La 6ème Réforme de l état - un délire

Transcription

La 6ème Réforme de l état - un délire
La 6ème Réforme de l’Etat: un délire communautaire de plus à Bruxelles.
Résumé
Les transferts de compétences de l’Etat fédéral vers les Communautés, tels que prévus
dans la 6ème réforme de l’Etat, représentent une nouvelle perte de souveraineté pour la
Région bruxelloise et ses habitants : ces derniers n’ont quasiment aucun contrôle
démocratique sur le gouvernement flamand et celui de la Communauté française. De
plus, ces transferts vont complexifier encore davantage la gestion de ces matières à
Bruxelles, pourtant déjà ubuesque aujourd’hui. La 6ème Réforme sera donc néfaste
pour Bruxelles. Plus que jamais, les Bruxellois doivent se faire entendre, et exiger
clairement la disparition des institutions communautaires et le transfert de leurs
compétences aux Régions.
Au moment où le parlement fédéral s’apprête à voter de nouveaux transferts de compétences
vers les Régions et les Communautés, je souhaite attirer ici votre attention sur ceux qui
concernent plus particulièrement ces dernières.
Un transfert du fédéral vers les Régions met les trois Régions du pays sur un même pied : une
compétence commune, fédérale, est transférée de manière identique vers les trois Régions,
chacune sur son territoire. Mais un transfert vers les Communautés représente le transfert de
compétences communes, fédérales, vers la Flandre,
la Communauté française et la
Communauté germanophone, avec le droit, pour les deux premières, de les exercer sur le
territoire de la Région bruxelloise. Et avec l’interdiction, pour le parlement et le gouvernement
bruxellois, d’en exercer la compétence sur leur propre territoire.
Tout transfert de compétences vers les Communautés entraîne donc une perte de souveraineté
pour la Région bruxelloise et ses habitants : ces derniers n’ont quasiment aucun contrôle
démocratique sur le gouvernement flamand et celui de la Communauté française (voir en fin de
ce texte, pour rappel, le schéma des relations entre l’électeur et les instances communautaires).
Ce n’est pas anodin, car les nouvelles compétences qui seront transférées aux Communautés
sont nombreuses, notamment dans les domaines de la santé, de l’aide aux personnes et de la
justice.
De plus, ces transferts vont complexifier encore davantage la gestion de ces matières à
Bruxelles, pourtant déjà ubuesque aujourd’hui.
En effet, certaines des compétences communautaires sont exercées directement par le
gouvernement flamand ou la Communauté française et leurs administrations. D’autres sont
déléguées à la VGC (Vlaamse Gemeenschapscommissie) ou encore exercées par la Cocof
(Commission Communautaire Française), ou par la Cocom (Commission Communautaire
Commune), chacune, bien sûr, également avec sa propre administration. Tout cela aboutit à un
véritable délire organisationnel, comme démontré dans le schéma ci-dessous, que vous pourrez
trouver sur le site web de la Cocof. Il précise « qui fait quoi » aujourd’hui dans le secteur de la
santé et du social à Bruxelles :
(source : site web de la Cocof
- http://www.cocof.irisnet.be/nos-competences/sante/TableauComptencesSant2013B.pdf )
Dans la plupart des cas, l’autorité compétente dépendra du statut linguistique de l’organisation
concernée. Ainsi, les crèches de Kind en Gezin dépendent de la Communauté flamande, et les
crèches de l’Oeuvre Nationale de l’Enfance dépendent de la Communauté française (qui
imposent des calendriers de vaccination différents !). Ces dispositions sont illustrées dans le
tableau ci-après, issu du site Web de la Cocom :
(Source : site Web de la Cocof :
http://www.ccc-ggc.irisnet.be/fr/pdf/exercice-competences-dans-la-Region-bilingue-de-BruxellesCapitale.pdf)
Les nouvelles compétences transférées aux Communautés seront elles aussi soumises à ce
saucissonnage intra-Bruxellois, entre les Communautés française et flamande, leurs avatars
bruxellois (Cocof et VGC respectivement), ainsi que, en outre, la Cocom :
« Lorsqu'il est fait référence aux communautés, il faut entendre, pour ce qui concerne la région
bilingue de Bruxelles-Capitale, également la Commission communautaire commune (COCOM)
lorsque la Constitution l'impose. » (Extrait de la « Proposition de loi spéciale relative à la Sixième
Réforme de l’Etat » – 25 juillet 2013).
1
Ce n’est que pour les allocations familiales que le transfert se fera uniquement vers la Cocom .
1
Pour plus de détails sur les transferts ver la Cocom, voir Jean-Paul Nassaux : « La Commission
communautaire commune (COCOM) : vers une autre dimension” in Les Analyses du CRISP, 14 octobre
2013 - http://www.crisp.be/2013/10/la-commission-communautaire-commune-cocom-vers-une-autredimension/ )
Certes, contrairement aux Communautés elles-mêmes, VGC, Cocof et Cocom sont des
organismes bruxellois, sous le contrôle des parlementaires bruxellois. Mais ce qu’il faut regretter
ici c’est la persistance à ce niveau d’une césure communautaire, qui ne correspond plus du tout à
la réalité sociologique de Bruxelles. Ce qu’il faut regretter également, c’est la complexité, le
manque de vision d’ensemble et la réduplication d’efforts qu’impose cette approche. Sans
oublier, s’agissant de la Cocom, le risque de blocage en cas de conflit entre les représentants
des deux Communautés.
Perte de souveraineté, mic-mac ingérable, gabegie, voilà ce qu’on nous prépare.
Et pendant ce temps là, à Bruxelles, quatre enfants sur dix vivent sous le seuil de la pauvreté,
environ un garçon sur quatre et une fille sur six ont quitté l’école sans diplôme de l’enseignement
secondaire supérieur, plus d’un jeune sur trois est au chômage (Source : Observatoire de la
Santé et du Social de Bruxelles-Capitale (2013). Baromètre social 2013. Bruxelles : Commission
communautaire commune.)
ème
Tout ceci renforce mes craintes : la 6
Réforme sera néfaste pour Bruxelles. Plus que jamais,
les Bruxellois doivent se faire entendre, et exiger clairement la disparition des institutions
communautaires et le transfert de leurs compétences aux Régions.
Alain Maskens, le 21 octobre 2013
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