les deux faces de Mobic Le Bois International 24/10/2015

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les deux faces de Mobic Le Bois International 24/10/2015
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Comprendre | Spécial Belgique
Ossature bois
L’innovation et la robotisation :
les deux faces de Mobic
automation, c’est la première passion de Patrick Moutschen,
ingénieur industriel dans cette discipline, qui a obtenu pour
son projet de fin d’études le prix de l’innovation au Salon
de l’agriculture (système d’alimentation automatique des vaches
laitières). Il crée dans la foulée, en 1988, la société iMax pro dédiée
aux installations industrielles et aux travaux dans les télécommunications. Il trouve à satisfaire son “côté terrien”, comme il le décrit,
lorsqu’un ami menuisier lui demande de l’assister pour la construction de sa maison en bois. C’est avec le plaisir de s’intéresser à une
matière première noble, et le regard d’un analyste des process qu’il
se plonge dans le projet. “J’ai découvert alors que le secteur était à la
veille d’une révolution normative avec les exigences de performance
du bâti liées aux politiques post-Kyoto, et combien il pourrait être intéressant et opportun d’étudier et fabriquer des produits en bois pour
la construction”. Mobic SPRL est créée en 1998, qui devient en 2000
Mobic SA, quand le frère de Patrick, Jean-Philippe Moutschen,
ex-commercial dans le secteur de la domotique et de la banque, le
rejoint. “Il fallait en premier lieu faire connaître le produit au client
final ; à notre premier Salon de l’habitat à Liège, nous avons eu des
premiers contacts avec les autoconstructeurs qui vont naturellement
vers le bois”, explique le directeur commercial. C’est ainsi qu’a commencé l’activité de Mobic, avec une première table de montage
de fabrication maison, bientôt rejointe par un centre de taille Speed
Cut SC2 de Hundegger (auquel sera adjointe une K2 Hundegger en
2015). La société basée à Harzé, à toute proximité de l’autoroute
A26, compte aujourd’hui 45 salariés.
L’analyse et le développement des process, spécialité d’iMax Pro,
appliqué au secteur de la construction bois, est en ligne de mire dès
(crédit photo : F. Hermann)
Ingénieur automation, Patrick Moutschen a lancé avec
son frère Jean-Philippe, peu avant 2000, Mobic, une
société de conception et fabrication d’ossatures bois.
Quinze ans et une cascade de brevets plus tard, la
société des Ardennes belges poursuit son essor entre
autres grâce à la robotisation.
L’
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la création de Mobic, mais c’est aussi toute la conception des maisons bois qui est passée au crible, après que le dirigeant a intégré
les spécificités du bois en une année de cursus post universitaire sur
le bois à l’université catholique de Louvain (UCL). Des idées d’innovations naissent dès cette époque. “Voir loin, avoir toujours quelques
(crédit photo : F. Hermann)
Patrick Moutschen,
ingénieur automation, créateur et
dirigeant de Mobic.
Jean-Phillipe Moutschen, directeur commercial, devant la première ligne robotisée
de fabrication de murs à ossature bois de Mobic.
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geant – de prendre les mesures et de délivrer l’équivalent de l’Avis
technique, pour le procédé Mobic qui prévoit la pose de bandes résilientes en fibre de coco au niveau des appuis de la poutre sablière.
