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LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
Maud CLERMONT
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES
CONTRATS, ENJEUX ET PERSPECTIVES
Mémoire de DEA sous la direction du Professeur Christophe Jamin
DEA DROIT DES CONTRATS OPTION DROIT DES AFFAIRES
Promotion 2002-2003
Lille 2 - Université du droit et de la santé
Ecole doctorale des sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion
1
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
INTRODUCTION
L’Europe s’est tout d’abord construite sur des fondements économiques, le coût des
innovations du monde moderne ne pouvait pas être assumé par les Etats pris isolément. Leur
unification est alors apparue comme le meilleur moyen d’améliorer leurs activités
économiques et techniques, on pense notamment à la conquête de l’espace, tout en faisant
face aux grandes puissances. Ainsi, après une longue période de nationalisme politique et
juridique, le traité de Rome a marqué l’engagement des pays d’Europe vers une communauté
économique avec pour notion clé, la création d’un marché intérieur. L’Acte unique de 1986 a
en suite marqué un tournant vers une union également politique, la procédure de coopération
avec le Parlement en est une illustration. Puis, l’effondrement des systèmes communistes a
accéléré cette évolution en permettant la signature en 1992 du Traité de Maastricht instituant
l’ « Union européenne ». La CEE (Communauté économique européenne) est alors devenue la
Communauté européenne (CE), ce changement terminologique n’a rien d’anodin au contraire,
il témoigne de la volonté des signataires d’élargir les compétences communautaires à des
domaines non économiques. Ce traité marque également la création de la citoyenneté
européenne et accroît le rôle législatif du Parlement européen. Tant que le rapprochement des
Etats avait un objectif uniquement économique, il n’était pas nécessaire d’instaurer une unité
juridique, l’exemple d’Etats fédérés comme les Etats-Unis d’Amérique qui malgré cinquante
législations différentes multiplient les échanges entre Etats au point d’instaurer une véritable
économie « nationale » en est la plus évidente illustration1. Mais dès lors que l’Europe a
souhaité s’orienter vers une union également politique, il faut s’attendre à une convergence
des législations. Celle-ci peut se faire en partie spontanément, mais elle est essentiellement
l’œuvre de juristes qui confrontent les règles légales tout en ayant une approche
compréhensive des systèmes en présence, ils prennent en compte tout le contexte parajuridique, notamment les histoires et cultures individuelles. Quoi qu’il en soit, même si elle
devient également politique, il ne faut pas perdre de vue que l’Europe du Traité est
fondamentalement une Europe de marché2. A ce titre en tout cas, elle implique l’élimination
des mesures nationales susceptibles de constituer des entraves aux échanges des marchandises
1
MAGNIER V., Rapprochement des droits dans l’Union Européenne et viabilité d’un droit commun des
sociétés, thèse Paris, LGDJ, 1999, p. 1.
2
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
ou des services sur la base des articles 28 ou 49 du Traité3. La Communauté doit donc
s’assurer que les législations des divers Etats membres ne sont pas des obstacles au libre
échange auquel cas leur rapprochement s’avèrerait nécessaire.
1. Les prémices d’un rapprochement des législations
C’est dans la deuxième moitié du XIXème siècle que le droit comparé a été « inventé »
pour reprendre le terme de Marc Ancel, la fondation de la Société de législation comparée en
1869 pouvant être considérée comme sa date de naissance4. Mais le premier Congrès
international de droit comparé qui s’est tenu en 1900 a marqué un tournant décisif dans
l’évolution de cette discipline. Des auteurs tels que Saleilles ou Lambert, ont contribué à
développer la matière mais surtout à l’envisager sous un angle différent. Ils ont refusé de
continuer à simplement présenter les lois étrangères au contraire, selon eux, le comparatiste
doit analyser en profondeur les droits étrangers pour en faire profiter son propre droit ce qui
passe nécessairement par l’étude de l’ensemble des sources du droit et notamment la
jurisprudence et la doctrine5. Le droit comparé a alors pour objet la recherche d’un fond
commun à toutes les législations nationales6 et qu’il s’oriente rapidement vers la perspective
d’une unification législative internationale. La fin de la Première Guerre mondiale marque un
nouveau pas en avant, l’Europe est pacifiée, la Société des Nations vient d’ailleurs d’être
créée, il est temps de songer à une unification des règles juridiques de plusieurs pays. En effet,
la disparité des lois nationales semble incompatible avec la multiplication des échanges entre
les Etats, en outre, une unification apparaît plus efficace qu’un système uniformisé de
règlement des conflits de lois qui laisse subsister les divergences nationales. On soutenait
également que la diversité des lois compromettait la sûreté et ainsi leur suprématie. De plus, la
loi uniforme internationale était considérée comme la plus aboutie car elle était le résultat
d’une confrontation des diverses lois nationales ce qui devait permettre de garder le meilleur
de chacune d’entre elles et ainsi d’améliorer le droit. C’est à cette époque qu’un projet a vu le
2
WITZ Cl., Rapport de synthèse du colloque sur L’harmonisation du droit des contrats en Europe, sous la
direction de Ch. Jamin et D. Mazeaud, Economica, 2001, Collection Etudes Juridiques, t. 11, p. 162.
3
Art. 28 : Les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites
entre les États membres.
Art. 49§1 : Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de
la Communauté sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la
Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.
4
ANCEL M., Rapprochement, unification ou harmonisation des droits ?, in Mélanges Gabriel Marty, Université
des sciences sociales de Toulouse, 1978, p. 2.
5
JAMIN Ch., Le vieux rêve de Saleilles et Lambert revisité, RIDC, 2000, p. 744.
6
ANCEL M., Rapprochement, unification ou harmonisation des droits ?, Op. cit., p. 2.
3
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
jour, il s’agissait de réaliser un code des obligations et des contrats franco-italien. Bien que
celui-ci n’ait pas abouti, peut-être parce qu’un tel projet était prématuré, il témoigne du souci
purement économique de faciliter les échanges entre les deux pays, mais aussi d’un état
d’esprit ambiant qui rompt avec l’isolationnisme et le nationalisme juridique qui ont suivi la
première vague de codification du XIXème siècle. La nouvelle génération de comparatistes
donnait alors un nouveau souffle au mythe du droit idéal. Les premiers comparatistes avaient
de très larges ambitions7, mais celles-ci se sont rapidement révélées utopiques ou tout du
moins irréalisables à court terme. C’est ainsi que les travaux se sont portés d’avantage sur des
systèmes d’uniformisation à une échelle régionale.
2. Les différentes modalités de rapprochement
Afin de mieux comprendre le vocabulaire comparatiste, il convient d’établir une
typologie des divers modes de rapprochement possibles. En effet, le terme de
« rapprochement » est le nom générique pour désigner l'ensemble des méthodes de
convergence des législations nationales car celles-ci peuvent se faire à des degrés très
variables. Une première subdivision est à faire entre les rapprochements dus au hasard et ceux
qui sont l’expression d’une volonté. Parmi les rapprochements fortuits, on peut relever
notamment ceux qui résultent d’évènements politiques comme des annexions ou des
colonisations, mais seules les convergences volontaires sont issues de méthodes juridiques
particulières. Au niveau communautaire, le rapprochement juridique étant un élément de la
réalisation de l’Union politique, nous n’étudierons que les méthodes de rapprochement
volontaire. A ce stade, il faut à nouveau faire une distinction selon que la source du
rapprochement est d’origine légale ou doctrinale. Ainsi, le rapprochement d’origine légale se
fait par voie conventionnelle, il s’agit de l’ « unification » des règles de droit par l’édiction
d’un texte législatif uniforme. Cette unification s’oppose à l’ « harmonisation » qui est
d’origine doctrinale, et plus difficile à cerner car elle est plus diffuse, elle ne s’intéresse pas
aux seules lois mais correspond plus à un accord sur la façon de traiter certains problèmes8.
Selon les auteurs, ces différents types de rapprochement ne sont pas définis de la même
manière, ainsi, le Vocabulaire Capitant retient qu’une harmonisation peut consister à « unifier
des ensembles législatifs différents par élaboration d’un droit nouveau empruntant aux uns et
7
JAMIN Ch., Le vieux rêve de Saleilles et Lambert revisité, Op. cit., p. 748.
MAGNIER V., Rapprochement des droits dans l’Union Européenne et viabilité d’un droit commun des
sociétés, Op. cit., p. 23.
8
4
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
aux autres », elle se rapproche ainsi de l’unification. L’harmonisation peut également
correspondre d’après le Vocabulaire Capitant à un « simple rapprochement entre deux ou
plusieurs systèmes juridiques » ce qui la fait alors plus ressembler à une coordination. Mais
l’incertitude est encore plus grande lorsque ce même vocabulaire énonce que le
rapprochement des législations est un « mode d’intégration juridique moins poussée que
l’unification » et que c’est un synonyme d’harmonisation9 alors qu’il correspond à un terme
générique. Toutefois, pour la suite, nous continuerons à parler d’unification si le
rapprochement est de source légale et d’harmonisation s’il est d’origine doctrinale. Ceci se
justifie notamment du fait que malgré les incertitudes quant à ce que recouvrent ces termes,
les auteurs s’accordent toutefois sur la hiérarchie qu’ils impliquent, l’harmonisation
correspondant à une étape moins poussée de rapprochement que l’uniformisation, elle-même
moins aboutie que l’unification ou encore la coordination qui semblerait être la première étape
du rapprochement10. L’unification et l’harmonisation étant les deux formes les plus typiques
du rapprochement, elles nous retiendront plus particulièrement.
La définition donnée par le Professeur Jeammaud de l’unification semble la plus
claire, elle s’entendrait de la substitution, à des droits formellement distincts ou à des corps de
règles de droit distincts, « d’un droit unique ou d’un corps unique de dispositions »11. La
technique conventionnelle peut se manifester de différentes manières, les premières ont
consisté à unifier des règles de conflit de lois ce qui a permis de limiter les incertitudes quant
à la résolution des litiges à l’échelon international. Ce type d’unification est apparu
indispensable à l’établissement de relations commerciales interétatiques durables. Par la suite,
l’unification conventionnelle a directement porté sur le droit matériel, c’est par exemple le cas
de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises. Les
règlements communautaires correspondent également à une unification car ils écartent les
droits nationaux antérieurement applicables. Mais le bilan de ce mode de rapprochement est
globalement insatisfaisant car ces conventions n’ont de valeur qu’une fois ratifiées or les Etats
signataires ne vont pas nécessairement jusqu’à cette ultime étape ou alors emploient
9
Vocabulaire Juridique, Association Henri Capitant, dir. G. Cornu, 7ème éd., Puf, 1998.
JEAMMAUD A., Unification, uniformisation, harmonisation : de quoi s’agit-il ?, in Vers un code européen
de la consommation, Colloque de Lyon des 12 et 13 décembre 1997, sous la direction de F. Osman, Bruylant,
Bruxelles, 1998, p. 35, MAGNIER V., Rapprochement des droits dans l’Union Européenne et viabilité d’un
droit commun des sociétés, Op. cit., p. 13 et s.
11
JEAMMAUD A., Unification, uniformisation, harmonisation : de quoi s’agit-il ?, Op. cit., p. 39 (l’auteur
souligne).
10
5
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
largement la technique des réserves. Puis, dans leur application, des atteintes peuvent être
portées à l’unification car les juges nationaux ont des interprétations différentes des textes.
L’harmonisation quant à elle correspond à un instrument juridique beaucoup plus
souple mais son aspect protéiforme rend difficile toute systématisation. Antoine Jeammaud en
donne toutefois une définition satisfaisante, il s’agirait de la réalisation, dans le respect de la
pluralité des droits étatiques, d’une équivalence des règles nationales12. La volonté
d’harmoniser les droits s’est développée en raison des déceptions nées de l’unification,
politiquement, l’harmonisation est plus acceptable car son objectif est plus modeste13. De par
son objet comme sa source, l’harmonisation se veut plus proche des justiciables, d’une part,
elle porte sur des domaines matériel et géographique plus circonscrits, mais encore, elle est le
fruit d’une doctrine qui ne pense pas le droit de façon isolée mais au contraire dans un
contexte socioculturel qui rend ce rapprochement moins artificiel. Le droit comparé est à la
base de l’harmonisation, cette technique est plus lente que l’unification car elle repose sur une
volonté de mieux comprendre les systèmes juridiques à rapprocher et de mettre en avant leurs
similitudes et leurs différences. Il faut également relever que le rapprochement issu de
l’harmonisation se fait de façon beaucoup plus progressive, à savoir tout d’abord la recherche
de concepts communs puis l’élaboration de principes et enfin éventuellement l’édiction de
règles de droit, cette phase ultime se confond alors avec l’unification conventionnelle. Les
exemples de technique d’harmonisation sont nombreux, aux Etats-Unis où chaque Etat a une
législation différente, même si elles sont toutes issues de la common law (exception faite de
l’Etat de Louisiane), il existe la technique des lois modèles dont la plus connue est le Uniform
Commercial Code. Leur but est de proposer pour l’ensemble du territoire un corps de règles
unique facultatif, à destination tant des particuliers que des législateurs pour l’élaboration de
nouvelles lois qui, à terme, sont censées remplacer les divers textes existant. L’Europe
continentale a également connu un mode d’harmonisation tout à fait particulier au Moyen
Age, le jus commune. Au-delà de la multitude de systèmes juridiques de l’époque, nous avons
connu une sorte de droit commun européen spontané d’origine obscure qui s’est notamment
développé avec les foires internationales. Il correspond à un des premiers modes
d’harmonisation telle que nous l’entendons actuellement car il fut le fruit des juristes de
l’époque qui avaient pour base commune le droit romain mais également le latin comme
12
JEAMMAUD A., Unification, uniformisation, harmonisation : de quoi s’agit-il ?, Op. cit., p. 43.
DELMAS-MARTY M., Le phénomène de l’harmonisation, l’expérience contemporaine, in L’harmonisation
du droit des contrats en Europe, sous la direction de Ch. Jamin et D. Mazeaud, Economica, 2001, Collection
Etudes Juridiques, t. 11, p. 31.
13
6
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
langue de travail commune. Il s’agissait donc d’un droit savant d’origine doctrinale, baigné de
philosophie et ce, en particulier grâce à l’influence de l’Ecole du droit naturel. Au niveau
communautaire, les recommandations et les directives correspondent à deux formes
d’harmonisation et il semble que le principe de subsidiarité implique que le droit dérivé
communautaire relève plus de l’harmonisation que de l’unification. Il faut enfin signaler
l’expression « coopération » qui est souvent associée à celle d’harmonisation, il semblerait
qu’elles recouvrent la même notion, la coopération correspondant à une étape de
rapprochement moindre.
L’unification et l’harmonisation sont donc deux techniques différentes de
rapprochement mais elles ne sont pas contradictoires, il faut les envisager de façon
complémentaire car l’unification peut être l’aboutissement d’une harmonisation. Une telle
démarche doit être encouragée car elle seule permet une unification satisfaisante. Enfin, si les
auteurs n’utilisent pas toujours de façon appropriée ces différents termes, on peut relever
qu’ils n’y sont pas encouragés car les conventions internationales elles-mêmes manquent de
rigueur sur ce point. C’est notamment le cas de la convention de Vienne sur la vente
internationale de marchandises qui se présente dans son préambule comme un ensemble de
« règles uniformes » alors qu’imposant des solutions, elle correspond à une unification du
droit14.
3. Le rapprochement des législations au niveau communautaire
Dans le cadre de l’Union européenne, le traité de Rome prévoit que l'action de la
Communauté porte notamment, d’après l’article 3-1 h, sur le rapprochement des législations
nationales, dans la mesure nécessaire au fonctionnement du marché commun. En effet, pour
reprendre les termes du Professeur Denis Tallon, convaincu depuis la première heure de la
nécessité d’un rapprochement des législations au niveau communautaire, « il ne peut exister
de libre circulation des personnes, des biens, des capitaux, des services en présence de
disparités flagrantes entre les droits nationaux »15. Mais comme nous l’avons vu, les modalités
de ce rapprochement sont multiples, elles relèvent essentiellement des règlements et des
directives. Toutefois, une harmonisation souple est souvent privilégiée car le droit
communautaire obéit aux principes de subsidiarité et de proportionnalité dans la répartition
14
15
JEAMMAUD A., Unification, uniformisation, harmonisation : de quoi s’agit-il ?, Op. cit., p. 49.
TALLON D., Vers un droit européen du contrat ?, in Mélanges André Colomer, Litec, 1993, p. 486.
7
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
des compétences entre les Etats membres et les institutions communautaires. Ceci a pour but
de limiter l’action des institutions communautaires afin de respecter la souveraineté des Etats.
Ainsi, l’unification doit être limitée aux domaines où elle paraît strictement nécessaire. Il
résulte de ces divers éléments une préférence du droit communautaire pour un rapprochement
souple des législations même si l’unification tend à se multiplier dans des situations où elle ne
semble pas indispensable pour tous, sans doute en raison de la volonté d’aller plus en avant
dans l’intégration européenne16.
S’il est beaucoup question de rapprochement en matière de droit des contrats, il s’agit
en fait d’une évolution actuelle du droit communautaire qui s’inscrit dans un cadre plus
général. Ce mouvement se retrouve dans des domaines aussi variés que le droit des marchés
publics, le droit des sociétés ou le droit pénal. C’est par exemple le cas du droit judiciaire
privé, depuis le 1er mai 1999, date d’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, la coopération
judiciaire en matière civile ne relève plus de la coopération intergouvernementale mais a été
« communautarisée »17. Il résulte de la combinaison des articles 61 c et 65 du traité CE que le
Conseil doit arrêter les mesures permettant d’améliorer et de simplifier la coopération en
matière d’obtention des preuves. C’est ainsi qu’a été pris un règlement le 28 mai 2001 relatif à
la coopération entre les juridictions des Etats membres dans le domaine de l’obtention des
preuves en matière civile ou commerciale18. Ce règlement a pour vocation de privilégier
l’entraide judiciaire. En effet, le pluralisme législatif interdit toute fluidité spatiale dans
l’administration de la preuve. Or, la liberté de circulation des mesures d’instruction, comme
celle des personnes ou des capitaux, est nécessaire au bon fonctionnement du marché
commun. De même, en matière de droit social, les domaines couverts par l’harmonisation se
sont considérablement multipliés. Elle concerne entre autre, les licenciements collectifs19 ou
les mesures organisant la sécurité et la santé au travail20. En définitive, à par les domaines
exclus de la compétence communautaire par l’article 137§6 du traité C.E., c’est-à-dire les
rémunérations, le droit d’association, le droit de grève et le lock-out, rares sont ceux qui
16
C’est notamment le cas pour certains auteurs pour le projet de code européen des contrats, OMARJEE I,
Harmonisation communautaire et renouvellement des concepts en droit du travail français, in Variations sur
l’harmonisation communautaire des droits nationaux, Chronique par le Centre d’études juridiques européennes
et comparées de l’Université Paris X-Nanterre, Petites Affiches, 28 février 2002, n°43, p. 14.
17
GROUD T., Obtention de preuves situées à l’étranger. Harmonisation européenne et unification
internationale, in Variations sur l’harmonisation communautaire des droits nationaux, Chronique par le Centre
d’études juridiques européennes et comparées de l’Université Paris X-Nanterre, Petites Affiches, 28 février 2002,
n°43, p. 11.
18
Règlement 1206/2001, JOCE L 174 du 27/06/2001.
19
Directive 98/59 du 20 juillet 1998, JOCE L 225 du 12/08/1998.
20
Directive cadre 89/391 du 12 juin 1989, JOCE L 183 du 29/06/1989.
8
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
échappent effectivement à l’harmonisation. Loin de donner un aperçu exhaustif des secteurs
concernés par le rapprochement des législations au niveau communautaire, ces données
témoignent de la vigueur de ce mouvement. Toutefois, si ce désir de rapprochement du droit
ne se limite pas au droit des contrats, celui-ci constitue tout de même un élément phare de
l’évolution du droit communautaire. La réalisation de la Communauté économique se
concrétise par le contrat qui apparaît donc comme la technique de base de la libre circulation
et de ce fait, c’est sur lui que doivent porter les efforts de rapprochement21.
Il ressort de ces éléments une réelle volonté de rapprocher les législations nationales en
matière de droit des contrats au niveau communautaire. Nous verrons au Titre I qu’un tel
rapprochement est également nécessaire pour la réalisation du marché intérieur qui est
actuellement freiné par la diversité des législations nationales. Au Titre II, nous tenterons
d’étudier les diverses modalités de mise en œuvre de ce rapprochement, d’une part les
propositions issues d’organismes privés puis celles d’origine communautaire.
21
CHARBIT N., L’esperanto du droit ? La rencontre du droit communautaire et du droit des contrats–A propos
de la communication de la Commission européenne relative au droit européen des contrats, JCP, 2002, I 110, p.
11.
9
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
TITRE I : UNE VOLONTE DE
RAPPROCHEMENT DES LEGISLATIONS
AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE
Actuellement, on observe que les objectifs du droit communautaire ne sont pas atteints
de façon satisfaisante et que les législations, tant au niveau communautaire qu’interne ne sont
pas en phase avec nos besoins (Section I). Aussi, s’avère-t-il nécessaire de repenser nos
législations à chacun de ces niveaux mais également dans une perspective plus globale pour
une meilleure unité au sein de la communauté (Section II).
10
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
SECTION I. DES CONSTATS NEGATIFS DU
MARCHE INTERIEUR
Alors que le marché intérieur a pour objectif principal d’instaurer au sein de la
communauté le principe de libre circulation, il s’avère que les divers opérateurs en profitent
de façon inégale (sous-section 1), en outre, la législation est souvent lacunaire et manque de
cohérence ce qui compromet son efficacité (sous-section 2).
Sous-section 1. L’inégalité des différents opérateurs face au principe
de libre échange
La libre circulation des produits existe bien en théorie, en revanche, selon la qualité
des opérateurs, ce n’est pas toujours une réalité pratique. Ainsi, si les grandes entreprises
profitent de ce grand marché (I), les consommateurs et les petites entreprises s’en sentent
exclus (II).
I. Les grandes entreprises familières du libre échange
L’article 2 du traité de Rome prévoit que la Communauté a pour mission, par
l’établissement d’un marché commun et la mise en œuvre de politiques communes, de
promouvoir dans l’ensemble de la Communauté un développement harmonieux, équilibré et
durable des activités économiques. Pour y parvenir, l’article 3 c), issu de l’Acte unique de
1986, retient que la Communauté met en œuvre un marché intérieur caractérisé par l’abolition,
entre les Etats membres, des obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes,
des services et des capitaux. En pratique, on peut tout de même se demander si la mise en
place de ce marché unique correspond aux attentes des institutions communautaires ; les
11
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
entreprises ont-elles vu leurs champs d’actions s’élargir et sont-elles satisfaites de ce nouvel
espace ? Pour tenter de répondre à cette question, nous pouvons nous intéresser à la
communication de la Commission concernant le droit européen des contrats en date du 11
juillet 200122. En effet, dans ce Livre vert sur lequel nous reviendrons ultérieurement, la
Commission cherche à savoir si la législation communautaire répond aux objectifs du traité de
Rome et notamment si le libre échange est assuré. En particulier, elle s’interroge sur le point
de savoir si les différences de législations entre les Etats membres sont un frein au principe de
libre échange. Pour ce faire, elle invitait toute personne à réagir sur ce sujet afin d’adapter le
cas échéant la législation européenne.
Des entreprises de plusieurs pays y ont répondu. On ne peut toutefois donner une
valeur trop importante à ces réactions qui n’ont en aucun cas la prétention de refléter une
réalité valable pour l’ensemble de l’Union. On peut par exemple relever que les réactions
proviennent essentiellement d’entreprises allemandes et qu’aucune entreprise française n’a
pris part à ce débat, le panel n’est pas représentatif du paysage industriel communautaire. En
revanche, on peut en déduire une tendance. Globalement, le résultat est plutôt positif, selon
certaines contributions d’entreprises manufacturières notamment, pour les contrats entre
entreprises, les différences entre les législations ne constituent pas un obstacle significatif aux
transactions transfrontalières23. Elles retiennent que le plus souvent, le droit international
privé, essentiellement la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises24
ainsi que la législation communautaire existante apportent des solutions satisfaisantes.
Toutefois, le but de cette communication était de mettre en avant les éléments négatifs de la
législation actuelle aussi, de nombreux points perfectibles sont-ils abordés. En particulier, les
entreprises qui se sont manifestées ont essentiellement relevé comme handicap à la réalisation
d’opérations transfrontières, le manque de cohérence des directives communautaires entre
elles. On peut également relever que divers gouvernements ont procédé à des consultations
sur ce sujet dans leur pays mais il serait délicat d’en tirer une position commune car il n’y a
pas de réelle unité entre les réactions des différents gouvernements. Ainsi, en Allemagne, les
22
Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant le droit européen des
contrats du 11 juillet 2001, COM(2001) 398 final, JOCE C 255/1 du 13/09/2001.
23
C’est notamment ce qui ressort de la réponse de l’entreprise anglaise C.B.I. point 3 : « Legal costs should not
be significantly increased as a result of contracting under the laws of another jurisdiction » consultable sur le
site de la Commission :
http://europa.eu.int/comm/consumers/cons_int/safe_shop/fair_bus_pract/cont_law/comments/2.1.6.pdf
24
Convention des Nations Unies, signée à Vienne le 11 avril 1980, JO 27 décembre 1987, entrée en vigueur en
France le 1er janvier 1988.
12
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
Länder estiment que la complexité de la situation juridique actuelle et le problème du droit
applicable représentent des obstacles substantiels. En revanche, le gouvernement danois
rapporte que la majeure partie des réactions des organisations industrielles indique que rien ne
permet d’établir l’existence de difficultés notables entravant le développement du marché
intérieur. Il précise que c’est grâce notamment à la mise au point de normes standards ainsi
que de contrats types internationaux ou européens. Pour ce qui est du gouvernement
britannique, évoquant l’existence de différents régimes juridiques en Ecosse, en Angleterre et
au Pays de Galles, il ne pense pas que la coexistence de différents droits nationaux des
contrats implique nécessairement une entrave au fonctionnement du marché intérieur.
Il faut néanmoins modérer la portée de ces propos. Si la question était ici de savoir si
les différences de législations représentent un handicap profond à la réalisation du marché
intérieur, la réponse étant alors plutôt négative, en posant la question différemment, on
s’aperçoit que les résultats peuvent apparaître tout autres. Ainsi, suite à un sondage commandé
par la Commission sur le commerce transfrontalier entre professionnels et consommateurs, à
la question « parmi ces différents facteurs, lesquels rendent le commerce entre Etats membres
le plus difficile selon vous ? », les différences de législations nationales arrivent en premier
avec 47% des personnes interrogées qui considèrent ce facteur comme au moins assez
important25 (la Commission précise que la taille de l’échantillon est de 1000 personnes par
Etat membre, sauf en Allemagne où ils sont 2000 et la marge d’erreur de ce type de sondage
est estimée à +/- 3,1%).
De façon générale, on peut en déduire que les différences de règles matérielles d’un
Etat membre à l’autre impliquent un coût supplémentaire pour les entreprises. Cela se
manifeste avant la conclusion de tout contrat car il faut mettre en œuvre un investissement
lourd en terme de conseils juridiques pour connaître le contexte juridique de l’Etat dans lequel
une entreprise veut s’implanter. Puis, en cours d’exécution, le moindre litige implique de faire
appel à des avocats internationaux aux honoraires souvent élevés. L’organisation et le coût
que cela engendre pour une entreprise de bénéficier du principe de libre échange sont
considérables mais, cela rentre dans leur budget normal et en théorie, c’est une perte pour un
gain bien plus important. A long terme, ces dépenses se rentabilisent aisément. On peut
toutefois signaler que dans leurs réactions à la Commission, les entreprises ont relevé que ces
25
Rapport Flash EB 128 du 14 novembre 2002 « Public opinion in Europe : views on business-to-consumer
cross-border trade », question 22-2, consultable sur le site :
http://europa.eu.int/comm/public_opinion/archives/eb/ebs_175_fl128_en.pdf
13
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
dépenses étaient beaucoup plus importantes quand elles avaient pour destinataires des
consommateurs et non des entreprises. En effet, bien que la loi d’origine des entreprises soit le
plus souvent applicable d’après les articles 4 et 5 de la Convention de Rome26, les
consommateurs bénéficient de dispositions nationales impératives protectrices qui diffèrent
d’un Etat membre à l’autre. Cela alourdit considérablement la démarche des entreprises et est
source d’insécurité juridique et ce d’autant plus que la distinction entre les lois impératives et
supplétives n’est pas toujours aisée, même pour des juristes.
Si le commerce transfrontalier implique des dépenses supplémentaires pour les
entreprises, celles de grande taille y trouvent tout de même un avantage incontestable, pour les
consommateurs et les petites et moyennes entreprises en revanche, le constat est beaucoup
moins positif (II).
II. La méfiance des consommateurs et des PME pour les contrats
transfrontaliers
Alors que les grandes entreprises s’accommodent facilement de l’ouverture des
frontières et surtout en profitent pour élargir leur champ d’action, les plus petites entreprises et
les consommateurs sont au contraire réticents pour passer des contrats transfrontières.
Tout d’abord, bien que de nombreuses PME, en particulier dans les zones frontalières,
souhaiteraient accroître leur domaine d’activité géographique, elles sont très vite freinées par
l’investissement financier que cela implique, pour elles, les coûts du recours à une assistance
juridique sont proportionnellement plus élevés que pour des grandes entreprises. Dans sa
communication de 2001, la Commission a relevé que la sollicitation de conseils sur un droit
applicable qui n’est pas connu entraîne des frais juridiques considérables et des risques
commerciaux pour la partie au contrat concernée, sans pour autant apporter la solution
économiquement la plus avantageuse. Dans sa nouvelle communication de la Commission en
date du 12 février 2003 adoptant le Plan d’action pour « Un droit européen des contrats plus
26
Convention de Rome, 80/934 CEE du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, JOCE L
266 du 9/10/1980.
14
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
cohérent » où elle fait la synthèse des réactions à sa première communication, elle retient que
27
les PME se voient complètement dissuadées d’avoir des activités transfrontalières. Si elles s’y
risquent, elles subissent un net désavantage compétitif car elles sont en situation de
concurrence avec les opérateurs nationaux qui, à ce titre, n’ont pas à exposer de tels frais28.
C’est notamment ce qui ressort de la réaction du gouvernement danois, les résultats de ses
consultations ont fait apparaître que les PME peuvent rencontrer des difficultés particulières
sur le marché intérieur du fait des différences de législations, principalement en raison du
risque d’ignorance des règles étrangères ou des coûts liés à la clarification des ambiguïtés. De
plus, bien que le principe de la loi d’autonomie s’applique dans leurs contrats passés avec
d’autres entreprises, cela ne leur apporte aucune aide, les PME sont souvent contraintes
d’accepter les clauses générales de leur cocontractant car elles ne disposent pas d’un pouvoir
de négociation économique suffisant pour imposer leur choix du droit applicable29.
