S CHELLENBERG W ITTMER
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NEWSLETTER Décembre 2005 SCHELLENBERG WITTMER A vo ca t s La Convention de Montréal est entrée en vigueur en Suisse Le 5 septembre 2005 est entrée en vigueur en Suisse la Convention de Montréal de 1999, officiellement la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international. Sa ratification par la Suisse porte le nombre des Etats signataires à 66. La nouvelle convention consolide et modernise les nombreuses règles régissant la responsabilité des transporteurs aériens dans le transport international. De plus en plus d'Etats devenant parties à la Convention de Montréal, un régime uniforme est en train d'émerger, et ce en contraste avec le système disparate de Varsovie, dont les éléments principaux sont la Convention de Varsovie de 1929, le Protocole de La Haye de 1955, la Convention complémentaire de Guadalajara de 1961, les Protocoles de Montréal de 1975 et les accords intercompagnies de 1995 et 1996 de l'Association internationale du transport aérien (IATA). Jusqu'à ce que la Convention de Montréal réalise cet objectif, le régime de Varsovie continue cependant de jouer un certain rôle et l’on pourra être confronté à des difficultés quant à la détermination des règles applicables. 1 Champ d'application La Convention de Montréal s'applique au transport effectué par un aéronef, soit entre deux Etats Parties, soit sur le territoire d'un seul Etat Partie si une escale est prévue sur le territoire d'un autre Etat, partie ou non à la Convention de Montréal. Même si un Etat n'est pas partie à la Convention, ses compagnies aériennes peuvent être soumises au régime de Montréal. Par exemple, la Convention de Montréal ne s'applique pas au trajet « aller-simple » entre la Suisse et l'Inde, Etat non signataire, ni au trajet « aller-retour » de l'Inde vers la Suisse, pour retour en Inde. Par contre, la Convention s'applique à un voyage « aller-retour » au départ de la Suisse à destination de l'Inde, même si le transport est effectué par une compagnie indienne. 2 Responsabilité 2.1 Passagers A teneur de la Convention de Montréal, les transporteurs sont responsables du préjudice survenu en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager, à condition que l'accident qui a causé la mort ou la lésion se soit produit à bord de l'aéronef ou au cours de toute opération d'embarquement et de débarquement. Sur ce point, la Convention de Montréal n'est pas très différente de la Convention de Varsovie de 1929. Lors des négociations sur la portée de cette disposition, les délégués à la conférence de Montréal ont discuté l'élargissement de la responsabilité du transporteur aux lésions mentales ou psychologiques, indépendamment de toute lésion physique. La conférence n'a toutefois pas pu aboutir à un consensus sur cette question, et a adopté en lieu et place la déclaration interprétative suivante: « L'expression "lésion corporelle" a été retenue en partant de l'idée que le préjudice subi pour des lésions mentales est sujet à réparation dans quelques Etats en présence de certaines circonstances que la jurisprudence se développe dans ce domaine et qu'il n'est pas envisagé d'interférer avec ce développement, qui dépend de la jurisprudence dans d'autres domaines que le transport aérien international. » Il est dès lors probable que les tribunaux se réfèreront à la Convention de Varsovie en ce qui concerne la responsabilité pour tout désordre émotionnel. L'opinion dominante sous la Convention de Varsovie, développée par les tribunaux américains et suivie dans un certain nombre d'autres juridictions, est que les passagers peuvent obtenir réparation pour le préjudice résultant de lésions mentales, pour autant qu'elles font suite à des lésions corporelles. Il est trop tôt pour dire si cette approche sera confirmée sous le régime de Montréal. La connaissance médicale est susceptible de s'améliorer dans le Toute prétention en relation avec une lésion corporelle ou la mort doit être liée à un « accident », ce qui est généralement défini comme un événement inattendu et inusuel extérieur à la personne du passager. Un accident ne peut pas résulter de la réaction propre d'un passager face à l’exploitation usuelle, normale et attendue de l'avion. Ce critère est utile afin de déterminer la responsabilité du transporteur en cas de Thrombose Veineuse Profonde (TVP). Si la TVP est due à l’état de santé du passager, le