plug in - La recherche aux Beaux
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plug in - La recherche aux Beaux
plug in objet Plug-In est un projet de recherche artistique qui questionne le multimédia et le numérique. Il s’intéresse aux dimensions spatiales, architecturales, scénographiques, visuelles et sonores, informationnelles et interactives qui font intervenir le spectateur dans l’espace de l’œuvre. Les actions menées depuis deux ans avec les artistes, chercheurs, intervenants et étudiants associés, ont majoritairement été liées à des enjeux relatifs à l’espace du spectateur qu’il soit à l’intérieur, à l’extérieur de l’œuvre ou bien dans un parcours (urbain ou non). sommaire ––––––––––––––––––––––– 1. présentation 2. méthodologie 3. Objets de la recherche 3.1. Mothership : Michaël Sellam 3.2. Mothership Union : Artistes invités 4. Bilan et Analyse Martine Bubb : Mothership Union-Retransmissions 4 5. Transmissions Programme2009-2011 6. Colloque Poétique du numérique, Université Nantes 7. Retransmissions 8. Partenaires 9. biographies direction Philippe-André Béna concepteur et enseignant Georges-Albert Kisfaludi chercheur et enseignant Véronique Verstraete artiste et enseignante Technicien associé Alexandre Mairet ARTISTE 2009-2010 Michaël Sellam théoricien 2010-2011 Martine Bubb http:// pluginparade. wordpress.com/ 1. présentation plug in direction Philippe-André Béna concepteur et enseignant Georges-Albert Kisfaludi chercheur et enseignant Véronique Verstraete artiste et enseignante Technicien associé Alexandre Mairet ARTISTE 2009-2010 Michaël Sellam théoricienne 2010-2011 Martine Bubb http://pluginparade. wordpress.com/ Avec Tony Chauvin à la galerie Mélanie Rio, Jean Herpin à la galerie Le Quatre, FrançoisEudes Chamfrault, Philip Griffiths, Magali Desbazeille, Peter Gena & Steve Waldeck, Gaëtan Robillard, Sylvain Le Beux et Matthieu Crimersmois Mothership Union - 1 visiteur/auditeur de dos, terrasse de l’école d’architecture de Nantes © Vincent Voillat Le projet de recherche s’élabore à partir de 2008 avec le collectif d’artistes et d’ingénieurs Métaphores Urbaines (M.U.) sur la base de leur projet Sound Delta (projet A.N.R. et DICREAM) : le spectateur-flâneur géo-localisé parcourt librement un territoire dans lequel sont réparties des sources sonores définissant l’architecture de la composition musicale ou sonore perçue. Plug-In passe en phase active aux beauxarts de Nantes durant l’année universitaire 2009-2010, en signant des conventions de recherche avec le collectif M.U. et avec la Maison des Sciences de l’Homme (MSH – unité mixte CNRS) de Paris Nord, et en engageant comme artiste-chercheur Michaël Sellam. Avec eux se met en œuvre le principe de fonctionnement du projet : le développement de terrains d’observation, essentiellement des productions artistiques, sur lesquels l’analyse d’une recherche en art multimédia peut porter de « l’intérieur » sans hypothèses préconçues. Au-delà de ce champ spécifique de la création, Plug-In participe à la question globale et internationale de ce qu’est une recherche en art, ainsi qu’à la réflexion sur les pédagogies de l’enseignement artistique. associés, sont invités à pratiquer et expérimenter, débattre, proposer, concevoir et réaliser des productions, et à les exposer, tout en conservant leur démarche ouverte et lisible. Cela aboutit à plusieurs expositions, dont deux principales : Préliminaires de Michaël Sellam en mai 2010 à la galerie de l’ESBANM ; et Mothership de Michaël Sellam + Mothership Union d’artistes invités, fin octobre 2010 à l’école d’architecture de Nantes (ENSAN) et dans plusieurs lieux d’exposition, d’intervention et de performance sur un parcours défini dans la ville de Nantes, à l’occasion du 11e congrès d’ELIA – European League of Institutes of the Arts. Dans Mothership Union, les artistes ont chacun librement interprété le scénario de départ de Mothership, pour produire dans une même temporalité une réalisation artistique commune mais diverse. Michaël Sellam a conçu son scénario en mettant à profit les potentialités de Sound Delta, en relation étroite avec le collectif M.U. En complément, Plug-In et sa déclinaison pédagogique dans le cursus du second cycle de l’ESBANM - Projection Retransmissions (M1-M2) – créent régulièrement dans et hors école, des expositions artistiques multimédias qui inscrivent cette recherche dans une interaction au public sur le Autour des propositions de Michaël Sellam, plusieurs créateurs, intervenants, collectifs, enseignants, étudiants et anciens étudiants 2 1. présentation plug in Plug-in et la MSH, de construire une analyse à caractère scientifique, validée par le comité scientifique de la revue et son comité éditorial. territoire de la cité, à la fois comme sujets d’investigation et nécessité constitutive de la pratique en art. à la fin de l’année universitaire 2010-2011, sept expositions – six Retransmissions (5 à Nantes, dont 3 hors école et 1 à Paris Saint-Denis) et Croisements Numériques à Saint Nazaire – auront été réalisées depuis mars 2009 avec les étudiants de l’ESBANM. Autre aspect de l’action de Plug-In : la participation à des séminaires, colloques et conférences, comme Poétique du Numérique Université de Nantes (CERCI), rencontres Croisements Numériques Saint-Nazaire, Network Performing Arts Production Workshop IRCAM, Territoire - Design Développement ESBANM/CERCI/ENSAN/ Ars Industrialis, Territoires Elargis (Art, Psychiatrie et Cité) ESBANM/CHU Nantes, Interactive Installations SAIC Chicago. Plug-in met en perspective des problématiques par une série de conférences, les Transmissions, organisée avec la Maison des Sciences de l’Homme de Paris Nord, axe 1 (Esthétiques, arts et industries) thème 4 : Art-Appareils-Diffusion, dans le champ esthétique, médias et création multimédia. Dans le cadre de ce partenariat, un couplage est initié entre Plug-in et le cursus recherche MSH (Master et Doctorat) de Jean-Louis Déotte, Professeur de l’Université Paris 8 en philosophie, avec un intérêt plus particulier mais non exclusif pour la relation art multimédia et espace. En 2010 et 2011, les 22 conférenciers des Transmissions et 6 intervenants des rencontres PlugIn – Pierre Faucher, Daniel Grimaud, Jean Levêque, Monsieur Mouch (enseignants à l’ENSA), Olivier, ingénieur de MU avec Phillip Griffith, performer de MU –, ont été soit des artistes, soit des théoriciens, soit les deux ; mais également commissaires d’exposition, critiques, journalistes, enseignants, scientifiques, etc. Selon les propositions, Plug-In met en œuvre des partenariats tant au niveau du processus de conception artistique, de l’accès aux techniques que des possibilités d’exposition, de médiation et de diffusion : PING, M.U., Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes, CERCI – Université de Nantes, IRCAM (programme européen Comedia), SAIC Chicago, ELIA, Galeries MélanieRio, Le Quatre et le 6B, Festival Croisements Numériques. Pour engager l’analyse critique et participer à l’élaboration d’une méthodologie, Plug-in se dote au début de l’année universitaire 20102011, des compétences de Martine Bubb, docteur en philosophie de l’Université Paris 8, rattachée à la MSH Paris Nord et plasticienne de formation initiale. Avec elle s’élabore une analyse des expositions organisées par PlugIn, et en 2011, le programme de conférences Transmissions et deux projets éditoriaux parallèles : un hors série de la revue en ligne Appareil de la MSH, portant sur les imaginaires connexes de Mothership Union (pré-projet) ; et une publication rétrospective de l’ensemble des actions et réflexions de Plug-in, conçue comme un objet plastique. Dans le cadre du hors série de la revue Appareil, Martine Bubb se propose, pour Transmission, Vincent Blary, Le Géométral et la Grange, Beauquesne 2009, © Martine et Vincent Blary 3 2. méthodologie plug in contraintes pratiques et théoriques fortes. Des étudiants M1 et M2 de l’ESBANM et quelques étudiants ayant déjà fini leur cursus DNSEP accompagnent dans leur totalité la conception et l’organisation des projets. Ils sont invités à produire librement et régulièrement, et à exposer des travaux au fur et à mesure de leurs réflexions. Michaël Sellam Vue de l’exposition Préliminaires, à la galerie de l’école des beaux-arts de Nantes, mai 2010 La rencontre avec des acteurs des mondes culturel, artistique et scientifique, et avec des architectes, permet également d’enrichir les réflexions. Des relations se tissent avec l’école nationale supérieure d’architecture de Nantes (ENSAN), en particulier avec les plasticiens qui y enseignent et y encadrent des recherches. Un groupe de travail composé d’enseignants et d’étudiants se constitue, encadré principalement par Pierre Faucher, artiste, et Daniel Grimaud. Une participation croisée à une série de séminaires, de Transmissions et d’expositions Retransmissions s’est mise en place. L’originalité des espaces intermédiaires de l’ENSAN (les rues intérieures) a motivé l’équipe Plug-in à y insérer des gestes artistiques jouant sur la notion de contamination spatiale et temporelle, dans le cadre d’un partenariat productif : l’œuvre Mothership, l’exposition Mothership Union, ainsi que l’exposition et des performances de l’événement Retransmissions 3. Ces actions sont liées à des enjeux relatifs au territoire, associant l’art contemporain et l’architecture, le territoire d’information, celui des flux et des liens, au territoire construit, urbain ou plus généralement structurant. Quelles méthodes pour cette recherche, quelles formes de résultats, quelles règles d’échange entre chercheurs, quels critères de validation ? Ce sont des questions dont le statut émerge de cette première phase de Plug-in qui doit aboutir à une méthodologie propre à la conduite et à la validation de cette recherche en art contemporain multimédia. La méthodologie de recherche de Plug-in s’articule donc sur le principe que la production est en amont de la réflexion, mais aussi en aval. Sur le plan théorique en lien étroit avec la partie artistique, Plug-in se base sur six terrains d’analyse : le projet Sound Delta, qui est son point d’entrée ; la production personnelle de l’artiste chercheur Michaël Sellam et son projet Mothership ; les Retransmissions et expositions ; les Transmissions, conférences et rencontres ; les workshops de développement pratiques qui interrogent le rapport de l’artiste à la technique, de l’artiste à l’ingénieur ; le projet de l’équipe de l’ESBANM, considéré dans sa dimension pédagogique. Par son analyse de l’ensemble des pratiques, la chercheuse théoricienne Martine Bubb, docteur rattachée à la MSH, concourt à faire émerger l’axe à poursuivre à la suite des deux années d’élaboration écoulées. Elle suit les réalisations et théorise avec les artistes, les intervenants, les étudiants et l’ensemble de l’équipe. L’originalité de la collaboration avec la MSH réside dans le fait d’établir des liens entre des théoriciens de l’Université et des artistes, enseignants et étudiants de l’école d’art, en particulier de lier leurs pratiques artistiques et théoriques. Les séminaires à la MSH et les Transmissions à l’ESBANM ouvrent en partie le champ de la pensée. Ils permettent aux étudiants (niveau Master et +) des deux structures de se confronter à des Sur le plan pratique, l’ensemble de l’équipe Plug-in se réunit régulièrement pour partager les acquis des projets et leur devenir. Des demi-journées sont consacrées aux séminaires, à la mise en œuvre des projets individuels et collectifs, à la réflexion théorique et aux démarches de conception et réalisation technique qui s’enrichit d’ateliers de développement pratique et technique. Les étudiants et anciens étudiants associés au projet participent une demi-journée par semaine aux séminaires, les Transmissions, et aux rencontres-débats. Un atelier hebdomadaire de création, intitulé Projection Transmissions, est proposé aux étudiants du second cycle afin de développer, à partir d’une démarche 4 2. méthodologie plug in Extrait de Transmission Michel Porchet visioconfrence MSHESBANM 26/1/2010 expositions et les publications seront la base des évaluations nécessaires à la recherche, dont une étape importante est, en juin 2010, une validation par le comité scientifique de la MSH, de la méthodologie de la recherche mise en œuvre par Plug-in. personnelle, les problématiques abordées dans le projet de recherche. Les autres étudiants du second cycle qui le souhaitent sont impliqués comme spectateurs, auditeurs et contributeurs ponctuels. Les Transmissions, les interventions, rencontres et débats sont enregistrés. Chaque intervenant des Transmissions fournit en plus un texte de son intervention ou de ses réflexions quant au thème ou au projet abordé. Ces textes servent de base à la réflexion théorique et à l’élaboration des publications. L’équipe, les partenaires et les étudiants sont par ailleurs engagés dans un travail documentaire. Une documentation se constitue donc au fur et à mesure, en complément de celle des actions artistiques de Plug-in, majoritairement ses expositions et les travaux de ses artistes chercheurs et invités. Le tout est sauvegardé sous forme numérique dans un disque dur dédié et partiellement consultable via un blog (http://pluginparade.wordpress.com/) actif et accessible à l’ensemble des acteurs du projet, et lisible en lien avec le site de l’ESBANM. Il s’agit maintenant de cibler une problématique et de réaliser deux publications dans la perspective d’une valorisation des résultats de la recherche de Plug-in : à la MSH dans le cadre de la revue Appareil, revue à caractère scientifique, et à l’ESBANM, publication de synthèse de caractère plastique. L’objectif est double: travailler des problématiques sur le plan des pratiques artistiques puis théoriques à partir d’œuvres collectives ou individuelles liées au numérique, et faire émerger, d’interrogations complexes, les éléments d’une pratique féconde pour les étudiants. Les différentes Durant les deux premières années de la recherche engagées par Plug-in avec toutes ses parties prenantes et au travers de l’ensemble de ses actions, les questions suivantes se sont dégagées : • la perception de l’espace et du temps du spectateur se déplaçant à sa guise dans le cadre d’une proposition artistique (le musée n’est pas exclu des dispositifs envisageables) ; • l’appropriation de l’œuvre interactive ou participative par l’action du spectateur dans un temps et/ou un espace donnés, construits ou non, qui pose la question de son rôle au sein du dispositif (passe-t-il du statut d’instrumentiste à celui d’opérateur, de passager, d’interprète ?) • la liberté du spectateur, capté ou appareillé (liberté pouvant inclure une large part d’interactivité), à la fois comme composante du désir de l’artiste et sa résultante dans l’œuvre réalisée ; • l’anticipation de l’artiste par rapport à l’action (ou l’intervention ou même la seule écoute) du spectateur/auditeur (quelles anticipations, sur quels critères, comment sont-elles mises en forme ?...), quels sont les possibles que l’artiste choisit de faire « entrer » dans l’élaboration de son œuvre, quel est le statut des possibles qui lui échappent ; parallèlement, question de la programmation interactive ; • l’émancipation de l’artiste par rapport à sa technique, ayant un rôle de moteur 5 2. méthodologie plug in « Pour résumer et préciser à la fois le type de méthodologie et l’intérêt porté à la technique dans le champ de l’art, propres à Plug-in, on pourrait citer Descartes qui ne dénigre pas la technique, dont il loue l’utilité, mais dans laquelle il décèle parfois un manque sur le plan philosophique. En effet, des inventions comme les lunettes ou la camera obscura ont été découvertes par l’expérience et non par « la méthode » que Descartes considère comme la source de toute science véritable – ce qui les rend suspectes. Sur les lunettes : « à la honte de nos sciences, cette invention, si utile et si admirable, n’a […] été trouvée que par l’expérience et la fortune » (La Dioptrique, Discours Premier de la Lumière). Bacon fait des remarques analogues sur d’autres inventions (boussole, poudre à canon…) La méthode cartésienne, qui se lit dans la structure même de la Dioptrique, consiste à aller du plus simple au plus complexe. Or, s’il fallait définir une méthodologie de notre équipe Plug-in, on pourrait dire qu’elle se situe aux antipodes de cette méthode, dans la mesure où elle semble partir du plus complexe, en explorant sans idée préconçue, à partir d’un « souci » (Sorge) (J. Lévêque) commun mais encore indéfinissable, une multitude d’approches artistiques ou techniques... donnant la sensation d’une sphère immense et indéterminée, pour petit à petit, empiriquement et par intuition, resserrer le questionnement et parvenir au plus simple, c’est-à-dire un objet précis de recherche qui pourra dans un second temps être abordé de manière plus cartésienne. » d’inspiration ; • le territoire de l’œuvre immatérielle, représentation ou flux-réseau informationnel, et les modèles scientifiques, philosophiques et sociaux de réalité ; • l’artiste du virtuel et son désir de (re) matérialisation de l’œuvre ; • les œuvres mettant en question les dispositifs projectifs (le cinéma n’est pas exclu) ; • la temporalité de l’œuvre musicale ou des œuvres dans lesquelles le sonore est prépondérant, (là aussi des œuvres diffusées de façon traditionnelle ne sont pas exclues) ; • l’autonomie de l’œuvre interrogée par le dispositif proposé ; • la création plastique dans le domaine du numérique et de l’architecture, de la simulation à la représentation ; • l’œuvre en collaboration et ses processus d’imaginaires connexes, allant de la conception au devenir participatif ; Martine Bubb 6 3. Objet de la recherche 3.1. michaël sellam mothership Mothership Union Michaël Sellam exposition ensa nantes 29 octobre 4 novembre 2010 http://michael.sellam.free.fr portation qui aurait échouée, qui aurait été maladroite. La rencontre et la présence de cet objet étrange ne va pas de soi. Il y a un mystère, quelque chose d’incompréhensible et d’irrésolu dans cette cohabitation surprenante. L’intelligence extra-terrestre qui est à l’origine du vaisseau élabore un principe de construction simple et répétitif. La forme cubique en constitue le principal et unique élément. Déployée à l’échelle de chacun de leurs édifices, cette forme est une sorte de virus, un logiciel sans faille qui peut se répandre à l’infini. C’est un système clos, un mode de pensée auto-centré. Le projet Mothership présente un espace sculptural de fiction à parcourir sur plusieurs niveaux. Dans un premier temps, la confrontation physique à l’objet implique une déambulation. Les spectateurs peuvent se déplacer autour de la structure et circuler à l’intérieur, entre les parties de son squelette architectural. Un ensemble de haut-parleurs est dissimulé dans la structure. Équipés des casques spécialement conçus pour le dispositif Sound Delta, les spectateurs peuvent percevoir les sons provenant de la sculpture et ceux qui leurs parviennent directement. Il est particulièrement intéressant de composer Une architecture étrange se déploie dans un vaste espace lumineux. Imposante, sombre et abîmée, elle semble appartenir à une civilisation inconnue, peut-être extra-terrestre. Il est difficile de savoir si elle appartient à un passé lointain ou si elle nous provient du futur. Peut-être s’agit-il d’un vaisseau spatial. La matière noire qui la compose ressemble à du métal, on peut entendre des sons qui s’en échappent. Quelque chose s’est passé ici. Ils sont parmi nous. Invisible, inaccessible, une forme de vie intelligente, certainement de type extra-terrestre est entré en contact avec nous. Sur terre, leur présence n’est perceptible que par les résidus d’une architecture inconnue, les ruines d’un vaisseau spatial gigantesque. Il n’est pas possible de le contempler dans son entier, des fragments en sont disséminés sur toute la surface de notre planète. Son échelle dépasse toute mesure, tout calcul. Une équipe de chercheurs a mis au point un système qui permet d’écouter les mouvements, les déplacements de ces entités dont aucune image ne peut être appréhendée. Encastré sur les différents étages et la terrasse de l’école d’architecture de Nantes, l’épine dorsale du vaisseau spatial semble se dissoudre, peutêtre est-il la trace, le souvenir d’une télé- 7 3. Objet de la recherche 3.1. michaël sellam mothership Mothership Union Michaël Sellam exposition ensa nantes 29 octobre 4 novembre 2010 http://michael.sellam. free.fr Gaëtan Robillard : plasticien, créateur du design des casques de Mothership Composition sonore : Sylvain Le Beux, François-Eudes Chanfrault, Matthieu Crimersmois & Michaël Sellam Développement informatique (Sound Delta) : Olivier Guillerminet Coordination R&D : Michel Porchet Mastering : Zak Cammoun & Philip Griffiths une partition spatiale qui prenne en compte les relais et échanges possibles entre un son perçu depuis une enceinte et un autre au casque. Il y a une interaction à imaginer entre les différentes sources sonores. Connaissant précisément la position des personnes, les possibilités d’interactions avec l’environnement sont aussi multipliées. Enfin, le dispositif d’écoute est déployé à l’échelle de la ville, circulants, les spectateurs prolongent alors l’expérience dont l’installation est le centre névralgique, la maison mère. En situation de réalité augmentée, proche de l’univers des jeux vidéos, l’explorateur découvre l’espace mystérieux et inconnu qui l’englobe. Il peut suivre et saisir la carte physique du dispositif son / architecture. Il est simultanément au centre des sons et autour. La cohabitation des sources sonores lui permet d’appréhender la zone « extra-terrestre » composée par la relation entre la sculpture et les sons diffusés par les hauts-parleurs et ceux perçus au casque. Il y a dans ce scénario une grande liberté de circulation, d’interprétation et d’évaluation. En situation de découverte, on est face à un mystère, une enquête, on peut suivre les sons et être attentifs à leurs déplacements dans l’espace. Dans le cadre d’un parcours à l’extérieur, le projet se déploie alors dans une vaste partie de la ville de Nantes, qui, amplifiée, nous place dans une situation proche de l’héroïne Alice au Pays des merveilles. Dans le roman de Lewis Carroll, on peut accéder à d’autres niveaux de la réalité et circuler, vivre une aventure sans but apparent. Le dispositif permet de surprendre le spectateur, de le guider, parfois de le brutaliser. Dans le livret de la pièce électro-acoustique « La légende d’Eer », le compositeur Iannis Xenakis précise : « Quand j’ai composé La Légende d’Eer, je pensais à quelqu’un qui se trouverait au milieu de l’océan. Tout autour de lui, les éléments qui se déchaînent, ou pas, mais qui l’environnent. » Au temps subi, l’artiste peut opposer un temps relatif de l’œuvre virtuelle. C’est un des objectifs de la recherche artistique du projet Sound Delta. Son enjeu : permettre à chaque observateur/acteur de composer sa propre temporalité de la pratique d’un territoire hybride. Comment s’approprier ses états superposés, allant du territoire bâti au territoire émotionnel, en passant par diverses strates des territoires de l’information, du collectif à l’intime ? Dans ce processus d’interprétation à la fois individuel et partagé, l’acte de création s’inscrit dans l’écriture, la génération de formes: Sound Delta est basé sur une lecture sonore d’un espace urbain ou géographique, des sons entendus comme ceux induits par les diverses sources d’émissions d’ondes qui soustendent les territoires d’information ;de cette cartographie sonore naît une écriture poétique, composition musicale ou sonore indexée à l’évolution et l’exploration libre de chacun. Les œuvres réalisées dans le cadre de Mothership Union constituent cet enjeu. Les dimensions rhizomique et collective du projet initié par Michaël Sellam sont intrinsèques à sa pratique. Les artistes invités et les étudiants qui ont répondu favorablement au scénario de Michaël Sellam ont créé des œuvres situées à différents lieux de la ville. De ces œuvres émanent différentes pensées proches du contenu artistique de Plug In. Michaël Sellam 8 3. Objet de la recherche 3.1. michaël sellam mothership à l’univers du voyage de science-fiction ou de bande-dessinée (vaisseau spatial) etc.. mais pouvait aussi évoquer l’idée d’une vaste proposition structurante, qui accueillerait en son sein des initiatives plus ou moins indépendantes s’y raccrochant. La proposition ouvrait sur des réalités parallèles à travers plusieurs « portes d’entrée » débordant l’intention initiale, et une atmosphère s’était créée autour de la fiction de départ. En cela, ce travail semble avoir fonctionné, malgré son caractère inachevé, selon une logique d’appareil (micro-appareil) et non de simple dispositif, puisque sa forme n’est pas figée mais faisait au contraire émerger d’autres formes de sensibilité. Ainsi l’appareil au sens où nous l’entendons, parce qu’il lie la technique et le poiétique (son étymologie : apparere nous rappelant qu’il se rattache au monde des apparences, de ce qui se prépare) articule des dimensions hétérogènes : l’art, la technique… sans les dissoudre pour autant. Certains éléments du scénario furent prélevés de façon littérale mais d’autres réalisations se sont avérées originales, reflets de