plug in - La recherche aux Beaux

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plug in - La recherche aux Beaux
plug in
objet
Plug-In est un projet de recherche artistique qui questionne
le multimédia et le numérique. Il s’intéresse aux dimensions
spatiales, architecturales, scénographiques, visuelles et sonores,
informationnelles et interactives qui font intervenir le spectateur
dans l’espace de l’œuvre. Les actions menées depuis deux ans
avec les artistes, chercheurs, intervenants et étudiants associés,
ont majoritairement été liées à des enjeux relatifs à l’espace du
spectateur qu’il soit à l’intérieur, à l’extérieur de l’œuvre ou bien dans
un parcours (urbain ou non).
sommaire
–––––––––––––––––––––––
1. présentation
2. méthodologie
3. Objets de la recherche
3.1. Mothership : Michaël Sellam
3.2. Mothership Union : Artistes invités
4. Bilan et Analyse
Martine Bubb : Mothership Union-Retransmissions 4
5. Transmissions Programme2009-2011
6. Colloque Poétique du numérique, Université Nantes
7. Retransmissions
8. Partenaires
9. biographies
direction
Philippe-André Béna
concepteur et
enseignant
Georges-Albert
Kisfaludi
chercheur et
enseignant
Véronique Verstraete
artiste et
enseignante
Technicien associé
Alexandre Mairet
ARTISTE
2009-2010
Michaël Sellam
théoricien
2010-2011
Martine Bubb
http://
pluginparade.
wordpress.com/
1. présentation plug in
direction
Philippe-André Béna
concepteur et
enseignant
Georges-Albert
Kisfaludi
chercheur et enseignant
Véronique Verstraete
artiste et enseignante
Technicien associé
Alexandre Mairet
ARTISTE
2009-2010
Michaël Sellam
théoricienne
2010-2011
Martine Bubb
http://pluginparade.
wordpress.com/
Avec Tony Chauvin à la galerie
Mélanie Rio, Jean Herpin à la
galerie Le Quatre, FrançoisEudes Chamfrault, Philip
Griffiths, Magali Desbazeille,
Peter Gena & Steve Waldeck,
Gaëtan Robillard, Sylvain Le
Beux et Matthieu Crimersmois
Mothership Union - 1 visiteur/auditeur de dos, terrasse de l’école d’architecture
de Nantes © Vincent Voillat
Le projet de recherche s’élabore à partir
de 2008 avec le collectif d’artistes et
d’ingénieurs Métaphores Urbaines (M.U.) sur
la base de leur projet Sound Delta (projet
A.N.R. et DICREAM) : le spectateur-flâneur
géo-localisé parcourt librement un territoire
dans lequel sont réparties des sources
sonores définissant l’architecture de la
composition musicale ou sonore perçue.
Plug-In passe en phase active aux beauxarts de Nantes durant l’année universitaire
2009-2010, en signant des conventions de
recherche avec le collectif M.U. et avec la
Maison des Sciences de l’Homme (MSH – unité
mixte CNRS) de Paris Nord, et en engageant
comme artiste-chercheur Michaël Sellam.
Avec eux se met en œuvre le principe de
fonctionnement du projet : le développement
de terrains d’observation, essentiellement
des productions artistiques, sur lesquels
l’analyse d’une recherche en art multimédia
peut porter de « l’intérieur » sans hypothèses
préconçues. Au-delà de ce champ spécifique
de la création, Plug-In participe à la question
globale et internationale de ce qu’est une
recherche en art, ainsi qu’à la réflexion sur
les pédagogies de l’enseignement artistique.
associés, sont invités à pratiquer et
expérimenter, débattre, proposer, concevoir
et réaliser des productions, et à les exposer,
tout en conservant leur démarche ouverte et
lisible. Cela aboutit à plusieurs expositions,
dont deux principales : Préliminaires de
Michaël Sellam en mai 2010 à la galerie
de l’ESBANM ; et Mothership de Michaël
Sellam + Mothership Union d’artistes invités,
fin octobre 2010 à l’école d’architecture
de Nantes (ENSAN) et dans plusieurs
lieux d’exposition, d’intervention et de
performance sur un parcours défini dans la
ville de Nantes, à l’occasion du 11e congrès
d’ELIA – European League of Institutes of the
Arts. Dans Mothership Union, les artistes ont
chacun librement interprété le scénario de
départ de Mothership, pour produire dans une
même temporalité une réalisation artistique
commune mais diverse. Michaël Sellam a
conçu son scénario en mettant à profit les
potentialités de Sound Delta, en relation
étroite avec le collectif M.U.
En complément, Plug-In et sa déclinaison
pédagogique dans le cursus du second cycle
de l’ESBANM - Projection Retransmissions
(M1-M2) – créent régulièrement dans et
hors école, des expositions artistiques
multimédias qui inscrivent cette recherche
dans une interaction au public sur le
Autour des propositions de Michaël Sellam,
plusieurs créateurs, intervenants, collectifs,
enseignants, étudiants et anciens étudiants
2
1. présentation plug in
Plug-in et la MSH, de construire une analyse
à caractère scientifique, validée par le
comité scientifique de la revue et son comité
éditorial.
territoire de la cité, à la fois comme sujets
d’investigation et nécessité constitutive
de la pratique en art. à la fin de l’année
universitaire 2010-2011, sept expositions
– six Retransmissions (5 à Nantes, dont
3 hors école et 1 à Paris Saint-Denis) et
Croisements Numériques à Saint Nazaire –
auront été réalisées depuis mars 2009 avec
les étudiants de l’ESBANM.
Autre aspect de l’action de Plug-In : la
participation à des séminaires, colloques et
conférences, comme Poétique du Numérique
Université de Nantes (CERCI), rencontres
Croisements Numériques Saint-Nazaire,
Network Performing Arts Production
Workshop IRCAM, Territoire - Design Développement ESBANM/CERCI/ENSAN/
Ars Industrialis, Territoires Elargis (Art,
Psychiatrie et Cité) ESBANM/CHU Nantes,
Interactive Installations SAIC Chicago.
Plug-in met en perspective des problématiques par une série de conférences, les
Transmissions, organisée avec la Maison
des Sciences de l’Homme de Paris Nord,
axe 1 (Esthétiques, arts et industries)
thème 4 : Art-Appareils-Diffusion, dans
le champ esthétique, médias et création
multimédia. Dans le cadre de ce partenariat,
un couplage est initié entre Plug-in et le
cursus recherche MSH (Master et Doctorat) de
Jean-Louis Déotte, Professeur de l’Université
Paris 8 en philosophie, avec un intérêt plus
particulier mais non exclusif pour la relation
art multimédia et espace. En 2010 et 2011,
les 22 conférenciers des Transmissions
et 6 intervenants des rencontres PlugIn – Pierre Faucher, Daniel Grimaud, Jean
Levêque, Monsieur Mouch (enseignants à
l’ENSA), Olivier, ingénieur de MU avec Phillip
Griffith, performer de MU­ –, ont été soit des
artistes, soit des théoriciens, soit les deux ;
mais également commissaires d’exposition,
critiques, journalistes, enseignants,
scientifiques, etc.
Selon les propositions, Plug-In met en œuvre
des partenariats tant au niveau du processus
de conception artistique, de l’accès aux
techniques que des possibilités d’exposition,
de médiation et de diffusion : PING, M.U.,
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture
de Nantes, CERCI – Université de Nantes,
IRCAM (programme européen Comedia), SAIC
Chicago, ELIA, Galeries MélanieRio, Le Quatre
et le 6B, Festival Croisements Numériques.
Pour engager l’analyse critique et participer à
l’élaboration d’une méthodologie, Plug-in se
dote au début de l’année universitaire 20102011, des compétences de Martine Bubb,
docteur en philosophie de l’Université Paris 8,
rattachée à la MSH Paris Nord et plasticienne
de formation initiale. Avec elle s’élabore une
analyse des expositions organisées par PlugIn, et en 2011, le programme de conférences
Transmissions et deux projets éditoriaux
parallèles : un hors série de la revue en
ligne Appareil de la MSH, portant sur les
imaginaires connexes de Mothership Union
(pré-projet) ; et une publication rétrospective
de l’ensemble des actions et réflexions de
Plug-in, conçue comme un objet plastique.
Dans le cadre du hors série de la revue
Appareil, Martine Bubb se propose, pour
Transmission, Vincent Blary, Le Géométral et la Grange,
Beauquesne 2009, © Martine et Vincent Blary
3
2. méthodologie plug in
contraintes pratiques et théoriques fortes. Des
étudiants M1 et M2 de l’ESBANM et quelques
étudiants ayant déjà fini leur cursus DNSEP
accompagnent dans leur totalité la conception
et l’organisation des projets. Ils sont invités
à produire librement et régulièrement, et à
exposer des travaux au fur et à mesure de leurs
réflexions.
Michaël Sellam
Vue de l’exposition
Préliminaires, à la galerie de
l’école des beaux-arts
de Nantes, mai 2010
La rencontre avec des acteurs des mondes
culturel, artistique et scientifique, et avec
des architectes, permet également d’enrichir
les réflexions. Des relations se tissent avec
l’école nationale supérieure d’architecture
de Nantes (ENSAN), en particulier avec les
plasticiens qui y enseignent et y encadrent
des recherches. Un groupe de travail composé
d’enseignants et d’étudiants se constitue,
encadré principalement par Pierre Faucher,
artiste, et Daniel Grimaud. Une participation
croisée à une série de séminaires, de
Transmissions et d’expositions Retransmissions
s’est mise en place. L’originalité des espaces
intermédiaires de l’ENSAN (les rues intérieures)
a motivé l’équipe Plug-in à y insérer des
gestes artistiques jouant sur la notion de
contamination spatiale et temporelle, dans
le cadre d’un partenariat productif : l’œuvre
Mothership, l’exposition Mothership Union,
ainsi que l’exposition et des performances de
l’événement Retransmissions 3. Ces actions
sont liées à des enjeux relatifs au territoire,
associant l’art contemporain et l’architecture,
le territoire d’information, celui des flux et des
liens, au territoire construit, urbain ou plus
généralement structurant.
Quelles méthodes pour cette recherche, quelles
formes de résultats, quelles règles d’échange
entre chercheurs, quels critères de validation ?
Ce sont des questions dont le statut émerge de
cette première phase de Plug-in qui doit aboutir
à une méthodologie propre à la conduite
et à la validation de cette recherche en art
contemporain multimédia. La méthodologie
de recherche de Plug-in s’articule donc sur le
principe que la production est en amont de la
réflexion, mais aussi en aval.
Sur le plan théorique en lien étroit avec la
partie artistique, Plug-in se base sur six terrains
d’analyse : le projet Sound Delta, qui est son
point d’entrée ; la production personnelle
de l’artiste chercheur Michaël Sellam et son
projet Mothership ; les Retransmissions et
expositions ; les Transmissions, conférences et
rencontres ; les workshops de développement
pratiques qui interrogent le rapport de l’artiste
à la technique, de l’artiste à l’ingénieur ; le
projet de l’équipe de l’ESBANM, considéré
dans sa dimension pédagogique. Par son
analyse de l’ensemble des pratiques, la
chercheuse théoricienne Martine Bubb,
docteur rattachée à la MSH, concourt à faire
émerger l’axe à poursuivre à la suite des deux
années d’élaboration écoulées. Elle suit les
réalisations et théorise avec les artistes, les
intervenants, les étudiants et l’ensemble de
l’équipe. L’originalité de la collaboration avec
la MSH réside dans le fait d’établir des liens
entre des théoriciens de l’Université et des
artistes, enseignants et étudiants de l’école
d’art, en particulier de lier leurs pratiques
artistiques et théoriques. Les séminaires
à la MSH et les Transmissions à l’ESBANM
ouvrent en partie le champ de la pensée. Ils
permettent aux étudiants (niveau Master et +)
des deux structures de se confronter à des
Sur le plan pratique, l’ensemble de l’équipe
Plug-in se réunit régulièrement pour partager
les acquis des projets et leur devenir. Des
demi-journées sont consacrées aux séminaires,
à la mise en œuvre des projets individuels
et collectifs, à la réflexion théorique et aux
démarches de conception et réalisation
technique qui s’enrichit d’ateliers de
développement pratique et technique. Les
étudiants et anciens étudiants associés au
projet participent une demi-journée par semaine
aux séminaires, les Transmissions, et aux
rencontres-débats. Un atelier hebdomadaire
de création, intitulé Projection Transmissions,
est proposé aux étudiants du second cycle
afin de développer, à partir d’une démarche
4
2. méthodologie plug in
Extrait de Transmission Michel
Porchet visioconfrence MSHESBANM 26/1/2010
expositions et les publications seront la base
des évaluations nécessaires à la recherche,
dont une étape importante est, en juin 2010,
une validation par le comité scientifique de la
MSH, de la méthodologie de la recherche mise
en œuvre par Plug-in.
personnelle, les problématiques abordées dans
le projet de recherche. Les autres étudiants du
second cycle qui le souhaitent sont impliqués
comme spectateurs, auditeurs et contributeurs
ponctuels.
Les Transmissions, les interventions, rencontres
et débats sont enregistrés. Chaque intervenant
des Transmissions fournit en plus un texte de
son intervention ou de ses réflexions quant
au thème ou au projet abordé. Ces textes
servent de base à la réflexion théorique et à
l’élaboration des publications. L’équipe, les
partenaires et les étudiants sont par ailleurs
engagés dans un travail documentaire. Une
documentation se constitue donc au fur et à
mesure, en complément de celle des actions
artistiques de Plug-in, majoritairement ses
expositions et les travaux de ses artistes
chercheurs et invités. Le tout est sauvegardé
sous forme numérique dans un disque dur
dédié et partiellement consultable via un blog
(http://pluginparade.wordpress.com/) actif et
accessible à l’ensemble des acteurs du projet,
et lisible en lien avec le site de l’ESBANM.
Il s’agit maintenant de cibler une problématique
et de réaliser deux publications dans la
perspective d’une valorisation des résultats
de la recherche de Plug-in : à la MSH dans le
cadre de la revue Appareil, revue à caractère
scientifique, et à l’ESBANM, publication de
synthèse de caractère plastique. L’objectif est
double: travailler des problématiques sur le
plan des pratiques artistiques puis théoriques à
partir d’œuvres collectives ou individuelles liées
au numérique, et faire émerger, d’interrogations
complexes, les éléments d’une pratique
féconde pour les étudiants. Les différentes
Durant les deux premières années de la
recherche engagées par Plug-in avec toutes ses
parties prenantes et au travers de l’ensemble
de ses actions, les questions suivantes se sont
dégagées :
• la perception de l’espace et du temps du
spectateur se déplaçant à sa guise dans le
cadre d’une proposition artistique (le musée
n’est pas exclu des dispositifs envisageables) ;
• l’appropriation de l’œuvre interactive ou
participative par l’action du spectateur dans un
temps et/ou un espace donnés, construits ou
non, qui pose la question de son rôle au sein du
dispositif (passe-t-il du statut d’instrumentiste
à celui d’opérateur, de passager, d’interprète ?) • la liberté du spectateur, capté ou appareillé
(liberté pouvant inclure une large part
d’interactivité), à la fois comme composante du
désir de l’artiste et sa résultante dans l’œuvre
réalisée ;
• l’anticipation de l’artiste par rapport à l’action
(ou l’intervention ou même la seule écoute) du
spectateur/auditeur (quelles anticipations, sur
quels critères, comment sont-elles mises en
forme ?...), quels sont les possibles que l’artiste
choisit de faire « entrer » dans l’élaboration de
son œuvre, quel est le statut des possibles qui
lui échappent ; parallèlement, question de la
programmation interactive ;
• l’émancipation de l’artiste par rapport
à sa technique, ayant un rôle de moteur
5
2. méthodologie plug in
« Pour résumer et préciser à la fois le type de
méthodologie et l’intérêt porté à la technique
dans le champ de l’art, propres à Plug-in, on
pourrait citer Descartes qui ne dénigre pas
la technique, dont il loue l’utilité, mais dans
laquelle il décèle parfois un manque sur le
plan philosophique. En effet, des inventions
comme les lunettes ou la camera obscura
ont été découvertes par l’expérience et non
par « la méthode » que Descartes considère
comme la source de toute science véritable – ce
qui les rend suspectes. Sur les lunettes : « à
la honte de nos sciences, cette invention, si
utile et si admirable, n’a […] été trouvée que
par l’expérience et la fortune » (La Dioptrique,
Discours Premier de la Lumière). Bacon fait
des remarques analogues sur d’autres inventions (boussole, poudre à canon…) La méthode
cartésienne, qui se lit dans la structure même
de la Dioptrique, consiste à aller du plus
simple au plus complexe. Or, s’il fallait définir
une méthodologie de notre équipe Plug-in, on
pourrait dire qu’elle se situe aux antipodes de
cette méthode, dans la mesure où elle semble
partir du plus complexe, en explorant sans
idée préconçue, à partir d’un « souci » (Sorge)
(J. Lévêque) commun mais encore indéfinissable, une multitude d’approches artistiques
ou techniques... donnant la sensation d’une
sphère immense et indéterminée, pour petit à
petit, empiriquement et par intuition, resserrer
le questionnement et parvenir au plus simple,
c’est-à-dire un objet précis de recherche qui
pourra dans un second temps être abordé de
manière plus cartésienne. »
d’inspiration ;
• le territoire de l’œuvre immatérielle,
représentation ou flux-réseau informationnel,
et les modèles scientifiques, philosophiques et
sociaux de réalité ;
• l’artiste du virtuel et son désir de (re)
matérialisation de l’œuvre ;
• les œuvres mettant en question les dispositifs
projectifs (le cinéma n’est pas exclu) ;
• la temporalité de l’œuvre musicale ou
des œuvres dans lesquelles le sonore est
prépondérant, (là aussi des œuvres diffusées de
façon traditionnelle ne sont pas exclues) ;
• l’autonomie de l’œuvre interrogée par le
dispositif proposé ;
• la création plastique dans le domaine du
numérique et de l’architecture, de la simulation
à la représentation ;
• l’œuvre en collaboration et ses processus
d’imaginaires connexes, allant de la conception
au devenir participatif ;
Martine Bubb
6
3. Objet de la recherche
3.1. michaël sellam mothership
Mothership Union
Michaël Sellam
exposition
ensa nantes
29 octobre
4 novembre 2010
http://michael.sellam.free.fr
portation qui aurait échouée, qui aurait été
maladroite. La rencontre et la présence de
cet objet étrange ne va pas de soi. Il y a un
mystère, quelque chose d’incompréhensible et
d’irrésolu dans cette cohabitation surprenante.
L’intelligence extra-terrestre qui est à
l’origine du vaisseau élabore un principe de
construction simple et répétitif. La forme
cubique en constitue le principal et unique
élément. Déployée à l’échelle de chacun de
leurs édifices, cette forme est une sorte
de virus, un logiciel sans faille qui peut se
répandre à l’infini. C’est un système clos, un
mode de pensée auto-centré.
Le projet Mothership présente un espace
sculptural de fiction à parcourir sur
plusieurs niveaux. Dans un premier temps, la
confrontation physique à l’objet implique une
déambulation. Les spectateurs peuvent se
déplacer autour de la structure et circuler à
l’intérieur, entre les parties de son squelette
architectural. Un ensemble de haut-parleurs
est dissimulé dans la structure. Équipés
des casques spécialement conçus pour le
dispositif Sound Delta, les spectateurs peuvent
percevoir les sons provenant de la sculpture
et ceux qui leurs parviennent directement. Il
est particulièrement intéressant de composer
Une architecture étrange se déploie dans un
vaste espace lumineux. Imposante, sombre
et abîmée, elle semble appartenir à une
civilisation inconnue, peut-être extra-terrestre.
Il est difficile de savoir si elle appartient à
un passé lointain ou si elle nous provient du
futur. Peut-être s’agit-il d’un vaisseau spatial.
La matière noire qui la compose ressemble à
du métal, on peut entendre des sons qui s’en
échappent. Quelque chose s’est passé ici.
Ils sont parmi nous. Invisible, inaccessible, une
forme de vie intelligente, certainement de type
extra-terrestre est entré en contact avec nous.
Sur terre, leur présence n’est perceptible que
par les résidus d’une architecture inconnue,
les ruines d’un vaisseau spatial gigantesque.
Il n’est pas possible de le contempler dans
son entier, des fragments en sont disséminés
sur toute la surface de notre planète. Son
échelle dépasse toute mesure, tout calcul.
Une équipe de chercheurs a mis au point un
système qui permet d’écouter les mouvements,
les déplacements de ces entités dont aucune
image ne peut être appréhendée. Encastré sur
les différents étages et la terrasse de l’école
d’architecture de Nantes, l’épine dorsale du
vaisseau spatial semble se dissoudre, peutêtre est-il la trace, le souvenir d’une télé-
7
3. Objet de la recherche
3.1. michaël sellam mothership
Mothership Union
Michaël Sellam
exposition
ensa nantes
29 octobre
4 novembre 2010
http://michael.sellam.
free.fr
Gaëtan Robillard :
plasticien, créateur du
design des casques de
Mothership
Composition sonore :
Sylvain Le Beux,
François-Eudes
Chanfrault, Matthieu
Crimersmois & Michaël
Sellam
Développement
informatique (Sound
Delta) : Olivier
Guillerminet
Coordination R&D :
Michel Porchet
Mastering : Zak
Cammoun & Philip
Griffiths
une partition spatiale qui prenne en compte
les relais et échanges possibles entre un son
perçu depuis une enceinte et un autre au
casque. Il y a une interaction à imaginer entre
les différentes sources sonores. Connaissant
précisément la position des personnes,
les possibilités d’interactions avec
l’environnement sont aussi multipliées.
Enfin, le dispositif d’écoute est déployé à
l’échelle de la ville, circulants, les spectateurs
prolongent alors l’expérience dont l’installation
est le centre névralgique, la maison mère.
En situation de réalité augmentée, proche
de l’univers des jeux vidéos, l’explorateur
découvre l’espace mystérieux et inconnu
qui l’englobe. Il peut suivre et saisir la carte
physique du dispositif son / architecture. Il est
simultanément au centre des sons et autour.
La cohabitation des sources sonores lui permet
d’appréhender la zone « extra-terrestre »
composée par la relation entre la sculpture et
les sons diffusés par les hauts-parleurs et ceux
perçus au casque. Il y a dans ce scénario une
grande liberté de circulation, d’interprétation
et d’évaluation.
En situation de découverte, on est face à
un mystère, une enquête, on peut suivre les
sons et être attentifs à leurs déplacements
dans l’espace. Dans le cadre d’un parcours
à l’extérieur, le projet se déploie alors dans
une vaste partie de la ville de Nantes, qui,
amplifiée, nous place dans une situation proche
de l’héroïne Alice au Pays des merveilles. Dans
le roman de Lewis Carroll, on peut accéder à
d’autres niveaux de la réalité et circuler, vivre
une aventure sans but apparent. Le dispositif
permet de surprendre le spectateur, de le
guider, parfois de le brutaliser. Dans le livret
de la pièce électro-acoustique « La légende
d’Eer », le compositeur Iannis Xenakis précise :
« Quand j’ai composé La Légende d’Eer, je
pensais à quelqu’un qui se trouverait au milieu
de l’océan. Tout autour de lui, les éléments qui
se déchaînent, ou pas, mais qui l’environnent. »
Au temps subi, l’artiste peut opposer un temps
relatif de l’œuvre virtuelle.
C’est un des objectifs de la recherche artistique
du projet Sound Delta. Son
enjeu : permettre à chaque observateur/acteur
de composer sa propre temporalité
de la pratique d’un territoire hybride. Comment
s’approprier ses états superposés, allant du
territoire bâti au territoire émotionnel, en
passant par diverses strates des territoires de
l’information, du collectif à l’intime ?
Dans ce processus d’interprétation à la fois
individuel et partagé, l’acte de création s’inscrit
dans l’écriture, la génération de formes:
Sound Delta est basé sur une lecture sonore
d’un espace urbain ou géographique, des
sons entendus comme ceux induits par les
diverses sources d’émissions d’ondes qui soustendent les territoires d’information ;de cette
cartographie sonore naît une écriture poétique,
composition musicale ou sonore indexée à
l’évolution et l’exploration libre de chacun. Les
œuvres réalisées dans le cadre de Mothership
Union constituent cet enjeu.
Les dimensions rhizomique et collective
du projet initié par Michaël Sellam sont
intrinsèques à sa pratique. Les artistes invités
et les étudiants qui ont répondu favorablement
au scénario de Michaël Sellam ont créé des
œuvres situées à différents lieux de la ville.
De ces œuvres émanent différentes pensées
proches du contenu artistique de Plug In.
Michaël Sellam
8
3. Objet de la recherche
3.1. michaël sellam mothership
à l’univers du voyage de science-fiction ou
de bande-dessinée (vaisseau spatial) etc..
mais pouvait aussi évoquer l’idée d’une vaste
proposition structurante, qui accueillerait
en son sein des initiatives plus ou moins
indépendantes s’y raccrochant. La proposition
ouvrait sur des réalités parallèles à travers
plusieurs « portes d’entrée » débordant
l’intention initiale, et une atmosphère s’était
créée autour de la fiction de départ. En cela,
ce travail semble avoir fonctionné, malgré son
caractère inachevé, selon une logique d’appareil
(micro-appareil) et non de simple dispositif,
puisque sa forme n’est pas figée mais faisait au
contraire émerger d’autres formes de sensibilité.
Ainsi l’appareil au sens où nous l’entendons,
parce qu’il lie la technique et le poiétique (son
étymologie : apparere nous rappelant qu’il se
rattache au monde des apparences, de ce qui se
prépare) articule des dimensions hétérogènes :
l’art, la technique… sans les dissoudre pour
autant.
