Le management de la mobilité des lieux d`activités Le management

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Le management de la mobilité des lieux d`activités Le management
Le management de la mobilité des lieux d’activités :
état de l’art en France et illustration par les plans de
déplacements dans les collectivités locales
Contexte des déplacements en France
En France, les déplacements domicile-travail restent le motif prédominant malgré
leur érosion au profit des loisirs ou des achats. Ce motif " travail " est d’autant plus
important qu’il est déterminant : en effet, lorsqu’on choisit d’utiliser sa voiture pour
rejoindre son lieu de travail le matin, il est très probable qu’on utilise ce mode tout au
long de la journée.
Les ¾ des déplacements domicile-travail sont effectués en voiture, y compris pour de
courtes distances : 35 % des travailleurs utilisent une voiture pour rejoindre leur lieu
de travail lorsque celui-ci est situé à moins de 2 km de leur domicile, contre 72 %
pour une distance domicile-travail de 2 à 5 km. Pourtant ces déplacements rentre
parfaitement dans le domaine de prédilection de la marche et du vélo.
La possibilité de se stationner à proximité de son lieu de travail est déterminante
dans le choix du mode de transports : en 1994, 76 % des salariés utilisaient une
voiture s’ils étaient assurés de trouver une place de stationnement hors voirie à
proximité de leur lieu de travail contre 34 % pour ceux qui n’en étaient pas assurés. À
noter que les salariés du secteur public disposent plus souvent d’une place de
stationnement chez l’employeur que leurs collègues du secteur privé.
Le pourcentage des navetteurs est passé de 46 % en 1982 à 61 % en 1999. Il diffère
fortement selon la localisation résidentielle, pour atteindre 80 % pour les habitants
des banlieues et périphéries tandis qu’il ne dépasse pas 31 % pour les habitants des
villes centre. Cette localisation n’est pas sans conséquence sur l’environnement
puisqu’elle détermine le choix du mode de déplacements. En Île-de-France par
exemple, les émissions de CO2 varient du simple au triple suivant qu’on habite dans
les quartiers centraux parisiens ou en habitat dispersé éloigné de la capitale. Ce
constat est identique dans d’autres agglomérations comme Grenoble, Bordeaux ou
Lille.
Alors que la carte scolaire permet une localisation de l’école rarement supérieure à
un km du domicile, un enfant sur 3 est accompagné vers l’école en voiture dont un
enfant sur 2 vers l’école primaire.
Enfin, dans près de 50 % des accidents mortels, le motif de déplacement est lié au
travail. Les accidents de trajets domicile-travail et professionnels en 2001
représentaient 61 % des accidents du travail mortels.
État de l’art des PDE pour les lieux d’activités
Les plans de déplacements pour les lieux d’activités, appelés communément " plans
de déplacements dans les entreprises ", " plan de mobilité " ou " PDE ", ont été
officiellement introduit par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains
" SRU " en décembre 2000. Cette même loi a permis aux employeurs hors Île-deFrance de prendre en charge tout ou partie de l’abonnement de transports publics de
leurs salariés. Par ailleurs, elle demande qu’un service de conseil en mobilité pour
les lieux d’activités et un service d’information multimodale soit mis en œuvre dans
toute agglomération de plus de 100 000 habitants où un plan de déplacements
urbains " PDU " est obligatoire.
CERTU/Maxime Jean , Novembre 2003,P1
Pour autant, le développement du management de la mobilité démarre à petit pas en
France avec moins d’une centaine de PDE actuellement et seulement quelques
actions de conseil en mobilité pour les lieux d’activités.
Ce constat est vraisemblablement du à une absence de définition des concepts qui
est désormais comblée avec la publication fin novembre 2003 de deux guide : l’un
destiné aux établissements pour mettre en œuvre leur PDE, l’autre destiné aux
collectivités publiques locales pour développer leur service de conseil en mobilité.
Au-delà de ces définitions, il apparaît nécessaire de labelliser les PDE afin de
distinguer ceux qui permettent un transfert modal effectif de la voiture individuelle
vers les autres modes ou usages, de les promouvoir à travers des contrats d’objectifs
entre les employeur et les autorités locales, d’analyser leur suivi au niveau national et
de créer un outil de communication dédié aux acteurs du management de la mobilité
pour communiquer les bonnes pratiques.
Les PDE dans les collectivités locales
Dans les services communaux des villes et des communautés de communes ou
d’agglomération, quelques PDE sont d’ores et déjà mis en œuvre à Échirolles,
Grenoble, Lille, Montreuil, Nantes ou Strasbourg. D’autre sont en cours d’élaboration
comme à Besançon, Chambéry, Clermont-Ferrand, Lyon, Nîmes ou Paris. D’autre
sont à l’étude à Bordeaux, Dijon, Douai, Marseille, Mulhouse, Saint Etienne, Toulon,
etc.