démarches individuelles. Une circulation s’était établie dans la ville, avec des frontières floues, plusieurs réponses s’avérant distanciées, décalées, humoristiques, ou plus critiques, politiques… Le problème de la dé-matérialisation / rematérialisation, très souvent abordé, s’est révélé symptomatique des usages des médias qui démultiplient les interconnexions possibles, et des recoupements se sont faits sur l’idée que le temps s’était arrêté. Cet événement n’était sans doute que simulé, le rapport au jeu et à la simulation étant d’ailleurs très présent dans l’univers multimédia, mais s’il n’y a pas eu d’événement à proprement parler dans Mothership, comme le soulignent avec une certaine légitimité les étudiants en architecture qui posent la question : « S’est-il vraiment passé quelque chose ? », il y a eu néanmoins propositions plastiques, interventions urbaines et expérimentation, recherche, aventure conjointe… ce qui dépasse le cadre de l’événementiel. Martine Bubb Mothership Union Michaël Sellam exposition ensa nantes 29 octobre 4 novembre 2010 http://michael.sellam. free.fr Avec Tony Chauvin à la galerie Mélanie Rio, Jean Herpin à la galerie Le Quatre, FrançoisEudes Chamfrault, Philip Griffiths, Magali Desbazeille, Peter Gena & Steve Waldeck, Gaëtan Robillard, Sylvain Le Beux et Matthieu Crimersmois Le scénario Mothership imaginé par Michaël Sellam, artiste-chercheur invité à l’ESBANM, a donné lieu à Nantes, fin 2010, aux manifestations Mothership Union, ensemble de propositions de 8 artistes, et Retransmissions 4, regroupant les réalisations de 6 étudiantes des Beaux-Arts et d’un nombre important d’étudiants en architecture en rapport avec Mothership, dans le cadre du 11e congrès d’ELIA : Hearth, L’art au cœur du territoire. Au centre de ces événements, une sculpture de M. Sellam autour de laquelle les spectateurs étaient invités à déambuler, appareillés de casques qui les plongeaient dans un univers sonore « extraterrestre », traversait l’architecture très particulière de l’ENSA, École Nationale Supérieure d’Architecture. Notons que le titre du scénario Mothership (bateau-mère) pouvait désigner métaphoriquement l’architecture imposante de l’ENSA, ancrant l’œuvre dans le territoire nantais de tradition navale et faisant référence 9 3. Objet de la recherche 3.2. artistes invités mothership union Magali Desbazeille Magali Desbazeille - performance Rue Barbe-Torte 5 - Mothership Union 28/10/2010 - © Quentin Bordes Magali Desbazeille (avec Siegfried Canto), invitée à réaliser une performance in situ aux alentours de l’école d’architecture de Nantes, engageait les participants à déambuler, à faire l’expérience sensible de l’environnement urbain tout en étant appareillés comme des opérateurs, portés par des sons et les images des pico-(vidéo)projecteurs sur les murs, les bancs, l’espace architecturé… Un univers poétique se recomposait selon un scénario renversé puisqu’on se retrouvait en 2050 à faire retour sur l’année 2010, notre présent, projeté comme passé, et cette dimension anachronique liant passé / futur sur un mode paradoxal, proposait une alternative un peu dérisoire à ce qu’on appelle l’Histoire, en ouvrant une réflexion sur la mémoire et sur la façon dont elle s’inscrit dans le territoire. La déambulation prenait une dimension absorptive, de par la durée de la performance, assez longue (une vingtaine de minutes) et se percevait comme une façon de « modeler » l’espace. Ce déploiement dans le temps impliquait une relation très physique au lieu et un rapport à la technique qui dépassait la simple utilisation passive, pour se constituer en vraie pratique (selon la distinction proposée par Bernard Stiegler), ouverte sur une forme de passibilité. Le dispositif, très au point techniquement, laissait place à une forme de hasard, lié par exemple au nombre de participants, et ces parcours singuliers, intériorisés, débordaient le dispositif, même si l’itinéraire n’était pas improvisé. Le son était aussi pensé dans son rapport à l’environnement 10 car la voix se détachait sur un fond de bruits de rue et de musique électronique et n’était donc pas issue de nulle part. De même, selon W. Benjamin, la voix se construit toujours sur un murmure : il n’y a pas d’écriture sans lecture, de figure sans fond... Par rapport à celle de Michaël Sellam, cette intervention était beaucoup plus légère, car basée sur une technique récente d’imagerie mobile et sur un équipement miniature, mais elle distillait aussi des éléments sociologiques ayant trait à la surveillance et au contrôle. L’imaginaire convoqué était celui de la sciencefiction, de l’anticipation, mais se distinguait des rêveries de « petit garçon » pour privilégier une forme distanciée, plus proche d’un univers comme celui de Chris Marker, avec des accents qui pouvaient rappeler Pérec, par les jeux sur le langage, le micro-récit… Les effets poétiques d’inventaire, de listes, de classement, renforçaient la dimension sociologique et critique de cette proposition. Ainsi, des questions plus ou moins graves liées à la pénurie de logement ou à la pollution automobile… étaient abordées sur un mode ironique, car mêlées à des micro-observations. L’appareil de projection était à l’œuvre autant dans l’espace (les images sur les murs) que dans le temps (la projection dans le futur de notre présent fictionné comme passé). On avançait comme des archéologues cherchant des traces, des témoignages d’une époque ou d’une civilisation inconnue, et ce travail sur le souvenir et sur la perte – avec comme horizon possible la constitution d’archives d’un monde disparu – nous invitait à questionner notre modernité et ses normes sociales, en révélant l’absurdité de nos comportements, parfois totalitaires. 3. Objet de la recherche 3.2. artistes invités mothership union Peter Gena (et Steve Waldeck) & S. Waldeck se sont inspirés. On pourrait aussi imaginer que les artistes interviennent régulièrement pour les réglages, ce qui suppose un rapport plus impliqué, témoignant d’une position critique face au numérique. L’une des dimensions de la proposition de Peter Gena et Steve Waldeck avait aussi un rapport au vivant, en particulier dans ses dimensions parasites, sur un mode musical imaginaire. Des séquences d’ADN étaient traduites en sons, mais aussi des virus, des bactéries… dans un travail de plus long terme, qui peut être compris à la lumière des théories de Peter Sloterdijk sur les systèmes immunitaires et une certaine « sphérologie ». La pièce de Peter Gena (et Steve Waldeck), Prometheus Redux, présentée à l’ensa Nantes, nous installait dans une sorte de bulle, de « boîte noire » ou de camera obscura, nous invitant à assister à la projection d’éléments colorés et mouvants sur un écran. Il était prévu au départ que la boîte soit en bois, mais devant une impossibilité technique, c’est finalement un container qui l’a remplacée, tout à fait avantageusement, car il renforçait l’aspect hermétique d’un lieu « bunker » dédié au plus complet absorbement du spectateur/auditeur, qui accédait à ce lieu à travers un rideau noir bouchant l’entrée de la boîte. L’installation jouait sur le rapport entre la densité du container et la fluidité des apparitions sur l’écran. L’aspect kaléidoscopique et hypnotique des images, en plus d’interpréter des structures ADN, pouvait aussi rappeler l’univers psychédélique des années 1960-70 et des expériences sous drogues avec perte des repères, telles que décrites par exemple par Walter Benjamin (Sur le haschich) et sa description d’un « plasma originel coloré », dans la continuité de sa définition de l’imagination comme puissance de déformation. La temporalité était celle du flux et du continuisme, car expérimenter cette pièce requérait du temps et une certaine durée « sans instants » qui supposait non pas un rapport de contemplation à l’image mais plutôt une forme d’immersion, l’esprit étant captivé, absorbé... Sur la partie sonore, P. Gena & S. Waldeck se situeraient dans la lignée de Pierre Schaeffer et d’une musique concrète réactualisée. Plus largement, ce travail interrogerait le rapport à la matière, par le côté très artisanal du dispositif électronique mis en œuvre, qui peut paraître anachronique face à l’univers du numérique. Or c’est cette « chimie » électronique qui induit des qualités et un rapport différent au temps, à la matière et à la lumière, du fait de son caractère plus instable. On relève un aspect bricolé dans ce dispositif qui nécessite une préparation manuelle, et une certaine fluidité, car l’installation suppose des réglages progressifs et ne fonctionne pas par sauts ou paliers comme l’ordinateur. Cette subtilité du dispositif technique fait écho aux infimes variations sonores et colorées de l’œuvre de Scriabine (Prométhée), dont P. Gena 11 3. Objet de la recherche 3.2. artistes invités mothership union Matthieu Crimersmois partir de sons de synthèse (François-Eudes Chanfrault) faisait la part belle aux parasites, sonores cette fois-ci, en adéquation avec l’idée générale de la sculpture, et cet environnement sonore avait d’ailleurs pu être perçu comme gênant, par certains étudiants de l’école. Plusieurs passages pouvaient rappeler des bourdonnements d’abeille, des bruits d’insectes... M. Sellam faisant justement référence à un essaim d’abeilles tueuses d’Afrique embarquées dans des bateaux et importées, véritable fléau pour les autres qui se sont trouvées éradiquées. Chez Matthieu Crimersmois, c’est la figure de l’araignée potentiellement « tueuse » qui émergeait, rendant perceptible une certaine fascination pour les formes de vie suscitant la crainte, par leur mystère et leur puissance archaïque. L’Araignée de Mathieu Crimersmois, exilée et isolée au deuxième étage de l’ensa Nantes, faisait rupture avec l’architecture environnante transparente, lui opposant sa matérialité sombre et dissidente, d’inspiration « art brut » comme la sculpture de M. Sellam, qui se référait entre autres à la culture hip hop afro-américaine, futuriste ou encore à la culture vaudou, de par son aspect agressif « de bois brûlé »... Elle se composait de disques vinyles thermoformés, mous comme le corps de l’araignée dont les battements du cœur étaient suggérés, de même que la position d’autodéfense passive. Une webcam intégrée (l’œil de la bête ?) introduisait une forme d’interactivité souple, puisqu’elle percevait les déplacements des visiteurs en fonction desquels elle déployait des sons. Agrandie, comme pensée à l’échelle humaine, elle nous renvoyait une image d’une part de nous-mêmes que nous aurions oubliée et qui, une fois révélée, nous saisirait d’angoisse (à rapprocher de La Métamorphose de Kafka, ou La Mouche de D. Cronenberg…). Elle provoquait un retour du refoulé en exposant sa nature primitive, fondamentalement inaccessible à la civilisation. Répugnante, mais aussi fascinante, fantastique, elle semblait sortir du cadre lisse souvent associé aux nouvelles technologies et projetait une certaine violence : s’imposant sans s’intégrer au bâtiment existant, elle semblait chercher à le parasiter. Le parasitage d’un lieu comme l’école d’architecture n’est cependant pas évident et c’est plutôt la figure du parasite qui émergeait. La notion de parasite se construit autour de ce que nous enseigne la biologie (Le Parasite de M. Serres) et révèle nos peurs face à ce que l’on perçoit comme dérangeant, indésirable ou menaçant de rompre l’équilibre ; c’est pourquoi c’est une notion qui peut être douteuse politiquement. C’est pourtant le rôle des différents systèmes immunitaires modernes décrits par P. Sloterdijk que de nous offrir une protection face à ces dangers potentiels, car depuis que l’homme n’est plus le centre d’un monde fini et hiérarchisé, il est de plus en plus exposé à tous les périls. Cette « araignée » se situait en tout cas dans une grande proximité avec l’imaginaire de M. Sellam, dont le dispositif produit à 12 3. Objet de la recherche 3.2. artistes invités mothership union Tony Chauvin évoquer l’odyssée de l’espace. Un rapport s’établissait entre la présence muette de la pièce in situ et le flot d’informations des images où les stèles apparaissaient flottantes, comme en apesanteur, non ancrées. La proposition d’ensemble accordait une place essentielle à l’imaginaire, révélant des potentialités critiques et une forme de distanciation par rapport à la technologie. En effet, la présence de stèles pourrait paraître archaïque au regard des dernières évolutions du numérique ; mais si celui-ci semble ouvrir la voie à une forme de déshumanisation, un fond immémorial subsiste. Nous est rappelée la puissance d’un corps qui s’éprouve, autant qu’il se calcule en images de synthèse. Ainsi, comme pour contrebalancer un système qui aurait pris trop de place, trop vite, sans intériorisation ou appropriation suffisante, la pièce de Tony Chauvin nous ferait re-prendre conscience du temps, de la durée – voire de l’éternité, les stèles ayant aussi l’allure de pierres tombales – en nous permettant d’échapper à l’immédiateté comme temporalité dominante. Parce qu’elle nous inviterait à réfléchir à une autre dimension pour extraire du flux un élément ne renvoyant finalement qu’à sa propre matérialité, cette installation consacrerait un objet lié à un savoir perdu, ancestral… Une certaine nostalgie peut alors être ressentie, d’un temps disparu, englouti dans un monde où la vitesse est obligatoire et où l’accélération exponentielle masque l’angoisse du temps qui passe, en occultant la question de la mémoire. Les Stèles de Tony Chauvin, présentées à la galerie Mélanie Rio, posaient la question de la matière et de la technique selon un rapport densité / suspension. La matérialité brute d’un monolithe placé dans le jardin de la galerie, intensément noir et d’une impressionnante verticalité, s’articulait à l’immatérialité (la présence spectrale) de stèles apparaissant dans un film en images de synthèse, projeté sur un écran situé dans une petite salle en sous-sol de la galerie. Les images montraient huit objets mystérieux s’alignant virtuellement, selon un scénario de science fiction. Le monolithe noir du jardin acquérait une présence incongrue, bien posé sur la pelouse, quasi-minimaliste, et parlait de lui-même, en émettant des sons. à l’origine, le fil de raccordement était visible au sol et conférait à la stèle des allures d’enceinte sonore sortie d’un concert de musique électronique. Puis, l’ajout d’un stéthoscope à faire naviguer sur le volume jouait sur l’idée d’une présence vivante, extraterrestre (qu’avait suggérée Michaël Sellam), imperceptible, insidieuse… Nous étions invités à sonder, tels des scientifiques face à un phénomène inexpliqué, un objet opaque, impénétrable, qui garderait finalement son mystère pour lui. Ce monolithe évoquait explicitement la puissance des lieux chargés de densité et de mémoire comme Stonehenge ou Carnac, alors que le film drainait beaucoup d’inscriptions de dimension futuriste, pouvant 13 3. Objet de la recherche 3.2. artistes invités mothership union Jean Herpin On pouvait déceler, dans la proposition de Jean Herpin, (Galerie Le Quatre), un regard critique porté sur les nouvelles technologies. La scénographie sur deux étages, les écrans, la voix qui répétait en anglais une menace imaginaire (selon laquelle la terre allant être « recyclée », il fallait procéder à une « évacuation » etc.), la musique, l’effet de volatilisation d’un tissu violet recouvrant une paire de baskets… tous ces éléments, dans un fonctionnement par métonymie, interrogeaient notre époque et introduisaient la question du postmoderne (avec la présence des baskets, des dollars...) ainsi que celle de la secte, sur un mode à la fois drôle et inquiétant, laissant entrevoir un sombre désir de mort mêlé à une fascination pour la technique et internet. La secte en question avait en effet réellement existé, jusqu’à sa fin absurdement tragique, et certains de ses membres avaient même programmé par des moyens assez complexes (en enregistrant une multitude de métadonnées les concernant…) une forme de postérité sur internet, en vue d’une propagande infinie. Dans un premier temps, c’est le rire qui dominait car l’installation comportait une dimension de foire, avec la vitrine composée de plusieurs éléments pris dans l’effet « magique » du souffle, puis le rire se faisait grave face à la menace d’une catastrophe imminente, et ce rire était revendiqué. La photographie nous montrait qu’on pouvait viser le ciel mais qu’on ne verrait aucune étoile, aucun horizon, comme si tout cela ne débouchait sur rien, comme si tout était illusoire… La proposition dans son ensemble introduisait une angoisse, sur fond de suicide collectif, et témoignait d’une forme de lucidité sur les technologies modernes censées apporter le bonheur. On était aussi appelé à s’interroger sur l’influence des marques et des industries culturelles, sur les opérations de nature commerciale, publicitaire, humanitaire, sur le prosélytisme religieux... L’installation, sur un mode poétique/ludique, posait la question de l’hégémonie de certaines idéologies et de leur diffusion à l’échelle du monde. Peut-on résister, même sous une forme modeste, à un système qui se voudrait totalisant, en mettant en place un dispositif de « pare-excitations » 14 qui réintroduirait du sens et du temps? Sur un mode non didactique, la question politique affleurait : l’humanité, par sa foi naïve en une nouvelle divinité – la Technologie qui pourra la sauver – se fabrique un monde aseptisé, aux fonctionnements sectaires car gommant la différence, l’hétérogénéité, et tentant d’imposer ses certitudes et ses normes, mêmes insensées. On pourrait entrevoir, dans la proposition de Jean Herpin, la possibilité de refuser d’adhérer à une secte mondialisée, de marquer sa liberté en faisant un pas de côté pour redevenir maître du jeu et non plus l’esclave de dispositifs ou de systèmes aliénants (V. Flusser). Pourrait alors s’affirmer la force émancipatrice de la technique. 4. bilan & analyse martine bubb mothership union - retransmissions 4 bilan de la manifestation organisée dans le cadre de Hearth, L’Art au cœur du territoire, octobre 2010. Avec Véronique Verstraete, GeorgesAlbert Kisfaludi, Philippe-André Béna, Michel Porchet et le collectif M.U, Michaël Sellam, les artistes de Mothership Union : François-Eudes Chanfrault, Tony Chauvin, Mathieu Crimersmois, Magali Desbazeille & Siegfried Canto, Peter Gena & Steve Waldeck, Jean Herpin, les étudiants des Beaux-Arts et de l’école d’architecture ainsi que leurs enseignants Daniel Grimaud, Pierre Faucher, Ghislain His, les responsables de séminaires de la MSH Paris-Nord Mothership Union - Retransmisssions 4 S’est-il vraiment passé quelque chose ? conférences éclairantes, et l’ensemble a représenté une expérience stimulante, malgré des problèmes évidents liés à la communication et à la diffusion qui ont eu pour conséquence de restreindre le public à un groupe d’initiés ou d’étudiants, alors que ces manifestations avaient le potentiel de toucher l’ensemble des participants, et, au-delà, tout un territoire, tout un ensemble urbain, de façon très dynamique. L’heure était à l’expérimentation, et les formes ne sont pas achevées mais à recomposer, dans d’autres lieux, d’autres contextes… Compte tenu du tourbillon qu’a représenté pour moi l’immersion dans cet univers nouveau, il m’a semblé nécessaire « d’arrêter le flux » en cherchant à reconstituer, sans exhaustivité, le parcours des propositions concrètes, tout en sondant le rapport artistes /appareils. À partir de cette expérience qui a nécessité une phase d’acclimatation, puis de décantation, différents éléments d’analyse et de synthèse se sont dégagés pour donner une vision plus « panoramique » d’une manifestation morcelée. Les photos qui m’ont été transmises, sortes de « résidus » de l’événement, m’ont aidée à structurer le questionnement autour de trois problématiques qui se sont précisées petit à petit. Ces thématiques comportent bien sûr une part d’arbitraire, puisque chaque réalisation déborde du cadre et n’est pas réductible à une catégorie, mais elles ont une utilité d’ordre méthodologique et le mérite, peut-être, de nous faire sortir de la confusion parfois perceptible dans la proposition d’ensemble. Ces trois axes s’appuient sur une dimension descriptive et théorique transversale autour des questions de fond portant sur l’événement, les relations arts/technique et les formes de sensibilité, les notions d’appareil et d’interactivité, dans un rapport à la structure numérique ou multimédia Afin d’apporter ma contribution au bilan général sur la proposition Mothership de Michaël Sellam, artisteinvité aux Beaux-Arts de Nantes, sur Mothership Union, ensemble de propositions d’artistes reliées au scénario de Michaël Sellam, et sur Retransmissions 4, regroupant les réalisations d’étudiants des BeauxArts et de l’école d’architecture en rapport avec Mothership (Nantes, 19 octobre-04 novembre 2010) je ne me lancerai pas ici dans l’analyse de ce qui a marché (ou pas) et de ce qui aurait pu être amélioré tant du point de vue technique que plastique, mais je me concentrerai sur l’aspect théorique et critique, qui est mon champ d’intervention. Cet apport, très partiel compte tenu du foisonnement et de l’hétérogénéité des réalisations, témoigne d’un point de vue extérieur, marqué par les problématiques de la Maison des Sciences de l’Homme Paris-Nord (MSH) autour de la question des appareils en particulier. J’ai néanmoins cherché à travailler « au plus près des œuvres » (objets, processus, expériences, contextes…) en me plongeant dans un univers multimédia qui ne m’était pas familier : pour cela, je me suis intéressée au fonctionnement des différents dispositifs ainsi qu’au discours des artistes et des étudiants, mis en perspective, et j’ai tenté de comprendre, à travers une « attention flottante », ce qui s’était fabriqué, ce qui s’était passé à cet endroit : y a-t-il eu événement ? Ces manifestations ont pris place dans le cadre du 11e congrès d’ELIA (European League of Institutes of the Arts) : Hearth, L’art au cœur du territoire (26-30 octobre 2010), congrès d’importance ponctué de 15 4. bilan & analyse martine bubb mothership union - retransmissions 4 incontrôlable : le végétal, l’animal, mais aussi les virus, avec l’idée de bulles conçues comme systèmes immunitaires pour s’en protéger (Peter Sloterdijk). Cet aspect se retrouve chez Michaël Sellam pour une part, plusieurs étudiants d’architecture, chez Anne Carrique (étudiante aux Beaux-Arts) et chez les artistes Matthieu Crimermois ainsi que Peter Gena & Steve Waldeck dans des registres très différents. des œuvres. L’enjeu, plus général, est de repérer les continuités mais aussi les ruptures induites par les nouvelles technologies, de réfléchir à la notion d’expérimentation et à la signification d’une recherche en art. C’est cette toile de fond, ce cadre conceptuel qui innerve nos réflexions présentes. Approche des différentes expérimentations selon trois axes La première partie introduit la question de la spatiotemporalité parfois paradoxale de ces expériences multimédia. J’ai tenté, à partir de la conception de l’espace chez W. Benjamin, de cerner ce qui s’est déployé dans la ville, en particulier à l’école d’architecture, dans un rapport plus ou moins poreux ou transparent à l’environnement. Les notions de parcours, de déambulation ou de dérive ont pu être interrogées, en prenant Les Immatériaux de J.F Lyotard comme point d’appui, de même qu’a été soulevée la question de l’inscription dans le territoire, avec ce qu’il véhicule de mémoire ou de possibilités de sauts temporels. Cet aspect a été analysé à partir des travaux de : Michael Sellam (avec François-Eudes Chanfrault), de certains étudiants d’architecture, de l’artiste Magali Desbazeille (avec Siegfried Canto) et de Makiko Furuichi, étudiante aux Beaux-Arts. Je me suis ensuite intéressée au rapport numérique et matérialité, en analysant plusieurs propositions qui faisaient explicitement référence à la matière, au savoir-faire, voire à l’artisanat, dans une temporalité de la durée, et qui, plus largement, accordaient une place essentielle à l’humain, l’imaginaire, le désir…, révélant des potentialités critiques et une forme de distanciation par rapport aux divers systèmes technologiques. C’est là qu’apparaît la question de l’appareil (en tant qu’il est une puissance d’articulation technique/esthétique), à différencier du simple dispositif. Cet aspect est très présent chez les étudiantes des Beaux-Arts : Marie Agnès Kerebel, Angéline Réthoré, Qing He, ainsi que, dans une certaine mesure, les artistes Tony Chauvin, Jean Herpin et certains étudiants d’architecture. I• Dériver dans des espaces-temps paradoxaux Tout d’abord, au-delà de l’aspect foisonnant des propositions, on peut noter l’importance, sur l’ensemble de la manifestation, du parcours, de l’itinéraire à faire dans tous les lieux de la ville investis par les artistes et les étudiants, même si l’on peut regretter le manque d’ampleur de la propagation par rapport aux lieux d’exposition et le manque de diffusion culturelle (la diffusion étant l’un des axes essentiels de notre programme de recherche à la MSH : « Arts, appareils, diffusion »), certaines propositions des étudiants de l’école d’architecture faisant exception par leur prise en compte concrète de cette dimension de dissémination urbaine… La déambulation comme expérience sensible