Fiche: économie verte et produits en bois (sept. 14)

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Fiche: économie verte et produits en bois (sept. 14)
Meubles, livres, portes et fenêtres – le bois est
omniprésent dans notre quotidien. La révision de
la loi sur la protection de l’environnement vise à
prévenir l’importation de bois illégal. Pourquoi
est-ce important et pourquoi la Suisse n’est pas
un précurseur en la matière ?
Grâce à la loi fédérale sur les forêts en Suisse, nous
tenons à ce que l’économie forestière soit durable sur
notre propre territoire. Nous n’enlevons pas plus de
bois qu’il ne repousse dans nos forêts. Car nos forêts
représentent un lieu important
de détente et l’habitat d’animaux
et de plantes.
Le règlement de l’UE dans le domaine du bois interdit
l’importation de produits en bois issus d’une récolte
illégale. Le Conseil fédéral est prêt à introduire en
Suisse une ordonnance similaire. Pour cette fin, il lui
manque cependant la base légale.
La loi sur la protection de l’environnement doit donc
être amendée avec de nouveaux articles concernant
la mise sur le marché de matières premières et de
produits (art. 35f), des devoirs de diligence (art. 35g),
et la traçabilité (art. 35h).5
Ces nouveaux articles font
partie du contre-projet indirect à l’initiative populaire
pour une économie verte. Ils
sont formulés de façon générale afin de pouvoir servir
également à d’autres matières premières et produits
qui portent sensiblement atteinte à l’environnement.
Des exemples sont l’huile de
palme de plantations qui détruisent les forêts tropicales
ainsi que la tourbe des
hauts-marais.6
Une partie importante de nos
produits en bois vient cependant
de l’étranger. Dans le domaine
du bâtiment, nous importons
huit fois plus de produits en bois
que nous en exportons (2009).
Pour les meubles de chambres
à coucher, le parquet et les
sièges, le ratio s’élève à trois,
Forêt tropicale en partie préservée à Kbal Spean,
cinq et dix fois respectivement.1
province de Siem Reap, Cambodge
Notre empreinte écologique
pour les produits en bois s’étend ainsi également sur
d’autres pays.2
Afin de mettre en œuvre l’interdiction à l’importation,
les entreprises doivent suivre certains devoirs de diliEn faisant des achats dans les discounters d’ameugence :
blement en Suisse, on découvre de nombreux
meubles en bois sans label environnemental venant
de la Chine, la Russie, l’Europe de l’Est et de pays
tropicaux tels que le Vietnam et la Malaisie. Il n’y a
aucune assurance que ces produits proviennent
d’une économie forestière durable.
Pour l’instant, l’importation de meubles et d’autres
produits en bois issu d’une récolte illégale n’est pas
interdite.3 L’inverse est le cas dans nos pays voisins.
Au sein de l’Union européenne, un règlement concernant le bois et ses dérivés est entré en vigueur en
mars 2013.4
1. Mettre à disposition des informations concernant le type de bois, l’origine du bois, les
fournisseurs et d’autres aspects ;
2. Réaliser une analyse de risque concernant
leur chaine de valeur ;
3. Prendre des mesures pour réduire ce risque.
Les pays membres de l’UE appliquent d’ores et déjà
ces dispositions. Les autorités nationales ne contrôlent pas chaque importation mais elles peuvent faire
des échantillons. Les entreprises doivent démontrer
qu’elles exécutent leurs devoirs de diligence.7
La Suisse n’est ni précurseur ni agit-elle toute seule.
Depuis 2010, il existe en Suisse seulement une obligation de déclarer le type de bois et le pays d’origine.8
On ne trouve cependant pas ces informations pour
tous les produits sur le marché. En outre, ces informations ne suffissent pas pour savoir si le bois est issu
d’une économie forestière durable.
