Descriptif - Nelly Labère

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Descriptif - Nelly Labère
TEXTE & CONTRE-TEXTE
pour la période pré-moderne
(XIVe-XVIe siècles)
Nelly Labère
« La plus grande aventure lyrico-érotique du Moyen Age et peut-être de tous les
temps, celle des troubadours, commence par un contre-texte. Le premier des poètes
occitans connus, le démiurge du trobar, Guilhem de Peitieus, ce trovatore bifronte
comme les critiques italiens l’ont nommé, ne crée-t-il pas à la fois le texte, celui de
l’amour épuré, avec ce type, qui devait faire fortune, de l’amant-poète éploré
frissonnant aux pieds de sa dame, et le contre-texte, gaillard et truculent, subversif
et iconoclaste, où le grand seigneur belliqueux, dans des textes dont l’ambiguïté
désespère les philologues, met plaisamment sur le même pied ses prouesses
nocturnes et celles du champ de bataille ? » (Pierre Bec, Burlesque et obscénité
chez les troubadours. Le contre-texte au Moyen Âge, Stock/Moyen Âge, 1984, p. 7)
La lecture moderne et contemporaine des textes du Moyen Âge invite à la définition
de normes : normes historiques, normes linguistiques, normes philologiques, normes
littéraires. Pourtant, de Guillaume de Poitiers jusqu’aux « poétiques en transition » du
tournant des XVe et XVIe siècles, les textes n’ont cessé de dire le contrordre à la norme. Cette
question de la norme, propre au Moyen Âge, et plus particulièrement au moyen français,
demande à être revisitée : l’imaginaire d’un Moyen Âge strictement normé, extrêmement
codifié, se voit trop souvent opposé à celui d’un Moyen Âge sans normes sociales et sans
principes poétiques.
Transgressif ou subversif, satirique ou référentiel, thématique ou structurel, le contretexte invite à penser le modèle et son contre-modèle dans un questionnement sur le
« contre ». Celui-ci peut être entendu, pour les XIVe-XVe siècles, de plusieurs manières :
- comme une opposition qui invite à la transgression ou à la subversion (portrait de
beauté et portrait de laideur de Maroie dans le Jeu de la Feuillée d’Adam de la Halle)
- comme une référence qui demande à être entérinée ou dépassée (courtoisie, anticourtoisie, discourtoisie) par la récriture, la parodie, etc.
- comme un modèle sur lequel pourra s’appuyer le texte en devenir (débat autour du
Roman de la Rose), posant la question de l’auctoritas, mais aussi celle de l’habitude et de la
prescription.
Car le contre-texte, dans son jeu spéculaire avec le texte, se manifeste tant sur le plan
historique que littéraire et linguistique. Il invite ainsi à plusieurs questionnements :
1/ Le « double linguistique »
- répliques, jeux textuels, contrafactures, etc.,
- subversion et parodie
- intertextualité et interdiscursivité
2/ La problématique du renversement
- thématique de la tromperie, de la ruse et de l’inversion
- genres littéraires dont la problématique du renversement devient parfois la marque
(l’obscénité du fabliau, par exemple ; le jeu sur la représentation dans le théâtre)
3/ La norme et son contrordre
- texte et contre-texte, auctoritas et texte
- le manuscrit et ses marges (indices textuels, paratextuels et matériels) ; les ensembles
narratifs (hybridité possible des mises en recueil)
Ainsi, le texte en moyen français peut-il proposer au sein même de son espace textuel
ou intertextuel la norme et son contraire, invitant à questionner les représentations esthétiques,
les valeurs, les genres littéraires et mettant en tension la question de la norme et ses pratiques
déviantes ou contestataires.
Domaines de recherche : champs de l’histoire, de la littérature, de l’esthétique, du théâtre, de
la linguistique, de la sociocritique, de la génétique textuelle et de la théorie de la réception
Mots clés : moyen français, textualité, subversion des formes, récriture, réception textuelle et
iconographique, originalité, création, composition, multiplicité, brouillage esthétique et moral,
construction de la norme, altérité, poétique du contournement, manuscrit et imprimé.
Sommaire
Nelly Labère, Lire le contre-texte et son texte9
1. À la marge : représenter le contre-texte
1.1. La matérialité du contre-texte
Tania Van Hemelryck, Cachez cette marge que je ne saurais voir...
Le philologue et le contre-texte du manuscrit25
Olivier Delsaux, Le texte contre comme contre-texte. Observation sur les
fonctions des colophons en moyen français33
1.2. Con(tre)texte
Jelle Koopmans, Contre-textes et contre-sociétés53
Margarida Madureira, Parodie et contre-texte : Le Sermon Joyeux de la
Choppinerie63
2.1. Conjointure et contrefacture
2. Motifs contre-textuels
Patricia Victorin, Le paradoxe nostalgique ou Chrétien de Troyes revu
et corrigé dans le Conte du Papegau 77
Jean-Claude Mühlethaler, Histoires d’amour à l’ombre d’un poirier : entre
réécriture et parodie (Du Cligès de Chrétien de Troyes au Cligès en prose)85
2.2. Contre-lectures
Hélène Haug, Les scènes de lecture en moyen français :
modèles, réécritures... subversions ?103
Madeleine Jeay, Les Évangiles des Quenouilles : contre-texte de référence
pour Jean Molinet et Eloy d’Amerval113
3. Auteur & Autorité
3.1. Contre-textualités narratives : le “moi” en débat
Luca Pierdominici, Les visions du moi dans le Paradis de la reine Sibylle
d’Antoine de la Sale131
Philippe Frieden, Jean de Meun et le Testament de la Rose145
Peter Frei, Le Silène de Rabelais : jeu et enjeux d’un contre-texte de la Renaissance157
3.2. Contre-textualités lyriques : la mort du poète
Karin Becker, Villon et la danse macabre169
Adrian Amstrong, Un cimetière bigarré : les épitaphes poétiques de Jean Molinet187
3.3. Renaissances textuelles : écritures et réécritures du contre
Maria Cristina Panzera, Leurre et ruines de la beauté : Jodelle et
la tradition italienne des Contr’amours205
Nathalie Dauvois, Des contreblasons de La Hueterie au Contrepoison d’Artus Désiré,
enjeux et formes d’une poétique de contre à la Renaissance215
Nelly Labère, Pour en finir avec le contre-texte ?227
Bibliographie229
Index des auteurs 245
Index des œuvres 249
Index des notions 253