Certains éléments du scénario furent prélevés
de façon littérale mais d’autres réalisations se
sont avérées originales, reflets de démarches
individuelles. Une circulation s’était établie dans
la ville, avec des frontières floues, plusieurs
réponses s’avérant distanciées, décalées,
humoristiques, ou plus critiques, politiques…
Le problème de la dé-matérialisation / rematérialisation, très souvent abordé, s’est
révélé symptomatique des usages des médias
qui démultiplient les interconnexions possibles,
et des recoupements se sont faits sur l’idée
que le temps s’était arrêté. Cet événement
n’était sans doute que simulé, le rapport au jeu
et à la simulation étant d’ailleurs très présent
dans l’univers multimédia, mais s’il n’y a pas
eu d’événement à proprement parler dans
Mothership, comme le soulignent avec une
certaine légitimité les étudiants en architecture
qui posent la question : « S’est-il vraiment
passé quelque chose ? », il y a eu néanmoins
propositions plastiques, interventions
urbaines et expérimentation, recherche,
aventure conjointe… ce qui dépasse le cadre de
l’événementiel.
Martine Bubb
Mothership Union
Michaël Sellam
exposition
ensa nantes
29 octobre
4 novembre 2010
http://michael.sellam.
free.fr
Avec Tony Chauvin à
la galerie Mélanie Rio,
Jean Herpin à la galerie
Le Quatre, FrançoisEudes Chamfrault,
Philip Griffiths, Magali
Desbazeille, Peter
Gena & Steve Waldeck,
Gaëtan Robillard,
Sylvain Le Beux et
Matthieu Crimersmois
Le scénario Mothership imaginé par Michaël
Sellam, artiste-chercheur invité à l’ESBANM,
a donné lieu à Nantes, fin 2010, aux
manifestations Mothership Union, ensemble de
propositions de 8 artistes, et Retransmissions 4,
regroupant les réalisations de 6 étudiantes
des Beaux-Arts et d’un nombre important
d’étudiants en architecture en rapport avec
Mothership, dans le cadre du 11e congrès
d’ELIA : Hearth, L’art au cœur du territoire.
Au centre de ces événements, une sculpture de
M. Sellam autour de laquelle les spectateurs
étaient invités à déambuler, appareillés
de casques qui les plongeaient dans un
univers sonore « extraterrestre », traversait
l’architecture très particulière de l’ENSA, École
Nationale Supérieure d’Architecture.
Notons que le titre du scénario
Mothership (bateau-mère) pouvait désigner
métaphoriquement l’architecture imposante
de l’ENSA, ancrant l’œuvre dans le territoire
nantais de tradition navale et faisant référence
9
3. Objet de la recherche
3.2. artistes invités mothership union
Magali Desbazeille
Magali Desbazeille - performance Rue Barbe-Torte 5 - Mothership
Union 28/10/2010 - © Quentin Bordes
Magali Desbazeille (avec Siegfried Canto),
invitée à réaliser une performance in situ aux
alentours de l’école d’architecture de Nantes,
engageait les participants à déambuler, à
faire l’expérience sensible de l’environnement
urbain tout en étant appareillés comme des
opérateurs, portés par des sons et les images
des pico-(vidéo)projecteurs sur les murs, les
bancs, l’espace architecturé… Un univers
poétique se recomposait selon un scénario
renversé puisqu’on se retrouvait en 2050 à faire
retour sur l’année 2010, notre présent, projeté
comme passé, et cette dimension anachronique
liant passé / futur sur un mode paradoxal,
proposait une alternative un peu dérisoire à
ce qu’on appelle l’Histoire, en ouvrant une
réflexion sur la mémoire et sur la façon dont
elle s’inscrit dans le territoire.
La déambulation prenait une dimension
absorptive, de par la durée de la performance,
assez longue (une vingtaine de minutes) et
se percevait comme une façon de « modeler »
l’espace. Ce déploiement dans le temps
impliquait une relation très physique au lieu
et un rapport à la technique qui dépassait la
simple utilisation passive, pour se constituer
en vraie pratique (selon la distinction
proposée par Bernard Stiegler), ouverte sur
une forme de passibilité. Le dispositif, très
au point techniquement, laissait place à une
forme de hasard, lié par exemple au nombre
de participants, et ces parcours singuliers,
intériorisés, débordaient le dispositif, même si
l’itinéraire n’était pas improvisé. Le son était
aussi pensé dans son rapport à l’environnement
10
car la voix se détachait sur un fond de bruits
de rue et de musique électronique et n’était
donc pas issue de nulle part. De même, selon
W. Benjamin, la voix se construit toujours sur
un murmure : il n’y a pas d’écriture sans lecture,
de figure sans fond...
Par rapport à celle de Michaël Sellam, cette
intervention était beaucoup plus légère, car
basée sur une technique récente d’imagerie
mobile et sur un équipement miniature, mais
elle distillait aussi des éléments sociologiques
ayant trait à la surveillance et au contrôle.
L’imaginaire convoqué était celui de la sciencefiction, de l’anticipation, mais se distinguait
des rêveries de « petit garçon » pour privilégier
une forme distanciée, plus proche d’un
univers comme celui de Chris Marker, avec
des accents qui pouvaient rappeler Pérec,
par les jeux sur le langage, le micro-récit…
Les effets poétiques d’inventaire, de listes,
de classement, renforçaient la dimension
sociologique et critique de cette proposition.
Ainsi, des questions plus ou moins graves
liées à la pénurie de logement ou à la pollution
automobile… étaient abordées sur un mode
ironique, car mêlées à des micro-observations.
L’appareil de projection était à l’œuvre autant
dans l’espace (les images sur les murs) que
dans le temps (la projection dans le futur de
notre présent fictionné comme passé). On
avançait comme des archéologues cherchant
des traces, des témoignages d’une époque ou
d’une civilisation inconnue, et ce travail sur le
souvenir et sur la perte – avec comme horizon
possible la constitution d’archives d’un monde
disparu – nous invitait à questionner notre
modernité et ses normes sociales, en révélant
l’absurdité de nos comportements, parfois
totalitaires.
3. Objet de la recherche
3.2. artistes invités mothership union
Peter Gena (et Steve Waldeck)
& S. Waldeck se sont inspirés. On pourrait
aussi imaginer que les artistes interviennent
régulièrement pour les réglages, ce qui suppose
un rapport plus impliqué, témoignant d’une
position critique face au numérique.
L’une des dimensions de la proposition de Peter
Gena et Steve Waldeck avait aussi un rapport
au vivant, en particulier dans ses dimensions
parasites, sur un mode musical imaginaire.
Des séquences d’ADN étaient traduites en
sons, mais aussi des virus, des bactéries…
dans un travail de plus long terme, qui peut
être compris à la lumière des théories de Peter
Sloterdijk sur les systèmes immunitaires et une
certaine « sphérologie ».
La pièce de Peter Gena (et Steve Waldeck),
Prometheus Redux, présentée à l’ensa Nantes,
nous installait dans une sorte de bulle, de
« boîte noire » ou de camera obscura, nous
invitant à assister à la projection d’éléments
colorés et mouvants sur un écran. Il était
prévu au départ que la boîte soit en bois, mais
devant une impossibilité technique, c’est
finalement un container qui l’a remplacée,
tout à fait avantageusement, car il renforçait
l’aspect hermétique d’un lieu « bunker »
dédié au plus complet absorbement du
spectateur/auditeur, qui accédait à ce lieu
à travers un rideau noir bouchant l’entrée
de la boîte. L’installation jouait sur le
rapport entre la densité du container et la
fluidité des apparitions sur l’écran. L’aspect
kaléidoscopique et hypnotique des images,
en plus d’interpréter des structures ADN,
pouvait aussi rappeler l’univers psychédélique
des années 1960-70 et des expériences sous
drogues avec perte des repères, telles que
décrites par exemple par Walter Benjamin (Sur
le haschich) et sa description d’un « plasma
originel coloré », dans la continuité de sa
définition de l’imagination comme puissance de
déformation. La temporalité était celle du flux
et du continuisme, car expérimenter cette pièce
requérait du temps et une certaine durée « sans
instants » qui supposait non pas un rapport de
contemplation à l’image mais plutôt une forme
d’immersion, l’esprit étant captivé, absorbé...
Sur la partie sonore, P. Gena & S. Waldeck se
situeraient dans la lignée de Pierre Schaeffer
et d’une musique concrète réactualisée. Plus
largement, ce travail interrogerait le rapport
à la matière, par le côté très artisanal du
dispositif électronique mis en œuvre, qui
peut paraître anachronique face à l’univers
du numérique. Or c’est cette « chimie »
électronique qui induit des qualités et un
rapport différent au temps, à la matière et à la
lumière, du fait de son caractère plus instable.
On relève un aspect bricolé dans ce dispositif
qui nécessite une préparation manuelle, et
une certaine fluidité, car l’installation suppose
des réglages progressifs et ne fonctionne pas
par sauts ou paliers comme l’ordinateur. Cette
subtilité du dispositif technique fait écho
aux infimes variations sonores et colorées de
l’œuvre de Scriabine (Prométhée), dont P. Gena
11
3. Objet de la recherche
3.2. artistes invités mothership union
Matthieu Crimersmois
partir de sons de synthèse (François-Eudes
Chanfrault) faisait la part belle aux parasites,
sonores cette fois-ci, en adéquation avec l’idée
générale de la sculpture, et cet environnement
sonore avait d’ailleurs pu être perçu comme
gênant, par certains étudiants de l’école.
Plusieurs passages pouvaient rappeler
des bourdonnements d’abeille, des bruits
d’insectes... M. Sellam faisant justement
référence à un essaim d’abeilles tueuses
d’Afrique embarquées dans des bateaux et
importées, véritable fléau pour les autres qui
se sont trouvées éradiquées. Chez Matthieu
Crimersmois, c’est la figure de l’araignée
potentiellement « tueuse » qui émergeait,
rendant perceptible une certaine fascination
pour les formes de vie suscitant la crainte, par
leur mystère et leur puissance archaïque.
L’Araignée de Mathieu Crimersmois, exilée et
isolée au deuxième étage de l’ensa Nantes,
faisait rupture avec l’architecture environnante
transparente, lui opposant sa matérialité
sombre et dissidente, d’inspiration « art
brut » comme la sculpture de M. Sellam, qui
se référait entre autres à la culture hip hop
afro-américaine, futuriste ou encore à la
culture vaudou, de par son aspect agressif
« de bois brûlé »... Elle se composait de
disques vinyles thermoformés, mous comme
le corps de l’araignée dont les battements
du cœur étaient suggérés, de même que la
position d’autodéfense passive. Une webcam
intégrée (l’œil de la bête ?) introduisait une
forme d’interactivité souple, puisqu’elle
percevait les déplacements des visiteurs en
fonction desquels elle déployait des sons.
Agrandie, comme pensée à l’échelle humaine,
elle nous renvoyait une image d’une part de
nous-mêmes que nous aurions oubliée et qui,
une fois révélée, nous saisirait d’angoisse (à
rapprocher de La Métamorphose de Kafka, ou
La Mouche de D. Cronenberg…). Elle provoquait
un retour du refoulé en exposant sa nature
primitive, fondamentalement inaccessible à la
civilisation. Répugnante, mais aussi fascinante,
fantastique, elle semblait sortir du cadre lisse
souvent associé aux nouvelles technologies
et projetait une certaine violence : s’imposant
sans s’intégrer au bâtiment existant, elle
semblait chercher à le parasiter.
Le parasitage d’un lieu comme l’école
d’architecture n’est cependant pas évident et
c’est plutôt la figure du parasite qui émergeait.
La notion de parasite se construit autour de
ce que nous enseigne la biologie (Le Parasite
de M. Serres) et révèle nos peurs face à ce que
l’on perçoit comme dérangeant, indésirable ou
menaçant de rompre l’équilibre ; c’est pourquoi
c’est une notion qui peut être douteuse
politiquement. C’est pourtant le rôle des
différents systèmes immunitaires modernes
décrits par P. Sloterdijk que de nous offrir une
protection face à ces dangers potentiels, car
depuis que l’homme n’est plus le centre d’un
monde fini et hiérarchisé, il est de plus en plus
exposé à tous les périls.
Cette « araignée » se situait en tout cas
dans une grande proximité avec l’imaginaire
de M. Sellam, dont le dispositif produit à
12
3. Objet de la recherche
3.2. artistes invités mothership union
Tony Chauvin
évoquer l’odyssée de l’espace. Un rapport
s’établissait entre la présence muette de
la pièce in situ et le flot d’informations des
images où les stèles apparaissaient flottantes,
comme en apesanteur, non ancrées.
La proposition d’ensemble accordait une
place essentielle à l’imaginaire, révélant
des potentialités critiques et une forme de
distanciation par rapport à la technologie. En
effet, la présence de stèles pourrait paraître
archaïque au regard des dernières évolutions
du numérique ; mais si celui-ci semble ouvrir
la voie à une forme de déshumanisation, un
fond immémorial subsiste. Nous est rappelée la
puissance d’un corps qui s’éprouve, autant qu’il
se calcule en images de synthèse. Ainsi, comme
pour contrebalancer un système qui aurait pris
trop de place, trop vite, sans intériorisation
ou appropriation suffisante, la pièce de Tony
Chauvin nous ferait re-prendre conscience du
temps, de la durée – voire de l’éternité, les
stèles ayant aussi l’allure de pierres tombales –
en nous permettant d’échapper à l’immédiateté
comme temporalité dominante. Parce qu’elle
nous inviterait à réfléchir à une autre dimension
pour extraire du flux un élément ne renvoyant
finalement qu’à sa propre matérialité, cette
installation consacrerait un objet lié à un
savoir perdu, ancestral… Une certaine nostalgie
peut alors être ressentie, d’un temps disparu,
englouti dans un monde où la vitesse est
obligatoire et où l’accélération exponentielle
masque l’angoisse du temps qui passe, en
occultant la question de la mémoire.
Les Stèles de Tony Chauvin, présentées à la
galerie Mélanie Rio, posaient la question de
la matière et de la technique selon un rapport
densité / suspension. La matérialité brute d’un
monolithe placé dans le jardin de la galerie,
intensément noir et d’une impressionnante
verticalité, s’articulait à l’immatérialité (la
présence spectrale) de stèles apparaissant
dans un film en images de synthèse, projeté sur
un écran situé dans une petite salle en sous-sol
de la galerie. Les images montraient huit objets
mystérieux s’alignant virtuellement, selon un
scénario de science fiction.
Le monolithe noir du jardin acquérait une
présence incongrue, bien posé sur la pelouse,
quasi-minimaliste, et parlait de lui-même,
en émettant des sons. à l’origine, le fil de
raccordement était visible au sol et conférait
à la stèle des allures d’enceinte sonore sortie
d’un concert de musique électronique. Puis,
l’ajout d’un stéthoscope à faire naviguer sur le
volume jouait sur l’idée d’une présence vivante,
extraterrestre (qu’avait suggérée Michaël
Sellam), imperceptible, insidieuse… Nous
étions invités à sonder, tels des scientifiques
face à un phénomène inexpliqué, un objet
opaque, impénétrable, qui garderait finalement
son mystère pour lui. Ce monolithe évoquait
explicitement la puissance des lieux chargés
de densité et de mémoire comme Stonehenge
ou Carnac, alors que le film drainait beaucoup
d’inscriptions de dimension futuriste, pouvant
13
3. Objet de la recherche
3.2. artistes invités mothership union
Jean Herpin
On pouvait déceler, dans la proposition de
Jean Herpin, (Galerie Le Quatre), un regard
critique porté sur les nouvelles technologies.
La scénographie sur deux étages, les écrans,
la voix qui répétait en anglais une menace
imaginaire (selon laquelle la terre allant
être « recyclée », il fallait procéder à une
« évacuation » etc.), la musique, l’effet de
volatilisation d’un tissu violet recouvrant une
paire de baskets… tous ces éléments, dans un
fonctionnement par métonymie, interrogeaient
notre époque et introduisaient la question du
postmoderne (avec la présence des baskets,
des dollars...) ainsi que celle de la secte, sur
un mode à la fois drôle et inquiétant, laissant
entrevoir un sombre désir de mort mêlé à une
fascination pour la technique et internet. La
secte en question avait en effet réellement
existé, jusqu’à sa fin absurdement tragique,
et certains de ses membres avaient même
programmé par des moyens assez complexes
(en enregistrant une multitude de métadonnées les concernant…) une forme de
postérité sur internet, en vue d’une propagande
infinie.
Dans un premier temps, c’est le rire qui
dominait car l’installation comportait une
dimension de foire, avec la vitrine composée de
plusieurs éléments pris dans l’effet « magique »
du souffle, puis le rire se faisait grave face à
la menace d’une catastrophe imminente, et
ce rire était revendiqué. La photographie nous
montrait qu’on pouvait viser le ciel mais qu’on
ne verrait aucune étoile, aucun horizon, comme
si tout cela ne débouchait sur rien, comme si
tout était illusoire…
La proposition dans son ensemble introduisait une angoisse, sur fond de suicide
collectif, et témoignait d’une forme de lucidité
sur les technologies modernes censées
apporter le bonheur. On était aussi appelé à
s’interroger sur l’influence des marques et des
industries culturelles, sur les opérations de
nature commerciale, publicitaire, humanitaire,
sur le prosélytisme religieux... L’installation, sur
un mode poétique/ludique, posait la question
de l’hégémonie de certaines idéologies et de
leur diffusion à l’échelle du monde. Peut-on
résister, même sous une forme modeste, à un
système qui se voudrait totalisant, en mettant
en place un dispositif de « pare-excitations »
14
qui réintroduirait du sens et du temps?
Sur un mode non didactique, la question
politique affleurait : l’humanité, par sa foi
naïve en une nouvelle divinité – la Technologie
qui pourra la sauver – se fabrique un monde
aseptisé, aux fonctionnements sectaires car
gommant la différence, l’hétérogénéité, et
tentant d’imposer ses certitudes et ses normes,
mêmes insensées. On pourrait entrevoir, dans
la proposition de Jean Herpin, la possibilité
de refuser d’adhérer à une secte mondialisée,
de marquer sa liberté en faisant un pas de
côté pour redevenir maître du jeu et non
plus l’esclave de dispositifs ou de systèmes
aliénants (V. Flusser). Pourrait alors s’affirmer
la force émancipatrice de la technique.
4. bilan & analyse martine bubb
mothership union - retransmissions 4
bilan de la
manifestation
organisée dans le
cadre de Hearth,
L’Art au cœur du
territoire, octobre
2010.
Avec Véronique
Verstraete, GeorgesAlbert Kisfaludi,
Philippe-André Béna,
Michel Porchet et le
collectif M.U, Michaël
Sellam, les artistes
de Mothership Union :
François-Eudes
Chanfrault, Tony
Chauvin, Mathieu
Crimersmois, Magali
Desbazeille & Siegfried
Canto, Peter Gena &
Steve Waldeck, Jean
Herpin, les étudiants
des Beaux-Arts et de
l’école d’architecture
ainsi que leurs
enseignants Daniel
Grimaud, Pierre Faucher,
Ghislain His, les
responsables de
séminaires de la MSH
Paris-Nord
Mothership Union - Retransmisssions 4
S’est-il vraiment passé quelque chose ?
conférences éclairantes, et l’ensemble a représenté
une expérience stimulante, malgré des problèmes
évidents liés à la communication et à la diffusion
qui ont eu pour conséquence de restreindre le public
à un groupe d’initiés ou d’étudiants, alors que ces
manifestations avaient le potentiel de toucher
l’ensemble des participants, et, au-delà, tout un
territoire, tout un ensemble urbain, de façon très
dynamique. L’heure était à l’expérimentation, et les
formes ne sont pas achevées mais à recomposer,
dans d’autres lieux, d’autres contextes… Compte tenu
du tourbillon qu’a représenté pour moi l’immersion
dans cet univers nouveau, il m’a semblé nécessaire
« d’arrêter le flux » en cherchant à reconstituer, sans
exhaustivité, le parcours des propositions concrètes,
tout en sondant le rapport artistes /appareils.
À partir de cette expérience qui a nécessité une
phase d’acclimatation, puis de décantation, différents
éléments d’analyse et de synthèse se sont dégagés
pour donner une vision plus « panoramique » d’une
manifestation morcelée. Les photos qui m’ont été
transmises, sortes de « résidus » de l’événement,
m’ont aidée à structurer le questionnement autour
de trois problématiques qui se sont précisées petit à
petit. Ces thématiques comportent bien sûr une part
d’arbitraire, puisque chaque réalisation déborde du
cadre et n’est pas réductible à une catégorie, mais
elles ont une utilité d’ordre méthodologique et le
mérite, peut-être, de nous faire sortir de la confusion
parfois perceptible dans la proposition d’ensemble.
Ces trois axes s’appuient sur une dimension
descriptive et théorique transversale autour des
questions de fond portant sur l’événement, les
relations arts/technique et les formes de sensibilité,
les notions d’appareil et d’interactivité, dans un
rapport à la structure numérique ou multimédia
Afin d’apporter ma contribution au bilan général sur
la proposition Mothership de Michaël Sellam, artisteinvité aux Beaux-Arts de Nantes, sur Mothership
Union, ensemble de propositions d’artistes reliées au
scénario de Michaël Sellam, et sur Retransmissions 4,
regroupant les réalisations d’étudiants des BeauxArts et de l’école d’architecture en rapport avec
Mothership (Nantes, 19 octobre-04 novembre 2010)
je ne me lancerai pas ici dans l’analyse de ce qui a
marché (ou pas) et de ce qui aurait pu être amélioré
tant du point de vue technique que plastique, mais
je me concentrerai sur l’aspect théorique et critique,
qui est mon champ d’intervention. Cet apport,
très partiel compte tenu du foisonnement et de
l’hétérogénéité des réalisations, témoigne d’un point
de vue extérieur, marqué par les problématiques de
la Maison des Sciences de l’Homme Paris-Nord (MSH)
autour de la question des appareils en particulier.
J’ai néanmoins cherché à travailler « au plus près
des œuvres » (objets, processus, expériences,
contextes…) en me plongeant dans un univers
multimédia qui ne m’était pas familier : pour cela, je
me suis intéressée au fonctionnement des différents
dispositifs ainsi qu’au discours des artistes et
des étudiants, mis en perspective, et j’ai tenté de
comprendre, à travers une « attention flottante », ce
qui s’était fabriqué, ce qui s’était passé à cet endroit :
y a-t-il eu événement ?
Ces manifestations ont pris place dans le cadre du
11e congrès d’ELIA (European League of Institutes of
the Arts) : Hearth, L’art au cœur du territoire (26-30
octobre 2010), congrès d’importance ponctué de
15
4. bilan & analyse martine bubb
mothership union - retransmissions 4
incontrôlable : le végétal, l’animal, mais aussi les
virus, avec l’idée de bulles conçues comme systèmes
immunitaires pour s’en protéger (Peter Sloterdijk).
Cet aspect se retrouve chez Michaël Sellam pour
une part, plusieurs étudiants d’architecture, chez
Anne Carrique (étudiante aux Beaux-Arts) et chez les
artistes Matthieu Crimermois ainsi que Peter Gena &
Steve Waldeck dans des registres très différents.
des œuvres. L’enjeu, plus général, est de repérer
les continuités mais aussi les ruptures induites
par les nouvelles technologies, de réfléchir à la
notion d’expérimentation et à la signification d’une
recherche en art. C’est cette toile de fond, ce cadre
conceptuel qui innerve nos réflexions présentes.
Approche des différentes expérimentations
selon trois axes
La première partie introduit la question de la spatiotemporalité parfois paradoxale de ces expériences
multimédia. J’ai tenté, à partir de la conception
de l’espace chez W. Benjamin, de cerner ce qui
s’est déployé dans la ville, en particulier à l’école
d’architecture, dans un rapport plus ou moins poreux
ou transparent à l’environnement. Les notions de
parcours, de déambulation ou de dérive ont pu
être interrogées, en prenant Les Immatériaux de
J.F Lyotard comme point d’appui, de même qu’a été
soulevée la question de l’inscription dans le territoire,
avec ce qu’il véhicule de mémoire ou de possibilités
de sauts temporels.
Cet aspect a été analysé à partir des travaux de :
Michael Sellam (avec François-Eudes Chanfrault), de
certains étudiants d’architecture, de l’artiste Magali
Desbazeille (avec Siegfried Canto) et de Makiko
Furuichi, étudiante aux Beaux-Arts.
Je me suis ensuite intéressée au rapport numérique
et matérialité, en analysant plusieurs propositions
qui faisaient explicitement référence à la matière, au
savoir-faire, voire à l’artisanat, dans une temporalité
de la durée, et qui, plus largement, accordaient une
place essentielle à l’humain, l’imaginaire, le désir…,
révélant des potentialités critiques et une forme
de distanciation par rapport aux divers systèmes
technologiques. C’est là qu’apparaît la question
de l’appareil (en tant qu’il est une puissance
d’articulation technique/esthétique), à différencier du
simple dispositif.
Cet aspect est très présent chez les étudiantes des
Beaux-Arts : Marie Agnès Kerebel, Angéline Réthoré,
Qing He, ainsi que, dans une certaine mesure,
les artistes Tony Chauvin, Jean Herpin et certains
étudiants d’architecture.
I• Dériver dans des espaces-temps
paradoxaux Tout d’abord, au-delà de l’aspect foisonnant des
propositions, on peut noter l’importance, sur
l’ensemble de la manifestation, du parcours, de
l’itinéraire à faire dans tous les lieux de la ville
investis par les artistes et les étudiants, même si l’on
peut regretter le manque d’ampleur de la propagation
par rapport aux lieux d’exposition et le manque
de diffusion culturelle (la diffusion étant l’un des
axes essentiels de notre programme de recherche
à la MSH : « Arts, appareils, diffusion »), certaines
propositions des étudiants de l’école d’architecture
faisant exception par leur prise en compte concrète
de cette dimension de dissémination urbaine…
La déambulation comme expérience sensible et
immanente de la ville – et non abstraite comme sur
un plan d’architecte, strictement topographique – est
celle du flâneur, pris dans une certaine ambiance (que
Michaël Sellam a en partie suscitée), captif du temps
qui s’étire, embarqué dans des lieux inconnus. Cette
dimension d’étrangeté est propre à toute navigation
selon une temporalité fluide et continuiste, qui
était déjà celle de la camera obscura puis celle
des passages urbains, à l’opposé de l’instant de la
coupe perspectiviste. Les corps, qui ne sont plus
des « sujets face à une scène », sont entraînés
dans une expérience quasi-phénoménologique,
de déplacement, migration, nomadisme… dans un
territoire qui façonne les attitudes, les pratiques,
autour de la myriade de points clés qui ont été
circonscrits et qui, en émergeant, font exister une
multitude de zones plus ou moins définies tout
alentour. Cette souplesse du temps rend possible les
arrêts réflexifs et un certain type d’absorbement.