Si les PME ne peuvent pas bénéficier pleinement du marché intérieur, la situation est
encore plus délicate pour les consommateurs. Dans la plupart des cas, leurs lois nationales ne
seront pas applicables. Cela peut tenir au fait que souvent, le professionnel choisi son droit
national comme étant le droit applicable grâce à des clauses contractuelles types. Cela signifie
que le consommateur est censé avoir reconnu et accepté cette loi en vertu du principe de la loi
d’autonomie alors qu’en pratique, le plus souvent, il n’a même pas conscience de ce genre de
considération. A défaut de choix de la loi, même si dans l’hypothèse précitée, le choix n’est
que théorique pour le consommateur, l’article 4 de la Convention de Rome retient comme loi
objectivement applicable, celle du débiteur de la prestation caractéristique qui correspond en
pratique à la partie pour laquelle le paiement est dû, c’est-à-dire la loi du professionnel.
L’article 5 de cette même Convention qui traite plus particulièrement des consommateurs
n’apporte pas d’aide significative car il ne reconnaît l’application de la loi de résidence du
consommateur que dans des cas strictement limités et en aucun cas s’il s’agit d’un
consommateur actif qui souhaite profiter des possibilités offertes par le marché intérieur.
Étant donné qu’en principe le consommateur ignore tout du droit étranger, il lui faut,
davantage que d’autres, solliciter des conseils juridiques avant la conclusion d’un contrat
transfrontalier30. Toutefois, un juriste anglais relève que s’il y a un risque légal dans le
27
Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur un plan d’action pour un droit
européen des contrats plus cohérent du 12 février 2003, COM(2003) 68 final, JOCE C 63/38 du 15/03/2003.
28
COM(2003) 68 final, point 30.
29
COM(2003) 68 final, point 29.
30
COM(2003) 68 final, point 31.
15
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
commerce transfrontière, ceci n’est pas dû uniquement au caractère international de la
transaction. Il résulte également simplement du fait que le climat de confiance qui s’acquiert
grâce à une histoire contractuelle commune satisfaisante, est ici absent31. Ceci explique entre
autre que les transfrontaliers soient plus adeptes de ce type de commerce, leur proximité leur
permet d’instaurer des habitudes contractuelles avec des commerçants étrangers. A l’inverse,
ils seront réticents pour passer des contrats avec des partenaires de leur propre pays mais qui
sont très éloignés géographiquement et avec lesquels ils ont en principe peu de contacts.
S’il est évident que la grande majorité des consommateurs ne connaît pas le contenu de
la loi applicable dans son propre pays, ce qui ne l’empêche pas de passer des contrats chaque
jour, il en prend d’avantage conscience avec la législation des autres Etats membres. Le
consommateur craint donc de s’aventurer dans un domaine qu’il ignore et qu’il a conscience
d’ignorer. Comme il ne se sent pas en sécurité, il préfère se contenter de ce que lui offre son
marché national. Ainsi, une grande partie des consommateurs est exclue des avantages que
représente le marché unique à savoir une offre plus variée et des différences de prix. Courant
2002, la Commission européenne a sondé l’opinion publique pour tenter de dégager la vision
qu’elle pouvait avoir du commerce transfrontalier à destination des consommateurs. En
moyenne sur l’Europe des quinze, seuls 13% des consommateurs interrogés avaient, dans les
douze derniers mois, acheté ou commandé un bien ou un service à usage personnel dans un
magasin d’un autre Etat membre. On constate toutefois des écarts importants d’un pays à
l’autre. Les pays du nord sont globalement plus coutumiers du commerce transfrontalier (39%
pour le Danemark, 38% pour le Luxembourg) que ceux du sud (4% pour la Grèce, 6% pour
l’Espagne) et de façon générale ce chiffre augmente également avec le niveau social (23%
chez les cadres) et chez la population jeune (17% des 15-39 ans)32 (nous rappelons que la
Commission prend comme échantillon 1000 personnes de plus de 15 ans, par Etat membre,
sauf en Allemagne où elle en interroge 2000 et qu’elle estime sa marge d’erreur à +/- 3,1%).
A cela s’ajoute un autre phénomène, il est évident qu’en dehors des frontaliers, il est délicat
de se déplacer pour bénéficier de prix avantageux dans un pays voisin. Les résultats de ce
sondage peuvent se lire parallèlement à ceux d’un autre sondage également commandé par la
Commission réalisé en janvier 2002. Il en résulte que les consommateurs européens ne
déclarent pas avoir a priori moins confiance dans les marchandises des autres Etats membres.
31
COLLINS H., Transaction Costs and Subsidiarity in European Contract Law, contribution au colloque de
Leuven, Belgique, des 30 novembre et 1er décembre 2001, Communication from the Commission on European
Contract Law.
32
Rapport Flash EB 128, question 16.
16
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
En revanche, en cas de difficulté, ils pensent que leurs droits seraient moins bien protégés s’ils
entraient en conflit avec un vendeur ou un fabricant d’un autre pays de l’Union européenne
qu’en cas de litige interne33. Avec le développement d’Internet et l’euro, il est aujourd’hui
beaucoup plus aisé de comparer les prix et de commander à distance. Mais dès lors, à la peur
de la loi étrangère s’ajoute la méfiance envers cet outil commercial qu’est Internet et ce,
même si les consommateurs européens sont en moyenne 12% à être plus intéressés par le
commerce transfrontalier depuis l’introduction de l’euro34.
S’il est compréhensible que les différences de législations puissent limiter les échanges
intra-communautaires, la législation communautaire est censée restreindre cet effet. Pourtant,
ses lacunes et son manque de cohérence ne permettent pas d’arriver à un niveau satisfaisant de
sécurité juridique (sous-section 2).
Sous-section 2. Le manque de cohérence de la législation
communautaire
La législation communautaire portant sur le droit des contrats ne semble pas apte à
remédier aux différences entre les législations car elle n’a pas été adoptée en suivant une
logique globale (I). De plus, sa mise en œuvre est décevante car l’interprétation qui en est faite
par les Etats membres n’est pas uniforme (II).
I. Une législation adoptée secteur par secteur
Comme le souligne la Commission dans son Livre vert de 2001, le législateur
communautaire doit veiller à la cohérence de l’énoncé de la législation communautaire, de sa
33
Rapport Flash EB 117 janvier 2002 « Etude consommateurs », en moyenne, 55.3% des consommateurs pensent
leurs droits au moins bien protégés dans leur propre pays (question 4) et ce chiffre passe à 31.5% en cas de
conflit dans un autre Etat membre (http://europa.eu.int/comm/public_opinion/flash/fl117_fr.pdf).
34
Rapport Flash EB 128 question 19, depuis l’euro 12% des européens sont plus intéressés par le commerce
transfrontalier, les pays ne faisant pas parti de l’euro ayant en toute logique des résultas moindres (UK :8%,
Suède :10%). L’autre partie de cette question portait sur le point de savoir si les consommateurs étaient plus
intéressés par les achats transfrontières par l’intermédiaire d’Internet, mais ils ne sont en moyenne que 9% à être
convaincus de tels achats.
17
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
mise en œuvre et de son application dans les États membres. Les mesures adoptées par la
Communauté européenne doivent être cohérentes les unes avec les autres, interprétées de la
même manière et produire les mêmes effets dans tous les États membres35. Dans cette même
communication, elle reconnaît que le législateur européen a suivi une démarche « au coup par
coup » en matière d’harmonisation. L’objectif de cette communication est donc de savoir si
une telle façon d’agir ne serait pas susceptible d’entraîner des incohérences dans l’application
du droit communautaire36. Or, il semble bien que le droit dérivé européen n’apporte pas toute
la sécurité juridique qu’il était censé garantir.
Il ressort de la communication de la Commission de 2003 qui a pour but de faire le
point sur toutes les réactions que la Commission a reçu, suite à son Livre vert sur le droit
européen des contrats, que l’approche sectorielle n’apporte pas toute satisfaction. Différents
types de problèmes ont été signalés. Parmi les catégories d’incohérences propres à la
législation communautaire dans le domaine des contrats, il a été indiqué que des situations
identiques font l’objet d’un traitement différent sans que celui-ci ne soit justifié de manière
pertinente. L’accent a été mis sur le problème des exigences et des conséquences divergentes
résultant de certaines directives applicables à la même situation commerciale. Parmi les
exemples cités, on retrouve les modalités différentes applicables au droit de rétractation prévu
dans les directives sur le démarchage à domicile37, l’utilisation à temps partiel de biens
immobiliers, dite time-share38, les ventes à distance39 et les ventes à distance de services
financiers40, en particulier les différences au niveau des délais et méthodes de calcul des délais
de rétractation. En effet, la directive sur les ventes à distance de services financiers prévoit un
délai de rétractation minimum de « quatorze jours calendrier » (art. 6), il est de « dix jours de
calendrier » dans la directive time-share (art. 5), « d’au moins sept jours ouvrables » en
matière de vente à distance (art. 6) et « d’au moins sept jours » pour les contrats négociés en
dehors des établissements commerciaux (art. 5). D’autres exemples font état d’approches
35
COM(2001) 398 final, point 31.
COM(2001) 398 final, point 35.
37
Directive 85/577/CEE du Conseil du 20 décembre 1985 concernant la protection des consommateurs dans le
cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux, JOCE L 372 du 31 décembre 1985, p. 31.
38
Directive 94/47/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 1994, concernant la protection des
acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l’acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de
biens immobiliers, dite directive, JOCE L 280 du 29 octobre 1994, p. 83.
39
Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des
consommateurs en matière de contrats à distance, JOCE L 144 du 4 juin 1997, p. 19.
40
Directive 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 concernant la
commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, JOCE L 271 du 9 octobre 2002,
p. 16.
36
18
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
incohérentes en ce qui concerne les exigences d’information entre la directive sur le
commerce électronique41 et les deux directives sur les ventes à distance. On constate
notamment que la directive sur les ventes à distance est moins exigeante que celles sur les
services financiers ou sur le commerce électronique quant à la qualité du fournisseur ces
dernières exigeant par exemple son numéro d’immatriculation s’il en a un. En revanche, la
directive de 1997 sur la vente à distance est la seule à exiger du fournisseur qu’il communique
au moins une partie des informations par écrit (art. 5). La Commission relève également des
exigences d’information différentes en ce qui concerne le droit des contrats figurant dans
différentes directives relatives à la protection des consommateurs42. D’après le rapport du
Conseil de l’Union européenne en date du 29 octobre 2001 en réaction à la communication de
la Commission sur la nécessité de rapprocher les législations des États membres en matière
civile43, il semblerait que de nombreuses incohérences pourraient être évitées si un effort était
fait pour définir chacun des termes employés par les directives. Le Conseil donne notamment
l’exemple des directives de 1985 sur les contrats négociés en dehors des établissements
commerciaux et de 1997 sur les contrats à distance. Elles accordent toutes deux au
consommateur, sous certaines conditions, le droit de renoncer au contrat conclu et obligent le
vendeur à l’informer de l’existence de ce droit. Mais alors que la première parle d’un droit de
« résiliation », celle sur les contrats à distance désigne ce même droit par le mot
« rétractation ». Une plus grande rigueur dans le choix des mots employés pourrait ainsi
diminuer certaines incohérences du droit dérivé.
Une autre catégorie d’incohérences mentionnée est celle de l’application possible, dans
des circonstances spécifiques, de différents instruments communautaires produisant des
résultats antagoniques44. Un exemple concerne l’application simultanée de la directive sur le
démarchage à domicile et de la directive time-share comme l’a confirmée la CJCE dans
l'affaire Travel Vac45. Cette affaire s’explique toutefois par une question d’opportunité, une
personne avait acheté un appartement en multipropriété en Espagne en 1996 puis y avait
renoncé oralement au bout de trois jours. En principe, la directive time-share de 1994 qui
41
Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques
des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur
("directive sur le commerce électronique"), JOCE L 178 du 17 juillet 2000, p. 1.
42
COM(2003) 68 final, point 16.
43
Rapport du Conseil de l’Union européenne sur la nécessité de rapprocher les législations des Etats membres en
matière civile du 29 octobre 2001, document 13017, Justciv 29.
44
COM(2003) 68 final, point 17.
45
CJCE, 22 avril 1999, Affaire C-423/97 Travel-Vac S.L. contre Manuel José Antelm Sanchis 1999, Rec. I-2195.
19
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
venait d’être transposée, était applicable. La cour a pourtant retenu que la directive sur le
démarchage à domicile, dont tout droit portant sur l’immobilier est exclu du champ
d’application, était applicable au cas d’espèce. En effet, même si le contrat portait en partie
sur un appartement, le consommateur faisait valoir que cela était accessoire et qu’il portait
avant tout sur la fourniture de services qui avaient une valeur supérieure à celle du droit
d'utilisation du bien immobilier. L’application de la directive de 1985, même si elle prévoit un
délai de renonciation plus court (sept jours) que celle sur la multipropriété (dix jours), était
avantageuse car le consommateur n’avait suivi aucun formalisme pour se rétracter, il l’avait
annoncé oralement, ce qui était seulement possible avec la directive sur le démarchage à
domicile. La directive de 1994 retenant au contraire qu’elle doit être notifiée avant l'expiration
du délai et d'une manière pouvant être prouvée conformément aux législations nationales.
Ainsi, la CJCE retient dans son considérant 22 « qu’il convient d’abord de constater que, s’il
est vrai que les contrats de multipropriété sont visés à la directive 94/47, cela n’exclut pas
qu’un contrat contenant un élément de multipropriété puisse également relever de la directive
85/577 si les conditions d’application de cette dernière sont par ailleurs réunies » et ajoute au
considérant 23, « En effet, aucune des deux directives ne comporte de dispositions excluant
l’application de l’autre directive. En outre, il serait contraire à l’objectif de la directive 85/577
de l’interpréter en ce sens que sa protection serait exclue au seul motif que le contrat relève en
principe de la directive 94/47; une telle interprétation aurait pour conséquence de priver le
consommateur des dispositions protectrices de la directive 85/577 alors même que le contrat a
été conclu en dehors d’un établissement commercial ».
Cet arrêt n’est pas contestable, néanmoins il est intervenu en pleine polémique
concernant les appartements en multipropriété aussi peut-on penser que les juges ont plus
particulièrement cherché à défendre les intérêts de l’acquéreur de cet appartement.
S’il est gênant de constater que la législation communautaire manque de cohérence et
ainsi ne permet pas une harmonisation convenable, il est encore plus fâcheux de constater
qu’au sein de chacun des Etats membres, les applications qui sont faites du droit dérivé
creusent encore d’avantage les différences quant au droit des Etats membres (II).
20
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
II. Une application et une interprétation irrégulières du droit communautaire
dérivé
Selon le type de mesure de droit dérivé retenu, la cohérence de la législation au niveau
communautaire varie sensiblement (A), il s’avère que la directive est un instrument peu
susceptible de garantir un haut niveau de cohérence, nous tenterons d’illustrer ce phénomène
avec la transposition de la directive 1999/44 sur certains aspects de la vente et des garanties
des biens de consommation46 (B).
A. Un niveau de cohérence variable selon le type de droit dérivé retenu
Comme le prévoit l’article 249 du traité de Rome, le règlement a une portée générale,
est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout Etat membre. C’est
à travers lui que s’exprime le pouvoir législatif de la Communauté par excellence, sa nature et
son efficacité sont comparables à la loi dans les systèmes nationaux. A ce titre, il représente
l’instrument d’uniformisation communautaire le plus efficace et qui permet la plus grande
cohérence entre la législation communautaire et celles des Etats membres d’une part et des
législations nationales entre elles d’autre part. Un autre instrument de droit communautaire
dérivé qui permet une certaine uniformisation non des droits nationaux comme le fait
remarquer le Professeur Jamin, mais des contrats eux-mêmes, est le règlement d’exemption
par catégories47. Pour ne pas se voir annulés, les contrats concernés doivent respecter leurs
dispositions ainsi, ces règlements d’exemption par catégories réalisent une uniformisation
cohérente de la pratique bien qu’elle soit indirecte.
Contrairement au règlement, la directive ne lie tout Etat membre destinataire que quant
au résultat à atteindre et laisse aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux
moyens. La directive permet donc une collaboration entre les législateurs nationaux et
communautaire. Comme nous l’avons vu, elle est souvent choisie de préférence en raison des
principes de subsidiarité et de proportionnalité reconnus à l’article 5 du traité CE. Elle a
l’avantage de ne pas heurter les législateurs nationaux qui ont un certain temps pour procéder
46
Directive 1999/44/CE du parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et
des garanties des biens de consommation, JOCE L 171/12 du 07/07/1999.
47
JAMIN Ch., Un droit européen des contrats ?, in Le Droit privé européen sous la direction de P. de VareillesSommières, Economica, 1998, Collection Etudes Juridiques, t. 1, p. 47.
21
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
à la transposition et peuvent faire des transformations du texte d’origine pour qu’il s’incère au
mieux à la législation des Etats membres. Ce procédé est donc très apprécié des législateurs
mais la contrepartie de cette liberté qui leur est offerte est qu’il arrive que le texte des
directives soit dénaturé. L’harmonisation que souhaitait le législateur communautaire n’est
donc pas totalement réalisée ce qui est source d’insécurité juridique. D’ailleurs, dans le
rapport du Conseil du 29 octobre 200148 en réaction à la consultation de la Commission sur le
droit européen des contrats de 2001, il considère au point n°9 que les résultats de
l’harmonisation réalisés par le biais des directives sont parfois insuffisants, notamment du fait
des importantes divergences existant entre les mesures nationales de transposition. Le Conseil
retient que ce phénomène est accentué par l’absence de définitions uniformes de termes et
concepts généraux dans le droit communautaire. La Commission a également pu constater que
l’articulation du droit communautaire dérivé avec les droits des Etats membres était rendue
souvent délicate par la diversité de ceux-ci, en outre, l’adoption de règles au niveau de
l’Union européenne est parfois la source de graves incohérences dans la réglementation
d’ensemble des questions visées49.
Les divergences de transpositions ont plusieurs origines, elles peuvent tout d’abord,
comme l’a signalé le Conseil, s’expliquer par le fait que les termes employés dans les
directives manquent de précision, ils ne sont pas définis ou le sont de manière trop vague. De
ce fait, les législateurs nationaux disposent d’un très large pouvoir discrétionnaire au niveau
de la transposition. Ces divergences peuvent également s’expliquer par le principe
d’harmonisation minimale reconnu article 153.5 du traité CE dans la législation en matière de
protection du consommateur. En principe, les directives communautaires harmonisent
entièrement le domaine concerné par leur champ d’application, en revanche, en matière de
droit des contrats de consommation, les directives contiennent des clauses d’harmonisation
minimale. Dès lors, le texte donne la possibilité à chacun des législateurs d’aller plus loin que
la directive dans la protection offerte aux consommateurs. Ainsi, alors que certains Etats se
contentent de transposer strictement le texte de la directive, d’autres vont beaucoup plus loin
dans la défense des consommateurs. Sur le fond ce principe se veut favorable aux
consommateurs mais cela ne permet pas de garantir des solutions identiques à des situations
qui le sont, comme le veut le marché intérieur. Ceci peut donc être source d’insécurité
48
Rapport du Conseil de l’Union européenne sur la nécessité de rapprocher les législations des Etats membres en
matière civile du 29 octobre 2001, document 13017, Justciv 29.
49
HEUZE V., A propos d’une « initiative européenne en matière de droit des contrats », JCP, 2002, I 152.
22
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
juridique car un consommateur peut s’attendre à bénéficier automatiquement des mêmes
droits sur l’ensemble du territoire de l’Union que ceux prévus par la loi de sa résidence alors
que celle-ci est peut-être plus protectrice que ce qu’imposait la directive. Dans sa
communication de 2003, la Commission relève certains exemples qui lui ont été rapportés50
ainsi, on note des différences d’un État membre à l’autre, dans la transposition des périodes de
rétractation prévues dans les directives concernant le démarchage à domicile, la multipropriété
et les ventes à distance, de même, dans les plafonds fixés par les textes de mise en œuvre de la
directive sur le démarchage à domicile.
En principe, les mesures adoptées par la Communauté européenne doivent être
cohérentes les unes avec les autres, interprétées de la même manière et produire les mêmes
effets dans tous les États membres. Pourtant, non seulement les directives une fois transposées
ne se retrouvent pas de façon identique dans chacun des Etats membres mais encore, des
divergences plus importantes peuvent intervenir a posteriori par l’interprétation que peuvent
en faire les magistrats. La CJCE l’a rappelé dans un arrêt de 2000 : « Il découle des exigences
tant de l’application uniforme du droit communautaire que du principe d’égalité que les
termes d’une disposition du droit communautaire qui ne comportent aucun renvoi exprès au
droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver,
dans toute la Communauté, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée
en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation
en cause »51.
Il peut être difficile pour les législateurs nationaux d’intégrer à leur législation des
termes abstraits qui ne correspondent pas nécessairement aux concepts juridiques auxquels ils
sont familiers, mais en cas de litige, les tribunaux auront naturellement tendance à les
interpréter au regard de concepts nationaux. Ces concepts varient sensiblement d’un État
membre à l’autre. L’absence d’une acception uniforme en droit communautaire des termes
employés peut aboutir à des résultats différents dans la pratique commerciale et juridique de
différents États membres. Or, si certaines différences de traitement peuvent parfois
s’expliquer par le contexte comme ça peut être le cas de discriminations positives ici, elles ne
sont justifiées par aucune différence de substance et à ce titre, sont contestables car contraires
au principe général d’égalité reconnu par la Cour de justice. C’est précisément ce qui ressort
50
COM(2003) 68 final, point 24.
CJCE, 9 novembre 2000, aff. C-357/98 The Queen contre Secretary of State for the Home Department ex
parte: Nana Yaa Konadu Yiadom, Rec. 2000, p. I-9265, point 26.
51
23
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
d’un arrêt de la Cour de 2002, le demandeur, de nationalité autrichienne, réclamait que lui soit
appliquée la directive sur les voyages, vacances et circuits à forfait52 et que lui soit reconnu un
préjudice moral, l’article 5§2 de ladite directive faisant référence aux « dommages autres que
corporels » sans les définir. Pourtant, saisis de l’affaire, les tribunaux autrichiens avaient
refusé de lui accorder de tels dommages car ceux-ci n’étaient pas connus de leur législation53.
Finalement, les juridictions autrichiennes reconnaissant qu’une juridiction nationale est tenue
d’interpréter les dispositions du droit national à la lumière du texte et de la finalité d’une
directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci, ont décidé de surseoir à statuer et de poser
une question préjudicielle à la Cour de Justice. Elles lui demandaient en substance de les
éclairer sur l’interprétation qu’elles devaient faire de l’expression « dommages autres que
corporels », et plus particulièrement de savoir si cela correspondait à un préjudice moral. La
Cour a répondu par l’affirmative ainsi, dans cette espèce, l’harmonisation des solutions a été
respectée mais si le demandeur s’était arrêté en première instance, il n’aurait pas pu bénéficier
de cette interprétation. On imagine ainsi aisément le nombre de situations où des
interprétations non conformes au droit communautaire sont faites par les juridictions
nationales.
Etudions maintenant un exemple actuel de divergence de législation entre Etats
membres suite à des transpositions opposées (B).
B. L’exemple de la directive 1999/44
Comme nous l’avons vu, les transpositions de directives peuvent ne pas être uniformes
et ceci est particulièrement vrai pour les directives à destination des consommateurs qui ne
prévoient qu’une harmonisation minimum. Si jusque là les différences que nous avons
relevées sont pour la plupart ponctuelles, la transposition de la directive du 25 mai 1999 sur
certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation pourrait conduire à un
véritable éloignement de certaines législations. Actuellement, seuls onze des Etats membres
52
Directive 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait,
JOCE L 158, p. 59.
53
CJCE, 12 mars 2002, aff. C-168/00, Simone Leitner c./ TUI Deutschland GmbH & Co (KG), considérant
10 :Sur ce point, elle a considéré que, si les sentiments de déplaisir et les impressions négatives causés par la
déception doivent être qualifiés, en droit autrichien, de préjudice moral, ils ne peuvent faire l'objet d'une
indemnisation puisqu'aucune loi autrichienne ne prévoit expressément la réparation d'un préjudice moral de
cette nature.
24
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
l’ont transposée alors qu’ils étaient tenus de le faire avant le 1er janvier 2002. Dans un premier
temps, la Commission a adressé un avis motivé aux huit États membres qui ne l'avaient pas
encore informé des mesures adoptées en droit national pour mettre en œuvre la directive (voir
IP/03/3). A ce jour, quatre Etats n’ont toujours pas procédé à cette transposition, à savoir
d'une part l’Espagne qui ne l’a transposé que partiellement, et d'autre part, la Belgique, la
France et le Luxembourg qui n’ont encore pris aucune disposition. La Commission a donc
décidé d’intenter une action à leur encontre (IP/03/1009).
Parmi les Etats membres qui l’ont transposé, certains ont opté pour une transposition a
minima, c’est le cas notamment de l’Italie qui a introduit dans son Code civil un nouveau
paragraphe (1519bis-1519septies) qui, sous le titre « Vente de biens de consommations »,
établit les nouvelles règles des rapports entre consommateurs et vendeurs54. D’autres comme
l’Autriche, ont au contraire choisi de procéder à une transposition large de la directive comme
le permet son article 8§2. Le champ d’application de la loi de transposition ne se limite pas
aux seuls contrats de consommation, en outre, alors que la directive excluait de son domaine
de compétence les immeubles, l’électricité et l’eau, le Code civil autrichien nouveau ne fait
aucune exception, le texte est ainsi plus simple mais aussi plus harmonieux55. Même si les
choix de ces législateurs sont différents, on arrive néanmoins à un rapprochement de ces
textes, ainsi le délai pour agir est de deux ans dans les deux pays, alors qu’auparavant il était
de six mois en Autriche. Dans ce dernier cas, non seulement la directive permet une
harmonisation mais de plus, elle accorde des droits plus larges à l’acquéreur (qu’il contracte
en tant que consommateur ou professionnel).
En revanche, pour d’autres Etats membres, cette directive risque de n’avoir aucun effet
harmonisateur, au contraire, elle pourrait éloigner des législations qui jusque là étaient
sensiblement identiques. C’est le cas de la France et de la Belgique, en effet, cette dernière a
adopté le Code Napoléon de 1804 et dans l’ensemble le droit de la vente de ces deux pays est
resté inchangé depuis. Pour l’heure, aucun de ces pays n’a encore transposé la directive, la
Commission a d’ailleurs engagé une action à leur encontre. Ils ont pourtant tous les deux
rédigé un avant-projet de loi de transposition mais ceux-ci adoptent une politique totalement
différente.
54
55
MARTINELLO P., REDC, 2001, p. 382.
TUCHLER M., REDC, 2001, p. 179.
25
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
Ainsi, le projet de loi belge opte pour une transposition a minima. Bien qu’elle n’ait
pas de Code de la consommation (la France est un des rares pays à en posséder un), mais une
loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du
consommateur, il aurait semblé logique comme elle souhaite restreindre le champ
d’application de sa transposition aux seuls contrats de consommation, qu’elle incère le texte
de la directive à cette loi. Pourtant, d’après ce projet, il s’agirait d’ajouter au titre VI du Livre
III du Code civil, qui contient les dispositions relatives au contrat de vente, une nouvelle
section IV (art. 1649bis à 1649octies), intitulée « Dispositions relatives aux ventes à des
consommateurs » qui prendrait place au sein du chapitre IV relatif aux obligations du vendeur.
Cela signifie donc que le droit de la vente tel qu’il est prévu par le Code civil tel qu’on le
connaît actuellement, ne serait plus applicable qu’entre professionnels ou entre particuliers,
pour les contrats entre un professionnel et un consommateur, il faudrait appliquer la nouvelle
section IV qui transpose la directive. Ce choix nous semble contestable car il va
considérablement alourdir le droit de la vente et pourrait être source d’insécurité juridique car
il peut être délicat de déterminer dans quel cas un contrat est de nature consumériste56.
En France, le 13 octobre 2000, la Chancellerie a nommé un groupe de travail présidé
par Geneviève Viney, chargé de réfléchir aux modalités d’intégration de la directive 1999/44.
Ce groupe s’est mis d’accord sur la rédaction d’un avant-projet de loi57, et a opté au contraire
pour une transposition large. Alors qu’il aurait pu en toute simplicité, transposer la directive
dans le Code le la consommation, il a préféré en profiter pour opérer une refonte globale du
droit de la vente en France. Nous reviendrons ultérieurement sur le contenu de cet avant-projet
de loi mais nous pouvons d’ores et déjà en conclure que les droits de la vente belge et français
qui sont encore aujourd’hui identiques, pourraient devenir très distincts. Certes, il ne s’agit
encore que de projets mais alors que la directive du 25 mai 1999 avait pour but une
harmonisation du droit des garanties en Europe, la faculté qui est ouverte aux Etats de
transposer le texte en adoptant des dispositions plus strictes pour assurer un niveau de
protection plus élevé du consommateur (art. 8§2), pourrait avoir l’effet pervers d’éloigner des
législations jusqu’ici très proches.
56
On peut ici faire un parallèle avec la jurisprudence française qui a été longtemps hésitante sur ce point. Elle a
dans un premier temps adopté une définition large, un professionnel qui passait un contrat pour l’exercice de son
activité mais qui n’entrait pas dans le cadre de son domaine de compétence pouvait bénéficier de la législation
protectrice des consommateurs (Civ. I, 06 janvier 1993, JCP 1993, p. 68). Désormais, la jurisprudence refuse la
qualité de consommateur à un contractant dès que le contrat présente un rapport direct avec son activité
professionnelle (Civ. I, 24 janvier 1995, D. 1995, somm. 229, obs. Delebecque).
57
Consultable sur le site http://www.justice.gouv.fr/publicat/RappGTIDFb.htm
26
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
La démarche actuelle du droit communautaire en vue de rapprocher les législations ne
semble pas pleinement satisfaisante, il serait donc peut-être temps de la repenser (section II).
27
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
SECTION II. LA NECESSITE D’UNE NOUVELLE
APPROCHE DU DROIT DES CONTRATS
Pas plus que la législation communautaire, le droit français des contrats n’est
approprié, il faudrait donc le repenser (sous-section 1) et ce, dans un esprit de rapprochement
des législations (sous-section 2).
Sous-section 1. Le Code civil français, un outil dépassé
Dans le domaine du droit des contrats, le Code civil ne paraît plus adapté à notre
société (I) mais la transposition de la directive de 1999 sur certains aspects de la vente et des
garanties des biens de consommation pourrait être l’occasion de le moderniser (II).
I.
Un contenu plus en harmonie avec son temps
Pour remédier à l’obsolescence sur certains points du Code civil, les magistrats ont dû
en faire une interprétation très large et parfois même découvrir de nouveaux principes (A).
Comme le Code ne correspond plus au droit réellement applicable, nous devrions peut-être
nous inspirer du droit allemand car le BGB vient d’être rénové en profondeur (B).
A. Le rôle du juge
Si d’aucuns retiennent que « le Code civil n’a pas vécu crispé sur lui-même »58, les
réformes qu’ils mettent en exergue, si profondes soient-elles, ne concernent pas le droit des
contrats mais plutôt celui de la famille comme les régimes matrimoniaux, le divorce ou plus
58
CORNU G., Un code civil n’est pas un instrument communautaire, D., 2002, Chron. p. 352.
