L`anorexie au masculin - Eki-Lib
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L`anorexie au masculin - Eki-Lib
Le Dimanche 18 septembre 2005 Photothèque la Presse SANTÉ PHYSIQUE ET MENTALE L’ANOREXIE AU MASCULIN Mario Girard La Presse Dans les unités de troubles alimentaires de l’hôpital Sainte-Justine ou du Douglas à Montréal, il y peu de garçons. En fait, ils représentent environ 10 % des cas. Parmi les motifs qui poussent un adolescent à entrer dans ce mystérieux et déraisonnable jeûne, qu’est-ce qui distinguent les filles des garçons. « Pour moi, il n’y a pas de différence majeure, dit le Dr Howard Steiger, psychologue et chef de service du Programme des troubles de l’alimentation à l’hôpital Douglas. Chez les filles, comme chez les garçons, on observe les mêmes caractéristiques. Selon moi, cette maladie n’a pas de sexe. Chaque cas est unique. » Si les femmes sont plus touchées que les hommes par les troubles alimentaires, c’est, de l’avis du Dr Steiger, à cause d’une pression socioculturelle beaucoup plus forte. « Cela dit, j’observe une pression de plus en plus grande chez les hommes depuis quelque temps. On assiste par exemple à une augmentation des cas de boulimie. » Jean Wilkings, pédiatre et spécialiste des troubles alimentaires à l’hôpital SainteJustine, rencontre sur une base régulière de 125 à 140 patients aux prises avec un trouble alimentaire. Ce médecin qui compte 38 ans d’expérience dans le domaine des troubles alimentaires, en a ras le bol du discours sur l’obésité chez les enfants, un phénomène qui touche autant les filles que les garçons. « Ce discours est vraiment exagéré. Je vois maintenant des garçons rondelets qui se font vomir. Moi, je dis : laissons donc tranquilles les jeunes qui sont obèses. Ils ont bien assez de choses à régler comme ça. » Auteur de l’ouvrage Anorexia, enquête sur l’expérience de la faim, Jean-Philippe de Tonnac croit que c’est parce que les garçons connaissent leur puberté plus tard que les filles – deux ans en moyenne – qu’ils sont préservés de ce syndrome. « Ce retard leur laisse certainement le loisir de développer des mécanismes intrapsychiques et comportementaux d’adaptation au changement pubertaire », écrit-il. Plusieurs chemins peuvent mener à l’anorexie ou à la boulimie. Ceux-ci présentent des défis importants pour les thérapeutes. « ¨Ca peut être une forme d’évitement, mais ça peut être un cas d’obsession du corps, dit le Dr Steiger. Chez les garçons, on trouve notamment des cas de jockeys, d’athlètes ou de danseurs qui vivent ce genre de problème. » Quelques-uns des patients du Dr Jean Wilkins sont des garçons, mais certains sont aussi des hommes majeurs et vaccinés. « Je vois des garçons. Mais je vois aussi des hommes de 30 ou 30 ans. J’en vois aussi de 60 ans, » Si l’obsession de la minceur touche surtout les filles pubères, la folie de la musculation et la quête du corps musclé fait, depuis quelques années, des ravages du côté des garçons. « C’est vrai que plusieurs personnes associent ce phénomène aux problèmes d’anorexie, de boulimie et de dysmorphobie, qui est une obsession pour une partie du corps en particulier! Explique Howard Steiger. Jean Philippe de Tonnac fait partie de ceux qui pensent que certains problèmes comparables à l’anorexie se cachent derrière le souci de l’exercice et du sport. Ayant lui-même traversé l’épreuve de l’anorexie, l’auteur et journaliste croit qu’on devrait comptabiliser les cas graves d’hommes qui obsédés par leur corps. Consacrent plusieurs heures par semaine à le sculpter, à le modeler et à le travailler dans ces antres du muscle qu’on appelle les gym. « Des coureurs compulsifs, des bodybuilders acharnés à se faire une ceinture de chasteté contre un monde agressif(…), des hommes parvenus au mitan de leur vie qui prennent, sous la pression montant des industries de la minceur qui ne les lâcherons plus, conscience d’un laisser-aller hypothéquant leur chance de séduction sur un marché où il faut remettre sans cesse sur le métier ses sentiments amoureux et ses aptitudes professionnelles », écrit-il avec ardeur dans le (trop) rare