Une architecture « poreuse »
Enfin, à partir de la figure de l’autre, de l’étranger,
(Heejung Kim), s’est posée la question plus spécifique
du parasite, qui m’a été inspirée par un séminaire
de la MSH conduit par Alain Brossat : « Le parasite
en art et en politique ». Ce thème peut paraître
conjoncturel mais il représente une grille de lecture
intéressante, dans la mesure où il trouve un écho
dans de nombreux travaux présentés en plus d’être
stimulant par rapport aux enjeux de nos sociétés
contemporaines. Plus largement, j’ai relevé une
attention portée à ce qui ne relève pas de l’humain
mais d’une vie organique primitive plus ou moins
16
En premier lieu, la sculpture de Michaël Sellam
ainsi que l’ensemble du dispositif réalisé avec
le collectif MU (Métaphores Urbaines : collectif
d’artistes, chercheurs) s’appuient sur l’architecture
imposante et très particulière de l’ENSA (Ecole
Nationale Supérieure d’Architecture). Cette sorte
de « non-lieu » très ouvert, conçu pour un flux
d’activités et d’expérimentations diverses, est
peu propice à « l’événement », au sens où toute
proposition peut y prendre place sans susciter
beaucoup d’étonnement, car elle est rapidement
4. bilan & analyse martine bubb
mothership union - retransmissions 4
absorbée – ce qui rend difficile une appropriation ou
un détournement véritable. La sculpture développe
un entre-croisement des espaces qui semble se
situer dans la continuité d’une « architecture de la
porosité ». Je renvoie ici au séminaire de J.L Déotte sur
« W.Benjamin et la question de l’espace » où cette
dimension est largement abordée. Cette tradition
n’est pas nouvelle, de pratiquer des emboîtements ou
percements dans les édifices : elle date des années
30 quand grâce aux matériaux nouveaux, la maison
n’est plus conçue comme « pleine » ou comme un
monument, mais comme un espace où se crée une
respiration entre intérieur / extérieur, entre lieu
d’habitation / ville, quand le verre franchit le seuil.
Notons que la porosité est devenue extrême avec la
dématérialisation toujours plus grande des espaces
sur internet.
Cet effet de traversée, de pénétration de la sculpture
dans l’architecture est marquée, au deuxième étage,
par le prolongement perceptible de la base au plafond
(malgré le problème du cerclage au sol qui casse un
peu le mouvement et l’idée de surgissement brutal)
et rend ainsi visible, sensible et immédiat le rapport
du bâtiment à la ville, surtout sur la terrasse. Certes,
on peut noter une forme de concurrence avec les
tours, qui s’explique par le manque d’amplitude de
la sculpture, mais un rapport très fort s’établit
cependant. Cependant, le point de vue le plus
pertinent consiste à observer cette structure non pas
en vue aérienne, mais depuis la ville, au niveau du sol,
des ponts, et l’on remarque alors que la structure est
peu visible, peu signifiante, ce qui explique pour une
part son manque d’impact dans le milieu urbain et
l’absence de dynamique globale suscitée.
Mais cette structure absurde interroge : est-ce
un jeu d’architectes ? d’étudiants ? La porosité
(l’ouverture) est aussi thématique : cette structure
est-elle tombée du ciel ? par accident ? s’est-elle
brisée ? La logique est peu compréhensible, ouverte
sur des réalités parallèles, impossible à situer, car il y
a plusieurs « portes d’entrée » débordant l’intention
initiale. Une atmosphère s’est créée à partir de la
fiction des extraterrestres (scénario-prétexte ?) qu’a
imaginée Michaël Sellam. En ce sens, ce travail peut
être vu comme une proposition structurante qui
trouve une analogie avec la notion d’appareil (microappareil), puisque sa forme n’est pas figée mais
cherche au contraire à entraîner d’autres propositions
dans une dimension collective.
Déambuler ou se perdre ?
Cette proposition joue aussi fortement sur la
déambulation. La probabilité de se perdre dans le
bâtiment est forte et renforce la sensation de vivre
une expérience temporelle. La structure prend parfois
une allure anecdotique, quand le déplacement
est vécu pour lui-même, avec l’intensité d’une
marche rituelle ou d’un chemin quasi-processionnel,
tel que le pratiquent par exemple les Indiens, selon
17
l’analyse de Philippe-André Béna qui a soulevé cette
question. Cet aspect est particulièrement frappant
dans la deuxième vidéo de « reconstitution » du
parcours.
L’architecture de l’école, construite autour de l’idée
d’un flux d’activités, est propice à l’expérience de
l’errance, d’après les témoignages de nombreux
étudiants, et cette expérience est ici amplifiée
par l’invitation à un parcours quasi labyrinthique,
augmenté d’une expérience sonore devant se
manifester autour d’un épicentre (point focal d’impact
imaginaire) et de zones plus ou moins denses, plus ou
moins vides, en fonction de l’éloignement par rapport
à la structure.
C’est l’image du flâneur mais aussi du passager qui
se laisse transporté dans une spatio-temporalité qui
interroge la durée et l’écoute. Ce dispositif n’est pas
fermé car il laisse la place à des failles éventuelles, et
n’a pas la rigidité d’un système industriel, même s’il
joue avec la technologie. Les dimensions d’attente,
d’anticipation rompent avec la temporalité propre aux
nouveaux media et aux technologies de localisation,
celle d’un présent perpétuel et d’une quasiinstantanéité (Michel Porchet nous rappelle qu’il y a
toujours une latence minimale du système, un retard
par rapport à la position réelle). La vidéo d’après
coup, avec son côté cinématographique réfléchi à
l’avance, radical, construit un temps encore différent
de celui de l’errance, puisqu’on ne se perd pas, on
ne cherche pas, mais on suit un itinéraire linéaire,
en « temps réel ». Le montage rend compte de cette
autre déclinaison de l’espace-temps qui est celle de
l’ascension progressive.
Y a t-il eu conflagration ? déconstruction ? ou
simplement expérimentation – au sens de tests ou
essais scientifiques répondant plus ou moins à une
commande, avec production de maquettes en vue
d’une forme, d’étapes intermédiaires qui s’élaborent
dans le temps autour d’une idée, d’un concept… d’une
progression à partir d’échecs comme conséquences
d’une confrontation avec l’imprévisible ? Ce terme
aurait besoin d’être clarifié et défini plus précisément
(de même, au-delà, que celui de recherche) car il
est parfois utilisé pour justifier quelque chose qui
ne marche pas ou qui entretient un rapport avec
le « bricolage technologique » (art expérimental),
mais on peut d’ores et déjà remarquer que les
nouvelles pratiques d’installations multimédia
accordent une importance toujours plus grande au
processus, à l’évolutif et à la perfectibilité, au sens
benjaminien d’une œuvre qu’il est toujours possible
de « reprendre » et de retravailler théoriquement à
l’infini. Cette forme de temporalité inaugurée par le
cinéma et la modernité, de plus en plus présente,
s’oppose radicalement à celle de l’irréversibilité
inhérente à un art comme la sculpture au sens
classique.
Les Immatériaux de J.F Lyotard ne tiendraient-ils
pas lieu de « matrice secrète » de la proposition de
Michaël Sellam, celle-ci se situant logiquement,
4. bilan & analyse martine bubb
mothership union - retransmissions 4
avec une intention plus ou moins consciente,
dans la continuité de cette expérience inaugurale
qui jouait de façon tout à fait novatrice avec ces
« immatériaux »1 que représentaient à l’époque
le multimédia, le son… et qui se révéla fondatrice
des développements ultérieurs de l’expérience
esthétique? Les parcours proposés au Centre
Pompidou en 1985 dans une soixantaine de
pièces-sites sans hiérarchie ou vision d’ensemble
perspectiviste, marquant le refus du postmodernisme d’un ordre spatial classique, avaient
pour effet de troubler le public, tout en le maintenant
dans une forme d’interactivité ludique. Il s’agissait
de le désorienter, de le faire glisser, naviguer dans
des espaces fluides, labyrinthiques, en valorisant la
dérive, accentuée par l’absence de succession qui
serait celle d’un parcours préétabli. Le manque de
renseignements et les obstacles à la communication
plongeaient la plupart des visiteurs, qui erraient
dans une multiplicité de lieux hétérogènes, dans une
impression volontaire de confusion. La confusion
était-elle volontaire dans la proposition de Michaël
Sellam, ou s’expliquait-elle simplement par l’absence
d’un commissaire d’exposition, d’un scénographe,
d’un régisseur, de médiateurs professionnels… qui
auraient pu assurer la dimension du « spectacle » (qui
était de toute façon mise en jeu, dans son sens non
péjoratif), en tant qu’art de l’espace mais aussi du
temps, de l’enchaînement temporel ?
cependant les interruptions et les silences ont peutêtre contribué à casser l’émotion d’une déambulation
fluide ou engendrer le sentiment d’une discontinuité.
Si l’une des potentialités des environnements
sonores, pensés dans leur relation à la ville, est
d’entraîner dans un flux pour « lire l’espace urbain », à
travers la flânerie et l’absorbement, il semblerait que
l’expérience proposée soit celle d’une interruption
du flux, nous projetant régulièrement dans un vide
peu compréhensible, et cela en raison, partiellement,
de dysfonctionnements techniques (dus à une
agence extérieure, et à une alternative qui n’a pas
été possible à la géolocalisation, du tracking vidéo?)
ou nous projetant dans un excès, les sons devenant
inaudibles en présence de plus de trois ou quatre
personnes au même endroit, l’architecture de l’ENSA
étant très réverbérante. Je renvoie ici à l’article de
Francesca Gallo sur les Immatériaux, paru dans la
revue Appareil2 qui rappelle que J.F Lyotard souhaitait
que le visiteur se trouve dans un désert « parsemé
d’oasis ». En ce sens lyotardien, se trouve t-on face à
une « non exposition »? un « non-événement », bien
que la notion d’événement ait été très souvent
évoquée jusqu’à tourner en boucle? La question
des étudiants de l’école d’architecture trouve ici sa
légitimité :
S’est-il vraiment passé quelque chose ?
Michaël Sellam a de toute évidence refusé le jeu de la
communication extérieure, en écartant tout élément
didactique, explicatif ou simplement signalétique
(hormis un plan peu utilisé) qui aurait pu nous
guider, ce qui a suscité beaucoup d’interrogations, de
scepticisme ou de frustrations, voire d’indifférence,
de résistance et de rejet de la part des visiteurs.
Il escomptait que l’événement soit sa propre
communication mais n’a pas forcément obtenu le
résultat attendu, pour diverses raisons (diffusion,
etc.). Autre similitude avec Les Immatériaux : chaque
visiteur était équipé d’écouteurs diffusant des textes,
de la musique ou des bruits divers selon les zones
traversées, et M.Sellam, de même, souhaitait que
les sons, qu’on pouvait entendre dans les casques,
soient pensés dans leur intensité, en fonction d’une
part : des différents étages, avec l’idée de sons
d’abord ténus s’amplifiant d’étage en étage jusqu’à
atteindre son maximum sur la terrasse, en fonction
d’autre part : des zones plus ou moins proches de
l’impact. Alors que la technique mise au point par
Michel Porchet (qui s’intéresse au rapport artiste/
ingénieur) et son équipe aurait permis de coloniser
tout l’espace, les sons ont été pensés comme devant
varier en fonction du déplacement du visiteur ;
On peut introduire ici, de façon non exhaustive, une
partie du travail de ces étudiants en architecture,
du Master « Habiter le rythme », autour du projet si
bien dénommé « grain de sable » qui laisse sa place
à l’imprévu en lui reconnaissant un rôle créatif, loin
des dispositifs et autres programmes. Ces étudiants,
en dépassant leurs habitudes, ont proposé de façon
inédite un accrochage dans la galerie de l’école des
beaux-arts et interrogé les vaines catégorisations
arts plastiques / architecture / théorie (qui peuvent
avoir un rôle pédagogique cependant), ce qui laisse
augurer d’autres formes de rapprochements à venir.
La proposition de Michaël Sellam a joué un rôle
moteur en permettant aux étudiants de s’approprier
un scénario, lequel a d’abord donné lieu à tout un
travail « d’écriture collective ». Notons que le titre
imaginé : « Mothership » (bateau-mère) peut désigner
métaphoriquement l’architecture imposante de
l’ENSA, ce qui ancre la proposition dans le territoire
nantais de tradition navale. Ce terme se réfère à
l’univers du voyage, de la BD, de la science-fiction
dans lequel la figure du vaisseau spatial apparaît
souvent, mais il peut aussi évoquer l’idée d’une vaste
proposition structurante, qui accueillerait en son
sein des initiatives plus ou moins indépendantes s’y
raccrochant. Se pose ici la question de l’autonomie
de l’œuvre : Michaël Sellam a imaginé un dispositif
volontairement ouvert, inclusif, en anticipant sur
« Immatériaux » qui sont, en dépit de leur nom (Michel Porchet nous le
rappelle) très ancrés dans la matière puisque reposant sur une industrie
lourde.
2
Francesca Gallo, « Ce n’est pas une exposition, mais une œuvre d’art,
l’exemple des Immatériaux de Jean-François Lyotard », revue Appareil
[en ligne], MSH Paris-Nord, novembre 2009
Un parcours sonore contrarié ?
1
18
4. bilan & analyse martine bubb
mothership union - retransmissions 4
les différentes propositions possibles que son
travail était amené à provoquer, propositions qui lui
échappaient nécessairement.
Certains éléments ont été prélevés par les étudiants
de l’école d’architecture de façon très littérale mais
les réalisations se sont parfois avérées originales,
reflets de démarches individuelles, malgré un manque
de préparation. Les étudiants rencontrés, s’ils ont
trouvé la présentation vidéo du projet « efficace » et
prometteuse, ont pu aussi avoir le sentiment, pour
certains, d’être plongés dans la confusion ou d’être
instrumentalisés, au service du projet de l’artiste, en
particulier à cause de problèmes de communication
ou d’un manque de clarté dans les intentions. Mais ils
ont fini par construire un regard sur le point d’appui
proposé, et cette liberté n’a pas interdit que des liens
se tissent, même ténus (le même phénomène pouvait
s’observer avec les propositions des étudiants des
Beaux-Arts). Une circulation s’est établie, avec des
frontières floues, les réalisations s’avérant décalées,
humoristiques… et des recoupements se sont faits
par exemple sur l’idée qu’il s’est « passé quelque
chose », que le temps s’est arrêté.
Ainsi, la photographie prise à la patinoire interroge
la spatio-temporalité d’une vitesse statique, d’une
vitesse qui fait trace : la durée, le déroulement
du temps est rendu sensible par cette trace de
mouvement. L’absence devient présence, le temps
est à l’arrêt, suspendu (comme dans les photos de
Sujimoto ou Felten-Massinger…) et répond à l’idée
de Michaël Sellam selon laquelle l’arrivée d’extraterrestres aurait provoqué une « interruption des
temps ».
De même, dans la pièce intitulée ZMD (Zone à
mobilité dirigée), on imagine une déambulation
proche de celle qu’on pouvait expérimenter à l’ENSA.
Notons que les travaux exposés dans la galerie sont
en fait des « traces résiduelles » d’interventions
directes dans l’espace urbain, ce qui renforce la
dimension d’inscription dans le territoire. Ici, une
sorte de labyrinthe se déploie, tracé au sol dans une
rue. Ce zig-zag pousse à l’exploration et invite à se
poser des questions sur la ville, à chercher… Alors que
le GPS par exemple indique le chemin le plus court,
celui de l’efficacité, du gain de temps, ici le temps se
perd. L’invitation à l’errance est marquée par le refus
de la ligne droite. Le texte associé décrit un objet qui
s’est écrasé sur le toit de l’ENSA (c’est la fiction de M.
Sellam) ce qui provoque l’arrêt de toute forme de vie
alentour, et peut-être l’anarchie ? – nous dit-on. Sur
le mur de la galerie, on lit les réactions des passants,
notées sur des papiers collés, qui s’expriment sur
un mode ludique et humoristique, ce qui montre une
appropriation par les habitants.
Dans la pièce « Court circuit », on sort du modèle du
labyrinthe pour celui de la boucle, car ici le plan se
met en boule et nous fait « tourner en rond ». Là non
plus, on n’avance pas selon le modèle de l’efficacité
et du parcours le plus direct ; on est au contraire
invité à partir à la dérive pour rejoindre l’infini, cette
19
géographie utopique créant des trajets inouïs. La
pièce « Vous êtes ici » interroge aussi avec ironie
le rôle du plan et introduit du doute, une forme de
distanciation. De même, la plante verte couverte
de neige libère une certaine fraîcheur, une certaine
poésie.
Le « futur du souvenir »
On peut ici introduire le travail d’une artiste invitée
à réaliser une performance in situ aux alentours
de l’ENSA : Magali Desbazeille, (avec Siegfried
Canto) : dans cette proposition aussi, on est amené
à déambuler, à faire l’expérience sensible de l’espace
architecturé, tout en étant appareillé. On se balade
dans la rue en suivant un scénario renversé : on se
retrouve en 2050 à faire retour sur cette année 2010,
notre présent, projeté comme passé. De même, chez
Michaël Sellam, référence était faite à une dimension
archéologique anachronique liant passé / futur sur
un mode paradoxal (ou contradictoire ?), l’aspect
primitif de la sculpture contrastant avec la modernité
du dispositif technologique. Ici, les participants sont
invités à suivre, équipés à la façon d’opérateurs,
les images des pico-(vidéo)projecteurs qui se
projettent sur les murs, les bancs, l’environnement
urbain, et qui recomposent un univers poétique.
La déambulation prend une dimension absorptive,
de par la durée de la performance, assez longue
(une vingtaine de minutes), et se perçoit comme
une façon de « modeler » l’espace. Ce déploiement
dans la durée implique une relation très physique
au lieu et un rapport à la technique qui dépasse
la simple utilisation passive, pour se constituer en
vraie pratique (selon la distinction proposée par
Bernard Stiegler), pratique ouverte sur une forme de
passibilité.
Le dispositif, très au point techniquement, laisse
sa part à une forme de hasard (lié par exemple au
nombre de participants) et ces parcours singuliers,
intériorisés, débordent le dispositif, même si
l’itinéraire n’est pas improvisé. Le son est lui aussi
pensé dans son rapport à l’environnement puisque
la voix se détache sur un fond de bruits de rue et de
musique électronique : elle n’est pas issue de nulle
part. De même, selon W.Benjamin, la voix se construit
toujours sur un murmure : il n’y a pas d’écriture sans
lecture, de figure sans fond...
Par rapport à celle de M. Sellam, cette intervention
est beaucoup plus légère car elle s’appuie sur une
technique récente d’imagerie mobile et sur un
équipement miniature, mais elle distille aussi des
éléments sociologiques ayant trait à la surveillance et
au contrôle: c’est un point commun avec le travail
de M.Sellam et son système de géolocalisation
(expérimenté et développé par M.U dans le cadre
du projet Sound Delta) qui permet de suivre très
précisément la position relative d’une personne
qui oublie vite qu’elle est « surveillée », alors que
tout son parcours est enregistré. L’imaginaire
4. bilan & analyse martine bubb
mothership union - retransmissions 4
convoqué est aussi celui de la science-fiction, de
l’anticipation, mais il se distingue ici des rêveries
de « petit garçon », dans la mesure où il apparaît
décalé et distancié, plus proche en cela d’un travail
comme celui de Chris Marker (sur la question d’une
temporalité paradoxale), avec des accents qui
peuvent rappeler Pérec, par le travail sur le langage,
le micro-récit… Les effets poétiques d’inventaire,
de listes, de classement, de répétition, renforcent
la dimension sociologique et critique de cette
proposition qui interroge notre modernité et nos
normes sociales. Ainsi, des questions plus ou moins
graves liées aux problèmes économiques, à la pénurie
de logement ou à la pollution automobile…sont
abordées sur un mode ironique, car mêlées à divers
micro-récits ou micro-observations.
L’appareil de projection est ici à l’œuvre autant
dans l’espace – les images sur les murs – que dans
le temps – la projection dans le futur de notre
présent reconstruit (fictionné) comme passé. On
avance comme des archéologues qui chercheraient
des traces, des témoignages d’une époque ou d’une
civilisation inconnue, et ce travail sur la mémoire, la
perte – avec comme horizon possible un travail sur
les archives d’un monde disparu – nous interroge
sur l’absurdité de nos comportements, parfois
totalitaires.
l’esthétique du musée ou du cabinet de curiosités.
Ce sont surtout les photographies d’aspect sépia,
accrochées dans le même espace, dans des cadres
anciens, rectangulaires ou ovales (en référence
aux premières photographies), qui peuvent être
perçues comme proches de l’univers de Boltanski
et plus généralement d’une culture muséale de
l’esthétisation du monde, de l’histoire, de la mémoire
et des destins personnels… qui brouillent la frontière
entre témoignage et fiction, les deux registres
empruntant les mêmes codes esthétiques. En effet,
ces photos nous projettent dans un monde fictif,
puisque Makiko Furuichi s’est inventé une mémoire
en se mettant en scène avec des commerçants de
la ville comme si elle avait vécu à Nantes il y a
longtemps, mais des indices, des éléments décalés,
laissent entrevoir que ces photos sont récentes. Ces
différents autoportraits interrogent la notion de lieu,
de territoire, en projetant une fiction singulière sur
la ville, conçue comme gardienne d’une histoire et
de souvenirs. Ils brouillent aussi la frontière passé/
futur en donnant l’impression d’une temporalité
impossible, à l’irréductible étrangeté.
II• Matérialiser les « immatériaux »
Le rôle des appareils
Comme Magali Desbazeille, quoique sur un mode
très différent, Makiko Furuichi crée aussi le « futur
du souvenir » : la similitude est assez frappante.
Elle anticipe une sorte d’archéologie du futur en
proposant une alternative un peu dérisoire à ce qu’on
appelle l’Histoire. Son installation permet d’ouvrir une
réflexion sur la mémoire, sur l’expérience temporelle
et la façon dont elle s’inscrit dans le territoire : en ce
sens Makiko Furuichi n’est peut-être pas si extérieure
au projet de Michaël Sellam qu’elle le pense, même
si elle affirme ne pas avoir trouvé de résonance
dans la fiction proposée. On remarque d’ailleurs que
plusieurs étudiants ont marqué leurs distances en
revendiquant avoir poursuivi des problématiques
avant tout personnelles mais ont considéré cette
fiction, pour la plupart d’entre eux, comme une
occasion de réalisation, le point de départ d’une
réflexion, une contrainte à détourner ou avec
laquelle jouer. Il est à noter que dans certains cas, la
contrainte a purement et simplement été ignorée par
impossibilité de raccrocher l’univers de réflexions en
cours à une proposition extérieure.
L’installation de Makiko Furuichi peut se décrire
ainsi : un système de diffusion (assez inédit) fait
apparaître des images diverses à travers une série
de bocaux posés sur une table, remplis d’un liquide
qui peut évoquer le formol dans lequel seraient
conservées les images de la mémoire ou des rêves,
jusque dans leur aspect fluide et insaisissable. Ces
images ont quelque chose de spectral, même si
la lumière peut paraître vibrante, actuelle et non
mémorielle, rompant avec la référence générale à
20
Marie-Agnès Kerebel opère aussi un brouillage, non
sur le rapport à la mémoire, mais sur celui de la
technique et du « fait main », tout en questionnant
le rapport au temps, à la durée, qui n’est pas sans
rapport avec la question des appareils, qu’on peut
introduire ici rapidement. Un appareil laisse place
à de l’indétermination, il comporte une dimension
d’ouverture et autorise des échappées, à l’inverse
du dispositif, qui donne seulement un nombre fini et
prévisible de processus, qui peuvent être multiples
mais qui sont toujours compris dans un programme.
L’appareil est une notion intéressante en tant qu’il lie
la technique – ce sens est bien connu, c’est le sens
usuel – et l’esthétique, le terme « appareil » dérivant
étymologiquement de « apparaître ». Il n’est donc
pas sans lien avec le monde des « apparences », le
monde des arts. Au-delà, il apparaît comme un principe
d’articulation de notions hétérogènes, trop souvent
opposées comme le corps et l’esprit, la sensibilité
et la cérébralité, le réel et la représentation (ici le
virtuel)... Il se différencie aussi de la prothèse dans la
mesure où il n’est pas simplement le prolongement
ou l’amplification d’une aptitude ; en effet il offre
son assise à un certain rapport au monde, à la
communauté, à la culture, en constituant des spatiotemporalités et des formes de sensibilité nouvelles,
ce qui fait qu’il est une des conditions de possibilité
des arts. Ouvert à l’histoire, l’appareil comporte une
puissance de faire monde: selon les époques, il déploie
ses possibilités, plus ou moins réalisées, plus ou moins
latentes, et détermine un certain type d’événement.
4. bilan & analyse martine bubb
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La question est de déterminer sur quel type
d’appareil en tant qu’entité à la fois technique et
poïétique (et non uniquement technique comme le
dispositif), ou plutôt, de plus en plus, sur quel type
de montage d’appareils s’appuient les œuvres (objets,
processus…) proposées. Ainsi, le cinéma permettaitil déjà d’articuler des temporalités propres à la
narration, à la contemplation picturale, muséale, ou
encore à la photographie… pour se définir comme un
appareil essentiellement impur. L’hétérogénéité des
temps et des espaces paraît cependant être portée à
son comble par les arts dits « numériques ».
