Y a-t-il une fiction algérienne dans les salles ?
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Y a-t-il une fiction algérienne dans les salles ?
CHRONIQUE Crise du scénario en Algérie Y a-t-il une fiction algérienne dans les salles ? «La mémoire est une fiction. Elle est comme une mosaïque, faite de tessons» asaru cinéma L 6 a fiction est-elle en crise dans le cinéma algérien? Une question qui est posée avec insistance car depuis quelques années, le 7ème art algérien souffre éperdument de l’absence de sujet «original» ou de création cinématographique à part entière. Une crise qui s’est accentuée par l’absence inquiétante de scénaristes capables de trouver un sujet adapté à la société algérienne et surtout à l’actualité violente que subit le pays depuis plus d’une décennie. Si les cinéastes algériens se sont illustrés comme bons techniciens, en revanche aucun algérien ne s’est illustré sur le plan international et encore moins sur le plan national dans le domaine du scénario. Le plus grand exemple de la faiblesse des scénaristes algériens sur la scène cinématographique, demeure le succès remporté par le film tunisien de Nouri Bouzid, Making Of Kamikaze, avec un scénario original signé par le réalisateur lui même. Et pourtant la Tunisie n’a pas vécu durant plus de dix ans les affres du terrorisme, n’a encore moins payé un lourd tribut de 200.000 morts, pour pondre une aussi belle fiction sur la menace terroriste dans une société musulmane. La force du film n’est pas technique dans un premier temps mais scénaristique et l’originalité de ce film, c’est d’avoir percé la pensée profonde du personnage d’un terroriste et de surcroît d’un kamikaze… tunisien. En tout cas chez nous, ce ne sont pas les exemples qui manquent, car depuis les attentats du 11 avril c’est même devenu la nouvelle menace qui pèse sur le pays. Mais cette fois, l’autre originalité du film est technique. C’est d’avoir introduit un concept nouveau dans une fiction le Making-of. Le film de Nouri Bouzid nous donne José Carlos Llop une leçon de savoir-faire et, au lieu de faire des films qui s’inspirent de cette réalité amère ou qui se rapprochent comme ce fut le cas du film égyptien Immeuble Yacoubian, certains réalisateurs algériens sans talent et sans perspectives, nous offrent des œuvres de seconde zone, se basant seulement sur une idée générale sans développement original et sur le jeu du comédien qui laisse souvent désirer. Et pourtant dans la littérature algérienne il existe des œuvres originales qui n’attendent qu’à être adaptées par un réalisateur algérien, comme c’est le cas de l’œuvre de Yasmina Khadra A quoi rêvent les loups¸ qui raconte le parcours d’un jeune algérois qui voulait être comédien et qui est devenu finalement un terroriste. Mais là encore faut-il que les cinéastes algériens sachent adapter une œuvre à l’écran et c’est tout à fait normal et naturel que l’écrivain algérien Yasmina Khadra et Ahlem Mostaghanmi ont décidé de donner leurs œuvres à des cinéastes américains et égyptiens pour une meilleure adaptation. Tous les films algériens réalisés par des cinéastes installés ici ou là-bas sur la décennie noire n’ont pas réussi à capter l’intérêt des spectateurs et celui de la critique, éprouvant toutes les difficultés à transmettre un simple message cinématographique sur cette violence qui a caractérisé notre quotidien durant presque 20 ans. Si Rachida de Yamina Bachir Chouikh a réussi à séduire lors de sa sortie en 2003, c’est surtout grâce à son audace et son action, quelques années après El Manara, de Belkacem Hadjadj a réussi lui aussi grâce à un scénario soigné de Tahar Boukella à s’illustrer comme un film politiquement correct. Mais il manquait l’amande sur le kal- belouz. Une manque de finesse et surtout d’originalité car ses images misent sur la pellicule, restaient dépourvues d’originalité cinématographique et restaient collées simplement à une actualité Algérie connue ou presque. On est loin des scénarios bien soignés comme ce fut le cas dans les années 70 avec les Mourad Bourboune, Rachid Boudjedra ou encore Mohamed Lakhdar-Hamina, (qui a écrit tous les scénarios de ses films). Aujourd’hui, avec l’absence d’une école du scénario ou d’une commission capable de contrôler la qualité des scénarios présentés, n’importe qui peut se présenter en puissance comme un scénariste de long-métrage. Encore faut-il faire la distinction entre les scénaristes de feuilletons et des séries comiques et ces scénaristes de cinéma dont la force réside dans la mise en texte d’une image sans dialogue. En 1988, un concours du scénario a été lancé par le quotidien Horizons. Un concours qui avait permis à l’époque aux responsables du secteur de faire des découvertes de jeunes scénaristes qui, des années plus tard, sont devenus écrivains ou cinéastes. Aujourd’hui, une jeune comédienne débutante est capable de critiquer les scénaristes, comparant même le scénario en Algérie au sujet du Bac, puisque personne ne connaît le contenu du sujet avant le jour même du tournage, puisque le réalisateur ne donne que des bribes du scénario aux comédiens. Un constat terrible d’une fiction locale qui est devenue malheureusement une réalité nationale. Salim Aggar