28
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
récemment le PACS. Mais de ce « bain de jouvence »59, le droit des contrats n’a pas profité et
est resté presque inchangé depuis 1804. Si à l’époque il s’agissait d’un texte très novateur
dans son principe et moderne dans son contenu et qu’il a su perdurer malgré les
bouleversements politiques et économiques, il a vieilli60 et il semble aujourd’hui dépassé sur
certains points. On peut tout d’abord relever que le langage employé n’est guère
compréhensible du grand public, avant même d’aborder le fond, il serait bon de réécrire
certains articles du Code civil pour les mettre à la portée de tous. Actuellement le Code est un
outil qui fait peur et que nombreux croient réservé à une élite intellectuelle, ce qui est
difficilement conciliable avec le principe selon lequel nul n’est censé ignorer la loi. Le
vocabulaire et les tournures de phrase sont désuets mais le contenu aussi est marqué par une
époque et n’a pas su s’adapter. C’est ainsi que si notre Code a longtemps servi de modèle, en
particulier pour le Code civil égyptien et le droit libanais mais on en retrouve également des
traces jusqu’en Amérique latine et au Japon61, en revanche, certains pays comme le Québec
qui s’en étaient fortement inspirés s’en sont éloignés en prenant pour modèle des textes plus
récents.
Conscients de ce manque d’actualité, les juges ont vu leur rôle considérablement
augmenter et ont interprété le Code dans un esprit de moins en moins fidèle à sa lettre. Alors
qu’une large partie du XIXème siècle a été marquée par l’Ecole de l’exégèse qui prônait une
interprétation au plus près du Code, dès le début du XXème , la doctrine a revendiqué la
diversification des sources du droit et ce notamment pour l’interprétation du Code. C’est en
particulier le cas pour Gény qui, par la libre recherche scientifique, retient que dans les
hypothèses non prévues par le législateur, le juge peut rechercher en dehors de la loi les
instruments lui permettant de résoudre une question. De son côté, Saleilles prônait la méthode
historique qui consistait à interpréter le Code en fonction du contexte historique, d’autres
comme Lambert recherchaient la solution la plus juste grâce au droit comparé.
Aussi, allons-nous voir comment le juge français a su adapter le droit des contrats
d’une part en intégrant les évolutions de notre temps (1) et d’autre part par l’observation du
travail législatif étranger (2).
59
Ibid, p. 352.
FAUVARQUE-COSSON B., Faut-il un Code civil européen ?, RTD Civ., 2002, p. 464.
61
LEQUETTE Y., Quelques remarques à propos du projet de code civil européen de M. von Bar, D., 2002,
Chron. p. 2202.
60
29
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
1) Une interprétation à la lumière du contexte historique
Depuis la rédaction du Code civil, le droit des contrats a été le siège de créations
prétoriennes particulièrement marquantes, c’est ainsi par exemple, que remettant en cause le
volontarisme contractuel, les magistrats, conscients que l’inégalité de fait entre les parties,
n’ont eu de cesse de tenter de rééquilibrer les relations contractuelles. La jurisprudence a ainsi
considérablement augmenté les obligations à la charge du professionnel. S’appuyant sur
l’article 1135 du Code civil62, elle a par exemple découvert l’obligation de sécurité63 mais
c’est encore dans les contrats de consommation qu’elle a multiplié les obligations
complémentaires à la charge du professionnel. Elle a notamment reconnu des obligations
d’information ou de conseil, qu’on retrouve par exemple dans les contrats de prêt d’argent, les
banquiers ne pouvant consentir de prêts qu’ils savent insupportables pour leur client64.
Ces derniers temps, même dans le domaine des contrats d’affaire, la jurisprudence a
pris conscience de l’inégalité des parties et a cherché à en limiter les conséquences sans
remettre en cause le principe de la liberté contractuelle. Cette tendance se manifeste par une
jurisprudence libérale empreinte de moralité, les juges semblent accorder plus de libertés aux
parties, à condition qu’elles n’en abusent pas. Cela se traduit souvent par le passage d’un
contrôle a priori du juge à un contrôle a posteriori. Mais ce glissement est parfois si marqué
que les interprétations du Code civil par les tribunaux peuvent parfois sembler être contra
legem, en outre, leur manque de prévisibilité peut être source d’insécurité juridique. Cette
« philosophie de la solidarité »65 a inspiré la Cour de cassation dans son arrêt Alcatel du 29
novembre 1994 et de façon particulièrement éclatante dans les fameux arrêts d’Assemblée
plénière de la Cour de cassation du 1er décembre 199566. Après une longue période
d’incertitudes en matière d’indétermination du prix dans les contrats cadres, l’Assemblée
plénière a admis la possibilité pour un fournisseur de déterminer unilatéralement les prix dans
chacun des contrats successifs. Elle a ainsi déplacé son contrôle, il ne se situe plus au niveau
62
Art. 1135 :Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que
l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature.
63
Civ. 21 novembre 1911, GAJC, 11ème éd., n°262, reconnaissant une obligation de sécurité de résultat à la
charge du transporteur.
64
Civ. I, 27 juin 1995, Bull. civ. n°287.
65
JAMIN Ch., Réseaux intégrés de distribution : De l’abus dans la détermination du prix au contrôle des
pratiques abusives, JCP, 1996, I 3959, p. 343.
66
Cass. Ass. plén., 1er décembre 1995, Bull. civ. n°7 et 8, Civ. I, 29 novembre 1994, Bull. civ., n°348.
30
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
de la formation du contrat mais à celui de son exécution ce qui implique que les contrats
cadres n’encourent plus l’annulation dont l’effet rétroactif était désastreux. Désormais, seul
l'abus dans la fixation ultérieure du prix peut donner lieu à résiliation ou indemnisation ce qui
restreint considérablement la puissance des distributeurs.
De même, en matière de résolution, une jurisprudence récente qui a été très
controversée, a remis en cause l’article 1184 du Code civil selon lequel la résolution est
nécessairement judiciaire67, en reconnaissant la validité de résolutions unilatérales68. On peut
tout d’abord y voir une jurisprudence contra legem regrettable car elle légitime une justice
privée, de plus, elle amoindrit la portée traditionnelle du respect dû à la force obligatoire du
contrat69. Toutefois, on peut également l’appréhender comme une simple exception au
principe de résolution judiciaire car le juge conserve un pouvoir de contrôle a posteriori de la
gravité du manquement du contractant défaillant70. Cette jurisprudence semble être le reflet
d’une évolution inévitable du droit des contrats guidée par un souci d’efficacité économique71.
En effet, les échanges se font actuellement beaucoup plus vite. Quand un contractant est
défaillant, la partie lésée doit pouvoir réagir très rapidement afin de maintenir son activité et
de retrouver d’autres partenaires commerciaux. L’attente d’une résolution judiciaire pourrait
au contraire remettre en cause son activité. De plus, loin de consacrer une justice privée, elle
retient un contrôle a posteriori du juge qui s’assure qu’il y a bien eu un manquement grave de
la part d’une partie à ses obligations. Dans le cas contraire, le cocontractant qui a pris
l’initiative de la résolution en assume les conséquences, celle-ci étant à ses risques et périls.
2) L’alignement des solutions nationales sur les droits étrangers
Pour certains, cette liberté d’interprétation dont font preuve les magistrats est
inopportune. S’écarter de la sorte du Code civil est très critiquable sur le principe, mais l’est
encore plus quant aux conséquences que cela engendre car ces interprétations peuvent être
67
Art. 1184 :La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas
où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été
exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la
résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
68
Civ. I, 13 octobre 1998, Bull. civ., n°380, Civ. I, 20 février 2001, Bull. civ., n°40.
69
JAMIN Ch., note sous Civ. I, 20 février 2001, D., 2001, p. 1569.
70
RZEPECKI N., note sous Civ. I, 13 octobre 1998, JCP, 1999, p. 1413.
71
JAMIN Ch., note sous Civ. I, 13 octobre 1998, D., 1999, p. 199.
31
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
source d’insécurité juridique. Le manque d’actualité du Code civil et les tentatives
jurisprudentielles pour y remédier ont le désavantage de l’imprévisibilité et sont autant de
raisons qui expliquent que notre Code ait perdu de son rayonnement. S’il a été longtemps
repris par nombre de législateurs étrangers, c’est qu’il était certes d’une grande qualité, mais
aussi qu’il était le seul. Par la suite de nouveaux codes qui ne s’inspiraient pas du Code
Napoléon ont vu le jour, c’est notamment le cas du BGB allemand au début du XXème. Depuis,
les législateurs étrangers ont diversifié leurs sources d’inspiration, allant jusqu’à revenir sur
des principes qu’ils avaient emprunté au droit civil français. C’est en particulier le cas des
législateurs québécois et néerlandais qui avaient adopté le système français de la résolution
judiciaire. A l’occasion de la refonte récente de leurs Codes civils, ils sont revenus sur ce type
de résolution pour lui préférer la résolution unilatérale72. Nous soutenons donc cette nouvelle
jurisprudence en matière de résolution unilatérale car elle correspond à un mouvement auquel
la France doit prendre part. Elle s’inscrit dans un courant général au niveau communautaire et
international qui retient, à titre de principe, la résolution unilatérale73. On la retrouve en
particulier dans la Convention de Vienne de 1980 sur la vente internationale de marchandises
(art. 49§1 et 64§1)74, dans les Principes du droit européen des contrats mis au point par la
commission Lando (art. 9-301§1)75 ou encore dans les Principes Unidroit relatifs aux contrats
du commerce international (art. 7.3.1). Cette jurisprudence est le fruit d’un transfert de droit
de nature horizontale76 car elle n’est pas issue d’un texte mais de la jurisprudence. A force de
rencontrer la notion de résolution unilatérale dans les droits étrangers, pour ne pas que la
France se retrouve isolée d’un point de vue commercial, il était nécessaire qu’elle aligne ses
solutions sur celles de ses voisins. D’une façon générale, on peut donc retenir que les
transferts de droit sont propices à un rapprochement des différents droits nationaux.
72
Ibid.
RAYNARD J., note sous Civ. I, 13 octobre 1998, RTD Civ., 1999, p. 506.
74
Art. 49§1 : L’acheteur peut déclarer le contrat résolu :
a) si l’inexécution par le vendeur de l’une quelconque des obligations résultant pour lui du contrat ou de la
présente Convention constitue une contravention essentielle au contrat; ou
b) en cas de défaut de livraison, si le vendeur ne livre pas les marchandises dans le délai supplémentaire imparti
par l’acheteur conformément au paragraphe 1 de l’article 47 ou s’il déclare qu’il ne livrera pas dans le délai ainsi
imparti.
Art. 64§1 : Le vendeur peut déclarer le contrat résolu:
a) si l’inexécution par l’acheteur de l’une quelconque des obligations résultant pour lui du contrat ou de la
présente Convention constitue une contravention essentielle au contrat; ou
b) si l’acheteur n’exécute pas son obligation de payer le prix ou ne prend pas livraison des marchandises dans le
délai supplémentaire imparti par le vendeur conformément au paragraphe 1 de l’article 63 ou s’il déclare qu’il ne
le fera pas dans le délai ainsi imparti.
75
Art. 9-301§1 : Une partie peut résoudre le contrat s'il y a inexécution essentielle de la part du cocontractant.
76
JAMIN Ch., Un droit européen des contrats ?, Op. cit., p. 44.
73
32
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
Pour conclure, la jurisprudence permet, comme nous l’avons vu, d’actualiser en partie
le droit des contrats, toutefois, d’autres notions nécessiteraient également d’être revisitées, ne
serait-ce que parce qu’elles correspondent à des concepts connus de notre seul droit comme
par exemple la cause. Il serait donc peut-être temps de réécrire largement la partie du Code
civil qui traite du droit des contrats en y intégrant les nouvelles jurisprudences et en
s’intéressant de près aux autres législations. A l’heure où l’on parle d’un rapprochement du
droit des contrats en Europe, le Code civil français pourrait ainsi faire à nouveau figure
d’exemple.
A ce titre, le législateur allemand nous montre l’exemple car il vient de reprendre son
droit des contrats (B).
B. Le BGB, un exemple de modernisation à méditer
Le 1er janvier 2002, le Code civil allemand ou BGB, a connu une des transformations
les plus importantes de toute son existence. La réforme du droit des obligations était en
suspens depuis de nombreuses années mais le législateur allemand a profité de la transposition
de la directive 1999/44 pour le reprendre dans sa totalité77. La question s’est également posée
de savoir s’il fallait opter pour une transposition stricte ou s’il fallait étendre le contenu de la
directive à tous les contrats de vente. C’est cette dernière solution qui a été retenue. Le
législateur ne voulait pas d’un nouveau droit spécial de la vente réservé aux consommateurs
qui se serait surajouté au droit de la vente général du BGB, aux règles complémentaires en
matière commerciale et au droit de la vente internationale issu de la Convention de Vienne.
C’est directement le droit de la vente du BGB qui a été repris. Mais au-delà d’une
transposition large de la directive, c’est bien tout le droit des contrats qui a été repris.
En effet, le BGB avait lui aussi perdu de son rôle. Tout d’abord, de nouvelles lois ont
été édictées sans être intégrées au BGB, le droit des obligations se trouvait pour partie dans le
BGB mais également dans de nombreuses lois annexes. Ceci était notamment le cas des lois
de transpositions de directives communautaires portant sur la protection des consommateurs
comme celles sur le démarchage à domicile, le time-share ou encore la vente à distance. Le
77
SCHLEY M., La grande réforme du droit des obligations en Allemagne, D., 2002, p. 1738.
33
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
BGB avait également en partie perdu de sa valeur par de nombreuses créations prétoriennes
comme la résolution pour motif grave des contrats à exécutions successives78. Désormais, le
BGB intègre tous ces points ce qui refait de lui une source législative exhaustive du droit des
obligations.
En outre, les auteurs de la réforme ont cherché à simplifier ce droit en renonçant à
certaines notions connues du seul droit allemand comme la « violation positive » qui visait à
protéger les victimes d’inexécutions contractuelles. Il est d’ailleurs intéressant de relever que
ses sources d’inspiration sont la Convention de Vienne, les Principes Unidroit et les Principes
du droit européen des contrats. Cela se retrouve entre autre dans le fait que la nouvelle
législation cherche au maximum à maintenir les contrats, même en cas d’inexécution par une
partie, on préférera lui accorder des délais pour agir plutôt que de rompre le contrat (§281) ce
qui correspond aux articles 46 et 47 de la Convention de Vienne79 et à l’article 8-106 des
Principes de la commission Lando80. Ceci peut s’expliquer par des considérations
économiques, chacune des parties peut être gagnante car si le contrat est rompu alors qu’il ne
s’agit que d’un simple retard dans l’exécution, le vendeur est susceptible de perdre des
marchandises, c’est le cas si elles sont périssables ou qu’elles ont été faites spécialement pour
la commande. De son côté, l’acquéreur devra intenter une action puis trouver un autre
fournisseur, il sera donc livré bien plus tard. De même, le droit allemand connaissait déjà le
principe de la résolution non judiciaire mais son domaine est étendu. Là encore, comme nous
l’avons signalé avec la jurisprudence française, le droit allemand s’aligne sur les instruments
d’uniformisation du droit, les articles 49 et 64 de la Convention de Vienne prévoient
également une telle résolution unilatérale, ainsi que l’article 9-301 des Principes du droit
européen des contrats.
Il ressort de tous ces éléments que la réforme a considérablement renforcé le BGB, il
est plus simple et ainsi plus accessible aux juristes étrangers. De la même façon qu’il s’est
inspiré d’instruments d’uniformisation, il pourrait servir de base dans l’hypothèse d’un code
européen des contrats. A l’heure actuelle, il semble beaucoup mieux armé que le Code civil
78
WITZ Cl., La nouvelle jeunesse du BGB insufflée par la réforme du droit des obligations, D., 2002, Chron., p.
3157.
79
Art. 46§1 : L’acheteur peut exiger du vendeur l’exécution de ses obligations, à moins qu’il ne se soit prévalu
d’un moyen incompatible avec cette exigence.
Art. 47§1 : L’acheteur peut impartir au vendeur un délai supplémentaire de durée raisonnable pour l’exécution de
ses obligations.
80
Art. 8-106§1 : Dans tous les cas d'inexécution, le créancier peut notifier au débiteur qu'il lui impartit un délai
supplémentaire pour l'exécution.
34
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
français pour être un moteur du rapprochement des législations au niveau communautaire. Le
législateur français devrait s’inspirer de cette réforme s’il souhaite que notre droit des
obligations ne soit pas écarté d’office lors d’une éventuelle harmonisation. Il faut accepter de
se remettre en cause et d’écarter certains points de notre droit qui nous éloignent trop des
autres législations si nous voulons que le droit français continue à avoir une influence
internationale.
Comme la France doit également transposer la directive de 1999 sur certains aspects
de la vente et des garanties des biens de consommation, peut-être est-ce aussi l’occasion pour
nous de réviser notre droit des obligations (II) ?
II.
La directive 1999/44, l’occasion de réformer le Code civil
Pour que le Code civil ne soit pas mis à l’écart dans l’hypothèse d’un rapprochement
des législations, il doit faire l’effort d’aller vers les autres législations. Il doit se montrer
ouvert aux autres systèmes juridiques et non rester dans sa tour d’ivoire en vivant sur ses
acquis. Le législateur français doit être capable de remettre en cause notre « constitution
civile »81 car depuis 1804, d’autres textes ont pris de l’avance sur notre Code. On pense
notamment au nouveau Code civil néerlandais entré en vigueur le 1er janvier 1992, après
cinquante ans de travaux préparatoires et qui témoigne d’une grande ouverture comparatiste.
C’est également le cas du droit allemand qui, comme nous l’avons vu, a écarté des notions
connues de lui seul. Il est temps de revoir nos particularismes qui, loin de nous mettre en
avant, nous placent au contraire en marge des autres systèmes juridiques. Pour Geneviève
Viney, c’est une attitude irrationnelle et même consternante qu’à l’heure de l’harmonisation,
les juristes français se replient sur eux-mêmes et maintiennent leurs particularismes, ils ne
doivent pas rester inconditionnellement attachés à une législation vieillie82.
Le point fondamental sur lequel diffèrent le droit de la vente français et celui issu de la
directive 1999/44 est leur conception des obligations de garantie du vendeur, alors que le droit
81
CARBONNIER J., Droit civil, Introduction, 26ème éd., Puf, coll. Thémis, 1999, n°78.
VINEY G., Quel domaine assigner à la loi de transposition de la directive européenne sur la vente ?, JCP,
2002, I 158, p. 1497.
82
35
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
français en a une vision dualiste (A), le droit communautaire consacre une obligation moniste
du vendeur (B).
A. Les obligations de garantie du vendeur en droit français
Une illustration de la vétusté de notre Code est que notre droit des contrats retient des
concepts qui ont déjà été abandonnés par d’autres législateurs car ils étaient trop complexes.
C’est notamment le cas en matière d’obligation de garantie du vendeur dont traite la directive
1999/44. En effet, le droit français a une conception dualiste des garanties dues par le vendeur
tel qu’il ressort de l’article 1603 du Code civil83. Il doit d’une part procéder à la délivrance
conforme de la chose objet du contrat, d’autre part, il est garant des défauts cachés de la chose
comme le prévoit l’article 1641 du Code civil84. Chacune de ces obligations obéit à un régime
différent, si le vendeur a failli à son obligation de délivrance conforme, l’acquéreur pourra au
choix, demander l’exécution ou la résolution de la vente conformément à l’article 1610 du
Code civil85. La garantie de l’article 1641, qui remonte à l’époque du droit romain, d’où elle a
gardé son autre nom de garantie édilicienne86, permet également à l’acquéreur de choisir entre
deux actions, l’action estimatoire, qui lui permet de récupérer auprès du vendeur le montant
de la perte subie, ou l’action rédhibitoire qui provoque l’anéantissement du contrat87.
En théorie, ces deux types de recours dont bénéficie l’acquéreur, sont bien distincts et
correspondent à des manquements différents de la part du vendeur. La délivrance non
conforme correspond à la livraison d’une chose saine mais différente de celle qui a été
contractuellement prévue, on la retrouve par exemple quand l’ordinateur livré n’a pas la
puissance promise88. L’obligation de garantie du vendeur est en revanche mise en cause
lorsqu’il livre la chose qui a été prévue au contrat, qu’elle est d’apparence saine mais qu’en
réalité elle comporte un vice qui la rend impropre à son usage. Pour mettre en jeu cette action,
83
Art. 1603 : Il a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.
Art. 1641 : Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent
impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas
acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
85
Art. 1610 : Si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur
pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait
du vendeur.
86
Les édiles étaient des magistrats élus pour administrer certains domaines publics, ils sont à l’origine d’une
obligation de garantie des défauts par les vendeurs d’esclaves.
87
Art. 1644 : Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer
le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts.
88
Civ. I, 13 octobre 1993, Sté Bouchonnerie Gabriel, Bull. n°287.
84
36
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
l’acquéreur a dû s’assurer que la chose ne présentait pas de vice, ce qui s’apprécie in concreto
c’est-à-dire en fonction de la personne89. Mais ce qui distingue surtout ces actions est que
l’action en délivrance conforme se prescrit par trente ans en matière civile, dix, en matière
commerciale, alors que l’action en garantie des vices cachés doit être engagée à bref délai.
L’article 164890 ne donne pas de précision sur ce qu’il faut entendre par « bref délai » mais
selon la jurisprudence il varie entre six et douze mois.
Si ces deux actions semblent a priori bien différentes, il y a eu de nombreuses
tentatives tant doctrinales que jurisprudentielles pour étendre le domaine de l’action en
délivrance conforme afin de faire passer des vices cachés pour des défauts de conformité et
bénéficier ainsi de leur délai pour agir. Or, en pratique, dans certaines situations, il est en effet
très difficile de trouver la frontière entre les deux actions car elles sont fondées sur des notions
imprécises. Depuis plusieurs années, la doctrine a tenté de mettre au point divers critères pour
éviter que ces actions ne se chevauchent, le Professeur Bénabent a essayé de les classer selon
un ordre chronologique91, l’obligation de délivrance conforme étant antérieure à la garantie
des vices cachés, mais cela n’a eu aucun échos en jurisprudence, de même, on a retenu des
critères conceptuels, fonctionnels92, mais aucun n’a été capable de distinguer à coup sur les
deux actions. Des auteurs ont en revanche su stigmatiser l’enchevêtrement de ces actions à
propos d’un arrêt d’Assemblée plénière, « la chose qui présente un défaut caché n’est pas
conforme à ce que les parties avaient convenu ; le vice caché rejoint le défaut de conformité.
Inversement, la chose non conforme à ce dont les parties étaient convenues est fréquemment
impropre à l’usage auquel on la destine ; le défaut de conformité rejoint alors le vice caché »93.
En substance, on peut de façon caricaturale retenir que si une chose a un vice, qu’il soit caché
ou non, elle ne correspond pas aux attentes de l’acquéreur, les parties n’ont en effet pu
s’entendre contractuellement sur l’existence d’un vice, la chose n’est donc pas conforme.
89
Civ. I, 24 février 1964, Bull. n°105, a retenu comme vice caché, le fait qu’un cheval ait été borgne lors de la
vente car cette infirmité ne pouvait être décelée que par un examen approfondi auquel un acheteur n’a pas
coutume de se livrer personnellement.
90
Art. 1648 : L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai,
suivant la nature des vices rédhibitoires, et l'usage du lieu où la vente a été faite.
91
BENABENT A., note sous arrêt, Civ. I, 5 février 1993, D., 1993, p. 506.
92
TOURNAFOND O., Distinction entre vices cachés et défaut de conformité, D., 1997, sommaires commentés,
p. 346.
93
TERRE F., LEQUETTE Y., observations sous Ass. plén., 7 février 1986, in Les grands arrêts de la
jurisprudence civile, 11ème éd, 2000, Dalloz.
37
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
La directive 1999/44 semble adopter une conception plus simple de l’obligation de
garantie du vendeur dont il serait judicieux de s’inspirer (B).
B. La consécration de la conception moniste de l’obligation de garantie du vendeur dans la
directive sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation
Contrairement au droit français, la directive de 1999 sur certains aspects de la vente et
des garanties des biens de consommation adopte une conception moniste de l’obligation de
garantie du vendeur, celui-ci est tenu de livrer au consommateur un bien conforme au contrat
de vente (article 2§1). La directive prévoit également une liste de présomptions de conformité
du bien dans laquelle on retrouve tant des critères de l’obligation de conformité que de la
garantie édilicienne94. C’est sur ce point que les débats entre juristes français ont été les plus
vifs95. Si la question semblait être de savoir s’il faut transposer la directive dans le Code de la
consommation ou dans le Code civil, le fond du problème était surtout de savoir s’il fallait
remettre en cause notre principe dualiste. Opérer une transposition dans le Code de la
consommation signifierait que dans les seuls contrats de consommation l’approche dualiste
serait supprimée et parallèlement, pour les contrats entre professionnels ou entre non
professionnels, le concept dualiste, source d’insécurité juridique serait maintenu. Le système
actuel est déjà compliqué, si on devait lui ajouter un nouveau droit de la vente à destination
94
Art. 2§2 : Le bien de consommation est présumé conforme au contrat:
a) s'il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités du bien que le vendeur a présenté
sous forme d'échantillon ou modèle au consommateur;
b) s'il est propre à tout usage spécial recherché par le consommateur, que celui-ci a porté à la connaissance du
vendeur au moment de la conclusion du contrat et que le vendeur a accepté;
c) s'il est propre aux usages auxquels servent habituellement les biens du même type;
d) s'il présente la qualité et les prestations habituelles d'un bien de même type auxquelles le consommateur peut
raisonnablement s'attendre, eu égard à la nature du bien et, le cas échéant, compte tenu des déclarations publiques
faites sur les caractéristiques concrètes du bien par le vendeur, par le producteur ou par son représentant,
notamment dans la publicité ou l'étiquetage.
95
notamment : VINEY G., Quel domaine assigner à la loi de transposition de la directive européenne sur la
vente ?, JCP, 2002, I 158, p. 1497, Retour sur la transposition de la directive du 25 mai 1999, D., 2002, p. 3162,
TOURNAFOND O., Remarques critiques sur la directive européenne du 25 mai 1999 relative à certains
aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, D., 2000, p. 159, De la transposition de la
directive du 25 mai 1999 à la réforme du Code civil, D., 2002, Chron. p. 2883, TROCHU M., Vente et garantie
des biens de consommation : directive CE n°1999/44 du 25 mai 1999, D., 2000, p. 119, PAISANT G., Quelle
transposition pour la directive du 25 mai 1999 sur les garanties dans la vente de biens de consommation ?, JCP,
2002, I 135, p. 923.
38
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
des consommateurs, la situation serait pire encore, et ce d’autant que la jurisprudence est
incertaine pour déterminer ce que recouvrent les contrats de consommation96.
C’est donc pour rendre le droit de la vente plus abordable et plus conforme à celui des
pays voisins, qui pour la plupart reconnaissent une obligation moniste du vendeur, mais
également par souci rationnel, que le groupe de travail nommé par le ministère de la justice a
opté pour une transposition large97. En incérant au Code civil le texte de la directive, il met un
terme à notre système dualiste car il applique à toutes les ventes, quelle que soit la qualité des
parties et la nature de l’objet de la vente ce « devoir de délivrance conforme »98. Ce choix est
d’autant plus louable que cette obligation moniste du vendeur est également celle reconnue
par la Convention de Vienne99. Cette réforme d’envergure que propose le groupe de travail
présidé par Geneviève Viney devrait mettre fin à un particularisme de notre droit que nous ne
maîtrisons même pas et nous permettre de rejoindre le mouvement d’harmonisation du droit
des contrats en Europe sans renoncer à ce qui est bon dans notre droit100, nous pensons
notamment à notre souci de protection de l’acquéreur, l’avant-projet de loi va d’ailleurs
beaucoup plus loin que la directive dans les délais qui lui sont accordés (de 2 ans dans la
directive, ils passent à 5 pour les meubles et 10 ans pour les immeubles cf. nouvel art. 1648).
96
Dans un premier temps elle a adopté une définition large, un professionnel qui passait un contrat pour
l’exercice de son activité mais qui n’entrait pas dans le cadre de son domaine de compétence pouvait bénéficier
de la législation protectrice des consommateurs (Civ. I, 06 janvier 1993, JCP, 1993, p. 68). Désormais, la
jurisprudence refuse la qualité de consommateur à un contractant dès que le contrat présente un rapport direct
avec son activité professionnelle (Civ. I, 24 janvier 1995, D., 1995, somm. 229, obs. Delebecque).
97
JOURDAIN P., Le domaine d’application de la loi, in La transposition en droit français de la directive
européenne du 25 mai 1999 relative à la vente, JCP éd. E., 2003, supplément n°1, p. 8.
98
Art.1641 de l’avant-projet de loi : Le vendeur est tenu de livrer une chose conforme au contrat et répond des
défauts de conformité existant lors de la délivrance, quand même il ne les aurait pas connus. La chose est
conforme au contrat lorsqu'elle présente les caractéristiques que les parties ont définies d'un commun accord et
qu'elle est propre à l'usage habituellement attendu d'une chose semblable.
99
Art. 35§1 : Le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité et le type répondent à ceux qui
sont prévus au contrat, et dont l’emballage ou le conditionnement correspond à celui qui est prévu au contrat.
§2 : A moins que les parties n’en soient convenues autrement, les marchandises ne sont conformes au contrat que
si:
a) elles sont propres aux usages auxquels serviraient habituellement des marchandises du même type;
b) elles sont propres à tout usage spécial qui a été porté expressément ou tacitement à la connaissance du vendeur
au moment de la conclusion du contrat, sauf s’il résulte des circonstances que l’acheteur ne s’en est pas remis à la
compétence ou à l’appréciation du vendeur ou qu’il n’était pas raisonnable de sa part de le faire;
c) elles possèdent les qualités d’une marchandise que le vendeur a présentée à l’acheteur comme échantillon ou
modèle;
d) elles sont emballées ou conditionnées selon le mode habituel pour les marchandises du même type ou, à défaut
de mode habituel, d’une manière propre à les conserver et à les protéger.
§3 : Le vendeur n’est pas responsable, au regard des alinéas a) à d) du paragraphe précédent, d’un défaut de
conformité que l’acheteur connaissait ou ne pouvait ignorer au moment de la conclusion du contrat.
100
VINEY G., Retour sur la transposition de la directive du 25 mai 1999, D., 2002, p. 3162.
39
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
Au même titre que le législateur allemand, cette directive nous donne l’opportunité
d’améliorer, simplifier et rapprocher notre droit de la vente de celui de nos voisins, il semble
que ce soit une occasion à ne pas laisser passer. Il ne sert à rien non plus d’opter pour le statu
quo sous prétexte que quoi que nous fassions l’harmonisation qui est proche se chargera de
modifier notre législation. En effet, il ne faut pas perdre de temps pour réformer notre
législation car l’harmonisation, elle, peut en revanche tarder. Il ne faut donc pas refaire
l’erreur que le législateur a commise au début des années soixante dans son travail de
réécriture du Code civil en écartant le droit des obligations au bénéfice de celui de la famille
sous prétexte qu’une unification européenne était proche101. En revanche, si chaque pays
adapte son droit dans un sens commun cette harmonisation pourrait intervenir plus rapidement
et surtout, cela permettrait à la législation française d’être prise avec plus de considération et
ainsi de jouer un rôle fort au lieu de se voir imposer un texte qui lui est totalement étranger.
Pour Madame Fauvarque-Cosson, la meilleure des stratégies consiste sans doute à
entreprendre une réforme d’ensemble des obligations, tout en participant aux divers travaux
actuels d’unification du droit privé européen102.
