuses, portant les traces d’incendies allumés par des squatters. D’autres ont été rasées, laissant un rectangle d’herbe folles. « Ce n’est pas comme en Europe. Ici, chaque ville fait exactement ce qu’elle veut », dit Jeff Horner qui peste contre l’absence de plan qui a vécu ici. Detroit est devenue la ville américaine à la plus forte densité afro-américaine, 85 % de la population. Son taux de chômage est parmi les plus élevés du pays : 12 %. Elle s’est appauvrie, les impôts ne rentrent plus. d’urbanisme. Une maison se vend moins de 5 000 €. Mais quel intérêt de venir habiter dans ces quartiers sans vie où les services publics tendent à disparaître totalement ? Confronté à une dette abyssale « 11 milliards de dollars (8,5 milliards d’euros) en incluant les pensions qu’elle doit verser aux employés municipaux à la retraite », selon Jeff Horner -, le conseil municipal n’a eu d’autre choix que de tailler dans les dépenses. Fin janvier, le maire a proposé un nouveau plan visant à licencier un millier de fonctionnaires municipaux. Les élus l’ont rejeté : pas assez dur. Les gros salaires municipaux vont être réduits de 15 %, la couverture sociale de tous les employés de la ville sera moins assurée. Les effectifs de la police et des pompiers vont encore fondre. Dans les quartiers sous peuplés, où déjà la police ne va plus, elle va continuer à fermer des bibliothèques, à supprimer ou à réduire au minimum l’éclairage public et le nettoyage des rues. Déjà, 20 % la population n’aurait plus accès aux services basiques. Mais c’est ça ou la faillite, comme cela est déjà arrivé à plusieurs villes américaines. « fait plus de rondes malgré une forte criminalité. Fin avril, une fusillade a éclaté dans leur rue. Quatre jeunes ont été blessés par balles, dont deux grièvement. « Il faut être prudents. On ne sort pas le soir », dit Martha. Le couple a entouré sa petite maison de grillage. La porte d’entrée est blindée et les fenêtres ont des barres de sécurité. Partir ? « Mais non ! s’exclame Wright. C’est chez nous, ici ». Seule consolation : les rares voisins encore présents habitent des maisons proches de la leur. Cela réduit le sentiment d’abandon. Privatiser, licencier a toujours été un sale boulot. Mais nous parlons de survie. Dave Bing, maire de Detroit. »