passage sur la question des hommes anorexiques. Le ventre de Max Max 15 ans, mais il paraît 12. L’adolescent, qui porte toujours trois chandails pour camoufler sa maigreur, fait partie des rares garçons anorexiques. Ceux-ci comptent pour 10% des cas. À travers le témoignage saisissant de son père, voici le portrait d’un garçon qui ne s’aime pas. Seul garçon du groupe, Max passe plusieurs semaines dans l’unité des troubles alimentaires de l’hôpital Sainte-Justine avec une douzaine d’adolescentes. « ¨Cà le fâche de voir que cette maladie est trop souvent considérée comme une affaire de filles. » Malgré la thérapie, Max devient rebelle et agressif. Il nourrit des idées noires et suicidaires. Il rejette même sa mère, avec qui il avait toujours eu une relation fusionnelle. On a l’air niaiseux! Avant de vivre cette expérience, Sylvain ne connaissait rien à l’anorexie. Et rien ne laissait supposer que son fils allait un jour connaître ce problème. Rien ? Avec le recul, il songe à quelques indices révélateurs. « Max était tout petit et j’étais allé faire avec lui des activités physiques. On devait tous se mettre à quatre pattes et faire une course. Mais à un moment, il s’est arrête et m’a dit : On à l’air niaiseux ! Max a toujours été très soucieux de son apparence et du regard qu’on pose sur lui. Les anorexiques trouvent toutes sortes de ruses pour parvenir à leurs fins. Dans le cas de Max, ça va très loin. « J’ai remarqué qu’il se tient souvent debout et qu’il bouge constamment. Il a compris que de cette façon, il brûle plus de calories », raconte son père. Au bout de trois mois de thérapie et avec quelques kilos de plus, Max quitte SainteJustine. Mais une fois à la maison, il replonge rapidement dans son mutisme et son obsession. « Pendant neuf jours, il n’a presque rien mangé. Il est retombé à 76 livres. » Après un autre séjour à Sainte-Justine, il est décidé que Max ira à l’hôpital Douglas. Après trois mois de psychothérapie collective, un traitement de jour est proposé. Sauter par-dessus l’adolescence Sylvain a beau chercher toutes les raisons possibles pouvant expliquer la maladie de son fils, il n’arrive pas à en trouver une. « Je lui ai demandé s’il était homosexuel. Il a dit que non et qu’il préfère les filles. D’ailleurs, il ne comprend pas que les filles puissent le trouver beau. Il me dit : Je ne m’aime pas, comment peuvent-elles m’aimer? Alors qu’il croyait être sur une pente ascendante, Sylvain a récemment reçu grand choc de cette pénible expérience. « On venait de manger dans le jardin. coup, je l’ai vue mesurer sa tête et ses hanches avec ses mains. Il m’a dit qu’il que ses hanches soient aussi étroites que sa tête. Moi, c’est comme cela m’aimerais, m’a-t-il dit. » le plus Tout à voulait que je Max suit actuellement une psychothérapie individuelle où il travaille à l’appréciation de son corps. Malgré les objectifs qu’il s’était fixés, le garçon pèse 78 livres. Il y a quelques semaines, il est retourné à l’école, après un an d’absence. Son père craint le pire. « Si d’autres jeunes lui parlent de son corps, ou bien il sombrera de plus belle, ou bien il sera fouetté et se prendra en main ». Tout a commencé il y a deux ans quand Max adolescent mince et filiforme, s’est mis à trouver son ventre trop gros. « Il a d’abord fait de la natation, raconte Sylvain, son père. Mais comme ca n’était pas suffisant, il s’est mis aux redressements assis. Il en faisait jusqu’à 1000 par jour. Puis, il a commencé à faire attention à tout ce qu’il mangeait. En deux mois, il a réussi à diminuer des deux tiers ses quantités de nourriture. » Après quelques visites chez une nutritionniste, ses parents décident de consulter un psychologue spécialisé dans les troubles alimentaires. « En peu de temps, Max est passé de 105 à 85 livres, poursuit Sylvain. Comme il n’avait plus d’énergie, il réussissait moins bien à l’école. » Devant une telle détérioration, on décide d’hospitaliser le garçon. « Il répétait sans arrêt qu’il voulait qu’on le laisse atteindre son objectif, celui de perdre son ventre. On était dons des méchants car on l’en empêchait. »