et immanente de la ville – et non abstraite comme sur un plan d’architecte, strictement topographique – est celle du flâneur, pris dans une certaine ambiance (que Michaël Sellam a en partie suscitée), captif du temps qui s’étire, embarqué dans des lieux inconnus. Cette dimension d’étrangeté est propre à toute navigation selon une temporalité fluide et continuiste, qui était déjà celle de la camera obscura puis celle des passages urbains, à l’opposé de l’instant de la coupe perspectiviste. Les corps, qui ne sont plus des « sujets face à une scène », sont entraînés dans une expérience quasi-phénoménologique, de déplacement, migration, nomadisme… dans un territoire qui façonne les attitudes, les pratiques, autour de la myriade de points clés qui ont été circonscrits et qui, en émergeant, font exister une multitude de zones plus ou moins définies tout alentour. Cette souplesse du temps rend possible les arrêts réflexifs et un certain type d’absorbement. Une architecture « poreuse » Enfin, à partir de la figure de l’autre, de l’étranger, (Heejung Kim), s’est posée la question plus spécifique du parasite, qui m’a été inspirée par un séminaire de la MSH conduit par Alain Brossat : « Le parasite en art et en politique ». Ce thème peut paraître conjoncturel mais il représente une grille de lecture intéressante, dans la mesure où il trouve un écho dans de nombreux travaux présentés en plus d’être stimulant par rapport aux enjeux de nos sociétés contemporaines. Plus largement, j’ai relevé une attention portée à ce qui ne relève pas de l’humain mais d’une vie organique primitive plus ou moins 16 En premier lieu, la sculpture de Michaël Sellam ainsi que l’ensemble du dispositif réalisé avec le collectif MU (Métaphores Urbaines : collectif d’artistes, chercheurs) s’appuient sur l’architecture imposante et très particulière de l’ENSA (Ecole Nationale Supérieure d’Architecture). Cette sorte de « non-lieu » très ouvert, conçu pour un flux d’activités et d’expérimentations diverses, est peu propice à « l’événement », au sens où toute proposition peut y prendre place sans susciter beaucoup d’étonnement, car elle est rapidement 4. bilan & analyse martine bubb mothership union - retransmissions 4 absorbée – ce qui rend difficile une appropriation ou un détournement véritable. La sculpture développe un entre-croisement des espaces qui semble se situer dans la continuité d’une « architecture de la porosité ». Je renvoie ici au séminaire de J.L Déotte sur « W.Benjamin et la question de l’espace » où cette dimension est largement abordée. Cette tradition n’est pas nouvelle, de pratiquer des emboîtements ou percements dans les édifices : elle date des années 30 quand grâce aux matériaux nouveaux, la maison n’est plus conçue comme « pleine » ou comme un monument, mais comme un espace où se crée une respiration entre intérieur / extérieur, entre lieu d’habitation / ville, quand le verre franchit le seuil. Notons que la porosité est devenue extrême avec la dématérialisation toujours plus grande des espaces sur internet. Cet effet de traversée, de pénétration de la sculpture dans l’architecture est marquée, au deuxième étage, par le prolongement perceptible de la base au plafond (malgré le problème du cerclage au sol qui casse un peu le mouvement et l’idée de surgissement brutal) et rend ainsi visible, sensible et immédiat le rapport du bâtiment à la ville, surtout sur la terrasse. Certes, on peut noter une forme de concurrence avec les tours, qui s’explique par le manque d’amplitude de la sculpture, mais un rapport très fort s’établit cependant. Cependant, le point de vue le plus pertinent consiste à observer cette structure non pas en vue aérienne, mais depuis la ville, au niveau du sol, des ponts, et l’on remarque alors que la structure est peu visible, peu signifiante, ce qui explique pour une part son manque d’impact dans le milieu urbain et l’absence de dynamique globale suscitée. Mais cette structure absurde interroge : est-ce un jeu d’architectes ? d’étudiants ? La porosité (l’ouverture) est aussi thématique : cette structure est-elle tombée du ciel ? par accident ? s’est-elle brisée ? La logique est peu compréhensible, ouverte sur des réalités parallèles, impossible à situer, car il y a plusieurs « portes d’entrée » débordant l’intention initiale. Une atmosphère s’est créée à partir de la fiction des extraterrestres (scénario-prétexte ?) qu’a imaginée Michaël Sellam. En ce sens, ce travail peut être vu comme une proposition structurante qui trouve une analogie avec la notion d’appareil (microappareil), puisque sa forme n’est pas figée mais cherche au contraire à entraîner d’autres propositions dans une dimension collective. Déambuler ou se perdre ? Cette proposition joue aussi fortement sur la déambulation. La probabilité de se perdre dans le bâtiment est forte et renforce la sensation de vivre une expérience temporelle. La structure prend parfois une allure anecdotique, quand le déplacement est vécu pour lui-même, avec l’intensité d’une marche rituelle ou d’un chemin quasi-processionnel, tel que le pratiquent par exemple les Indiens, selon 17 l’analyse de Philippe-André Béna qui a soulevé cette question. Cet aspect est particulièrement frappant dans la deuxième vidéo de « reconstitution » du parcours. L’architecture de l’école, construite autour de l’idée d’un flux d’activités, est propice à l’expérience de l’errance, d’après les témoignages de nombreux étudiants, et cette expérience est ici amplifiée par l’invitation à un parcours quasi labyrinthique, augmenté d’une expérience sonore devant se manifester autour d’un épicentre (point focal d’impact imaginaire) et de zones plus ou moins denses, plus ou moins vides, en fonction de l’éloignement par rapport à la structure. C’est l’image du flâneur mais aussi du passager qui se laisse transporté dans une spatio-temporalité qui interroge la durée et l’écoute. Ce dispositif n’est pas fermé car il laisse la place à des failles éventuelles, et n’a pas la rigidité d’un système industriel, même s’il joue avec la technologie. Les dimensions d’attente, d’anticipation rompent avec la temporalité propre aux nouveaux media et aux technologies de localisation, celle d’un présent perpétuel et d’une quasiinstantanéité (Michel Porchet nous rappelle qu’il y a toujours une latence minimale du système, un retard par rapport à la position réelle). La vidéo d’après coup, avec son côté cinématographique réfléchi à l’avance, radical, construit un temps encore différent de celui de l’errance, puisqu’on ne se perd pas, on ne cherche pas, mais on suit un itinéraire linéaire, en « temps réel ». Le montage rend compte de cette autre déclinaison de l’espace-temps qui est celle de l’ascension progressive. Y a t-il eu conflagration ? déconstruction ? ou simplement expérimentation – au sens de tests ou essais scientifiques répondant plus ou moins à une commande, avec production de maquettes en vue d’une forme, d’étapes intermédiaires qui s’élaborent dans le temps autour d’une idée, d’un concept… d’une progression à partir d’échecs comme conséquences d’une confrontation avec l’imprévisible ? Ce terme aurait besoin d’être clarifié et défini plus précisément (de même, au-delà, que celui de recherche) car il est parfois utilisé pour justifier quelque chose qui ne marche pas ou qui entretient un rapport avec le « bricolage technologique » (art expérimental), mais on peut d’ores et déjà remarquer que les nouvelles pratiques d’installations multimédia accordent une importance toujours plus grande au processus, à l’évolutif et à la perfectibilité, au sens benjaminien d’une œuvre qu’il est toujours possible de « reprendre » et de retravailler théoriquement à l’infini. Cette forme de temporalité inaugurée par le cinéma et la modernité, de plus en plus présente, s’oppose radicalement à celle de l’irréversibilité inhérente à un art comme la sculpture au sens classique. Les Immatériaux de J.F Lyotard ne tiendraient-ils pas lieu de « matrice secrète » de la proposition de Michaël Sellam, celle-ci se situant logiquement, 4. bilan & analyse martine bubb mothership union - retransmissions 4 avec une intention plus ou moins consciente, dans la continuité de cette expérience inaugurale qui jouait de façon tout à fait novatrice avec ces « immatériaux »1 que représentaient à l’époque le multimédia, le son… et qui se révéla fondatrice des développements ultérieurs de l’expérience esthétique? Les parcours proposés au Centre Pompidou en 1985 dans une soixantaine de pièces-sites sans hiérarchie ou vision d’ensemble perspectiviste, marquant le refus du postmodernisme d’un ordre spatial classique, avaient pour effet de troubler le public, tout en le maintenant dans une forme d’interactivité ludique. Il s’agissait de le désorienter, de le faire glisser, naviguer dans des espaces fluides, labyrinthiques, en valorisant la dérive, accentuée par l’absence de succession qui serait celle d’un parcours préétabli. Le manque de renseignements et les obstacles à la communication plongeaient la plupart des visiteurs, qui erraient dans une multiplicité de lieux hétérogènes, dans une impression volontaire de confusion. La confusion était-elle volontaire dans la proposition de Michaël Sellam, ou s’expliquait-elle simplement par l’absence d’un commissaire d’exposition, d’un scénographe, d’un régisseur, de médiateurs professionnels… qui auraient pu assurer la dimension du « spectacle » (qui était de toute façon mise en jeu, dans son sens non péjoratif), en tant qu’art de l’espace mais aussi du temps, de l’enchaînement temporel ? cependant les interruptions et les silences ont peutêtre contribué à casser l’émotion d’une déambulation fluide ou engendrer le sentiment d’une discontinuité. Si l’une des potentialités des environnements sonores, pensés dans leur relation à la ville, est d’entraîner dans un flux pour « lire l’espace urbain », à travers la flânerie et l’absorbement, il semblerait que l’expérience proposée soit celle d’une interruption du flux, nous projetant régulièrement dans un vide peu compréhensible, et cela en raison, partiellement, de dysfonctionnements techniques (dus à une agence extérieure, et à une alternative qui n’a pas été possible à la géolocalisation, du tracking vidéo?) ou nous projetant dans un excès, les sons devenant inaudibles en présence de plus de trois ou quatre personnes au même endroit, l’architecture de l’ENSA étant très réverbérante. Je renvoie ici à l’article de Francesca Gallo sur les Immatériaux, paru dans la revue Appareil2 qui rappelle que J.F Lyotard souhaitait que le visiteur se trouve dans un désert « parsemé d’oasis ». En ce sens lyotardien, se trouve t-on face à une « non exposition »? un « non-événement », bien que la notion d’événement ait été très souvent évoquée jusqu’à tourner en boucle? La question des étudiants de l’école d’architecture trouve ici sa légitimité : S’est-il vraiment passé quelque chose ? Michaël Sellam a de toute évidence refusé le jeu de la communication extérieure, en écartant tout élément didactique, explicatif ou simplement signalétique (hormis un plan peu utilisé) qui aurait pu nous guider, ce qui a suscité beaucoup d’interrogations, de scepticisme ou de frustrations, voire d’indifférence, de résistance et de rejet de la part des visiteurs. Il escomptait que l’événement soit sa propre communication mais n’a pas forcément obtenu le résultat attendu, pour diverses raisons (diffusion, etc.). Autre similitude avec Les Immatériaux : chaque visiteur était équipé d’écouteurs diffusant des textes, de la musique ou des bruits divers selon les zones traversées, et M.Sellam, de même, souhaitait que les sons, qu’on pouvait entendre dans les casques, soient pensés dans leur intensité, en fonction d’une part : des différents étages, avec l’idée de sons d’abord ténus s’amplifiant d’étage en étage jusqu’à atteindre son maximum sur la terrasse, en fonction d’autre part : des zones plus ou moins proches de l’impact. Alors que la technique mise au point par Michel Porchet (qui s’intéresse au rapport artiste/ ingénieur) et son équipe aurait permis de coloniser tout l’espace, les sons ont été pensés comme devant varier en fonction du déplacement du visiteur ; On peut introduire ici, de façon non exhaustive, une partie du travail de ces étudiants en architecture, du Master « Habiter le rythme », autour du projet si bien dénommé « grain de sable » qui laisse sa place à l’imprévu en lui reconnaissant un rôle créatif, loin des dispositifs et autres programmes. Ces étudiants, en dépassant leurs habitudes, ont proposé de façon inédite un accrochage dans la galerie de l’école des beaux-arts et interrogé les vaines catégorisations arts plastiques / architecture / théorie (qui peuvent avoir un rôle pédagogique cependant), ce qui laisse augurer d’autres formes de rapprochements à venir. La proposition de Michaël Sellam a joué un rôle moteur en permettant aux étudiants de s’approprier un scénario, lequel a d’abord donné lieu à tout un travail « d’écriture collective ». Notons que le titre imaginé : « Mothership » (bateau-mère) peut désigner métaphoriquement l’architecture imposante de l’ENSA, ce qui ancre la proposition dans le territoire nantais de tradition navale. Ce terme se réfère à l’univers du voyage, de la BD, de la science-fiction dans lequel la figure du vaisseau spatial apparaît souvent, mais il peut aussi évoquer l’idée d’une vaste proposition structurante, qui accueillerait en son sein des initiatives plus ou moins indépendantes s’y raccrochant. Se pose ici la question de l’autonomie de l’œuvre : Michaël Sellam a imaginé un dispositif volontairement ouvert, inclusif, en anticipant sur « Immatériaux » qui sont, en dépit de leur nom (Michel Porchet nous le rappelle) très ancrés dans la matière puisque reposant sur une industrie lourde. 2 Francesca Gallo, « Ce n’est pas une exposition, mais une œuvre d’art, l’exemple des Immatériaux de Jean-François Lyotard », revue Appareil [en ligne], MSH Paris-Nord, novembre 2009 Un parcours sonore contrarié ? 1 18 4. bilan & analyse martine bubb mothership union - retransmissions 4 les différentes propositions possibles que son travail était amené à provoquer, propositions qui lui échappaient nécessairement. Certains éléments ont été prélevés par les étudiants de l’école d’architecture de façon très littérale mais les réalisations se sont parfois avérées originales, reflets de démarches individuelles, malgré un manque de préparation. Les étudiants rencontrés, s’ils ont trouvé la présentation vidéo du projet « efficace » et prometteuse, ont pu aussi avoir le sentiment, pour certains, d’être plongés dans la confusion ou d’être instrumentalisés, au service du projet de l’artiste, en particulier à cause de problèmes de communication ou d’un manque de clarté dans les intentions. Mais ils ont fini par construire un regard sur le point d’appui proposé, et cette liberté n’a pas interdit que des liens se tissent, même ténus (le même phénomène pouvait s’observer avec les propositions des étudiants des Beaux-Arts). Une circulation s’est établie, avec des frontières floues, les réalisations s’avérant décalées, humoristiques… et des recoupements se sont faits par exemple sur l’idée qu’il s’est « passé quelque chose », que le temps s’est arrêté. Ainsi, la photographie prise à la patinoire interroge la spatio-temporalité d’une vitesse statique, d’une vitesse qui fait trace : la durée, le déroulement du temps est rendu sensible par cette trace de mouvement. L’absence devient présence, le temps est à l’arrêt, suspendu (comme dans les photos de Sujimoto ou Felten-Massinger…) et répond à l’idée de Michaël Sellam selon laquelle l’arrivée d’extraterrestres aurait provoqué une « interruption des temps ». De même, dans la pièce intitulée ZMD (Zone à mobilité dirigée), on imagine une déambulation proche de celle qu’on pouvait expérimenter à l’ENSA. Notons que les travaux exposés dans la galerie sont en fait des « traces résiduelles » d’interventions directes dans l’espace urbain, ce qui renforce la dimension d’inscription dans le territoire. Ici, une sorte de labyrinthe se déploie, tracé au sol dans une rue. Ce zig-zag pousse à l’exploration et invite à se poser des questions sur la ville, à chercher… Alors que le GPS par exemple indique le chemin le plus court, celui de l’efficacité, du gain de temps, ici le temps se perd. L’invitation à l’errance est marquée par le refus de la ligne droite. Le texte associé décrit un objet qui s’est écrasé sur le toit de l’ENSA (c’est la fiction de M. Sellam) ce qui provoque l’arrêt de toute forme de vie alentour, et peut-être l’anarchie ? – nous dit-on. Sur le mur de la galerie, on lit les réactions des passants, notées sur des papiers collés, qui s’expriment sur un mode ludique et humoristique, ce qui montre une appropriation par les habitants. Dans la pièce « Court circuit », on sort du modèle du labyrinthe pour celui de la boucle, car ici le plan se met en boule et nous fait « tourner en rond ». Là non plus, on n’avance pas selon le modèle de l’efficacité et du parcours le plus direct ; on est au contraire invité à partir à la dérive pour rejoindre l’infini, cette 19 géographie utopique créant des trajets inouïs. La pièce « Vous êtes ici » interroge aussi avec ironie le rôle du plan et introduit du doute, une forme de distanciation. De même, la plante verte couverte de neige libère une certaine fraîcheur, une certaine poésie. Le « futur du souvenir » On peut ici introduire le travail d’une artiste invitée à réaliser une performance in situ aux alentours de l’ENSA : Magali Desbazeille, (avec Siegfried Canto) : dans cette proposition aussi, on est amené à déambuler, à faire l’expérience sensible de l’espace architecturé, tout en étant appareillé. On se balade dans la rue en suivant un scénario renversé : on se retrouve en 2050 à faire retour sur cette année 2010, notre présent, projeté comme passé. De même, chez Michaël Sellam, référence était faite à une dimension archéologique anachronique liant passé / futur sur un mode paradoxal (ou contradictoire ?), l’aspect primitif de la sculpture contrastant avec la modernité du dispositif technologique. Ici, les participants sont invités à suivre, équipés à la façon d’opérateurs, les images des pico-(vidéo)projecteurs qui se projettent sur les murs, les bancs, l’environnement urbain, et qui recomposent un univers poétique. La déambulation prend une dimension absorptive, de par la durée de la performance, assez longue (une vingtaine de minutes), et se perçoit comme une façon de « modeler » l’espace. Ce déploiement dans la durée implique une relation très physique au lieu et un rapport à la technique qui dépasse la simple utilisation passive, pour se constituer en vraie pratique (selon la distinction proposée par Bernard Stiegler), pratique ouverte sur une forme de passibilité. Le dispositif, très au point techniquement, laisse sa part à une forme de hasard (lié par exemple au nombre de participants) et ces parcours singuliers, intériorisés, débordent le dispositif, même si l’itinéraire n’est pas improvisé. Le son est lui aussi pensé dans son rapport à l’environnement puisque la voix se détache sur un fond de bruits de rue et de musique électronique : elle n’est pas issue de nulle part. De même, selon W.Benjamin, la voix se construit toujours sur un murmure : il n’y a pas d’écriture sans lecture, de figure sans fond... Par rapport à celle de M. Sellam, cette intervention est beaucoup plus légère car elle s’appuie sur une technique récente d’imagerie mobile et sur un équipement miniature, mais elle distille aussi des éléments sociologiques ayant trait à la surveillance et au contrôle: c’est un point commun avec le travail de M.Sellam et son système de géolocalisation (expérimenté et développé par M.U dans le cadre du projet Sound Delta) qui permet de suivre très précisément la position relative d’une personne qui oublie vite qu’elle est « surveillée », alors que tout son parcours est enregistré. L’imaginaire 4. bilan & analyse martine bubb mothership union - retransmissions 4 convoqué est aussi celui de la science-fiction, de l’anticipation, mais il se distingue ici des rêveries de « petit garçon », dans la mesure où il apparaît décalé et distancié, plus proche en cela d’un travail comme celui de Chris Marker (sur la question d’une temporalité paradoxale), avec des accents qui peuvent rappeler Pérec, par le travail sur le langage, le micro-récit… Les effets poétiques d’inventaire, de listes, de classement, de répétition, renforcent la dimension sociologique et critique de cette proposition qui interroge notre modernité et nos normes sociales. Ainsi, des questions plus ou moins graves liées aux problèmes économiques, à la pénurie de logement ou à la pollution automobile…sont abordées sur un mode ironique, car mêlées à divers micro-récits ou micro-observations. L’appareil de projection est ici à l’œuvre autant dans l’espace – les images sur les murs – que dans le temps – la projection dans le futur de notre présent reconstruit (fictionné) comme passé. On avance comme des archéologues qui chercheraient des traces, des témoignages d’une époque ou d’une civilisation inconnue, et ce travail sur la mémoire, la perte – avec comme horizon possible un travail sur les archives d’un monde disparu – nous interroge sur l’absurdité de nos comportements, parfois totalitaires. l’esthétique du musée ou du cabinet de curiosités. Ce sont surtout les photographies d’aspect sépia, accrochées dans le même espace, dans des cadres anciens, rectangulaires ou ovales (en référence aux premières photographies), qui peuvent être perçues comme proches de l’univers de Boltanski et plus généralement d’une culture muséale de l’esthétisation du monde, de l’histoire, de la mémoire et des destins personnels… qui brouillent la frontière entre témoignage et fiction, les deux registres empruntant les mêmes codes esthétiques. En effet, ces photos nous projettent dans un monde fictif, puisque Makiko Furuichi s’est inventé une mémoire en se mettant en scène avec des commerçants de la ville comme si elle avait vécu à Nantes il y a longtemps, mais des indices, des éléments décalés, laissent entrevoir que ces photos sont récentes. Ces différents autoportraits interrogent la notion de lieu, de territoire, en projetant une fiction singulière sur la ville, conçue comme gardienne d’une histoire et de souvenirs. Ils brouillent aussi la frontière passé/ futur en donnant l’impression d’une temporalité impossible, à l’irréductible étrangeté. II• Matérialiser les « immatériaux » Le rôle des appareils Comme Magali Desbazeille, quoique sur un mode très différent, Makiko Furuichi crée aussi le « futur du souvenir » : la similitude est assez frappante. Elle anticipe une sorte d’archéologie du futur en proposant une alternative un peu dérisoire à ce qu’on appelle l’Histoire. Son installation permet d’ouvrir une réflexion sur la mémoire, sur l’expérience temporelle et la façon dont elle s’inscrit dans le territoire : en ce sens Makiko Furuichi n’est peut-être pas si extérieure au projet de Michaël Sellam qu’elle le pense, même si elle affirme ne pas avoir trouvé de résonance dans la fiction proposée. On remarque d’ailleurs que plusieurs étudiants ont marqué leurs distances en revendiquant avoir poursuivi des problématiques avant tout personnelles mais ont considéré cette fiction, pour la plupart d’entre eux, comme une occasion de réalisation, le point de départ d’une réflexion, une contrainte à détourner ou avec laquelle jouer. Il est à noter que dans certains cas, la contrainte a purement et simplement été ignorée par impossibilité de raccrocher l’univers de réflexions en cours à une proposition extérieure. L’installation de Makiko Furuichi peut se décrire ainsi : un système de diffusion (assez inédit) fait apparaître des images diverses à travers une série de bocaux posés sur une table, remplis d’un liquide qui peut évoquer le formol dans lequel seraient conservées les images de la mémoire ou des rêves, jusque dans leur aspect fluide et insaisissable. Ces images ont quelque chose de spectral, même si la lumière peut paraître vibrante, actuelle et non mémorielle, rompant avec la référence générale à 20 Marie-Agnès Kerebel opère aussi un brouillage, non sur le rapport à la mémoire, mais sur celui de la technique et du « fait main », tout en questionnant le rapport au temps, à la durée, qui n’est pas sans rapport avec la question des appareils, qu’on peut introduire ici rapidement. Un appareil laisse place à de l’indétermination, il comporte une dimension d’ouverture et autorise des échappées, à l’inverse du dispositif, qui donne seulement un nombre fini et prévisible de processus, qui peuvent être multiples mais qui sont toujours compris dans un programme. L’appareil est une notion intéressante en tant qu’il lie la technique – ce sens est bien connu, c’est le sens usuel – et l’esthétique, le terme « appareil » dérivant étymologiquement de « apparaître ». Il n’est donc pas sans lien avec le monde des « apparences », le monde des arts. Au-delà, il apparaît comme un principe d’articulation de notions hétérogènes, trop souvent opposées comme le corps et l’esprit, la sensibilité et la cérébralité, le réel et la représentation (ici le virtuel)... Il se différencie aussi de la prothèse dans la mesure où il n’est pas simplement le prolongement ou l’amplification d’une aptitude ; en effet il offre son assise à un certain rapport au monde, à la communauté, à la culture, en constituant des spatiotemporalités et des formes de sensibilité nouvelles, ce qui fait qu’il est une des conditions de possibilité des arts. Ouvert à l’histoire, l’appareil comporte une puissance de faire monde: selon les époques, il déploie ses possibilités, plus ou moins réalisées, plus ou moins latentes, et détermine un certain type d’événement. 