Synthèse - Texte 13, « j`ai tant rêvé de toi », Robert Desnos

Transcription

Synthèse - Texte 13, « j`ai tant rêvé de toi », Robert Desnos
Eléments pour l’introduction
Les éléments d’introductions et de première partie sont largement inspirés du corrigé de ma collègue:
http://lewebpedagogique.com/asphodele/2012/12/19/robert-desnos-jai-tant-reve-de-toi-explication/
Critiquant la toute-puissance de la raison, les surréalistes se sont plongés avec élan dans l’exploration
des rêves. La revue qu’ils publient à partir de 1924, La révolution surréaliste, laisse une large place aux
récits de rêve. Robert Desnos, lui-même, avait acquis au sein du groupe la réputation d’une grande
réceptivité aux états de demi-sommeil, ou de rêves hypnotiques et était considéré par ses amis
comme une sorte de voyant ou de médium. André Breton n’hésita pas à écrire , dans le premier
Manifeste du Surréalisme (1924): « Aujourd’hui Desnos parle surréaliste à volonté. La prodigieuse
agilité qu’il met à suivre oralement sa pensée nous vaut autant qu’il nous plaît de discours splendides
et qui se perdent, Desnos ayant mieux à faire qu’à les fixer. Il lit en lui à livre ouvert et ne fait rien
pour retenir les feuillets qui s’envolent au vent de sa vie ». C’est au cours de années 1926 qu’il
compose les poèmes dédiés « A la mystérieuse », dont fait partie le texte « J’ai tant rêve de toi ».
Ce poème s’adresse à la femme aimée: le poète exprime la difficulté à confronter son rêve lyrique à la
réalité. Le rêve amoureux semble prendre le dessus et rendre impossible la rencontre véritable et
réelle avec la femme.
Comment s’exprime ici la folie amoureuse ou l’amour fou?
– Par le lyrisme amoureux
Le lyrisme amoureux…
On retrouve dans ce texte le rêve associé à l’amour: le rêve est avant tout expression lyrique du
sentiment amoureux. On retrouve ici l’emploi constant de la première personne: « J’ai tant
rêvé » (x4), « je deviendrais », « je m’éveille », « je dors », « je pourrais », « qui m’est chère », « ce
qui me hante et me gouverne », « il ne me reste plus », « pour moi », « mes bras », « ma poitrine ».
Cet emploi de la première personne est associée à un lexique amoureux: l’anaphore qui donne son
titre au texte « J’ai tant rêvé de toi » suggère que la jeune femme est objet de désir, l’intensif « tant »,
appuyant cette idée.
Cet amour s’exprime également dans d’autres expressions: « la voix qui m’est chère », « ce qui me
hante et me gouverne ». On notera avec cette formulation la force des verbes qui réduisent Desnos à
un rôle passif, ce que confirme l’emploi du pronom personnel « me » comme COD du verbe.
Cette rêverie amoureuse reste très charnelle: la femme aimée est évoquée par « ce corps vivant »
« cette bouche », « ton corps », « ton front et tes lèvres ». Et vis-à-vis d’elle la rêverie insiste sur
l’aspect physique de la relation: « baiser », « étreindre », « toucher », « marché, parlé, couché avec ».
…et désespéré?
Le poème de Desnos est clairement adressé à une femme réelle: « tu perds », « de toi » (x4), « toi »,
« ton ombre », « ton corps », « ton front », « tes lèvres », « ta vie ». De même on note l’emploi du
démonstratif qui semble s’adresser directement à une personne présente: « ce corps vivant », « cette
bouche ».
Adressés à « A la mystérieuse », cet ensemble de 7 poèmes a été inspiré par la chanteuse de musichall, Yvonne Georges, ce que peut-être pourrait suggérer l’allusion à la « voix qui m’est chère ».
Dans ce contexte, l’utilisation de la deuxième personne peut être interprétée comme une
déclaration, un appel, une demande, d’autant plus pathétique que cet amour rêvé ne paraît pas avoir
Madame Potter-Daniau – année scolaire 2014-2015
Première
Synthèse - Texte 13, « j’ai tant rêvé de toi », Robert Desnos
Madame Potter-Daniau – année scolaire 2014-2015
Première
été entendu, alors qu’il est associé au temps: «J’ai tant rêvé », avec jeu de sonorités: « est-il encore
temps », « j’ai tant rêvé qu’il n’est plus temps », « mes bras habitués », « depuis des jours et des
années »(hyperbole). Dans le dernier paragraphe, cette longueur temporelle est rendue par