Quelques PDE sont présentés ici sous forme d’illustrations tirées du guide du Certu
" Conseil en mobilité : une nouvelle mission, un nouveau métier ".
Communauté Urbaine de Strasbourg : Du PDE au conseil en mobilité
La communauté urbaine s’engage dans le management de la mobilité dès 1997 avec
l’expérience GEODES, Gestion et Organisation des Déplacements des Salariés,
menée sur 3 ans. Le pari est de mettre en œuvre un PDE expérimental auprès des
6 000 agents de la CUS puis d’exporter le savoir-faire acquis chez les employeurs de
l’agglomération strasbourgeoise.
Le PDE en interne est un succès : l’enquête finale de décembre 2001 montre un
transfert modal de 12 points de la voiture vers les TC et le vélo.
Une conférence est organisée fin 1999 pour susciter l’intérêt des employeurs et
positionner la CUS comme assistante à la maîtrise d’ouvrage dans l’élaboration de
leur PDE. Les demandes des entreprises sont nombreuses et la CUS y repère déjà
des attentes plus ponctuelles de "conseil en mobilité " qui lui permettront d’élargir son
champ d’intervention.
Mais dès les premières phases de travail l’équipe projet GEODES doit réaffirmer que
sa mission n’est pas d’obtenir des mesures dérogatoires pour tel ou tel
établissement, mais mettre à disposition son expérience, sa capacité à mobiliser les
services CUS et les partenaires déplacements utiles, et enfin ses capacités
d’assistance technique particulière.
L’expérience de conseil en mobilité à la CUS enseigne que :
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un conseil en mobilité efficace nécessite une volonté politique forte en faveur
du développement durable ;
un PDE ne se décrète pas : c’est la conjoncture qui permet de saisir une
fenêtre d’opportunité ;
l’implication des dirigeants et une démarche participative sont deux conditions
majeures de réussite d’un PDE.
Aujourd’hui, le conseil en mobilité touche aussi bien les établissements scolaires que
les quartiers en difficultés ou des établissements confrontés à des problèmes très
spécifiques.
Source : Odile Costa-Ausina, CUS, Avril 2003
CERTU/Maxime Jean , Novembre 2003,P.2
Le management de la mobilité dans l’agglomération nantaise : état de l’art,
point de vue d’un élu
Le 12 octobre 2001, la communauté urbaine décidait par délibération de l'étendue de
ses actions en matière de conseil en mobilité […].
Le principe du conseil en mobilité de la Communauté Urbaine de Nantes repose sur
un protocole fixant les engagements respectifs de la communauté et de chacun des
employeurs s'impliquant dans une démarche de plan de mobilité. À ce protocole
succède un contrat d'objectif entre les deux parties, qui défini les actions à lancer et
leur calendrier, les conditions d'accès à un abonnement au réseau de transport
public - tram, bus et train dans le périmètre de la communauté urbaine - spécifique,
la communication, le mode d'évaluation et de suivi du plan.[…]
Par ailleurs, la communauté urbaine de Nantes et la Ville de Nantes ont chacune
engagé début 2002 leur propre projet de plan de mobilité pour montrer l'exemple.
L'enquête déplacements domicile-travail et professionnels a montré que 90 agents
utilisent leur voiture pour des trajets inférieurs à 3 km, et 200 pour des trajets
inférieurs à 5 km, alors que les transports publics et le vélo fournissent des
alternatives efficaces presque toujours aussi rapides sur ces courtes distances. En
outre, 360 agents conducteurs-solo rentrent déjeuner à leur domicile tous les jours.
La démarche de plan de mobilité est l'occasion de remettre en cause des pratiques
coutumières telles que l'usage de voitures de service pour les déplacements
domicile-travail ou des indemnités de trajet et des locations de places de parking
favorisant l'habitat périurbain. Cette démarche renforce les élus de la Ville et de la
Communauté Urbaine de Nantes dans leur conviction d'une part, qu'il est difficile de
mettre en oeuvre un plan de mobilité sans contraindre l'usage de la voiture - et
notamment son stationnement - et d'autre part, qu'il serait vain de vouloir gérer les
déplacements sans se préoccuper de l'habitat. Il incombe donc aux élus d'afficher
leurs convictions dans leurs choix de politique de développement urbain.
Source : François de Rugy, Adjoint au Maire de Nantes, délégué aux transports et
déplacements, Vice-président de la Communauté Urbaine de Nantes en charge du
PDU (juin 2003)
Ville d’Échirolles : un PDE volontariste
Le PDE de la ville d’Échirolles a été adopté à l’unanimité par délibération du conseil
municipal en date du 19 décembre 2002.
Il fixe des objectifs d’évolution de la part de chacun des modes de déplacements à
un an ; 3 ans et 5 ans. À cet horizon la part modale attendue de la voiture devrait
être inférieure à 50 % alors qu’elle était de 70 % en juin 2002.
