Interdiction des sacs en plastique: cache

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Interdiction des sacs en plastique: cache
Interdiction des sacs en plastique: cache-misère travesti en panacée
Écrit par Docteur Michel ODIKA
Lundi, 23 Janvier 2012 17:33
TRIBUNE LIBRE
Notre pays, le Congo-Brazzaville, vient d’interdire l’importation, l’utilisation et la
commercialisation des sacs en plastique. Au premier abord, une telle initiative semble partir
d’un « bon sentiment », ce qui en fait, a priori, une décision justifiée et justifiable.
A l’appui de ce « bon sentiment », un constat pour le moins édifiant, si ce n’est terrifiant, par
certains aspects observables et vérifiables sur le terrain. Exemple concret: dispersés par-ci
par-là, les sacs en plastique incriminés contribuent à l’agression visuelle qui ne cesse de
défigurer Brazzaville. Pourtant…
Toutefois, réserve de taille, on ne fonde pas des analyses pertinentes ou des réflexions
percutantes, et encore moins des décisions importantes, sur des « sentiments », si « bons »
soient-ils. En lieu et place des « bons sentiments », il s’agit surtout de privilégier les… faits.
Alors, et seulement alors, les initiatives prises peuvent constituer des alternatives crédibles,
susceptibles en cela de s’inscrire dans une perspective de développement durable et de
progrès social.
Comme le paludisme (1) et les « médicaments de la rue » (2), les sacs en plastique sont un «
faux problème en mal de vraies solutions ». Tout au plus doit-on y voir, non pas un problème en
tant que tel, mais plutôt un révélateur et amplificateur des problèmes actuellement latents et
sous-jacents, donc en attente de… solutions. En l’occurrence, les sacs en plastique ne sont que
des révélateurs et amplificateurs des défaillances et incohérences de notre « politique
d’assainissement »
(3).
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Interdiction des sacs en plastique: cache-misère travesti en panacée
Écrit par Docteur Michel ODIKA
Lundi, 23 Janvier 2012 17:33
Résumons-nous: les défaillances et incohérences se situent au niveau de toutes les
composantes-clés que sont la collecte des déchets, leur tri sélectif, leur évacuation et leur
traitement (destruction par incinération, récupération et recyclage). Petit rappel : autant la
collecte et le tri sélectif engagent la responsabilité individuelle et personnelle (esprit d’initiative),
autant l’évacuation et le traitement sollicitent la responsabilité communautaire et collective
(esprit d’entreprise). Fermons la parenthèse…
Dans le prolongement de ce qui précède, les défaillances et incohérences à l’œuvre affectent
aussi les exigences auxquelles toute politique d’assainissement, digne de ce nom, est censée
satisfaire, c’est-à-dire, non seulement les exigences de sécurité et de responsabilité
environnementales, mais également celles, indissociables et interdépendantes, de santé
publique, de cohésion sociale et de développement durable.
En somme, qu’il s’agisse des composantes-clés ou des exigences évoquées à l’instant, toutes
les anomalies épinglées renvoient, en blocs homogènes et cohérents, à une problématique de
gouvernance (fiabilité et viabilité de la gestion des capacités) et de leadership (fiabilité et
viabilité des capacités de gestion).
D’où mon inquiétude, chaque jour un peu plus résumée par une crainte, ainsi formulée: s’en
prendre aux sacs en plastique, simples reflets amplifiés d’une réalité ensevelie sous le voile du
non-dit, c’est un peu comme s’acharner à combattre telle poussée de fièvre en… cassant le
thermomètre. Pas très glorieux, et d’autant moins glorieux que cela revient à casser un miroir
qui ne fait que renvoyer l’image, peu reluisante, d’une réalité, peu séduisante, car
traumatisante, donc choquante…
Tout ceci pour dire, concrètement, que les sacs en plastique (4) ne sont qu’un baromètre des
pressions environnementales et sociales que nous, Congolais, ne maîtrisons pas. Ce qui en fait
aussi, cela va de soi, un modèle de tensions, actuellement incontrôlées et incontrôlables, entre
environnement global et développement local
(5)
. D’où la nécessité, aujourd’hui pressante, si ce n’est urgente, d’intégrer les choses et leurs
causes profondes dans une perspective globale, ainsi que dans la cohérence d’une vision
d’ensemble.
Voici donc ce que j’avais à dire, à propos d’un sujet sensible, car des plus délicats. Cela étant:
tâchons à présent d’engager, sinon un combat décisif, du moins un débat qui n’aura d’objectif
que ce qu’il pourra avoir de constructif et d’instructif. Le reste, notamment la polémique dans ce
qu’elle a de futile et de stérile, ne m’intéresse pas, et ne m’intéressera jamais.
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Interdiction des sacs en plastique: cache-misère travesti en panacée
Écrit par Docteur Michel ODIKA
Lundi, 23 Janvier 2012 17:33
Docteur Michel ODIKA
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1. Paludisme: enjeu d’assainissement et d’aménagement du territoire .
2. Faux médicaments: faux problème en mal de vraies solutions .
3. Assainissement: vers une nouvelle donne .
4. Soit dit en passant: lorsqu’on raisonne en termes de « sacs en plastique utilisés par habitant
», il apparaît que les Congolais n’utilisent virtuellement pas de sacs en plastique. Contrairement
aux ressortissants des pays industrialisés, pays où, rappelons-le, les sacs en plastique posent
moins de problèmes environnementaux qu’au Congo. Pourquoi? Tout simplement parce que
ces pays – en dépit de leur statut de producteurs de sacs en plastique – ont aussi moins de
problèmes d’assainissement que le Congo. Tout simplement, oui, en précisant au passage, et à
toute fin utile, qu’il s’agit d’un fait: pas d’un jugement de valeur…
5. Bassin du Congo: enjeu écologique et géostratégique du 21
e
siècle .
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{jcomments on}
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