transporteur n’en est pas responsable. Si, à l'inverse, la TVP est due par exemple à l’arrangement des sièges à l’intérieur à l’avion, le transporteur en est alors responsable. En l'état, il n'est pas clair si l’omission du transporteur de prévenir les passagers des risques de la TVP peut être interprétée comme un « accident » au sens du régime de Montréal. Dans tous les cas de responsabilité, y compris la TVP, l’exception de la faute concomitante commise par négligence peut être soulevée par le transporteur. Si ce dernier prouve que la personne qui demande réparation ou dont elle tient ses droits a causé le dommage ou y a contribué, le transporteur est exonéré en tout ou en partie de sa responsabilité. Sous réserve de la preuve d’une faute concomitante, les transporteurs sont objectivement responsables jusqu’à un montant de 100’000 droit de tirage spéciaux (DTS) (CHF 185’000 au taux de conversion d’aujourd’hui) pour les dommages résultant de la mort ou de lésions subies par le passager. Les transporteurs peuvent se dégager de leur responsabilité pour la partie du dommage excédant 100’000 DTS s’ils prouvent que le dommage n’est pas dû à une négligence ou à un autre acte ou omission préjudiciable de leur part, de leurs préposés ou de leurs mandataires. De même, les transporteurs ne sont pas responsables s’ils démontrent que le dommage résulte uniquement de la négligence ou d’un autre acte ou omission préjudiciable d’un tiers. Ce nouveau régime remplace celui de dol (wilful misconduct) sous la Convention de Varsovie qui était vague et difficile à appliquer. En l’absence de l'une de ces circonstances qui peuvent réduire ou exclure la responsabilité du transporteur, le régime de Montréal ne fixe aucune limite pécuniaire au montant des dommages compensatoires. La Convention rejette néanmoins explicitement l’allocation de dommages-intérêts punitifs ou exemplaires, ou à un titre autre que la réparation. Finalement, lors d’accident entraînant la mort ou la lésion de passagers, les transporteurs sont tenus de faire des avances aux personnes physiques pour leur permettre de subvenir à leurs besoins économiques immédiats s’ils y sont tenus par la législation de leurs pays, ce qui est le cas pour les pays de l’UE et la Suisse. 2.2 Bagages Le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés, si le fait qui a causé ce dommage s'est produit à bord de l’avion ou au cours de la période durant laquelle le transporteur avait la garde des bagages enregistrés. Toutefois, le transporteur n’est pas responsable s’il prouve que le dommage résulte d’un défaut, de la nature ou d’un vice propre au bagage. S'agissant des bagages non enregistrés, notamment des effets personnels, le transporteur est seulement responsable si le dommage résulte de sa faute ou de celle de ses préposés ou mandataires. La responsabilité du transporteur est limitée à 1'000 DTS (CHF 1’850.-) par passager pour les bagages enregistrés et non enregistrés, sauf déclaration spéciale d’intérêt faite par le passager au moment de la remise des bagages enregistrés. Ce système représente une nouveauté par rapport au régime de la Convention de Varsovie basé sur le poids des bagages. Cette limite pécuniaire ne s’applique pas s’il est prouvé que le dommage résulte d’un acte ou omission commis intentionnellement ou témérairement par le transporteur, ses préposés ou ses mandataires. 2.3 Marchandises S'agissant du transport aérien des marchandises, les transporteurs sont responsables du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de la marchandise si le fait qui a causé le dommage s’est produit durant la période pendant laquelle la marchandise se trouvait sous la garde du transporteur. Les transporteurs ne sont pas responsables si le dommage résulte d’un défaut, de la nature ou d’un vice de la marchandise ou d’un emballage défectueux. Si le transporteur substitue un autre moyen de transport au transport aérien convenu par les parties, ce transport par un autre mode sera régi par la Convention de Montréal. La responsabilité du transporteur est limitée à 17 DTS (CHF 31) par kilogramme, sauf déclaration spéciale d’intérêt faite par l’expéditeur au moment de la remise du colis au transporteur. Cette limite est intangible, comme pour le Protocole n°4 de Montréal de 1975. 