Une étude de cas de Greenpeace démontre cette lacune de régulation en Suisse. En mai 2013, Greenpeace a découvert dans le port d’Anvers l’importation
de bois illégal provenant de la République démocratique du Congo. Le négoce a été organisé par l’entreprise Bois d’Afrique Mondiale de Lucerne. Greenpeace a informé le Secrétariat d’Etat à l’économie
suisse (Seco). Le Seco signalait cependant ne pas
pouvoir agir car la Suisse ne participe pas au règlement de l’UE dans le domaine du bois.9
Le décalage de la régulation suisse par rapport au règlement de l’UE dans le domaine du bois est défavorable à l’économie forestière suisse. Les exportateurs
suisses doivent démontrer à leurs partenaires de
commerce que leur bois n’est pas issu de récoltes illégales. Le bois des forêts suisses est considéré
comme sans risque.10 Cependant, les entreprises
suisses importent également du bois de l’UE et réexportent des produits en bois vers l’UE. Une régulation
en Suisse qui est analogue au règlement de l’UE dans
le domaine du bois éviterait des entraves techniques
au commerce.11
Une étude du WWF Suisse de 2005 a estimé que la
part du bois illégal à l’importation s’élève à 6-8%.12
Des estimations plus récentes n’existent pas.
Quelques entreprises suisses changent de façon volontaire vers le bois certifié avec un label FSC. Des
exemples sont la Migros (part FSC et recyclage à environ 82%), la Coop (part FSC à 70%), et des menuiseries telles que l’Amarena AG (certifié FSC) dans les
alentours de Berne.13
Le Forest Stewardship Council (FSC) fixe des principes globaux pour une gestion forestière écologiquement et socialement responsable qui seront traduits
dans des standards nationaux. En outre, les entreprises transformant le bois reçoivent un certificat de
produit qui assure l’identification du matériel certifié.
Le bois certifié par FSC représente donc une possibilité pour les entreprises d’assumer leurs devoirs de diligence en assurant la traçabilité. En même temps, le
label FSC sert aux consommateurs et aux consommatrices comme aide à la prise de décision lors des
achats.
Rubberwood de Malaysie
sans label FSC, vendu en Suisse.
Cependant, les produits certifiés par FSC sont encore
loin d’être le standard dans toutes les entreprises. Notamment les entreprises qui visent des avantages
compétitifs par des prix bas utilisent encore rarement
le FSC. Dans les magasins d’ameublement Lipo, on
trouve par exemple des meubles non certifiés FSC
provenant de l’Inde, le Vietnam, la Chine, l’Ukraine et
la Malaisie.14 La maison d’ameublement JYSK vend
des meubles sans label FSC de la Chine, de la Russie, de l’Inde et du Vietnam.15 Cela ne signifie pas
automatiquement que les meubles sont issus d’une
récolte illégale. Les consommateurs ne peuvent simplement pas le savoir.
Les consommateurs et les consommatrices en Suisse
bénéficient déjà du règlement de l’UE dans le domaine du bois. Une grande partie des produits en bois
vient de l’Allemagne, de l’Autriche et d’autres pays de
l’UE vers la Suisse. Les commerçants dans les pays
de l’UE doivent déjà respecter les dispositions du règlement de l’UE dans le domaine du bois. Cela réduit
la probabilité que du bois illégal arrive sur le marché
suisse. Ce n’est cependant pas une raison pour rester
à la traîne avec la régulation en Suisse.
La mise en œuvre du règlement de l’UE dans le domaine du bois importe. WWF Allemagne a réalisé en
mai 2014 un test. Le bilan : « l’exclusion du bois illégal
et l’utilisation renforcée de produits certifiés issu d’une
gestion durable des forêts (recommandation du
WWF : FSC) sont loin d’être évidentes » (traduction
de l’allemand). Le WWF catégorisait 8 des 13 produits
achetés comme particulièrement critiques. Quelques
produits démontraient une déclaration fautive du type
de bois. Un exemple en était une table du magasin
d’ameublement JYSK.16 Egalement en mai 2014,
l’émission « Markt » de la télévision allemande WDR
a réalisé des tests et démontré des problèmes dans
la mise en œuvre du règlement de l’UE dans le domaine du bois.17 De tels tests pour l’identification du
type et de l’origine du bois sont par exemple réalisés
par l’institut Thünen qui dispose d’échantillons de bois
provenant de tous les continents.18
La déforestation mondiale cause environ 17% des
émissions globales de CO2. Cela représente environ
1.5 fois l’ensemble des émissions de l’aviation, de la
circulation routière, du trafic ferroviaire et du trafic maritime.19 La protection internationale des forêts est
donc un défi global. Agir contre la déforestation est
également nécessaire afin de préserver la biodiversité
et de protéger des populations indigènes.