Savoir-faire et durée, au-delà de la
communication
Marie Agnès Kerebel, comme la plupart des
artistes ou étudiants rencontrés, ne travaille pas
en s’appuyant sur une logique fermée propre au
dispositif (et à ses « effets ») mais tente au contraire
d’articuler technique/esthétique selon un type
d’appareil spécifique ou un montage singulier qui
serait à définir. Elle a ici complètement retourné la
signification d’un code ultramoderne : le Flashcode
(sorte de nouveau code barres, où chaque case
blanche correspond au 1, chaque case noire au O,
selon un code binaire, et que l’on trouve en coin
en petit sur les photos, journaux, affiches ou
sites internet… qui sert de lien en ouvrant sur
un territoire d’information), en en proposant une
version recopiée « fait à la main ». C’est le premier
flashcode artisanal ! Elle court-circuite les notions
d’immédiateté qu’il véhicule, en proposant un dessin
qui a demandé plusieurs heures. La notion d’artisanat
est revendiquée, comme si les dimensions du savoirfaire, de la simplicité (allant parfois jusqu’au décept),
du contact avec la matière, du « fait main » et du
toucher avec tout ce qu’il comporte de sensualité,
se ré-affirmaient face au modèle dominant de la
complexité générée par les nouvelles technologies.
C’était aussi le besoin de Michaël Sellam de « se
frotter », dans un rapport peu rationnel mais direct,
à la matérialité de la sculpture, après une formation
en Département Hypermédia apparemment très
immatérielle. Et cette dimension de prendre du
« plaisir à faire les choses » a été déterminante
pour lui, dans son rapport à la structure qu’il mettait
en place, même s’il s’est heurté à des difficultés
techniques importantes (ne serait-ce que dans la
transposition du projet virtuel en objet dans l’espace)
qui l’ont conduit à beaucoup investir le registre du
plastique.
Les cases crayonnées par M.A Kerebel sur une feuille
à petits carreaux qui semble sortie d’un classeur ou
d’un cahier pour être punaisée au mur, renvoient à
une esthétique très pauvre, presque enfantine comme
si un regard neuf ou décentré devait être porté sur la
technologie. De loin et dans la profondeur du regard,
présentées dans l’espace et non sur une feuille
21
de magazine ou une affiche, elles ont l’aspect de
fourmis, brouillées, saturées, alors que, de près, la
netteté s’établit, en même temps que le rapport à la
technologie se fait plus évident. Cette double lecture
offre une forme de distanciation et invite à réfléchir à
« une autre dimension » selon un imaginaire décalé en
rapport avec internet, et répond en cela, sur un mode
qui lui est propre, à l’univers de Michaël Sellam. Il y
a bien eu déplacement, car habituellement présenté
dans le coin d’un espace, le flashcode est ici isolé,
seul sujet agrandi d’une page, directement accessible
au regard et non à l’information. Il apparaît comme en
décalage, car il « ex-pose » le langage technologique,
langage qui peut se révéler impénétrable puisqu’il
oblige à passer par une médiation technologique :
le langage informatique est ici renvoyé à sa
dimension labyrinthale (qui parcourt aussi le travail
de M. Sellam et des étudiants d’architecture ) et
énigmatique. Le flashcode, qui suppose normalement
une manipulation technologique, ne trouve plus ici
son utilité, mais se fait voir en tant que tel, extrait
du flux, isolé. Il devient un objet chargé d’opacité,
d’épaisseur, ayant perdu sa fonction de médiateur
qui lui assurait une complète transparence – car
on ne regarde pas un medium de communication. Il
acquiert ici une valeur esthétique de pièce unique
d’artisanat, aux antipodes d’un élément mécanisé,
potentiellement reproductible à l’infini, et cette
ambiguïté par rapport au langage informatique,
à la trace et à l’écriture subsiste : on reste dans
l’incertitude concernant le registre dont ce flashcode
relève.
Concernant la temporalité, on sait que plusieurs
heures (4h ?) ont été nécessaires pour réaliser ce
dessin. Cette durée n’induit-elle pas une forme de
rêverie et n’offre-t-elle pas la possibilité de dériver,
divaguer, imaginer ? N’étant pas réglé sur le modèle
de l’efficacité, le dessin réintroduit la possibilité
d’une appropriation, d’une intériorisation. On peut
y voir un éloge de la lenteur, de l’inertie, chaque
case réalisée marquant le temps qui passe. Cette
élaboration patiente (qui parasite l’idéologie des
économies libérales) consacre quelque chose de
banal en lui donnant une valeur d’objet produit à
partir d’un savoir faire perdu, ce qui peut aussi induire
une certaine nostalgie d’un temps disparu, englouti
par un système où la vitesse est obligatoire et où
l’accélération exponentielle masque l’angoisse du
temps qui passe, en occultant la question du labeur,
de la transmission.
La dimension politique affleure, le travail n’étant
pas conçu ici comme une contrainte imposée et
violente mais comme une technique douce, « avec »
la matière et non « sur » la matière, avec le corps et
non contre : une technique anti-hylémorphique. MA
Kerebel s’accordait par exemple des pauses quand
des douleurs dans la main apparaissaient, puisque
les mouvements étaient répétés (ce qui peut sembler
proche d’un travail mécanique, à le différence qu’il
4. bilan & analyse martine bubb
mothership union - retransmissions 4
n’était pas robotisé dans ce cas : nous ne sommes pas
dans le schéma du travail à la chaîne où l’homme est
l’esclave de la machine ou du dispositif). Face au flux
d’informations induit par les nouvelles technologies,
n’est-ce pas un moyen de se mettre en retrait et
de résister, sous une forme modeste, à un système
qui se voudrait totalisant, en mettant en place un
système de « pare-excitations » et en réintroduisant
du temps, de la mémoire ? N’est-ce pas une façon de
marquer sa liberté et de redevenir maître du jeu (V.
Flusser)? En ce sens, nous nous situons bien dans
une logique de l’appareil et non de dispositif, car ce
dessin coupe la communication, le flux, les liens, pour
extraire un élément qui ne renvoie finalement qu’à sa
propre matérialité.
Plus généralement, à partir de la problématique de la
simulation, qui s’oppose à celle de la représentation,
on assiste avec le numérique à un retour en force
de la main, du dessin, du tactile, relativisant l’œil,
l’optique… Pour Bill Viola et, dans une certaine
mesure, David Hockney, c’est la fin de l’ère de
l’optique.. mais l’on peut penser, plus largement, que
c’est la fin du règne de la projection, qui subsiste
cependant.
Le geste, écriture et projection
Les performances d’Angéline Réthoré explorent
aussi la dimension de la matérialité, du geste et
de la durée. Avec deux assistantes comme elle
habillées de banc, elle a tracé au sol dans trois lieux
d’intervention, des mots relevant du registre du désir,
selon un gradation des émotions comme « Frémir
(Lieu unique). Rougir (Temple du Goût). Jouir (ENSA) »,
à l’aide de cordes (ou cordex, cordeau : outil de
maçon, d’ouvrier) de différents diamètres, enduites
de pigments de différentes couleurs : bleu, orange,
rouge, utilisées en fonction de cette montée du désir.
Les traits ont une qualité et une intensité diverse,
selon le diamètre et la quantité de poudre. Il ne
s’agit pas seulement de positionner un mot dans
l’espace de circulation, mais de nous interroger sur
ce que nous voyons ou pas, sur ce que l’on foule
aux pieds, sur l’effacement des traces. Ce pigment
synthétique qui s’efface n’est-il pas à l’image du désir
qui s’épuise ? La poudre s’estompe, après plusieurs
passages et interroge le temps, la durée. Les zones
centrales deviennent diffuses, insaisissables. C’est
une forme de langage qui paraît à mille lieues
du numérique et du virtuel, car elle rappelle des
pratiques humaines immémoriales parmi les plus
essentielles: projeter, écrire au sol ou dans le
sable (Je renvoie aux analyses de Jacques Boulet,
architecte, intervenant à la MSH, selon qui ce simple
appareil de projection se trouve à la base de toute
construction et sous-tend tous les autres appareils
projectifs modernes). Ce langage est donc aussi
construction, appropriation de l’espace.
Les pratiques d’écriture et de projection, si
elles peuvent paraître archaïques en regard des
22
dernières évolutions du numérique, nous rappellent
l’importance de l’inscription matérielle, qui se lie aux
émotions : si le numérique peut ouvrir la voie à une
forme de déshumanisation, les émotions (souvent
marginalisées par les divers systèmes technoscientifiques) subsistent, vives et singulières. Nous
est rappelée l’importance du geste, du faire, du
déplacement des corps dans l’espace qui s’éprouve,
autant qu’il se « calcule ». Ainsi, comme pour
contrebalancer ce qui peut paraître avoir pris trop de
place, trop vite, sans intériorisation ou appropriation
suffisante : le numérique, ces pratiques nous font
reprendre conscience du temps et nous permettent
d’échapper à l’immédiateté comme temporalité
dominante.
L’irruption du désir
Elles posent aussi la question du désir, de l’autre en
tant que désirant, comme dans ce dispositif sonore
présenté sous le Chapiteau de Mme Suzie, qui se
situe plus dans le registre multimédia, tout en jouant
fortement sur la « matière sonore » et la sensibilité.
Son principe est semblable au dispositif qu’on voit
sur les photos prises en 2009 pour Retransmissions 2
(novembre 2009 à la galerie de l’école).
« What are you thinking about ? » (Angéline Réthoré).
La disposition est assez simple : deux sièges
pivotants face à face, très proches l’un de l’autre,
nous invitent à prendre place et à nous munir d’un
casque. On écoute un enregistrement sonore sur un
lecteur CD avec fonction « boucle ». La bande son est
formée de trois enregistrements qui se superposent:
l’un est constitué des poèmes et haikus récités par
une voix féminine, un autre de mots du registre de
l’érotisme, le dernier de sons quasi-imperceptibles :
un souffle, une aspiration d’air lente... Nous sommes
invités à expérimenter une forme de proximité avec
l’autre, et un malaise ou une gêne peut subvenir
car ce qui relève de l’intimité s’expose dans un lieu
public, dans un face à face avec un autre que je ne
connais pas nécessairement.
Un cercle, une bulle s’est formée : ressemble-telle à celles que Peter Sloterdijk décrit comme
systèmes censés nous protéger ? Assiste-ton à une
expérience « régressive », la voix nous berçant de
mots sensuels ? La bulle recèle aussi un caractère
inquiétant, car l’on peut se noyer dans cet espace
sans limites, où le temps s’étire, où les repères
s’estompent, nous plongeant dans une sorte
d’océan pré-individuel, à la fois à l’abri du monde
extérieur et de son tumulte mais en même temps
gênés par ce monde qui apparaît perturbant, puisqu’
empêchant de vivre l’écoute pleinement. Ce monde
de la fusion qui exclut le tiers est aussi celui de nos
écrans d’ordinateur où nous nous plongeons comme
dans une bulle, à la différence qu’ici je suis mis en
présence de l’autre, physiquement, dans une relation
de complicité ou de distance face au récit qui se
déploie (entend-il la même chose que moi ? )
4. bilan & analyse martine bubb
mothership union - retransmissions 4
On se scrute, on baisse les yeux ou l’on regarde
ailleurs, pris par le trouble, la perte de contrôle. Cette
dimension performative, comportementale, s’appuie
sur une réelle interactivité, au sens d’un dispositif
de conversation selon R Bellour : la conversation de
salon est détournée ironiquement, puisque ce que
l’on garde habituellement pour soi est ici exposé,
tout en gardant une part cachée (c’est la fonction
des écouteurs). S’expose en se cachant. De plus, on
peut noter la dimension paradoxale de cette forme
d’interactivité sans action à proprement parler : on
interagit avec l’autre par le regard, la présence et
l’attention.
Au-delà d’une interactivité ludique
Dans les deux pièces électroniques proposées par
Qing He, il est aussi question d’interactivité, au
sens plus classique, puisqu’il y a ici action sur un
écran (pour l’une des deux pièces présentées) et
d’interrogation sur la matérialité, dans un rapport
corps / spiritualité.
La première pièce montre un bonhomme qui rebondit
comme une balle de ping-pong dans les coins de
l’écran. On perçoit une dimension ludique, mais
le jeu est fatidique, car le bonhomme se heurte
aux bords de l’écran. Ce dispositif réintroduit une
dimension matérielle et un rapport au réel sur lequel
on bute. L’écran, d’habitude transparent, est ici
considéré en tant que tel, dans sa matérialité (comme
dans le travail sur le flashcode de M.A Kerebel) et
non simplement comme fenêtre ouverte sur une
image ou une information. Un détournement de la
fonction a été opéré, avec en toile de fond un propos
potentiellement critique sur les technologies qui nous
enfermeraient dans un carcan, dans un système rigide
ou incompréhensible.
La deuxième pièce nous donne la possibilité d’incliner
l’écran avec les mains : c’est son aspect performatif,
interactif. Les bonhommes décollent alors et
deviennent des avions. L’écran posé à plat est de
nouveau matérialisé : il apparaît comme un objet,
un plateau, ce qui contredit le rapport « naturel »
face à un écran, le premier réflexe n’étant pas
d’attraper un écran – qui n’est pas fait pour ça – mais
de se positionner face à lui en attendant de voir
apparaître une projection d’éléments virtuels. Nous
ne sommes plus spectateurs ni même flâneurs, mais
plutôt opérateurs manuels, puisque nous initions le
mouvement, sur le conseil d’un médiateur/médiatrice.
A défaut, il ne se passe rien, les bonhommes étant
en attente de notre intervention. Ces bonhommes
dessinés très légèrement, fins, aériens, s’envolent
grâce à une opération technique, et un contraste
s’établit entre la pesanteur de l’écran et l’envol de
ces bonshommes.
23
Densité / suspension
De même, chez Tony Chauvin, « Stèles », Galerie
Mélanie Rio, on repère un questionnement sur la
matière et la technique, et un rapport densité /
suspension.
S’articule, plus ou moins aisément, la matérialité
brute du monolithe qui se trouve dans le jardin de
la galerie et l’immatérialité (la présence spectrale)
des stèles qui apparaissent dans la présentation
en images de synthèse, celles-ci montrant huit
objets mystérieux s’alignant virtuellement, selon
un scénario de science fiction. Le monolithe noir,
installé dans le jardin, acquiert une présence
incongrue, bien posé sur la pelouse, et parle de luimême, en émettant des sons. Ce monolithe évoque
explicitement la puissance des lieux chargés de
densité comme Stonhenge ou Carnac alors qu’au
contraire, l’image de synthèse draine beaucoup
d’informations ou d’inscriptions qui peuvent évoquer
l’odyssée de l’espace et une dimension futuriste. Un
rapport s’établit entre la présence muette, opaque,
de la pièce in situ et le flot d’informations des images
de synthèse où les stèles apparaissent flottantes,
comme en apesanteur, non ancrées.
L’installation de Peter Gena et Steve Waldeck joue de
même sur le rapport de densité-solidité du container
/ fluidité-fragilité des apparitions sur l’écran. La pièce
est conçue comme une sorte de bulle, de « boîte
noire » ou même de camera obscura, puisqu’on
assiste dans le noir à la projection d’éléments colorés
et mouvants sur un écran. La boîte aurait du être
en bois, mais devant une impossibilité technique,
le container a été retenu et convenait finalement
très bien, sans doute parce qu’il renforçait l’aspect
hermétique d’un lieu « bunker », dédié au plus
complet absorbement du spectateur/auditeur.
L’aspect kaléidoscopique et hypnotique des images,
en plus de jouer sur les structures ADN, pouvait aussi
rappeler l’univers psychédélique des années 60-70 et
des expériences sous drogues avec perte des repères
tel que décrites par exemple par Walter Benjamin
(Sur le haschich) et sa description d’un « plasma
originel coloré », dans la continuité de sa définition
de l’imagination comme puissance de déformation. En
ce qui concerne la temporalité, on peut dire qu’elles
s’appuie sur le flux et le « continuisme », dans le sens
où expérimenter cette installation requiert du temps
et une certaine durée « sans instants » qui n’est
pas celle de la contemplation mais plutôt celle de
l’immersion, l’esprit étant absorbé, captivé.
Plus spécifiquement, sur le problème du son, P.
Gena & S. Waldeck se situeraient plus ou moins
dans la lignée de Pierre Schaeffer et d’une musique
concrète réactualisée. Ce travail interroge aussi le
rapport à la matière, par le côté artisanal du dispositif
électronique mis en œuvre, qui peut paraître
anachronique face à l’univers du numérique ; mais
c’est cette « chimie » électronique qui induit des
qualités et un rapport différent au temps, à la matière
4. bilan & analyse martine bubb
mothership union - retransmissions 4
et à la lumière, du fait de son caractère plus instable.
On relève un aspect « bricolé » dans ce dispositif qui
nécessite une préparation manuelle, et une certaine
fluidité (car l’installation suppose des réglages
progressifs et ne fonctionne pas par sauts ou paliers
comme l’ordinateur), subtilité qui répond aux infimes
variations de l’œuvre de Scriabine, dont P. Gena & S.
Waldeck se sont inspiré. On peut enfin imaginer des
interventions régulières de l’artiste pour les réglages,
ce qui suppose un rapport plus impliqué, témoignant
d’une position critique face au numérique.
La proposition de Jean Herpin, (Galerie Le Quatre)
pose aussi un rapport critique sur les nouvelles
technologies. La scénographie, les écrans, la voix
qui répète en anglais une menace imaginaire (selon
laquelle la terre allant être « recyclée », il nous faut
procéder à une « évacuation » etc.), la musique,
l’effet de volatilisation… tous ces éléments, dans un
fonctionnement par métonymie, interrogent notre
époque et introduisent la question du postmoderne
(avec la présence des baskets, des dollars...) ainsi
que celle de la secte, sur un mode à la fois drôle et
inquiétant, laissant entrevoir un sombre désir de mort
mêlé à une fascination pour la technique et internet.
Dans un premier temps, c’est le rire qui domine
car l’installation comporte une dimension de foire,
avec cette vitrine composée de plusieurs éléments
pris dans l’effet « magique » du souffle, mais l’on
rit vite d’un rire grave, et ce rire est revendiqué. La
photographie nous montre qu’on peut viser le ciel,
mais il n’y a pas d’horizon, comme si tout cela ne
débouchait sur rien, était illusoire.
La proposition dans son ensemble introduit une
angoisse, sur fond de suicide collectif, et témoigne
d’une forme de lucidité sur les nouvelles technologies
censées apporter le bonheur. Sur un mode non
didactique, la dimension politique se pose, à partir
de cette question : l’humanité, par sa foi naïve en
une nouvelle divinité : la Technologie qui pourra
la sauver, se fabrique un monde aseptisé, aux
fonctionnements sectaires car gommant la différence
et tentant d’imposer ses certitudes et ses normes,
mêmes insensées. On peut alors entrevoir, dans cette
proposition, la possibilité du refus d’adhérer à une
secte mondialisée, en faisant un pas de côté.
III• Parasiter
Sommes-nous des extra-terrestres ?
La dimension socio-politique et culturelle est
aussi abordée par Heejung Kim, qui nous montre
quels peuvent être les problèmes que rencontre un
immigrant, d’un point de vue singulier. Sa proposition
est un peu atypique car elle fait plus de place à la
part humaine et n’apparaît pas aussi « multimédia »
que les autres installations, malgré la présence d’un
dispositif photo-vidéo où ce que l’on voit est marqué
24
par ce que l’on entend. Elle interroge néanmoins la
figure de L’Etranger et pose les enjeux du territoire
et de la mondialisation, sur un mode critique,
problématique.
Le coréen est champion de taekwondo mais comme
étranger à lui-même, quand il évoque les blessures
de sa double identité (se sentant coréen en France,
peut-être français en Corée...), ainsi que son rapport
à la langue et à la culture. La mise en scène des
photographies grand format, chargées de beaucoup
de présence physique, et de la vidéo de forme
documentaire (une interview), nous prennent à
témoin, en nous parlant d’intégration mais surtout de
transformation, à partir de la pratique du taekwondo.
Cette figure de l’étranger transparaît aussi
dans le travail de M. Sellam, à travers la notion
d’extraterrestres ou d’aliens qui auraient été
téléportés, mais aussi à travers les références à la
culture africaine (plus précisément la culture hip
hop afroaméricaine et l’afro-futurisme) qu’on peut
éventuellement déduire de la présence des colliers
Colson utilisés pour les ligatures, qui renvoient au
système de menottes de policiers. On peut y lire une
forme d’inscription dans le territoire nantais, chargé
de références historiques liées à l’esclavage. De plus,
la structure elle-même, en croisillons, peut faire
penser à un échafaudage ou à des cages brisées. Les
tubes de PVC découpés-thermoformés ont aussi un
aspect de piques de bois brûlé qui peut rappeler le
vaudou ou un certain type d’art africain qui intéresse
Michaël Sellam, de par le côté brut, malgré le
problème du cerclage au sol qui provoque un effet de
scène. Mais les références étant très diverses (BD,
science-fiction, histoire politique...), on a parfois le
sentiment de s’y perdre : effets d’une post-modernité
persistante ? L’univers proposé est particulièrement
« en phase avec son temps », symptomatique de
l’époque, ne serait-ce que sur le plan technologique
des dispositifs de communication mis en œuvre
(applications Iphone possibles, etc..) et sur la
forte dimension ludique qui tend à écarter rigueur,
profondeur pour investir un terrain plus mobile.
La structure comportant une dimension agressive,
on peut chercher à s’en protéger. C’est peut-être le
sens de cet équipement blanc au système camouflé,
qui renvoie à un univers médical ? Aurait-on quelque
chose à craindre de cette colonie d’éléments
étrangers ? Doit-on se protéger de la propagation
d’un virus ? d’un parasite ? En effet, la structure
apparemment tombée du ciel (malgré la présence
du socle et des colliers Colson qui modèrent
l’idée que la forme aurait été « auto-produite »
ce qui conduit à certaines contradictions et un
problème d’intelligibilité de l’ensemble) projette une
certaine violence : elle débarque et s’impose sans
communication, sans s’intégrer au bâtiment existant,
mais au contraire en cherchant à le parasiter. Sa
construction interroge aussi notre communauté
en tant qu’elle est peut-être trop rigide, trop
4. bilan & analyse martine bubb
mothership union - retransmissions 4
systématique, car les diagonales viennent perturber
le paysage environnant de la ville, fait d’horizontalesverticales, dans une certaine uniformité. Ici apparaît
un élément bancal, un peu monstrueux, qui évoque
l’impact d’une présence importée, mais qui se révèle
finalement assez peu perturbant, compte tenu du
lieu de l’ENSA qui, de par sa conception, on l’a vu, est
capable de tout absorber.
De même, le dispositif produit à partir de sons de
synthèse fait la part belle aux parasites, sonores
cette fois-ci, en adéquation avec l’idée générale de
la sculpture. Cet environnement sonore a d’ailleurs
pu être perçu, à un moment donné de la phase de
tests, comme assez gênant, par certains étudiants
de l’école. Ce que l’on entend peut faire penser à un
langage inconnu, extraterrestre, mais aussi à des
bourdonnements d’abeille, des bruits d’insectes.
Michaël Sellam a fait référence à un essaim d’abeilles
tueuses d’Afrique embarquées dans des bateaux et
importées, véritable fléau pour les autres qui ses
sont trouvées éradiquées. Cette figure du parasite,
notion qui peut être douteuse politiquement, se
construit autour de ce que nous enseigne la biologie
(Le Parasite de M. Serres) et s’impose avec nos peurs
face à ce que l’on perçoit comme primitif, dérangeant,
indésirable ou menaçant de rompre l’équilibre, la
forme primitive étant la forme de vie la plus active.
C’est le rôle des différents systèmes immunitaires
modernes décrits par P.Sloterdijk que de nous offrir
une protection face à ces dangers potentiels : en
effet, depuis que l’homme n’est plus le centre d’un
monde fini et hiérarchisé, il est de plus en plus
exposé à tous les périls extérieurs.
Enfin, et c’était peut-être l’élément le plus
intéressant, nous étions nous mêmes appelés à jouer
le rôle de parasites ou de perturbateurs, en suscitant
un certain étonnement de la part des étudiants
d’architecture qui se trouvaient dans les salles de
cours aux parois vitrées. L’aspect performatif de notre
déambulation prenait alors un tour inattendu, avec
la mise en place d’un rapport observateurs/observés.
La mise en représentation était particulièrement
incongrue et l’on pouvait s’amuser à se balader en se
prenant soi-même pour un extraterrestre ! La forme
d’interactivité dominante résidait dans cette sorte de
mise en scène des gens appelés à déambuler.
Cette forme de parasitage pouvait se lire aussi, sur
un mode plus littéral, politique et fantastique dans
certains travaux des étudiants d’architecture, qui
ont sans doute élaboré les propositions les plus
directement inspirées par ce qu’on leur a présenté.
Quand la vie primitive s’insinue dans le
multimédia
« Viral Delire », par Marcel Malhère et François Martin.
Ainsi un détail s’est vu amplifié: le motif hexagonal
présent sur le plan transmis par M. Sellam a été
détourné et repris en tant que logo (il a été collé
au mur, dans une version transparente) et apparaît
25
multiplié dans le montage-vidéo présenté à la galerie
ainsi que sur les tee-shirts. Au delà de l’emprunt d’un
élément, on peut voir un lien s’établir entre ce motif
hexagonal, qui rappelle les cellules de la ruche, et
l’univers sonore accompagnant la déambulation à
l’ENSA qui évoque dans certains passages l’activité
des abeilles. On trouve une même fascination pour
les formes de vie primitive qui suscitent une crainte,
à cause de leur mystère et de leur puissance de
prolifération-contamination.