Les actions concernent la participation de la ville à hauteur de 50 % pour l’achat
d’abonnements annuels de transports publics urbains et non urbains, en montrant
judicieusement que le coût pour 100 abonnés équivaut à moins de 6 % du budget
carburants de la commune.
Les actions en faveur du vélo concernent le stationnement, la mise à disposition de
vélos de services utilisables pour les trajets domicile-travail, la fourniture de kits
météo et sécurité, l’entretien annuel et une opération de vérification de l’éclairage.
Le covoiturage est encouragé via le développement d’une base de données
d’appariement et d’actions de communication. La ville adhérera au service de voiture
partagée dès qu’il sera opérationnel.
En outre, un cabinet de conseil en mobilité assurera une mission de marketing
personnalisé auprès des salariés.
Source : Ville d’Échirolles, Michel Gilbert, Avril 2003
Ces illustrations de PDE dans des collectivités locales mettent particulièrement en
exergue la nécessité d’une implication des élus, des dirigeants et des salariés
dans la démarche de PDE. De même, le management de la mobilité passe par des
contraintes à l’usage individuel de la voiture et par une politique d’urbanisme et
d’habitat incitative.
CERTU/Maxime Jean, Novembre 2003,P.3
D’autres éléments tirés des expériences françaises de PDE souligne l’importance de
saisir l’opportunité pour engager la démarche et celle de bâtir le " budget
déplacement " de l’établissement pour mesurer les coûts générés par l’ensemble
des déplacements nécessité par l’activité du lieu. Le calcul de ce budget
déplacement a d’ailleurs permis à un employeur de 1 000 salariés dans la région
bordelaise de montrer que l’énergie nécessaire pour les déplacements d’une année
de travail de ses agents était aussi élevée que l’énergie de fonctionnement de
l’établissement. Chez cet employeur, un agent venant en voiture émet 2,5 tonnes de
polluants dans l’air par an et il faudrait une forêt d’un km de rayon autour de
l’établissement pour absorber les émissions annuelles de CO2 …
Comment la collectivité publique peut-elle encourager le management de la
mobilité ?
En rappelant que seules des politiques volontaristes de restriction de l’usage de la
voiture ont permis en France de développer les autres modes de déplacements,
l’action publique de gérer la mobilité passe par du conseil en mobilité auprès des
employeurs et autres gestionnaires de lieux d’activités pour valoriser les services de
mobilité disponibles dans l’agglomération.
Le conseiller en mobilité constitue l’interface entre les employeurs et les autorités
publiques pour les informer et faire connaître la demande sur les divers domaines
que sont la tarification de l’offre de déplacement et de stationnement, la politique
foncière et de localisation de l’habitat et des sites d’activités, le développement de
l’intermodalité et les actions de communication possibles pour convaincre les
automobilistes à opter le plus souvent possible pour un autre mode de déplacements
quotidiens que la voiture.
En outre, le conseiller en mobilité communique sur les synergies entre les différents
outils comme le PDE, afin de créer des liens entre le management de la mobilité vers
le travail et vers l’école, les rythmes urbains, la sécurité des déplacements, le
management de l’environnement, l’agenda 21 et l’insertion sociale.
Perspectives
Il reste en France beaucoup à faire pour développer le management de la mobilité.
Cependant, les guides méthodologiques de l’Ademe d’une part, " Réaliser votre plan
de déplacements d’entreprise " destiné aux chefs de projets et du Certu d’autre part,
" Conseil en mobilité : une nouvelle mission, un nouveau métier " destiné aux
autorités locales pour encourager les plans de déplacements, apportent désormais
des réponses aux questions techniques.
Pour ce qui concerne la communication sur le concept de management de la mobilité
et ses exemples réussis, la prochaine conférence européenne sur le management de
la mobilité – organisée à Lyon des 5 au 7 mai 2003 - contribuera sans aucun doute à
l’essor des connaissances et des savoir-faire dans ce domaine prometteur.
CERTU/Maxime Jean, Novembre 2003, P. 4
Bibliographie
-Certu, " Conseil en mobilité : une nouvelle mission, un nouveau métier – Comment
encourager les plans de déplacements pour les lieux d’activités "
Lyon, Certu, novembre 2003, 300p.
-Ademe, " Réaliser votre plan de déplacements d’entreprise "
Paris, Ademe, novembre 2003, 100p.
Adresses utiles
www.certu.fr onglets " Mobilité et transport "/ "Maîtrise des déplacements "/
" Management de la mobilité "
www.ademe.fr onglets " Les transports "/ " Dossiers "
www.epomm.org
http://most
www.mobilitymanagement.be
www.ibgebim.be
www.emma-day.info
[email protected]
CERTU/Maxime Jean, Novembre 2003, P. 5
CERTU/Maxime Jean 5 Novembre 2003