4. bilan & analyse martine bubb mothership union - retransmissions 4 La question est de déterminer sur quel type d’appareil en tant qu’entité à la fois technique et poïétique (et non uniquement technique comme le dispositif), ou plutôt, de plus en plus, sur quel type de montage d’appareils s’appuient les œuvres (objets, processus…) proposées. Ainsi, le cinéma permettaitil déjà d’articuler des temporalités propres à la narration, à la contemplation picturale, muséale, ou encore à la photographie… pour se définir comme un appareil essentiellement impur. L’hétérogénéité des temps et des espaces paraît cependant être portée à son comble par les arts dits « numériques ». Savoir-faire et durée, au-delà de la communication Marie Agnès Kerebel, comme la plupart des artistes ou étudiants rencontrés, ne travaille pas en s’appuyant sur une logique fermée propre au dispositif (et à ses « effets ») mais tente au contraire d’articuler technique/esthétique selon un type d’appareil spécifique ou un montage singulier qui serait à définir. Elle a ici complètement retourné la signification d’un code ultramoderne : le Flashcode (sorte de nouveau code barres, où chaque case blanche correspond au 1, chaque case noire au O, selon un code binaire, et que l’on trouve en coin en petit sur les photos, journaux, affiches ou sites internet… qui sert de lien en ouvrant sur un territoire d’information), en en proposant une version recopiée « fait à la main ». C’est le premier flashcode artisanal ! Elle court-circuite les notions d’immédiateté qu’il véhicule, en proposant un dessin qui a demandé plusieurs heures. La notion d’artisanat est revendiquée, comme si les dimensions du savoirfaire, de la simplicité (allant parfois jusqu’au décept), du contact avec la matière, du « fait main » et du toucher avec tout ce qu’il comporte de sensualité, se ré-affirmaient face au modèle dominant de la complexité générée par les nouvelles technologies. C’était aussi le besoin de Michaël Sellam de « se frotter », dans un rapport peu rationnel mais direct, à la matérialité de la sculpture, après une formation en Département Hypermédia apparemment très immatérielle. Et cette dimension de prendre du « plaisir à faire les choses » a été déterminante pour lui, dans son rapport à la structure qu’il mettait en place, même s’il s’est heurté à des difficultés techniques importantes (ne serait-ce que dans la transposition du projet virtuel en objet dans l’espace) qui l’ont conduit à beaucoup investir le registre du plastique. Les cases crayonnées par M.A Kerebel sur une feuille à petits carreaux qui semble sortie d’un classeur ou d’un cahier pour être punaisée au mur, renvoient à une esthétique très pauvre, presque enfantine comme si un regard neuf ou décentré devait être porté sur la technologie. De loin et dans la profondeur du regard, présentées dans l’espace et non sur une feuille 21 de magazine ou une affiche, elles ont l’aspect de fourmis, brouillées, saturées, alors que, de près, la netteté s’établit, en même temps que le rapport à la technologie se fait plus évident. Cette double lecture offre une forme de distanciation et invite à réfléchir à « une autre dimension » selon un imaginaire décalé en rapport avec internet, et répond en cela, sur un mode qui lui est propre, à l’univers de Michaël Sellam. Il y a bien eu déplacement, car habituellement présenté dans le coin d’un espace, le flashcode est ici isolé, seul sujet agrandi d’une page, directement accessible au regard et non à l’information. Il apparaît comme en décalage, car il « ex-pose » le langage technologique, langage qui peut se révéler impénétrable puisqu’il oblige à passer par une médiation technologique : le langage informatique est ici renvoyé à sa dimension labyrinthale (qui parcourt aussi le travail de M. Sellam et des étudiants d’architecture ) et énigmatique. Le flashcode, qui suppose normalement une manipulation technologique, ne trouve plus ici son utilité, mais se fait voir en tant que tel, extrait du flux, isolé. Il devient un objet chargé d’opacité, d’épaisseur, ayant perdu sa fonction de médiateur qui lui assurait une complète transparence – car on ne regarde pas un medium de communication. Il acquiert ici une valeur esthétique de pièce unique d’artisanat, aux antipodes d’un élément mécanisé, potentiellement reproductible à l’infini, et cette ambiguïté par rapport au langage informatique, à la trace et à l’écriture subsiste : on reste dans l’incertitude concernant le registre dont ce flashcode relève. Concernant la temporalité, on sait que plusieurs heures (4h ?) ont été nécessaires pour réaliser ce dessin. Cette durée n’induit-elle pas une forme de rêverie et n’offre-t-elle pas la possibilité de dériver, divaguer, imaginer ? N’étant pas réglé sur le modèle de l’efficacité, le dessin réintroduit la possibilité d’une appropriation, d’une intériorisation. On peut y voir un éloge de la lenteur, de l’inertie, chaque case réalisée marquant le temps qui passe. Cette élaboration patiente (qui parasite l’idéologie des économies libérales) consacre quelque chose de banal en lui donnant une valeur d’objet produit à partir d’un savoir faire perdu, ce qui peut aussi induire une certaine nostalgie d’un temps disparu, englouti par un système où la vitesse est obligatoire et où l’accélération exponentielle masque l’angoisse du temps qui passe, en occultant la question du labeur, de la transmission. La dimension politique affleure, le travail n’étant pas conçu ici comme une contrainte imposée et violente mais comme une technique douce, « avec » la matière et non « sur » la matière, avec le corps et non contre : une technique anti-hylémorphique. MA Kerebel s’accordait par exemple des pauses quand des douleurs dans la main apparaissaient, puisque les mouvements étaient répétés (ce qui peut sembler proche d’un travail mécanique, à le différence qu’il 4. bilan & analyse martine bubb mothership union - retransmissions 4 n’était pas robotisé dans ce cas : nous ne sommes pas dans le schéma du travail à la chaîne où l’homme est l’esclave de la machine ou du dispositif). Face au flux d’informations induit par les nouvelles technologies, n’est-ce pas un moyen de se mettre en retrait et de résister, sous une forme modeste, à un système qui se voudrait totalisant, en mettant en place un système de « pare-excitations » et en réintroduisant du temps, de la mémoire ? N’est-ce pas une façon de marquer sa liberté et de redevenir maître du jeu (V. Flusser)? En ce sens, nous nous situons bien dans une logique de l’appareil et non de dispositif, car ce dessin coupe la communication, le flux, les liens, pour extraire un élément qui ne renvoie finalement qu’à sa propre matérialité. Plus généralement, à partir de la problématique de la simulation, qui s’oppose à celle de la représentation, on assiste avec le numérique à un retour en force de la main, du dessin, du tactile, relativisant l’œil, l’optique… Pour Bill Viola et, dans une certaine mesure, David Hockney, c’est la fin de l’ère de l’optique.. mais l’on peut penser, plus largement, que c’est la fin du règne de la projection, qui subsiste cependant. Le geste, écriture et projection Les performances d’Angéline Réthoré explorent aussi la dimension de la matérialité, du geste et de la durée. Avec deux assistantes comme elle habillées de banc, elle a tracé au sol dans trois lieux d’intervention, des mots relevant du registre du désir, selon un gradation des émotions comme « Frémir (Lieu unique). Rougir (Temple du Goût). Jouir (ENSA) », à l’aide de cordes (ou cordex, cordeau : outil de maçon, d’ouvrier) de différents diamètres, enduites de pigments de différentes couleurs : bleu, orange, rouge, utilisées en fonction de cette montée du désir. Les traits ont une qualité et une intensité diverse, selon le diamètre et la quantité de poudre. Il ne s’agit pas seulement de positionner un mot dans l’espace de circulation, mais de nous interroger sur ce que nous voyons ou pas, sur ce que l’on foule aux pieds, sur l’effacement des traces. Ce pigment synthétique qui s’efface n’est-il pas à l’image du désir qui s’épuise ? La poudre s’estompe, après plusieurs passages et interroge le temps, la durée. Les zones centrales deviennent diffuses, insaisissables. C’est une forme de langage qui paraît à mille lieues du numérique et du virtuel, car elle rappelle des pratiques humaines immémoriales parmi les plus essentielles: projeter, écrire au sol ou dans le sable (Je renvoie aux analyses de Jacques Boulet, architecte, intervenant à la MSH, selon qui ce simple appareil de projection se trouve à la base de toute construction et sous-tend tous les autres appareils projectifs modernes). Ce langage est donc aussi construction, appropriation de l’espace. Les pratiques d’écriture et de projection, si elles peuvent paraître archaïques en regard des 22 dernières évolutions du numérique, nous rappellent l’importance de l’inscription matérielle, qui se lie aux émotions : si le numérique peut ouvrir la voie à une forme de déshumanisation, les émotions (souvent marginalisées par les divers systèmes technoscientifiques) subsistent, vives et singulières. Nous est rappelée l’importance du geste, du faire, du déplacement des corps dans l’espace qui s’éprouve, autant qu’il se « calcule ». Ainsi, comme pour contrebalancer ce qui peut paraître avoir pris trop de place, trop vite, sans intériorisation ou appropriation suffisante : le numérique, ces pratiques nous font reprendre conscience du temps et nous permettent d’échapper à l’immédiateté comme temporalité dominante. L’irruption du désir Elles posent aussi la question du désir, de l’autre en tant que désirant, comme dans ce dispositif sonore présenté sous le Chapiteau de Mme Suzie, qui se situe plus dans le registre multimédia, tout en jouant fortement sur la « matière sonore » et la sensibilité. Son principe est semblable au dispositif qu’on voit sur les photos prises en 2009 pour Retransmissions 2 (novembre 2009 à la galerie de l’école). « What are you thinking about ? » (Angéline Réthoré). La disposition est assez simple : deux sièges pivotants face à face, très proches l’un de l’autre, nous invitent à prendre place et à nous munir d’un casque. On écoute un enregistrement sonore sur un lecteur CD avec fonction « boucle ». La bande son est formée de trois enregistrements qui se superposent: l’un est constitué des poèmes et haikus récités par une voix féminine, un autre de mots du registre de l’érotisme, le dernier de sons quasi-imperceptibles : un souffle, une aspiration d’air lente... Nous sommes invités à expérimenter une forme de proximité avec l’autre, et un malaise ou une gêne peut subvenir car ce qui relève de l’intimité s’expose dans un lieu public, dans un face à face avec un autre que je ne connais pas nécessairement. Un cercle, une bulle s’est formée : ressemble-telle à celles que Peter Sloterdijk décrit comme systèmes censés nous protéger ? Assiste-ton à une expérience « régressive », la voix nous berçant de mots sensuels ? La bulle recèle aussi un caractère inquiétant, car l’on peut se noyer dans cet espace sans limites, où le temps s’étire, où les repères s’estompent, nous plongeant dans une sorte d’océan pré-individuel, à la fois à l’abri du monde extérieur et de son tumulte mais en même temps gênés par ce monde qui apparaît perturbant, puisqu’ empêchant de vivre l’écoute pleinement. Ce monde de la fusion qui exclut le tiers est aussi celui de nos écrans d’ordinateur où nous nous plongeons comme dans une bulle, à la différence qu’ici je suis mis en présence de l’autre, physiquement, dans une relation de complicité ou de distance face au récit qui se déploie (entend-il la même chose que moi ? ) 4. bilan & analyse martine bubb mothership union - retransmissions 4 On se scrute, on baisse les yeux ou l’on regarde ailleurs, pris par le trouble, la perte de contrôle. Cette dimension performative, comportementale, s’appuie sur une réelle interactivité, au sens d’un dispositif de conversation selon R Bellour : la conversation de salon est détournée ironiquement, puisque ce que l’on garde habituellement pour soi est ici exposé, tout en gardant une part cachée (c’est la fonction des écouteurs). S’expose en se cachant. De plus, on peut noter la dimension paradoxale de cette forme d’interactivité sans action à proprement parler : on interagit avec l’autre par le regard, la présence et l’attention. Au-delà d’une interactivité ludique Dans les deux pièces électroniques proposées par Qing He, il est aussi question d’interactivité, au sens plus classique, puisqu’il y a ici action sur un écran (pour l’une des deux pièces présentées) et d’interrogation sur la matérialité, dans un rapport corps / spiritualité. La première pièce montre un bonhomme qui rebondit comme une balle de ping-pong dans les coins de l’écran. On perçoit une dimension ludique, mais le jeu est fatidique, car le bonhomme se heurte aux bords de l’écran. Ce dispositif réintroduit une dimension matérielle et un rapport au réel sur lequel on bute. L’écran, d’habitude transparent, est ici considéré en tant que tel, dans sa matérialité (comme dans le travail sur le flashcode de M.A Kerebel) et non simplement comme fenêtre ouverte sur une image ou une information. Un détournement de la fonction a été opéré, avec en toile de fond un propos potentiellement critique sur les technologies qui nous enfermeraient dans un carcan, dans un système rigide ou incompréhensible. La deuxième pièce nous donne la possibilité d’incliner l’écran avec les mains : c’est son aspect performatif, interactif. Les bonhommes décollent alors et deviennent des avions. L’écran posé à plat est de nouveau matérialisé : il apparaît comme un objet, un plateau, ce qui contredit le rapport « naturel » face à un écran, le premier réflexe n’étant pas d’attraper un écran – qui n’est pas fait pour ça – mais de se positionner face à lui en attendant de voir apparaître une projection d’éléments virtuels. Nous ne sommes plus spectateurs ni même flâneurs, mais plutôt opérateurs manuels, puisque nous initions le mouvement, sur le conseil d’un médiateur/médiatrice. A défaut, il ne se passe rien, les bonhommes étant en attente de notre intervention. Ces bonhommes dessinés très légèrement, fins, aériens, s’envolent grâce à une opération technique, et un contraste s’établit entre la pesanteur de l’écran et l’envol de ces bonshommes. 23 Densité / suspension De même, chez Tony Chauvin, « Stèles », Galerie Mélanie Rio, on repère un questionnement sur la matière et la technique, et un rapport densité / suspension. S’articule, plus ou moins aisément, la matérialité brute du monolithe qui se trouve dans le jardin de la galerie et l’immatérialité (la présence spectrale) des stèles qui apparaissent dans la présentation en images de synthèse, celles-ci montrant huit objets mystérieux s’alignant virtuellement, selon un scénario de science fiction. Le monolithe noir, installé dans le jardin, acquiert une présence incongrue, bien posé sur la pelouse, et parle de luimême, en émettant des sons. Ce monolithe évoque explicitement la puissance des lieux chargés de densité comme Stonhenge ou Carnac alors qu’au contraire, l’image de synthèse draine beaucoup d’informations ou d’inscriptions qui peuvent évoquer l’odyssée de l’espace et une dimension futuriste. Un rapport s’établit entre la présence muette, opaque, de la pièce in situ et le flot d’informations des images de synthèse où les stèles apparaissent flottantes, comme en apesanteur, non ancrées. L’installation de Peter Gena et Steve Waldeck joue de même sur le rapport de densité-solidité du container / fluidité-fragilité des apparitions sur l’écran. La pièce est conçue comme une sorte de bulle, de « boîte noire » ou même de camera obscura, puisqu’on assiste dans le noir à la projection d’éléments colorés et mouvants sur un écran. La boîte aurait du être en bois, mais devant une impossibilité technique, le container a été retenu et convenait finalement très bien, sans doute parce qu’il renforçait l’aspect hermétique d’un lieu « bunker », dédié au plus complet absorbement du spectateur/auditeur. L’aspect kaléidoscopique et hypnotique des images, en plus de jouer sur les structures ADN, pouvait aussi rappeler l’univers psychédélique des années 60-70 et des expériences sous drogues avec perte des repères tel que décrites par exemple par Walter Benjamin (Sur le haschich) et sa description d’un « plasma originel coloré », dans la continuité de sa définition de l’imagination comme puissance de déformation. En ce qui concerne la temporalité, on peut dire qu’elles s’appuie sur le flux et le « continuisme », dans le sens où expérimenter cette installation requiert du temps et une certaine durée « sans instants » qui n’est pas celle de la contemplation mais plutôt celle de l’immersion, l’esprit étant absorbé, captivé. Plus spécifiquement, sur le problème du son, P. Gena & S. Waldeck se situeraient plus ou moins dans la lignée de Pierre Schaeffer et d’une musique concrète réactualisée. Ce travail interroge aussi le rapport à la matière, par le côté artisanal du dispositif électronique mis en œuvre, qui peut paraître anachronique face à l’univers du numérique ; mais c’est cette « chimie » électronique qui induit des qualités et un rapport différent au temps, à la matière 4. bilan & analyse martine bubb mothership union - retransmissions 4 et à la lumière, du fait de son caractère plus instable. On relève un aspect « bricolé » dans ce dispositif qui nécessite une préparation manuelle, et une certaine fluidité (car l’installation suppose des réglages progressifs et ne fonctionne pas par sauts ou paliers comme l’ordinateur), subtilité qui répond aux infimes variations de l’œuvre de Scriabine, dont P. Gena & S. Waldeck se sont inspiré. On peut enfin imaginer des interventions régulières de l’artiste pour les réglages, ce qui suppose un rapport plus impliqué, témoignant d’une position critique face au numérique. La proposition de Jean Herpin, (Galerie Le Quatre) pose aussi un rapport critique sur les nouvelles technologies. La scénographie, les écrans, la voix qui répète en anglais une menace imaginaire (selon laquelle la terre allant être « recyclée », il nous faut procéder à une « évacuation » etc.), la musique, l’effet de volatilisation… tous ces éléments, dans un fonctionnement par métonymie, interrogent notre époque et introduisent la question du postmoderne (avec la présence des baskets, des dollars...) ainsi que celle de la secte, sur un mode à la fois drôle et inquiétant, laissant entrevoir un sombre désir de mort mêlé à une fascination pour la technique et internet. Dans un premier temps, c’est le rire qui domine car l’installation comporte une dimension de foire, avec cette vitrine composée de plusieurs éléments pris dans l’effet « magique » du souffle, mais l’on rit vite d’un rire grave, et ce rire est revendiqué. La photographie nous montre qu’on peut viser le ciel, mais il n’y a pas d’horizon, comme si tout cela ne débouchait sur rien, était illusoire. La proposition dans son ensemble introduit une angoisse, sur fond de suicide collectif, et témoigne d’une forme de lucidité sur les nouvelles technologies censées apporter le bonheur. Sur un mode non didactique, la dimension politique se pose, à partir de cette question : l’humanité, par sa foi naïve en une nouvelle divinité : la Technologie qui pourra la sauver, se fabrique un monde aseptisé, aux fonctionnements sectaires car gommant la différence et tentant d’imposer ses certitudes et ses normes, mêmes insensées. On peut alors entrevoir, dans cette proposition, la possibilité du refus d’adhérer à une secte mondialisée, en faisant un pas de côté. III• Parasiter Sommes-nous des extra-terrestres ? La dimension socio-politique et culturelle est aussi abordée par Heejung Kim, qui nous montre quels peuvent être les problèmes que rencontre un immigrant, d’un point de vue singulier. Sa proposition est un peu atypique car elle fait plus de place à la part humaine et n’apparaît pas aussi « multimédia » que les autres installations, malgré la présence d’un dispositif photo-vidéo où ce que l’on voit est marqué 24 par ce que l’on entend. Elle interroge néanmoins la figure de L’Etranger et pose les enjeux du territoire et de la mondialisation, sur un mode critique, problématique. Le coréen est champion de taekwondo mais comme étranger à lui-même, quand il évoque les blessures de sa double identité (se sentant coréen en France, peut-être français en Corée...), ainsi que son rapport à la langue et à la culture. La mise en scène des photographies grand format, chargées de beaucoup de présence physique, et de la vidéo de forme documentaire (une interview), nous prennent à témoin, en nous parlant d’intégration mais surtout de transformation, à partir de la pratique du taekwondo. Cette figure de l’étranger transparaît aussi dans le travail de M. Sellam, à travers la notion d’extraterrestres ou d’aliens qui auraient été téléportés, mais aussi à travers les références à la culture africaine (plus précisément la culture hip hop afroaméricaine et l’afro-futurisme) qu’on peut éventuellement déduire de la présence des colliers Colson utilisés pour les ligatures, qui renvoient au système de menottes de policiers. On peut y lire une forme d’inscription dans le territoire nantais, chargé de références historiques liées à l’esclavage. De plus, la structure elle-même, en croisillons, peut faire penser à un échafaudage ou à des cages brisées. Les tubes de PVC découpés-thermoformés ont aussi un aspect de piques de bois brûlé qui peut rappeler le vaudou ou un certain type d’art africain qui intéresse Michaël Sellam, de par le côté brut, malgré le problème du cerclage au sol qui provoque un effet de scène. Mais les références étant très diverses (BD, science-fiction, histoire politique...), on a parfois le sentiment de s’y perdre : effets d’une post-modernité persistante ? L’univers proposé est particulièrement « en phase avec son temps », symptomatique de l’époque, ne serait-ce que sur le plan technologique des dispositifs de communication mis en œuvre (applications Iphone possibles, etc..) et sur la forte dimension ludique qui tend à écarter rigueur, profondeur pour investir un terrain plus mobile. La structure comportant une dimension agressive, on peut chercher à s’en protéger. C’est peut-être le sens de cet équipement blanc au système camouflé, qui renvoie à un univers médical ? Aurait-on quelque chose à craindre de cette colonie d’éléments étrangers ? Doit-on se protéger de la propagation d’un virus ? d’un parasite ? En effet, la structure apparemment tombée du ciel (malgré la présence du socle et des colliers Colson qui modèrent l’idée que la forme aurait été « auto-produite » ce qui conduit à certaines contradictions et un problème d’intelligibilité de l’ensemble) projette une certaine violence : elle débarque et s’impose sans communication, sans s’intégrer au bâtiment existant, mais au contraire en cherchant à le parasiter. Sa construction interroge aussi notre communauté en tant qu’elle est peut-être trop rigide, trop 4. bilan & analyse martine bubb mothership union - retransmissions 4 systématique, car les diagonales viennent perturber le paysage environnant de la ville, fait d’horizontalesverticales, dans une certaine uniformité. Ici apparaît un élément bancal, un peu monstrueux, qui évoque l’impact d’une présence importée, mais qui se révèle finalement assez peu perturbant, compte tenu du lieu de l’ENSA qui, de par sa conception, on l’a vu, est capable de tout absorber. De même, le dispositif produit à partir de sons de synthèse fait la part belle aux parasites, sonores cette fois-ci, en adéquation avec l’idée générale de la sculpture. Cet environnement sonore a d’ailleurs pu être perçu, à un moment donné de la phase de tests, comme assez gênant, par certains étudiants de l’école. Ce que l’on entend peut faire penser à un langage inconnu, extraterrestre, mais aussi à des bourdonnements d’abeille, des bruits d’insectes. Michaël Sellam a fait référence à un essaim d’abeilles tueuses d’Afrique embarquées dans des bateaux et importées, véritable fléau pour les autres qui ses sont trouvées éradiquées. Cette figure du parasite, notion qui peut être douteuse politiquement, se construit autour de ce que nous enseigne la biologie (Le Parasite de M. Serres) et s’impose avec nos peurs face à ce que l’on perçoit comme primitif, dérangeant, indésirable ou menaçant de rompre l’équilibre, la forme primitive étant la forme de vie la plus active. C’est le rôle des différents systèmes immunitaires modernes décrits par P.Sloterdijk que de nous offrir une protection face à ces dangers potentiels : en effet, depuis que l’homme n’est plus le centre d’un monde fini et hiérarchisé, il est de plus en plus exposé à tous les périls extérieurs. Enfin, et c’était peut-être l’élément le plus intéressant, nous étions nous mêmes appelés à jouer le rôle de parasites ou de perturbateurs, en suscitant un certain étonnement de la part