Pied Mélorhéostose : revue de la littérature et cas clinique avec

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Pied Mélorhéostose : revue de la littérature et cas clinique avec
M
ise au point
Pied
Mélorhéostose :
revue de la littérature et cas clinique
avec aspects chirurgicaux
Noël Le Corre
Paris
Gagliardi GG, Mahan KT
Melorheostosis : a literature review and case report with surgical considerations.
J Foot Ankle Surg 2010 ; 49 : 80-5.
En 1922, un type particulier d’hyperostose a été décrit par
A. Léri et L. Joanny, constituée d’un épaississement longitudinal des os longs, appelée dès lors mélorhéostose (1).
Le pronostic vital n’est pas mis en jeu, mais le pronostic
fonctionnel est engagé.
Cette affection concerne le plus souvent les os longs des
membres inférieurs, elle est associée à un enraidissement
des articulations adjacentes, des contractures musculaires
et à une fibrose des parties molles. Elle commence dans la
petite enfance, avec un sex-ratio neutre.
La découverte est faite devant des douleurs mécaniques, un
enraidissement articulaire ou des déformations des
membres, les tableaux pouvant être très variables selon
l’importance et l’étendue de l’atteinte. Il peut se produire
une épiphysiodèse responsable de troubles de croissance,
inégalité de longueur ou déviation d’axe. Les parties molles
voisines des os atteints sont indurées, infiltrées et épaissies
et il existe une amyotrophie importante. L’évolution est
rapide pendant la croissance et ralentit à l’âge adulte.
Sur le plan radiologique, le signe spécifique est une hyperostose corticale en coulée de bougie des os longs. Selon les
critères diagnostiques, elle doit être de plus de 5 cm,
concerner plus d’un os et être excentrique. Elle atteint
également métaphyses et épiphyses. Il est également
constaté une hyperostose endocorticale et des signes de
myosite ossifiante juxta-articulaires. L’affection est
fréquemment unilatérale.
Histologiquement, il s’agit d’une hyperostose non spécifique, concernant os cortical et os spongieux. Les parties
molles sont le siège d’une fibrose peu vascularisée.
Biologiquement, il n’y a pas d’anomalie sanguine en
dehors parfois d’une simple élévation des phosphatases
alcalines traduisant l’hyperactivité ostéoblastique.
L’étiologie est peu claire, le terrain est parfois familial.
L’origine serait la mutation d’un gène au cours de l’embryogenèse, responsable d’une anomalie de constitution
du mésoderme du bourgeon de membre.
Traitement
Le traitement est multiple. La douleur peut être contrôlée
spécifiquement par les biphosphonates ou les vasodilatateurs type nifédipine.
Sur le plan chirurgical, il a été proposé de réaliser des
fenêtres corticales dans le but de diminuer la pression
endocanalaire douloureuse.
L’enraidissement articulaire est difficile à traiter et quasiment définitif. Il fait appel à des larges arthrolyses et
désinsertions tendino-musculaires, répétées, plutôt que
des allongements tendineux.
Les troubles de croissance peuvent être traités par des
allongements progressifs.
La rééducation prolongée lutte contre les enraidissements
articulaires et les postures vicieuses.
En conclusion, cette affection multitissulaire est évolutive, peut faire appel à des interventions répétées et laisser
malgré tout des séquelles fonctionnelles importantes.
Cas clinique
Il est rapporté le cas d’un enfant de 10 ans, souffrant du
pied droit et gêné dans ses activités quotidiennes.
L’examen retrouve un pied plus court, une déformation en
C, avec un metatarsus varus et un hallux varus fixés et un
pied très enraidi. Il n’existe pas de trouble de croissance
du reste du squelette de l’enfant.
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Les particularités chirurgicales sont un os extrêmement
dur, des parties molles très fibreuses et des cicatrices extrêmement rétractiles, qui tendent à majorer les déformations osseuses (risque d’hyper- ou d’hypocorrection selon
le type d’ostéotomie sous-jacente) De même, la cicatrisation peut être difficile et la peau se prête peu aux
lambeaux.
Il est indispensable que le patient et ses parents soient
informés du caractère compliqué des gestes chirurgicaux
et potentiellement des suites postopératoires, de la nécessité d’une rééducation très prolongée ainsi que du caractère évolutif de la maladie pendant toute la croissance qui
peut nécessiter une chirurgie itérative et laisser des
séquelles importantes.
Radiologiquement, il est retrouvé l’hyperostose typique
en coulée de cire de bougie de l’ensemble du pied au
premier rayon.
Devant l’importance des troubles, l’indication chirurgicale est posée, associant des ostéotomies de valgisation de
la base de tous les métatarsiens et de la première phalange,
ostéotomie d’ouverture du premier cunéiforme, aponévrotomie plantaire interne et plastie cutanée en Z interne.
En dehors d’un retard de cicatrisation cutanée, les suites
ont été simples et la consolidation s’est faite dans les délais
normaux. La rééducation a été prolongée pendant 7 mois.
À 4 ans de recul, le pied de l’enfant est enraidi, avec une
déformation récidivée, un hallux varus fixé résiduel mais
indolore et avec une fonction globale améliorée.
La mélorhéostose… Voilà un article à propos d’une rareté médicale comme il en existe tant… L’incidence en est tellement rare qu’elle n’est pas chiffrée.
J’espère que la lecture de ce résumé vous a été aussi profitable que celle de l’article l’a été pour moi, chirurgien orthopédique adulte totalement ignorant de ces affections !
Si, un jour, vous croisez dans votre consultation un enfant avec un enraidissement douloureux d’un segment de membre
inférieur raccourci avec une image radiologique d’hypercondensation juxtacorticale en coulée de bougie typique,
méfiez-vous, ce n’est pas simple…
Référence
1. Léri A, Joanny L – Une affection non décrite des os. Hyperostose « en coulée » sur toute la hauteur d’un membre ou mélorhéostose. Bull Mém Soc Méd
Paris 1922 ; 46 : 1141-5.
Liste des revues analysées
• The American Journal of Sports Medicine.
• Arthroscopy.
• Chirurgie de la main.
• Clinical Orthopaedics and Related Research.
• The Journal of Arthroplasty.
• The Journal of Bone and Joint Surgery (Am et Br).
• The Journal of Foot and Ankle Surgery.
• The Journal of Hand Surgery (Am et Br).
• Journal of Shoulder and Elbow Surgery.
• Revue de chirurgie orthopédique et réparatrice de l’appareil moteur.
• Spine.
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