Une étude du PNUE et d’Interpol de 2012 estime que
15 à 30% du bois mondial est issu d’une récolte illégale. Dans les pays tropicaux, cette part s’élève
même à 50-90%. Des mesures politiques telles que le
règlement de l’UE dans le domaine du bois et FSC
sont donc nécessaires. Afin de lutter contre le commerce illégal de bois, il faudrait cependant également
d’autres mesures contre la corruption et le blanchiment d’argent. Le rapport décrit 30 méthodes du commerce de bois illégal telles que la falsification de licences de récolte et le pot-de-vin pour recevoir des
autorisations. En outre, des entreprises défrichent en
dehors de leurs concessions et mélangent du bois illégal avec des produits légaux de plantations.24
La consommation au sein des 28 pays membres de
l’UE représente environ 10% de la déforestation mondiale. C’est le résultat d’une étude de 2013 commandée par l’UE. Non seulement la consommation du
bois joue-t-elle un rôle important, mais également les
changements de l’usage du sol pour l’agriculture et
l’élevage.20
Selon une étude de la Banque mondiale et du Chatham House, toutes les deux secondes une aire forestière de la taille de deux terrains de foot disparaît. Le
volume d’affaires mondial des commerçants de bois
illégaux est estimé à 10-15 milliards de dollars par
an.21 Les réseaux du crime organisé s’étendent souvent jusqu’aux plus hauts rangs de la politique et du
militaire. Ces réseaux impliquent également des entreprises et des institutions financières transnationales. Global Witness a démontré de tels réseaux en
2013 à l’exemple de plantations de caoutchoucs au
Cambodge et au Laos en critiquant la participation financière de Crédit Suisse.22 Lukas Straumann, directeur du Fonds Bruno Manser, décrit dans son livre de
2014 « Raubzug auf den Regenwald » le commerce
de la mafia de bois dans la région Sarawak en Malaisie.23
Plantations de caoutchouc et de noix de cajou là où il y a peu se
trouvaient encore des forêts primitives, Rattanakiri, Cambodge
Le règlement de l’UE dans le domaine du bois est un
élément constitutif dans un catalogue plus vaste de
mesures. Au sein de l’UE, ce règlement fait partie du
plan d’action EU Forest Law Enforcement, Governance and Trade (EU-FLEGT). Des procédures juridiques au sein des pays concernés ou le financement de projets dans le cadre de la convention sur le
climat (REDD+) représentent d’autres mesures internationales. En outre, les Etats-Unis et l’Australie disposent de régulations comparables au règlement de
l’UE dans le domaine du bois. Aux Etats-Unis, le Lacey Act interdit depuis 2008 l’importation de bois et du
papier (forest products) issu de sources illégales.25 En
Australie, le Illegal Logging Prohibition Bill interdit depuis 2012 l’importation de bois illégal.26
1
BAFU (2012) Holzendverbrauch Schweiz. S. 46 ff und S. 66 ff. Lien.
Selon le Global Footprint Network, la Suisse nécessiterait par personne pour l’année 2008 0.55 hectares globaux (gha) d’aires forestières pour les produits de bois, et 3.26 gha d’aires forestières pour le
stockage théorique des émissions de CO2, soit 11% et 65% respectivement de notre empreinte écologique. La biocapacité de la forêt suisse correspond à 0.73gh par personne. Lien.