2.4 Retard Finalement, les transporteurs sont responsables du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises, sauf s’ils prouvent qu’euxmêmes, leurs préposés ou leurs mandataires, ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre. La responsabilité du transporteur pour le dommage résultant d’un retard des passagers est limitée à 4’150 DTS (CHF 7’700.-) et pour le dommage résultant d’un retard des bagages à 1’000 DTS (CHF 1’850.-). 2 SCHELLENBERG WITTMER NEWSLETTER DÉCEMBRE 2005 domaine de l'Etat de Stress Post-Traumatique (ESPT), et de ses effets physiques. A un certain stade, les plaignants montrant des signes d'ESPT seront peut-être en mesure de présenter des preuves tangibles de lésion physique et neurologique. Dans ce cas, les tribunaux pourraient tout à fait qualifier les manifestations physiques ou les effets de l'ESPT comme des « lésions corporelles » au sens de la Convention de Montréal. SCHELLENBERG WITTMER NEWSLETTER DÉCEMBRE 2005 Ces limites ne s’appliquent pas si le dommage résulte d’un acte ou d’une omission commis intentionnellement ou témérairement par le transporteur, ses préposés ou ses mandataires, pour autant que ceux-ci aient agi dans l’exercice de leur fonction. S’agissant des marchandises, la limite de 17 DTS (CHF 31.-) par kilogramme est de nouveau intangible (sous réserve de la déclaration spéciale d’intérêt). 2.5 Dépens judiciaires et honoraires d’avocats Les limites supérieures décrites ci-dessus n’ont pas pour effet d’enlever au tribunal la faculté d’allouer en sus, conformément à sa loi, des dépens judicaires et indemnités pour honoraires d’avocats lors d’une procédure judiciaire, pour autant que le montant de l’indemnité allouée dépasse la somme que le transporteur a offerte par écrit au demandeur dans un délai de six mois à compter de l’accident ou avant l’introduction de l’instance. d’ailleurs exiger des transporteurs opérant dans leur pays qu’ils prouvent la mise en place de cette couverture. La Convention ne définit pas le terme d’assurance « suffisante », laissant le soin aux Etats Parties de le faire. Au sein de l’Union Européenne, la directive CE 785/2004, en vigueur dès le 1 Mai 2005, pose des conditions d’assurance minimum pour les transporteurs aériens et exploitants d'aéronefs : En principe 250’000 DTS (CHF 463’000.-) pour les risques de mort et de lésion corporelle, 1’000 DTS (CHF 1’850.-) pour les bagages et 17 DTS (CHF 31.-) par kilogramme pour les marchandises. La législation d’application suisse va suivre cette approche. 4 Juridiction Selon la Convention de Varsovie, un demandeur peut choisir d’introduire une action en responsabilité sur le territoire d’un Etat contractant 2.6 Documents I devant le tribunal du domicile du transporteur; Les règles de la Convention de Montréal en ce qui concerne les titres de transport sont plus simples que celles contenues dans la Convention de Varsovie. Les transporteurs ne sont plus obligés d’inclure sur les titres de transport la mention traditionnelle de la Convention de Varsovie quant à l'application de limites de responsabilité. Les transporteurs sont par contre toujours tenus d’inclure un certain nombre d'informations minimum sur les titres de transport, sans que la Convention n’impose des sanctions si le transporteur les omet. La Convention de Montréal couvre aussi expressément les titres de transport électroniques. I devant le tribunal du siège principal de son exploitation; En ce qui concerne les documents relatifs aux marchandises, la Convention de Montréal contient également un nombre d’exigences qui sont très proches de celles du Protocole n°4 de Montréal. Les documents électroniques sont expressément admis et le non-respect des formalités requises n’a pas pour conséquence la levée des limites de responsabilité. 2.7 Transporteur contractuel et de fait La Convention de Montréal reprend les principes de la Convention de Guadalajara qui a introduit le système de responsabilité mutuelle pour les transporteurs contractuels et les transporteurs de fait. Ces questions ont pris une importance croissante au vu de la popularité des vols en code partagé (code-share) et des locations d'appareils avec équipage (wet lease). Selon la Convention de Montréal, le transporteur contractuel est responsable des actes et omissions du transporteur de fait. De même, les actes et omissions du transporteur contractuel sont réputés être également ceux du transporteur de fait. 3 Assurance La Convention de Montréal exige que les Etats Parties s’assurent que leurs transporteurs contractent une assurance suffisante pour couvrir la responsabilité qui leur