Les législations communautaire et interne ne sont pas satisfaisantes en droit des
contrats ce qui est un frein à la réalisation du marché intérieur, il est donc temps de réfléchir
concrètement à un rapprochement des législations qui apparaît incontournable (sous-section
2).
Sous-section 2. Le rapprochement des législations
Le rapprochement des droits civils est souhaitable mais il faut s’interroger pour savoir
à quel niveau le faire, international ou communautaire, spontanément ou par l’action (I) et
quels domaines particulièrement doivent être concernés (II).
101
AUBRY H., L’influence du droit communautaire sur le droit français des contrats, thèse, PUAM, 2002, p.
17.
102
FAUVARQUE-COSSON B., Faut-il un Code civil européen ?, Op. cit., p. 465.
40
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
I.
Quel champ géographique pour un rapprochement ?
Le droit international permet déjà un rapprochement, mais il semble insuffisant pour le
marché unique (A), c’est donc à ce stade qu’il faut avoir une réelle réflexion (B).
A. Le rapprochement issu du droit international inadapté au marché unique
On constate que le droit international conventionnel ne permet pas une harmonisation
satisfaisante (1), en outre, celui-ci tend à être remis en cause par les principes de droit
communautaire (2).
1) Les résultats limités du droit conventionnel
Comme le faisait remarquer la Commission dans sa communication de 2001, les
remèdes internationaux offrent des solutions à certains problèmes potentiels liés à des
différences en matière de droit national des contrats (point 16). Il existe l’unification de la
règle de conflit, en matière de conflit de lois, on connaît en particulier la Convention de Rome
de 1980 sur le droit applicable aux obligations contractuelles103, ratifiée par tous les Etats
membres. Elle reconnaît le principe de la loi d’autonomie tout en limitant le choix de la loi
dans les contrats déséquilibrés, en l'absence de choix, elle définit quel droit est applicable.
Elle permet ainsi l’application d’un droit unique quel que soit le juge saisi. Aussi, peut-on
considérer comme Paul Lagarde, que la Convention de Rome réalise une « unification souple
du droit international privé des contrats au sein de la Communauté économique
européenne »104. En revanche, l’article 1er de la Convention de Rome exclu de son domaine
d’application certaines questions relatives notamment au statut et à la capacité des personnes
physiques ou encore aux contrats d'assurance couvrant des risques situés dans les territoires
des États membres de la Communauté européenne. Le règlement du Conseil du 22 décembre
2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en
103
Convention 80/934 CEE du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, JOCE L 266 du
6/10/1980.
104
LAGARDE P., Le nouveau droit privé des contrats après l’entrée en vigueur de la Convention de Rome du
19 juin 1980, Rev. crit. DIP, 1991, p. 287.
41
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
matière civile et commerciale105 qui détermine l’instance compétente pour traiter d’une affaire
contribue également à ce rapprochement. Mais l’unification de la règle de conflit ne paraît pas
résoudre toutes les difficultés. Les normes uniformes sur les conflits de loi favorisent la
prévisibilité du droit applicable, mais, comme le fait remarquer le Professeur Gandolfi, elles
« n’éliminent pas cet obstacle qu’est la pluralité, la disparité des différents droits, qui se
manifeste parfois aussi sous l’aspect insidieux de la propension du juge saisi d’une affaire à
s’orienter vers le droit qui lui est familier »106. En outre, malgré l’uniformisation des règles de
conflit, il faut tout de même rechercher le contenu de la loi applicable, ce qui peut être long,
difficile et coûteux, c’est le cas par exemple si les parties au litige sont des ressortissants de
pays lointains, de langue rare et de systèmes juridiques différents107.
Il est également possible de procéder à une harmonisation des règles matérielles,
l'instrument le plus important étant la Convention de Vienne de 1980 sur la vente
internationale de marchandises (CVIM), adoptée par tous les États membres à l'exception du
Royaume-Uni, du Portugal et de l'Irlande. Elle s’applique automatiquement aux contrats de
vente internationale de marchandises sauf si les parties décident de l’écarter et choisissent
explicitement une autre loi pour régir leur contrat, cela correspond à une application de type
opt-out. Mais là encore, certains domaines y sont exclus, notamment les marchandises
achetées pour un usage personnel, familial ou domestique (art. 2, a)). Toutefois, il n’apparaît
pas souhaitable de procéder à une harmonisation au niveau international. Tout d’abord, même
si le bloc communiste n’existe plus, les Etats membres sont économiquement et politiquement
plus proches entre eux qu’ils ne le sont du reste du monde. De plus, à l’échelle internationale,
il serait difficile d’écarter l’hégémonie des Etats-Unis, la voix des pays de l’Union serait donc
faible. Enfin, comme nous l’avons signalé en introduction pour distinguer l’uniformisation de
l’harmonisation, plus le champ géographique est important, plus le contenu du texte de
rapprochement sera restreint. En effet, la Convention de Vienne ne s’applique qu’au
commerce international, seul un texte de niveau communautaire pourrait avoir vocation à régir
tous les contrats.
2) L’empiètement du droit communautaire sur le droit international
105
Règlement CE n° 44/2001, JOCE L 12 du 16/01/2001, p.1
GANDOLFI G., Pour un code européen des contrats, RTD Civ., 1992, p. 713.
107
TALLON D., Vers un droit européen du contrat ?, in Mélanges André Colomer, Litec, 1993, p. 487.
106
42
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
Comme nous l’avons vu, le marché unique n’a plus un objectif exclusivement
économique or, la réalisation du marché intérieur passe par la suppression des entraves à
certaines libertés économiques comme la liberté de circulation des travailleurs, des capitaux
ou la libre prestation de services. Or, pour satisfaire ces exigences, la jurisprudence de la Cour
de justice des Communautés européennes tend à faire prévaloir ces principes sur ceux du droit
international privé. Il en résulte un affrontement entre le droit international et le droit
communautaire, affrontement que la Convention de Rome évite en prévoyant dans son article
20 que le droit communautaire est prioritaire sur ses propres dispositions.
Selon un principe classique du droit international privé, les lois de police sont au
sommet de la hiérarchie des normes et sont d’application immédiate, ainsi, quel que soit le
droit normalement applicable, le juge peut imposer l’application des lois de police du for.
Pourtant, dans un arrêt récent, la Cour a retenu qu’au même titre que toute réglementation
nationale, les lois de police susceptibles d’entraver les échanges au sein de l’Union, devaient
être écartées au profit du droit communautaire108. L’arrêt Ingmar de la Cour de justice des
Communautés européennes du 9 novembre 2000109 est un autre exemple de la primauté du
droit communautaire sur le droit international privé. Alors que d’après la loi d’autonomie, la
loi d’un Etat tiers était applicable, l’arrêt reconnaît l’application de dispositions protectrices
de la directive de 1986 relative à la coordination des droits des États membres concernant les
agents commerciaux indépendants110, du seul fait que le contrat a été exécuté sur le territoire
de la Communauté. En effet, l’arrêt retient que les objectifs poursuivis par la directive exigent
que ses dispositions s'appliquent à tous les agents commerciaux établis dans un État membre,
indépendamment de la nationalité ou du lieu d'établissement de leur commettant (point 18).
La CJCE retient ici que des articles d’une directive peuvent avoir un effet impératif qui
implique que la loi d’un Etat tiers, normalement applicable au contrat soit évincée si elle est
en contradiction avec les objectifs poursuivis par le droit communautaire. Il ressort de cet arrêt
d’une part que le principe de la loi d’autonomie, fondamental en droit international, est remis
en cause, d’autre part, il conduit à la reconnaissance d’une nouvelle catégorie de lois de
police, les lois de police des Etats membres, qui s’ajoute aux lois de police du for et aux lois
de police des Etats tiers111. Cette solution a l’avantage de garantir les droits des agents
108
CJCE, 23 novembre 1999, Arblade, Rev. Crit. DIP., 2000, p. 710, note M. Fallon.
CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar GB Ltd, aff. C-381/98, Rec., p. 9305, Rev. crit. DIP., 2001, p. 107, note L.
Idot.
110
Directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États
membres concernant les agents commerciaux indépendants JOCE L 382, p. 17.
111
LOUSSOUARN Y., BOUREL P., Droit international privé, 7ème éd., Dalloz, 2001, n°133-1.
109
43
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
commerciaux mais elle est source d’insécurité juridique et témoigne d’une judiciarisation du
droit des contrats au niveau communautaire. En outre, cette jurisprudence est empreinte d’un
fort unilatéralisme qui aurait tendance à isoler la Communauté européenne du reste du monde
et ainsi à dissuader les Etats tiers de passer des contrats avec des ressortissants de l’Union
européenne. En effet, il en résulte que « toutes les directives communautaires de
rapprochement des législations sont susceptibles d’être érigées en lois de police puisqu’elles
visent toutes, à tout le moins indirectement, à diminuer les distorsions de concurrence qui
résultent des divergences des législations nationales »112.
Il ressort de cette jurisprudence que le droit international ne paraît pas à même de
procéder de façon satisfaisante à un rapprochement des législations car les principes du droit
communautaire prennent une valeur telle qu’ils remettent en cause les lois normalement
applicables en matière de contrats internationaux. En revanche, il semble qu’à l’échelle
communautaire un rapprochement soit plus efficace et plus approprié, celui-ci est d’ailleurs en
marche (B).
B. Une impulsion forte en faveur d’un rapprochement au niveau communautaire
Comme nous l’avons signalé, ces derniers temps, nous constatons un rapprochement
très sensible des législations au niveau communautaire mais on peut se demander ce qui en est
à l’origine. D’un côté, on retrouve les critères d’un rapprochement spontané proche de ce que
l’ancien droit a connu sous le non de jus commune (1). De l’autre côté, les institutions
communautaires cherchent à provoquer ce rapprochement (2).
1) Un nouveau jus commune ?
L’Europe n’a jamais eu de législateur unique à l’origine d’un système judiciaire
uniformisé. Au contraire, avant la grande période de codification du XIXème siècle qui avait
pour tête de file le Code civil français, chaque région avait ses propres lois, cette vague de
codification a donc permis d’uniformiser les législations au sein des Etats. Pour reprendre
l’exemple de la France, le Code civil de 1804 a rendu possible le rapprochement des deux
traditions légales les plus fortes de la France d’Ancien Régime desquelles découlaient toutes
112
IDOT L., note sous CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar GB Ltd, Rev. crit. DIP., 2001, p. 107, n°18.
44
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
sortes de législations spéciales, à savoir celle de droit écrit du sud, très influencée par le droit
romain, et celle de droit coutumier du nord113. Le Code Napoléon a ainsi réalisé l’unification
du droit civil en France puis a été suivi dans la plupart des pays d’Europe. L’autre effet de
cette codification a été de cloisonner ces nouvelles législations donnant naissance à des
nationalismes juridiques puis politiques.
Pourtant, avant cela, du Moyen Age aux temps modernes, malgré une Europe
morcelée, loin d’imposer une législation uniforme, le jus commune représentait un droit
commun par l’unité conceptuelle qu’il offrait aux entités politiques autonomes diverses que
représentaient les provinces, régions ou cités114. Ainsi coexistaient un jus porprium, particulier
à chaque ordre juridique, et un jus commune ou droit savant, seul enseigné dans toutes les
universités d’Europe ce qui permettait, pour reprendre les termes du Professeur Oppetit, de
« maintenir l’unité dans la diversité »115. Toutefois, il s’agissait moins de règles matérielles
uniformes que d’une manière commune d’appréhender les problèmes. Aussi, si ce phénomène
est particulièrement intéressant c’est parce qu’au départ spontané, il a été ensuite l’œuvre de
juristes qui en ont fait une source juridique commune qui fit de lui un droit savant d’origine
doctrinale. Si on évoque régulièrement le retour du jus commune, c’est justement en raison de
sa source doctrinale, celle-ci lui donne des similitudes avec le droit comparé dont le but était à
l’origine de dégager un fond juridique commun de l’ensemble des systèmes législatifs116. En
revanche, si un parallèle peut être fait entre le jus commune et le droit comparé, ils restent
distincts et celui-là ne risque pas de réapparaître. En effet, comme le souligne le Professeur
Basedow, ce qui le caractérisait ne se retrouve plus aujourd’hui, d’une part la doctrine avait
une langue commune, le latin, d’autre part elle avait une source unique, le droit romain qui a
considérablement perdu de son impact117. Quoi qu’il en soit, il n’est pas certain qu’une
« renaissance » du jus commune serait souhaitable car il ne correspondait pas à un droit du
progrès, il était notamment indifférent aux facteurs économiques et sociaux aussi, s’il est
113
REMY Ph., The French Code civil : a Model (Not) to Follow ?, ERA Forum 2002 special issue, p. 1
consultable sur le site http://www.era.int/.
114
MAGNIER V., Rapprochement des droits dans l’Union Européenne et viabilité d’un droit commun des
sociétés, Op. cit., p. 29.
115
OPPETIT B., Droit commun et droit européen, in L’internationalisation du droit, Mélanges Yvon Loussouarn,
Dalloz, 1994, p. 312.
116
JAMIN Ch., Le vieux rêve de Saleilles et Lambert revisité, RIDC, 2000, p. 733.
117
BASEDOW J., Un droit commun des contrats pour le marché commun, RIDC, 1998, p. 9.
45
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
possible de s’inspirer de cet ancien droit, il ne doit pas en revanche servir de modèle pour le
droit du futur118.
Il n’est plus question aujourd’hui pour le droit comparé de réaliser l’unification
universelle des législations, en revanche, l’étude des droits étrangers amène à une plus grande
tolérance envers ceux-ci, mais également à plus d’humilité et de recul vis-à-vis de notre
propre législation, cela met un terme à l’autarcie juridique qui a suivi l’ère des codifications.
C’est ainsi que naturellement, si des juristes de plusieurs Etats procèdent à de telles analyses
comparatistes, ils devraient s’accorder pour déterminer les notions étrangères les plus
pertinentes et ainsi s’en inspirer. C’est en procédant de la sorte que de façon lente mais
certaine, le travail de savants contribue à un rapprochement des législations qui convergent
toutes vers un droit idéal. Cette démarche neutre et systématique a été suivie dès 1982 par une
commission, à l’époque officieuse, d’universitaires issus de toute l’Europe, présidée par le
professeur Ole Lando, qui s’est attelée à l’élaboration de principes généraux de droit européen
du contrat.
2) L’impulsion des autorités communautaires
La tendance au rapprochement n’est pas le seul fait de personnes privées, les
institutions communautaires y contribuent également. Comme nous l’avons vu, la création
d’une union politique passe par une intégration juridique, dès lors, le rapprochement des
droits devient un instrument de la construction européenne119. C’est pour ces raisons que les
institutions européennes œuvrent depuis plusieurs années pour encourager le rapprochement
des législations.
C’est dans le sillage des travaux de la commission Lando, que le Parlement européen
s’est en premier intéressé à cette question. Par deux résolutions de 1989 et 1994, il a demandé
que soient entamés les travaux sur la possibilité d'élaborer un Code européen commun de
droit privé120. Pour lui, l’harmonisation de certains secteurs du droit privé est essentielle pour
118
DELMAS-MARTY M., Le phénomène de l’harmonisation, l’expérience contemporaine, in L’harmonisation
du droit des contrats en Europe, sous la direction de Ch. Jamin et D. Mazeaud, Economica, 2001, Collection
Etudes Juridiques, t. 11, p. 27.
119
MAGNIER V., Rapprochement des droits dans l’Union Européenne et viabilité d’un droit commun des
sociétés, Op. cit., p. 2.
120
Résolution A2-157/89, JOCE C 158 du 26/06/1989, p. 400; Résolution A3-0329/94, JOCE C 205 du
25/07/1994, p. 518.
46
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
l’achèvement du marché intérieur. Il a également affirmé que l’unification des principales
branches du droit privé sous la forme d'un Code civil européen constituerait le moyen le plus
efficace de réaliser l’harmonisation en vue de répondre aux exigences juridiques de la
Communauté pour réaliser un marché unique sans frontières. En 1999, le Parlement a publié
une « Etude comparative sur les ordres juridiques des Etats membres de l’Union européenne à
l’égard de discriminations pour des raisons liées à la nationalité ainsi qu’à l’égard de la
possibilité et la nécessité de la création d’un Code civil européen »121. Enfin, dans une
résolution du 16 mars 2000 concernant le programme de travail de la Commission pour 2000,
le Parlement européen a déclaré qu’une harmonisation plus poussée dans le domaine du droit
civil était devenue essentielle dans le marché intérieur et a demandé à la Commission
d’élaborer une étude dans ce domaine122. Dans sa réponse du 25 juillet 2000, la Commission a
déclaré qu’elle soumettrait le sujet aux autres institutions communautaires et au public afin
d’approfondir la question, ce qu’elle a fait avec sa communication de 2001 concernant le droit
européen des contrats123. Celle-ci fut le premier document de consultation publié par la
Commission européenne qui envisageait une discussion plus fondamentale sur les moyens de
traiter, au niveau européen, les problèmes découlant des divergences entre les différents droits
des contrats en vigueur dans l’Union européenne. La Commission y proposait quatre options
très différentes allant du statu quo laissant ainsi au marché le soin de régler tout problème, à
l’adoption d’un nouvel instrument au niveau communautaire qui pourrait par exemple prendre
la forme d’un code. Elle souhaitait recueillir les réactions suscitées par ces options et insistait
sur le fait que cette liste n’était pas exhaustive et qu’elle était ouverte à toute autre
proposition. D’une manière générale, les réactions n’ont pas été favorables à ces deux options
extrêmes, surtout celle prônant toute absence d’intervention. En revanche, les deux options
intermédiaires qui proposaient d’une part l’élaboration de principes communs non
contraignants en droit des contrats et d’autre part d’améliorer la législation communautaire
existante dans ce même domaine pour la rendre plus cohérente ont recueilli la majorité des
suffrages. Sur la base de ces réponses, la Commission a pu élaborer un Plan d’action en
2003124 dans lequel elle en fait la synthèse et y énonce la politique qu’elle entend mener pour
réaliser le rapprochement des législations, elle y précise à nouveau qu’elle attend toutes les
121
Parlement européen, DG recherches, série affaires juridiques, Juri 103, juin 1999.
Résolution B5-0228, 0229, 0230 / 2000, p. 326, paragraphe 28, JOCE C 377 du 29/12/2000, p. 323.
123
Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant le droit européen des
contrats du 11 juillet 2001, COM(2001) 398 final, JOCE C 255/1 du 13/09/2001.
124
Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur un plan d’action pour un droit
européen des contrats plus cohérent du 12 février 2003, COM(2003) 68 final, JOCE C 63/38 du 15/03/2003.
122
47
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
remarques que peuvent inspirer ce plan.
Si le rapprochement des législations est au départ le fruit de savants, la mise en œuvre
de tels travaux ne peut se faire qu’avec le soutien d’autorités publiques et une réelle volonté
politique. Contrairement à l’époque du jus commune qui accordait la plus grande autorité à la
doctrine, la philosophie des Lumières a mis le droit à la disposition de la politique donc, si la
loi n’est pas suffisante pour procéder à l’unité du droit, elle y est toutefois nécessaire125.
L’harmonisation se fait donc en collaboration étroite entre les institutions communautaires et
la doctrine qui est leur principale source d’inspiration mais elles en restent le seul véritable
déclencheur et moteur.
Après s’être interrogé sur le point de savoir à quelle échelle il était possible de
procéder à une harmonisation des législations et qui pouvait en être à la base, il faut se
demander sur quels domaines doit porter ce rapprochement (II).
II.
Les domaines concernés par le rapprochement
Pour la réalisation de ce rapprochement, le législateur doit se mettre d’accord sur ses
domaines tant matériels (A) que personnels (B).
A. Le domaine matériel du rapprochement
Pour ce qui est du domaine matériel, une des questions centrales est de savoir jusqu’où
doit aller cette harmonisation, doit-elle concerner le seul droit des contrats ou avoir vocation à
harmoniser l’ensemble du droit privé ? Dans ses résolutions de 1989 et 1994, le Parlement
avait demandé que soient entamés les travaux sur la possibilité d’un « Code européen
commun de droit privé »126, mais cette perspective a été abandonnée parce que
disproportionnée. Début 2000, le Parlement, dans une nouvelle résolution moins ambitieuse, a
demandé une harmonisation limitée au droit des contrats. Ceci a conduit au Livre vert de 2001
125
BASEDOW J., Un droit commun des contrats pour le marché commun, Op. cit., p. 9.
Résolutions du 26 mai 1989 sur un effort de rapprochement du droit privé des Etats membres, JOCE C. 158400, du 6 mai 1994 sur l’harmonisation de certains secteurs du droit privé des Etats membres, JOCE C. 205-518.
126
48
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
de la Commission qui propose, parmi ses options (option n°4), d’élaborer un texte global
comportant des dispositions sur des questions générales de droit des contrats et sur des
contrats spécifiques (point 61). Le Comité économique et social dans son avis du 17 juillet
2001 en réaction à la communication de la Commission, a contesté son approche restrictive, il
préconise notamment au point 3.12, de ne pas exclure le droit du travail transfrontalier du
débat même si le droit du travail général n’a pas à être concerné car il est intimement lié aux
traditions juridiques nationales. Il a été suivi par la résolution du Parlement européen du 15
novembre 2001 qui critique la Commission de limiter le domaine du débat public qu’elle a
lancé, au seul droit des contrats et à certains contrats spéciaux.
Pour le Professeur Witz, fervent défenseur de ce qu’il nomme également
« l’Eurocode »127, le domaine de l’harmonisation ne doit pas être trop restreint. Tout le droit
des obligations doit être concerné, et notamment le droit de la responsabilité. Selon lui, il ne
faut pas se limiter à une harmonisation de la responsabilité contractuelle, mais également
s’intéresser à la responsabilité délictuelle et se prononcer sur le principe du non-cumul car il
n’est pas reconnu par toutes les législations, ainsi, selon le droit national applicable, la victime
contractante pourrait très bien mettre également en œuvre la responsabilité délictuelle128. Les
travaux du groupe d’études sur un code civil européen optent pour une harmonisation encore
plus étendue. Dans un article de son président, le Professeur von Bar, publié en 2001, il
retenait que leur objectif était de créer une sorte de « droit fondamental » sur le plan du droit
patrimonial pour les Etats membres de l’Union européenne129. Il proposait ainsi de diviser en
quatre parties les domaines harmonisés, une consacrée au droit patrimonial en général, une
autre au droit des contrats, une troisième au droit des obligations extra-contractuelles et la
dernière au droit de propriété ou des biens (les meubles seuls étant concernés). Si jusque là ces
secteurs recoupent des domaines d’harmonisation également plébiscités par d’autres auteurs,
l’analyse de son article laisse à penser qu’il souhaite aller encore plus loin130. En effet, il
relève que le groupe d’étude ne pense pas encore inclure le droit de la famille ni celui des
successions, a contrario, on peut en conclure qu’à terme l’harmonisation devrait également
concerner ces secteurs. En outre, dans une conférence donnée un an plus tard, il informait
qu’en 2002, une commission sur le droit européen de la famille avait été créée et qu’elle
127
WITZ Cl., Plaidoyer pour un code civil européen des obligations, D., 2000, p. 79.
Ibid., p. 83.
129
BAR (von) C., Le groupe d’études sur un code civil européen, RIDC, 2001, p. 130.
130
Ibid. p. 131.
128
49
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
devait procéder à l’unification de cette branche du droit131. Enfin, il nous semble que la
position de Jérôme Huet doit être relevée car elle est mesurée et circonstanciée. Il se place au
niveau des autorités européennes qui ont un point de vue essentiellement économique et
retient ainsi que le processus devrait être limité au droit des contrats utilisés dans le commerce
intra-communautaire (vente de marchandises, prestation de services,
réseaux
de
distribution…) et au droit des sûretés pouvant servir à garantir l’exécution de tels contrats132.
Comme le fait remarquer le Professeur Malaurie, la théorie générale des obligations du
droit civil est partout en recul au profit des droits fragmentés des contrats spéciaux de la
consommation, de la concurrence, du travail, de la santé publique, de la construction, etc. En
un temps où le droit se parcellise, est-ce vraiment le moment d’établir un Code civil européen
des obligations et des contrats133 ?
B. Le domaine personnel du rapprochement
Avant de régler la question du domaine personnel d’un rapprochement, il y a lieu de
s’interroger sur le point de savoir s’il faut élaborer un code européen qui se substitue aux
droits nationaux ou un code parallèle qui ne concerne que les opérations intracommunautaires.
Cette dernière solution permettrait de régler le problème des opérations transfrontalières tout
en ménageant les traditions juridiques nationales. Mais elle n’est pas satisfaisante car d’une
part, elle compliquerait considérablement la situation actuelle car il y aurait une superposition
de règles. Pour les situations présentant un élément d’extranéité, le problème se poserait de
savoir s’il faut appliquer le droit international privé ou un droit matériel unifié au niveau
communautaire, et à cela s’ajouterait au niveau interne un droit matériel différent dans chacun
des Etats membres. Cette proposition ne se situe pas dans l’esprit d’un grand marché intérieur
censé appliquer les mêmes règles de droit quel que soit le lieu de résidence ou d’établissement
des entreprises134.
131
LEQUETTE Y., Quelques remarques à propos du projet de code civil européen de M. von Bar, D., 2002,
Chron. p. 2203.
132
HUET J., Nous faut-il un « euro » droit civil ? (propos sur la communication de la Commission concernant
le « droit européen des contrats », et, plus généralement, sur l’uniformisation du droit civil au niveau
européen), D., 2002, Point de vue, p. 2611.
133
MALAURIE Ph., Le code civil européen des obligations-Une question toujours ouverte, JCP, 2002, I 110, p.
281.
134
WITZ Cl., Rapport de synthèse du colloque sur L’harmonisation du droit des contrats en Europe, sous la
direction de Ch. Jamin et D. Mazeaud, Economica, 2001, Collection Etudes Juridiques, t. 11, p. 170.
50
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
En ce qui concerne plus précisément le domaine personnel, il s’agit de savoir si tous
les Européens seront concernés quelle que soit leur qualité ou si seules quelques catégories
pourront en profiter. On peut relever que jusque là, l’harmonisation du droit privé issu des
directives communautaires avait la plupart du temps pour seuls destinataires les
consommateurs, c’était le cas par exemple de la directive sur les clauses abusives, de la
directive time-share, de celle sur la responsabilité du fait des produits défectueux ou plus
récemment de la directive sur la garantie due par le vendeur dans la vente de biens de
consommation. Bien qu’il ait été question d’un code européen de la consommation135, un
domaine personnel si restreint ne semble pas judicieux car cela accentuerait encore la fissure
au sein des Etats membres entre le droit privé général et sa branche consumériste. Ce champ
d’action de la Communauté s’explique par la grande latitude que lui accorde le traité CE à
l’article 153136 sur la protection des consommateurs. Celui-ci lui donne une compétence
spéciale pour procéder au rapprochement des législations selon la procédure de l’article 95 du
traité dont les conditions de mise en œuvre sont peu contraignantes. Comme nous le verrons
ultérieurement, il n’est pas certain qu’un tel fondement juridique existe pour procéder à un
rapprochement du droit privé qui concerne l’ensemble des opérateurs économiques. Dans un
souci de cohérence et de clarté, il serait toutefois préférable d’élargir le champ du
rapprochement à tous les ressortissants de l’Union. Pour y parvenir, il faudrait concentrer les
efforts et engager des réformes, ceci pourrait par exemple passer par une révision du traité CE
qui donnerait plus de latitude à la Communauté pour procéder à un rapprochement élargi.
Il ressort des critiques que nous avons pu porter sur la législation interne et surtout sur
l’aptitude limitée de la législation communautaire à réaliser le marché intérieur de façon
satisfaisante, la nécessité de réaliser un rapprochement des législations plus efficace au niveau
communautaire (Partie II).
135
Vers un code européen de la consommation, Colloque de Lyon des 12 et 13 décembre 1997, sous la direction
de F. Osman, Bruylant, Bruxelles, 1998.
136
art. 153§1: Afin de promouvoir les intérêts des consommateurs et d’assurer un niveau élevé de protection des
consommateurs, la Communauté contribue à la protection de la santé, de la sécurité et des intérêts économiques
des consommateurs ainsi qu’à la promotion de leur droit à l’information, à l’éducation et à s’organiser afin de
préserver leurs intérêts.
§3 : La Communauté contribue à la réalisation des objectifs visés au paragraphe 1 par :
a) des mesures qu’elle adopte en application de l’article 95 dans le cadre de la réalisation du marché intérieur.
51
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
TITRE II : LA MISE EN ŒUVRE DU
RAPPROCHEMENT
Diverses options sont possibles pour procéder au rapprochement des législations, la
doctrine en propose plusieurs versions qui pour certaines d’entre elles vont très loin dans le
processus d’harmonisation (Section I). De son côté, la Commission européenne vient
d’adopter un plan d’action pour un droit européen des contrats plus cohérent137 suite à la vaste
consultation publique qu’avait suscitée sa communication de 2001 sur le droit européen des
contrats. Elle tente d’y concilier les prétentions plutôt ambitieuses du Parlement et du Conseil
avec les réactions réservées qui ont fait suite à sa communication de 2001 (Section II).
137
Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur un plan d’action pour un droit
européen des contrats plus cohérent du 12 février 2003, COM(2003) 68 final, JOCE C 63/38 du 15/03/2003.
52
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
SECTION I. LES PROPOSITIONS DOCTRINALES
Depuis une vingtaine d’années, on doit un important travail à plusieurs groupes
d’universitaires, pour une meilleure réalisation du marché intérieur, au moyen d’un
rapprochement des droits des contrats. Certains proposent des méthodes souples (sous-section
1), d’autres au contraire, se sont orientés vers la réalisation de codes qui à terme, ont vocation
à devenir contraignants (sous-section 2).
Sous-section1. Des rapprochements non contraignants
Une partie de la doctrine prône un rapprochement qui découlerait d’une meilleure
connaissance de l’ensemble des législations, essentiellement communautaires, mais elle étend
également son champ d’observation à d’autres systèmes législatifs et notamment américain
(I). Sans exclure cette étape, des auteurs proposent d’aller plus loin et ont réalisé des Principes
susceptibles d’organiser des relations contractuelles (II).
I.
Le travail de droit comparé
Une meilleure analyse des droits mais également de l’environnement socioculturel
permet de comprendre dans quel contexte ils ont été élaborés et permet d’éviter toute critique
a priori. Toutefois, on peut se demander si tous les systèmes législatifs que l’on retrouve sur
le territoire de l’Union européenne sont compatibles entre eux et si dès lors, un droit unique
peut leur être proposé (A). Grâce à une approche comparative, les universitaires de Trente ont
tenté d’établir un état des lieux des ressemblances et des dissemblances entre les législations
des différents Etats membres pour réfléchir sur le point de savoir si un droit unique pourrait
être accepté (B).
53
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
A. La conciliation des différents systèmes juridiques
Chaque système juridique est le fruit d’une histoire, d’une langue, d’un contexte socioéconomique et en général d’une culture qui expliquent leurs divergences. Au niveau
communautaire, deux courants principaux s’opposent. Il y a d’une part les systèmes
continentaux ou romano-germaniques de droit écrit et d’autre part, le système britannique de
common law. Il est classé de façon un peu simpliste dans la catégorie des droits non écrits car
il ne possède pas de codes tels que nous les entendons, mais il s’agit plus exactement d’un
droit coutumier et jurisprudentiel. Alors qu’on a pu dire que les législations du Québec et de
l’Etat de Louisiane étaient des forteresses civilistes résistant courageusement aux assauts
anglo-saxons, la question est désormais de savoir si les « assiégeants peuvent devenir des
assiégés » ou plus exactement, si la common law anglaise et irlandaise peuvent
« s’européaniser »138.