Les tee-shirts, imprimés du logo hexagonal, sont
exposés en vitrine dans la galerie de l’école des
beaux-arts après avoir été portés et diffusés dans la
ville. Mais c’est surtout dans le montage-vidéo que
ce motif hexagonal apparaît comme la métaphore
d’une propagande infinie. Cet élément prend des
allures de virus, de force virtuelle toute puissante,
qui se propage, multipliant ses zones d’influence. Le
logo peut être perçu comme un bouton d’alarme face
à une menace nucléaire ou biologique, quand on le
voit s’étendre dans un nuage noir fait d’une multitude
de cellules hexagonales emboîtées, depuis la France
jusqu’à envahir le monde entier. Y a-t-il eu accident,
à l’impact catastrophique? Ou s’agit-il simplement
d’une métaphore sur l’influence des marques
ou des industries culturelles en général, qui se
mondialisent ?
L’hégémonie des marques (déjà questionnée par
Jean Herpin et les chaussures Nike…) se retrouve
aussi sur les t-shirts portés qui peuvent évoquer
une opération de nature commerciale, publicitaire
ou éventuellement humanitaire. Une grande part
d’indétermination caractérise cette intervention:
s’agit-il d’une secte, d’une initiative poétique
ou politique ? Seule certitude, la question de la
dissémination et de la diffusion est posée.
Discrétion des interventions, microévénements ?
Le panneau de « démolition silencieuse » de trois
étudiantes en architecture fait aussi écho aux
menaces qui semblent planer sur le bâtiment de
l’ENSA. Le motif de l’hexagone apparaît là encore,
détourné (pour remplacer le logo des travaux publics)
avec, toujours sous-jacente, l’idée d’un corps
étranger, d’un virus qui s’attaquerait sournoisement
à une structure en vue de sa destruction… Ce
travail présente un aspect humoristique bien sûr,
mais aussi inquiétant, car l’inscription « La rue se
meurt » évoque bien la démolition. L’impression est
d’être face à un vrai panneau mais c’est un leurre.
On note la discrétion de l’intervention, qui nécessite
beaucoup d’attention pour voir ce qui est écrit ; c’est
pourquoi on en appelle à « Mr le curieux » (autre
inscription). Déjà, la disposition dans le milieu urbain,
à dimension plus réaliste, pouvait accrocher ou pas le
regard. Les moyens sont pauvres, l’intervention est
légère, mais elle peut suffire à arrêter la routine.
4. bilan & analyse martine bubb
mothership union - retransmissions 4
La présence non identifiée du halo orange dans le
film « Vis-à-vis lointain » (dirigé par Pierre Faucher
et présenté au Temple du Goût) reprend aussi l’idée
d’une présence mystérieuse, inconnue qui avait
hanté le quartier de la Madeleine. Ce film montre
les traces de cette intervention urbaine où l’on voit
des personnages se sentir suivis par une présence
orange, dans une ambiance nocturne inquiétante.
Les photographies-installations du Temple du Goût
jouent sur les variations de la couleur orange, couleur
qui attire l’œil, intrigue, parasite.
par M. Sellam ou certains étudiants d’architecture,
se fait ici dans une relation plus heureuse, plus
douce, symbiotique-mimétique : la disposition
des micros-piezzos fait ainsi écho à la montée de
l’escalier qui fait elle-même écho à la verticalité de
l’arbre. L’intervention est assez discrète par rapport
à l’architecture, car c’est l’écoute qui est mise en
valeur, non le système technologique : certes il y a
des fils mais ils sont peu visibles et en adéquation
avec l’idée de circulation, de flux...
Le travail d’Anne Carrique quant à lui, joue de
cette présence parasitaire sur le mode végétalarchitectural, dans le sens de la reconquête d’un
espace de la ville par une vie primitive. La présence
quasi-organique des micros-piezzos, sur cet escalier
classique imposant, évoque l’idée d’une vie qui
déborderait son cadre habituel, un peu comme le
fait le lierre qui envahit les habitations. Ils diffusent
le son de la poussée de sève d’un arbre, qui a été
enregistré à un moment très précis du printemps.
On remarque que la temporalité qui a été mise en
jeu est celle du « moment heureux », de l’occasion,
d’un jaillissement lyotardien et d’un temps qu’il faut
saisir vite parce qu’il comporte une part d’imprévu,
d’événement, le phénomène étant rare dans l’année
et sans date précise programmée. Par le son, assez
énigmatique, nous sommes comme appelés par cet
escalier qui acquiert une présence inédite, conduits
à suivre le parcours ascendant qu’il propose, selon
une marche quasi-rituelle ici aussi. L’impression qui
domine est celle d’un lointain, car les craquements de
l’écorce peuvent évoquer des bateaux, et les bruits de
fond parasites, le vent et la mer, avec un rythme dans
l’espace sonore qui évoque le flux, le bercement des
vagues dans un coquillage. Il n’est pas interdit d’y
voir un écho au thème Mothership et une référence
au territoire nantais. On se sent transporté.
Cette exploration de l’infime, de micro-élémentsévénements, qui s’écoutent habituellement au
stéthoscope, en appelle à une démarche scientifique
quasi naturaliste (Anne Carrique a suivi l’expérience
et les conseils d’un arboriste) et une certaine
préparation, mais débouche finalement sur un univers
poétique. L’arbre en lui-même porte un imaginaire
très riche : les anciens Grecs par exemple, parlaient
aux arbres, les croyant dépositaires de toute la
sagesse des dieux. Ici, à travers l’environnement
sonore, c’est l’arbre qui nous parle ; il est représenté
par métonymie, par le prélèvement d’un élément,
qui, diffusé selon un certain agencement, fait
ressortir l’architecture de l’escalier dont la verticalité
est renforcée et dont les courbes qui se déploient
acquièrent une présence végétale. Il y a donc un jeu
avec l’environnement, une manière de faire ressortir
la structure et des détails architecturaux.
Ces éléments étrangers qui viennent s’insérer ou se
greffer sur l’escalier lui imposent leur logique propre ;
mais ce parasitage, contrairement à celui proposé
26
Enfin, le parasitage selon Matthieu Crimersmois
renoue avec un mode plus inquiétant, et animal.
L’Araignée, exilée et isolée au deuxième étage,
se présente comme en rupture avec l’architecture
environnante transparente, lui opposant sa
matérialité sombre et dissidente, d’inspiration afrofuturiste comme la sculpture de M. Sellam. Elle se
compose de disques vinyles thermoformés, mous
comme le corps de l’araignée dont les battements
du cœur sont suggérés, de même que la position
d’autodéfense passive. Une webcam intégrée (l’œil
de la bête ?) introduit une forme d’interactivité
puisqu’elle perçoit les déplacements des visiteurs,
en fonction desquels elle déploie des sons. Agrandie,
comme pensée à l’échelle humaine, elle nous
renvoie l’image d’une part de nous mêmes que avons
oubliée et qui nous angoisse (comme dans la « La
Métamorphose » de Kafka, ou « La Mouche » de
D.Cronenberg…). Elle provoque un retour du refoulé
en révélant sa nature primitive, inaccessible à la
civilisation. Répugnante, mais aussi fascinante,
fantastique, elle sort du cadre lisse souvent associé
aux nouvelles technologies.
Pour finir, on notera que l’une des dimensions de
la proposition de Peter Gena et Steve Waldeck
a aussi trait au rapport au vivant, jusque dans
ces dimensions parasites, sur un mode musical
imaginaire assez inquiétant. Des séquences d’ADN
sont traduites en sons, mais aussi des virus, des
bactéries…dans un travail de long terme, qui peut
être compris à la lumière des théories de Peter
Sloterdijk sur les systèmes immunitaires et une
certaine « sphérologie ».
Une simulation d’événement ?
En conclusion, la question, qui reste ouverte : « s’est-il vraiment passé quelque chose » ? peut
être comprise comme « avons-nous été témoins
de propositions réellement artistiques ou bien
de simples effets de dispositif ? ». Y a-t-il eu
événement ? De quel type ? Le terme événement
n’admet pas de définition unique : il est « ce qui
advient », un fait marquant ou rare, un incident, une
circonstance d’une importance toute particulière,
un « point-clé » dans l’espace-temps qui chamboule
la réalité et reconfigure la sensibilité commune, la
4. bilan & analyse martine bubb
mothership union - retransmissions 4
remet en perspective, dans une sorte de suspension
des temps et du jugement concernant la réalité
du monde. Ce n’est donc pas à nous de décider
de l’événement, car il advient de l’extérieur et ne
peut pas être « sous contrôle », garanti. Le propre
de l’événement est d’être imprévisible, lié à une
part de hasard : ainsi il ne se décrète pas, même si
l’expression « créer l’événement » peut le laisser
entendre.
S’il n’y a pas eu événement autour de Mothership,
il y a eu néanmoins propositions plastiques,
interventions urbaines et expérimentations, aventure
conjointe, ce qui dépasse le cadre de l’événementiel.
Cette aventure s’est largement articulée autour de la
question multimédia. Qu’est-ce que l’art multimédia ?
A t il une spécificité ? Comment éviter de tomber
dans le piège de certaines expositions qui prennent
le numérique ou la technologie en général comme
caution ? Le label « nouvelles technologies » peut
servir en effet à légitimer des démarches qui n’ont
pas forcément beaucoup de teneur artistique mais qui
répondent plus à une attente politique ou culturelle
au sens commercial et confondent arts plastiques
et arts appliqués, pour proposer l’équivalent de
« produits » marketing. Nous ne sommes pas dans
ce cas de figure ici, mais nous nous trouvons plus
généralement face à des outils que nous n’avons
pas encore eu le temps d’intérioriser car ils sont pris
dans un temps accéléré, une innovation chassant
l’autre. Quelque chose de fragile est en jeu, qu’on
ne voit pas, mais dont nous sommes trop souvent
dépossédés, « prolétarisés » (selon le terme proposé
par B. Stiegler) : c’est la perte de savoir faire et de
culture, induite par l’utilisation (et non la pratique)
des nouvelles technologies. N’ayant pas le temps
d’intégrer les nouveautés, on se contente de suivre et
on oublie la part culturelle, émotionnelle, historique…
tout un ensemble de dimensions plus ou moins
refoulées, qu’il est néanmoins possible de réintégrer :
c’est ce qu’on tenté de faire ici une majorité d’artistes
et d’étudiants, selon une logique d’appareil et
non de dispositif. Mais plus que d’un événement
à proprement parler, on aurait assisté, autour de
Mothership, à une simulation d’événement (on joue à
faire « comme si », à faire semblant...), à un contexte
ludique de micro-événements ou de petits récits,
de faits divers et d’histoires singulières proposant,
avec plus ou moins de pertinence, de révéler des
possibilités latentes, en posant un regard à la fois
curieux et critique sur les nouvelles technologies et
l’univers multimédia.
Martine Bubb
27
Avec les apports de : Véronique Verstraete, GeorgesAlbert Kisfaludi, Philippe-André Béna, Michel Porchet
et le collectif M.U, Michaël Sellam, les artistes de
Mothership Union : François-Eudes Chanfrault, Tony
Chauvin, Mathieu Crimersmois, Magali Desbazeille
& Siegfried Canto, Peter Gena & Steve Waldeck,
Jean Herpin, les étudiants des Beaux-Arts et de
l’école d’architecture ainsi que leurs enseignants
Daniel Grimaud, Pierre Faucher, Ghislain His, les
responsables de séminaires de la MSH Paris-Nord…
Merci.
5. transmissions programme 2009-11
Jean-Michel Hequet-Vudici
transmissions
Plus de vingt « transmissions » ont eu
lieu entre 2009 et 2011. Mais qu’entendon exactement par transmission ? Dans la
terminologie de Plugin, ce terme est synonyme
de « séance de séminaire » mais s’en distingue
conceptuellement dans une certaine mesure.
En effet, le séminaire désigne un groupe de
travail, où les participants, en petit nombre,
étudient un problème ou une question d’une
manière approfondie. Il désigne aussi la séance
et/ou l’ensemble des séances qui s’articulent
autour d’une thématique / problématique
semestrielle, annuelle... Ce mot est intéressant
dans la mesure où il implique une forme
d’inscription dans l’histoire et/ou dans une
culture scientifique rigoureuse, universitaire. Le
principe d’un nombre restreint de participants
se retrouve d’ailleurs dans le cadre de nos
transmissions, qui ont vocation à se concentrer
sur la recherche et non à drainer un large public
dans une visée plus pédagogique. Cependant,
malgré la légitimité de cette approche plutôt
« traditionnelle » de la connaissance et de la
recherche, il apparaît que les pratiques donnant
lieu à de la pensée n’ont pas toutes vocation
à suivre ce modèle. Ainsi la transmission porte
un sens plus proche de ce qui se peut faire
actuellement dans les écoles d’art. La racine
trans- signifie le changement, le passage,
mais aussi le franchissement de limites ou de
frontières communément admises. Quelque
chose est à comprendre au-delà ou à travers ce
qui pourrait constituer un champ clos ou
une discipline : arts plastiques, philosophie...
mais aussi au-delà d’une temporalité
précise, définie : la dimension d’anticipation
28
d’une recherche « en train de se faire », est
essentielle.
De plus, le terme, plus moderne, de
« transmission » marque l’action de
communication et c’est le sens principal
que nous lui accordons dans nos séances où
chaque invité (artiste, théoricien, enseignant,
doctorant) nous transmet quelque chose
de sa pratique, de ses savoirs, de son
expérience. Transférer, faire passer, propager,
ou contaminer… toutes ces significations
se rapportent aux enjeux contemporains du
développement du numérique, qui multiplie
les effets de traduction, transcription,
transposition…
Il peut donc être intéressant de lier les
concepts que véhiculent les notions de
séminaire et de transmission, et ainsi de mettre
en perspective les techniques ou les pratiques
les plus récentes, en prenant conscience de
la dimension culturelle de la technique. Une
connexion s’établit alors entre des dimensions
hétérogènes, autour d’enjeux portant sur le
cinéma, l’œuvre interactive, l’art participatif,
internet, l’art-vidéo, l’art multi-supports,
multi-média ou numérique. L’architecture dans
sa rencontre avec d’autres pratiques (arts
plastiques, théorie, philosophie leibnizienne ou
benjaminienne...) prend une place importante
et les séances de travail autour de « ce qui fait
architecture », de la question du fragment ou
de celle de la déambulation… sont appelées à
se poursuivre.
5. transmissions programme 2009-11
Programme 2009-2010
élaboré en relation avec
Michaël Sellam, et 2011
par Martine Bubb, avec
Véronique Verstraete
et Georges- Albert
Kisfaludi
Ronald Rose Antoinette, doctorant en philosophie,
Paris 8 : Tendances et contre-tendances du
cinéma : Politique des images-milieux 30 avril 2009
Daniel Deshays, ingénieur du son : Conditions du
sonore et plasticité
fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Deshays
26 janvier 2010
Michel Porchet, ingénieur et docteur es sciences,
coordinateur de recherche MSH et directeur recherche
développement du collectif M.U., exposé artscience-philosophie sur la perception de l’espace
Figuration, projection et géométrie, MSH Paris
Nord / visioconférence ESBANM. http://revues.
mshparisnord.org/lodel/appareil/index.php?id=303
8 février 2011
Susanna Muston, doctorante en philosophie, Paris 8 :
Œuvres et public. Œuvres interactives,
créations communautaires et expositions
ouvertes
www.cubeart.org
www.movimentomanifesto.com
Valéry Grancher, artiste multi-supports, art internet,
art participatif, Esthétique du présent
2 mars 2010
Marika Dermineur, artiste multimédia : Matérialité
et internet
marika.incident.net,
Electronic Shadow, duo d’artistes multimedia (une
architecte, un réalisateur vidéo) / par Yacine Aït Kaci,
visioconférence MSH Paris Nord
www.electronicshadow.com
Sébastien Pluot, critique d’art : Double Bind
www.apres-production.com
15 février 2011
Sandrine Amy, architecte DPLG et doctorante en
philosophie : La « rideaulogie » ou le rêve de
l’architecture du XXe siècle (art des façades)
revues.mshparisnord.org
Jean-Michel Hequet-Vudici, photographe, architecte :
La camera obscura : technique ou métaphore ?
Dailymotion - VUDICI - une vidéo Art et Création
Dailymotion - Esther Ségal et Jean Michel Hequet
Vudici ITV almsage - une vidéo Art et Création
8 juin 2010
Magali Desbazeille, artiste multimedia, vidéaste et
performeuse : Qu’est-ce que les technologies
font aux langages ?
www.desbazeille.fr
Yann Breuleux, artiste numérique (vidéo-musique,
dispositifs immersifs)
www.ybx.ca
22 février 2011
Qu’est-ce qui fait architecture ? avec les
enseignants de l’ENSA : Pierre Faucher et Daniel
Grimaud, Jean Lévêque, philosophe, et Monsieur
Mouch, conteur
15 mars 2011
Qu’est-ce qu’un fragment ?, avec Pierre Faucher
et Daniel Grimaud
14 décembre 2010
Adolfo Vera P., doctorant en philosophie, Paris 8 :
L’art latino-américain face aux fantômes et
aux disparus
revues.mshparisnord.org/appareil/index.php?id=671
Julie Morel, artiste multimédia
julie.incident.net
8 mars 2011 (visio MSH) :
Georges Teyssot, architecte et professeur, Université
de Laval, Québec : Les plis de la membrane
revues.mshparisnord.org aalog.net
15 mars 2011
Vincent Blary, plasticien, professeur de perspective à
l’École supérieure d’art et de design d’Amiens :
Autour du paysage. Points de vue et réalités,
transcription et représentation des espaces
construits par l’image
bvmp.blogspot.com
18 janvier 2011
Martine Bubb, philosophe : Camera Obscura
revues.mshparisnord.org
Benoit Géhanne, artiste : photographie, vidéo
numérique et glissements de médium
www.benoitgehanne.net
www.kurt-forever.com
29 mars 2011 (visio MSH) :
Hong Ki Kim, doctorant en philosophie,
Paris 8 : L’espace vidéographique de Bill Viola
25 janvier 2011 Marion Delage de Luget, artiste, professeur d’histoire
et de sémiologie de l’art, doctorante en philosophie :
Connexion/déconnection : frontières et
autres lignes de fractures dans l’œuvre de
David Lynch
revues.mshparisnord.org
www.kurt-forever.com
29
12 mai 2011
Déambulations... Rencontre avec Pierre Faucher,
Daniel Grimaud, Jean Lévêque
17 et 24 mai 2011
Helen Evans et Heiko Hansen, artistes
http://hehe.org.free.fr
5. transmissions programme 2009-11
Daniel Deshays
30 avril 2009
CONDITIONS DU SONORE ET PLASTICITE
« Le son confirme ce qui a eu lieu, il est
le prolongement, la trace, qui succède au
mouvement. Témoignage du vivant en acte,
il en présente la part vive. L’enregistrement
du son révèle l’espace social. Il en inscrit
les signes, des empreintes qui dénotent la
nature politique de cet espace. Car l’histoire
nous rappelle que le pouvoir appartient à
celui qui préside à la cloche, à la sirène ou
au réseau des émetteurs de sons. Autant de
signaux, autant d’ordres qui se propagent
largement dans l’espace social en découpant
le temps. Franchissant les distances, leurs
injonctions ordonnent la vie et les circulations.
Ces pouvoirs (église, usine, ville, état)
n’apparaissent pas directement comme lieux
de la parole dictée. Les points d’émission sont
autant de médiateurs qui opèrent. Le sonore,
qui n’apparaît jamais à la conscience, est l’outil
idéal pour effectuer cette action discrète.
L’édition sonore, nouvel émetteur, normalise à
son tour le paysage. Opposés à ces “voix de son
maître”, d’autres sons inorganisés surgissent
du monde, du bourdonnement de l’insecte aux
manifestations des peuples. Ainsi, émergent
devant nous, signal et bruit. La sphère des arts
plastiques se tient de l’un ou de l’autre côté,
employant le son souvent sans comprendre les
pouvoirs qui s’y tiennent. Les pratiques sonores
se placent ainsi du côté de l’ordre ou de sa
déconstruction. »
Daniel Deshays (1950) est réalisateur sonore
pour le théâtre, la musique et la muséographie.
Producteur de musiques improvisées, ingénieur
du son au cinéma, il enseigne actuellement à
l’ENSATT à Lyon, à la Fémis et à Sciences-Po
Paris
Michel Porchet
26 janvier 2010
Figuration, projection et géométrie :
Thalès l’actionniste de Gizeh
La géométrie est­elle de l’ordre de la
mimésis ?
M’intéressant à l’appareil projectif, j’ai
travaillé sur les origines de la géométrie
et le sens du geste de Thalès mesurant
la pyramide de Kheops. Le livre de Michel
Serres, les origines de la géométrie, typique
des pièges du récit littéraire en matière de
science, participe de la confusion entre la
géométrie et la perception mimétique de
l’espace. L’espace directement perceptible
dans lequel nous vivons n’est tridimensionnel
que par la médiation d’une abstraction:
le point. Fertile pour la mathématisation
du monde, cette abstraction n’est pas
indispensable à sa connaissance. La
géométrie a évolué d’une science des
figures à une science de l’espace, puis
d’une science de l’espace physique à une
science abstraite de l’espace fondée sur les
transformations. Lorsqu’il affirme : « Pour
comprendre les événements du plan, les
graphes et l’écriture, il faut bien s’élever vers
une nouvelle représentation dans l’espace
à trois dimensions : toute cette histoire de
Thalès se développe en effet devant ou dans
des corps volumineux dont on ne peut jamais
obtenir une complète représentation parce
que les divers plans projetés dessinés ou
écrits ne montrent jamais que des profils
partiels difficiles à déchiffrer. » Serres ne voit
pas, dans la démarche de Thalès, la mise en
place d’une abstraction efficace : la figure
géométrique pensée indépendamment de
tout référent concret. Cette abstraction a
permis à la pensée grecque de parvenir à une
description complète, par le langage, non
d’un objet mais d’une idéalisation.
La suite de la conférence a démontré en
quoi le contrôle d’un territoire n’est pas
une question d’espace mais de maîtrise
du temps, et pose la question du sens en
mathématiques.
30
5. transmissions programme 2009-11
Marika Dermineur
2 mars 2010
Matérialité et internet Electronic Shadow – Yacine Aït Kaci
2 mars 2010
Marika Dermineur est impliquée dans des
activités artistiques : installations, net-art,
événements, seule ou le plus souvent en
collectif. Active sur la plateforme expérimentale
Incident.net et dans le collectif RYbN,
fondatrice de Upgrade! Paris et co-responsable
avec Julie Morel. Diplômée de la Sorbonne,
de Paris 8, de l’ENSAD et du CNAM, Marika
Dermineur travaille sur les questions liées au
réseau, sur les possibilités d’un programme à
produire du langage, des structures de récits,
des images et des sons. Elle cite et commente
le rapport Acrimed (action critique media)
« Dématérialisation en économie et en finance »
« L’existence d’une industrie forte, et donc
d’une place financière forte bien structurée,
constitue un atout majeur dans l’économie
de l’immatériel » (p. 152). Pourquoi ? « Parce
que la finance est en soi une composante
de l’économie de l’immatériel ». Dans cette
approche technico-financière, tout devient
immatériel : sur le modèle de la finance depuis
longtemps dématérialisée, passant de l’or à la
monnaie fiduciaire puis au bit d’information,
les entreprises et les institutions et même
les Nations deviennent des marques, et de
façon plus générale, les réseaux d’information,
notamment internet, dématérialisent les objets,
le territoire, les institutions, voire les hommes
transformés en « actifs immatériels ». L’homme
traité de « capital humain » est objet de gestion
comptable. […] Le rapport impose comme
évidente cette vision comptable et financière
du savoir et de la culture traités eux aussi
comme des « actifs ». http://marika.incident.net.
31
Créé en 2000 par Naziha Mestaoui, architecte
et Yacine Aït Kaci, réalisateur, Electronic
Shadow fonde son approche artistique et
créative sur la recherche et l’innovation. Cette
approche pluridisciplinaire permet des
propositions originales qui mélangent l’espace
et l’image, la matière et l’immatériel dans
différentes disciplines ; l’art, l’architecture, le
design, la mise en scène, ...
Grand Prix Japan Media Art Festival en 2004
avec 3minutes, une installation qui utilise
pour la première fois le mapping vidéo 3D,
inventé et breveté à cette occasion, Electronic
Shadow expose ses créations à travers le
monde : MOMA à New York, le Centre Georges
Pompidou à Paris, Musée de la photographie à
Tokyo, Biennale d’Art Contemporain à Séville, le
SESI de Sao Paulo, le MOCA de Shanghai….
Sur scène, cet univers se déploie notamment
dans le spectacle vidéo-chorégraphique
Double Vision, né de la collaboration avec la
chorégraphe-étoile Carolyn Carlson, toujours en
tournée.
Electronic Shadow interroge l’espace temporel
de l’internet, « 25e fuseau horaire, un nouvel
espace temps d’ubiquité et d’instantanéité, de
mémoire et de création » ; celui de l’hybridation
du réel et du virtuel « qui fait du potentiel
invisible une réalité visible, créant […] les
conditions de nouveaux types de perception »,
ou propose de mettre en scène « une
représentation verticale de la mémoire et du
processus de mémorisation [qui] s’apparente
à une stratification de la mémoire, que ni la
géologie, ni l’archéologie, ni même l’histoire ou
la géographie ne pourraient contredire. » 5. transmissions programme 2009-11
DOUBLE BIND / ARRÊTEZ
D’ESSAYER DE ME
COMPRENDRE !