incombe aux termes de la présente Convention. Les Etats Parties peuvent I devant le tribunal du lieu ou il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu; I devant le tribunal du lieu de destination. La Convention de Montréal prévoit la compétence des tribunaux à ces quatre endroits, mais ajoute une cinquième option. En ce qui concerne la mort de passagers ou les lésions corporelles, l’action en responsabilité peut également être intentée sur le territoire d’un Etat partie où le passager a sa résidence principale et permanente au moment de l’accident. Cette option est seulement possible dans les Etats vers lesquels ou à partir desquels le transporteur exploite des services de transport aérien, avec ses propres aéronefs ou avec les aéronefs d’un autre transporteur en vertu d’un accord commercial, et dans lesquels le transporteur mène ses activités de transport aérien à partir de locaux que lui-même ou un autre transporteur avec lequel il a conclu un accord commercial loue ou possède. « Résidence principale et permanente » désigne le lieu unique de séjour fixe et permanent du passager au moment de l’accident. La nationalité du passager n’est pas le facteur déterminant à cet égard. « Accord commercial » signifie un accord autre qu’un contrat d’agence conclu entre des transporteurs et portant sur la prestation de services communs de transport aérien de passagers. En pratique, cette référence aux accords commerciaux a pour conséquence que toute compagnie qui effectue des vols en code partagé avec une compagnie américaine court le risque d’être attraite devant les tribunaux américains, et peut dès lors être exposée aux montants des dommages-intérêts américains en cas de mort ou de lésion corporelle de passagers résidant aux États-Unis. Comme mentionné ci-dessus, des dommages- 3 5 Aspects européennes A partir du 28 juin 2004, tous les Etats membres de l’UE et l’UE elle-même sont devenus parties à la Convention de Montréal. Entre-temps, la Suisse a également ratifié la Convention de Montréal. L’entrée en vigueur de la Convention a déclenché celle de la Directive CE 889/2002 amendant la Directive CE 2027/97 sur la responsabilité du transporteur aérien en cas d’accident. Cette directive soumet de manière générale tous les transporteurs de l’UE à la Convention de Montréal, indépendamment de la question de savoir s'il s'agit d'un transport international ou domestique. Cette directive impose également des exigences en matière d’information lors de la vente de billets d'avion au sein de l’UE, et exige des transporteurs de l’UE qu’ils soient assurés de manière adéquate. A ce jour, la Suisse a intégré la Directive CE 2027/97 dans le cadre de l’accord bilatéral sur le transport aérien avec l’Union Européenne, mais pas la Directive CE 889/2002. Certaines des dispositions contenues dans cette dernière directive ont été reprises en Suisse par le biais de la législation interne. Contacts Le contenu de cette Newsletter ne peut pas être assimilé à un avis ou à un conseil juridique. Si vous souhaitez obtenir un avis sur votre situation particulière, votre personne de contact habituelle auprès de Schellenberg Wittmer ou l’un des avocats suivants répondra volontiers à vos questions. I A Genève: BERNARD VISCHER [email protected] JEAN-YVES DE BOTH [email protected] I A Zurich: GIOVANNA MONTANARO [email protected] ANDREAS FANKHAUSER [email protected] Etats qui ont ratifié la Convention de Montréal L'état actuel des ratifications de la Convention de Montréal est publié sur le site Internet de l'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale): www.icao.int/cgi/goto_m_leb.pl?/icao/en/leb/treaty.htm Accords de responsabilité de transport aérien en vigueur en Suisse I Convention de Varsovie de 1929 (entrée en vigueur le 07/08/1934) I Protocole de La Haye de 1955 (01/08/1963) I Convention complémentaire de Guadalajara de 1961 (01/05/1964) I Protocoles n°1 et 2 de Montréal de 1975 (15/02/1996) I Protocole n°4 de Montréal de 1975 (14/06/1998) I Convention de Montréal de 1999 (05/09/2005). 15bis, rue des Alpes Case postale 2088 CH-1211 Genève 1 Tél. +41 (0) 22 707 8000 Fax +41 (0) 22 707 8001 Löwenstrasse 19 Case postale 6333 CH-8023 Zurich Tél. +41 (0) 44 215 5252 Fax +41 (0) 44 215 5200 www.swlegal.ch 4 SCHELLENBERG WITTMER NEWSLETTER DÉCEMBRE 2005 intérêts punitifs, exemplaires ou accordés à un titre autre que la réparation ne sont toutefois pas allouables sous la Convention de Montréal.