des étudiants d’architecture qui se trouvaient dans les salles de cours aux parois vitrées. L’aspect performatif de notre déambulation prenait alors un tour inattendu, avec la mise en place d’un rapport observateurs/observés. La mise en représentation était particulièrement incongrue et l’on pouvait s’amuser à se balader en se prenant soi-même pour un extraterrestre ! La forme d’interactivité dominante résidait dans cette sorte de mise en scène des gens appelés à déambuler. Cette forme de parasitage pouvait se lire aussi, sur un mode plus littéral, politique et fantastique dans certains travaux des étudiants d’architecture, qui ont sans doute élaboré les propositions les plus directement inspirées par ce qu’on leur a présenté. Quand la vie primitive s’insinue dans le multimédia « Viral Delire », par Marcel Malhère et François Martin. Ainsi un détail s’est vu amplifié: le motif hexagonal présent sur le plan transmis par M. Sellam a été détourné et repris en tant que logo (il a été collé au mur, dans une version transparente) et apparaît 25 multiplié dans le montage-vidéo présenté à la galerie ainsi que sur les tee-shirts. Au delà de l’emprunt d’un élément, on peut voir un lien s’établir entre ce motif hexagonal, qui rappelle les cellules de la ruche, et l’univers sonore accompagnant la déambulation à l’ENSA qui évoque dans certains passages l’activité des abeilles. On trouve une même fascination pour les formes de vie primitive qui suscitent une crainte, à cause de leur mystère et de leur puissance de prolifération-contamination. Les tee-shirts, imprimés du logo hexagonal, sont exposés en vitrine dans la galerie de l’école des beaux-arts après avoir été portés et diffusés dans la ville. Mais c’est surtout dans le montage-vidéo que ce motif hexagonal apparaît comme la métaphore d’une propagande infinie. Cet élément prend des allures de virus, de force virtuelle toute puissante, qui se propage, multipliant ses zones d’influence. Le logo peut être perçu comme un bouton d’alarme face à une menace nucléaire ou biologique, quand on le voit s’étendre dans un nuage noir fait d’une multitude de cellules hexagonales emboîtées, depuis la France jusqu’à envahir le monde entier. Y a-t-il eu accident, à l’impact catastrophique? Ou s’agit-il simplement d’une métaphore sur l’influence des marques ou des industries culturelles en général, qui se mondialisent ? L’hégémonie des marques (déjà questionnée par Jean Herpin et les chaussures Nike…) se retrouve aussi sur les t-shirts portés qui peuvent évoquer une opération de nature commerciale, publicitaire ou éventuellement humanitaire. Une grande part d’indétermination caractérise cette intervention: s’agit-il d’une secte, d’une initiative poétique ou politique ? Seule certitude, la question de la dissémination et de la diffusion est posée. Discrétion des interventions, microévénements ? Le panneau de « démolition silencieuse » de trois étudiantes en architecture fait aussi écho aux menaces qui semblent planer sur le bâtiment de l’ENSA. Le motif de l’hexagone apparaît là encore, détourné (pour remplacer le logo des travaux publics) avec, toujours sous-jacente, l’idée d’un corps étranger, d’un virus qui s’attaquerait sournoisement à une structure en vue de sa destruction… Ce travail présente un aspect humoristique bien sûr, mais aussi inquiétant, car l’inscription « La rue se meurt » évoque bien la démolition. L’impression est d’être face à un vrai panneau mais c’est un leurre. On note la discrétion de l’intervention, qui nécessite beaucoup d’attention pour voir ce qui est écrit ; c’est pourquoi on en appelle à « Mr le curieux » (autre inscription). Déjà, la disposition dans le milieu urbain, à dimension plus réaliste, pouvait accrocher ou pas le regard. Les moyens sont pauvres, l’intervention est légère, mais elle peut suffire à arrêter la routine. 4. bilan & analyse martine bubb mothership union - retransmissions 4 La présence non identifiée du halo orange dans le film « Vis-à-vis lointain » (dirigé par Pierre Faucher et présenté au Temple du Goût) reprend aussi l’idée d’une présence mystérieuse, inconnue qui avait hanté le quartier de la Madeleine. Ce film montre les traces de cette intervention urbaine où l’on voit des personnages se sentir suivis par une présence orange, dans une ambiance nocturne inquiétante. Les photographies-installations du Temple du Goût jouent sur les variations de la couleur orange, couleur qui attire l’œil, intrigue, parasite. par M. Sellam ou certains étudiants d’architecture, se fait ici dans une relation plus heureuse, plus douce, symbiotique-mimétique : la disposition des micros-piezzos fait ainsi écho à la montée de l’escalier qui fait elle-même écho à la verticalité de l’arbre. L’intervention est assez discrète par rapport à l’architecture, car c’est l’écoute qui est mise en valeur, non le système technologique : certes il y a des fils mais ils sont peu visibles et en adéquation avec l’idée de circulation, de flux... Le travail d’Anne Carrique quant à lui, joue de cette présence parasitaire sur le mode végétalarchitectural, dans le sens de la reconquête d’un espace de la ville par une vie primitive. La présence quasi-organique des micros-piezzos, sur cet escalier classique imposant, évoque l’idée d’une vie qui déborderait son cadre habituel, un peu comme le fait le lierre qui envahit les habitations. Ils diffusent le son de la poussée de sève d’un arbre, qui a été enregistré à un moment très précis du printemps. On remarque que la temporalité qui a été mise en jeu est celle du « moment heureux », de l’occasion, d’un jaillissement lyotardien et d’un temps qu’il faut saisir vite parce qu’il comporte une part d’imprévu, d’événement, le phénomène étant rare dans l’année et sans date précise programmée. Par le son, assez énigmatique, nous sommes comme appelés par cet escalier qui acquiert une présence inédite, conduits à suivre le parcours ascendant qu’il propose, selon une marche quasi-rituelle ici aussi. L’impression qui domine est celle d’un lointain, car les craquements de l’écorce peuvent évoquer des bateaux, et les bruits de fond parasites, le vent et la mer, avec un rythme dans l’espace sonore qui évoque le flux, le bercement des vagues dans un coquillage. Il n’est pas interdit d’y voir un écho au thème Mothership et une référence au territoire nantais. On se sent transporté. Cette exploration de l’infime, de micro-élémentsévénements, qui s’écoutent habituellement au stéthoscope, en appelle à une démarche scientifique quasi naturaliste (Anne Carrique a suivi l’expérience et les conseils d’un arboriste) et une certaine préparation, mais débouche finalement sur un univers poétique. L’arbre en lui-même porte un imaginaire très riche : les anciens Grecs par exemple, parlaient aux arbres, les croyant dépositaires de toute la sagesse des dieux. Ici, à travers l’environnement sonore, c’est l’arbre qui nous parle ; il est représenté par métonymie, par le prélèvement d’un élément, qui, diffusé selon un certain agencement, fait ressortir l’architecture de l’escalier dont la verticalité est renforcée et dont les courbes qui se déploient acquièrent une présence végétale. Il y a donc un jeu avec l’environnement, une manière de faire ressortir la structure et des détails architecturaux. Ces éléments étrangers qui viennent s’insérer ou se greffer sur l’escalier lui imposent leur logique propre ; mais ce parasitage, contrairement à celui proposé 26 Enfin, le parasitage selon Matthieu Crimersmois renoue avec un mode plus inquiétant, et animal. L’Araignée, exilée et isolée au deuxième étage, se présente comme en rupture avec l’architecture environnante transparente, lui opposant sa matérialité sombre et dissidente, d’inspiration afrofuturiste comme la sculpture de M. Sellam. Elle se compose de disques vinyles thermoformés, mous comme le corps de l’araignée dont les battements du cœur sont suggérés, de même que la position d’autodéfense passive. Une webcam intégrée (l’œil de la bête ?) introduit une forme d’interactivité puisqu’elle perçoit les déplacements des visiteurs, en fonction desquels elle déploie des sons. Agrandie, comme pensée à l’échelle humaine, elle nous renvoie l’image d’une part de nous mêmes que avons oubliée et qui nous angoisse (comme dans la « La Métamorphose » de Kafka, ou « La Mouche » de D.Cronenberg…). Elle provoque un retour du refoulé en révélant sa nature primitive, inaccessible à la civilisation. Répugnante, mais aussi fascinante, fantastique, elle sort du cadre lisse souvent associé aux nouvelles technologies. Pour finir, on notera que l’une des dimensions de la proposition de Peter Gena et Steve Waldeck a aussi trait au rapport au vivant, jusque dans ces dimensions parasites, sur un mode musical imaginaire assez inquiétant. Des séquences d’ADN sont traduites en sons, mais aussi des virus, des bactéries…dans un travail de long terme, qui peut être compris à la lumière des théories de Peter Sloterdijk sur les systèmes immunitaires et une certaine « sphérologie ». Une simulation d’événement ? En conclusion, la question, qui reste ouverte : « s’est-il vraiment passé quelque chose » ? peut être comprise comme « avons-nous été témoins de propositions réellement artistiques ou bien de simples effets de dispositif ? ». Y a-t-il eu événement ? De quel type ? Le terme événement n’admet pas de définition unique : il est « ce qui advient », un fait marquant ou rare, un incident, une circonstance d’une importance toute particulière, un « point-clé » dans l’espace-temps qui chamboule la réalité et reconfigure la sensibilité commune, la 4. bilan & analyse martine bubb mothership union - retransmissions 4 remet en perspective, dans une sorte de suspension des temps et du jugement concernant la réalité du monde. Ce n’est donc pas à nous de décider de l’événement, car il advient de l’extérieur et ne peut pas être « sous contrôle », garanti. Le propre de l’événement est d’être imprévisible, lié à une part de hasard : ainsi il ne se décrète pas, même si l’expression « créer l’événement » peut le laisser entendre. S’il n’y a pas eu événement autour de Mothership, il y a eu néanmoins propositions plastiques, interventions urbaines et expérimentations, aventure conjointe, ce qui dépasse le cadre de l’événementiel. Cette aventure s’est largement articulée autour de la question multimédia. Qu’est-ce que l’art multimédia ? A t il une spécificité ? Comment éviter de tomber dans le piège de certaines expositions qui prennent le numérique ou la technologie en général comme caution ? Le label « nouvelles technologies » peut servir en effet à légitimer des démarches qui n’ont pas forcément beaucoup de teneur artistique mais qui répondent plus à une attente politique ou culturelle au sens commercial et confondent arts plastiques et arts appliqués, pour proposer l’équivalent de « produits » marketing. Nous ne sommes pas dans ce cas de figure ici, mais nous nous trouvons plus généralement face à des outils que nous n’avons pas encore eu le temps d’intérioriser car ils sont pris dans un temps accéléré, une innovation chassant l’autre. Quelque chose de fragile est en jeu, qu’on ne voit pas, mais dont nous sommes trop souvent dépossédés, « prolétarisés » (selon le terme proposé par B. Stiegler) : c’est la perte de savoir faire et de culture, induite par l’utilisation (et non la pratique) des nouvelles technologies. N’ayant pas le temps d’intégrer les nouveautés, on se contente de suivre et on oublie la part culturelle, émotionnelle, historique… tout un ensemble de dimensions plus ou moins refoulées, qu’il est néanmoins possible de réintégrer : c’est ce qu’on tenté de faire ici une majorité d’artistes et d’étudiants, selon une logique d’appareil et non de dispositif. Mais plus que d’un événement à proprement parler, on aurait assisté, autour de Mothership, à une simulation d’événement (on joue à faire « comme si », à faire semblant...), à un contexte ludique de micro-événements ou de petits récits, de faits divers et d’histoires singulières proposant, avec plus ou moins de pertinence, de révéler des possibilités latentes, en posant un regard à la fois curieux et critique sur les nouvelles technologies et l’univers multimédia. Martine Bubb 27 Avec les apports de : Véronique Verstraete, GeorgesAlbert Kisfaludi, Philippe-André Béna, Michel Porchet et le collectif M.U, Michaël Sellam, les artistes de Mothership Union : François-Eudes Chanfrault, Tony Chauvin, Mathieu Crimersmois, Magali Desbazeille & Siegfried Canto, Peter Gena & Steve Waldeck, Jean Herpin, les étudiants des Beaux-Arts et de l’école d’architecture ainsi que leurs enseignants Daniel Grimaud, Pierre Faucher, Ghislain His, les responsables de séminaires de la MSH Paris-Nord… Merci. 5. transmissions programme 2009-11 Jean-Michel Hequet-Vudici transmissions Plus de vingt « transmissions » ont eu lieu entre 2009 et 2011. Mais qu’entendon exactement par transmission ? Dans la terminologie de Plugin, ce terme est synonyme de « séance de séminaire » mais s’en distingue conceptuellement dans une certaine mesure. En effet, le séminaire désigne un groupe de travail, où les participants, en petit nombre, étudient un problème ou une question d’une manière approfondie. Il désigne aussi la séance et/ou l’ensemble des séances qui s’articulent autour d’une thématique / problématique semestrielle, annuelle... Ce mot est intéressant dans la mesure où il implique une forme d’inscription dans l’histoire et/ou dans une culture scientifique rigoureuse, universitaire. Le principe d’un nombre restreint de participants se retrouve d’ailleurs dans le cadre de nos transmissions, qui ont vocation à se concentrer sur la recherche et non à drainer un large public dans une visée plus pédagogique. Cependant, malgré la légitimité de cette approche plutôt « traditionnelle » de la connaissance et de la recherche, il apparaît que les pratiques donnant lieu à de la pensée n’ont pas toutes vocation à suivre ce modèle. Ainsi la transmission porte un sens plus proche de ce qui se peut faire actuellement dans les écoles d’art. La racine trans- signifie le changement, le passage, mais aussi le franchissement de limites ou de frontières communément admises. Quelque chose est à comprendre au-delà ou à travers ce qui pourrait constituer un champ clos ou une discipline : arts plastiques, philosophie... mais aussi au-delà d’une temporalité précise, définie : la dimension d’anticipation 28 d’une recherche « en train de se faire », est essentielle. De plus, le terme, plus moderne, de « transmission » marque l’action de communication et c’est le sens principal que nous lui accordons dans nos séances où chaque invité (artiste, théoricien, enseignant, doctorant) nous transmet quelque chose de sa pratique, de ses savoirs, de son expérience. Transférer, faire passer, propager, ou contaminer… toutes ces significations se rapportent aux enjeux contemporains du développement du numérique, qui multiplie les effets de traduction, transcription, transposition… Il peut donc être intéressant de lier les concepts que véhiculent les notions de séminaire et de transmission, et ainsi de mettre en perspective les techniques ou les pratiques les plus récentes, en prenant conscience de la dimension culturelle de la technique. Une connexion s’établit alors entre des dimensions hétérogènes, autour d’enjeux portant sur le cinéma, l’œuvre interactive, l’art participatif, internet, l’art-vidéo, l’art multi-supports, multi-média ou numérique. L’architecture dans sa rencontre avec d’autres pratiques (arts plastiques, théorie, philosophie leibnizienne ou benjaminienne...) prend une place importante et les séances de travail autour de « ce qui fait architecture », de la question du fragment ou de celle de la déambulation… sont appelées à se poursuivre. 5. transmissions programme 2009-11 Programme 2009-2010 élaboré en relation avec Michaël Sellam, et 2011 par Martine Bubb, avec Véronique Verstraete et Georges- Albert Kisfaludi Ronald Rose Antoinette, doctorant en philosophie, Paris 8 : Tendances et contre-tendances du cinéma : Politique des images-milieux 30 avril 2009 Daniel Deshays, ingénieur du son : Conditions du sonore et plasticité fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Deshays 26 janvier 2010 Michel Porchet, ingénieur et docteur es sciences, coordinateur de recherche MSH et directeur recherche développement du collectif M.U., exposé artscience-philosophie sur la perception de l’espace Figuration, projection et géométrie, MSH Paris Nord / visioconférence ESBANM. http://revues. mshparisnord.org/lodel/appareil/index.php?id=303 8 février 2011 Susanna Muston, doctorante en philosophie, Paris 8 : Œuvres et public. Œuvres interactives, créations communautaires et expositions ouvertes www.cubeart.org www.movimentomanifesto.com Valéry Grancher, artiste multi-supports, art internet, art participatif, Esthétique du présent 2 mars 2010 Marika Dermineur, artiste multimédia : Matérialité et internet marika.incident.net, Electronic Shadow, duo d’artistes multimedia (une architecte, un réalisateur vidéo) / par Yacine Aït Kaci, visioconférence MSH Paris Nord www.electronicshadow.com Sébastien Pluot, critique d’art : Double Bind www.apres-production.com 15 février 2011 Sandrine Amy, architecte DPLG et doctorante en philosophie : La « rideaulogie » ou le rêve de l’architecture du XXe siècle (art des façades) revues.mshparisnord.org Jean-Michel Hequet-Vudici, photographe, architecte : La camera obscura : technique ou métaphore ? Dailymotion - VUDICI - une vidéo Art et Création Dailymotion - Esther Ségal et Jean Michel Hequet Vudici ITV almsage - une vidéo Art et Création 8 juin 2010 Magali Desbazeille, artiste multimedia, vidéaste et performeuse : Qu’est-ce que les technologies font aux langages ? www.desbazeille.fr Yann Breuleux, artiste numérique (vidéo-musique, dispositifs immersifs) www.ybx.ca 22 février 2011 Qu’est-ce qui fait architecture ? avec les enseignants de l’ENSA : Pierre Faucher et Daniel Grimaud, Jean Lévêque, philosophe, et Monsieur Mouch, conteur 15 mars 2011 Qu’est-ce qu’un fragment ?, avec Pierre Faucher et Daniel Grimaud 14 décembre 2010 Adolfo Vera P., doctorant en philosophie, Paris 8 : L’art latino-américain face aux fantômes et aux disparus revues.mshparisnord.org/appareil/index.php?id=671 Julie Morel, artiste multimédia julie.incident.net 8 mars 2011 (visio MSH) : Georges Teyssot, architecte et professeur, Université de Laval, Québec : Les plis de la membrane revues.mshparisnord.org aalog.net 15 mars 2011 Vincent Blary, plasticien, professeur de perspective à l’École supérieure d’art et de design d’Amiens : Autour du paysage. Points de vue et réalités, transcription et représentation des espaces construits par l’image bvmp.blogspot.com 18 janvier 2011 Martine Bubb, philosophe : Camera Obscura revues.mshparisnord.org Benoit Géhanne, artiste : photographie, vidéo numérique et glissements de médium www.benoitgehanne.net www.kurt-forever.com 29 mars 2011 (visio MSH) : Hong Ki Kim, doctorant en philosophie, Paris 8 : L’espace vidéographique de Bill Viola 25 janvier 2011 Marion Delage de Luget, artiste, professeur d’histoire et de sémiologie de l’art, doctorante en philosophie : Connexion/déconnection : frontières et autres lignes de fractures dans l’œuvre de David Lynch revues.mshparisnord.org www.kurt-forever.com 29 12 mai 2011 Déambulations... Rencontre avec Pierre Faucher, Daniel Grimaud, Jean Lévêque 17 et 24 mai 2011 Helen Evans et Heiko Hansen, artistes http://hehe.org.free.fr 5. transmissions programme 2009-11 Daniel Deshays 30 avril 2009 CONDITIONS DU SONORE ET PLASTICITE « Le son confirme ce qui a eu lieu, il est le prolongement, la trace, qui succède au mouvement. Témoignage du vivant en acte, il en présente la part vive. L’enregistrement du son révèle l’espace social. Il en inscrit les signes, des empreintes qui dénotent la nature politique de cet espace. Car l’histoire nous rappelle que le pouvoir appartient à celui qui préside à la cloche, à la sirène ou au réseau des émetteurs de sons. Autant de signaux, autant d’ordres qui se propagent largement dans l’espace social en découpant le temps. Franchissant les distances, leurs injonctions ordonnent la vie et les circulations. Ces pouvoirs (église, usine, ville, état) n’apparaissent pas directement comme lieux de la parole dictée. Les points d’émission sont autant de médiateurs qui opèrent. Le sonore, qui n’apparaît jamais à la conscience, est l’outil idéal pour effectuer cette action discrète. L’édition sonore, nouvel émetteur, normalise à son tour le paysage. Opposés à ces “voix de son maître”, d’autres sons inorganisés surgissent du monde, du bourdonnement de l’insecte aux manifestations des peuples. Ainsi, émergent devant nous, signal et bruit. La sphère des arts plastiques se tient de l’un ou de l’autre côté, employant le son souvent sans comprendre les pouvoirs qui s’y tiennent. Les pratiques sonores se placent ainsi du côté de l’ordre ou de sa déconstruction. » Daniel Deshays (1950) est réalisateur sonore pour le théâtre, la musique et la muséographie. Producteur de musiques improvisées, ingénieur du son au cinéma, il enseigne actuellement à l’ENSATT à Lyon, à la Fémis et à Sciences-Po Paris Michel Porchet 26 janvier 2010 Figuration, projection et géométrie : Thalès l’actionniste de Gizeh La géométrie estelle de l’ordre de la mimésis ? M’intéressant à l’appareil projectif, j’ai travaillé sur les origines de la géométrie et le sens du geste de Thalès mesurant la pyramide de Kheops. Le livre de Michel Serres, les origines de la géométrie, typique des pièges du récit littéraire en matière de science, participe de la confusion entre la géométrie et la perception mimétique de l’espace. L’espace directement perceptible dans lequel nous vivons n’est tridimensionnel que par la médiation d’une abstraction: le point. Fertile pour la mathématisation du monde, cette abstraction n’est pas indispensable à sa connaissance. La géométrie a évolué d’une science des figures à une science de l’espace, puis d’une science de l’espace physique à une science abstraite de l’espace fondée sur les transformations. Lorsqu’il affirme : « Pour comprendre les événements du plan, les graphes et l’écriture, il faut bien s’élever vers une nouvelle représentation dans l’espace à trois dimensions : toute cette histoire de Thalès se développe en effet devant ou dans des corps volumineux dont on ne peut jamais obtenir une complète représentation parce que les divers plans projetés dessinés ou écrits ne montrent jamais que des profils partiels difficiles à déchiffrer. » Serres ne voit pas, dans la démarche de Thalès, la mise en place d’une abstraction efficace : la figure géométrique pensée indépendamment de tout référent concret. Cette abstraction a permis à la pensée grecque de parvenir à une description complète, par le langage, non d’un objet mais d’une idéalisation. La suite de la conférence a démontré en quoi le contrôle d’un territoire n’est pas une question d’espace mais de maîtrise du temps, et pose la question du sens en mathématiques. 30 5. transmissions programme 2009-11 Marika Dermineur 2 mars 2010 Matérialité et internet Electronic Shadow – Yacine Aït Kaci 2 mars 2010 Marika Dermineur est impliquée dans des activités artistiques : installations, net-art, événements, seule ou le plus souvent en collectif. Active sur la plateforme expérimentale Incident.net et dans le collectif RYbN, fondatrice de Upgrade! Paris et co-responsable avec Julie Morel. Diplômée de la Sorbonne, de Paris 8, de l’ENSAD et du CNAM, Marika Dermineur travaille sur les questions liées au réseau, sur les possibilités d’un programme à produire du langage, des structures de récits, des images et des sons. Elle cite et commente le rapport Acrimed (action critique media) « Dématérialisation en économie et en finance » « L’existence d’une industrie forte, et donc d’une place financière forte bien structurée, constitue un atout majeur dans l’économie de l’immatériel » (p. 152). Pourquoi ? « Parce que la finance est en soi une composante de l’économie de l’immatériel ». Dans cette approche technico-financière, tout devient immatériel : sur le modèle de la finance depuis longtemps dématérialisée, passant de l’or à la monnaie fiduciaire puis au bit d’information, les entreprises et les institutions et même les Nations deviennent des marques, et de façon plus générale, les réseaux d’information, notamment internet, dématérialisent les objets, le territoire, les institutions, voire les hommes transformés en « actifs immatériels ». L’homme traité de « capital humain » est objet de gestion comptable. […] Le rapport impose comme évidente cette vision comptable et financière du savoir et de la culture traités eux aussi comme des « actifs ». http://marika.incident.net. 31 Créé en 2000 par Naziha Mestaoui, architecte et Yacine Aït Kaci, réalisateur, Electronic Shadow fonde son approche artistique et créative sur la recherche et l’innovation. Cette approche pluridisciplinaire permet des propositions originales qui mélangent l’espace et l’image, la matière et l’immatériel dans différentes disciplines ; l’art, l’architecture, le design, la mise en scène, ... Grand Prix Japan Media Art Festival en 2004 avec 3minutes, une installation qui utilise pour la première fois le mapping vidéo 3D, inventé et breveté à cette occasion, Electronic Shadow expose ses créations à travers le monde : MOMA à New York, le Centre Georges Pompidou à Paris, Musée de la photographie à Tokyo, Biennale d’Art Contemporain à Séville, le SESI de Sao Paulo, le MOCA de Shanghai…. Sur scène, cet univers se déploie notamment dans le spectacle vidéo-chorégraphique Double Vision, né de la collaboration avec la chorégraphe-étoile Carolyn Carlson, toujours en tournée. Electronic Shadow interroge l’espace temporel de l’internet, « 25e fuseau horaire, un nouvel espace temps d’ubiquité et d’instantanéité, de mémoire et de création » ; celui de l’hybridation du réel et du virtuel « qui fait du potentiel invisible une réalité visible, créant […] les conditions de nouveaux types de perception », ou propose de mettre en scène « une représentation verticale de la mémoire et du processus de mémorisation [qui] s’apparente à une stratification de la mémoire, que ni la géologie, ni l’archéologie, ni même l’histoire ou la géographie ne pourraient contredire. » 5. transmissions programme 2009-11 DOUBLE BIND / ARRÊTEZ D’ESSAYER DE ME COMPRENDRE ! 