l’accumulation « marché, parlé, couché », appuyée par le jeu de sonorités.
Il s’agit d’un amour malheureux, certes, mais qui invite le poète à questionner le rôle du rêve par
rapport à la réalité.
– Par la mise en avant du rêve qui dépasse la réalité
Doute
Le poème évoque la particularité de cette rêverie amoureuse, qui finit par faire perdre au rêveur tout
contact avec la réalité et toute capacité à y prendre pied. Il est à noter que c’est d’abord évoqué de
manière interrogative: « Est-il encore temps… », ou hypothétique: « mes bras ne se plieraient pas »,
« je deviendrais », avec ici l’emploi du mode conditionnel. Par la suite, le ton est plus affirmatif: le « il
n’est plus temps » répond à la question du premier paragraphe, et le « je pourrais moins toucher »
affirme une évidence dont le deuxième paragraphe se contentait d’énoncer la possibilité, avec l’emploi
de « peut-être ». Mais cela reste associé au doute, par la présence du « peut-être » suivi de « et
pourtant », mis en valeur entre virgules.
La perte de réalité
Le rêve condamne à l’irréalité: « ton ombre », « ton fantôme” » On note la progression des termes
qui vont vers une déréalisation de plus en plus marquée. Le rêve semble s’apparenter à la mort, il est
associé à la perte (« tu perds ta réalité »)
Desnos dit la difficulté de passer du rêve à la réalité, de confronter l’image idéalisée du rêve à la réalité
effective, et il insiste très matériellement sur cette dimension: « atteindre ce corps vivant », « baiser sur
cette bouche », « mes bras ne se plieraient pas au contour de ton corps », « je pourrais moins
toucher ton front et tes lèvres ». Ainsi « l’apparence réelle », « les apparences de la vie et de
l’amour » sont des expressions qui expriment le monde réel en mettant en évidence le fait que pour
Desnos rêveur, elles semblent inaccessibles.
L’expression « O balances sentimentales » qui scinde le texte en deux parts suggère l’impossibilité
amoureuse même: à aucun moment les deux personnes ne peuvent coïncider: puisque la jeune
femme refuse son amour, elle est seulement ombre, mais si l’occasion de cet amour se produisait,
Desnos ne saurait s’y plier, et il deviendrait une ombre à son tour. La phrase exclamative, introduite
par « ô » suggère la plainte, devant une situation sans issue.
Le rêve surpasse la réalité
« Et pourtant » on peut se demander si cela est vraiment condamné. On sait l’importance que les
surréalistes donnent au rêve et on peut se demander si cette vie rêvée n’a pas autant de valeur que la
vie réelle. Desnos était reconnu par les surréaliste pour sa capacité à rêver et composer des poèmes
très facilement. Or cet amour rêvé le condamn au sommeil « il n’est plus temps que je m’éveille »,
« Je dors debout, le corps exposé », le terme « ombre » est employée quatre fois (3 fois pour
qualifier Desnos, une fois pour parler de la femme rêvée), « fantôme » trois fois (deux fois pour le
poète, une fois pour la jeune femme).
Bien plus les hyperboles, l’emploi des pluriels « fantômes parmi les fantômes » ou du comparatif
« plus ombre cent fois que l’ombre » montrent bien que l’irréalité du poète sera encore plus totale.
De même l’expression « il ne me reste plus qu’à » témoigne d’une sorte de résignation à n’être plus
dans le monde réel. L’opposition est ici très nette entre la qualité lumineuse de la jeune femme et
l’ombre dans laquelle s’inscrit le poète. La métaphore du cadran solaire le place en retrait, mais
indéfectiblement liée à elle. L’emploi du présent et du futur « qui se promène et se promènera »
l’affirme comme éternellement présent à ses côtés. Quant à l’adverbe, « allègrement », il suggère une
Questions possibles
– En quoi ce poème est-il surréaliste?
– Quelles sont les caractéristiques du lyrisme de ce poème?
– En quoi ce poème est-il original?
Madame Potter-Daniau – année scolaire 2014-2015
Première
sorte de bonheur retrouvé, comme si au terme du poème, cette disparition de lui-même semblait
être accepté par le poète.

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