En effet, qu’il s’agisse de la législation ou de la façon de juger, ces deux traditions sont
a priori éloignées. Alors que les tribunaux des Etats continentaux s’intéressent
essentiellement aux textes, les juges britanniques s’attachent principalement aux faits. Pour
certains auteurs, la coexistence de ces deux traditions juridiques sur le territoire européen ne
permet pas d’envisager la création d’un système rationalisé. Lambert déjà, au début du XXème
siècle retenait que les différences entre le droit anglais et les législations d’Europe
continentale excluaient un rapprochement de ces deux cultures juridiques139. En effet, l’idée
de « tradition juridique » implique une manière bien caractéristique de penser le droit, il en
résulte que seuls les juristes continentaux envisagent leur droit comme un système140. Les
débats portant sur un rapprochement des législations seraient donc totalement étrangers aux
juristes de common law, hermétiques à toute idée d’organisation. On peut notamment noter
que le jus commune, vers lequel de nombreux auteurs sont attirés, ne concernerait que les pays
de culture romaniste, un élargissement aux pays de common law pourrait donc sembler
relativement artificiel. Le Professeur Pierre Legrand qui compte parmi les auteurs les plus
farouchement opposés à un rapprochement des législations au niveau communautaire, va
même plus loin. Selon lui, la seule idée d’une intégration juridique européenne reflète une
138
LEWIS X., A common law fortress under attack :is english law being europeanized ?, The Columbia Journal
of European Law, 1995/96, vol. 2, p. 1.
139
JAMIN Ch., Le vieux rêve de Saleilles et Lambert revisité, RIDC, 2000, p. 749.
140
LEGRAND P., Sens et non-sens d’un code civil européen, RIDC, 1996, p. 781.
54
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
vision romaniste du droit et exclu par la même le common law, il y voit une « forme de
terrorisme intellectuel »141. Ainsi, la pensée de common law serait la preuve que l’idée
d’universalité du droit n’est pas universelle. En outre, il est question ici d’un rapprochement
au niveau communautaire des droits privés or, cette distinction droit privé / droit public n’est
pas connue des traditions de common law ce qui rend cette œuvre unificatrice d’autant plus
complexe en pratique. On constate également que sur un point fondamental ces deux ordres
divergent totalement. Ainsi, si les droits d’origine romaniste représentent un ensemble de
règles, pour des raisons historiques et culturelles, cette notion est étrangère à la pensée de
common law. En effet, la notion de « règle » nous provient du droit canonique, il est établi
qu’il faut suivre telle ou telle voie préalablement définie. En revanche, il n’est pas certain que
la culture juridique britannique ait hérité du droit canon ce qui expliquerait qu’aucune
décision n’ait d’impact impératif au-delà de l’affaire, elle pourra servir de précédent
uniquement si le juge d’une nouvelle affaire en décide de la sorte mais il n’est jamais
contraint par une décision antérieure142. De cela découle qu’alors que les législateurs
d’inspiration romaniste cherchent autant que possible à anticiper les litiges, le juge de
common law attend le litige, le résout et attend le prochain litige. Pierre Legrand retient
également que le problème n’est pas de savoir si le droit de common law peut être codifié,
selon lui, ce n’est pas qu’il ne le puisse pas mais plutôt qu’il ne le veuille pas. En effet, le
common law anglais serait caractérisé par un refus de tout ce qui relève des traditions
romanistes, à ce titre, il ne peut se résoudre à penser le droit comme un code143.
De même, pour le Professeur Cornu, grand défenseur du Code civil, le droit est le fruit
d’une culture, aussi selon lui, les travaux de rapprochement (« l’obsession fusionniste ») sontils une « aberration culturelle »144.
D’autres auteurs au contraire soutiennent que les différences entre le common law et
les droits d’origine romaniste ne sont pas incompatibles avec tout rapprochement. Tout
d’abord, comme nous l’avons déjà évoqué, un rapprochement des droits peut se faire de façon
naturelle par le système des transferts de droit145. En pratique, ceci est de plus en plus
141
LEGRAND P., Le primat de la culture, in Le Droit privé européen sous la direction de P. de VareillesSommières, Economica, 1998, Collection Etudes Juridiques, t. 1, p. 1.
142
LEGRAND P., European Legal Systems are not Converging, International and Comparative Law Quartely,
1996, vol. 45, p. 68.
143
LEGRAND P., Sens et non-sens d’un code civil européen, Op. cit., p. 794.
144
CORNU G., Un code civil n’est pas un instrument communautaire, D., 2002, Chron. p. 351.
145
JAMIN Ch., Un droit européen des contrats ?, in Le Droit privé européen sous la direction de P. de VareillesSommières, Economica, 1998, Collection Etudes Juridiques, t. 1, p. 46.
55
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
fréquent, les échanges entre universités témoignent notamment de cette ouverture des juristes
sur le monde. Un auteur anglais retient même qu’il est tout simplement faux de dire que la loi
anglaise est coupée du continent européen146. Pour lui, la common law a déjà été largement
influencée par les lois du continent et la doctrine anglaise s’est inspirée de Grotius, Domat et
surtout Pothier. Plus encore, contrairement à ce que soutient Pierre Legrand, selon le
Professeur Lewis, nos sources sont identiques à savoir le droit romain et le droit canon147. En
outre, en matière contractuelle, l’Europe continentale et les systèmes de common law ont un
dénominateur commun, ils reconnaissent tous le principe d’autonomie privée. Si de prime
abord cela peut sembler aller de soi, il faut rappeler que les codes socialistes, au lieu de limiter
les effets des contrats aux parties stipulantes, devaient également garantir l’intérêt collectif et
les pouvoirs publics. Par leurs contrats, les citoyens devaient coopérer à la réalisation de la
planification nationale148.
Pour d’autres, à l’argument selon lequel la tradition de common law refuse par principe
toute idée de code, on peut rappeler l’Indian Contract Act de 1872. Il s’agit d’un texte élaboré
par des juges et juristes anglais qui traduisirent pour l’Inde la common law de l’Angleterre en
un ensemble de règles écrites149. Plus récemment, en 1965, le Law Commission Act, a chargé
des commissions anglaise et écossaise de la consolidation et de la codification de leurs droits
en vue de rapprocher la common law anglaise de la civil law écossaise. Le professeur Mc
Gregor a été chargé par la commission anglaise, de rédiger le Contract Code qui rassemblait
l’état actuel du droit des contrats de common law ainsi que des réformes désirées par de
nombreux juristes150. Bien qu’il s’agisse d’une œuvre purement doctrinale sans valeur
contraignante et que le projet n’ait pas abouti, il témoigne de la non-aversion des juristes
britanniques pour tout ordonnancement.
En outre, alors que d’aucuns soutiennent qu’en Angleterre le législateur a un rôle très
secondaire dans le processus d’élaboration juridique, ce qui ne permet pas de créer de toute
pièce un texte harmonisateur, on peut répondre que la loi se pose de plus en plus comme un
146
LEWIS X., A common law fortress under attack :is english law being europeanized ?, The Columbia Journal
of European Law, 1995/96, vol. 2, p. 1.
147
Ibid., p. 3.
148
GANDOLFI G., Pour un code européen des contrats, RTD Civ., 1992, p. 715.
149
RUFFINI GANDOLFI M. L., Problèmes d’unification du droit en Europe et le code européen des contrats,
RIDC, 2002, p. 1085.
150
BEALE H., La Commission Lando : le point de vue d’un « common-law lawyer », in L’harmonisation du
droit des contrats en Europe, sous la direction de Ch. Jamin et D. Mazeaud, Economica, 2001, Collection Etudes
Juridiques, t. 11, p. 128.
56
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
des modes ordinaires de formation du droit151. Déjà au XIXème, le législateur avait élaboré des
lois générales comme le célèbre Sale of Goods Act de 1893. Mais actuellement, sous
l’impulsion du droit communautaire, l’Angleterre connaît de plus en plus de lois écrites. En
effet, les règlements communautaires s’incèrent automatiquement dans sa législation au même
titre que dans celle de chacun des Etats membres et le législateur anglais est obligé
d’intervenir pour transposer les directives dans le droit interne. Comme le fait également
remarquer le Professeur Sacco, tant la Convention de Vienne sur la vente internationale de
marchandises que les Principes Unidroit ont été élaborés en commun par des juristes civilistes
et des common lawyers152. Il n’y a donc a priori pas de raison de penser qu’ils ne peuvent en
aucun cas travailler en collaboration. Enfin, toutes ces considérations visant à rapprocher la
common law du système continental reflètent essentiellement la position que peuvent avoir
des juristes de tradition romano-germanique. Mais dans l’hypothèse d’un rapprochement,
celui-ci doit se faire dans les deux sens. Or, on constate que les juristes continentaux
accordent de plus en plus d’importance à la jurisprudence ce qui est typique de la vision
pragmatique du droit qu’ont les juristes anglais.
Toutefois, il reste que si un rapprochement n’est pas impossible, il existe toujours un
fossé entre ces deux cultures juridiques et le comblement de celui-ci risque de prendre du
temps. En outre, ce n’est pas parce que les ordres juridiques continentaux sont les plus
nombreux qu’ils pourront absorber celui de common law. Chacune des traditions juridiques
devra faire un pas vers l’autre. Le Professeur Lewis va encore plus loin, il retient que non
seulement l’invasion des juristes continentaux n’aura pas lieu, mais encore, s’il doit y avoir
une invasion, elle se fera en sens inverse153.
Pour tenter d’avoir une vision plus objective de l’éventuelle conciliation des différents
systèmes juridiques, il convient d’étudier les recherches purement comparatives des
universitaires de Trente (B).
B. Les travaux des universitaires de Trente
151
RUFFINI GANDOLFI M. L., Problèmes d’unification du droit en Europe et le code européen des contrats,
Op. cit., p. 1084.
152
SACCO R., Non, oui, peut-être, in Mélanges Christian Mouly, Litec, 1998, tome 1, p. 163.
153
LEWIS X., A common law fortress under attack :is english law being europeanized ?, Op. cit., p. 24.
57
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
En 1994, les Professeurs italiens Ugo Mattei et Mauro Bussani, ont lancé un projet
intitulé « The Common Core of European Private Law ». Il s’agit d’une étude comparative de
l’ensemble des systèmes juridiques représentés dans la Communauté européenne. Elle vise à
mettre en lumière leurs différences et leurs ressemblances et ainsi retenir les grandes lignes du
droit privé européen sans toutefois chercher à l’unifier. Il s’agit essentiellement d’un travail
d’observation. Le fonds commun du droit privé européen vise à élaborer une carte très précise
des éléments pertinents appartenant aux différents systèmes juridiques. En revanche, à plus
long terme, ces auteurs estiment que ces travaux seront utiles à la construction d’une culture
juridique européenne commune154. Pour atteindre un tel objectif, il faut créer un système
éducatif juridique commun qui passe principalement par la généralisation du droit comparé.
Le Professeur van Gerven suit une démarche similaire et travaille à la réalisation d’une série
de case-books sur le droit commun européen. Ce qui différencie essentiellement ces deux
projets est qu’alors que le Common core est destiné en priorité aux professionnels, le projet de
European case-books s’adresse plus particulièrement aux étudiants et se situe ainsi dans la
lignée des échanges Erasmus-Socrates.
Pour la réalisation du Common core, il est essentiel d’avoir l’approche la plus neutre
possible. Il s’agit de proposer une image fiable et fidèle du droit existant dans les systèmes
européens et ce, dans un nombre important de domaines. Pour ce faire, les universitaires de
Trente ont dû mettre au point une méthode qui s’inspirait des recherches de grands
comparatistes, principalement Rudolf Schlesinger et Rodolfo Sacco. Par exemple, ils se
méfient de l’analyse que peut avoir un juriste de son propre droit. Bien qu’il en sache
sûrement plus qu’un juriste étranger, le national, même indirectement, « fabrique » du droit et
est baigné par toutes sortes d’automatismes. Il n’a pas le recul nécessaire pour être
parfaitement objectif155. La méthode de ces universitaires consiste en une approche factuelle
au moyen de questionnaires. Il s’agit de comparer, pour une même situation, les différentes
méthodes permettant de résoudre un problème. Cette présentation sous forme de cas pratiques
peut conduire à des résultats différents de ceux édictés dans les manuels. Forts de ces
modèles, MM. Bussani et Mattei ont pu par exemple comprendre que le débat sur le point de
savoir si common law et civil law étaient capables de converger, était stérile. « Plutôt que de
154
155
BUSSANI M., MATTEI U., Le fonds commun du droit privé européen, Op. cit., p. 32.
BUSSANI M., MATTEI U., Le fonds commun du droit privé européen, Op. cit., p. 45.
58
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
se demander si un vers est à moitié vide ou à moitié plein, il est préférable de savoir à quel
niveau les convergences ou les divergences interviennent »156.
Aussi, bien que le « fonds commun » ne recherche pas l’uniformisation, pourrait-il
indirectement y contribuer car une meilleure connaissance des législations pourrait permettre
l’intégration. En outre, bien qu’il n’ait pas de perspective d’harmonisation, il pourrait être à
l’origine de textes communs, en effet, s’il est aisé d’élaborer des textes d’harmonisation, seuls
ceux élaborés en connaissance des différents systèmes à harmoniser seront à même d’être
reconnus et appliqués. Ce qui différencie essentiellement la démarche du Common core de
celle qui consisterait à procéder à une uniformisation, est qu’il ne s’agit pas de créer un
nouveau droit, mais seulement d’analyser le droit existant. Mais surtout, les universitaires de
Trente n’ont pas à porter de jugement de valeur sur les différents droits existants
contrairement aux auteurs de projets d’harmonisation qui recherchent ce qui leur semble être
le meilleur droit.
A côté de ces démarches purement théoriques, d’autres juristes proposent l’élaboration
de principes susceptibles d’organiser le droit des contrats au niveau communautaire (II).
II.
L’hypothèse de principes du droit européen des contrats
La Commission pour le droit européen des contrats dite commission Lando, du nom de
son instigateur a édité des principes non contraignants destinés à régir les rapports
contractuels au sein de la Communauté. Après une description de la démarche suivie (A),
nous tenterons d’étudier leurs lignes forces retenues (B).
A. Les Principes du droit européen des contrats de la Commission Lando
Il s’agit d’une œuvre purement doctrinale qui n’a donc aucune valeur normative (1), à
ce titre, il est intéressant d’analyser sa démarche (2).
156
Ibid., p. 38.
59
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
1) Une œuvre doctrinale
Les Principes élaborés par la commission Lando semblent s’apparenter aux
Restatements américains qui constituent des compilations sous forme d’articles de la
jurisprudence dans des domaines particuliers de la common law et suivis de commentaires
explicatifs, ils ont pour but de rationaliser l’état du droit positif. De leur côté, les Principes
sont rédigés sous forme d’articles assortis d’un commentaire pour expliquer la solution
retenue et d’une note qui résume l’état du droit dans les quinze Etats membres ainsi que des
indications bibliographiques et les solutions d’instruments internationaux comme la
Convention de Vienne. Les Restatements sont le fruit d’un organisme privé, l’American Law
Institute, composé de praticiens et d’universitaires. A ce titre, ils n’ont aucune valeur
normative, leur force vient de la seule réputation du rapporteur de chaque point ayant donné
lieu à un commentaire. En pratique toutefois, les Restatements sont souvent retenus par les
juges157. De la même façon, les Principes de la commission Lando n’ont pas de valeur
normative, ils sont le fruit de la recherche d’universitaires qui n’ont reçu aucune mission de la
part d’une quelconque institution publique. Ainsi, conformément au premier article des
Principes, ils s’appliquent si « les parties sont convenues de les incorporer à leur contrat ou
d’y soumettre celui-ci » (art. 1.101 2) ou qu’elles se sont référées à la lex mercatoria, aux
principes généraux du droit, ou à toute expression similaire (art. 1.101 3a), ils obéissent donc
à la technique de l’opt-in qui implique une démarche positive des parties. En outre, en
l’absence de choix de la loi applicable ou de lacune de celle-ci, le juge pourra également s’y
référer (art. 1.101 3b et 1.101 4). Toutefois, bien que de valeur non contraignante, les notions
retenues par les Principes peuvent acquérir indirectement une valeur normative car elles sont
susceptibles d’inspirer les législateurs. De cette façon, les Principes peuvent contribuer au
rapprochement des législations car ils offrent un modèle unique de droit des contrats pour
l’ensemble de la Communauté158 et éventuellement au-delà étant donné que la commission
Lando ne travaille pas sur délégation d’une institution communautaire. Toutefois, les
Principes revendiquent eux-mêmes qu’ils sont « destinés à s’appliquer en tant que règles
générales du droit des contrats dans l’Union européenne », aussi, bien que la commission
157
TALLON D., Les travaux de la Commission Lando, in L’harmonisation du droit des contrats en Europe, sous
la direction de Ch. Jamin et D. Mazeaud, Economica, 2001, Collection Etudes Juridiques, t. 11, p. 120.
158
Pour certains en revanche, les Principes ne permettent qu’une unité de façade, notamment du fait de leur
flexibilité, voir JAMIN Ch., Un droit européen des contrats ?, in Le Droit privé européen sous la direction de P.
de Vareilles-Sommières, Economica, 1998, Collection Etudes Juridiques, t. 1, p. 55.
60
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
Lando soit en dehors de toute institution, revendique-t-elle son attachement à l’Union alors
que le terme de « Principes du droit européen des contrats » pourrait tout aussi bien consacrer
une Europe géographique. D’un point de vue plus théorique, les Principes sont enfin
l’occasion de faire évoluer le débat sur l’opportunité d’une unification européenne du droit
d’autant que dans l’hypothèse d’une telle unification, il se pourrait que les Principes y soient
intégrés.
Les Principes peuvent également être comparés au Uniform Commercial Code
(U.C.C.) américain, malgré son nom, il s’agit d’un texte non contraignant qui fait parti des
Model Laws. Il s’agit d’un recueil qui vise à harmoniser le droit commercial sur l’ensemble
des Etats-Unis, cette discipline relevant de la compétence des Etats fédérés. Le U.C.C. est un
texte complet qui s’apparente certes à un code dans la forme, mais les Etats sont tout à fait
libres de l’adopter en tout ou en partie ou seulement de s’en inspirer, ainsi, il cherche à
réaliser une harmonisation mais aucunement une unification.
Enfin, et de façon encore plus évidente, on peut rapprocher les Principes de la
commission Lando, des Principes relatifs aux contrats du commerce international rédigés par
l’Institut International pour l’Unification du droit privé dit Unidroit, publiés en 1994. Il s’agit
d’une organisation internationale intergouvernementale qui siège à Rome, vestige de la
Société des Nations, il a été créé par un accord multilatéral en 1940 et a pour rôle d’unifier les
règles matérielles de droit international privé. Les Principes Unidroit constituent une source
de droit du commerce international qu’il est délicat de classer car il s’agit d’un droit savant
sans valeur persuasive. De la même façon que les Principes Lando, les Principes Unidroit ont
été conçus comme un modèle législatif pour les Etats qui souhaiteraient légiférer en matière
de contrats internationaux159. Sans entrer d’avantage dans les détails, ces deux ensembles de
Principes sont si proches que pour certains, seul leur champ géographique respectif les
différencie, à savoir l’échelle internationale pour les Principes Unidroit et communautaire
pour les Principes Lando160. Pour le Professeur Tallon, au contraire, cette différence de
domaine d’application géographique permet de les distinguer sur le fond161. Les Principes
Unidroit ont une valeur universelle aussi, lors de leur rédaction, ont-ils dû surmonter des
différences politiques et économiques sans aucune mesure avec celles qu’on retrouve sur le
159
KESSEDJIAN C., Un exercice de rénovation des sources du droit des contrats du commerce international :
les Principes proposés par l’Unidroit, Rev. Crit. DIP, 1995, p. 649.
160
KESSEDJIAN C., Un exercice de rénovation des sources du droit des contrats du commerce international :
les Principes proposés par l’Unidroit, Op. cit., p. 668.
161
TALLON D., Les travaux de la Commission Lando, Op. cit., p. 119.
61
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
territoire de la Communauté, le texte devait être acceptable aussi bien par les pays capitalistes,
communistes qu’émergeants. Au contraire, le nombre de pays concernés par les Principes
Lando étant bien moindre, ils ont pu aller plus loin dans le rapprochement et constituent
moins une œuvre de compromis. En outre, Les Principes Lando concernent tous les contrats
alors que les Principes Unidroit sont restreints aux contrats commerciaux, s’ils avaient fait le
choix d’un domaine matériel plus étendu, ils seraient devenus une œuvre de compromis telle
qu’elle n’aurait pu réaliser aucun rapprochement satisfaisant et serait restée lettre morte.
Il est tout de même intéressant de noter qu’afin de concilier au mieux common law et
tradition romano-germanique, certains Principes s’inspirent plutôt du Code civil français en
établissant de grandes et larges notions comme par exemple celle de bonne foi consacrée à
l’article 1.201. D’autres en revanche, contiennent des règles plus spécifiques et correspondent
ainsi d’avantage à l’esprit de common law. Dès lors, on peut se demander si ces Principes
portent bien leur nom car d’après le Vocabulaire Capitant, « un principe est une règle
juridique établie par un texte en termes assez généraux destinée à inspirer diverses
applications et s’imposant avec une autorité supérieure »162. Néanmoins, le Professeur Tallon
consent que ce terme n’a pas été choisi « de gaîté de cœur mais plutôt faute de mieux »163.
2) Le mode opératoire de la Commission Lando
C’est en 1980 qu’un groupe officieux de juristes, la Commission pour le droit
européen des contrats, a vu le jour. Ses membres n’ont été désignés par aucun gouvernement
et travaillent ainsi en toute indépendance, toutefois bien que non officielle, la commission
Lando a considérablement gagné en notoriété. La majeure partie de son financement provient
certes de la Commission européenne mais elle ne lui donne en principe aucune instruction.
Même si ni la Communauté, ni les Etats membres ne contrôlent la commission pour le droit
européen des contrats, elle fait en sorte de respecter au mieux la diversité des Etats aussi,
chacun d’entre eux y est-il représenté.
De la même façon que les universitaires de Trente, la démarche suivie par la
commission est essentiellement comparatiste. Tout d’abord, pour chaque question, les
162
CORNU G., Vocabulaire Juridique de l’Association Henri Capitant, 7ème éd., Puf, 1998.
TALLON D., Les Principes pour le droit européen des contrats : quelles perspectives pour la pratique ?,
Defrénois, 2000, p. 685.
163
62
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
législations des divers Etats membres sont analysées, mais le plus souvent, d’autres textes
sont également consultés, en particulier le Restatement américain portant sur les contrats, le
U.C.C., les législations récentes comme les Code civils québécois et néerlandais. Enfin, les
rédacteurs ont également consulté les conventions internationales comme les lois uniformes
sur la vente d’objets mobiliers corporels de La Haye de 1964 ou la Convention de Vienne sur
la vente internationale de marchandises, ainsi que les Principes Unidroit. Mais la grande
différence avec le Common core, est qu’après étude de ces solutions, il a fallu choisir la règle
la plus adaptée aux relations intra-communautaires. Pour cette étape, toutes les possibilités
étaient envisageables, les comités de rédaction pouvaient aussi bien reprendre textuellement la
loi d’un Etat, mélanger plusieurs règles ou découvrir une solution nouvelle. Après avoir
trouvé la règle a priori la meilleure, il fallait procéder en sens inverse pour s’assurer de la
compatibilité de celle-ci au droit existant de chacun des Etats membres. Si la loi, ne serait-ce
que d’un Etat, était en contradiction avec cette règle, il fallait la revoir, en effet, d’un point de
vue moral, cette situation aurait été inacceptable, de plus, elle aurait été refusée par la pratique
du pays164. Enfin, il faut relever qu’au cours de toutes ces étapes, pour s’assurer que la règle
adoptée était compatible avec les systèmes juridiques de l’ensemble de la Communauté, les
travaux ont été simultanément conduit en anglais et en français. Si les textes ne pouvaient être
transposés d’une langue à l’autre, c’était un signe qu’ils n’étaient pas adaptables au système
juridique concerné. Bien sur, dans un monde idéal, il aurait été préférable que les travaux se
fassent dans chacune des langues de la Communauté mais d’une part, c’est toujours mieux
que ne de travailler que dans une seule langue comme le fait la commission von Bar, d’autre
part, cette solution permet de représenter les deux grands systèmes juridiques présents dans la
Communauté.
B. Le contenu des Principes
Il n’est pas question ici de commenter en détail chacun des articles des Principes mais
de tenter d’en dégager les lignes forces révélatrices de l’esprit du texte tout en faisant un
parallèle avec le droit français des contrats. Ainsi, on peut relever deux tendances, d’une part,
les Principes cherchent à préserver l’économie du contrat (1), ce à quoi contribue le juge qui
devient d’autre part un réel acteur de la relation contractuelle (2).
164
TALLON D., Vers un droit européen du contrat ?, in Mélanges André Colomer, Litec, 1993, p. 493.
63
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
1) La préservation du contrat
Plus encore que le contrat, ce sont les relations économiques que les Principes
cherchent à préserver. Ils tentent de maintenir les relations contractuelles, mais si ceci n’est
plus possible, ils adoptent une analyse économique du droit et s’efforcent de sauvegarder la
situation économique des parties au contrat. En effet, il est souvent plus intéressant pour les
deux parties à un contrat de revenir en partie dessus pour qu’il perdure, plutôt que d’y mettre
fin ce qui implique que tous les frais déjà engagés sont alors perdus. Par exemple, comme
nous l’avons signalé dans la première partie, en cas d’inexécution essentielle par une partie,
l’autre peut résoudre le contrat unilatéralement (art. 9.301). Ce principe fait prévaloir une
vision économique du droit selon laquelle, le commerce va vite aussi, le créancier ne peut-il
se permettre d’attendre la résolution judiciaire du contrat, il a déjà été en partie exécuté, il doit
se poursuivre même si le partenaire contractuel change. Ici, la personne du cocontractant a peu
d’importance, le contrat engagé doit arriver à son terme. En procédant lui-même à la
résolution, le créancier peut vite réagir et trouver un autre partenaire qui prendra le relais. Les
Principes vont même encore plus loin, car il est possible pour une partie de résoudre le contrat
par anticipation si « avant la date à laquelle une partie doit exécuter, il est manifeste qu’il y
aura inexécution essentielle de sa part » (art. 9.304). Il faut également en déduire qu’a
contrario, si l’inexécution n’est pas essentielle, la partie qui en est victime ne peut résoudre le
contrat, ceci s’inspire de la notion de mitigation of damages que nous étudierons
ultérieurement, mais là encore, on cherche à maintenir autant que possible la relation
contractuelle.
Un autre exemple de ce souci de préserver le contrat est l’article 8.104 qui permet à
une partie dont l’offre d’exécution a été refusée par le cocontractant pour défaut de conformité
au contrat de « faire une offre nouvelle et conforme si la date de l’exécution n’est pas arrivée
ou si le retard n’est pas tel qu’il constituerait une inexécution essentielle ». Plutôt que de
mettre fin à la relation contractuelle, on offre une seconde chance à une partie de s’exécuter
correctement. Il nous semble qu’il s’agit ici de la contre-partie de la reconnaissance du
principe de résolution unilatérale. En effet, l’article 1184 du Code civil qui consacre la
résolution judiciaire, prévoit dans son troisième alinéa que le juge peut accorder au défendeur
un délai pour s’exécuter. En 1804 déjà on considérait qu’il valait mieux exécuter son
64
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
obligation fût-ce avec retard que de mettre fin au contrat. Toutefois, alors qu’aujourd’hui on
répond à un souci économique, à l’époque les considérations étaient plus morales il s’agissait
d’inciter les parties à respecter leurs engagements. En pratique, ces deux solutions mènent à
un résultat similaire mais les Principes font preuve d’une plus grande souplesse. Une fois
encore, chaque contractant est gagnant financièrement. La partie qui a refusé l’offre
d’exécution userait beaucoup de temps et d’énergie à trouver un nouveau partenaire
contractuel, quant à celui qui s’est dans un premier temps mal exécuté, il suffit souvent de peu
de choses pour rendre son obligation conforme. En outre, s’il s’agit d’un producteur, par
exemple, sa marchandise pourrait être perdue ou au mieux, le temps qu’il passerait à trouver
un autre acquéreur serait du temps en moins pour sa production. Enfin, une fois encore, toute
la période de négociation précontractuelle serait perdue.
Afin de maintenir autant que possible le contrat, les Principes se sont inspirés de la
notion de mitigation of damages issue de la common law. En substance, il s’agit pour la
victime d’une faute contractuelle de diminuer autant que possible le préjudice qu’elle subit, en
prenant toutes les mesures raisonnables à cet effet165. Cette notion est parfois difficile à
comprendre pour les juristes français, alors que le débiteur ne s’est pas exécuté, le créancier
doit prendre sur lui pour restreindre les effets néfastes de la non-exécution ou de la mauvaise
exécution par le débiteur. Indirectement, c’est ce concept que l’on retrouve dans la faculté
qu’a le créancier de proposer un délai supplémentaire au débiteur pour s’exécuter(art. 8.106).
Plutôt que de résoudre le contrat, ce qui serait néfaste au créancier, celui-ci consent un délai à
son cocontractant. On retrouve ici la vision de Demogue qui dans son « Traité des
Obligations », affirmait l’obligation pour le créancier de prévenir le dommage ou toute
extension des charges du débiteur, ainsi, chacun doit faire un effort, un pas vers l’autre, pour
préserver le contrat qui est le creuset de l’intérêt commun des contractants166. D’une façon
encore plus nette, les Principes prévoient que si le créancier avait pu réduire son préjudice en
prenant des mesures raisonnables et qu’il ne l’a pas fait, alors le débiteur n’est pas tenu du
préjudice (art. 9.505). C’est encore la notion de modération du préjudice qu’on retrouve à
l’article 9.506 sur le contrat de remplacement. Il prévoit que si « le créancier a résolu le
contrat et qu’il a passé un contrat de remplacement dans un délai et d’une manière
raisonnables », il peut « obtenir la différence entre le prix du contrat originel et celui du
165
ELLAND-GOLDSMITH M., La « Mitigation of Damages » en droit anglais, RDAI, 1987, p. 345.
MAZEAUD D., La Commission Lando : le point de vue d’un juriste français, in L’harmonisation du droit
des contrats en Europe, sous la direction de Ch. Jamin et D. Mazeaud, Economica, 2001, Collection Etudes
Juridiques, t. 11, p. 148.
166
65
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
contrat de remplacement, ainsi que des dommages et intérêts ». Ainsi, s’il n’a pas laissé la
situation s’envenimer et qu’il a cherché une solution de substitution bien qu’elle lui coûte plus
cher, son cocontractant originel en assumera la charge ainsi que des dommages et intérêts, ce
que l’article 9.505 écartait. Ces deux articles sont directement issus du U.C.C., l’article 2/715
(2) (a) dispose que les consequential damages ne couvrent pas les pertes que l’acheteur a pu
167
raisonnablement éviter par un contrat de substitution
modérer le dommage, vision solidariste du contrat
de collaboration prévu à l’article 1.202
169
. D’une façon générale, ce devoir de
168
, est parfaitement exprimé par le devoir
qui est lui-même le corollaire de l’article 1.201
selon lequel les parties doivent agir de bonne foi
170
. Une autre illustration de ce devoir de
collaboration est que lorsqu’une exécution en nature des obligations contractuelles
impliquerait « pour le débiteur des efforts ou dépenses déraisonnables », celle-ci ne peut être
obtenue (art. 9.102(2)(b)). Cela implique que le créancier de bonne foi ne peut décemment pas
exiger le paiement en nature de sa créance car le dommage qu’aurait à subir son cocontractant
s’il s’exécutait serait autrement plus important que son propre dommage résultant d’un
paiement par équivalent171.