3 Bundesrat (2014) Botschaft zur Volksinitiative für eine Grüne Wirtschaft, S. 45. Lien.
4 Bundesrat (2014) Botschaft zur Volksinitiative für eine Grüne Wirtschaft, S. 45. Lien.
5 Bundesrat (2014) Revision des Umweltschutzgesetzes, Art. 35f-h. Lien.
6 Ecoplan (2014) Grüne Wirtschaft: Wirkungs- und Kostenabschätzung der Massnahmen zu Konsum
und Produktion. Lien.
7 EU Kommission, Website zur EU-Holzhandelsverordnung. Lien.
8 Eidg. Büro für Konsumentenfragen, Website, Lien.
9 Greenpeace, Asti Roesle (9.7.2013) Wie illegales Holz aus dem Kongobecken nach Europa gelangt.
Lien.
10 BAFU (22.5.2014) Europäische Holzhandelsverordnung. Lien.
11 M. Pfannkuch, S.Morard (12-2013) Die neue EU-Holzhandelsverordnung gilt auch für die Schweiz.
Die Volkswirtschaft. Lien.
12 WWF (März 2005) Illegaler Holzeinschlag und die Schweiz. Analyse der Schweizer Aussenhandelsdaten 2003. Lien.
13 Amarena AG; Migros; Coop
14 Basé sur nos propres recherches dans le Lipo Muri (Feldstrasse 30, 3073 Gümligen) et sur le site
web: Table de salle à manger en bois de mangue de l’Inde; Esstisch Table de salle à manger en bois
d’acacia du Vietnam; Table de salle à manger Uno en hévéa de Malaysie (Photo sur la p. 2 de cette
fiche d'information). En Malaysie, les forêts tropicales sont transformées en plantations d’hévéa selon
le portail Illegal Logging . Cela ne signifie cependant pas qu’il s’agit nécessairement de bois illégal
pour cette table. Les maisons d’ameublement Lipo (22 filiales en Suisse) appartiennent à Steinhoff International Holdings. Steinhoff est après IKEA le deuxième plus grand Retailer de meubles. En
Suisse, magasin d’ameublement Conforama appartient également à ce groupe. Voire entre autres Solothurner Zeitung (13.3.14) Unternehmensgruppe aus Südafrika will 220 neue Arbeitsplätze schaffen.
Lien.
15 Basé sur nos propres recherches dans JYSK Muri (Thunstr. 235, 3074 Muri bei Bern). Il n’y a pas
de données sur l’origine du bois sur le site web, seulement sur le type de bois – exemple tables. Lien.
16 WWF (26.5.2014) WWF-Marktrecherchen im Bereich Holz. Lien.
17 WDR (26.5.2014) Marktscanner – Woher kommt das Holz? Lien.
18 Rabea Weihser (8.10.2013) Dem Terrassenschwindel auf der Spur. Die Zeit. Lien.
19 C. Nellemann, Interpol Environmental Crime Programme (2012) Green Carbon, Black Trade: Illegal
Logging, Tax Fraud and Laundering in the Worlds Tropical Forests. S. 6. Lien.
20 European Commission (2013) The impact of EU consumption on deforestation. Lien.
21 World Bank (2012) Justice for Forests. S. vii. Lien.
22 Global Witness (Mai 2013) Rubber Barons. Lien. Global Witness (13.12.2013) Credit Suisse ignored
human rights commitments and became major shareholder in Vietnamese rubber giant 2 weeks after
land grab scandal. Lien.
23
Lukas Straumann (2014) Raubzug auf den Regenwald. Auf den Spuren der Malaysischen Holzmafia. Herausgegeben vom Bruno Manser Fonds. Salis Verlag, Zürich.
24 C. Nellemann, Interpol Environmental Crime Programme (2012) Green Carbon, Black Trade: Illegal
Logging, Tax Fraud and Laundering in the Worlds Tropical Forests. S. 6-9. Lien.
25
Voir US Fish and Wildlife Service – International Affairs, Website, « Lacey Act ». Lien.
26
Voir Australien Government, Department of Agriculture, Website, « Illegal Logging ». Lien.
2

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