5 février - 30 mai 2010 Villa Arson Nice Exposition avec : A Constructed World, Boris Achour, Bas Jan Ader, Jérôme Allavena, Art & Language, Renaud Auguste-Dormeuil, Gilles Barbier, Robert Barry, Erick Beltrán, Stéphane Bérard, Berdaguer & Péjus, Dominique Blais, Mel Bochner, Julien Bouillon, Pascal Broccolichi, Marcel Broodthaers, Cercle Ramo Nash, Marc Chevalier, Ma Chong, Gérard CollinThiébaut, François Curlet & Michel François, Anthony Duchêne, Jean Dupuy, Eric Duyckaerts, Omer Fast, Robert Filliou, Francesco Finizio, Henry Flynt, Ryan Gander, Jean-Baptiste Ganne, Dora Garcia, Mark Geffriaud, Alexandre Gérard, Claire Glorieux, Dan Graham, Joseph Grigely, Brion Gysin & Ian Sommerville, Raymond Hains, Temo Javakhi, David Jourdan, Ben Kinmont, Nicholas Knight, Silvia Kolbowski, Jirí Kovanda, Christine Kozlov, Joris Lacoste, Thierry Lagalla, Louise Lawler, Alvin Lucier, Christian Marclay, Aurélien Mole, Robert Morris, Bruce Nauman, Dennis Oppenheim, Philippe Parreno, Gaël Peltier, Alexandre Perigot, Antoine Poncet, Will Potter, Noël Ravaud, Bettina Samson, Mathieu Schmitt, Yann Sérandour, Richard Serra, Pierre Thoretton, Lawrence Weiner, Cerith Wyn Evans, Raphaël Zarka. commissaires : Dean Inkster, Eric Mangion et Sébastien Pluot Mel Bechner, Language Is Not Transparent, 1966-19732 of 7 photo : J. Brasille/Villa Arson Sébastien Pluot 2 mars 2010 DOUBLE BIND Malentendu, altération, incompréhension, aporie, confusion ou contresens, sont autant de dysfonctionnements ou d’anomalies – discrets ou manifestes – qui modifient en permanence le cours et la teneur de nos échanges. Pourtant, depuis le mythe babylonien d’une langue unique et universelle, jusqu’aux théories des correspondances, et plus récemment l’idéologie positiviste d’une traduction sans perte aidée par l’informatique, la quête d’une communication transparente traverse chaque époque. Quatre ans après l’exposition Transmission, le Centre national d’art contemporain de la Villa Arson revient sur le rapport entre art et communication avec une exposition intitulée DOUBLE BIND / ARRÊTEZ D’ESSAYER DE ME COMPRENDRE ! Il s’agit cette fois d’interroger la complexité des langages qui fait de la communication une entreprise singulière toujours renouvelée par les interprétations et les traductions. L’expression « double bind » se réfère ici à la « double contrainte » que toute traduction, selon le philosophe Jacques Derrida, impose comme impératif : la nécessité et l’impossibilité sont contenues dans tout énoncé linguistique, de la transposition d’une langue à une autre. Si un énoncé fait nécessairement appel à la reconnaissance, la compréhension, et l’interprétation (sa traductibilité), il demande également que l’on respecte ce qui en lui échappe à la traduction, la part intraduisible 32 qu’il recèle et qui constitue son caractère propre ou unique, son idiome. L’injonction « Arrêtez d’essayer de me comprendre ! » se réfère au psychanalyste Jacques Lacan et à la réponse qu’il aurait faite à l’un de ses auditeurs trop soucieux de vouloir saisir le sens de chacun de ses propos. Il s’agit, en l’occurrence, d’un exemple classique du double bind tel que l’a théorisé l’anthropologue Gregory Bateson dans les années 1950 : le destinataire d’une telle injonction ne pouvant y répondre sans y déroger, est placé dans une situation de dilemme et d’incertitude. Les œuvres présentées dans l’exposition révèlent diverses stratégies de transposition qui prennent en compte les effets d’altération et de distorsion qui surviennent dans la construction et le partage du sens : que ce soit dans le discours, dans le passage d’une langue à une autre, d’un médium ou d’un outil technologique à un autre, ou bien encore, à travers diverses formes de codifications. L’exposition témoigne ainsi d’une conception de l’art opposée à l’idéale d’immédiateté et de transparence de la pensée, chaque œuvre affirmant à sa manière la discordance entre signe et référent, signification et sens, comme un élément inhérent au langage. La traduction est donc ici à comprendre au sens large, comme ce qui désigne non pas un simple outil de transmission inter-linguistique, mais un processus formel, voire un moyen créatif, dans la conception et l’interprétation de l’œuvre. 5. transmissions programme 2009-11 Magali Desbazeille 8 juin 2010 Révéler des pensées intérieures fictives (l’installation vidéo interactive TPJS), rendre visible des requêtes des internautes en temps réel (l’installation Key+Words et le spectacle DATA+), analyser la construction du langage chez le très jeune enfant (performance Bruisures), observer les hiéroglyphes contemporains que sont les SMS (projet 1% de 20, au collège Leforest…) : Le langage, sa formulation, la communication orale et écrite nourrissent mes projets artistiques, par ce qu’ils traduisent de sociologique et d’intimité chez l’individu. Autour de ces problématiques, l’usage des NTIC répond souvent de façon pertinente aux enjeux, puisqu’elles sont au cœur du langage, de la parole, de l’intimité mais aussi du contrôle sociétal. Comment quelques mots ou phrases peuvent cristalliser les besoins ou les désirs d’un individu anonyme ou devenir la mémoire inoxydable d’une génération ou d’une époque ? Chaque projet réalisé utilise une forme et/ ou une technologie adaptée au propos : la technologie peut être parfois soumise au propos comme elle peut aussi faire parti du propos (regard distancé). La technologie peut être parfois montrée, déployée, parfois cachée, 33 voir absente. Je n’ai pas de position identitaire par rapport au médium que j’utilise. De la fiction cachant la technologie au télescopage d’éléments hétérogènes, une question de fond traverse : qu’est ce que la technologie fait au langage, à la pensée, aux mots, à la parole, à l’écrit ? www.desbazeille.fr 5. transmissions programme 2009-11 YAN BREULEUX 8 juin 2010 RECHERCHE-CRÉATION Ses intérêts de recherche résident principalement sur la question du langage de la spatialisation de l’audio et de l’image vidéo pour des dispositifs multi-écrans. Reconnu depuis une dizaine d’années dans le domaine des arts médiatiques, ses projets portent principalement sur le thème de la lumière virtuelle, tant dans sa relation avec l’espace que sur le plan symbolique. Son intérêt principal réside dans une réinterprétation des problématiques de l’abstraction provenant des arts plastiques appliquées au domaine temporel de la vidéo immersive. Sa formation résolument multi-disciplinaire lui permet d’ouvrir un champ de recherche dans le domaine de la spatialisation visuelle en rapport avec les recherches réalisées dans le domaine de l’acousmatique et de la création logicielle. Les résidences à la SAT (Société des arts technologiques) lui ont permis de réaliser de nombreuses collaborations avec des scientifiques, ingénieurs, programmeurs. Mentionnons également une relation étroite avec le milieu de la musique électroacoustique et contemporaine avec des collaborations soutenues avec des compositeurs tels qu’Alain Thibault, Louis Dufort, Michel Gonneville et Linda Bouchard. Au niveau médiatique, ses projets utilisent des technologies lui permettant des transpositions sur plusieurs formats de diffusion et dispositifs. Ainsi, les projets Rétroaction vectorielle, Histoires sans fin et Monochrome bleu sont des outils de performance vidéo qui ont été présentés sous 34 des formes d’installation. À l’inverse, les technologies du projet Ubiquité sont utilisées pour la mise en forme de performance vidéo-musique. En ce sens il travaille, depuis le projet Black Box, sur la mise au point de synthétiseurs visuels multi-écrans qui lui servent ensuite à la création de ses œuvres. Depuis l’an 2000, cette recherche l’a amené à concevoir des projets pour de multiples dispositifs, de l’écran haute définition (2k) au triple écran en passant par des surfaces hémisphériques. Poursuivant dans la même logique artistique, son projet de doctorat repose sur une réinterprétation des peintures de la période tardives du peintre William Turner caractérisées par des masses lumineuses en constante mutation. Dans ce projet, il compose le son et l’image simultanément. Il étudie le « grain » audio et rapport avec la « particule visuelle ». L’équivalence formelle entre les deux univers lui permet, en continuité avec les recherches de masses sonore dans le domaine de l’électroacoustique, de créer simultanément le son et l’image. L’œuvre sera diffusée sur un dispositif de diffusion à trois écrans HD et un système de sonorisation octophonique. Le projet bénéficie également d’une entente avec la SAT pour une présentation dans le dispositif immersif de la SAT-O-Sphère, une architecture immersive hémisphérique qui sera partie intégrante du nouvel édifice de la SAT prévue en 2010. http://ybx.ca 5. transmissions programme 2009-11 Adolfo Vera P. 14 décembre 2010 L’art latino-américain face aux fantômes et aux disparus Master en histoire de l’art Université du Chili Doctorant en philosophie Université Paris 8. La transformation d’un disparu en un véritable « fantôme » qui en tant que tel n’est ni vivant (il n’est plus là) ni mort (on ne peut plus trouver son corps pour l’enterrer, le commémorer et faire son deuil), mais revient pour hanter nos sociétés et empêcher notre « paix sociale », c’est l’une des questions les plus intensément travaillées par les artistes latino-américains de trois dernières décades. Cette hantise a trouvé une manifestation esthétique dans des expériences collectives comme celles menées par les Mères de la Place de Mai (notamment le fameux « siluetazo » de septembre 1983), et dans l’œuvre d’artistes comme Eugenio Dittborn (Chili), Marcelo Brodski (Argentine) et de cinéastes comme Raoul Ruiz (Chili) et Glauber Rocha (Brésil). Notre hypothèse est que cette hantise-là qui réfère l’impossibilité du deuil dans nos sociétés n’a pu être manifestée comme œuvre artistique qu’en tant que négativité radicale qui constituera toute apparence esthétique comme foncièrement spectrale. Adolfo Vera, chilien, est né en août 1975. Il a enseigné la philosophie contemporaine et l’esthétique à l’Université des arts et des sciences sociales (ARCIS) de Valparaiso. Il a publié des articles sur le cinéma, les arts visuels et la philosophie dans des revues du Chili, de Canada et de France, et notamment le livre Entre el deseo y la materia: obra visual de Claudio Bertoni, Altazor, Chili, 2006. Il prépare un thèse sur la disparition politique et sa réception esthétique de la part des artistes latino-américains, à l’Université Paris 8. 35 Julie Morel 14 décembre 2010 Autour de plusieurs entrées : « textualité et art numérique », « archives/réactivation », « le langage comme processus de travail », « traduction et transcodage », l’intervention s’est attachée à différents dispositifs interactifs, génératifs et en réseau mis en place par l’artiste. Dans ses propositions, Julie Morel interroge le spectateur sur les modifications et l’usage du langage écrit à l’aire d’internet et de la machine de calcul. En effet, depuis le développement de l’ordinateur et encore plus avec l’apparition d’internet, le texte qui se contentait auparavant d’investir l’aspect formel de l’œuvre se trouve à présent dans la structure même celle-ci. Ce code informatique, par son caractère spécifique (discret, fragmentaire & modulable, descriptif d’un système global plutôt que d’une occurrence particulière), produit une esthétique particulière. Au travers des exemples présentés et analysés, Julie Morel a mis en lumière le langage codé ; et mis l’accent sur la matérialisation du langage informatique en parallèle avec la matérialisation du réseau. Ainsi, des projets tel que Partition , sans interfaces, Le Générateur blanc ou Sweet Dream, confronte le spectateur à une nouvelle forme d’exposition ou matérialité et immatérialité se croisent et qui célèbre le plaisir ou la frustration liés au déchiffrage du réseau et de ces codes. Artiste travaillant à partir des pratiques numériques, de la vidéo, du son et du dessin, Julie Morel interroge la transformation du langage textuel depuis l’apparition de l’ordinateur et d’internet. Ses productions, où le texte acquière une dimension plastique toujours à la limite de la visibilité/lisibilité, nous font nous demander si l’on en est au commencement du mot et de la narration ou à l’effacement final. Son travail, alimenté par les relations quotidiennes qu’entretient l’Homme avec la technologie, déborde largement du contexte des arts numériques et se développe aussi sous forme de performances, installations et collaborations. http://julie.incident.net 5. transmissions programme 2009-11 Johann Zahn, « pièce d’habitation transformée en chambre noire pour l’observation du soleil, gravure, in Oculus Artificialis, 1685-1686 martine bubb 18 janvier 2011 Camera obscura Le phénomène du sténopé, ou petit trou, est connu depuis l’Antiquité, mais la camera obscura (chambre noire) ne voit le jour qu’avec les astronomes arabes qui l’utilisent dès le Xe siècle pour l’observation des éclipses. Au XVe siècle, ce dispositif, souvent proposé comme modèle de l’œil, inspire des artistes comme Léonard et Della Porta. Descartes et Locke s’en serviront comme métaphore de la conscience et de la pensée, mais c’est avec les peintres hollandais du XVIIe siècle que la camera obscura devient vraiment un appareil (au sens technique et au sens de ce qui « apparaît », l’esthétique, le poiétique…) même si cette réalité a été très peu prise en compte. C’est à ce moment-là qu’elle fait époque, car elle est à l’origine d’une nouvelle forme de sensibilité en structurant différemment la pensée et la pratique. La camera obscura nous permet de porter un regard nouveau sur l’art occidental, trop longtemps analysé à partir du seul appareil perspectif. Qu’en est-il aujourd’hui ? L’opacité irréductible qui caractérise la camera obscura peut être rapprochée de celle de la salle de cinéma, à l’opposé de la perspective qui fait jouer la transparence. La vision qu’elle suppose ne continue-t-elle pas de s’exprimer à 36 travers les nombreuses installations d’artistes utilisant les projections lumineuses et/ou les boîtes noires : Felten-Massinger, James Turrell, Bill Viola, A. Morell, G. Osz, Rodney Graham… parmi les plus représentatifs ? On note ainsi l’importance de la chambre dans ces installations qui réactualisent toutes, à leur manière, une forme de camera obscura. 5. transmissions programme 2009-11 Marion Delage de Luget 25 janvier 2011 Connexion/déconnection : frontières et autres lignes de fractures dans l’œuvre de David Lynch. Marion Delage de Luget est professeur en histoire de l’art et sémiologie, doctorante en Esthétique à l’Université Paris 8, sous la direction de Jean-Louis Déotte, elle réalise depuis 2010 les commissariats du groupe kurtforver. www.kurt-forever.com Benoît Géhanne 18 janvier 2011 photographie, vidéo numérique et glissements de medium Les réalisations de Benoît Géhanne jouent des formats, des possibilités des appareils, pratiquent des glissements entre médiums, interrogeant les écarts et limites des disciplines. Ainsi, s’il travaille le dessin, la peinture, la photographie et la vidéo, c’est en écho critique aux présupposés et attendus qui y sont habituellement associés dans la doxa. Ses réalisations interrogent les modèles : archétypes de la production et stéréotypes de la réception. Pour exemple, son attachement au low-fi en photo et vidéo, ou encore l’utilisation singulière qu’il propose du traditionnel passe-partout dans ses derniers travaux. L’œuvre de Benoît Géhanne se compose donc de pratiques relativement diverses. Et c’est lors de l’accrochage, parce qu’il propose une mise en espace qui tisse des relations entre les différents médiums utilisés, que les pièces s’activent. Aussi parce que, d’une pratique à l’autre, on retrouve ces figures, ces motifs, qui prennent sens justement dans la transposition du trait de crayon à la trame d’impression, à la surface de couleur… Principales expositions : FIAC, Jardin des tuileries, La Générale en Manufacture, kurt-forever au 6b, La Maison des Métallos, Galerie Lendroit, S.W.A.T. Art (Hambourg), Neu Galerie (Berlin), Opal Gallery (Atlanta). Principales projections vidéo : Moca (Washington DC), Le Cube, L’Esag (Grenoble), Vidéoformes, Loop pool (Oberhausen), Strawberry Super 8 (Cambridge), Filmer la Musique, IFCT (Philadelphie), Urban Screen 2008 (Melbourne). 37 Il est toujours question, chez Lynch, de coupure, et aussitôt d’enchaînement. Parce que le cut, par section, appelle ou suppose l’adjonction ; aussi parce que tout fragment, comme le proposent Lacoue-Labarthe et Nancy, réitère toujours l’indexation d’une totalité : « (…) le fragment-projet ne vaut pas comme programme ou prospective, mais comme projection immédiate de ce que pourtant il inachève. » Voyons comment s’articulent ces idées de coupe et – corrélat obligé – de montage, pour saisir comment l’enchaînement transversal entre les pratiques s’élabore chez Lynch, sur le modèle du réseau. Lynch prône l’intermédialité. Avec cette visée : faire acte de résistance à la partition disciplinaire, mais en évoquant d’autres frontières – en moquant les symptômes de l’unité territoriale. Dans Twin Peaks, il s’applique à montrer comment les concepts de dedans et de dehors élaborent des modèles de relations spatiales qui déterminent à leur tour des modèles culturels et symboliques. Ainsi, la picket-fence va parodier la frontière administrative pour moquer le principe du tiers exclut, et la traditionnelle opposition entre le Wild et le Home. Seule échappatoire aux démarcations normatives : le shunt, court-circuit, digression – un espace autre pour paraphraser Foucault et cette belle idée de l’hétérotopie, hors cadre, hors norme, lieu possible des déviations, incarnée par la fameuse Black Lodge. 5. transmissions programme 2009-11 Ronald Rose-Antoinette 25 janvier 2011 Tendances et contre-tendances du cinéma : Politique des images-milieux Susanna Muston 8 février 2011 Œuvres et public. Œuvres interactives, créations communautaires et expositions ouvertes Né à Fort-de-France (Martinique) en 1984, Ronald Rose-Antoinette est aujourd’hui doctorant en philosophie à l’Université Paris 8. Susanna Muston est doctorante en philosophie à l’Université Paris 8. Depuis 2007, elle collabore avec plusieurs institutions européennes (Centre Pompidou, Scuderie del Quirinale, Enciclopedia Treccani, Design Miami/Basel, etc.). Ses recherches portent sur le concept de montage des expositions et sur les modalités de réception des œuvres. Elle collabore aussi avec l’Università degli Studi di Milano. En réfléchissant sur la relation qui lie les œuvres d’art avec leurs spectateurs, elle propose ici une analyse de trois exemples illustrant différentes formes d’interaction œuvre/public. Existe-t-il un espace ouvert pour celui qui regarde l’œuvre ? Quelle relation engage-t-il avec celle-ci? Il s’agit de questionner non seulement la capacité de jugement du public, mais surtout l’existence d’un espace de création propre au spectateur. À travers plusieurs exemples, on repère une forme de liberté d’action laissée ouverte à l’interprétation du spectateur. Trois types de relation œuvre/public sont présentées: en premier lieu une relation physique avec l’œuvre dont la conception veut inviter le spectateur à l’interaction (rAndom International). En deuxième temps, on considère l’exemple de certaines œuvres qui poussent le public à questionner le concept de collectivité (N.S. Harsha). Finalement, on analyse l’exemple d’une exposition dont la structure laisse au public une liberté inattendue dans l’interprétation des œuvres exposées (La Force de l’Art 02). N. S Harsha Quelque chose fait irruption dans nos histoires avec sa temporalité propre et crée une gêne sans précédent dans les systèmes qui encapsulent nos corps et nos pensées. Ce faisant, les langues, les gestes hors de toute signifiance font leur apparition et nous avons bien du mal à tenir en place sur les cartographies rationnelles. Il y a fort à croire que c’est d’avoir supporté ce qui est tout au mieux insupportable que nous en sommes, parfois, à conjecturer des plans de fuite, des plans d’exclusion, tel que nous en donne l’occasion l’art cinématographique, las des mises en situation poussées en arrière-plan de nos révoltes. Avec le cinéma, ce qui fait problème et devient chose vécue c’est le bougement, la projection en images (temps et mouvement) d’un peuple qui ne tient littéralement plus en place devant l’irruption de l’hypermachine de sens et d’effet qui l’expulse de sa corporéité. Esthétique, très vraisemblablement, mais avant tout politique agissante, d’extraction (en relais) des traumatismes, des désirs, des mouvements qui dynamisent, pas toujours de manière visible, sonore ou tactile, le surgissement des imagesmilieux. Rien ne laisse croire que techniques et esthétiques ne participent d’aucune façon à cette praxis de la politique, à la fois à sa fabrication et à son dénouement. Il faudra, par ailleurs, déterminer en quoi ces dernières président à l’extraction des affects et des images qui prolifèrent dans des œuvres telles que Tropical Malady et Caché. 38 5. transmissions programme 2009-11 Valéry Grancher 8 février 2011 Esthétique du Présent dernières installations vidéo faites à l’issue de déplacements aux limites de notre monde (Amazonie et Arctique), l’espace et la durée du présent ne cesseront d’être questionnés... Einstein ne disait-il pas du temps, que le futur et le passé étaient une vue de l’esprit ? que la seule dimension du temps qui existe est le présent... Valéry Grancher est en 1967 à Toulon. Auteur des fameux Google Paintings, pionnier de l’art internet dès 1993, sa réflexion sur le monde contemporain le pousse à nous alerter au moyen d’actions artistiques sur des thèmes tels que l’Amazonie et l’Arctique. Depuis 1992, il s’intéresse aux liens entre l’identité, l’espace et le temps... L’avènement du web allait lui amener l’opportunité de focaliser sur ce triangle. En effet, le web représente des instants de 24h00 mouvant de secondes en secondes. Seul le présent de l’interaction avec l’interface représente une temporalité, il n’y a point de durée, point de passé ni de futur... Juste un présent plasmatique sur lequel des liens sociaux se tissent (forum irc, emails). Ce présent du web va redéfinir à ses yeux ce que l’on nomme image, ou encore image temps ou image espace... Ces préoccupations deleuziennes vont nourrir toutes ses productions dans les années qui ont suivi. L’enjeu était de décliner et de traverser différents médias afin de construire une ligne de lecture esthétique tournant autour des trois sommets du triangle initialement défini. Ainsi de ses pièces de net art, à ses 39 5. transmissions programme 2009-11 Sandrine Amy 15 février 2011 La « rideaulogie » : le rêve de l’architecture du XXe siècle Jean-Michel Hequet Vudici 15 février 2011 La camera obscura : technique ou métaphore ? Sandrine Amy est architecte, doctorante en philosophie. De façon inverse à l’architecture que décrivait Walter Benjamin dans son ouvrage sur Paris, l’architecture contemporaine s’attache tout particulièrement à travailler la couche la plus superficielle des édifices, à savoir la façade. Pour le paraphraser, on pourrait dire qu’elle élève l’extérieur « à une puissance considérable » quand les passages parisiens du XIXe siècle étaient selon lui des maisons sans côté extérieur, c’est-à-dire des maisons de rêve du collectif. Autodidacte, c’est au contact de l’architecture qu’il a commencé à regarder autrement. Photographe professionnel, il s’éloigne dès 1994 du métier d’architecte. Spécialisé dans les représentations, du paysage et de l’urbain, il développe depuis un projet artistique qui propose une exploration de la perception, de ses outils et questionne l’idée du souvenir. Benjamin s’est donné pour tâche de dégager l’instant du réveil de ce rêve, un renversement dialectique ou révolutionnaire se faisant d’autant plus sentir qu’à son époque une sortie du cauchemar de la première guerre mondiale s’imposait. C’est dans l’architecture moderne – particulièrement chez Le Corbusier – qu’il pensait avoir trouvé les preuves de ce renversement mais pour lui, comme pour les architectes eux-mêmes, ce geste restait problématique car le prix à payer pour entrer dans la modernité était une irrémédiable perte ; les progrès de l’architecture moderne étaient « proportionnels à la transparence de [son] contenu social. »1 Plutôt qu’un réveil, elle constituerait donc une « fausse délivrance » dont la violence aura masqué un nouveau rêve pourtant déjà en train de se faire, renvoyant au monde archaïque et artisanal du tissu, et résonnant avec ce que Benjamin dé(couvrait) au même moment lors de ses protocoles sous drogue sous le terme de « rideaulogie ».2 Plutôt que construire la révolution, les modernes se seraient donc limités à la préparer en autorisant tout un jeu sur la façade, tout un jeu de la façade que les architectes contemporains ne finissent pas d’explorer. Walter Benjamin, Paris, Capitale du XIXe siècle, Le livre des Passages, éditions du Cerf, Paris, 2006, p.482 2 Walter Benjamin, Ecrits français, éditions Gallimard, Paris, 1991, p.492 1 40 Angles d’approches : Côtoyer la camera obscura aura abouti à un outillage conceptuel qui articule les trois principes fondateurs de l’image photographique : Cadrage, inversion et mémorisation du réel. Cette démarche analytique et phéno-ménologique, qui fragmente pour recomposer les fondamentaux de la photographie, développe finalement un univers technico-poétique. À l’arrivée, des dispositifs didactiques de vision « basse-technologie ». Ces Machines à voir combinent les mécanismes de la photographie et ceux de la « perception ». Ils sont prétextes à jouer l’aller-retour entre tridimensionnalité et bidimensionnalité. De ces installations émergent les questions du paysage et de la mémoire. La trace photographique en fige les composantes matérielles ou mentales. Les représentations qui en découlent traduisent les différents liens qui s’opèrent entre observateur, sujet et circonstances. Si une photo est le souvenir d’une situation, que nous restera-t-il de ce contexte une fois sa trace photographique entre nos mains ? C’est bien cette médiation que tente, dans sa durée, d’établir ce travail. 