5 février - 30 mai 2010
Villa Arson Nice
Exposition avec : A
Constructed World, Boris
Achour, Bas Jan Ader, Jérôme
Allavena, Art & Language,
Renaud Auguste-Dormeuil,
Gilles Barbier, Robert Barry,
Erick Beltrán, Stéphane
Bérard, Berdaguer & Péjus,
Dominique Blais, Mel
Bochner, Julien Bouillon,
Pascal Broccolichi, Marcel
Broodthaers, Cercle Ramo
Nash, Marc Chevalier,
Ma Chong, Gérard CollinThiébaut, François Curlet &
Michel François, Anthony
Duchêne, Jean Dupuy, Eric
Duyckaerts, Omer Fast,
Robert Filliou, Francesco
Finizio, Henry Flynt, Ryan
Gander, Jean-Baptiste
Ganne, Dora Garcia, Mark
Geffriaud, Alexandre
Gérard, Claire Glorieux,
Dan Graham, Joseph
Grigely, Brion Gysin & Ian
Sommerville, Raymond
Hains, Temo Javakhi, David
Jourdan, Ben Kinmont,
Nicholas Knight, Silvia
Kolbowski, Jirí Kovanda,
Christine Kozlov, Joris
Lacoste, Thierry Lagalla,
Louise Lawler, Alvin
Lucier, Christian Marclay,
Aurélien Mole, Robert
Morris, Bruce Nauman,
Dennis Oppenheim,
Philippe Parreno, Gaël
Peltier, Alexandre Perigot,
Antoine Poncet, Will Potter,
Noël Ravaud, Bettina
Samson, Mathieu Schmitt,
Yann Sérandour, Richard
Serra, Pierre Thoretton,
Lawrence Weiner, Cerith
Wyn Evans, Raphaël Zarka.
commissaires : Dean Inkster,
Eric Mangion et Sébastien
Pluot
Mel Bechner, Language Is Not
Transparent, 1966-19732 of 7
photo : J. Brasille/Villa Arson
Sébastien Pluot
2 mars 2010
DOUBLE BIND
Malentendu, altération, incompréhension,
aporie, confusion ou contresens, sont autant
de dysfonctionnements ou d’anomalies
– discrets ou manifestes – qui modifient
en permanence le cours et la teneur de
nos échanges. Pourtant, depuis le mythe
babylonien d’une langue unique et universelle,
jusqu’aux théories des correspondances, et
plus récemment l’idéologie positiviste d’une
traduction sans perte aidée par l’informatique,
la quête d’une communication transparente
traverse chaque époque.
Quatre ans après
l’exposition Transmission, le Centre national
d’art contemporain de la Villa Arson revient sur
le rapport entre art et communication avec une
exposition intitulée DOUBLE BIND / ARRÊTEZ
D’ESSAYER DE ME COMPRENDRE ! Il s’agit cette
fois d’interroger la complexité des langages
qui fait de la communication une entreprise
singulière toujours renouvelée par les
interprétations et les traductions.
L’expression
« double bind » se réfère ici à la « double
contrainte » que toute traduction, selon le
philosophe Jacques Derrida, impose comme
impératif : la nécessité et l’impossibilité sont
contenues dans tout énoncé linguistique, de
la transposition d’une langue à une autre.
Si un énoncé fait nécessairement appel à
la reconnaissance, la compréhension, et
l’interprétation (sa traductibilité), il demande
également que l’on respecte ce qui en lui
échappe à la traduction, la part intraduisible
32
qu’il recèle et qui constitue son caractère
propre ou unique, son idiome. L’injonction
« Arrêtez d’essayer de me comprendre ! » se
réfère au psychanalyste Jacques Lacan et
à la réponse qu’il aurait faite à l’un de ses
auditeurs trop soucieux de vouloir saisir le
sens de chacun de ses propos. Il s’agit, en
l’occurrence, d’un exemple classique du double
bind tel que l’a théorisé l’anthropologue
Gregory Bateson dans les années 1950 : le
destinataire d’une telle injonction ne pouvant
y répondre sans y déroger, est placé dans une
situation de dilemme et d’incertitude.
Les
œuvres présentées dans l’exposition révèlent
diverses stratégies de transposition qui
prennent en compte les effets d’altération
et de distorsion qui surviennent dans la
construction et le partage du sens : que ce
soit dans le discours, dans le passage d’une
langue à une autre, d’un médium ou d’un outil
technologique à un autre, ou bien encore,
à travers diverses formes de codifications.
L’exposition témoigne ainsi d’une conception
de l’art opposée à l’idéale d’immédiateté et
de transparence de la pensée, chaque œuvre
affirmant à sa manière la discordance entre
signe et référent, signification et sens, comme
un élément inhérent au langage. La traduction
est donc ici à comprendre au sens large,
comme ce qui désigne non pas un simple outil
de transmission inter-linguistique, mais un
processus formel, voire un moyen créatif, dans
la conception et l’interprétation de l’œuvre.
5. transmissions programme 2009-11
Magali Desbazeille
8 juin 2010
Révéler des pensées intérieures fictives
(l’installation vidéo interactive TPJS), rendre
visible des requêtes des internautes en temps
réel (l’installation Key+Words et le spectacle
DATA+), analyser la construction du langage
chez le très jeune enfant (performance
Bruisures), observer les hiéroglyphes
contemporains que sont les SMS (projet 1% de
20, au collège Leforest…) :
Le langage, sa formulation, la communication
orale et écrite nourrissent mes projets artistiques, par ce qu’ils traduisent de sociologique
et d’intimité chez l’individu.
Autour de ces problématiques, l’usage des
NTIC répond souvent de façon pertinente aux
enjeux, puisqu’elles sont au cœur du langage,
de la parole, de l’intimité mais aussi du contrôle
sociétal.
Comment quelques mots ou phrases peuvent
cristalliser les besoins ou les désirs d’un
individu anonyme ou devenir la mémoire
inoxydable d’une génération ou d’une époque ?
Chaque projet réalisé utilise une forme et/
ou une technologie adaptée au propos : la
technologie peut être parfois soumise au
propos comme elle peut aussi faire parti du
propos (regard distancé). La technologie peut
être parfois montrée, déployée, parfois cachée,
33
voir absente. Je n’ai pas de position identitaire
par rapport au médium que j’utilise.
De la fiction cachant la technologie au
télescopage d’éléments hétérogènes, une
question de fond traverse : qu’est ce que la
technologie fait au langage, à la pensée, aux
mots, à la parole, à l’écrit ?
www.desbazeille.fr
5. transmissions programme 2009-11
YAN BREULEUX
8 juin 2010
RECHERCHE-CRÉATION
Ses intérêts de recherche résident principalement sur la question du langage de la
spatialisation de l’audio et de l’image vidéo
pour des dispositifs multi-écrans. Reconnu
depuis une dizaine d’années dans le domaine
des arts médiatiques, ses projets portent
principalement sur le thème de la lumière
virtuelle, tant dans sa relation avec l’espace
que sur le plan symbolique. Son intérêt principal réside dans une réinterprétation des
problématiques de l’abstraction provenant
des arts plastiques appliquées au domaine
temporel de la vidéo immersive.
Sa formation résolument multi-disciplinaire
lui permet d’ouvrir un champ de recherche
dans le domaine de la spatialisation visuelle
en rapport avec les recherches réalisées
dans le domaine de l’acousmatique et de la
création logicielle. Les résidences à la SAT
(Société des arts technologiques) lui ont permis de réaliser de nombreuses collaborations
avec des scientifiques, ingénieurs, programmeurs. Mentionnons également une relation
étroite avec le milieu de la musique électroacoustique et contemporaine avec des
collaborations soutenues avec des compositeurs tels qu’Alain Thibault, Louis Dufort,
Michel Gonneville et Linda Bouchard.
Au niveau médiatique, ses projets utilisent
des technologies lui permettant des
transpositions sur plusieurs formats de diffusion et dispositifs. Ainsi, les projets
Rétroaction vectorielle, Histoires sans fin et
Monochrome bleu sont des outils de
performance vidéo qui ont été présentés sous
34
des formes d’installation. À l’inverse, les
technologies du projet Ubiquité sont utilisées
pour la mise en forme de performance
vidéo-musique. En ce sens il travaille, depuis
le projet Black Box, sur la mise au point
de synthétiseurs visuels multi-écrans qui lui
servent ensuite à la création de ses
œuvres. Depuis l’an 2000, cette recherche l’a
amené à concevoir des projets pour de
multiples dispositifs, de l’écran haute définition (2k) au triple écran en passant par des
surfaces hémisphériques.
Poursuivant dans la même logique artistique,
son projet de doctorat repose sur une
réinterprétation des peintures de la période
tardives du peintre William Turner
caractérisées par des masses lumineuses en
constante mutation. Dans ce projet, il
compose le son et l’image simultanément. Il
étudie le « grain » audio et rapport avec la
« particule visuelle ». L’équivalence formelle
entre les deux univers lui permet, en
continuité avec les recherches de masses sonore dans le domaine de l’électroacoustique,
de créer simultanément le son et l’image.
L’œuvre sera diffusée sur un dispositif de
diffusion à trois écrans HD et un système de
sonorisation octophonique.
Le projet bénéficie également d’une entente
avec la SAT pour une présentation dans le
dispositif immersif de la SAT-O-Sphère, une
architecture immersive hémisphérique qui
sera partie intégrante du nouvel édifice de la
SAT prévue en 2010.
http://ybx.ca
5. transmissions programme 2009-11
Adolfo Vera P.
14 décembre 2010
L’art latino-américain face aux fantômes
et aux disparus
Master en histoire de l’art Université du Chili
Doctorant en philosophie Université Paris 8.
La transformation d’un disparu en un véritable
« fantôme » qui en tant que tel n’est ni vivant
(il n’est plus là) ni mort (on ne peut plus trouver
son corps pour l’enterrer, le commémorer et
faire son deuil), mais revient pour hanter nos
sociétés et empêcher notre « paix sociale »,
c’est l’une des questions les plus intensément
travaillées par les artistes latino-américains
de trois dernières décades. Cette hantise a
trouvé une manifestation esthétique dans des
expériences collectives comme celles menées
par les Mères de la Place de Mai (notamment
le fameux « siluetazo » de septembre 1983),
et dans l’œuvre d’artistes comme Eugenio
Dittborn (Chili), Marcelo Brodski (Argentine)
et de cinéastes comme Raoul Ruiz (Chili) et
Glauber Rocha (Brésil). Notre hypothèse est
que cette hantise-là qui réfère l’impossibilité
du deuil dans nos sociétés n’a pu être
manifestée comme œuvre artistique qu’en tant
que négativité radicale qui constituera toute
apparence esthétique comme foncièrement
spectrale.
Adolfo Vera, chilien, est né en août 1975. Il
a enseigné la philosophie contemporaine et
l’esthétique à l’Université des arts et des
sciences sociales (ARCIS) de Valparaiso. Il
a publié des articles sur le cinéma, les arts
visuels et la philosophie dans des revues du
Chili, de Canada et de France, et notamment
le livre Entre el deseo y la materia: obra visual
de Claudio Bertoni, Altazor, Chili, 2006. Il
prépare un thèse sur la disparition politique et
sa réception esthétique de la part des artistes
latino-américains, à l’Université Paris 8.
35
Julie Morel
14 décembre 2010
Autour de plusieurs entrées : « textualité et
art numérique », « archives/réactivation »,
« le langage comme processus de travail »,
« traduction et transcodage », l’intervention
s’est attachée à différents dispositifs
interactifs, génératifs et en réseau mis en place
par l’artiste.
Dans ses propositions, Julie Morel interroge le
spectateur sur les modifications et l’usage du
langage écrit à l’aire d’internet et de la machine
de calcul.
En effet, depuis le développement de
l’ordinateur et encore plus avec l’apparition
d’internet, le texte qui se contentait auparavant
d’investir l’aspect formel de l’œuvre se trouve
à présent dans la structure même celle-ci.
Ce code informatique, par son caractère
spécifique (discret, fragmentaire & modulable,
descriptif d’un système global plutôt que d’une
occurrence particulière), produit une esthétique
particulière.
Au travers des exemples présentés et analysés,
Julie Morel a mis en lumière le langage
codé ; et mis l’accent sur la matérialisation
du langage informatique en parallèle avec
la matérialisation du réseau. Ainsi, des
projets tel que Partition , sans interfaces, Le
Générateur blanc ou Sweet Dream, confronte le
spectateur à une nouvelle forme d’exposition
ou matérialité et immatérialité se croisent et
qui célèbre le plaisir ou la frustration liés au
déchiffrage du réseau et de ces codes.
Artiste travaillant à partir des pratiques
numériques, de la vidéo, du son et du dessin,
Julie Morel interroge la transformation
du langage textuel depuis l’apparition de
l’ordinateur et d’internet. Ses productions,
où le texte acquière une dimension plastique
toujours à la limite de la visibilité/lisibilité,
nous font nous demander si l’on en est au
commencement du mot et de la narration ou à
l’effacement final.
Son travail, alimenté par les relations quotidiennes qu’entretient l’Homme avec la
technologie, déborde largement du contexte
des arts numériques et se développe aussi
sous forme de performances, installations et
collaborations.
http://julie.incident.net
5. transmissions programme 2009-11
Johann Zahn, « pièce d’habitation transformée en chambre noire pour
l’observation du soleil, gravure, in Oculus Artificialis, 1685-1686
martine bubb
18 janvier 2011
Camera obscura
Le phénomène du sténopé, ou petit trou,
est connu depuis l’Antiquité, mais la camera
obscura (chambre noire) ne voit le jour qu’avec
les astronomes arabes qui l’utilisent dès le
Xe siècle pour l’observation des éclipses. Au
XVe siècle, ce dispositif, souvent proposé
comme modèle de l’œil, inspire des artistes
comme Léonard et Della Porta. Descartes et
Locke s’en serviront comme métaphore de la
conscience et de la pensée, mais c’est avec les
peintres hollandais du XVIIe siècle que la camera
obscura devient vraiment un appareil (au sens
technique et au sens de ce qui « apparaît »,
l’esthétique, le poiétique…) même si cette
réalité a été très peu prise en compte. C’est à
ce moment-là qu’elle fait époque, car elle est
à l’origine d’une nouvelle forme de sensibilité
en structurant différemment la pensée et la
pratique. La camera obscura nous permet de
porter un regard nouveau sur l’art occidental,
trop longtemps analysé à partir du seul
appareil perspectif. Qu’en est-il aujourd’hui ?
L’opacité irréductible qui caractérise la camera
obscura peut être rapprochée de celle de la
salle de cinéma, à l’opposé de la perspective
qui fait jouer la transparence. La vision qu’elle
suppose ne continue-t-elle pas de s’exprimer à
36
travers les nombreuses installations d’artistes
utilisant les projections lumineuses et/ou
les boîtes noires : Felten-Massinger, James
Turrell, Bill Viola, A. Morell, G. Osz, Rodney
Graham… parmi les plus représentatifs ? On
note ainsi l’importance de la chambre dans ces
installations qui réactualisent toutes, à leur
manière, une forme de camera obscura.
5. transmissions programme 2009-11
Marion Delage de Luget
25 janvier 2011
Connexion/déconnection : frontières et
autres lignes de fractures dans l’œuvre
de David Lynch. Marion Delage de Luget est professeur en
histoire de l’art et sémiologie, doctorante
en Esthétique à l’Université Paris 8, sous la
direction de Jean-Louis Déotte, elle réalise
depuis 2010 les commissariats du groupe kurtforver. www.kurt-forever.com
Benoît Géhanne
18 janvier 2011
photographie, vidéo numérique et
glissements de medium
Les réalisations de Benoît Géhanne jouent des
formats, des possibilités des appareils, pratiquent des glissements entre médiums, interrogeant les écarts et limites des disciplines.
Ainsi, s’il travaille le dessin, la peinture, la
photographie et la vidéo, c’est en écho critique
aux présupposés et attendus qui y sont habituellement associés dans la doxa. Ses réalisations interrogent les modèles : archétypes de la
production et stéréotypes de la réception. Pour
exemple, son attachement au low-fi en photo
et vidéo, ou encore l’utilisation singulière qu’il
propose du traditionnel passe-partout dans ses
derniers travaux.
L’œuvre de Benoît Géhanne se compose donc
de pratiques relativement diverses. Et c’est
lors de l’accrochage, parce qu’il propose une
mise en espace qui tisse des relations entre
les différents médiums utilisés, que les pièces
s’activent. Aussi parce que, d’une pratique à
l’autre, on retrouve ces figures, ces motifs, qui
prennent sens justement dans la transposition
du trait de crayon à la trame d’impression, à la
surface de couleur…
Principales expositions : FIAC, Jardin des tuileries, La Générale en Manufacture, kurt-forever
au 6b, La Maison des Métallos, Galerie Lendroit,
S.W.A.T. Art (Hambourg), Neu Galerie (Berlin),
Opal Gallery (Atlanta).
Principales projections vidéo : Moca (Washington DC), Le Cube, L’Esag (Grenoble), Vidéoformes, Loop pool (Oberhausen), Strawberry
Super 8 (Cambridge), Filmer la Musique, IFCT
(Philadelphie), Urban Screen 2008 (Melbourne).
37
Il est toujours question, chez Lynch, de
coupure, et aussitôt d’enchaînement. Parce
que le cut, par section, appelle ou suppose
l’adjonction ; aussi parce que tout fragment,
comme le proposent Lacoue-Labarthe et Nancy,
réitère toujours l’indexation d’une totalité :
« (…) le fragment-projet ne vaut pas comme
programme ou prospective, mais comme
projection immédiate de ce que pourtant il
inachève. » Voyons comment s’articulent
ces idées de coupe et – corrélat obligé – de
montage, pour saisir comment l’enchaînement
transversal entre les pratiques s’élabore chez
Lynch, sur le modèle du réseau. Lynch prône
l’intermédialité. Avec cette visée : faire acte de
résistance à la partition disciplinaire, mais en
évoquant d’autres frontières – en moquant les
symptômes de l’unité territoriale. Dans Twin
Peaks, il s’applique à montrer comment les
concepts de dedans et de dehors élaborent des
modèles de relations spatiales qui déterminent
à leur tour des modèles culturels et
symboliques. Ainsi, la picket-fence va parodier
la frontière administrative pour moquer le
principe du tiers exclut, et la traditionnelle
opposition entre le Wild et le Home. Seule
échappatoire aux démarcations normatives :
le shunt, court-circuit, digression – un espace
autre pour paraphraser Foucault et cette belle
idée de l’hétérotopie, hors cadre, hors norme,
lieu possible des déviations, incarnée par la
fameuse Black Lodge.
5. transmissions programme 2009-11
Ronald Rose-Antoinette
25 janvier 2011
Tendances et contre-tendances du
cinéma : Politique des images-milieux
Susanna Muston
8 février 2011
Œuvres et public. Œuvres interactives,
créations communautaires et
expositions ouvertes
Né à Fort-de-France (Martinique) en 1984,
Ronald Rose-Antoinette est aujourd’hui
doctorant en philosophie à l’Université Paris 8.
Susanna Muston est doctorante en
philosophie à l’Université Paris 8. Depuis
2007, elle collabore avec plusieurs
institutions européennes (Centre Pompidou,
Scuderie del Quirinale, Enciclopedia Treccani,
Design Miami/Basel, etc.). Ses recherches
portent sur le concept de montage des
expositions et sur les modalités de réception
des œuvres. Elle collabore aussi avec
l’Università degli Studi di Milano.
En réfléchissant sur la relation qui lie les
œuvres d’art avec leurs spectateurs, elle
propose ici une analyse de trois exemples
illustrant différentes formes d’interaction
œuvre/public. Existe-t-il un espace ouvert
pour celui qui regarde l’œuvre ? Quelle
relation engage-t-il avec celle-ci? Il s’agit de
questionner non seulement la capacité de
jugement du public, mais surtout l’existence
d’un espace de création propre au spectateur.
À travers plusieurs exemples, on repère une
forme de liberté d’action laissée ouverte à
l’interprétation du spectateur.
Trois types de relation œuvre/public sont
présentées: en premier lieu une relation
physique avec l’œuvre dont la conception
veut inviter le spectateur à l’interaction
(rAndom International). En deuxième temps,
on considère l’exemple de certaines œuvres
qui poussent le public à questionner le
concept de collectivité (N.S. Harsha).
Finalement, on analyse l’exemple d’une
exposition dont la structure laisse au public
une liberté inattendue dans l’interprétation
des œuvres exposées (La Force de l’Art 02).
N. S Harsha
Quelque chose fait irruption dans nos
histoires avec sa temporalité propre et crée
une gêne sans précédent dans les systèmes
qui encapsulent nos corps et nos pensées.
Ce faisant, les langues, les gestes hors de
toute signifiance font leur apparition et
nous avons bien du mal à tenir en place sur
les cartographies rationnelles. Il y a fort à
croire que c’est d’avoir supporté ce qui est
tout au mieux insupportable que nous en
sommes, parfois, à conjecturer des plans de
fuite, des plans d’exclusion, tel que nous en
donne l’occasion l’art cinématographique,
las des mises en situation poussées en
arrière-plan de nos révoltes. Avec le cinéma,
ce qui fait problème et devient chose vécue
c’est le bougement, la projection en images
(temps et mouvement) d’un peuple qui ne
tient littéralement plus en place devant
l’irruption de l’hypermachine de sens et d’effet
qui l’expulse de sa corporéité. Esthétique,
très vraisemblablement, mais avant tout
politique agissante, d’extraction (en relais) des
traumatismes, des désirs, des mouvements qui
dynamisent, pas toujours de manière visible,
sonore ou tactile, le surgissement des imagesmilieux. Rien ne laisse croire que techniques
et esthétiques ne participent d’aucune façon
à cette praxis de la politique, à la fois à sa
fabrication et à son dénouement. Il faudra,
par ailleurs, déterminer en quoi ces dernières
président à l’extraction des affects et des
images qui prolifèrent dans des œuvres telles
que Tropical Malady et Caché.
38
5. transmissions programme 2009-11
Valéry Grancher
8 février 2011
Esthétique du Présent
dernières installations vidéo faites à l’issue
de déplacements aux limites de notre monde
(Amazonie et Arctique), l’espace et la durée
du présent ne cesseront d’être questionnés...
Einstein ne disait-il pas du temps, que le futur
et le passé étaient une vue de l’esprit ? que
la seule dimension du temps qui existe est le
présent...
Valéry Grancher est en 1967 à Toulon.
Auteur des fameux Google Paintings, pionnier
de l’art internet dès 1993, sa réflexion sur le
monde contemporain le pousse à nous alerter
au moyen d’actions artistiques sur des thèmes
tels que l’Amazonie et l’Arctique. Depuis 1992,
il s’intéresse aux liens entre l’identité, l’espace
et le temps...
L’avènement du web allait lui amener
l’opportunité de focaliser sur ce triangle.
En effet, le web représente des instants de
24h00 mouvant de secondes en secondes.
Seul le présent de l’interaction avec l’interface
représente une temporalité, il n’y a point
de durée, point de passé ni de futur... Juste
un présent plasmatique sur lequel des liens
sociaux se tissent (forum irc, emails).
Ce présent du web va redéfinir à ses yeux ce
que l’on nomme image, ou encore image temps
ou image espace...
Ces préoccupations deleuziennes vont nourrir
toutes ses productions dans les années qui ont
suivi. L’enjeu était de décliner et de traverser
différents médias afin de construire une
ligne de lecture esthétique tournant autour
des trois sommets du triangle initialement
défini. Ainsi de ses pièces de net art, à ses
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5. transmissions programme 2009-11
Sandrine Amy
15 février 2011
La « rideaulogie » : le rêve de
l’architecture du XXe siècle
Jean-Michel Hequet Vudici
15 février 2011
La camera obscura : technique ou métaphore ?
Sandrine Amy est architecte, doctorante en
philosophie.
De façon inverse à l’architecture que décrivait
Walter Benjamin dans son ouvrage sur Paris,
l’architecture contemporaine s’attache tout
particulièrement à travailler la couche la
plus superficielle des édifices, à savoir la
façade. Pour le paraphraser, on pourrait dire
qu’elle élève l’extérieur « à une puissance
considérable » quand les passages parisiens
du XIXe siècle étaient selon lui des maisons
sans côté extérieur, c’est-à-dire des maisons de
rêve du collectif.
Autodidacte, c’est au contact de l’architecture qu’il a commencé à regarder autrement.
Photographe professionnel, il s’éloigne dès
1994 du métier d’architecte. Spécialisé dans les
représentations, du paysage et de l’urbain, il
développe depuis un projet artistique qui propose une exploration de la perception, de ses
outils et questionne l’idée du souvenir.
Benjamin s’est donné pour tâche de dégager
l’instant du réveil de ce rêve, un renversement
dialectique ou révolutionnaire se faisant
d’autant plus sentir qu’à son époque une sortie
du cauchemar de la première guerre mondiale
s’imposait.
C’est dans l’architecture moderne –
particulièrement chez Le Corbusier – qu’il
pensait avoir trouvé les preuves de ce
renversement mais pour lui, comme pour
les architectes eux-mêmes, ce geste restait
problématique car le prix à payer pour entrer
dans la modernité était une irrémédiable perte ;
les progrès de l’architecture moderne étaient
« proportionnels à la transparence de [son]
contenu social. »1
Plutôt qu’un réveil, elle constituerait donc une
« fausse délivrance » dont la violence aura
masqué un nouveau rêve pourtant déjà en train
de se faire, renvoyant au monde archaïque et
artisanal du tissu, et résonnant avec ce que
Benjamin dé(couvrait) au même moment lors
de ses protocoles sous drogue sous le terme de
« rideaulogie ».2
Plutôt que construire la révolution, les
modernes se seraient donc limités à la préparer
en autorisant tout un jeu sur la façade,
tout un jeu de la façade que les architectes
contemporains ne finissent pas d’explorer.
Walter Benjamin, Paris, Capitale du XIXe siècle, Le livre des
Passages, éditions du Cerf, Paris, 2006, p.482 2
Walter Benjamin, Ecrits français, éditions Gallimard, Paris,
1991, p.492
1
40
Angles d’approches :
Côtoyer la camera obscura aura abouti à un
outillage conceptuel qui articule les trois principes fondateurs de l’image photographique :
Cadrage, inversion et mémorisation du réel.
