JVC 365 FR-034 Eco-construction
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GROS ŒUVRE TEXTE : Johan Debière L’écoconstruction, économique ou écologique ? © Claire7373Andrewglaser Encore mal connue et trop souvent associée à l’image de la maison en paille du premier des trois petits cochons, l’écoconstruction mérite d’être découverte en profondeur. Il s’agit en effet d’une filière qui permet de mieux prendre en compte l’aspect environnemental, mais pas seulement... Écoquartier Vauban, Fribourg (D) A pparues à la fin des années 1960, les prémices de l’écoconstruction faisaient figure, à l’époque, de véritable anachronisme : les manettes de l’économie étaient alors engagées à fond sur un mode non durable. La facilité et la rapidité de mise en œuvre des constructions prenaient en effet le pas sur toute autre considération. «Les chantiers étaient alors envisagés sans tenir compte des aspects liés à la consommation d’énergie. Et ne parlons même pas des critères liés à la protection de l’environnement ou à la protection de la santé ! » précise d’emblée l’ingénieur architecte Philippe Jaspard, pionnier belge de la construction bio dynamique et membre du cluster Eco-construction. Les chocs pétroliers Appel à projets: quand l’environnement soutient l’emploi La Région wallonne le martèle sans cesse depuis un certain temps: l’heure est aujourd’hui à l’alliance de l’emploi et de l’environnement. Formalisé dans le cadre du Plan Marshall 2.Vert, cet appel à projets qui s’est clôturé en février dernier va permettre de soutenir le développement de filières de matériaux de construction durables. De manière très concrète, les autorités wallonnes investiront 1 million et demi d’euros pour soutenir la production, mais aussi la distribution et la mise en œuvre de ces filières. Les fabricants de produits typiquement utili- 34 JevaisConstruire & Rénover • novembre 2013 sés dans le secteur de l’écoconstruction et les sociétés qui mettent en œuvre ces produits pourront bénéficier d’aides intéressantes venant de la Région wallonne. Les premiers pourront ainsi bénéficier d’incitants financiers couvrant jusqu’à 80% des frais de production et/ou des frais de validation technique. Quant aux secondes, elles pourront par exemple bénéficier d’une prise en charge partielle de la maind’œuvre liée à l’application de ces produits sur les chantiers. successifs ont remis en question cette manière quelque peu débridée d’envisager la construction. « Le choc pétrolier de 1972-1973 a suscité le contexte de la création de notre association d’architectes », poursuit cet ancien assistant du professeur De Herde, fondateur de la cellule de recherche Architecture et Climat. « On insiste très souvent sur l’isolation en négligeant de rappeler que l’aspect biodynamique de la construction, ses dimensions sociale et culturelle... restent la base », dit encore Philippe Jaspard qui avait déjà proposé, à l’époque de sa collaboration avec Architecture et Climat, de travailler avec des plâtres naturels, d’utiliser des peintures naturelles, mais aussi d’éviter de polluer l’intérieur du bâtiment. Un précurseur de la lutte contre l’indoor pollution, en quelque sorte. Bilan énergétique des matériaux de construction Depuis, d’autres pays ont emboîté le pas comme les Pays-Bas, la Hollande, la Grande-Bretagne, mais aussi et surtout des pays comme l’Allemagne ou l’Autriche. Et cette habitude de mêler protection de l’environnement et consommation raisonnée d’énergie dans les pratiques architecturales s’est peu à peu imposée. En Belgique, le réflexe de l’écoconstruction n’est pourtant pas encore acquis. « Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour que le client n’oppose plus l’aspect économique et l’aspect écologique. Pour notre part, nous développons systématiquement cette démarche que le client a le droit d’accepter ou de refuser », poursuit ➤ Philippe Jaspard. JevaisConstruire & Rénover • novembre 2013 35 © ChanvrEco GROS ŒUVRE Ce même optimisme par rapport à l’écoconstruction, on le retrouve chez Architecture et Nature. Administrateur au sein de cette jeune coopérative, Hubert Sauvage souligne que l’écoconstruction est encore en devenir en Belgique, tout en précisant que les partenaires et les fournisseurs belges sont de plus en plus nombreux. « Les panneaux de fibre de bois, certains matériaux en chaux-chanvre, les briques d’argile, ne sont pas encore vraiment produits en Belgique. On doit encore aller les chercher en Allemagne, en Au- triche ou en Suisse, mais des projets commencent à se développer chez nous. » Raisonnables, les prix? Les matériaux respectant les critères de l’écoconstruction traînent parfois l’image de produits sensiblement plus chers. Un élément qui peut handicaper les architectes fonctionnant dans cette filière, « dans la mesure où la compétition (ndlr : sur les prix) fait partie du jeu ». À cet égard, Hubert Sauvage souligne toutefois une tendance baissière. Au-delà du prix, l’archi- Des produits made in Wallonia en écoconstruction Longtemps, le candidat à l’écoconstruction a dû se tourner vers l’Allemagne ou l’Autriche pour trouver les matériaux qui allaient lui permettre de mener à bien son projet. Pour le plus grand bonheur de notre économie, c’est moins le cas aujourd’hui. « Avec le développement de la demande, des initiatives ont été prises qui ont donné naissance aux premiers éco-produits 100 % made in Wallonia », s’enthousiasme l’architecte Hubert Sauvage. Parmi ceux-ci, on retrouve des produits isolants à base de chanvre fabriqués par la société ChanvrEco. Commercialisés sous le nom Prohemp, ces produits sont fabriqués à Tinlot depuis 2007, dans une unité de production unique en Belgique. «Cette année, nous n’avons pas eu le temps de consacrer tout le temps que nous aurions voulu au développement de notre production qui a atteint 200 tonnes, mais l’an prochain, nous prévoyons de produire 400 tonnes de granulats de chanvre», souligne Sébastien Ernotte, créateur de l’entreprise avec Laurent Cimonetti. Un beau volume utilisé pour fabriquer des produits isolants dont 90 % sont utilisés sur le territoire belge, le solde étant exporté vers les pays voisins. 36 JevaisConstruire & Rénover • novembre 2013 tecte insiste sur la nécessité de comparer ce qui est comparable : « Comparer la laine de verre avec une laine de bois n’a pas de sens parce qu’on n’est pas du tout face au même produit et aux mêmes qualités. » Parfois, pourtant, la prise en compte du seul facteur financier avantage les produits issus de l’écoconstruction. C’est le cas du flocage de cellulose, moins cher que la laine de verre pour des performances globales qui sont en outre supérieures. « C’est là toute la spécificité de l’écoconstruction. Il faut tenir compte du cycle de vie complet du bâtiment et de toutes les externalités comme la diminution de la consommation, des maladies professionnelles des ouvriers du bâtiment, des pollutions provoquées par la fabrication des matériaux de construction conventionnels...», conclut Hubert Sauvage. ■ Une initiative du Cluster Eco-construction dans le cadre du projet européen BatiD2 En savoir plus http://www-climat.arch.ucl.ac.be http://www.architectureetnature.be http://www.jaspard-architecture.be