5. transmissions programme 2009-11 Georges Teyssot 8 mars 2011 Les plis de la membrane : Leibniz, Benjamin, Deleuze », Séminaire annuel, Walter Benjamin et la question de l’espace, MSH Paris-Nord Pour Leibniz, les monades n’ont pas de fenêtres, encore que d’aucuns ont contesté cette assertion. Avec ou sans fenêtre, la monade est une substance individuelle qui obéit au principe de l’harmonie universelle. Pour Walter Benjamin, la monade n’a pas de fenêtre mais porte en elle une miniature de l’ensemble. Les monades sont caractérisées par leur discontinuité, mais chacune d’entre elle exprime toutes les autres, à l’instar des Panoramas qui constituent un modèle réduit de tout l’univers. En définitive, dans Le Livre des passages, la monade éclairet-elle la structure de l’image dialectique? Gilles Deleuze remarque que, si la monade leibnizienne consiste bien en une membrane plissée, un organe récepteur du monde, il s’agit aussi d’une substance enveloppante, d’une peau en quelque sorte. Cette exploration sur les singularités topologiques se poursuit en évoquant l’ouvrage de Deleuze sur Leibniz et le baroque (1988). Vues d’images anamorphiques, 1647, gravure, in: Jean Dubreuil, La perspective pratique, 2eme édition, Paris, 1647-51. Georges Teyssot enseigne à l’Université Laval, Québec (QC, CA). Parmi les publications traduites en dix langues, on dénombre 14 volumes, incluant: Interior Landscape (New York : 1988); Die Krankheit des Domizils. […] (Wiesbaden : 1989). Il a dirigé l’ouvrage collectif, Histoire des Jardins. […] (Paris : 1991, 2002), publié en cinq langues. Récemment, une anthologie de ses essais a été publiée en portugais (Lisbonne : 2010). Les recherches de Teyssot portent sur l’invention de dispositifs spatiaux, technologiques et numériques à l’origine de nouvelles conditions de vie dans les sociétés industrielles, puis informatisées, entre 1830 et 2010. 41 5. transmissions programme 2009-11 Hong-Ki Kim 29 mars 2011 L’espace interstitiel : l’image vidéo comme intervalle chez Bill Viola Hong-Ki Kim est doctorant en philosophie, Paris 8. Vincent Blary 15 mars 2011 Autour du paysage. Points de vue et réalités, transcription et représentation des espaces construits par l’image bvmp.blogspot.com Vincent Blary, plasticien designer, formation artistique aux Beaux-Arts de Valenciennes et aux Arts décoratifs de Paris, partage actuellement ses activités entre enseignement en écoles d’art et pratiques artistiques multimédias. Il vit et travaille entre Paris et Amiens. Les images qui font « paysage » résultent toujours des composantes des territoires auxquelles elles appartiennent. Les circonstances dans lesquelles elles sont conçues sont dépendantes du point de vue de l’émetteur qui les commande ou les produit et des publics auxquels elles sont destinées. Quand il travaille sur ces notions, Vincent Blary les aborde en y associant un qualificatif. En quoi ce qualificatif va intervenir dans la manière d’analyser, de documenter, de classifier les éléments, de rendre lisible les marqueurs qui font « paysage » ? Il emmagasine un maximum de matière documentaire issue de différents modes de représentation, les confronte et les associe pour leur donner sens. Chaque projet invite le spectateur à construire son propre point de vue par rapport au sujet. Ses productions se matérialisent sous forme de livres, supports en adéquation pour mettre en rapport deux notions fondamentales dans son travail : l’espace et la temporalité. Bien qu’un livre ait un début et une fin, que sa pagination organise le rythme de lecture, le lecteur peut toujours revenir en arrière ou le parcourir aléatoirement comme il pourrait le faire in situ en se déplaçant dans l’espace du paysage représenté. Son travail se présente également sous forme d’images autonomes, d’installations ou de scénographies. 42 Pour Bill Viola, l’image vidéo est un « espace interstitiel » (space between). Viola refuse de distinguer à priori paysage extérieur et paysage intérieur. Quand il pratique la vidéo, Viola n’établit pas de distinction entre image extérieure et objective d’un côté, et de l’autre image mentale et subjective. On peut établir une affinité entre Bill Viola et Aby Warburg par rapport à la notion d’espace interstitiel. Warburg définit la particularité de son iconologie comme une « iconologie de l’intervalle » (Ikonologie des Zwischenraums). Une traduction littérale du mot allemand « Zwischenraum » en français serait « espace entre », comme le « space between » de Viola. En émettant l’hypothèse que cette coïncidence ne soit pas fortuite, nous définissons la conception de Viola de l’espace interstitiel à travers l’analyse de la notion warburguienne d’intervalle. Pour Warburg, les images en mouvement survivent dans l’intervalle entre le passé et le présent. Mais elles ne se présentent que de façon négative dans Mnémosyne. En effet, les reproductions photographiques sont des images déjà « fossilisées ». Elles ne montrent pas le mouvement lui-même, mais sa trace. Chez Viola, le support mnémotechnique est la vidéo. Ce vidéaste essaie de percevoir l’intervalle entre le passé et le présent en utilisant la vidéo. Avec la vidéo, on peut percevoir l’image en mouvement de façon positive, parce que l’image vidéo possède sa durée réelle. Warburg et Viola sont tous les deux des penseurs sur l’image en mouvement. Mais Warburg la cerne à la façon négative en utilisant la photographie en tant que support mnémotechnique, alors que Viola la montre à la façon positive avec la vidéo. 6. colloque poétique du numérique 2 UNIVERSITÉ DE NANTES Colloque POÉTIQUE DU NUMÉRIQUE 2 15 avril 2011 UNIVERSITE DE NANTES Textes, Langages, Imaginaires Marges Modernités Antiquités Département Information Communication en collaboration avec l’Ecole de beaux-arts de Nantes et le Gersa (Groupe d’Etude et de Recherche Scénographique en Architecture) de l’Ecole d’Architecture de Nantes. à la suite du colloque 1 dont les actes furent publiés aux éditions Lentretemps, nous organiserons Poétique du numérique 2. La thématique suivante sera au cœur de la réflexion : Les territoires de l’art et le numérique, quels imaginaires ? Les nouveaux médias, autour de l’internet, redistribuent les médiations entre les parties et le tout et bousculent les frontières de l’art et ses sites (Cauquelin, 2002). Ces médias forment un champ d’exploration pour les transformations liées à l’avènement d’une écriture générique dite « multimédia ». La raison graphique côtoie une raison computationnelle et engage ainsi toute l’activité symbolique dans un nouveau cycle, après l’imprimerie et l’audiovisuel, pour proposer un imaginaire et de nouveaux contenus. Les réseaux numériques des télécommunications, de leur côté, redistribuent aussi les relations entre le langage, les corps et les objets. Des phénomènes de transfert et de transaction viennent parachever des mutations de l’art qui sont directement reliées à une industrialisation du symbolique. Un modèle économique de développement en devenir interroge aussi, après les industries culturelles, le statut de l’art et des images des cultures actuelles. Les mutations contemporaines n’imposentelles pas une redéfinition des territoires de l’art ? Cette interrogation recouvre des réalités bien différentes, empilées et stratifiées, mais aussi interconnectées : territoire de mémoire, de patrimoine, à dimensions variables et changeantes mais aussi territoire « vectorialisé » par les infrastructures de communication. L’avènement du numérique, avec ses pratiques de «dématérialisation » et de délocalisation, met à mal les anciennes frontières ainsi que les usages établis, au risque d’une perte de repères. Dans le même temps, les territoires ne permettent-ils pas un nouveau maillage de l’espace parcouru, et une manière nouvelle de parcourir les lieux ? Loin du retour à un « art social », faut-il condamner pour autant « les usages sociaux de l’art » (Jeudi, 1999) qui seraient compatibles avec des initiatives locales, des solidarités nouvelles, des lieux virtuels de création collective permettant de mettre à jour et intelligence et une sensibilité (Stiegler, 2005) en réseau constituant un noyau éclaté de l’urbanité contemporaine ? 43 PROGRAMME De nouveaux territoires pour l’art ? • Franck Cormerais : OUVERTURE, A PLUS D’UN TITRE... • Pierre Musso, (Paritech, Rennes 2) IMAGINAIRES ET INNOVATION TECHNOLOGIQUES Une cartographie déplacée Président de séance : Franck Cormerais • Colette Tron, (Alphabetville, Marseille), ARTS, DISPOSITIFS, TERRITOIRES • Michel Lavigne, (Toulouse 3 ) IMAGE ET INTERNET : la perspective critique. Création recherche autour de Google Images • Michel Porchet, (MSH, Paris-Nord) PARCOURS AUDIO–URBAIN ET RÉALITE AUGMENTÉE • Jean-Paul Fourmentraux (Lille 3) ARTS NUMERIQUES ET MÉDIAS PRATICABLES Une spatialité interrogée Président de séance : Jean-Paul Fourmentraux • Lucile Haute, (Université de Saint-Étienne, EnsadLab/EN-ER) TÉLÉPERFORMANCE : Étude d’un champ artistique hybride • Yannick Maignien (CNRS, Paris) : MOBILITÉ ET POSSIBILITÉ : la carte numérique et le territoire de la création • Pawlak Grzegorz (Université d’Amiens) LE QUOTIDIEN, MATRICE D’UNE POÉTIQUE DE LA DISSEMINATION • Laurent Lescop (École d’architecture,Nantes) LES DONNEES PAYSAGÈRES : RELEVER, RESTITUER,COMPOSER UN PAYSAGE NUMÉRIQUE Un imaginaire reformulé Président de séance : Georges-Albert Kisfaludi • Martine Bubb pour Plugin, (École des beaux-arts de Nantes) MOTHERSHIP UNION. LIEUX ÉCLATÉS ET IMAGINAIRES CONNEXES • Cellio Paillaird, (ENSAPVS – École Nationale Supérieure Paris-Val de Seine) IMAGINAIRE DES ARTS NUMÉRIQUES ET IMAGINAIRES DES ŒUVRES • Marion Zilio (Paris, 8 ) LE VISAGE CONTEMPORAIN, ENJEU DE LA TECHNOGENÈSE ET DES IMAGINAIRES FLUIDES • Adrien Malcor (artiste et commissaire d’exposition, Paris) Ulysses : networks prophétiques (Modèles joyciens pour les psychogéographies numériques) • David Morin Ulmann (école de Design Nantes Atlantique) Culture territoires, numérique et urbanités 6. colloque poétique du numérique 2 UNIVERSITÉ DE NANTES Conférence Martine Bubb Lieux éclatés et imaginaires connexes Colloque POÉTIQUE DU NUMÉRIQUE 2 15 avril 2011 UNIVERSITE DE NANTES Textes, Langages, Imaginaires Marges Modernités Antiquités Département Information Communication Peut-on dire qu’il existe une poétique ou un art spécifique induit par le dispositif numérique ? La question de l’art dans son rapport au multimédia a été ici abordée à partir des manifestations Mothership Union et Retransmissions 4, 2010. En soulignant la dimension collective du projet, nous avons montré comment un certain imaginaire, dépassant la question de la surveillance (les spectateurs-flâneurs étant géo-localisés) s’était déployé dans la ville autour de la pièce maîtresse de Michaël Sellam (à rapprocher des Immatériaux de Lyotard) et des réalisations connexes d’artistes et d’étudiants, donnant lieu à un foisonnement de propositions singulières. Comment le territoire urbain, réel, organisé, devient-il, travaillé par l’imagination, un réseau de lieux disséminés, labyrinthiques, d’espaces propices à l’expérience sensible ? La déambulation s’effectue, comme sur internet, selon une temporalité fluide et continuiste qui était déjà celle de la camera obscura puis celle des passages urbains, à l’opposé de l’instant de la coupe perspectiviste. Les corps, qui ne sont plus des « sujets face à une scène », sont emportés dans une expérience phénoménologique, de déplacement, nomadisme. Le temps, de même, est apparu fragmenté, éclaté selon la définition qu’en donne André Green en psychanalyse. Nous avons aussi interrogé les notions très différentes d’appareil et de dispositif, à partir de la question de la connexion, centrale pour notre équipe Plug-in (brancher, lier...) Conférence Michel Porchet PARCOURS AUDIO–URBAIN ET RÉALITE AUGMENTÉE Muni d’un terminal utilisé comme récepteur audio et localisé en temps réel, le spectateur d’une proposition Sound Delta est invité à explorer une œuvre sonore en se déplaçant dans un espace physique devenu partition musicale. Sound Delta s’intéresse aux dimensions spatiales, architecturales, scénographiques, sonores et informationnelles qui font intervenir le spectateur dans l’espace de l’œuvre. Les territoires immatériels ajoutent des couches d’information et stratifient un territoire hybride - actuel / virtuel - dont l’interface au réel et à l’observateur, reste une condition nécessaire d’existence. L’immatérialité de ces territoires permet de développer leur adaptabilité, leur réactivité, leur interactivité, bref, leur relativité à chaque observateur-acteur. Alors que la vision, proche ou lointaine, permet d’anticiper dans une certaine mesure l’exploration d’un espace donné, il n’en va pas de même du son dont le rapport à la temporalité est l’instantanéité. Il en résulte que dans une exploration purement sonore d’un environnement le spectateur est forcément surpris et cela rend particulièrement sévères les exigences de l’exploration d’un tel environnement. Si l’action du spectateur influence le déroulement de l’œuvre, les capacités narratives sont fortement limitées, d’autant que l’œuvre se développant dans le temps la relecture de la phase précédente est tout simplement impossible. Il en résulte qu’une structure narrative doit fortement s’adosser à l’imaginaire spontané du territoire donné ou construit (dans le cadre d’une scénographie). Cette propriété favorise une exploration poétique si le spectateur peut relier spontanément l’évolution sonore à son action. Dans le cas contraire, l’expérience est forcément pilotée par la vision en suivant une carte ou un balisage. L’espace sonore cesse d’être dominant, il perd pour une part sa poésie et tourne facilement à l’illustration. image : Ghislain His (ENSA), Retransmissions 4, Nantes, Quartier de la Madeleine 44 7. expositions 7.1. retransmissions Retransmissions 4 Octobre 2010 et Croisemetns Numériques Mars 2011 - «Empreinte conservée» -pièce et © Makiko Furuichi La déclinaison pédagogique de Plugin dans le second cycle de l’ESBANM permet d’associer des étudiants M1-M2 (ponctuellement, des L3) à l’ensemble de ses actions. Atelier de recherche et Création (ARC) «Jack Plug» puis Projection «Retransmissions», ce module pédagogique permet de confronter les étudiants aux problématiques du projet de recherche, avec l’exigence centrale des expositions. Celles-ci, les Retransmissions, sont relatives à l’actualité de Plug-in : expositions des artistes-chercheurs, workshops d’artistes invités, de partenaires, ateliers de développement. Après s’être déroulées dans la galerie de l’ESBANM, les Retransmissions ont investi d’autres espaces hors école. L’intention pédagogique est d’inscrire la pratique de l’étudiant dans un contexte de réalité, tant au niveau de sa production que de sa diffusion. (l’index à l’écran de l’ordinateur, le trajet sur une cartographie, l’attraction perceptuelle…) ». 10 installations et pièces de 9 étudiants et 3 de PING furent exposées. L’exposition Retransmissions 2 a réuni en décembre 2009, à la galerie de l’ESBANM, « des travaux dont les dimensions sonores et plastiques proposaient aux visiteurs des rencontres mystérieuses, collectives ou individuelles, sur la question du média et de l’expérience. Approches différentes et variées, ces propositions portaient sur la liberté du public, la localisation et la réalité du temps de l’œuvre, son autonomie et sa place dans une époque et une société médiatisées ». Retransmissions 2 a permis à plusieurs étudiants de tirer profit des compétences de partenaires : le collectif M.U. qui avait organisé un workshop de pratiques et techniques artistiques sur les questions de la géolocalisation et de la composition sonore géolocalisée, le collectif PING et l’artiste-chercheur Michaël Sellam pour des développements sur le traitement temps réel de l’image captée. Onze installations et pièces de dix étudiants furent exposées. La dénomination Retransmissions est née de la première exposition réalisée en mars 2009 à la galerie de l’ESBANM, avec le collectif d’artistes et d’ingénieurs PING, à la suite de leur workshop Flux Urbain.2. Retransmissions 1 jouait sur deux axes entrecroisés : « d’un côté, la transposition en interprétations faisant appel à l’imaginaire, d’une matière factuelle de la ville, de sa vie, de ses flux (enregistrements audio, relevés GPS, témoignages visuels et sonores, images webcam automatiques...) ; de l’autre, la matérialisation, dans l’espace d’exposition et de déambulation, de vecteurs d’action dont l’existence originelle n’est qu’immatérielle Retransmissions 3 a été conçue hors les murs de l’école pour être couplée à l’exposition de Plug-in : Préliminaires Mothership de Michaël Sellam à la galerie de l’ESBANM. Les pièces exposées et les performances, situées dans différents lieux dont l’ENSAN (école d’architecture) et l’office de tourisme de Nantes, proposaient en mai 2010 un parcours dans la ville de 45 7. expositions 7.1. retransmissions Nantes. Il réunissait des travaux motivés par l’interprétation du scénario de science-fiction de Michaël Sellam, base d’inspiration de son projet Mothership, qui crée une mystérieuse atmosphère d’imminence : « Quelque chose s’est passé ici. » Retransmissions 3 interrogeait le statut et la place de l’œuvre dans un territoire urbain. Quinze installations, pièces et performances de seize étudiants furent exposées. Dans le cadre du 11e congrès d’ELIA, HEARTH - L’Art au cœur du territoire, l’exposition Retransmissions 4 a mobilisé, en octobre 2010, à la galerie de l’ESBANM, à la Galerie le Temple du Goût, dans le tissu urbain, et sur le parcours entre l’ENSAN et l’ESBANM, des groupes d’étudiants de ces deux écoles autour du scénario du projet Mothership. « Cette contrainte à détourner ou avec laquelle jouer, a été perçue comme point de départ d’une réflexion et comme moteur. La plupart des étudiants ont marqué leurs distances avec ce scénario en revendiquant avoir poursuivi des problématiques avant tout personnelles. » Le concept de contamination sur le territoire urbain et sur le territoire de l’information, a été mis en œuvre dans plusieurs actions. Dans le même temps était exposées, par Plug-in et Michaël Sellam, Mothership et Mothership Union avec les artistes invités. Huit installations, pièces et performances de six étudiants de l’ESBANM furent exposées (+ les pièces des 45 étudiants de l’ENSAN). L’exposition Croisements Numériques, organisée par l’Ecole Municipale d’Art de Saint Nazaire en mars 2011, a permis à 5 étudiants associés à Plug-in de produire et présenter, à la galerie des Franciscains, 5 pièces développées dans le contexte de Retransmissions. Ils s’y sont confrontés à la complexité de la scénographie d’exposition multimedia. Opportunité d’exposition pour les étudiants de l’ESBANM depuis plusieurs années, « Croisements Numériques porte un éclairage sur les pratiques artistiques et culturelles du numérique en région. Rassemblant amateurs et professionnels, la 6e édition a conjugué expositions, rencontres, ateliers et une série de rendez-vous privilégiés avec le public. » 46 Retransmissions 5 fut construite en avril 2011 à la Galerie le Temple du Goût comme une exposition / atelier ouvert, que les étudiants ont dû s›approprier après une première phase sous forme d›un workshop avec les artistes Benoît Géhanne et Vincent Busson du collectif Kurt Forever. « Les travaux expérimentaux et les pièces exposés ont questionné les processus de transposition et de basculement d›un médium à l’autre. » Ce travail a interrogé plusieurs concepts de la représentation plastique, en particulier ceux de l’art du numérique et de l’immatériel. En évolution pendant sa durée, Retransmissions 5 a permis d’exposer 5 installations et performances de 3 étudiants, et 6 pièces des 2 artistes. Retransmissions 6 exposera fin juin 2011 à la galerie le 6B à Saint-Denis (près de Paris), les productions des 4 étudiants de la Projection Retransmissions et celles de Benoît Géhanne et Vincent Busson du collectif Kurt Forever, sur la thématique Transposer : « intervertir, traduire, adapter, arranger, interpréter, renverser… Selon le principe de la synesthésie, une connexion s’établit entre des dimensions hétérogènes. Dans Transposer, la racine Trans- marque l’idée d’un changement, d’un passage, mais aussi d’un franchissement des limites ou des frontières communément admises. Quelque chose est à comprendre audelà ou à travers ce qui pourrait constituer un champ clos ou une “discipline” : musique, arts plastiques… » 7. expositions 7.1. retransmissions Retransmissions 5, avril 2011 pièce et photo Benoît Géhanne Retransmissions 2 décembre 2009 - OLIVIER GARRAUD • Borne d’arcade Retransmissions 3, mai 2010 Qing He, La Variation Retransmissions 2, décembre 2009 Amandine Ronzier, Touchemoi ! 47 7. expositions 7.1. retransmissions Retransmissions 2, décembre 2009 Valeria Petrini, Crime Scene Croisements Numériques, mars 2011 Nathan Sobreira Martins, Direction Sons © Martine Bubb Retransmissions 5, avril 2011 Nelson Chouissa © Benoît Géhanne Travaux d'étudiants d'architecture de Nantes, vue de l’exposition à la galerie des beaux-arts pour Retransmissions 4, 2010. Photo Ghislain His Retransmissions 5, avril 2011 Nelson Chouissa © Benoît Géhanne 48 8. partenaires plug in Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord Installée à Saint-Denis depuis 2001, la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord est une structure d’accueil, d’impulsion, de promotion et de diffusion de la recherche en sciences humaines et sociales. Elle a pour ambition d’occuper une position de premier plan, au sein de la communauté scientifique internationale, sur les axes suivants : « Industries de la culture & arts », « Santé & société », « Mondialisation, régulation, innovation », « Penser la ville contemporaine ». Elle est une Unité mixte de service et de recherche du CNRS et des universités Paris 8 et Paris 13. La Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord contribue a u développement de la recherche sur ses axes sur le territoire de Plaine Commune en Seine-Saint-Denis, dans le reste de l’Île-de-France et à l’échelle nationale et internationale. Axe 1 : Industries de la culture et arts. Responsable : Pierre Mœglin, professeur en Sciences de l’Information et de la Communication à l’université Paris 13. La confrontation des industries culturelles et des arts articule deux réalités : les industries culturelles ont besoin des arts et font commerce de leur production ; Les arts trouvent des débouchés dans les circuits industrialisés de la production et de la diffusion culturelle, tout en restant régis par des critères qui ne sont pas ceux des industries et marchés de la culture. La MSH Paris Nord ouvre aux équipes de recherche de Paris 8, Paris 13, d’autres universités et du CNRS la possibilité de conjuguer leurs compétences au croisement de ces deux secteurs. Thèmes de recherche : Environnements virtuels et création / lndustries de la langue / Socio-économie de la culture et de la communication / Esthétiques, arts et industries / Création, pratiques, public / Anthropologie de la communication Thème n° 4 : App@reils, esthétique, arts et industries Responsable : Jean-Louis Déotte, professeur des Universités, département de philosophie, Paris 8 Saint Denis 49 COLLECTIF MU Fondée par une équipe issue du Fresnoy (Tourcoing-F), MU est une structure de production artistique indépendante. Installations ou performances, les créations de MU opèrent une série de glissements dans le réel par la diffusion de sons, la projection d’images, la traversée d’un paysage ou d’une scénographie… Les territoires investis deviennent espaces expérimentaux propices à l’invention de scénarios : dans ces dispositifs, chacun reste libre de choisir son point de vue pour créer son propre parcours. Les installations sonores de MU dans l’espace urbain lui valent une certaine reconnaissance à Paris (Nuit Blanche 2005 et 2006, Centre Pompidou et Festival Sous la Plage 2006, Palais de Tokyo et Maison de la Radio 2007) mais aussi à l’étranger (Biennale MIVAEM Montréal 2006, Sibiu et Luxembourg Capitales Européennes de la Culture 2007). En 2007, le festival “Filmer La Musique” transforme les espaces de Point Éphémère. En 2008, MU invente une résidence européenne itinérante sur le Rhin et le Danube qui rassemble plus d’une quarantaine d’artistes internationaux (www.sound-delta.eu). Michel Porchet De 1985 à 1995, Michel Porchet est professeur au Département de mécanique de l’école polytechnique fédérale de Lausanne et directeur du Laboratoire de Conception Assistée par Ordinateur. De 1998 à 2002, il est coordinateur pédagogique au Fresnoy, école post graduée, plus spécialement orienté vers l’utilisation par les artistes des nouvelles technologies de l’image et du son. Depuis 2002, il participe aux travaux du programme “Arts, Appareils, Diffusion” de la Maison des Sciences de l’Homme de Paris-Nord. De 2004 à 2007, il est coordonnateur du thème Esthétiques, Arts, Industriesde la MSH Paris Nord. Depuis 2003, il dirige le travail de recherche et développement conduit par le Collectif MU. et est directeur scientifique de la société ReMu, une start up orientée vers le développement de dispositifs numériques avancés au service de la production de contenus artistiques et culturels. 