Cette démarche analytique et phéno-ménologique, qui fragmente pour recomposer les
fondamentaux de la photographie, développe
finalement un univers technico-poétique.
À l’arrivée, des dispositifs didactiques de vision
« basse-technologie ». Ces Machines à voir
combinent les mécanismes de la photographie
et ceux de la « perception ». Ils sont prétextes
à jouer l’aller-retour entre tridimensionnalité
et bidimensionnalité. De ces installations
émergent les questions du paysage et de la
mémoire. La trace photographique en fige les
composantes matérielles ou mentales. Les
représentations qui en découlent traduisent les
différents liens qui s’opèrent entre observateur,
sujet et circonstances. Si une photo est le souvenir d’une situation, que nous restera-t-il de
ce contexte une fois sa trace photographique
entre nos mains ? C’est bien cette médiation
que tente, dans sa durée, d’établir ce travail.
5. transmissions programme 2009-11
Georges Teyssot
8 mars 2011
Les plis de la membrane : Leibniz,
Benjamin, Deleuze »,
Séminaire annuel, Walter Benjamin et la
question de l’espace, MSH Paris-Nord
Pour Leibniz, les monades n’ont pas de
fenêtres, encore que d’aucuns ont contesté
cette assertion. Avec ou sans fenêtre, la
monade est une substance individuelle qui
obéit au principe de l’harmonie universelle.
Pour Walter Benjamin, la monade n’a pas de
fenêtre mais porte en elle une miniature de
l’ensemble. Les monades sont caractérisées
par leur discontinuité, mais chacune d’entre
elle exprime toutes les autres, à l’instar
des Panoramas qui constituent un modèle
réduit de tout l’univers. En définitive, dans
Le Livre des passages, la monade éclairet-elle la structure de l’image dialectique?
Gilles Deleuze remarque que, si la monade
leibnizienne consiste bien en une membrane
plissée, un organe récepteur du monde, il
s’agit aussi d’une substance enveloppante,
d’une peau en quelque sorte. Cette
exploration sur les singularités topologiques
se poursuit en évoquant l’ouvrage de Deleuze
sur Leibniz et le baroque (1988).
Vues d’images anamorphiques, 1647, gravure, in: Jean Dubreuil, La
perspective pratique, 2eme édition, Paris, 1647-51.
Georges Teyssot enseigne à l’Université
Laval, Québec (QC, CA). Parmi les publications
traduites en dix langues, on dénombre 14
volumes, incluant: Interior Landscape (New
York : 1988); Die Krankheit des Domizils.
[…] (Wiesbaden : 1989). Il a dirigé l’ouvrage
collectif, Histoire des Jardins. […] (Paris :
1991, 2002), publié en cinq langues.
Récemment, une anthologie de ses essais
a été publiée en portugais (Lisbonne :
2010). Les recherches de Teyssot portent
sur l’invention de dispositifs spatiaux,
technologiques et numériques à l’origine de
nouvelles conditions de vie dans les sociétés
industrielles, puis informatisées, entre 1830
et 2010.
41
5. transmissions programme 2009-11
Hong-Ki Kim
29 mars 2011
L’espace interstitiel : l’image vidéo
comme intervalle chez Bill Viola
Hong-Ki Kim est doctorant en philosophie,
Paris 8.
Vincent Blary
15 mars 2011
Autour du paysage. Points de
vue et réalités, transcription et
représentation des espaces construits
par l’image
bvmp.blogspot.com
Vincent Blary, plasticien designer, formation
artistique aux Beaux-Arts de Valenciennes et
aux Arts décoratifs de Paris, partage actuellement ses activités entre enseignement en
écoles d’art et pratiques artistiques multimédias. Il vit et travaille entre Paris et Amiens. Les
images qui font « paysage » résultent toujours
des composantes des territoires auxquelles
elles appartiennent. Les circonstances dans
lesquelles elles sont conçues sont dépendantes
du point de vue de l’émetteur qui les commande ou les produit et des publics auxquels
elles sont destinées. Quand il travaille sur ces
notions, Vincent Blary les aborde en y associant un qualificatif. En quoi ce qualificatif va
intervenir dans la manière d’analyser, de documenter, de classifier les éléments, de rendre
lisible les marqueurs qui font « paysage » ? Il
emmagasine un maximum de matière documentaire issue de différents modes de représentation, les confronte et les associe pour leur
donner sens. Chaque projet invite le spectateur
à construire son propre point de vue par rapport
au sujet. Ses productions se matérialisent sous
forme de livres, supports en adéquation pour
mettre en rapport deux notions fondamentales
dans son travail : l’espace et la temporalité.
Bien qu’un livre ait un début et une fin, que sa
pagination organise le rythme de lecture, le
lecteur peut toujours revenir en arrière ou le
parcourir aléatoirement comme il pourrait le
faire in situ en se déplaçant dans l’espace du
paysage représenté. Son travail se présente
également sous forme d’images autonomes,
d’installations ou de scénographies.
42
Pour Bill Viola, l’image vidéo est un « espace
interstitiel » (space between). Viola refuse
de distinguer à priori paysage extérieur
et paysage intérieur. Quand il pratique la
vidéo, Viola n’établit pas de distinction entre
image extérieure et objective d’un côté, et
de l’autre image mentale et subjective. On
peut établir une affinité entre Bill Viola et
Aby Warburg par rapport à la notion d’espace
interstitiel. Warburg définit la particularité
de son iconologie comme une « iconologie de
l’intervalle » (Ikonologie des Zwischenraums).
Une traduction littérale du mot allemand
« Zwischenraum » en français serait « espace
entre », comme le « space between » de
Viola. En émettant l’hypothèse que cette
coïncidence ne soit pas fortuite, nous
définissons la conception de Viola de l’espace
interstitiel à travers l’analyse de la notion
warburguienne d’intervalle.
Pour Warburg, les images en mouvement
survivent dans l’intervalle entre le passé et
le présent. Mais elles ne se présentent que
de façon négative dans Mnémosyne. En effet,
les reproductions photographiques sont des
images déjà « fossilisées ». Elles ne montrent
pas le mouvement lui-même, mais sa trace.
Chez Viola, le support mnémotechnique est
la vidéo. Ce vidéaste essaie de percevoir
l’intervalle entre le passé et le présent en
utilisant la vidéo. Avec la vidéo, on peut
percevoir l’image en mouvement de façon
positive, parce que l’image vidéo possède sa
durée réelle. Warburg et Viola sont tous les
deux des penseurs sur l’image en mouvement.
Mais Warburg la cerne à la façon négative en
utilisant la photographie en tant que support
mnémotechnique, alors que Viola la montre à
la façon positive avec la vidéo.
6. colloque
poétique du numérique 2
UNIVERSITÉ DE NANTES
Colloque
POÉTIQUE
DU NUMÉRIQUE 2
15 avril 2011
UNIVERSITE
DE NANTES
Textes, Langages,
Imaginaires Marges
Modernités Antiquités
Département Information Communication
en collaboration
avec l’Ecole de
beaux-arts de
Nantes et le Gersa
(Groupe d’Etude
et de Recherche
Scénographique en
Architecture) de
l’Ecole d’Architecture de Nantes.
à la suite du colloque 1 dont les actes furent
publiés aux éditions Lentretemps, nous
organiserons Poétique du numérique 2. La thématique suivante sera au cœur de la réflexion :
Les territoires de l’art et le numérique,
quels imaginaires ?
Les nouveaux médias, autour de l’internet,
redistribuent les médiations entre les parties
et le tout et bousculent les frontières de l’art
et ses sites (Cauquelin, 2002). Ces médias forment un champ d’exploration pour les transformations liées à l’avènement d’une écriture
générique dite « multimédia ». La raison
graphique côtoie une raison computationnelle
et engage ainsi toute l’activité symbolique
dans un nouveau cycle, après l’imprimerie et
l’audiovisuel, pour proposer un imaginaire et
de nouveaux contenus. Les réseaux numériques des télécommunications, de leur côté, redistribuent aussi les
relations entre le langage, les corps et les
objets. Des phénomènes de transfert et de
transaction viennent parachever des mutations de l’art qui sont directement reliées
à une industrialisation du symbolique. Un
modèle économique de développement en
devenir interroge aussi, après les industries
culturelles, le statut de l’art et des images des
cultures actuelles.
Les mutations contemporaines n’imposentelles pas une redéfinition des territoires de
l’art ? Cette interrogation recouvre des réalités
bien différentes, empilées et stratifiées, mais
aussi interconnectées : territoire de mémoire,
de patrimoine, à dimensions variables et changeantes mais aussi territoire « vectorialisé »
par les infrastructures de communication.
L’avènement du numérique, avec ses pratiques
de «dématérialisation » et de délocalisation,
met à mal les anciennes frontières ainsi que
les usages établis, au risque d’une perte de
repères. Dans le même temps, les territoires
ne permettent-ils pas un nouveau maillage de
l’espace parcouru, et une manière nouvelle de
parcourir les lieux ? Loin du retour à un « art
social », faut-il condamner pour autant « les
usages sociaux de l’art » (Jeudi, 1999) qui seraient compatibles avec des initiatives locales,
des solidarités nouvelles, des lieux virtuels
de création collective permettant de mettre à
jour et intelligence et une sensibilité (Stiegler,
2005) en réseau constituant un noyau éclaté
de l’urbanité contemporaine ?
43
PROGRAMME
De nouveaux territoires pour l’art ?
• Franck Cormerais : OUVERTURE, A PLUS D’UN
TITRE...
• Pierre Musso, (Paritech, Rennes 2)
IMAGINAIRES ET INNOVATION TECHNOLOGIQUES
Une cartographie déplacée
Président de séance : Franck Cormerais
• Colette Tron, (Alphabetville, Marseille),
ARTS, DISPOSITIFS, TERRITOIRES
• Michel Lavigne, (Toulouse 3 )
IMAGE ET INTERNET : la perspective critique. Création recherche autour de Google Images
• Michel Porchet, (MSH, Paris-Nord)
PARCOURS AUDIO–URBAIN ET RÉALITE AUGMENTÉE
• Jean-Paul Fourmentraux (Lille 3)
ARTS NUMERIQUES ET MÉDIAS PRATICABLES
Une spatialité interrogée
Président de séance : Jean-Paul Fourmentraux
• Lucile Haute, (Université de Saint-Étienne, EnsadLab/EN-ER)
TÉLÉPERFORMANCE : Étude d’un champ artistique
hybride
• Yannick Maignien (CNRS, Paris) :
MOBILITÉ ET POSSIBILITÉ : la carte numérique et le
territoire de la création
• Pawlak Grzegorz (Université d’Amiens)
LE QUOTIDIEN, MATRICE D’UNE POÉTIQUE DE LA
DISSEMINATION
• Laurent Lescop (École d’architecture,Nantes)
LES DONNEES PAYSAGÈRES : RELEVER,
RESTITUER,COMPOSER UN PAYSAGE NUMÉRIQUE
Un imaginaire reformulé
Président de séance : Georges-Albert Kisfaludi
• Martine Bubb pour Plugin, (École des beaux-arts
de Nantes)
MOTHERSHIP UNION. LIEUX ÉCLATÉS ET IMAGINAIRES CONNEXES
• Cellio Paillaird, (ENSAPVS – École Nationale Supérieure Paris-Val de Seine)
IMAGINAIRE DES ARTS NUMÉRIQUES ET IMAGINAIRES DES ŒUVRES
• Marion Zilio (Paris, 8 )
LE VISAGE CONTEMPORAIN, ENJEU DE LA TECHNOGENÈSE ET DES IMAGINAIRES FLUIDES
• Adrien Malcor (artiste et commissaire d’exposition, Paris)
Ulysses : networks prophétiques
(Modèles joyciens pour les psychogéographies
numériques)
• David Morin Ulmann (école de Design Nantes
Atlantique)
Culture territoires, numérique et urbanités
6. colloque
poétique du numérique 2
UNIVERSITÉ DE NANTES
Conférence Martine Bubb
Lieux éclatés et imaginaires connexes
Colloque
POÉTIQUE
DU NUMÉRIQUE 2
15 avril 2011
UNIVERSITE
DE NANTES
Textes, Langages,
Imaginaires Marges
Modernités Antiquités
Département Information Communication
Peut-on dire qu’il existe une poétique ou
un art spécifique induit par le dispositif
numérique ? La question de l’art dans son
rapport au multimédia a été ici abordée à
partir des manifestations Mothership Union
et Retransmissions 4, 2010. En soulignant la
dimension collective du projet, nous avons
montré comment un certain imaginaire,
dépassant la question de la surveillance (les
spectateurs-flâneurs étant géo-localisés)
s’était déployé dans la ville autour de la pièce
maîtresse de Michaël Sellam (à rapprocher des
Immatériaux de Lyotard) et des réalisations
connexes d’artistes et d’étudiants, donnant lieu
à un foisonnement de propositions singulières.
Comment le territoire urbain, réel, organisé,
devient-il, travaillé par l’imagination, un
réseau de lieux disséminés, labyrinthiques,
d’espaces propices à l’expérience sensible ? La
déambulation s’effectue, comme sur internet,
selon une temporalité fluide et continuiste
qui était déjà celle de la camera obscura
puis celle des passages urbains, à l’opposé
de l’instant de la coupe perspectiviste. Les
corps, qui ne sont plus des « sujets face à une
scène », sont emportés dans une expérience
phénoménologique, de déplacement,
nomadisme. Le temps, de même, est apparu
fragmenté, éclaté selon la définition qu’en
donne André Green en psychanalyse. Nous
avons aussi interrogé les notions très
différentes d’appareil et de dispositif, à partir
de la question de la connexion, centrale pour
notre équipe Plug-in (brancher, lier...)
Conférence Michel Porchet
PARCOURS AUDIO–URBAIN ET RÉALITE AUGMENTÉE
Muni d’un terminal utilisé comme récepteur
audio et localisé en temps réel, le spectateur
d’une proposition Sound Delta est invité à explorer une œuvre sonore en se déplaçant dans
un espace physique devenu partition musicale.
Sound Delta s’intéresse aux dimensions
spatiales, architecturales, scénographiques,
sonores et informationnelles qui font intervenir le spectateur dans l’espace de l’œuvre. Les
territoires immatériels ajoutent des couches
d’information et stratifient un territoire hybride
- actuel / virtuel - dont l’interface au réel et à
l’observateur, reste une condition nécessaire
d’existence. L’immatérialité de ces territoires
permet de développer leur adaptabilité, leur
réactivité, leur interactivité, bref, leur relativité
à chaque observateur-acteur.
Alors que la vision, proche ou lointaine, permet
d’anticiper dans une certaine mesure l’exploration d’un espace donné, il n’en va pas de même
du son dont le rapport à la temporalité est
l’instantanéité. Il en résulte que dans une exploration purement sonore d’un environnement
le spectateur est forcément surpris et cela rend
particulièrement sévères les exigences de l’exploration d’un tel environnement. Si l’action du
spectateur influence le déroulement de l’œuvre,
les capacités narratives sont fortement limitées, d’autant que l’œuvre se développant dans
le temps la relecture de la phase précédente
est tout simplement impossible. Il en résulte
qu’une structure narrative doit fortement
s’adosser à l’imaginaire spontané du territoire
donné ou construit (dans le cadre d’une scénographie).
Cette propriété favorise une exploration poétique si le spectateur peut relier spontanément
l’évolution sonore à son action. Dans le cas
contraire, l’expérience est forcément pilotée par
la vision en suivant une carte ou un balisage.
L’espace sonore cesse d’être dominant, il perd
pour une part sa poésie et tourne facilement à
l’illustration.
image : Ghislain His (ENSA),
Retransmissions 4, Nantes,
Quartier de la Madeleine
44
7. expositions
7.1. retransmissions
Retransmissions 4 Octobre
2010 et Croisemetns Numériques Mars 2011 - «Empreinte
conservée» -pièce et © Makiko
Furuichi
La déclinaison pédagogique de Plugin dans le second cycle de l’ESBANM
permet d’associer des étudiants M1-M2
(ponctuellement, des L3) à l’ensemble
de ses actions. Atelier de recherche et
Création (ARC) «Jack Plug» puis Projection
«Retransmissions», ce module pédagogique
permet de confronter les étudiants aux
problématiques du projet de recherche,
avec l’exigence centrale des expositions.
Celles-ci, les Retransmissions, sont relatives
à l’actualité de Plug-in : expositions des
artistes-chercheurs, workshops d’artistes
invités, de partenaires, ateliers de
développement. Après s’être déroulées dans
la galerie de l’ESBANM, les Retransmissions
ont investi d’autres espaces hors école.
L’intention pédagogique est d’inscrire la
pratique de l’étudiant dans un contexte de
réalité, tant au niveau de sa production que
de sa diffusion.
(l’index à l’écran de l’ordinateur, le trajet sur
une cartographie, l’attraction perceptuelle…) ».
10 installations et pièces de 9 étudiants et 3
de PING furent exposées.
L’exposition Retransmissions 2 a réuni en
décembre 2009, à la galerie de l’ESBANM,
« des travaux dont les dimensions sonores
et plastiques proposaient aux visiteurs
des rencontres mystérieuses, collectives
ou individuelles, sur la question du média
et de l’expérience. Approches différentes
et variées, ces propositions portaient sur
la liberté du public, la localisation et la
réalité du temps de l’œuvre, son autonomie
et sa place dans une époque et une société
médiatisées ». Retransmissions 2 a permis
à plusieurs étudiants de tirer profit des
compétences de partenaires : le collectif M.U.
qui avait organisé un workshop de pratiques
et techniques artistiques sur les questions
de la géolocalisation et de la composition
sonore géolocalisée, le collectif PING et
l’artiste-chercheur Michaël Sellam pour des
développements sur le traitement temps
réel de l’image captée. Onze installations et
pièces de dix étudiants furent exposées.
La dénomination Retransmissions est
née de la première exposition réalisée en
mars 2009 à la galerie de l’ESBANM, avec
le collectif d’artistes et d’ingénieurs PING,
à la suite de leur workshop Flux Urbain.2.
Retransmissions 1 jouait sur deux axes
entrecroisés : « d’un côté, la transposition en
interprétations faisant appel à l’imaginaire,
d’une matière factuelle de la ville, de sa vie,
de ses flux (enregistrements audio, relevés
GPS, témoignages visuels et sonores, images
webcam automatiques...) ; de l’autre, la
matérialisation, dans l’espace d’exposition et
de déambulation, de vecteurs d’action dont
l’existence originelle n’est qu’immatérielle
Retransmissions 3 a été conçue hors
les murs de l’école pour être couplée à
l’exposition de Plug-in : Préliminaires
Mothership de Michaël Sellam à la galerie
de l’ESBANM. Les pièces exposées et les
performances, situées dans différents
lieux dont l’ENSAN (école d’architecture) et
l’office de tourisme de Nantes, proposaient
en mai 2010 un parcours dans la ville de
45
7. expositions
7.1. retransmissions
Nantes. Il réunissait des travaux motivés par
l’interprétation du scénario de science-fiction
de Michaël Sellam, base d’inspiration de son
projet Mothership, qui crée une mystérieuse
atmosphère d’imminence : « Quelque
chose s’est passé ici. » Retransmissions 3
interrogeait le statut et la place de
l’œuvre dans un territoire urbain. Quinze
installations, pièces et performances de seize
étudiants furent exposées.
Dans le cadre du 11e congrès d’ELIA, HEARTH
- L’Art au cœur du territoire, l’exposition
Retransmissions 4 a mobilisé, en octobre
2010, à la galerie de l’ESBANM, à la Galerie le
Temple du Goût, dans le tissu urbain, et sur
le parcours entre l’ENSAN et l’ESBANM, des
groupes d’étudiants de ces deux écoles autour
du scénario du projet Mothership. « Cette
contrainte à détourner ou avec laquelle jouer,
a été perçue comme point de départ d’une
réflexion et comme moteur. La plupart des
étudiants ont marqué leurs distances avec ce
scénario en revendiquant avoir poursuivi des
problématiques avant tout personnelles. »
Le concept de contamination sur le territoire
urbain et sur le territoire de l’information, a
été mis en œuvre dans plusieurs actions. Dans
le même temps était exposées, par Plug-in
et Michaël Sellam, Mothership et Mothership
Union avec les artistes invités. Huit installations, pièces et performances de six étudiants
de l’ESBANM furent exposées (+ les pièces des
45 étudiants de l’ENSAN).
L’exposition Croisements Numériques,
organisée par l’Ecole Municipale d’Art de Saint
Nazaire en mars 2011, a permis à 5 étudiants
associés à Plug-in de produire et présenter, à
la galerie des Franciscains, 5 pièces développées dans le contexte de Retransmissions.
Ils s’y sont confrontés à la complexité de
la scénographie d’exposition multimedia.
Opportunité d’exposition pour les étudiants de
l’ESBANM depuis plusieurs années, « Croisements Numériques porte un éclairage sur
les pratiques artistiques et culturelles du
numérique en région. Rassemblant amateurs
et professionnels, la 6e édition a conjugué
expositions, rencontres, ateliers et une série
de rendez-vous privilégiés avec le public. »
46
Retransmissions 5 fut construite en avril
2011 à la Galerie le Temple du Goût comme
une exposition / atelier ouvert, que les étudiants ont dû s›approprier après une première
phase sous forme d›un workshop avec les
artistes Benoît Géhanne et Vincent Busson du
collectif Kurt Forever. « Les travaux expérimentaux et les pièces exposés ont questionné
les processus de transposition et de basculement d›un médium à l’autre. » Ce travail a
interrogé plusieurs concepts de la représentation plastique, en particulier ceux de l’art
du numérique et de l’immatériel. En évolution
pendant sa durée, Retransmissions 5 a permis
d’exposer 5 installations et performances de 3
étudiants, et 6 pièces des 2 artistes.
Retransmissions 6 exposera fin juin 2011
à la galerie le 6B à Saint-Denis (près de
Paris), les productions des 4 étudiants de
la Projection Retransmissions et celles de
Benoît Géhanne et Vincent Busson du collectif
Kurt Forever, sur la thématique Transposer :
« intervertir, traduire, adapter, arranger,
interpréter, renverser… Selon le principe de la
synesthésie, une connexion s’établit entre des
dimensions hétérogènes. Dans Transposer, la
racine Trans- marque l’idée d’un changement,
d’un passage, mais aussi d’un franchissement
des limites ou des frontières communément
admises. Quelque chose est à comprendre audelà ou à travers ce qui pourrait constituer un
champ clos ou une “discipline” : musique, arts
plastiques… »
7. expositions
7.1. retransmissions
Retransmissions 5,
avril 2011
pièce et photo Benoît Géhanne
Retransmissions 2 décembre
2009 - OLIVIER GARRAUD •
Borne d’arcade
Retransmissions 3,
mai 2010
Qing He, La Variation
Retransmissions 2,
décembre 2009
Amandine Ronzier, Touchemoi !
47
7. expositions
7.1. retransmissions
Retransmissions 2,
décembre 2009
Valeria Petrini, Crime Scene
Croisements Numériques,
mars 2011
Nathan Sobreira Martins,
Direction Sons
© Martine Bubb
Retransmissions 5,
avril 2011
Nelson Chouissa
© Benoît Géhanne
Travaux d'étudiants
d'architecture de Nantes,
vue de l’exposition à la
galerie des beaux-arts
pour Retransmissions 4,
2010. Photo Ghislain His
Retransmissions 5,
avril 2011
Nelson Chouissa
© Benoît Géhanne
48
8. partenaires plug in
Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord
Installée à Saint-Denis depuis 2001, la Maison
des Sciences de l’Homme Paris Nord est une
structure d’accueil, d’impulsion, de promotion
et de diffusion de la recherche en sciences
humaines et sociales. Elle a pour ambition
d’occuper une position de premier plan, au sein
de la communauté scientifique internationale,
sur les axes suivants : « Industries de la culture
& arts », « Santé & société », « Mondialisation,
régulation, innovation », « Penser la ville
contemporaine ». Elle est une Unité mixte
de service et de recherche du CNRS et des
universités Paris 8 et Paris 13.
La Maison des Sciences de l’Homme Paris
Nord contribue a u développement de la
recherche sur ses axes sur le territoire de
Plaine Commune en Seine-Saint-Denis,
dans le reste de l’Île-de-France et à l’échelle
nationale et internationale.
Axe 1 : Industries de la culture et arts.
Responsable : Pierre Mœglin, professeur
en Sciences de l’Information et de la
Communication à l’université Paris 13.
La confrontation des industries culturelles
et des arts articule deux réalités : les
industries culturelles ont besoin des arts et
font commerce de leur production ; Les arts
trouvent des débouchés dans les circuits
industrialisés de la production et de la
diffusion culturelle, tout en restant régis par
des critères qui ne sont pas ceux des industries
et marchés de la culture. La MSH Paris Nord
ouvre aux équipes de recherche de Paris 8,
Paris 13, d’autres universités et du CNRS la
possibilité de conjuguer leurs compétences au
croisement de ces deux secteurs.
Thèmes de recherche : Environnements
virtuels et création / lndustries de la
langue / Socio-économie de la culture et
de la communication / Esthétiques, arts et
industries / Création, pratiques, public /
Anthropologie de la communication
Thème n° 4 : App@reils, esthétique, arts et
industries Responsable : Jean-Louis Déotte,
professeur des Universités, département de
philosophie, Paris 8 Saint Denis 49
COLLECTIF MU
Fondée par une équipe issue du Fresnoy
(Tourcoing-F), MU est une structure de
production artistique indépendante.
Installations ou performances, les créations
de MU opèrent une série de glissements dans
le réel par la diffusion de sons, la projection
d’images, la traversée d’un paysage ou
d’une scénographie… Les territoires investis
deviennent espaces expérimentaux propices à
l’invention de scénarios : dans ces dispositifs,
chacun reste libre de choisir son point de vue
pour créer son propre parcours.
