Extrait de Le Temps Déborde de P. Eluard (1947) Notre vie Notre
Transcription
Extrait de Le Temps Déborde de P. Eluard (1947) Notre vie Notre
Extrait de Le Temps Déborde de P. Eluard (1947) Notre vie Notre vie tu l'as faite elle est ensevelie Aurore d'une ville un beau matin de mai Sur laquelle la terre a refermé son poing Aurore en moi dix-sept années toujours plus claires Et la mort entre en moi comme dans un moulin Notre vie disais-tu si contente de vivre Et de donner la vie à ce que nous aimions Mais la mort a rompu l'équilibre du temps La mort qui vient la mort qui va la mort vécue La mort visible boit et mange à mes dépens Morte visible Nusch invisible et plus dure Que la faim et la soif à mon corps épuisé Masque de neige sur la terre et sous la terre Source des larmes dans la nuit masque d'aveugle Mon passé se dissout je fais place au silence. Textes complémentaires Extrait du Second livre des amours, Sur la mort de Marie (1578) de P de Ronsard Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose En sa belle jeunesse, en sa première fleur Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur, Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose : La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose, Embaumant les jardins et les arbres d’odeur : Mais battue ou de pluie, ou d’excessive ardeur, Languissante elle meurt feuille à feuille déclose : Ainsi en ta première et jeune nouveauté, Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté, La Parque t’a tuée, et cendre tu reposes. Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs, Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs, Afin que vif, et mort, ton corps ne soit que roses. Extrait de Les Contemplations (« Pauca meae ») de V . Hugo (1856) Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. J'irai par la forêt, j'irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. 3 sept 1847