8. partenaires plug in École d’architecture de NANTES Située sur l’île de Nantes, au cœur du futur quartier de la création à vocation européenne, l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes bénéficie de la dynamique culturelle, économique et universitaire de son territoire régional et métropolitain d’implantation. L’ensa Nantes dispense une formation conduisant au diplôme d’état d’architecte et forme des architectes généralistes capables de maîtriser la conception architecturale et urbaine dans tous les aspects conceptuels, esthétiques et constructifs. Centrée sur le projet, la formation vise l’acquisition de savoir faire professionnels et le développement de l’autonomie de pensée. Participent à cette autonomie et à la construction personnelle de l’étudiant, quatre grands champs, autres que l’architecture proprement dite : • Sciences et techniques pour l’architecture (STA) • Histoire et culture architecturale (HCA) • Arts et techniques de représentation (ATR) • Sciences humaines et sociales (SHS) L’ensa Nantes a engagé des collaborations avec l’ESBA de Nantes Métropole dans le cadre de l’unité d’enseignement de projet ‘’Habiter le rythme’’ -architectes Ghislain His- Sylvain Gasté et des enseignements (ATR) dispensés par les plasticiens du pôle Image - Daniel Grimaud & Pierre Faucher. Des intervenants y sont associés tel que, Jean Lévèque, philosophe et Mr Mouch, architecte et conteur. L’approche épistémologique spécifique de nos deux écoles concourt à la nécessité de comparer nos expériences et nos hypothèses respectives. La démarche se caractérise par l’association, dans un même projet de recherche, de la culture architecturale et la culture de l’art, avec pour objectif d’imaginer les futurs métiers de la création. Pierre Faucher, Maître assistant à l’ensa Nantes, artiste plasticien, diplômé de l’ENSBA de Paris, ancien pensionnaire de l’académie (Villa Médicis) de France à Rome. Daniel Grimaud, MA 1e cl - ensa Nantes Plasticien, Diplôme de Dessin et d’Arts Plastiques, Paris, 1973. Ghislain His, architecte DPLG, professeur à l’ensap Lille depuis octobre 2010, chercheur au LACTH (labo de recherche de l’ensapl), docteur en histoire de l’art (Sorbonne) 50 université de NANTES Par sa taille et ses réalisations, l’Université de Nantes est l’établissement moteur du PRES UNAM (Université Nantes Angers Le Mans) qui regroupe, autour des trois universités publiques de la région des Pays de la Loire et de l’école centrale de Nantes, les deux centres hospitaliers universitaires, des centres de recherche et des écoles. Elle se développe dans un territoire attractif ayant une expansion économique et démographique forte et continue depuis deux décennies. L’objectif de l’université de Nantes est d’accroître sa visibilité et son attractivité internationales et de générer des synergies entre chercheurs de différentes disciplines pour valoriser son caractère pluridisciplinaire. Elle développe ses activités de recherche selon 3 grands domaines disciplinaires (DS) : « Biologie, Recherche médicale et Applications » (DS1), « Sciences et Technologies » (DS2) et « Lettres, Langues, Sciences humaines et sociales » (DS3). Ses ambitions pour la recherche : Créer de nouvelles connaissances Promouvoir des recherches d’excellence Développer le territoire et créer des richesses Former les étudiants aux métiers de chercheur Développer des formations recherche, professionnalisantes, en s’appuyant sur les connaissances produites des laboratoires Développer la culture scientifique et technique Participer aux réflexions des décideurs en apportant des expertises - En lien avec l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Nantes Métropole : Franck Cormerais, CERCI, Département Information, Communication (DS3). Docteur en philosophie et en sciences de l’information et de la communication, maître de conférences, membre du labo TLI-MMA (EA.1164), membre Ars Industrialis : Laboratoire Textes Langages Imaginaires Marges Modernités Antiquités. Président de séance des colloques « Poétique du Numérique 1 et 2 » 9. biographies plug in PLUG IN DIRECTION DE RECHERCHE plug in directION de recherche plug in directION de recherche VÉRONIQUE VERSTRAETE Née en Bourgogne en 1961. Vit et travaille à Paris. georges-albert kisfaludi Né à Nancy en 1961. Vit et travaille à Paris, enseigne à Nantes. Philippe-André BÉNA né à Vannes en 1956. Vit et enseigne à Nantes. S’interrogeant sur la technologie et ses implications, il conçoit les programmes et réalise l’électronique permettant d’élargir l’action du multimédia dans le champ artistique au sein de l’ESBANM. Il intègre le projet de recherche Plug-In en 2008 et y développe des applications interactives en relation avec les artistes chercheurs ou invités, les partenaires et les étudiants associés. Il crée le site VISUALexperiment.com en 2000 qui, entre autres, offre des sources de programmation utilisables pour interfacer l’ordinateur et l’espace. En 1992, création de l’Atelier Electronique au sein de l’Atelier de Recherche Numérique. Concevant des émetteurs portables V.H.F et U.H.F de fortes puissances, l’émission de documents vidéo dans la ville sera l’un des champs d’expérimentations qui abordera la notion de géographie de l’œuvre. Réalisant parallèlement les premiers reportages vidéos et émissions diffusés sur le câble à Nantes, il permettra de montrer des œuvres expérimentales et d’observer par la multiplication des réseaux de diffusion, la confrontation et la conjugaison des strates culturelles constituant les différents territoires de la citée. Travaille aussi sur des systèmes robotiques pilotés par ordinateur, permettant de visiter des lieux d’exposition distant. Il réalise de nombreux travaux d’animations électroniques pour des musées et dés 1985, des films d’animation par ordinateur. Il intervient régulièrement pour différentes sociétés audio-visuelles et informatiques, plus particulièrement sur Nantes. Intéressé par divers moyens de représentation, il dépose en 1984 un brevet pour un modèle de Polaroïd SX70 Relief basé sur le principe de l’anaglyphe. Après ses études des Beaux-Arts à Nantes et un D.N.S.E.P. en 1978, il poursuit une formation de concepteur réalisateur Audio-visuel à CINETIS. Sa première exposition personnelle en 1979 se tient à la galerie Arlogos sous le titre “espaces numériques”. Elle enseigne à l’école des beaux-arts de Nantes et codirige la recherche sur les abstractions, de 2005 à 2009, puis à Plug In de 2009 à 2011. Après des études à l’école nationale des beaux-arts de Dijon, elle est sélectionnée pour participer à l’Institut des hautes études en arts plastiques, créé par Pontus-Hulten, elle rejoint la galerie Claire Burrus à Paris, puis la galerie Georges Verney-Carron à Villeurbanne et à présent à Lyon. Son travail de sculpture et de recherche envisage l’œuvre d’art dans ses diverses potentialités et acceptions, voire dans certaines fonctionnalités, et s’établit dans une constante relation à l’espace du regardeur. Sa production interroge l’image, la peinture, l’installation, mais aussi le design ou la scénographie. Les réalisations de cette artiste singulière prennent fortement en compte et viennent reformuler le contexte dans lequel chacun des projets s’inscrit – contexte architectural, social, humain, économique ou historique – et qui fait intrinsèquement partie de l’œuvre. Des relations qui ne sont plus seulement le mode habituel de la contemplation s’instaurent entre l’œuvre et le public. Lorsqu’elle convie des artistes d’autres disciplines à travailler avec elle, sa démarche vient instancier et configurer une recherche entre les techniques propres aux enjeux, aux pratiques, aux significations de ces deux différents domaines qui ont parfois tendance à s’exclure ou qui se côtoient sans se fréquenter vraiment. www.veroniqueverstraete.com Chercheur-concepteur en ingénierie multimédia et imagerie virtuelle, il participe à la conception et réalisation de spectacles, expositions et installations à vocation interactive, muséographique, scénographique et de communication. Ses recherches sont tournées vers l’art en réseau et la question des fantasmagories : Des-illusions, Paris-Mons, 2010-04 ; Étreintes, ESBANM/ENSAN, 200906 ; L’Émoi des images, Nancy, 2007 ; Camera Virtuosa, Zentrum fur Kunst und Medien Karlsruhe, 1993, etc. Enseignant aux beaux-arts de Nantes depuis 1991, il initie en 2008 le projet de recherche Plug-in (SoundDelta) en convention avec la M.S.H. (C.N.R.S./Université Paris Nord) et le collectif M.U. (Métaphores Urbaines), et coordonne depuis 2006 un master multimédia en partenariat avec l’ESTHUA (Université d’Angers). Conférencier et consultant en nouvelles technologies, il participe à plusieurs études et chantiers théoriques : à Nantes, les colloques Création artistique en réseau – JRES ; 2009 ; Territoires, Design et Développement, 2007-08 et Culture Interactive, 2005. Il a été chargé de mission auprès de l’Inspection générale pour l’audiovisuel, la création technologique et la recherche à la Délégation aux arts plastiques du Ministère de la Culture. De formation scientifique (études supérieures d’optique physique et physiologique, Institut Fresnel, Paris, 1981), il intègre en 1988 un DESU/ DEA « Image nouvelle, média et architecture de la communication » (Universités Paris 13 / Paris 2) et poursuit depuis une action d’expertise, de transmission de savoir, d’ingénierie, d’expérimentation et de développement de productions : au Fresnoy, à l’école nationale d’arts de Cergy, aux Arts Décoratifs, à l’Université Paris 2, au CNAM Paris… 51 9. biographies plug in plug in théoricienne chercheuse PLUG IN artiste chercheuR 2010 PLUG IN artiste invité 2010 Martine Bubb Née à Lyon en 1976. Vit et travaille à Saint-Étienne, Lyon, Paris, Nantes. Michaël Sellam Né à Paris en 1975. Vit et travaille à Paris. Matthieu Crimersmois Né à Paris en 1983. Vit et travaille à Paris et Berlin. Le travail de Michaël Sellam multiplie les références au monde des loisirs populaires avec un intérêt particulier pour les pratiques amateurs et les formes de sous- et contre-culture. Appartenant à une génération qui a intégré l’utilisation de l’informatique et des nouvelles technologies, il s’appuie sur ces instruments techniques en les mixant aux pratiques populaires pour produire des rencontres monstrueuses et distordues. Ancrés dans une pratique régulière de la musique, de l’improvisation à l’électronique en passant par la noise, ses projets appliquent aux objets et événements qu’il met en scène des processus d’amplifications, de variations et de modulations. Associant la recherche musicale à ses projets artistiques, il interroge, à travers une démarche complexe et variée, des formes qui se déploient de l’installation à la vidéo, de la sculpture à la performance, et produit un univers à la fois spectaculaire et agressif dont la dimension sonore est particulièrement importante. La tonalité primitive et brutale de ses projets contient une forme de violence sourde et gratuite proche de la science-fiction post-apocalyptique. Son travail explore un échange continu entre art et musique et consiste à produire sérieusement quelque chose qui ne l’est pas. Artiste-chercheur du groupe Plug In, il réalise en 2010 à l’occasion de Hearth, 11e congrès d’ELIA, une œuvre collaborative Mothership Union, à l’école d’architecture de Nantes, avec la participation du collectif MU et de François-Eudes Chanfrault, Tony Chauvin, Mathieu Crimersmois, Magali Desbazeille & Siegfried Canto, Peter Gena & Steve Waldeck, Jean Herpin. Diplômé des Beaux-Arts de Nantes en 2009 (DNSEP), « plasticien et platiniste, Matthieu Crimersmois s’inscrit dans un rapport plastique au son. Son évoqué, son modifié ou créé, il choisit le disque vinyle comme base de ses explorations. Il considère les reliefs, la plasticité, les propriétés physiques des matériaux. Il utilise souvent le thermoformage pour traduire la peau vinylique en écaille protégeant le vide laissé par un corps absent. Le disque vinyle modelé se rapproche ainsi d’une caisse de résonance accomplissant une mise en abyme simple par le retour fantasmé vers ce qui a pu déterminer son contenu intangible. » Sandra Černjul. Dj scratcheur à la base, il se sert de l’esprit expérimental (turntablist) de cette pratique, afin d’accéder à des méthodes de travail singulières et personnelles. Suivant ses projets, il utilise différents médiums tels que la performance, la programmation informatique, la vidéo, la sculpture et le multimédia pour la plupart de ses pièces. Son travail concrétise des concepts cherchant à créer des liens entre le son, l’image, le corps, le mouvement, le médium/message et l’architecture de façon directe et indirecte. Il participe à de nombreuses expositions collectives (Scopitone, Neu/ Now, Zoo Galerie, Galerie RDV...), et a été lauréat du prix ICART en 2011. Il est aussi membre fondateur de l’association Rhézome, rassemblant cinq autres artistes dont le but est de travailler collectivement sur des expositions d’art contemporain. L’association invite d’autres artistes et recherche des lieux pouvant accueillir des projets souvent in situ. À ce jour, Matthieu a ses ateliers au cœur de Berlin avec d’autres artistes, tissant aussi des liens avec Paris. Diplômée des Beaux-Arts de SaintEtienne en 2000 (DNSEP), Martine Bubb développe un travail plastique autour de la camera obscura et de la perspective, qui s’appuie sur sa pratique de la photographie argentique et sur des questions liées à l’architecture. Dispositifs de voyance ou d’aveuglement, les chambres noires qu’elle conçoit se transforment en chambres claires, d’observation et de méditation, mais aussi en chambres spectrales, d’attente et de désir : renversements, éclipses, ombres blanches… interrogent les limites du visible. Elle réalise des installations, dessins et sténopés qu’elle présente dans plusieurs expositions collectives ou personnelles (Lyon, Paris, Brest, Karlsruhe, Liverpool, Séoul…) tout en menant un travail universitaire : allocataire de recherchemonitrice formée au CIES Sorbonne et ATER à Paris 8, elle participe à de nombreux colloques, journées d’études, publications… et obtient un doctorat de philosophie en 2008 pour sa thèse intitulée La camera obscura. Philosophie d’un appareil, parue chez L’Harmattan. Aujourd’hui artiste-chercheur (théoricienne invitée) à l’école des beaux-arts de Nantes, membre de l’équipe Plug-in autour d’un projet de recherche portant sur la création contemporaine multi-supports (numérique, photo, son, vidéo, cinéma…), elle élabore le programme du séminaire 2011 et propose des textes théoriques et critiques autour de diverses manifestations artistiques, à partir de ses rencontres avec les artistes, architectes ou spécialistes du multimédia. Également chercheuse à la Maison des Sciences de l’Homme Paris-Nord, unité CNRS centrée sur le rapport philosophie, arts et appareils, elle est chargée de faire le lien entre les problématiques soulevées à Nantes et celles de la MSH. www.michaelsellam.com crimersmois.blogspot.com 52 9. biographies plug in PLUG IN artiste invité 2010 PLUG IN artiste invité 2010 PLUG IN artiste invité 2010 Peter Gena Peter Gena est titulaire d’un doctorat en composition musicale de l’Université de Buffalo, Etat de New York, où il a étudié avec Morton Feldman, Lejaren Hiller et William Kothe. Ses compositions, qui intègrent divers médias incluant l’instrumental, l’électronique et les ordinateurs, ont été présentées en Amérique du Nord et du Sud, en Europe, Asie et Australie. On peut citer, parmi ses performances / installations les plus récentes, celles qui furent proposées pour The Art Students League of New York, Computing Music IV, Cologne, 2006, The Pandemic Night / La Notte Bianca, Milan, 2006, le Festival d’Automne de Paris, 2004, le Musée d’Art de Berkeley, 2003, Mini to the Max, Brisbane Powerhouse, Australie, l’Université de Salamanque, Espagne, 2002, Arte al Centro, Cittadellarte/ Fondazione Pistoletto, Biella, 2001, The National Gallery of China, Beijing, 2001, Ars Electronica, Linz, 1999… Au cours de plus de trente années passées à Chicago, Peter Gena a produit et dirigé de nombreux événements musicaux et multimédia, tels NEMO’96, New Music America’82, Chicago, 1978 International Conputer Music Conference, Northwestern University. Il fut directeur du programme des manifestations pour le 1997 International Symposium of Electronic Arts, Chicago, et directeur artistique du New European Music Overseas Festival, 19951996. Egalement pianiste, il a donné de nombreuses conférences, fut rédacteur à Formations, une revue de critique littéraire et artistique, et a obtenu de nombreux prix ou récompenses (Fondation Nationale pour les Arts, Meet the Composer, Arts Midwest…) Depuis 1983, il est Professeur à la School of the Art Institute of Chicago, où il enseigne la musique électronique et assistée par ordinateur, l’histoire de la musique, la programmation informatique… Magali Desbazeille Née à Douai, elle découvre la peinture à 3 ans, en 1974 ; gagne son premier prix de dessin à 8 ans, remis à l’Hôtel de Ville de Paris par Bernadette Chirac ; étudie aux Beaux-Arts à Paris, au Hunter College à New York, au Fresnoy à Tourcoing, mais pas à Berlin ; rencontre Siegfried Canto, en 1999, sur Internet via le forum de l’Ircam, plante le système avec un document joint trop lourd, au moins 62 k ; collabore depuis régulièrement avec lui ; collabore avec Meg Stuart, mais pas avec Paul Bocuse ; ses installations, performances, spectacles sont depuis diffusés en France, en Belgique, en Autriche, aux Pays-Bas, au Canada… ; au Lille Métropole Museum, à Ars Numérica-l’Allan-scène nationale de Monbéliard, au CECN de Mons en Belgique, à la Ferme du Buisson-scène nationale de Marne la Vallée, au Centre Georges-Pompidou, au centre des arts d’Enghein les Bains, au Z33, à la Maison européenne de la photographie, à la galerie Schirman & de Beaucé, à la galerie de l’U..……………… ………………………………………………………… presque jamais dans le Sud ; devrait lire Les Mots et les Choses de Foucault, c’est prévu ; mais relit 3 279 fois le même livre, le soir, pour ses fils, à Boulogne-Billancourt où elle vit et travaille ; croise documentaire et fiction, arts visuels et arts vivants, nouvelles technologies et bricolage, images et matières ; questionne les grilles de lecture du monde de l’art contemporain, de l’art numérique, du théâtre ou de la danse ; se demande en quoi l’invention de l’imprimerie ou du téléphone portable a modifié la langue écrite, si ceux qui décrient l’ingéniosité des SMS ne sont pas comme Socrate qui décriait l’invention de l’écriture, et, aimerait savoir : et qu’est-ce que les technologies font aux langages ? Tony Chauvin Diplômé de l’école des Beaux-arts de Nantes et co-fondateur du groupe Chevreuil en 1998, Tony Chauvin pousse ses expérimentations sonores avec la création du projet Percevalmusic en 2005. Tony Chauvin a commencé son activité artistique par la peinture, à forte connotation médiévale, monumentales, des retables en bois, icônes sculptées, peints à l’huile. Ce travail, étroitement lié à l’art religieux, abordait cependant des thématiques contemporaines où le modèle vivant avait une grande importance. Par la suite il utilise d’autres médiums en mettant au centre de son processus créatif la composition musicale. Cette dernière est incorporée dans la conception de dispositifs conçus comme des instruments monumentaux, entre installation, concert et performance. Fondés très souvent autour d’une guitare quadriphonique épaulée par des samplers actionnés en temps réels, ces dispositifs lui permettent de télescoper les pratiques artistiques et codes musicaux. L’informatique, l’électronique, l’acoustique peuvent alors fusionner pour devenir un instrument autant sculptural que dispositif d’où peut découler des jeux d’instrumentistes particuliers, gymnastique musicale, où se mêlent les images du guitariste, du claviériste, de l’informaticien ou encore du chef d’orchestre. Ses envies picturales et plastiques issues de sa formation initiale, sont évoquées à travers un certain rapport au «sacré», tel un simulacre de musique d’époque qui serait émaillée de codes plus contemporains, reliés à la musique électronique, au rock et à la peinture. Il façonnera plusieurs albums, des musiques de spectacle vivant ainsi que des installations plastiques où toujours la dimension performance et musique jouée en direct sur un objet instrumental particulier sera mise au centre du processus. 53 9. biographies plug in PLUG IN artiste invité 2010 PLUG IN artiste invité 2010 François-Eudes Chanfrault Compositeur, instrumentiste et artiste sonore né en 1974. Véritable « ciseleur de sons », François-Eudes Chanfrault s’émancipe d’une solide formation classique pour se tourner vers la musique électronique et ses champs d’expérimentation. Jean Herpin Né en 1980 à Vendôme. Vit et travaille à Nantes. Jean Herpin base souvent ses projets sur des éléments historiques, histoires ou faits divers dont il extrait des formes afin de questionner notre rapport au monde et à sa déréalisation. Ses installations font appel au son, à la vidéo, à la photographie ou encore à des dispositifs technologiques complexes afin de proposer un mode de réflexion sur notre époque et son histoire. L’obsolescence des technologies, le statut des images, ou l’ hyperréalité sont autant de terrains de recherche pour son travail. Ses œuvres suscitent simultanément l’interrogation et la réflexion, catalysés par l’humour et l’ironie. Souvent faussement ludiques parfois volontairement déceptifs, les dispositifs qu’il conçoit interpellent notre désir de spectacle et questionnent notre place au sein de l’œuvre. Parallèlement il poursuit (en collaboration avec Antonin Faurel) la réalisation du projet photographique « something like usa », lequel est conçu autour du road trip et se donne pour but de collecter photographiquement les signes et/ou traces d’une certaine vision «populaire» des États-Unis sur le territoire français. Il collabore avec de nombreux artistes dans le cadre d’installations sonores (Sound Delta, avec le collectif MU, Infraespace et Waves avec l’architecte Laurent Karst et le chercheur Jean-Marc Chomaz), ou récemment avec le plasticien Sylvain Rousseau, le musicien et poète Pierre Gambini, ou le chanteur culte JeanFrançois Cœn. Compositeur remarqué pour ses nombreuses bandes originales qui traduisent une intégrité artistique têtue, ses résonances, toujours subtiles, se déclinent dans des paysages sonores propices à l’introspection. Il signe, entre autres, les musiques de Haute Tension de Alexandre Aja, A l’Intérieur de Bustillo et Maury, Au Delà De La Haine de Olivier Meyrou ou encore Vinyan de Fabrice Du Welz, et publie celle de Donkey Punch de Olly Blackburn sur l’exigent label Warp. Discographie : Computer Assisted Sunset (mk2 music 2005), Inside (Asphalt Duchess 2008), Donkey Punch (Warp 2008), The Embassy State 08 (Asphalt Web : http://somethinglikeusa.free.fr/ expositions : 2011 - Festival Mars Multimédia Galerie des Franciscains, Saint-Nazaire 2009 - « We are them » - Galerie Dylan Mc Neil, Paris 2006 - «white noise bright future» Galerie ETC - Montpellier 2004 - 2008 - Création et travail au sein du collectif Das Revö und Pixel autour des notions d’images documentaires et de la recomposition de vidéo (image/son). Représentations au festival Ram-Dam (Nantes), au Lieu Unique(Nantes) et au Cinématographe (Nantes), Jardin Moderne (Rennes)... 2004 - Participation au festival art/vidéo Rencontres Parallèles Centre d’art Contemporain W.H.A.R.F à Caen. 54