(crédit photo : F. Hermann)
Cascade de brevets
La R&D comme leitmotiv
Le dirigeant de Mobic fait des choix techniques stratégiques dès
le lancement de la fabrication des premières “maisons unifamiliales”, selon la terminologie courante en Wallonie (rappelons ici
qu’en Belgique, la participation d’un architecte est requise pour
toute construction quelle que soit sa taille, et que les exigences
des services de l’urbanisme limitent l’emploi du bois en façade). Le
système constructif choisi par Mobic est l’ossature bois, qui peut
se prêter à une préfabrication automatisée, concurrencer le “bloc
béton” tout en étant économe en matière ; mais dès les origines,
Mobic crée en réalité un mix ossature / poteaux-poutres et une
structure très rigide. “La première volonté a été de pallier les problèmes de flèche, vibration, grincement des planchers”, explique
Patrick Moutschen. “Nous avons opté pour le surdimensionnement
par rapport aux normes. En outre, nous avons utilisé des poutres non
seulement au niveau des linteaux mais sur tout le pourtour de la maison, ce qui permet une flexibilité de l’occupation, avec la possibilité
de créer des ouvertures plus tard.” Mobic réinvente l’ossature avec
ses exigences propres. Sur le plan acoustique, la législation est
hautement contraignante, surtout dans le cas de maison abritant
plusieurs appartements. Pour prouver les résultats Mobic (en
l’absence de modèles permettant leur justification avec le bois),
Patrick Moutchen crée un programme d’expérimentation grandeur
réelle (deux pièces de 30 m2 l’une sur l’autre) avec le Centre scientifique et technique de la construction (CSTC), pour permettre aux
contrôleurs – “qui n’en croient pas leurs appareils”, se rappelle le diri-
La première ligne
de fabrication
robotisée réunit
quatre robots :
le premier robot
pose les panneaux,
le deuxième les
cloue, le troisième
effectue les fraisages, le quatrième
insuffle la ouate
de cellulose.
Une machine
spéciale a été
développée
avec Isocell pour
l’insufflation
robotisée de la
ouate de cellulose,
avec pesage.
(crédit photo : F. Hermann)
années d’avance en recherche et développement, c’est l’ADN de l’entreprise”, remarque Patrick Moutschen. “En matière de construction bois,
notre regard “extérieur” a été profitable : il arrive en effet que la transmission des savoir-faire empêche de revoir les acquis !”
Le questionnement relatif à la migration de vapeur dans les parois
est aussi une question centrale de la construction bois, “qui n’est pas
modélisée en cas de défaut”, explique Patrick Moutschen. Là aussi un
expérimentateur grandeur réelle est conçu et au final un brevet
déposé pour les systèmes Vigimurs de murs avec rejets d’eau et
boucle de surveillance, puis Vigitoit de caissons de toiture avec rejet
d’eau et boucle de surveillance. Homme de démonstration et de
mathématique, décidé à rassurer, Patrick Moutschen invente en
outre un système de surveillance doté d’un algorithme permettant
de surveiller l’hygrométrie des parois en fonction du climat. Un brevet est déposé pour Vigimob, centrale de contrôle pour Vigimurs
et Vigitoit. Le bureau d’études de huit personnes – ingénieur
construction, ingénieurs génie civil, architectes – se dédie en partie aux innovations. “Cela demande beaucoup d’énergie mais l’important est de maintenir l’avance technologique ! Et notre exigence
en termes de performances contribue à notre notoriété”, explique
le chef d’entreprise.
Mobic a aussi déposé un brevet pour Rigifermes, des charpentes qui
sont à mi-chemin entre la fermette et la ferme, facile à manutentionner et à poser tout en permettant la réalisation de combles
aménageables. “Il s’agissait de trouver une solution low-cost
permettant quand même une utilisation de l’espace du comble.”
Et la dernière innovation vient tout juste d’être brevetée, en 2015.
Il s’agit d’Argimob, un système qui permet de prodiguer l’inertie,
aux endroits requis, et en usine, aux parois ossatures bois par l’intégration de cylindres d’argiles fabriqués à partir de boues résiduelles
de carrières ardennaises.
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“Dans l’atelier, j’ai occupé tous les postes de travail !”, précise Patrick
Moutschen, qui aime autant mettre les mains à la pâte que cogiter
avec les ingénieurs de Mobic ou les développeurs d’iMax pro,
société toujours existante dont les services sont utilisés par Mobic.