Un autre exemple de la volonté de préserver le contrat et de l’influence de la notion
anglo-saxonne de la mitigation of damages, est l’article 9.104 concernant la réduction du prix.
Il est loisible pour une partie d’accepter une offre d’exécution, bien qu’elle soit non conforme
au contrat et de ce fait de demander d’en réduire le prix. On en arrive toujours à la même
conclusion, même si ce n’est pas ce qui a été convenu, on prend ce qu’il y a à prendre, la
partie qui accepte subit un préjudice mais en contre partie, le prix est revu à la baisse et là
c’est l’autre partie au contrat qui subit un préjudice. En revanche, le contrat perdure et les
parties évitent ainsi toutes deux un mal plus grand encore, elles font donc chacune un pas vers
l’autre pour éviter le pire car elles ont un intérêt commun au contrat et non un intérêt
purement individuel. Ce principe rappelle fortement l’action estimatoire reconnue par le droit
français à l’article 1644 du Code civil, elle permet à l’acquéreur qui agit en garantie contre
son vendeur, en raison des vices cachés de la chose vendue d’obtenir la restitution d’une
partie du prix de vente. Bien que le juge joue, comme nous allons le voir, un rôle particulier
167
HANOTIAU B., Régime juridique et portée de l’obligation de modérer le dommage dans les ordres
juridiques nationaux et le droit du commerce international, RDAI, 1987, p. 396.
168
MAZEAUD D., La Commission Lando : le point de vue d’un juriste français, Op. cit., p. 148.
169
Art. 1.202 : Caque partie doit à l’autre une collaboration qui permette au contrat de produire son plein effet.
170
Art. 1.201(1) : Chaque partie est tenue d’agir conformément aux exigences de la bonne foi.
(2) Les parties ne peuvent exclure ce devoir ni le nier.
171
MAZEAUD D., La Commission Lando : le point de vue d’un juriste français, Op. cit., p. 149.
66
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
dans les Principes, le choix qui a été fait ici est encore d’encourager la rapidité tout en faisant
confiance aux parties. On considère que celles-si savent où est leur intérêt et de ce fait elles
doivent agir au mieux, ce n’est qu’en cas de difficulté pour évaluer le montant de la déduction
qu’on fera appel au juge.
2) Le juge, acteur du contrat
Le droit français fait preuve de beaucoup de réticence à l’égard du juge, lui accorder
trop de pouvoirs est considéré comme remettre en cause l’impératif de sécurité juridique et la
prévisibilité contractuelle172. Pourtant, les Principes lui accordent une grande confiance, il est
difficile de se prononcer sur le point de savoir qui a raison, en revanche, il n’est pas difficile
de prévoir que les réticences hexagonales risquent d’être nombreuses.
Comme nous l’avons déjà signalé, les Principes laissent une grande liberté aux parties
et le juge n’intervient souvent qu’a posteriori, c’est notamment le cas en matière de
résolution, les Principes reconnaissant un système de résolution unilatérale (art. 9.301). En
revanche, dans de nombreuses hypothèses, il peut devenir une partie intégrante du contrat. Ce
rôle du juge se retrouve par exemple à l’article 4.109 « Profit excessif ou avantage déloyal »,
si une partie a profité de la faiblesse de son cocontractant ou de la situation de dépendance
dans laquelle il se trouvait vis-à-vis d’elle, le juge peut, à la demande de la partie lésée,
« adapter le contrat de façon à le mettre en accord avec ce qui aurait pu être convenu
conformément aux exigences de la bonne foi ». Ceci est en contradiction avec le droit français
qui ne reconnaît qu’exceptionnellement la lésion, il faut qu’un texte exprès la prévoie
(art.1118 du Code civil), à défaut, un juge ne peut pas annuler un contrat parce qu’il le trouve
léonin, ni réduire un prix qu’il trouve excessif173.
Une autre situation accorde au juge la fonction d’une partie au contrat, en effet, les
parties peuvent prévoir qu’un élément de leur contrat doit être déterminé par un tiers, si celuici ne s’exécute pas, il appartient au tribunal de lui désigner un remplaçant174. Ainsi, alors que
172
MAZEAUD D., La Commission Lando : le point de vue d’un juriste français, Op. cit., p. 155.
Com. 9 octobre 1990, RTD Civ, 1991, p. 113, note Mestre.
174
Art. 6.106(1) : Lorsque le prix ou tout autre élément du contrat doit être déterminé par un tiers et que celui-ci
ne peut ou ne veut le faire, les parties sont présumées avoir donné au tribunal pouvoir de lui désigner un
remplaçant qui procédera à cette détermination.
(2) Si le prix ou tout autre élément déterminé par le tiers est manifestement déraisonnable, un prix ou un autre
élément raisonnable lui est substitué.
173
67
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
les parties avaient elles-mêmes choisi leur tiers, le juge se substituera à elles pour en désigner
un autre, dès lors, il est mis au même niveau que les parties dans le rapport contractuel. En
outre, si le tiers détermine l’élément manquant du contrat, l’article 6.106(2) retient que s’il est
déraisonnable, il lui en sera substitué un raisonnable, sans autre précision. Il faut alors
certainement comprendre d’une part, qu’il revient au juge de s’assurer que l’élément
manquant est raisonnable et d’autre part, qu’à défaut, c’est à lui que devrait revenir la mission
de déterminer cet élément. Là encore, la place du juge est déterminante et est sans rapport
avec celle que lui reconnaît le droit français.
Un dernier exemple de l’importance et de la confiance accordée au juge se retrouve
dans les contrats à exécution successive en cas de changement de circonstances. Tout d’abord,
il faut relever que l’article 6.111(2) oblige les parties à « engager des négociations en vue
d’adapter leur contrat ou d’y mettre fin si cette exécution devient onéreuse à l’excès pour
l’une d’elles en raison d’un changement de circonstances ». Il convient de relever que cette
situation se distingue de la force majeure, dans cette dernière situation, l’exécution du contrat
est impossible, ici, elle est très difficile et coûteuse. L’article 6.111(2) vient contredire un
élément fondamental de notre droit à savoir l’article 1134 du Code civil qui consacre le
principe de l’intangibilité des conventions, un contrat ne peut être révisé que si les parties
s’entendent sur ce point. Elles peuvent en décider ainsi après la réalisation de l’événement ou
dès la formation du contrat en y incérant une clause d’adaptation telle une clause de harship.
Dans les Principes du droit européen des contrats, non seulement, les parties sont obligées de
négocier, mais encore, à défaut d’accord dans un délai raisonnable, le tribunal peut mettre fin
au contrat et il peut surtout « l’adapter de façon à distribuer équitablement entre les parties les
pertes et profits qui résultent du changement de circonstances » (art. 6.111(3)). Cet article
diverge considérablement du droit français qui reconnaît depuis la fameuse affaire du Canal
de Craponne en 1876, qu’en « aucun cas il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que
puisse leur paraître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances
pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont
été librement acceptées par les contractants »175.
D’une manière générale, là où le droit français donne au juge le pouvoir de trancher
entre des solutions souvent extrêmes, les Principes Lando lui permettent de prendre des
décisions plus en nuance et qui s’adaptent mieux à chacune des relations contractuelles.
175
Civ., 6 mars 1876, DP, 1876, I, 193, note Giboulot.
68
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
Si la commission Lando s’est « seulement » attelée à la rédaction de Principes, d’autres
en revanche ont opté pour un code (sous-section 2).
Sous-section 2. L’hypothèse d’une uniformisation à vocation
contraignante
Nous allons étudier les projets en matière de code européen des contrats qui
correspondent à une des mises en œuvre de la quatrième option de la Commission dans sa
communication de 2001176. La Commission n’exclut aucune hypothèse, en particulier, elle
retient que ce code pourrait être un modèle optionnel qui coexisterait avec les droits nationaux
ou au contraire remplacer totalement les législations nationales (points 66 et 67). Dans l’étude
qui va suivre, on se basera sur cette dernière hypothèse car c’est la plus extrême mais on
supposera qu’en cas d’élaboration d’un tel code, son adoption se fera par étapes. Il se
superposera tout d’abord aux droits nationaux pour permettre à chacun de se familiariser avec
puis, si son application est satisfaisante, il pourra alors remplacer les législations internes en
matière de droit des contrats.
Nous verrons tout d’abord comme élaborer un code européen (I) puis les difficultés
que représente un tel projet (II).
I.
L’élaboration d’un code européen
Deux groupes de juristes travaillent à la réalisation d’un code européen de droit des
contrats, d’une part, l’Académie des privatistes de Pavie, sous la coordination du Professeur
Gandolfi, et le Groupe d’Etudes sur un code civil européen, autrement appelé commission von
Bar, du nom de son instigateur qui est certainement le plus connu. Nous verrons tout d’abord
ce qu’implique la rédaction d’un code par rapport aux autres démarches vues précédemment
(A), puis la légitimité d’une telle initiative (B).
176
Point 61 : Une autre option résiderait dans un texte global comportant des dispositions sur des questions
générales de droit des contrats et sur des contrats spécifiques. Pour cette option, il y a lieu de discuter du choix de
l'instrument et de la nature contraignante des mesures.
69
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
A. L’élaboration d’un code unique pour l’ensemble de la communauté
Cette démarche va beaucoup plus loin que celles que nous avons vu précédemment
mais elles ne sont en rien contradictoires. Tout d’abord, les objectifs à la base de la rédaction
d’un code sont identiques tant à ceux des universitaires de Trente qu’à ceux de la commission
Lando, il s’agit de faciliter les échanges intra-communautaires pour réaliser un véritable
marché unique. Quant aux méthodes, ce sont sensiblement les mêmes, elles consistent en une
analyse puis une comparaison des législations en présence, tant communautaires qu’extracommunautaires, puis, à la façon des Principes du droit européen des contrats, il s’agit de
trancher et de rédiger des articles compatibles avec les législations des différents Etats
membres. En outre, ces travaux de codification sont postérieurs, aussi, ont-ils pu bénéficier de
l’œuvre considérable que leurs collègues ont déjà réalisée.
Ce qui différencie en revanche ces deux œuvres de rapprochement des législations, est
qu’alors que les Principes Lando cherchent à harmoniser le droit des contrats au niveau
communautaire, ces codes visent une unification. Ils vont donc beaucoup plus loin dans le
processus de rapprochement, mais la technique adoptée par ces deux groupes est différente.
Lors d’un colloque qui s’est tenu à Pavie en 1992 et qui avait pour but de réfléchir à la
nécessité d’élaborer un code européen commun de droit privé, suite à la Résolution du
Parlement européen de 1989, le Professeur André Tunc, en sa qualité de membre fondateur de
l’Académie des privatistes de Pavie, créée à cette occasion, a clairement affirmé, après avoir
passé en revue d’autres moyens susceptibles de procéder à un rapprochement, que selon lui,
seule la loi pouvait être source d’unification177. Parmi les autres techniques abordées, il a fait
référence aux Restatements mais n’a pas cité les Principes de la commission Lando, ceux-ci
n’étant pas encore achevés, en revanche, comme nous l’avons vu, tant leurs méthodes que
leurs résultats sont très proches, nous pouvons donc appliquer ses critiques aux Principes.
Monsieur Tunc ne nie pas l’utilité des Restatements et reconnaît qu’ils ont permis un certain
rapprochement entre les législations des différents Etats fédérés, en revanche, bien qu’ils
existent depuis de très nombreuses années, ils n’ont toujours pas supprimé les problèmes de
droit international privé que seule une unification des droits peut permettre. Comme nous
l’avons déjà vu, on peut illustrer la différence entre unification et harmonisation en faisant un
177
TUNC A., L’unification du droit des contrats en Europe : avec ou sans loi ?, RIDC, 1993, p. 877.
70
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
parallèle avec les directives et les règlements communautaires. Certes, les directives heurtent
moins la sensibilité des législateurs que les règlements qui leur sont directement imposés,
mais en raison de la latitude dont ils disposent pour les transposer, on constate des différences
d’application importantes d’un Etat membre à l’autre. En principe, plus les traditions
juridiques sont éloignées (on pense par exemple à l’Angleterre par rapport à un Etat du
continent), plus les risques de divergence sont grands, mais même lorsque deux Etats ont une
législation proche, les risques ne sont pas négligeables. A ce titre, on peut rappeler l’exemple
de la transposition de la directive 1999/44 sur certains aspects de la vente et des garanties des
biens de consommation dont nous avons vu précédemment qu’alors que les codes civils
belges et français sont sensiblement identiques, il semblerait que nos législateurs respectifs
optent pour des transpositions opposées. Par conséquent, comme l’affirmait le Professeur
Gandolfi dès avant la création de l’Académie de Pavie, la réalisation « complète » du marché
intérieur requiert la promulgation d’une loi « substantielle » qui soit commune aux Etats
membres178. Aussi, les Académiciens ont-ils écarté les principes car ceux-ci peuvent avoir une
portée vaste et indéterminée qui n’est pas propice à une unification effective car leurs mises
en œuvre sont tributaires des mentalités et des traditions nationales179. Non seulement les
académiciens de Pavie ont choisi un code comme outil de rapprochement mais encore, ils ont
cherché à éviter toute disposition vague, abstraite ou trop générale180 comme le Code civil
français en connaît de nombreuses tels la bonne foi ou l’abus pour ne citer que celles-là. En
procédant de la sorte, les universitaires de Pavie ont cherché, contrairement aux Principes
Lando, à restreindre les pouvoirs du juge.
Le Groupe d’études pour un Code civil européen a également écarté le système des
principes mais en pratique, il s’en éloigne moins que le groupe de Pavie. Tout d’abord, son
travail se fait en parallèle avec celui de la commission Lando, il se consacre donc surtout aux
domaines qu’elle ne traite pas, les Principes du droit européen des contrats ayant vocation à
intégrer le code civil européen. Contrairement à l’Académie des privatistes de Pavie, la
commission von Bar ne cherche pas à faire une codification dans le détail mais plutôt à retenir
des formulations succinctes. Le Professeur von Bar explique ce choix par le fait qu’il faut
laisser de la marge pour les développements futurs car un code se modifie rarement et
178
GANDOLFI G., Pour un code européen des contrats, RTD Civ., 1992, p. 713, (l’auteur qui souligne).
GRIDEL J.-P., Sur l’hypothèse d’un Code européen des contrats : les propositions de l’Académie des
privatistes européens (Pavie), Gaz. Pal., 2003, n° 52, p. 3.
180
RUFFINI GANDOLFI M. L., Problèmes d’unification du droit en Europe et le code européen des contrats,
RIDC, 2002, p. 1087.
179
71
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
difficilement, surtout un code européen181. Le choix d’un texte flexible semble le plus
approprié mais il a une contrepartie qui pourrait bien mettre à mal cette œuvre codificatrice.
En effet, en élaborant des articles assez larges, comme c’est parfois le cas du Code civil
français, on reconnaît une place essentielle au juge. Cela implique comme nous l’avons dit, de
plus grands risques d’insécurité juridique et surtout, comme le fait remarquer Yves Lequette,
« la diversité pourrait bien se réintroduire d’un pays à l’autre au stade de l’application »182.
B. Les bases contestables de tels travaux
La démarche de ces groupes de juristes n’échappe pas à toute critique, leurs méthodes
ne sont pas pleinement satisfaisantes et leur légitimité n’est pas toujours à la hauteur de leurs
prétentions (1), en outre, les fondements juridiques de tels travaux sont douteux (2).
1) Une méthode et une légitimité incertaines
Comme nous l’avons signalé, les deux organismes codificateurs ont adopté des
démarches méthodologiques proches de celles des autres groupes de juristes que nous avons
déjà étudiés. En ce qui concerne l’Académie des privatistes de Pavie toutefois, quelques
précisions sont à apporter. Tout d’abord, il faut saluer la volonté qui a été la sienne de ne pas
se laisser aller aux compromis. Pour ce faire, d’une façon générale, les académiciens ont
écarté les notions ignorées dans certains pays pour ne pas « insérer de corps étrangers dans
leur vie juridique »183 et ils ont proposé aux parties des alternatives car ils ont constaté que
souvent, les différentes techniques juridiques nationales aboutissaient au même résultat,
certaines pouvaient donc être conservées pour éviter tout bouleversement. En revanche, si
bien sur, comme nous l’avons signalé, chaque législation est prise en considération,
l’Académie a fait le choix délibéré de se baser plus spécialement sur deux textes, le Livre IV
du Code civil italien et le Contract Code élaboré par Mc Gregor. L’initiative est
compréhensible, recourir à des modèles n’est pas contestable en soi et le choix d’un texte
181
BAR (von) C., Le groupe d’études sur un code civil européen, RIDC, 2001, p. 135.
LEQUETTE Y., Quelques remarques à propos du projet de code civil européen de M. von Bar, D., 2002,
Chron. p. 2210.
183
RUFFINI GANDOLFI M. L., Problèmes d’unification du droit en Europe et le code européen des contrats,
Op. cit., p. 1091.
182
72
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
reprenant les principes de common law sous forme codifiée et l’un autre de tradition romanogermanique semble une décision équilibrée. Pourtant, le choix du code civil italien peut, en
tout cas de prime abord, être le signe d’un manque de neutralité pour un groupe qui s’est
domicilié à Pavie et dont le coordinateur est lui-même professeur à Pavie et ce, même si ses
membres sont issus de plusieurs Etats. Les académiciens justifient ce choix du fait que le
Code civil italien serait plus proche du droit anglais que d’autres législations continentales.
Mais surtout, il correspondrait à une voie médiane entre les droits français et allemand. En
effet, le premier code civil italien, promulgué en 1865 était semblable au code napoléonien,
pendant l’entre deux guerres, l’Italie chercha à le réviser, après un premier projet très
influencé par le Projet italo-français d’un code des obligations et des contrats de 1927, celuilà fut retiré et la rédaction du code s’orienta finalement en partie vers des solutions inspirées
du BGB184. Ainsi, le code civil italien aurait subi autant les influences des législations
française qu’allemande qui sont considérées comme les deux pôles, les deux modèles
législatifs de l’Europe continentale. Enfin, le code civil italien est considéré comme un texte
moderne et à ce titre, a inspiré tant la Convention de Vienne que la commission sur le droit
européen des contrats185.
Ces justifications semblent fondées et le choix du Livre IV du code civil italien n’a
sûrement rien d’arbitraire, toutefois, il laisse dubitatif quant à la neutralité d’un tel choix et
pousse à la réserve. Les académiciens auraient peut-être gagné en crédibilité s’ils n’avaient
pas ouvertement choisi ce texte comme base de leurs travaux.
Un autre élément nous semble contestable, tant la commission von Bar que
l’Académie des privatistes de Pavie ont décidé de ne travailler que dans une seule langue,
l’anglais pour la commission von Bar et le français pour la seconde. Les académiciens ont
justifié leur choix par le fait que la langue française était « typiquement européocommunautaire, l’anglais présentant plutôt un caractère intercontinental » pour reprendre les
termes de Jean-Pierre Gridel186. Ce n’est que dans un second temps que leur code européen
des contrats doit être traduit dans toutes les langues. Comme nous l’avons évoqué à propos
des Principes Lando, une traduction ne peut aboutir à un résultat aussi satisfaisant qu’une
corédaction, à savoir la rédaction simultanée dans plusieurs langues, au contraire, elle risque
184
GANDOLFI G., Pour un code européen des contrats, RTD Civ., 1992, p. 726.
Ibid., p. 731.
186
GRIDEL J.-P., Sur l’hypothèse d’un Code européen des contrats : les propositions de l’Académie des
privatistes européens (Pavie), Gaz. Pal., 2003, n° 52, p. 3.
185
73
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
d’appauvrir le texte et tous les concepts n’ont pas forcément d’équivalent, en outre, cette
démarche implique qu’elle prend parti pour la tradition romano-germanique. Pour ce qui est
du Groupe d’études sur un Code civil européen, la critique est la même en sens inverse mais
leur mode opératoire semble encore plus contestable car en choisissant l’anglais, il exclut
d’office la famille juridique la plus représentée dans la Communauté. Il est également
intéressant de relever l’origine des financements de la commission von Bar, ils sont
essentiellement issus de pays germaniques, il s’agit en particulier d’une société allemande de
recherche scientifique, mais également néerlandaise, flamande ou encore autrichienne.
Il ressort de ces divers éléments que ces deux groupes ne garantissent pas
nécessairement une parfaite neutralité, au contraire, on peut pour chacun imaginer leurs
inclinations à l’image de leur localisation géographique. En ce qui concerne l’Académie de
Pavie, on aurait tendance à penser qu’elle est très ancrée dans la tradition romano-germanique
quant à la commission von Bar, elle fait une large place à la common law et est globalement
sensible aux systèmes juridiques du nord de l’Europe, la refonte du BGB y est d’ailleurs pour
beaucoup.
Il faut également signaler au sujet de la commission von Bar que ses prétentions ne
correspondent peut-être pas à l’autorité qui lui est effectivement reconnue. En effet, le
Professeur von Bar a fixé un calendrier indicatif, selon lui, dès 2005 les universitaires
devraient enseigner ce projet de code européen car celui-ci devrait devenir notre droit positif à
partir de 2010. On se demande à quel titre, Christian von Bar peut faire de telles déclarations
qui pourraient être celles d’un législateur car il n’a obtenu aucune compétence politique de la
part des autorités communautaires et ce projet de code européen est une initiative purement
privée. Alors qu’il revendique n’avoir qu’une autorité exclusivement scientifique, il se place
dans la posture d’une personne officiellement investie par les autorités communautaires de la
mission d’établir ce code187.
2) L’absence de base juridique satisfaisante
Une question fondamentale à résoudre avant d’élaborer un code civil européen est de
savoir si la Communauté européenne est compétente pour une telle initiative. En effet,
187
LEQUETTE Y., Quelques remarques à propos du projet de code civil européen de M. von Bar, Op. cit. p.
2211.
74
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
contrairement aux législateurs nationaux, le législateur communautaire ne jouit que d’une
compétence d’attribution. L’article 5 du traité CE reconnaît le principe de spécialité selon
lequel, la Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des
objectifs qui lui sont assignés par le traité. Dès lors, il est nécessaire pour la mise en œuvre
d’un code civil européen de trouver une base juridique susceptible de reconnaître cette
compétence à la Communauté dans le traité CE. Or, il n’est pas certain qu’une telle base
existe en outre, les principes de subsidiarité et de proportionnalité semblent être des freins
supplémentaires.
En matière de rapprochement, les deux premiers textes auxquels on peut penser sont
les articles 94 et 95 du traité CE, eux-même insérés dans un chapitre consacré au
rapprochement des législations. Toutefois, l’article 94 a perdu beaucoup d’influence depuis
l’Acte Unique de 1986 qui a consacré l’article 95 (ex. 100 A). En effet, l’utilisation de
l’article 94 est subordonnée à des conditions plus strictes. Tout d’abord, il prévoit que le
Conseil statue à l’unanimité et il ne concerne que les directives. En outre, le rapprochement,
ici, n’est pas envisagé comme une fin en soi, le recours à ce texte ne se justifie que si la
législation en cause a une incidence directe sur l’établissement ou le fonctionnement du
marché commun188. L’article 95 est d’application plus souple, il devrait donc lui être préféré
car il ne requiert qu’une majorité qualifiée du Conseil conformément à l’article 251 du traité
CE et il lui permet d’arrêter « les mesures relatives au rapprochement des dispositions
législatives, réglementaires et administratives des Etats membres qui ont pour objet
l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur », le type de texte qu’il peut adopter
en vertu de l’article 95 ne se restreint donc pas aux directives. Or, il semble qu’une directive,
outil d’harmonisation, soit exclue pour la mise en œuvre d’un code européen des contrats, seul
un règlement serait susceptible de réaliser une telle unification sur la base de l’article 95,
l’autre alternative étant la révision du traité CE lui-même. En revanche, en ce qui concerne
l’éventualité d’un code européen des contrats, il n’est pas certain que cet article puisse être
invoqué. Une telle œuvre pourrait excéder le domaine d’application de l’article 95189, en effet,
l’unification du droit européen des contrats n’est pas une condition essentielle à la réalisation
du marché intérieur puisque celui-ci existe déjà. En outre, la CJCE a récemment interdit une
188
IDOT L., Les bases communautaires d’un droit privé européen (traité de Maastricht et traité de Rome), in Le
Droit privé européen sous la direction de P. de Vareilles-Sommières, Economica, 1998, Collection Etudes
Juridiques, t. 1, p. 29.
189
Contra : BASEDOW J., Un droit commun des contrats pour le marché commun, RIDC, 1998, p. 19.
75
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
lecture trop extensive de cet article190 qui ne doit pas jouer pour éliminer les différences mais
uniquement pour supprimer les obstacles à la libre circulation des biens et des services191.
Un autre fondement textuel peut être envisagé, l’article 308 du traité CE. Il permet au
Conseil, lorsque que le traité ne prévoit pas de compétence spécifique, de prendre, à
l’unanimité, après consultation du Parlement, les dispositions appropriées « si une action de la
Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le bon fonctionnement du marché
commun, l’un des objectifs de la Communauté ». Ce texte permet d’étendre de manière
significative les compétences communautaires or, le droit des contrats relève bien de la
compétence partagée entre la Communauté et les Etats membres, cet article pourrait donc être
une solution. Toutefois, comme l’article 94, il requiert l’unanimité du Conseil ce qui est un
obstacle considérable pour l’adoption d’un texte en outre, il doit n’être utilisé
qu’exceptionnellement192. Aussi, là encore, n’est-il pas certain que cette base juridique soit
totalement satisfaisante. Une autre technique enfin est envisageable, il s’agit de la théorie des
compétences implicites consacrée par la CJCE en 1956193. Elle invite à rejeter l’interprétation
littérale des traités au profit d’une interprétation téléologique. Elle permet de reconnaître à
l’Union, en plus de ses compétences expresses, des compétences implicites pour réaliser
celles-ci194. Mais il semblerait que pour élaborer un projet aussi important qu’un code
européen des contrats, une telle base juridique soit fragile et qu’en particulier elle soit balayée
par les principes de subsidiarité et de proportionnalité.
Le principe de subsidiarité a été introduit par le traité de Maastricht. Il est consacré par
l’article 5 alinéa 2 du traité CE et prévoit que dans les domaines qui ne relèvent pas de sa
compétence exclusive, la Communauté n’intervient « que si et dans la mesure où les objectifs
de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats
membres ». Ce principe permet ainsi d’organiser un partage dans chaque domaine de
compétence concurrente, l’exercice de la Communauté étant doublement conditionné. Il faut
d’une part une insuffisance de l’action étatique et d’autre part que l’intervention de la
Communauté puisse garantir une plus grande efficacité. Comme le droit privé ne relève pas de
la compétence exclusive de la Communauté, la question est de savoir si un code européen est
190
CJCE, 5 octobre 2000, Allemagne c./ Parlement et Conseil, aff. C-376/98, Imperial Tobacco, aff. C-74/99,
Europe, déc. 2000, comm. D. Simon, n°200.
191
FAUVARQUE-COSSON B., Faut-il un Code civil européen ?, RTD Civ., 2002, p. 467.
192
MALINVAUD Ph., Réponse - hors délai - à la Commission européenne : à propos d’un code européen des
contrats, D., 2002, Chron. p. 2542.
193
CJCE, 29 novembre 1956, Fédéchar Rec., p. 291.
194
FAUVARQUE-COSSON B., Faut-il un Code civil européen ?, Op. cit., p. 467.
76
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
nécessaire, les codes nationaux n’étant pas à même de régir de façon satisfaisante les relations
juridiques de la Communauté195. Rien ne dit que l’élaboration d’un code obéisse à cette
condition, mais si tel est le cas, elle devra encore respecter le principe de proportionnalité
énoncé article 5 alinéa 3 du traité196. Il en résulte que même si l’action de la Communauté est
jugée nécessaire, si elle a le choix entre plusieurs mesures, elle devra choisir la moins
contraignante. Or, l’élaboration d’un code semble être pour le moins une mesure
contraignante..
En conclusion, les obstacles juridiques à un tel ouvrage sont grands. Si le Parlement
européen indique dans sa résolution du 15 novembre 2001 qu’il serait favorable à
l’élaboration d’un règlement pris sur la base de l’article 95 du traité, il semblerait que le
moyen le plus sûr pour parvenir à une uniformisation satisfaisante, serait encore la
modification du traité CE. En revanche, pour chacune de ces solutions, cela impliquerait,
comme le fait remarquer le Professeur Lequette197, que les Parlements nationaux seraient
privés de la possibilité de participer réellement à l’élaboration de ce qui reste le texte juridique
essentiel des peuples. Aussi, une telle initiative qui évincerait les Parlements nationaux,
risquerait-elle d’être rejetée par la population qui reprocherait à la Communauté d’avoir
procédé de façon bureaucratique. Certes un tel fondement peut sembler peu démocratique
mais il n’est pas souhaitable que cette unification soit le fruit uniquement de politiques car ils
auraient trop tendance aux compromis ce qui pourrait mettre en cause la qualité du texte.
Outre les fondements juridiques, l’élaboration d’un code européen des contrats
implique de faire face à de nombreuses autres difficultés idéologiques et pratiques (II).
II.
Une œuvre difficile à mettre en place
L’édiction d’un code européen des contrats ne peut s’envisager que si la Communauté
dans son ensemble fait preuve d’une volonté politique forte car il existe de nombreux
195
BUSSANI M., MATTEI U., Le fonds commun du droit privé européen, Op. cit., p. 42.
Art. 5 al. 3 : L’action de la Communauté n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du
présent traité.
197
LEQUETTE Y., Quelques remarques à propos du projet de code civil européen de M. von Bar, D., 2002,
Chron., p. 2211.
196
77
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
obstacles à l’élaboration d’un code européen des contrats, ils sont notamment culturels (A) et
financiers (B).
A. Les freins culturels
Le droit constitue un élément essentiel de la culture d’un pays. Comme nous l’avons
déjà évoqué, un des premiers freins culturels est la langue, il n’y a pas et il ne peut y avoir une
langue européenne comme il existe depuis le 1er janvier 2002 une monnaie unique. Et encore,
on sait les réticences qu’elle a suscitées et qu’elle continue de provoquer en particulier en
Grande-Bretagne et en Suède. Le problème de la langue est d’ailleurs un des éléments
essentiels pour restreindre la comparaison entre une harmonisation aux Etats-Unis par
l’intermédiaire du U.C.C. ou des Restatements où ils ont une langue unique, et un
rapprochement à l’échelle européenne. Pour le Professeur Cornu, il doit revenir à chaque Etat
de dire ses lois dans sa ou ses langues, avec le soin qu’il y mesure198. Ainsi, plusieurs
associations de défense de la culture française et notamment l’association « Avenir de la
langue française » se sont indignées en découvrant que le projet de code civil européen
coordonné par le Professeur von Bar se faisait exclusivement en anglais199. De même, l’
« Académie des Sciences morales et politiques » a adopté à l’unanimité le 1er juillet 2002 une
motion dans laquelle elle exprime toutes ses réserves vis-à-vis de ce projet qui selon elle,
remettrait en cause une des institutions fondamentales de la France à savoir son Code civil. A
l’inverse, le Professeur Sacco retient que rien n’est immuable, le droit « n’est pas » mais il
« devient » et il « circule »200. C’est ainsi que les modèles du Code civil français ou de la
common law ont largement circulé à travers le monde, en outre, le Code civil est lui-même le
fruit de la réception du droit romain mais également de la volonté politique d’un tyran
visionnaire qui, pour la réalisation de son code, a dû mettre fin à une multitude de cultures
juridiques à travers la France. Pour Rodolfo Sacco, on peut défendre la diversité mais pas
l’invariabilité et il faut profiter des modèles des autres car selon lui, « l’idéologie de
l’autosuffisance culturelle n’est autre chose que l’idéologie du retard »201.