Les installations sonores de MU dans l’espace
urbain lui valent une certaine reconnaissance
à Paris (Nuit Blanche 2005 et 2006, Centre
Pompidou et Festival Sous la Plage 2006,
Palais de Tokyo et Maison de la Radio 2007)
mais aussi à l’étranger (Biennale MIVAEM Montréal 2006, Sibiu et Luxembourg Capitales
Européennes de la Culture 2007). En 2007,
le festival “Filmer La Musique” transforme
les espaces de Point Éphémère. En 2008, MU
invente une résidence européenne itinérante
sur le Rhin et le Danube qui rassemble plus
d’une quarantaine d’artistes internationaux
(www.sound-delta.eu).
Michel Porchet
De 1985 à 1995, Michel Porchet est professeur
au Département de mécanique de l’école
polytechnique fédérale de Lausanne et directeur du Laboratoire de Conception Assistée par
Ordinateur.
De 1998 à 2002, il est coordinateur pédagogique au Fresnoy, école post graduée, plus
spécialement orienté vers l’utilisation par les
artistes des nouvelles technologies de l’image
et du son.
Depuis 2002, il participe aux travaux du
programme “Arts, Appareils, Diffusion” de la
Maison des Sciences de l’Homme de Paris-Nord.
De 2004 à 2007, il est coordonnateur du thème
Esthétiques, Arts, Industriesde la MSH Paris
Nord.
Depuis 2003, il dirige le travail de recherche et
développement conduit par le Collectif MU. et
est directeur scientifique de la société ReMu,
une start up orientée vers le développement de
dispositifs numériques avancés au service de la
production de contenus artistiques et culturels.
8. partenaires plug in
École d’architecture de NANTES
Située sur l’île de Nantes, au cœur du futur
quartier de la création à vocation européenne,
l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de
Nantes bénéficie de la dynamique culturelle,
économique et universitaire de son territoire
régional et métropolitain d’implantation. L’ensa
Nantes dispense une formation conduisant
au diplôme d’état d’architecte et forme des
architectes généralistes capables de maîtriser
la conception architecturale et urbaine dans
tous les aspects conceptuels, esthétiques et
constructifs. Centrée sur le projet, la formation
vise l’acquisition de savoir faire professionnels
et le développement de l’autonomie de
pensée. Participent à cette autonomie et à la
construction personnelle de l’étudiant, quatre
grands champs, autres que l’architecture
proprement dite :
• Sciences et techniques pour l’architecture (STA)
• Histoire et culture architecturale (HCA)
• Arts et techniques de représentation (ATR)
• Sciences humaines et sociales (SHS)
L’ensa Nantes a engagé des collaborations
avec l’ESBA de Nantes Métropole dans le cadre
de l’unité d’enseignement de projet ‘’Habiter
le rythme’’ -architectes Ghislain His- Sylvain
Gasté et des enseignements (ATR) dispensés
par les plasticiens du pôle Image - Daniel
Grimaud & Pierre Faucher. Des intervenants y
sont associés tel que, Jean Lévèque, philosophe
et Mr Mouch, architecte et conteur.
L’approche épistémologique spécifique de
nos deux écoles concourt à la nécessité de
comparer nos expériences et nos hypothèses
respectives. La démarche se caractérise
par l’association, dans un même projet de
recherche, de la culture architecturale et la
culture de l’art, avec pour objectif d’imaginer
les futurs métiers de la création.
Pierre Faucher, Maître assistant à l’ensa
Nantes, artiste plasticien, diplômé de l’ENSBA
de Paris, ancien pensionnaire de l’académie
(Villa Médicis) de France à Rome.
Daniel Grimaud, MA 1e cl - ensa Nantes Plasticien, Diplôme de Dessin et d’Arts
Plastiques, Paris, 1973.
Ghislain His, architecte DPLG, professeur à
l’ensap Lille depuis octobre 2010, chercheur au
LACTH (labo de recherche de l’ensapl), docteur
en histoire de l’art (Sorbonne)
50
université de NANTES
Par sa taille et ses réalisations, l’Université de
Nantes est l’établissement moteur du PRES
UNAM (Université Nantes Angers Le Mans)
qui regroupe, autour des trois universités
publiques de la région des Pays de la Loire et
de l’école centrale de Nantes, les deux centres
hospitaliers universitaires, des centres de
recherche et des écoles.
Elle se développe dans un territoire attractif
ayant une expansion économique et
démographique forte et continue depuis deux
décennies.
L’objectif de l’université de Nantes est
d’accroître sa visibilité et son attractivité
internationales et de générer des synergies
entre chercheurs de différentes disciplines pour
valoriser son caractère pluridisciplinaire. Elle
développe ses activités de recherche selon 3
grands domaines disciplinaires (DS) : « Biologie,
Recherche médicale et Applications » (DS1),
« Sciences et Technologies » (DS2) et « Lettres,
Langues, Sciences humaines et sociales » (DS3).
Ses ambitions pour la recherche :
Créer de nouvelles connaissances
Promouvoir des recherches d’excellence
Développer le territoire et créer des richesses
Former les étudiants aux métiers de chercheur
Développer des formations recherche,
professionnalisantes, en s’appuyant sur les
connaissances produites des laboratoires
Développer la culture scientifique et technique
Participer aux réflexions des décideurs en
apportant des expertises
- En lien avec l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts
de Nantes Métropole :
Franck Cormerais, CERCI, Département
Information, Communication (DS3). Docteur en
philosophie et en sciences de l’information et
de la communication, maître de conférences,
membre du labo TLI-MMA (EA.1164), membre
Ars Industrialis : Laboratoire Textes Langages
Imaginaires Marges Modernités Antiquités.
Président de séance des colloques « Poétique
du Numérique 1 et 2 »
9. biographies plug in
PLUG IN DIRECTION DE RECHERCHE
plug in directION de recherche
plug in directION de recherche
VÉRONIQUE VERSTRAETE
Née en Bourgogne en 1961.
Vit et travaille à Paris.
georges-albert kisfaludi
Né à Nancy en 1961.
Vit et travaille à Paris, enseigne à
Nantes.
Philippe-André BÉNA
né à Vannes en 1956.
Vit et enseigne à Nantes.
S’interrogeant sur la technologie
et ses implications, il conçoit les
programmes et réalise l’électronique
permettant d’élargir l’action du multimédia dans le champ artistique au
sein de l’ESBANM. Il intègre le projet
de recherche Plug-In en 2008 et y
développe des applications interactives en relation avec les artistes
chercheurs ou invités, les partenaires
et les étudiants associés.
Il crée le site VISUALexperiment.com
en 2000 qui, entre autres, offre des
sources de programmation utilisables pour interfacer l’ordinateur et
l’espace. En 1992, création de l’Atelier Electronique au sein de l’Atelier de Recherche Numérique. Concevant des
émetteurs portables V.H.F et U.H.F
de fortes puissances, l’émission de
documents vidéo dans la ville sera
l’un des champs d’expérimentations
qui abordera la notion de géographie
de l’œuvre. Réalisant parallèlement
les premiers reportages vidéos et
émissions diffusés sur le câble à
Nantes, il permettra de montrer des
œuvres expérimentales et d’observer
par la multiplication des réseaux
de diffusion, la confrontation et la
conjugaison des strates culturelles
constituant les différents territoires
de la citée. Travaille aussi sur des
systèmes robotiques pilotés par
ordinateur, permettant de visiter des
lieux d’exposition distant. Il réalise
de nombreux travaux d’animations
électroniques pour des musées et
dés 1985, des films d’animation
par ordinateur. Il intervient régulièrement pour différentes sociétés
audio-visuelles et informatiques,
plus particulièrement sur Nantes.
Intéressé par divers moyens de
représentation, il dépose en 1984 un
brevet pour un modèle de Polaroïd
SX70 Relief basé sur le principe de
l’anaglyphe.
Après ses études des Beaux-Arts à
Nantes et un D.N.S.E.P. en 1978, il
poursuit une formation de concepteur
réalisateur Audio-visuel à CINETIS.
Sa première exposition personnelle en 1979 se tient à la galerie
Arlogos sous le titre “espaces numériques”.
Elle enseigne à l’école des beaux-arts
de Nantes et codirige la recherche
sur les abstractions, de 2005 à 2009,
puis à Plug In de 2009 à 2011. Après
des études à l’école nationale des
beaux-arts de Dijon, elle est sélectionnée pour participer à l’Institut
des hautes études en arts plastiques,
créé par Pontus-Hulten, elle rejoint
la galerie Claire Burrus à Paris, puis
la galerie Georges Verney-Carron à
Villeurbanne et à présent à Lyon. Son
travail de sculpture et de recherche
envisage l’œuvre d’art dans ses
diverses potentialités et acceptions,
voire dans certaines fonctionnalités, et s’établit dans une constante
relation à l’espace du regardeur.
Sa production interroge l’image, la
peinture, l’installation, mais aussi le
design ou la scénographie.
Les réalisations de cette artiste
singulière prennent fortement en
compte et viennent reformuler le
contexte dans lequel chacun des projets s’inscrit – contexte architectural,
social, humain, économique ou historique – et qui fait intrinsèquement
partie de l’œuvre. Des relations qui
ne sont plus seulement le mode habituel de la contemplation s’instaurent
entre l’œuvre et le public.
Lorsqu’elle convie des artistes
d’autres disciplines à travailler avec
elle, sa démarche vient instancier et
configurer une recherche entre les
techniques propres aux enjeux, aux
pratiques, aux significations de ces
deux différents domaines qui ont
parfois tendance à s’exclure ou qui se
côtoient sans se
fréquenter vraiment.
www.veroniqueverstraete.com
Chercheur-concepteur en ingénierie
multimédia et imagerie virtuelle, il
participe à la conception et réalisation de spectacles, expositions et
installations à vocation interactive,
muséographique, scénographique et
de communication. Ses recherches
sont tournées vers l’art en réseau
et la question des fantasmagories :
Des-illusions, Paris-Mons, 2010-04 ;
Étreintes, ESBANM/ENSAN, 200906 ; L’Émoi des images, Nancy, 2007 ;
Camera Virtuosa, Zentrum fur Kunst
und Medien Karlsruhe, 1993, etc.
Enseignant aux beaux-arts de Nantes
depuis 1991, il initie en 2008 le
projet de recherche Plug-in (SoundDelta) en convention avec la M.S.H.
(C.N.R.S./Université Paris Nord) et le
collectif M.U. (Métaphores Urbaines),
et coordonne depuis 2006 un master
multimédia en partenariat avec
l’ESTHUA (Université d’Angers).
Conférencier et consultant en
nouvelles technologies, il participe
à plusieurs études et chantiers
théoriques : à Nantes, les colloques
Création artistique en réseau – JRES ;
2009 ; Territoires, Design et Développement, 2007-08 et Culture Interactive, 2005. Il a été chargé de mission
auprès de l’Inspection générale pour
l’audiovisuel, la création technologique et la recherche à la Délégation
aux arts plastiques du Ministère de
la Culture.
De formation scientifique (études
supérieures d’optique physique et
physiologique, Institut Fresnel, Paris,
1981), il intègre en 1988 un DESU/
DEA « Image nouvelle, média et architecture de la communication » (Universités Paris 13 / Paris 2) et poursuit
depuis une action d’expertise, de
transmission de savoir, d’ingénierie,
d’expérimentation et de développement de productions : au Fresnoy, à
l’école nationale d’arts de Cergy, aux
Arts Décoratifs, à l’Université Paris 2,
au CNAM Paris…
51
9. biographies plug in
plug in théoricienne chercheuse
PLUG IN artiste chercheuR 2010
PLUG IN artiste invité 2010
Martine Bubb
Née à Lyon en 1976.
Vit et travaille à Saint-Étienne, Lyon,
Paris, Nantes.
Michaël Sellam
Né à Paris en 1975.
Vit et travaille à Paris.
Matthieu Crimersmois
Né à Paris en 1983. Vit et travaille à
Paris et Berlin.
Le travail de Michaël Sellam multiplie
les références au monde des loisirs
populaires avec un intérêt particulier
pour les pratiques amateurs et les
formes de sous- et contre-culture.
Appartenant à une génération qui a
intégré l’utilisation de l’informatique
et des nouvelles technologies, il
s’appuie sur ces instruments techniques en les mixant aux pratiques
populaires pour produire des rencontres monstrueuses et distordues.
Ancrés dans une pratique régulière
de la musique, de l’improvisation
à l’électronique en passant par la
noise, ses projets appliquent aux
objets et événements qu’il met en
scène des processus d’amplifications,
de variations et de modulations.
Associant la recherche musicale à
ses projets artistiques, il interroge,
à travers une démarche complexe et
variée, des formes qui se déploient
de l’installation à la vidéo, de la
sculpture à la performance, et produit un univers à la fois spectaculaire
et agressif dont la dimension sonore
est particulièrement importante. La
tonalité primitive et brutale de ses
projets contient une forme de violence sourde et gratuite proche de la
science-fiction post-apocalyptique.
Son travail explore un échange continu entre art et musique et consiste à
produire sérieusement quelque chose
qui ne l’est pas.
Artiste-chercheur du groupe Plug
In, il réalise en 2010 à l’occasion
de Hearth, 11e congrès d’ELIA, une
œuvre collaborative Mothership
Union, à l’école d’architecture de
Nantes, avec la participation du
collectif MU et de François-Eudes
Chanfrault, Tony Chauvin, Mathieu
Crimersmois, Magali Desbazeille &
Siegfried Canto, Peter Gena & Steve
Waldeck, Jean Herpin.
Diplômé des Beaux-Arts de Nantes
en 2009 (DNSEP), « plasticien et
platiniste, Matthieu Crimersmois
s’inscrit dans un rapport plastique au
son. Son évoqué, son modifié ou créé,
il choisit le disque vinyle comme base
de ses explorations. Il considère les
reliefs, la plasticité, les propriétés
physiques des matériaux.
Il utilise souvent le thermoformage
pour traduire la peau vinylique en
écaille protégeant le vide laissé par
un corps absent. Le disque vinyle
modelé se rapproche ainsi d’une
caisse de résonance accomplissant
une mise en abyme simple par le
retour fantasmé vers ce qui a pu
déterminer son contenu intangible. »
Sandra Černjul. Dj scratcheur à la base, il se sert de
l’esprit expérimental (turntablist) de
cette pratique, afin d’accéder à des
méthodes de travail singulières et
personnelles. Suivant ses projets, il
utilise différents médiums tels que
la performance, la programmation
informatique, la vidéo, la sculpture
et le multimédia pour la plupart de
ses pièces. Son travail concrétise
des concepts cherchant à créer des
liens entre le son, l’image, le corps,
le mouvement, le médium/message
et l’architecture de façon directe et
indirecte. Il participe à de nombreuses expositions collectives (Scopitone, Neu/
Now, Zoo Galerie, Galerie RDV...), et
a été lauréat du prix ICART en 2011. Il est aussi membre fondateur de
l’association Rhézome, rassemblant
cinq autres artistes dont le but est
de travailler collectivement sur des
expositions d’art contemporain. L’association invite d’autres artistes et
recherche des lieux pouvant accueillir
des projets souvent in situ. À ce jour, Matthieu a ses ateliers au
cœur de Berlin avec d’autres artistes,
tissant aussi des liens avec Paris.
Diplômée des Beaux-Arts de SaintEtienne en 2000 (DNSEP), Martine
Bubb développe un travail plastique
autour de la camera obscura et de la
perspective, qui s’appuie sur sa pratique de la photographie argentique
et sur des questions liées à l’architecture. Dispositifs de voyance ou
d’aveuglement, les chambres noires
qu’elle conçoit se transforment en
chambres claires, d’observation et de
méditation, mais aussi en chambres
spectrales, d’attente et de désir :
renversements, éclipses, ombres
blanches… interrogent les limites du
visible. Elle réalise des installations,
dessins et sténopés qu’elle présente
dans plusieurs expositions collectives ou personnelles (Lyon, Paris,
Brest, Karlsruhe, Liverpool, Séoul…)
tout en menant un travail universitaire : allocataire de recherchemonitrice formée au CIES Sorbonne
et ATER à Paris 8, elle participe à
de nombreux colloques, journées
d’études, publications… et obtient
un doctorat de philosophie en 2008
pour sa thèse intitulée La camera
obscura. Philosophie d’un appareil,
parue chez L’Harmattan.
Aujourd’hui artiste-chercheur
(théoricienne invitée) à l’école des
beaux-arts de Nantes, membre de
l’équipe Plug-in autour d’un projet
de recherche portant sur la création contemporaine multi-supports
(numérique, photo, son, vidéo, cinéma…), elle élabore le programme du
séminaire 2011 et propose des textes
théoriques et critiques autour de
diverses manifestations artistiques,
à partir de ses rencontres avec les artistes, architectes ou spécialistes du
multimédia. Également chercheuse à
la Maison des Sciences de l’Homme
Paris-Nord, unité CNRS centrée sur le
rapport philosophie, arts et appareils, elle est chargée de faire le lien
entre les problématiques soulevées à
Nantes et celles de la MSH.
www.michaelsellam.com
crimersmois.blogspot.com
52
9. biographies plug in
PLUG IN artiste invité 2010
PLUG IN artiste invité 2010
PLUG IN artiste invité 2010
Peter Gena
Peter Gena est titulaire d’un doctorat
en composition musicale de l’Université de Buffalo, Etat de New York,
où il a étudié avec Morton Feldman,
Lejaren Hiller et William Kothe. Ses
compositions, qui intègrent divers
médias incluant l’instrumental,
l’électronique et les ordinateurs,
ont été présentées en Amérique du
Nord et du Sud, en Europe, Asie et
Australie. On peut citer, parmi ses
performances / installations les plus
récentes, celles qui furent proposées
pour The Art Students League of New
York, Computing Music IV, Cologne,
2006, The Pandemic Night / La Notte
Bianca, Milan, 2006, le Festival
d’Automne de Paris, 2004, le Musée
d’Art de Berkeley, 2003, Mini to the
Max, Brisbane Powerhouse, Australie,
l’Université de Salamanque, Espagne,
2002, Arte al Centro, Cittadellarte/
Fondazione Pistoletto, Biella, 2001,
The National Gallery of China,
Beijing, 2001, Ars Electronica, Linz,
1999…
Au cours de plus de trente années
passées à Chicago, Peter Gena a
produit et dirigé de nombreux événements musicaux et multimédia,
tels NEMO’96, New Music America’82, Chicago, 1978 International
Conputer Music Conference, Northwestern University. Il fut directeur
du programme des manifestations
pour le 1997 International Symposium of Electronic Arts, Chicago, et
directeur artistique du New European
Music Overseas Festival, 19951996. Egalement pianiste, il a donné
de nombreuses conférences, fut
rédacteur à Formations, une revue
de critique littéraire et artistique,
et a obtenu de nombreux prix ou
récompenses (Fondation Nationale
pour les Arts, Meet the Composer,
Arts Midwest…) Depuis 1983, il est
Professeur à la School of the Art
Institute of Chicago, où il enseigne la
musique électronique et assistée par
ordinateur, l’histoire de la musique,
la programmation informatique…
Magali Desbazeille
Née à Douai, elle découvre la peinture à 3 ans, en 1974 ; gagne son
premier prix de dessin à 8 ans, remis
à l’Hôtel de Ville de Paris par Bernadette Chirac ; étudie aux Beaux-Arts
à Paris, au Hunter College à New
York, au Fresnoy à Tourcoing, mais
pas à Berlin ; rencontre Siegfried
Canto, en 1999, sur Internet via le
forum de l’Ircam, plante le système
avec un document joint trop lourd,
au moins 62 k ; collabore depuis
régulièrement avec lui ; collabore
avec Meg Stuart, mais pas avec Paul
Bocuse ; ses installations, performances, spectacles sont depuis
diffusés en France, en Belgique, en
Autriche, aux Pays-Bas, au Canada… ;
au Lille Métropole Museum, à Ars
Numérica-l’Allan-scène nationale de
Monbéliard, au CECN de Mons en Belgique, à la Ferme du Buisson-scène
nationale de Marne la Vallée, au
Centre Georges-Pompidou, au centre
des arts d’Enghein les Bains, au Z33,
à la Maison européenne de la photographie, à la galerie Schirman & de
Beaucé, à la galerie de l’U..………………
…………………………………………………………
presque jamais dans le Sud ; devrait
lire Les Mots et les Choses de Foucault, c’est prévu ; mais relit 3 279
fois le même livre, le soir, pour ses
fils, à Boulogne-Billancourt où elle
vit et travaille ; croise documentaire
et fiction, arts visuels et arts vivants,
nouvelles technologies et bricolage,
images et matières ; questionne les
grilles de lecture du monde de l’art
contemporain, de l’art numérique, du
théâtre ou de la danse ; se demande
en quoi l’invention de l’imprimerie
ou du téléphone portable a modifié
la langue écrite, si ceux qui décrient
l’ingéniosité des SMS ne sont pas
comme Socrate qui décriait l’invention de l’écriture, et, aimerait savoir :
et qu’est-ce que les technologies
font aux langages ?
Tony Chauvin
Diplômé de l’école des Beaux-arts de
Nantes et co-fondateur du groupe
Chevreuil en 1998, Tony Chauvin
pousse ses expérimentations
sonores avec la création du
projet Percevalmusic en 2005. Tony Chauvin a commencé son
activité artistique par la peinture,
à forte connotation médiévale,
monumentales, des retables en bois,
icônes sculptées, peints à l’huile. Ce travail, étroitement lié à l’art
religieux, abordait cependant des
thématiques contemporaines où
le modèle vivant avait une grande
importance.
Par la suite il utilise d’autres médiums
en mettant au centre de son processus
créatif la composition musicale.
Cette dernière est incorporée
dans la conception de dispositifs
conçus comme des instruments
monumentaux, entre installation,
concert et performance.
Fondés très souvent autour d’une
guitare quadriphonique épaulée par
des samplers actionnés en temps
réels, ces dispositifs lui permettent de
télescoper les pratiques artistiques et
codes musicaux. L’informatique, l’électronique,
l’acoustique peuvent alors fusionner
pour devenir un instrument autant
sculptural que dispositif d’où peut
découler des jeux d’instrumentistes
particuliers, gymnastique musicale, où
se mêlent les images du guitariste, du
claviériste, de l’informaticien ou encore
du chef d’orchestre. Ses envies picturales et plastiques
issues de sa formation initiale, sont
évoquées à travers un certain rapport
au «sacré», tel un simulacre de
musique d’époque qui serait émaillée
de codes plus contemporains, reliés à
la musique électronique, au rock et à la
peinture. Il façonnera plusieurs albums, des
musiques de spectacle vivant ainsi
que des installations plastiques où
toujours la dimension performance et
musique jouée en direct sur un objet
instrumental particulier sera mise au
centre du processus.
53
9. biographies plug in
PLUG IN artiste invité 2010
PLUG IN artiste invité 2010
François-Eudes Chanfrault
Compositeur, instrumentiste et
artiste sonore né en 1974. Véritable
« ciseleur de sons », François-Eudes
Chanfrault s’émancipe d’une solide
formation classique pour se tourner
vers la musique électronique et ses
champs d’expérimentation.
Jean Herpin
Né en 1980 à Vendôme.
Vit et travaille à Nantes.
Jean Herpin base souvent ses projets
sur des éléments historiques, histoires ou faits divers dont il extrait
des formes afin de questionner notre
rapport au monde et à sa déréalisation. Ses installations font appel au
son, à la vidéo, à la photographie ou
encore à des dispositifs technologiques complexes afin de proposer un
mode de réflexion sur notre époque
et son histoire. L’obsolescence des
technologies, le statut des images,
ou l’ hyperréalité sont autant de terrains de recherche pour son travail.
Ses œuvres suscitent simultanément
l’interrogation et la réflexion, catalysés par l’humour et l’ironie. Souvent
faussement ludiques parfois volontairement déceptifs, les dispositifs
qu’il conçoit interpellent notre désir
de spectacle et questionnent notre
place au sein de l’œuvre.
Parallèlement il poursuit (en collaboration avec Antonin Faurel) la réalisation du projet photographique « something like usa », lequel est conçu
autour du road trip et se donne pour
but de collecter photographiquement
les signes et/ou traces d’une certaine
vision «populaire» des États-Unis sur
le territoire français.
Il collabore avec de nombreux
artistes dans le cadre d’installations sonores (Sound Delta, avec le
collectif MU, Infraespace et Waves
avec l’architecte Laurent Karst et
le chercheur Jean-Marc Chomaz), ou
récemment avec le plasticien Sylvain
Rousseau, le musicien et poète Pierre
Gambini, ou le chanteur culte JeanFrançois Cœn.
Compositeur remarqué pour ses
nombreuses bandes originales qui
traduisent une intégrité artistique
têtue, ses résonances, toujours subtiles, se déclinent dans des paysages
sonores propices à l’introspection.
Il signe, entre autres, les musiques
de Haute Tension de Alexandre Aja,
A l’Intérieur de Bustillo et Maury, Au
Delà De La Haine de Olivier Meyrou
ou encore Vinyan de Fabrice Du Welz,
et publie celle de Donkey Punch de
Olly Blackburn sur l’exigent label
Warp.
Discographie : Computer Assisted Sunset (mk2
music 2005), Inside (Asphalt Duchess 2008),
Donkey Punch (Warp 2008), The Embassy State 08 (Asphalt
Web : http://somethinglikeusa.free.fr/
expositions :
2011 - Festival Mars Multimédia Galerie des
Franciscains, Saint-Nazaire
2009 - « We are them » - Galerie Dylan Mc Neil,
Paris
2006 - «white noise bright future» Galerie ETC
- Montpellier
2004 - 2008 - Création et travail au sein du
collectif Das Revö und Pixel autour des notions
d’images documentaires et de la recomposition
de vidéo (image/son).
Représentations au festival Ram-Dam (Nantes),
au Lieu Unique(Nantes) et
au Cinématographe (Nantes), Jardin Moderne
(Rennes)...
2004 - Participation au festival art/vidéo Rencontres Parallèles
Centre d’art Contemporain W.H.A.R.F à Caen.
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