(crédit photo : F. Hermann)
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Robotisation
L’entreprise belge de construction bois ne réalise que du surmesure, et c’est, naturellement, aux robots que Patrick Moutschen
a eu recours pour concevoir une ligne de production performante
et flexible. Quatre robots ABB, acquis d’occasion, alignés devant
une table de montage verticale effectuent tout ce qu’il leur est
possible, et les ouvriers réalisent les tâches spéciales ou périphériques. Le premier robot pose les panneaux, le deuxième les cloue,
le troisième effectue les fraisages, le quatrième insuffle la ouate
de cellulose. “Nous avons conçu et fabriqué une machine d’insufflation adaptée – et donc unique – avec le fabricant Isocell. La vérification des quantités insufflées s’effectue par pesage, il ne peut y avoir
de défaut”, explique Patrick Moutschen. L’interface numérique a été
bien sûr conçue en interne. C’est déjà à une autre phase de robotisation que les équipes Mobic/iMaxPro se dédient. Les locaux de
Harzé viennent d’être agrandis, et l’une des trois nouvelles halles
va accueillir la nouvelle et deuxième ligne de fabrication robotisée
de Mobic. Cette fois les robots se déplaceront le long de rails, ce qui
permettra de travailler sur une plus grande variété de murs, y compris courbes. Les robots flambants neuf ABB attendent d’être équipés de leurs outils conçus sur-mesure tandis que la pose des rails se
poursuit. Les équipements mécaniques sont fabriqués en interne
au sein de l’atelier équipé de toutes les machines requises : cisaille,
presse, plieuse, fraiseuse… “Nous nous sommes tournés vers une
nouvelle génération de robots collaboratifs homme-machine”, expliquent les frères Moutschen, qui vont une fois cette première installation entrée en activité développer la vente de cet outil robotisé
de fabrication de murs à ossature bois. La mariage de la maison
bois et de l’industrie robotisée est bel et bien en cours à Harzé, où
l’on découvre aussi une extrudeuse d’occasion en train d’être adaptée pour la formation des boudins d’argile qui une fois découpés et
séchés confèrent aux murs Mobic l’inertie requise, au cas par cas.
Diversification
L’une des nouvelles halles abrite la ligne d’équipement des
modules 3D (salles de bain…). En effet, depuis les premières maisons wallonnes pour autoconstructeurs, Mobic a élargi sa gamme
de produits, en même temps que sa clientèle. “La crise de 2008 a
constitué une sorte d’accélérateur, obligeant beaucoup d’entreprises
à se repositionner sur le marché belge”, explique Jean-Philippe
Moutschen. Mobic propose ses structures, outre aux particuliers,
aux charpentiers, aux constructeurs bois, aux entreprises de
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L’atelier de Mobic
est équipé d’une
Speed Cut SC2
Hundegger
et d’une K2
Hundegger.
construction. La société a développé le mur rideau ou isolation
thermique par l’extérieur par caissons isolés fabriqués en usine,
le premier chantier d’envergure ayant été celui de la toiture courbe
de la grande halle de Libramont, 520 caissons de 9 m x 1,25 m
posés en 4 semaines, suivi par des réhabilitation de logements
sociaux, par exemple, la prestation incluant la conception et le
dimensionnement selon l’existant grâce à une station de géométrie
Leica. En parallèle, un nouveau marché s’est ouvert avec la conception de la ferme treillis, brevetée dès 2011, ferme autoportante,
conçue à base de panneaux cloués, pour les bâtiments agricoles et
industriels jusqu’à 20 m de largeur, très compétitive en matière de
prix. Récemment, c’est en direction d’un degré de préfabrication
très abouti que s’est tourné Mobic. L’entreprise a créé une jointventure baptisée Prefabois avec le fabricant belge de lamellé-collé
et panneau lamellé-croisé Stabilam, pour une force de frappe plus
grande. Le premier chantier commun, pour le promoteur Your
nature, porte sur la réalisation d’un centre de 700 maisons de
vacances sur pilotis en forme de feuilles dans la forêt de Péronnes,
en Belgique, à proximité de Lille. “Cela nous a obligé à faire face à de
fortes contraintes techniques, sachant que le délai de mise en œuvre
sera extrêmement court”, explique Patrick Moutschen, dans son élément dès qu’un défi technique et d’optimisation des process se profile ! “Aujourd’hui, nous fabriquons environ 60 maisons par an pour
les particuliers et de 50 à 100 structures pour les professionnels”,
indique Jean-Philippe Moutschen. “Cela représente la moitié du chiffre d’affaires, le reste étant constitué par les caissons d’isolation par
l’extérieur, les poutres treillis, etc.” A Batimat, Mobic présentera son
nouveau site de conception et devis en ligne dédié aux autoconstructeurs français… des clients que Patrick Moutschen ne négligerait pour rien au monde, quand son ami menuisier autoconstructeur lui a donné la passion du bois…
Fabienne Tisserand