198
CORNU G., Un code civil n’est pas un instrument communautaire, D., 2002, Chron., p. 351.
Consultable sur le site : http://www.avenirlanguefrancaise.org/, Alarme ! Des européistes s’attaquent
maintenant au Code civil français !
200
SACCO R., Non, oui, peut-être, in Mélanges Christian Mouly, Litec, 1998, tome 1, p. 164 (l’auteur souligne).
201
Ibid., p. 165.
199
78
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
L’un des premiers débats concrets sur le bien fondé et la forme d’un éventuel
rapprochement de législations a eu lieu en Allemagne au début du XIXème siècle entre Savigny
et Thibaut202 mais il ne s’agissait pas alors d’un rapprochement de législations inter-étatiques.
Thibaut proposait l’élaboration d’un code civil allemand unique à l’image du Code Napoléon
qui avait permis de mettre fin à la multitude de droits et coutumes régionales. De son côté,
Savigny y était fortement opposé car il refusait que la loi soit la source unique du droit, il
n’admettait pas que le droit émane uniquement du pouvoir de l’Etat car il considérait qu’il
était une composante inséparable d’une tradition culturelle donnée qui était elle-même le fruit
d’une histoire. Nous pouvons faire un parallèle entre ce débat et les réflexions sur un code
européen des contrats. Où Savigny retenait qu’un code ne peut être une source unique du droit
car l’histoire et la culture sont également sources de droit, on pourrait répondre, comment
élaborer un code unique alors que nous n’avons même pas d’histoire et de culture communes.
En effet, bien que les Européens soient proches sur de nombreux points, il serait peut-être
illusoire de prétendre que nous avons une culture commune. Dès lors, sans culture commune,
un droit commun n’est peut-être pas souhaitable car il pourrait être artificiel et ainsi serait
rejeté par les Européens.
En dehors de l’aspect culturel proprement dit, pour savoir si un code unique est
possible pour l’ensemble de l’Europe, on peut également avoir une approche plus
sociologique. En effet, un autre élément important est le sentiment d’appartenance, on ne peut
construire de culture commune si les quelques 330 millions de personnes qui vivent sur le
territoire des Etats membres n’ont pas le sentiment d’être européens. Pour se faire une idée, on
peut s’intéresser à une brochure faite par la Commission européenne en 2000 intitulée « Les
Européens vus par eux-mêmes »203. Depuis 1973, la Commission fait régulièrement des
sondages d’opinions auprès d’Européens, il s’agit dans ce recueil d’une sorte de recensement
et d’analyse de l’évolution de la perception de l’Europe par ses habitants. Au préalable, la
Commission informe les lecteurs de la façon dont sont faits ces sondages et notamment
comment sont choisis les personnes sondées, il s’agit de citoyens européens de plus de 15 ans
avec une base de 1000 personnes interrogées par Etat membre mais ce chiffre est ajusté en
fonction de la population de chacun d’eux, les modalités varient légèrement d’un type de
202
RUFFINI GANDOLFI M. L., Problèmes d’unification du droit en Europe et le code européen des contrats,
RIDC, 2002, p. 1079 et s.
203
Les Européens vus par eux-mêmes, les enseignements des sondages d’opinion, brochure de la documentation
européenne, 2001, consultable sur le site :
http://europa.eu.int/comm/publications/booklets/eu_documentation/05/index_fr.htm
79
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
sondage à l’autre et la Commission estime la marge d’erreur selon les sondages entre +/- 3,1%
et +/- 3,5%.
Le traité de Maastricht a institué la notion de citoyen européen, est citoyen de l’Union
toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre. Le traité d’Amsterdam a précisé que la
citoyenneté de l’Union complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas (art. 17 du
traité CE). Dans un sondage de 1999, la Commission a interrogé un échantillon de citoyens
européens sur le point de savoir s’ils étaient attachés géographiquement à l’Europe (graphique
5). En moyenne, six sur dix se sentent très ou plutôt attachés à l’Europe, mais il est intéressant
de regarder les réponses en détail en fonction du pays de provenance des sondés. En effet, ce
sentiment varie considérablement d’un Etat membre à l’autre ainsi, il est très répandu dans les
pays du nord de l’Europe, en revanche, ceux qui sont éloignés géographiquement ressentent
fort logiquement un attachement moindre, c’est le cas de la Grèce et du Royaume-Uni où
seuls 37% des personnes interrogées se déclarent très ou plutôt attachées géographiquement à
l’Europe. Dans le contexte de la citoyenneté européenne l’appartenance géographique n’est
pas suffisante, il est important que les gens se sentent également psychologiquement attachés
à l’Europe. Une question plus délicate a donc été posée, il s’agissait de mettre en parallèle le
sentiment d’identité européenne et nationale (graphique 6). Les résultats sont alors moins
favorables à l’Europe, 50% des personnes sondées se reconnaissant une identité seulement
européenne ou nationale et européenne et 45% se déclarant uniquement d’identité nationale et
là encore le Royaume-Uni se distingue, 67% des personnes interrogées se reconnaissent
uniquement d’identité nationale. Enfin, les Européens ont été interrogés sur une question qui
nous intéresse tout particulièrement : existe-t-il une identité culturelle partagée par tous les
Européens (graphique 7) ? En moyenne sur l’Europe, le nombre des personnes qui répondent
par l’affirmative tombe à 38% contre 49% qui ne croient pas à une telle identité culturelle. Il
faut à nouveau préciser qu’il s’agit de moyennes et que les habitants de certains Etats
membres sont encore plus sceptiques quant à une éventuelle identité culturelle, c’est
notamment le cas du Royaume-Uni où seuls 28% croient à cette culture commune contre 53%
qui ne s’y reconnaissent pas, mais on peut également relever le cas de la France où 59% des
personnes sondées ont déclaré ne pas être d’accord avec l’existence d’une identité culturelle
commune contre 36% qui y croyaient.
Il est bien certain qu’il faut prendre ces sondages avec toute la réserve qui s’impose, et
ce d’autant qu’ils datent de 1999, ce même sondage fait en 2003, avec l’arrivée de l’euro
80
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
n’aboutirait peut-être pas aux mêmes conclusions. Quoi qu’il en soit, ils témoignent tout de
même d’une tendance, il ne suffit pas de reconnaître la citoyenneté européenne pour être
« Européen » au même titre que l’on est « Espagnol » ou « Français ». Or, comme le font
remarquer de nombreux auteurs et en particulier Pierre Legrand204, le droit est à la fois le fruit
d’une histoire, de traditions, mais il fait également partie intégrante de la culture d’un pays, on
parle d’ailleurs de « culture juridique ». Dès lors, est-il vraiment envisageable d’élaborer un
code européen des contrats si les Européens n’ont pas le sentiment d’avoir une culture
européenne commune ? Toutefois, il faut à nouveau modérer ce propos, tout d’abord, un autre
sondage de 1999 dont les résultats sont également publiés dans cette brochure de la
documentation européenne, montre que 45% des personnes interrogées souhaitaient que le
rôle de l’Union européenne soit plus important au XXIème siècle contre 14% qui le voulaient
moins important (graphique 44). Enfin, si on considère que les jeunes d’aujourd’hui feront
l’Europe de demain, il est important de constater qu’en 1997, sur un panel de jeunes
européens de 15 à 24 ans (graphique 46), très peu associaient l’Union européenne à des
éléments négatifs tels qu’un excès de bureaucratie (14%), une perte de diversité culturelle
(12%) ou encore une utopie (8%), alors qu’à 34% ils considéraient que l’Union européenne
impliquait un meilleur avenir et une meilleure situation économique. On peut en conclure que
d’un point de vue culturel, il est encore trop tôt pour imaginer un code uniformisé, en
revanche, on peut penser que dans un avenir plus ou moins proche, un tel projet serait
envisageable car il serait susceptible d’être accepté par la population européenne.
B. Les coûts d’une unification du droit des contrats
L’élaboration d’un code européen des contrats implique toutes sortes de dépenses
parfois considérables, sa rédaction tout d’abord engendre des frais importants (1), mais
surtout, afin de garantir une interprétation uniforme du code, il faut entièrement réorganiser le
système judiciaire au niveau européen (2).
1) Les coûts inhérents à l’unification
204
LEGRAND P., Le primat de la culture, in Le Droit privé européen sous la direction de P. de VareillesSommières, Economica, 1998, Collection Etudes Juridiques, t. 1, p. 1.
81
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
Un des arguments essentiels mis en avant par les défenseurs d’un code européen des
contrats est le gain financier qu’il pourrait engendrer, en effet, comme nous l’avons déjà vu, la
disparité entre les différentes lois nationales entraîne des coûts élevés de transaction. Tout
d’abord, elle nécessite de se renseigner sur les lois, le plus souvent par l’intermédiaire de
services juridiques, puis, en cas de différend, les frais sont beaucoup plus importants et les
services d’avocats internationaux sont souvent indispensables. En outre, ces différences
légales entraînent des coûts pour l’économie européenne du fait de la non-conclusion de
transactions qu'elles suscitent, les parties étant découragées par les risques du commerce
extérieur205. Mais ces arguments ne font état que d’une partie de la question et les
conséquences d’une unification sont beaucoup plus complexes à analyser en termes de coûts.
Tout d’abord, on peut s’étonner que la Commission qui a largement invoqué
l’argument financier, n’ait pas fait d’études poussées pour tenter de quantifier le gain d’une
telle opération. Il semble guère sérieux de se baser ainsi sur un constat plus intuitif que
scientifiquement démontré206. Bien que cet argument soit séduisant, il serait utile de mener
une véritable analyse scientifique à l’aide des instruments utilisés en sciences économiques
afin de déterminer si les différences légales entraînent des coûts de transaction et dans
l’affirmative, de préciser les économies qu’un rapprochement pourrait engendrer. En outre, ce
constat fait par la Commission est partial, certes des économies sont envisageables pour les
différents opérateurs économiques mais en contre partie, l’élaboration d’un code européen des
contrats devrait entraîner des coûts considérables207. Un immense travail a déjà été accompli,
tant par la commission Lando, que par le groupe von Bar ou encore par les académiciens de
Pavie mais la rédaction d’un code n’est pas encore achevée, de nombreux juristes, linguistes,
économistes et savants de divers domaines devront encore contribuer à la rédaction d’un code,
soit autant de personnes à rémunérer et ce, sur une période sûrement longue. De plus, le
travail des commissions qui réfléchissent au rapprochement des législations ne devrait pas être
gratuit pour la Communauté européenne. La commission Lando est déjà en partie financée par
la Commission, ce n’est pas le cas des autres mais si la Communauté décide de reprendre
leurs travaux, ils risquent de les négocier à un prix très élevé. Il serait donc sérieux de faire
205
BASEDOW J., Un droit commun des contrats pour le marché commun, RIDC, 1998, p. 18.
Réaction du groupe constitué par J. B. Racine à la communication de 2001, consultable à la rubrique
« Academics » du site de la Commission consacré au droit européen des contrats.
207
VAN DEN BERGH R., Forced Harmonisation of Contract Law in Europe not to be continued, contribution
au colloque de Leuven, Belgique, des 30 novembre et 1er décembre 2001, Communication from the Commission
on European Contract Law.
206
82
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
des estimations sur ces points afin de pouvoir évaluer de la façon la plus complète possible,
les coûts de l’unification.
Un autre élément à prendre en considération si on procède à une analyse économique
du droit est qu’une uniformisation mettra nécessairement fin à la compétition qui existe
actuellement entre les lois nationales. En effet, l’existence de plusieurs lois a tendance à
stimuler les législateurs qui cherchent tous à élaborer les meilleurs textes, cette concurrence
légale serait donc productive208. Une uniformisation pourrait en revanche conduire à une
déperdition linguistique et à un appauvrissement légal car les législateurs tiennent compte du
droit comparé ainsi quand un Etat adopte une loi qui se révèle meilleure que les autres, elle
agit comme un moteur sur les Etats voisins. S’inspirer les uns les autres et tirer les leçons des
échecs ou des réussites de chacun contribue à faire avancer la science juridique en revanche,
un code uniformisé risque de ne pas être non plus à même de s’adapter aux évolutions
économiques. Et comme le fait remarquer le professeur Malaurie, on ne sait pas quelle
autorité européenne pourrait adapter « dans des conditions convenables et des délais
raisonnables » le droit européen des contrats aux changements rapides de notre société209. En
outre, à titre subsidiaire, on peut relever qu’un système unifié n’est pas nécessairement
l’unique condition d’un fort développement économique, malgré l’absence de droit uniforme
des contrats aux Etats-Unis, ils sont parvenus à établir le marché unique le plus vaste et le
plus dynamique du monde210.
En dehors des dépenses directement liées à la rédaction du code en lui-même, il ne faut
pas oublier les nombreux frais qui en découleront. Il s’agit principalement de frais de
formation sous toutes ses formes. Tout d’abord, tous les recueils de droit des contrats dans
l’ensemble de l’Union seront obsolètes du jour au lendemain, ce n’est pas qu’ils manqueront
d’actualité, mais bien qu’ils seront presque inutilisables. Cela signifie que tous les éditeurs
devront en même temps et dans des quantités gigantesques, réécrire tous leurs ouvrages et la
précipitation ajoutée au manque de recul font craindre quant à leur qualité. Il ne s’agit
pourtant ici que d’un problème pratique qui bien que non négligeable, ne soit pas
208
Contra : BASEDOW J., Un droit commun des contrats pour le marché commun, RIDC, 1998, p. 20 qui
relève entre autre que si les institutions législatives recherchaient en permanence chez leurs voisins des
meilleures solutions en matière de contrat, « comment pourrait-on expliquer autrement que les règles
fondamentales sur les contrats contenues dans les Codes civils de nombreux pays européens […], soient restées
inchangées pendant de longues périodes allant jusqu’à 200 ans ? ».
209
MALAURIE Ph., Le code civil européen des obligations-Une question toujours ouverte, JCP, 2002, I 110, p.
285.
210
HEUZE V., A propos d’une « initiative européenne en matière de droit des contrats », JCP, 2002, I 152, p.
1342.
83
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
insurmontable. Plus délicate est la question de la mise à jour des connaissances de la
communauté des juristes. Les étudiants sont encore malléables et plus ils seront en début de
cursus, plus facile sera leur adaptation mais d’un point de vue quantitatif c’est marginal. Les
plus grandes difficultés concerneront l’immense majorité des juristes, qu’ils soient praticiens
ou universitaires en outre, le droit des contrats est tellement fondamental qu’aucune branche
du droit ne devrait être épargnée. Certes des systèmes de formation accélérée devraient se
mettre en place mais il faudra s’attendre à une longue période de flottement avant que tous se
familiarisent au nouveau droit des contrats. Dans le même ordre d’idées, il faudra également
refaire un nombre incalculable de contrats types et de bases de données. Au regard de tous ces
éléments, non pris en considération par la Commission et qui sont encore loin de prétendre à
une base d’analyse coût-dépense exhaustive, on peut considérablement atténuer les espoirs
d’économie qu’un code uniforme pourrait permettre. Dans l’hypothèse d’un code européen
des contrats, les gains financiers ne devraient être véritablement sensibles qu’à très long terme
quand il sera parfaitement intégré par tous, mais en attendant, cet argument doit être retenu
avec beaucoup de réserves.
Un autre coût essentiel doit être pris en compte, pour garantir réellement un droit
uniforme, il faut avoir conscience qu’il sera également nécessaire de repenser les systèmes
juridiques dans l’ensemble de la Communauté afin de garantir une interprétation uniforme (2).
2) La réorganisation du système judiciaire
Comme nous l’avons déjà évoqué, une unification du droit est sans effet dès lors que
les différents juges nationaux l’interprètent dans des sens qui divergent. D’après l’avocat
anglais Lewis, ceci est particulièrement vrai en Angleterre, bien que la Communauté
européenne instaure des nouvelles lois pour l’ensemble des Etats membres, les juges
britanniques ont tendance à les interpréter à la lumière de la common law et à les rendre ainsi
totalement locales211 ce qui les vide du sens que la Communauté entendait leur donner. Si à
l’inverse d’autres Etats membres font des interprétations également éloignées de l’esprit du
texte et opposé à l’interprétation anglaise, l’uniformisation n’a plus aucun intérêt.
211
LEWIS X., A common law fortress under attack :is english law being europeanized ?, The Columbia Journal
of European Law, 1995/96, vol. 2, p. 10.
84
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
Parallèlement à l’élaboration du code, il faudrait donc réfléchir aux moyens d’éviter que les
différences réapparaissent au stade de l’application du code. Et ce d’autant qu’alors que nous
disposons de deux propositions de codes, c’est celle du groupe von Bar dont les articles sont
les plus généraux qui semble avoir la préférence de la Communauté par rapport à celle de
l’Académie des privatistes de Pavie qui essaie d’être très précise. Comme nous l’avons déjà
signalé, ce choix procure au code une certaine flexibilité qui lui permet de mieux s’adapter
aux cas concrets et de durer plus dans le temps. En contre-partie, en revanche, ce type de code
nécessite, encore plus qu’un code qui évite les articles généraux, la présence d’un juge au rôle
essentiel212 car il devient créateur de droit, dès lors, une interprétation uniforme devient la
condition sine qua non si un tel code est adopté.
Pour illustrer les coûts d’une uniformisation du droit au niveau communautaire, le
Professeur d’économie Hugh Collins distingue le risque juridique qui découle d’une ignorance
du droit de celui qui découle de son manque de prévisibilité213. Alors qu’un code uniforme
permet de mettre fin à l’ignorance des juristes de la Communauté pour les lois des autres Etats
membres (puisqu’il n’y en a plus qu’une !), un tel code ne devrait pas en parallèle
obligatoirement diminuer le risque d’imprévisibilité car celui-ci est inhérent au droit. Le seul
moyen réellement de limiter au maximum les risques du manque de prévisibilité de la loi, est
de garantir une interprétation uniforme de celle-ci. Pour ce faire, il faut établir une hiérarchie
de cours avec au sommet une cour régulatrice. Certes ceci existe déjà dans l’ensemble des
Etats membres, mais désormais, les investissements liés à l’élaboration d’un code uniforme
seraient vains si une cour régulatrice au niveau supra-national n’était mise en place pour
harmoniser l’interprétation du code faite par les différentes cours suprêmes nationales. En
effet, rien ne garantit que les juridictions supérieures de chacun des Etats membres
interprèteront le code uniforme dans le même sens, il suffit pour s’en convaincre de se
reporter à la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises que chaque
juge national interprète à sa manière.
Le rôle d’une cour régulatrice pourrait bien sur revenir à la Cour de justice des
Communautés européennes, mais c’est là que l’argument financier intervient, à l’heure
actuelle, une fonction si étendue ne semble pas envisageable. Le nombre de dossiers en attente
212
GANDOLFI G., Pour un code européen des contrats, RTD Civ., 1992, p. 723.
COLLINS H., Transaction Costs and Subsidiarity in European Contract Law, contribution au colloque de
Leuven, Belgique, des 30 novembre et 1er décembre 2001, Communication from the Commission on European
Contract Law.
213
85
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
devant la Cour est déjà très important or, dans l’hypothèse d’un code unique où elle aurait le
rôle d’une cour régulatrice, elle aurait à traiter beaucoup plus d’affaires et ne pourrait
certainement pas le faire dans des délais raisonnables tel que l’impose l’article 6 de la
Convention Européenne des Droits de l’Homme214 et ce particulièrement au début car une
période de flottement sera inévitable. Il serait donc indispensable d’augmenter
considérablement le budget de la Cour de justice, tant en termes de moyens matériels
qu’humains.
Une autre solution plus radicale encore serait de créer une nouvelle juridiction
communautaire qui serait consacrée aux litiges portant sur le seul code européen des contrats.
En effet, même si le montant du budget de la CJCE est adapté à l’augmentation du nombre
d’affaires, elle aurait toujours à traiter de celles qui relèvent de sa compétence traditionnelle,
dès lors, on pourrait envisager la création d’une autre cour qui aurait la charge exclusive des
litiges en matière contractuelle et serait composée de magistrats spécialement formés dans ce
domaine. Si on pousse encore le raisonnement, afin de réduire le temps de la procédure et
d’éviter aux parties d’attendre d’avoir épuisé leurs recours internes avant d’espérer profiter de
l’interprétation uniforme d’une cour supra-nationale, on pourrait réfléchir à une nouvelle
organisation également interne du système judiciaire. Plusieurs hypothèses sont imaginables,
la moins traumatisante pour les Etats membres serait de créer une nouvelle section au sein de
chaque cour suprême dont le domaine de compétence serait identique à celui de la cour supranationale. On pourrait également penser à une plus grande collaboration entre les cours
suprêmes nationales et la cour régulatrice européenne, cette dernière pouvant par exemple
détacher certain de ses membres dans chaque Etat membre, formant ainsi des cours mixtes
avec des juges suprêmes nationaux. Une autre solution qui priverait encore un peu plus les
Etats de leur souveraineté, consisterait à maintenir la compétence des juges nationaux
uniquement en première instance et en appel et à évincer les cours suprêmes nationales des
litiges relevant du code européen des contrats. Les pourvois en cassation se feraient alors
directement devant des juridictions communautaires qui pourraient éventuellement être
représentées dans chacun des Etats membres. Cette dernière hypothèse semble toutefois
illusoire car non seulement la Communauté devra établir qu’elle est seule apte à garantir une
interprétation uniforme en raison des principes de subsidiarité et de proportionnalité, mais
encore, on imagine les réticences énormes tant de la part des magistrats nationaux qui se
214
Art. 6 :Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai
raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (…).
86
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
sentiraient évincés, que de la part des justiciables qui verraient le pouvoir judiciaire s’éloigner
encore plus d’eux. De plus, cela impliquerait que deux hiérarchies de cours coexistent en
parallèle en matière civile, ce qui pourrait en pratique être très complexe, pour les justiciables
bien sûr, mais également pour les professionnels du droit qui ne seraient pas à l’abri d’erreurs
d’aiguillage et donc encore de pertes de temps. Une telle entreprise serait donc extrêmement
coûteuse sans oublier son impact psychologique.
Il ressort de tous ces éléments que l’argument financier ne peut pas être pris en
considération de façon isolée, il est lié à l’argument culturel mais encore plus généralement à
l’existence ou non d’une réelle volonté politique. Si un code européen des contrats doit être
adopté, ce n’est pas dans le seul but de faire des économies, mais plutôt dans celui de
reconnaître les valeurs d’une société libérale et une façon d’affirmer une sorte de
« construction nationale ». Il semblerait que si ces arguments sont absents des
communications de la Commission, c’est qu’elle les écarterait sciemment car ils ne seraient
pas en accord avec le principe de subsidiarité215. En effet, l’élaboration du marché intérieur
relève sans conteste de sa compétence, en revanche, des considérations plus politiques
excèdent quelque peu sa compétence. Aussi, sous couverts d’arguments essentiellement
économiques, la Communauté pourrait-elle parvenir à des fins également politiques sans pour
autant être censurée par l’article 5 du traité CE qui consacre les principes de subsidiarité et de
proportionnalité.
215
COLLINS H., Transaction Costs and Subsidiarity in European Contract Law, Op. cit.
87
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
SECTION II. LE CHOIX DE LA COMMISSION
Le 12 février 2003, la Commission européenne a adopté, suite aux diverses réactions
qu’avait suscitées son Livre vert de 2001 « Concernant le droit européen des contrats », le
Plan d’action pour « Un droit européen des contrats plus cohérent »216. Il en ressort tout
d’abord que la Commission souhaite maintenir le principe d’une approche sectorielle même si
celle-ci doit être adaptée (sous-section 1). En revanche, elle n’exclut pas l’élaboration, dans
un avenir plus ou moins proche, d’un nouvel outil d’harmonisation (sous-section 2).
Dans cette communication, la Commission cherche à concilier d’un côté le désir fort
d’évolution du Parlement et du Conseil avec une position plus conservatrice qu’on retrouve
dans l’ensemble des réactions engendrées par la communication de 2001. Aussi, faut-il tout
d’abord relever que dans la formulation même de cette nouvelle communication, la
Commission s’inspire largement de la résolution du Parlement dont l’un des points essentiels
était la demande qui lui était adressée d’expliciter son approche sous la forme d’un plan
d’action détaillé, à savoir une structure comportant des mesures à court, moyen et long terme.
Il faut également retenir qu’au même titre que celle de 2001, cette nouvelle communication
conserve un esprit consultatif.
Sous-section 1. La confirmation d’une approche sectorielle
Bien que les débats aient essentiellement porté sur le point de savoir s’il fallait adopter
un texte uniforme en matière de droit des contrats pour l’ensemble de la Communauté et dans
l’affirmative, quel forme il devrait prendre, la Commission européenne exclut une telle
entreprise pour finalement maintenir son approche sectorielle. En revanche, comme l’indique
le nom de sa communication, elle a établi un plan d’action en plusieurs étapes, et souhaite, par
le mélange de mesures d’ordre réglementaire et non-réglementaire217, d’une part améliorer le
216
217
COM(2003) 68 final, JOCE C 63/38 du 15/03/2003.
COM(2003) 68 final, n°3.
88
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
droit communautaire existant et futur (I) mais également adopter une nouvelle démarche grâce
à la promotion de clauses contractuelles types (II).
I.
L’amélioration de l’acquis communautaire
On peut constater que la Commission, dans cette communication, a largement pris en
compte les diverses réactions qui ont fait suite à son Livre vert sur le droit européen des
contrats. C’est sur la base des résultats de cette consultation qu’elle a pu en conclure que
l’Union européenne pouvait maintenir une approche sectorielle comme c’est en particulier le
cas en matière de droit de la consommation où elle multiplie les directives protectrices. En
revanche, il ressort très nettement de l’ensemble des réactions, la nécessité d’améliorer le droit
communautaire en accroissant la cohérence de l’acquis existant dans le domaine du droit des
contrats et en évitant à l’avenir toutes confusions218. Cette phase doit donc, en toute logique,
se faire en deux temps. Il s’agira tout d’abord de reprendre les textes déjà en vigueur pour les
rendre plus harmonieux puis, de suivre une démarche parallèle pour les textes futurs afin
d’éviter que des incohérences s’immiscent à nouveau. Pour ce faire, la Commission souhaite
établir un cadre commun de référence219, il s’agit ici d’une mesure à moyen terme comme le
Parlement l’a préconisé. Il consistera à établir des principes communs et une terminologie
commune en matière de droit européen des contrats. La Commission précise qu’il se
présentera sous la forme d’un document accessible au public, traduit dans toutes les langues
officielles et qui devrait servir à l’ensemble des institutions communautaires pour garantir à
tous les niveaux une plus grande cohérence de l’acquis actuel et futur dans le domaine du
droit européen des contrats220. En effet, le rapport du Conseil de l’Union européenne soulevait
notamment que l’absence de définition uniforme ou de termes et concepts généraux en droit
communautaire, pouvait aboutir à des résultats différents dans la pratique commerciale et
juridique des différents États membres221. Aussi, la Commission propose-t-elle de s’entendre
sur la définition de termes abstraits tels que « contrat » ou « dommage »(n°62).
218
COM(2003) 68 final, n°55.
COM(2003) 68 final, n°59.
220
COM(2003) 68 final, n°59.
221
Rapport du Conseil de l’Union européenne sur la nécessité de rapprocher les législations des Etats membres
en matière civile du 29 octobre 2001, document 13017, Justciv 29, point n°9.
219
89
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
Ce cadre commun aurait plusieurs buts, tout d’abord, comme nous l’avons signalé, il
s’agirait de le consulter pour améliorer et simplifier le droit communautaire existant et pour
éviter les écueils du passé dans les nouveaux textes. Dans un deuxième temps, ce cadre
commun de référence pourrait également être adopté comme critère de référence par les
pouvoirs législatifs nationaux au sein de l’UE, il deviendrait ainsi « un instrument de
réalisation d’un degré plus élevé de convergence entre les droits des contrats des Etats
membres de l’UE » (n°62), il pourrait même éventuellement être repris par des pays tiers.
Enfin, dans une dernière étape, ce cadre pourrait servir de base à une réflexion sur le point de
savoir si un nouvel instrument d’harmonisation doit être mis en place et dans l’affirmative
quelle forme il devrait prendre.
Pour ce qui est du contenu du cadre commun de référence, bien qu’il soit encore à
définir précisément, il dépendra d’ailleurs en partie des réactions du public à cette nouvelle
communication, la Commission nous informe sur certains points déjà fortement pressentis. Il
devrait traiter essentiellement du droit des contrats, principalement les types de contrats
transfrontaliers concernés tels que les contrats de vente et les contrats de services. En outre, il
devrait couvrir les règles générales en matière de conclusion, de validité et d’interprétation des
contrats ainsi que celles relatives à l’exécution, à l’inexécution et aux recours, sans oublier les
règles en matière de garanties de crédit concernant les biens mobiliers et le droit touchant à
l’enrichissement sans cause (n°63). En ce qui concerne la mise en œuvre de ce cadre commun
de référence, la Commission entend utiliser comme base de travail les différents droits
nationaux des contrats, elle compte ainsi trouver des dénominateurs communs lui permettant
d’élaborer des principes communs et, le cas échéant, d’identifier les meilleures solutions. Pour
la Commission, il est également important de tenir compte de l’analyse des jurisprudences
nationales et plus particulièrement de celle des cours suprêmes222. Enfin, elle retient qu’il
faudrait analyser l’acquis communautaire existant et les instruments internationaux
contraignants applicables en la matière, principalement la Convention de Vienne sur la vente
internationale de marchandises. En revanche, il est surprenant de constater qu’à aucun
moment elle ne fait allusion aux groupes d’universitaires que nous avons étudiés. Pourtant, le
cadre de référence qu’elle se propose d’élaborer reprend de nombreux éléments
caractéristiques de leur travail, en particulier le droit comparé, tant des législations des Etats
membres entre elles qu’avec les conventions internationales. Toutefois, elle relève que les
222
STAUDENMAYER D., Le plan d'action de la Commission européenne concernant le droit européen des
contrats, JCP, 2003, I 127, p. 714.
90
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
travaux de recherche sur le droit européen des contrats se multiplient aussi, lui semble-t-il
important qu’ils se poursuivent et qu’ils soient pleinement exploités. Ainsi, bien qu’elle ne les
nomme pas, elle se donne pour objectif de les combiner et de les coordonner afin de les
inscrire dans un cadre commun selon plusieurs approches générales223. Comme nous l’avons
signalé, ce cadre relève d’une action à moyen terme de la Commission qui compte faire
débuter les travaux de recherche dès que leur financement sera disponible, si possible dès
2004. Dès lors, on peut espérer que ce cadre commun de référence pourra être établi à partir
de 2008224. Ces délais semblent plus réalistes que ceux du Professeur von Bar qui envisageait
qu’à partir de 2010, un corps de règles relatives au droit des contrats dans l’Union européenne
serait adopté225.
Il est intéressant de relever que l’élaboration de ce cadre commun de référence
s’intègre dans une stratégie globale des institutions européennes qui vise à simplifier
l’environnement réglementaire et à améliorer la qualité de la législation communautaire.
Ainsi, en 2000, le Conseil européen de Lisbonne a donné mandat à la Commission226 de
présenter une stratégie visant, par une nouvelle action coordonnée, à simplifier
l’environnement réglementaire. Depuis 2001, la Commission s’est donc engagée dans un
vaste processus de consultation des autres institutions et Etats membres avec lesquels elle
partage la responsabilité de la qualité de la législation communautaire. Un débat important a
été lancé dans le but d’améliorer la qualité, l’efficacité et la simplicité des actes
réglementaires et de mieux consulter et impliquer la société civile dans le processus
décisionnel européen. La Commission a donc élaboré un plan d’action sur l’environnement
réglementaire227, dans lequel elle estime indispensable de maintenir une exigence de qualité et
de cohérence tout au long du cycle législatif. Elle y souligne la pertinence des trois étapes du
cycle législatif (la préparation et la présentation de la proposition d’acte par la Commission ;
la discussion législative entre le Parlement européen et le Conseil ; enfin l’application par les
Etats membres), et met l’accent sur les responsabilités de chacun dans le plan d’action.
223
COM(2003) 68 final, n°66.
STAUDENMAYER D., Le plan d'action de la Commission européenne concernant le droit européen des
contrats, JCP, 2003, I 127, p. 714.
225
LEQUETTE Y., Quelques remarques à propos du projet de code civil européen de M. von Bar, D., 2002,
Chron., p. 2203.
226
Conclusions de la présidence, Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000, SN (2000) 100, p. 6.
227
Plan d’action « Simplifier et améliorer l’environnement réglementaire », du 5 juin 2002 COM (2002) 278
final, p. 15.
224
91
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
Comme la Commission l’a rappelé dans son plan d’action visant à simplifier et
améliorer l’environnement réglementaire, il existe, en dehors des instruments réglementaires
(règlements, directives, recommandations), d’autres outils qui peuvent être utilisés, pour
réaliser les objectifs du traité tout en simplifiant le travail législatif (autorégulation, méthode
ouverte de coordination, campagne d'information, …). Aussi, dans son plan d’action pour le
droit européen des contrats, la Commission propose-t-elle une mesure de rapprochement non
réglementaire à savoir la promotion et la circulation de contrats-types (II).
II.
L’élaboration de clauses contractuelles types
Cette deuxième série de mesures témoigne du succès de la soft-law, la baisse de la
réglementation permet une plus grande souplesse dans les rapports contractuels. En effet, en
dépit de diverses dispositions impératives, les parties à un contrat jouissent d’un degré élevé
de liberté pour négocier les clauses et conditions contractuelles qu’elles souhaitent.
Néanmoins, dans de nombreuses hypothèses, et notamment pour les transactions assez
simples et habituelles, souvent déséquilibrées, les parties souhaitent fréquemment s’en
remettre à des clauses contractuelles types. Même si ces clauses sont souvent imposées par la
partie la plus forte ce qui, en pratique, remet en cause la liberté contractuelle, elles ont des
avantages indéniables. En particulier, elles permettent des réductions considérables des coûts
de négociation, ainsi que des gains de temps. En outre, lorsque deux parties sont coutumières
d’un type de contrat, bien qu’au départ une seule en soit à l’origine, à force de répétition, la
partie la plus faible a fini par avoir confiance dans son contenu. Aussi, bien que ce contrat ne
soit pas le fruit d’une réelle discussion entre les parties, elles l’ont toutes deux adopté et la
partie qui se l’est vu imposer ne cherche pas à en modifier les termes. Contrairement à une
réglementation qui aurait été imposée aux parties, un contrat type s’adapte au plus prêt de
leurs besoins. Dès lors, non seulement ces clauses contractuelles types sont fréquemment
utilisées, mais encore, elles reçoivent très souvent l’aval des parties, même si elles n’en sont
pas à l’origine.
En revanche, ces contrats types sont plus courants dans les contrats internes que dans
les contrats transfrontières car la plupart d’entre eux ont été conçus par les parties d’un seul
Etat membre pour des contrats entre ressortissants de ce même Etat. Il se peut donc que ces
92
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
clauses contractuelles soient moins bien adaptées aux besoins particuliers des transactions
transfrontalières. Pourtant, elles pourraient permettre de remédier à certaines critiques ou à
certains facteurs dissuasifs qu’on a pu relever concernant les contrats transfrontières. On a en
particulier retenu qu’ils étaient source d’insécurité juridique or, si un réel effort
d’harmonisation des contrats types est entrepris, les problèmes d’ignorance devraient être
considérablement restreints. En outre, on a évoqué les coûts et le temps nécessaires aux
négociations contractuelles, là encore ils diminueraient fortement. Enfin, cela devrait accroître
la confiance des parties pour les opérations transfrontières et donc développer le marché
intérieur.
Aussi, la Commission propose-t-elle de faciliter les échanges d’informations au sein
des Etats membres et plus particulièrement des organismes à l’origine de clauses types pour
élaborer de nouveaux contrats types particulièrement adaptés aux opérations transfrontalières
et qui seraient susceptibles d’être reconnus par tous les Etats membres. Dans un premier
temps, dans le cadre de son Plan d’action, la Commission envisage, à court terme, de créer un
site Internet qui aura pour objet d’accueillir des informations sur des initiatives existantes ou
envisagées. Il s’agira par la suite d’établir une liste de ces initiatives tant internes que
transnationales, qu’elles soient d’origine purement privée ou le fruit d’organismes spécialisés.
Lorsque cette liste sera disponible, les parties qui souhaitent élaborer des clauses et conditions
types pourront s’inspirer de ce qui aura déjà pu être fait dans d’autres secteurs228. Toujours par
l’intermédiaire de ce forum de discussion, la Commission envisage, au fur et à mesure de la
mise en service de ce site, d’en évaluer l’efficacité avec l’aide de ses utilisateurs et, le cas
échéant, de l’adapter suivant les réactions qu’il aura suscité. Il est notable qu’ici, la
Commission répond à des attentes déjà anciennes, notamment des constructeurs automobiles
qui réclamaient parallèlement à l’uniformisation indirecte des contrats en raison des
règlements d’exemption par catégorie, la rédaction d’un « contrat cadre européen »229.
La Commission précise que les diffusions sur ce site Internet engageront la
responsabilité de leurs seuls auteurs mais elle tient tout de même à contrôler le contenu des
clauses et contrats types qui pourraient en résulter. En effet, ils ne doivent pas violer les règles
communautaires ni aller à l’encontre des politiques de l’Union. Aussi, la Commission
envisage-t-elle de publier des lignes directrices dans le but de rappeler aux sociétés, personnes
228
COM(2003) 68 final, n°86.
CONTES (de) M. L., Négociation d’un nouveau contrat cadre européen : l’expérience d’un constructeur et
de son réseau, Dalloz Affaires, 1996, p. 1275.
229
93
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
et organisations intéressées qu’il y a lieu de respecter certaines limites juridiques230. Enfin, la
Commission insiste sur le fait qu’il importe de s’assurer que les clauses et conditions
contractuelles types soient élaborées en commun par des représentants de l’ensemble des
groupes concernés y compris les grandes entreprises et les PME, les commerçants, les
consommateurs et les praticiens pour qu’elles soient les plus équitables possibles. Si tous ces
éléments sont respectés, cette initiative devrait permettre des progrès considérables, elle
devrait faciliter les échanges transfrontières dans le respect de chacune des parties en leur
garantissant une certaine sécurité juridique.
Il faut toutefois relever que cette initiative n’est pas exempte de toute critique, le
Professeur Gandolfi s’est interrogé sur le point de savoir si un rapprochement était
envisageable par les contrats-types. Il arrive alors à la même conclusion que celle que nous
avons déjà faite à propos d’un code européen des contrats, selon lui, seule la création en
parallèle d’une juridiction supra-nationale pourrait assurer une interprétation uniforme de ces
contrats231.
Après ces deux étapes à court et moyen termes mis en œuvre par le Plan d’action de la
Commission pour un droit européen des contrats plus cohérent, elle se projette dans un avenir
plus lointain et envisage des réformes de plus grande envergure (sous-section 2).
Sous-section 2. Les domaines de réflexion à plus long terme
La Commission prévoit une nouvelle étape pour rendre plus cohérent le droit européen
des contrats, elle réfléchit à la mise en place d’un outil optionnel uniformisé (I), mais au-delà
d’un approfondissement du rapprochement au niveau communautaire, certains élargissent déjà
leurs perspectives et pensent à un droit harmonisé à l’échelle internationale (II).
230
231
COM(2003) 68 final, n°88.
GANDOLFI G., Pour un code européen des contrats, RTD Civ., 1992, p. 710.
94
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
I.
L’adoption d’un instrument optionnel dans le domaine du droit européen
des contrats
Le dernier point du Plan d’action de la Commission porte sur l’éventualité d’adopter
un nouvel instrument optionnel qui proposerait aux parties à un contrat un ensemble
modernisé de règles particulièrement adaptées aux contrats transfrontaliers dans le marché
intérieur. Il s’agirait d’une législation uniforme, indépendante, qui aurait pour mission
spécifique d’organiser les relations contractuelles transfrontières. Elle n’aurait pas de
caractère sectoriel comme c’est actuellement le cas des mesures d’harmonisation notamment
en matière de protection du consommateur, mais aurait pour but d’organiser le droit des
contrats dans sa globalité. Dans les contrats transfrontières, la partie économiquement forte et
la partie économiquement faible se verraient proposer un texte légal neutre et approprié,
évitant le débat sur le point de savoir de quelle partie le droit national serait applicable au
contrat ce qui faciliterait également les négociations. Si le Plan de la Commission n’évoque
pas le terme de code européen des contrats, la forme d’un tel texte n’est d’ailleurs pas encore
déterminée, le résultat pratique d’une telle initiative est très proche de celui de celui que
pourrait engendrer l’élaboration d’un code uniforme. Une grande différence toutefois est à
relever, cet « instrument optionnel dans le domaine du droit européen des contrats » n’aurait
pas vocation à remplacer les législations existantes dans l’ensemble des Etats membres. Il ne
s’agirait que d’un outil légal parallèle et optionnel qui ne serait pas applicable aux contrats
purement internes.
De nombreux points seront néanmoins à préciser en fonction des réactions à cette
proposition, outre l’opportunité d’une telle mesure, il faudra s’entendre sur sa forme comme
sur son contenu par exemple, on ne sait pas encore s’il couvrira uniquement les dispositions
générales relatives aux contrats ou s’il concernera aussi les contrats spéciaux. Son fondement
juridique sera également à déterminer mais la Commission propose qu’elle soit consacrée par
un règlement ou qu’elle figure dans une recommandation. Il semblerait en revanche qu’elle ait
exclu la technique de la directive car elles serait incompatible avec la méthode du texte
optionnel. En effet, cet instrument optionnel implique une cohabitation des systèmes
juridiques et non à remplacer les droits nationaux existants comme c’est le cas avec une
95
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
harmonisation classique issue d’une directive232. Dès lors, on ne comprend pas vraiment
pourquoi le règlement devrait échapper à cette critique car l’hypothèse d’un « règlement
optionnel » est en contradiction avec l’article 249 du traité CE selon lequel le règlement est
obligatoire.
Une des questions principales à résoudre est celle de la valeur juridique d’un tel
instrument, en effet, la Commission laisse entendre qu’il pourrait tout aussi bien s’agir d’une
solution opt-in ou opt-out233. Cette dernière est comparable au modèle de la Convention de
Vienne, elle implique que cet instrument optionnel s’applique automatiquement aux contrats
transfrontaliers, il constitue le droit positif. En revanche, comme il reste un instrument
optionnel, les parties peuvent y renoncer et ce, au profit de la loi nationale de leur choix. Dans
une telle hypothèse, il serait nécessaire de préciser comment concilier cet instrument avec la
Convention de Vienne dans le cas d’une vente de marchandises entre professionnels. On peut
par exemple imaginer qu’en cas de rejet de l’instrument communautaire, la Convention de
Vienne viendrait directement en concurrence avec les lois nationales ou encore une hiérarchie
plus complexe selon laquelle si l’instrument communautaire est écarté, la Convention de
Vienne obéira toujours à une application de type opt-out et seul le choix explicite d’une autre
loi pourrait l’écarter. Enfin, on pourrait également considérer que la Convention de Vienne est
une loi spéciale par rapport à cet instrument communautaire car son domaine matériel est plus
restreint et que dès lors il doit s’appliquer par priorité à défaut de choix contraire. Au
contraire, si cet instrument communautaire obéit à une application du type opt-in telle qu’on la
retrouve dans les Principes Unidroit ou les Principes Lando, son application ne pourrait être le
fait que d’une démarche positive de la part des parties au contrat. Celles-ci devront prévoir
explicitement dans leur contrat qu’elles désirent être soumises à cette législation uniforme. A
défaut du choix de cet instrument communautaire, c’est la loi normalement applicable en
fonction du droit international privé qui s’appliquerait. Cette clause conférerait ainsi aux
parties un degré maximal de liberté contractuelle car elles n’y recourraient que si cet
instrument correspond mieux à leurs exigences économiques ou juridiques, à ce titre, elle
semble avoir la préférence de la Commission. Madame Fauvarque-Cosson fait remarquer que
cette dernière option n’est toutefois pas nécessairement compatible avec la convention de
Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles qui interdit aux parties de
232
STAUDENMAYER D., Le plan d’action de la Commission européenne concernant le droit européen des
contrats, JCP, 2003, I 127, p. 715.
233
COM(2003) 68 final, n°92.
96
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
choisir autre chose qu’une loi étatique pour régir leur contrat234. Il semble néanmoins que
l’article 20 de la convention de Rome qui donne priorité au droit communautaire et
notamment aux « actes émanant des institutions des Communautés européennes » comme tel
serait le cas de cet instrument optionnel, puisse palier cette difficulté.
Il faut également relever que la Commission souhaite autant que possible favoriser le
principe de liberté contractuelle aussi, seules les restrictions jugées indispensables telles que
celles visant la protection des consommateurs seront-elles envisageables. Pour respecter ce
principe de liberté contractuelle, les parties contractantes devraient également avoir la faculté
d’adapter les règles spécifiques de ce nouvel instrument en fonction de leurs besoins. En
accordant une telle valeur au contrat, la Commission adopte ici une vision subjectiviste du
droit international privé. Toutefois, pour que le texte de cet instrument corresponde au mieux
aux attentes des parties, la Commission a l’intention de s’inspirer fortement du cadre commun
de référence.
Plusieurs remarques peuvent être apportées, bien que cet instrument n’ait pas de force
contraignante et surtout qu’il n’ait pas vocation à remplacer les droits nationaux, il est
possible de faire un parallèle avec ce que nous avons déjà pu signaler à propos d’un éventuel
code européen des contrats. En ce qui concerne l’argument culturel, il semble que dans ce cas
de figure ce ne soit pas un obstacle, en revanche, si on adopte une analyse économique du
droit, on peut reprendre certaines critiques. Cet instrument a pour but de développer le marché
intérieur or, comme nous l’avons vu, pour cela, il faut restreindre les coûts engendrés par de
tels contrats or, qu’on retienne le système opt-in ou opt-out, les parties devront prendre
connaissance de cette nouvelle législation ce qui implique à nouveau du temps et les services
de juristes. Ceci est toutefois presque négligeable car il suffit d’une fois, en revanche, si cet
instrument ne convient pas aux parties, elles auront à nouveau à assumer les frais d’une
négociation et si la loi applicable au contrat n’est pas leur loi nationale, les frais et l’insécurité
juridique qui en résultent seront maintenus235. Or, si on se réfère à d’autres instruments actuels
d’unification du droit, on se rend compte que la pratique a peu tendance à retenir ce type
d’outil, il semblerait que la Convention de Vienne soit souvent écartée mais le système de
l’opting out ne permet pas de se faire une idée précise sur la question. En revanche, en ce qui
234
FAUVARQUE-COSSON B., Droit européen des contrats : première réaction au plan d’action de la
Commission, D., 2003, Point de vue, p. 1172.
235
COLLINS H., Transaction Costs and Subsidiarity in European Contract Law, contribution au colloque de
Leuven, Belgique, des 30 novembre et 1er décembre 2001, Communication from the Commission on European
Contract Law.
97
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
concerne les Principes Unidroit qui sont applicables opt-in, la Chambre de commerce
international a pu constater que dans moins d’une affaire sur cent qu’elle avait à traiter, les
parties avaient entendu se référer aux Principes Unidroit236. Cette réticence pourrait également
se manifester à l’égard de cet instrument optionnel, outre l’échec que cela représenterait pour
les institutions communautaires, l’objet principal de cette mesure à savoir développer le
marché intérieur en diminuant les frais des opérations transfrontalières serait sans échos.
Enfin, la Commission ne soulève pas la question de l’interprétation de cet outil, il faut espérer
qu’elle aborde ce sujet car si on maintient le statu quo, malgré une législation uniformisée, les
divergences entre les Etats membres devraient réapparaître au stade de son application et
seraient source d’insécurité juridique.
Alors que par ce Plan d’action la Commission refreine ceux qui désiraient
l’élaboration d’un code européen des contrats, les réflexions portant sur une uniformisation du
droit à grande échelle ne sont pas prêts de s’arrêter (II).
II.
Une harmonisation de plus grande envergure géographique
Comme nous l’avons vu, le rapprochement des législations au sein de l’Union
européenne semble un corollaire nécessaire à la volonté de ne plus constituer uniquement une
union économique mais également politique. Nous avons pu observer que les freins à une
uniformisation légale étaient nombreux et c’est pour cette raison que la Commission a fait le
choix de procéder lentement et par étapes avant d’aboutir éventuellement à une uniformisation
du droit européen des contrats. Mais la question du rapprochement des législations ne doit pas
se poser au niveau des seuls quinze Etats membres. Nous savons que dès 2004, dix nouveaux
pays vont adhérer à l’Union et deux autres sont candidats pour 2007, plus tard, la Turquie
devrait peut-être également intégrer l’Europe. La question d’un droit européen des contrats
semble accessoire à côté de ces bouleversements de structure de l’Europe qui devraient
d’avantage occuper les institutions communautaires, mais surtout, a-t-on réellement pris en
considération les législations de ces Etats dans la perspective d’un rapprochement. De la
même façon qu’on retient qu’aucune solution de rapprochement ne doit heurter la culture
236
HEUZE V., A propos d’une « initiative européenne en matière de droit des contrats », JCP, 2002, I 152, p.
1343.
98
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
juridique d’un Etat membre actuel, il faudra s’assurer de la compatibilité d’un texte
uniformisé avec le droit de chacun des Etats adhérents. On sait que pour la plupart d’entre
eux, avec la chute du bloc soviétique, ils ont perdu de nombreux repères en matière juridique
mais pour autant, ils ne doivent en aucun cas être exclus de ce débat. Au contraire, ils sont
dans une phase propice à l’élaboration d’un droit qui leur est parfaitement adapté et qu’ils
auront totalement choisi. Or, il ne semble pas que les travaux tant de la commission Lando,
que ceux du groupe von Bar ou ceux des académiciens de Pavie les aient pris en compte,
gageons que les institutions communautaires sauront le faire. Toutefois, il faut relever que
dans l’ensemble, leurs législations ne devraient pas être trop éloignées des divers projets de
rapprochement car pour l’élaboration de leurs nouvelles lois, ils se sont largement inspirés de
textes modernes comme le Code civil néerlandais, la Convention de Vienne sur la vente
internationale de marchandises ou encore les Principes Unidroit qui devraient également
servir de base à une uniformisation communautaire.
En outre, au-delà de l’Europe, qu’elle soit à quinze ou élargie, les plus utopistes
pensent à un rapprochement à l’échelle internationale. Depuis les débuts du droit comparé il y
a plus d’un siècle, Salleiles ou Josserand rêvaient d’un droit commun universel. Si
aujourd’hui la majorité des auteurs qui prônent un rapprochement des législations l’envisagent
à une échelle géographique restreinte, certains imaginent qu’il soit mondial. Le Professeur De
Geest de law & economics aux universités d’Utrecht et de Gand, propose notamment
l’élaboration d’un code international très détaillé de type opt-out. Ses justifications sont très
proches de celles retenues pour l’élaboration d’un code européen des contrats, il s’agit de
réduire les frais suscités par le commerce transfrontière et plus généralement de faciliter les
échanges entre les Etats. L’auteur prévoit également qu’il s’agirait d’une œuvre doctrinale
qu’une institution internationale devrait coordonner, il aborde également la question d’une
éventuelle cour internationale mais selon lui, si cette institution met régulièrement à jour le
texte, il ne devrait pas y avoir de difficulté d’interprétation ce qui permettrait d’économiser la
création d’une telle cour. Ce projet nous semble illusoire et en pratique nous doutons de son
intérêt car comme nous l’avons vu, plus l’échelle géographique est large, plus il est difficile
d’adopter un texte exhaustif car de trop nombreux compromis sont à faire. Nous avons donc
du mal à envisager que ce code puisse être aussi détaillé que l’auteur le prétend. Quoi qu’il en
soit, ce projet témoigne de ce que le rapprochement des législations est une grande
99
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
préoccupation actuelle et que des projets a priori aussi utopistes devraient servir de moteur à
un rapprochement communautaire.
100
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
CONCLUSION
Il ressort de l’ensemble de ces considérations qu’un rapprochement du droit des
contrats au niveau communautaire est nécessaire pour réaliser le marché commun mais qu’il
correspond également à une évolution logique et naturelle. De même que la constitution
communautaire, il correspond à une des manifestations du rôle croissant de l’Union, y mettre
un terme serait certainement aller à l’encontre de l’histoire. En revanche, on ne sait pas quelle
forme doit prendre ce rapprochement, alors que l’Académie de Pavie et le groupe von Bar
proposent un véritable code ce qui correspond à une étape ultime du rapprochement, il semble
qu’actuellement la Communauté ne voit pas aussi loin. A ce titre, il faut d’ailleurs remarquer
que la Communauté est ici en recul, comme nous l’avons vu, en 1989 le Parlement
envisageait l’hypothèse d’un code communautaire, aujourd’hui sa position est plus prudente.
Toutefois, il semblerait que les travaux du groupe von Bar aient plus d’échos auprès de la
Communauté que ceux des académiciens de Pavie mais ceci ne paraît pas se justifier par des
considérations de fond car il n’y a pas de prise de position claire de sa part sur ce point. Ce
penchant s’expliquerait plutôt par la plus grande notoriété du groupe allemand qui a peut-être
mieux géré sa communication et ce notamment, en s’associant à la commission Lando.
Néanmoins, il existe une certitude, ce rapprochement doit se faire lentement, par étapes et si
son évolution n’est pas satisfaisante, il doit être interrompu le temps de le réorganiser.
Selon nous, même s’il ne faut rien précipiter, ce rapprochement devrait à terme
prendre la forme d’un code et passer par une réforme judiciaire, à défaut, d’une part cette
réforme paraîtrait inachevée, d’autre part comme nous l’avons déjà signalé, elle serait
inefficace car les divergences réapparaîtraient certainement au stade de l’application. En outre,
parallèlement aux trois étapes proposées par la Commission, on peut également envisager,
dans l’optique d’un code, l’élaboration de lois-cadres. Celles-ci permettraient aux juges mais
également à l’ensemble des praticiens, de tester leur efficacité et d’approfondir les différentes
problématiques. Elles serviraient ainsi de point de départ et, pour reprendre le terme du
Professeur Gandolfi, de « rodage » 237 en vue de l’élaboration d’un code futur qui tiendrait
également compte du débat qu’elles auraient suscité. Si un code européen des contrats va dans
237
GANDOLFI G., Pour un code européen des contrats, RTD Civ., 1992, p. 713.
101
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
le sens de l’histoire, il y a lieu de se demander si nous ne sommes pas en présence d’une
troisième génération de législateurs. La première génération dont est issu le Code civil
français, découlerait du droit naturel, le BGB et le code civil italien correspondraient à la
deuxième génération et enfin, la troisième génération serait celle du législateur européen238.
Pour conclure, quelle que soit la forme du rapprochement, il semblerait que ce
processus soit irréversible239, en revanche, son contenu est très incertain car il sera
nécessairement politique. A ce titre, nous pouvons nous rallier à la position du Professeur
néerlandais Martin Hesselink240, qui constate que les communications de la Commission sont
fortement marquées par une idéologie libérale de marché. Or, l’histoire montre qu’il faut avoir
une confiance limitée dans le marché car il n’est pas omnipotent et que tous les agents
économiques sont loin de se comporter systématiquement de façon rationnelle. Aussi, faut-il
espérer que l’idéologie de marché ne sera pas la seule source politico-économique du
rapprochement des législations mais que des considérations sociales entreront également en
jeu et en particulier que les parties faibles bénéficient d’une protection appropriée.
238
GANDOLFI G., Pour un code européen des contrats, RTD Civ., 1992, p. 720, reprenant une hypothèse d’E.
A. Kramer.
239
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240
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sur le site http://www.unidroit.org/french/principles/contents.htm.
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http://europa.eu.int/
Site de la Commission européenne :
http://europa.eu.int/
Site de la Direction Générale de la santé et de la protection des consommateurs :
http://europa.eu.int/comm.dgs/health_consumer/index_fr.htm
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http://europa.eu.int/comm/consumers/policy/developments/contract_law/com_2003_68_fr.pdf
Site de la Commission consacré à la brochure de la documentation européenne « Les
Européens vus par eux-mêmes », les enseignements des sondages d’opinion, 2001 :
http://europa.eu.int/comm/publications/booklets/eu_documentation/05/index_fr.htm
Site de la Commission consacré aux études de sondages :
http://europa.eu.int/comm/public_opinion/index_fr.htm
Site de la Cour de justice des Communautés européennes :
http://curia.eu.int/fr/
Site du Ministère de la justice :
http://www.justice.gouv.fr
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http://www.sgecc.net/
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http://www.CommonCore-home.htm
Site UNIDROIT :
www.unidroit.org
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http://www.jus.unitn.it/dsg/common-core/
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http://www.era.int/
Site de l’avenir de la langue française :
http://www.avenirlanguefrancaise.org/
114
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION.......................................................................................................................1
1.Les prémices d’un rapprochement des législations..................................................3
2.Les différentes modalités de rapprochement............................................................4
3.Le rapprochement des législations au niveau communautaire.................................7
TITRE I : UNE VOLONTE DE RAPPROCHEMENT DES LEGISLATIONS AU NIVEAU
COMMUNAUTAIRE...............................................................................................................10
SECTION I. DES CONSTATS NEGATIFS DU MARCHE INTERIEUR......................... 11
Sous-section 1. L’inégalité des différents opérateurs face au principe de libre échange.. 11
I. Les grandes entreprises familières du libre échange..................................................11
II. La méfiance des consommateurs et des PME pour les contrats transfrontaliers...... 14
Sous-section 2. Le manque de cohérence de la législation communautaire..................... 17
I. Une législation adoptée secteur par secteur............................................................... 17
II. Une application et une interprétation irrégulières du droit communautaire dérivé.. 21
A.Un niveau de cohérence variable selon le type de droit dérivé retenu.................. 21
B.L’exemple de la directive 1999/44........................................................................ 24
SECTION II. LA NECESSITE D’UNE NOUVELLE APPROCHE DU DROIT DES
CONTRATS..........................................................................................................................28
Sous-section 1. Le Code civil français, un outil dépassé.................................................. 28
I.Un contenu plus en harmonie avec son temps............................................................ 28
A.Le rôle du juge.......................................................................................................28
1)Une interprétation à la lumière du contexte historique......................................30
2)L’alignement des solutions nationales sur les droits étrangers.......................... 31
B.Le BGB, un exemple de modernisation à méditer.................................................33
II.La directive 1999/44, l’occasion de réformer le Code civil...................................... 35
A.Les obligations de garantie du vendeur en droit français...................................... 36
B.La consécration de la conception moniste de l’obligation de garantie du vendeur
dans la directive sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de
consommation........................................................................................................... 38
Sous-section 2. Le rapprochement des législations...........................................................40
115
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
I.Quel champ géographique pour un rapprochement ?................................................. 41
A.Le rapprochement issu du droit international inadapté au marché unique............41
1)Les résultats limités du droit conventionnel...................................................... 41
2)L’empiètement du droit communautaire sur le droit international.................... 42
B.Une impulsion forte en faveur d’un rapprochement au niveau communautaire... 44
1)Un nouveau jus commune ?...............................................................................44
2)L’impulsion des autorités communautaires....................................................... 46
II.Les domaines concernés par le rapprochement......................................................... 48
A.Le domaine matériel du rapprochement................................................................48
B.Le domaine personnel du rapprochement..............................................................50
TITRE II : LA MISE EN ŒUVRE DU RAPPROCHEMENT.................................................52
SECTION I. LES PROPOSITIONS DOCTRINALES.........................................................53
Sous-section1. Des rapprochements non contraignants.................................................... 53
I.Le travail de droit comparé......................................................................................... 53
A.La conciliation des différents systèmes juridiques................................................54
B.Les travaux des universitaires de Trente............................................................... 57
II.L’hypothèse de principes du droit européen des contrats..........................................59
A.Les Principes du droit européen des contrats de la Commission Lando............... 59
1)Une œuvre doctrinale.........................................................................................60
2)Le mode opératoire de la Commission Lando................................................... 62
B.Le contenu des Principes....................................................................................... 63
1)La préservation du contrat................................................................................. 64
2)Le juge, acteur du contrat...................................................................................67
Sous-section 2. L’hypothèse d’une uniformisation à vocation contraignante...................69
I.L’élaboration d’un code européen.............................................................................. 69
A.L’élaboration d’un code unique pour l’ensemble de la communauté................... 70
B.Les bases contestables de tels travaux...................................................................72
1)Une méthode et une légitimité incertaines.........................................................72
2)L’absence de base juridique satisfaisante.......................................................... 74
II.Une œuvre difficile à mettre en place........................................................................77
A.Les freins culturels................................................................................................ 78
B.Les coûts d’une unification du droit des contrats.................................................. 81
116
LE RAPPROCHEMENT DU DROIT EUROPEEN DES CONTRATS
1)Les coûts inhérents à l’unification..................................................................... 81
2)La réorganisation du système judiciaire.............................................................84
SECTION II. LE CHOIX DE LA COMMISSION............................................................... 88
Sous-section 1. La confirmation d’une approche sectorielle............................................ 88
I.L’amélioration de l’acquis communautaire................................................................ 89
II.L’élaboration de clauses contractuelles types............................................................92
Sous-section 2. Les domaines de réflexion à plus long terme.......................................... 94
I.L’adoption d’un instrument optionnel dans le domaine du droit européen des contrats
.......................................................................................................................................95
II.Une harmonisation de plus grande envergure géographique.....................................98
CONCLUSION....................................................................................................................... 101
BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................. 103
TABLE DES MATIERES...................................................................................................... 115
117