La Corse, l`ile de santé Entretien avec Gérard Duru, professeur à l
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La Corse, l`ile de santé Entretien avec Gérard Duru, professeur à l
La Corse, l'ile de santé Entretien avec Gérard Duru, professeur à l'Université de Lyon I, membre du conseil de surveillance et du conseil scientifique de l'ARS Corse et membre du comité stratégique pour la construction du nouvel hôpital d’Ajaccio. En matière de santé, la Corse doit composer avec de nombreux éléments qui compliquent la prise en charge sanitaire de la population. D'une part, le caractère insulaire engendre de nombreuses spécificités, d'autre part, la situation économique des habitants est plutôt défavorable et s'en ressent dans l'état de santé constaté. Il en résulte une politique régionale de santé singulière. Si, comme partout, le PSRS mentionne les exigences de réduction des inégalités, de fluidité du parcours de santé, ou encore de construction concertée avec les usagers, il axe aussi l'action de l'ARS Corse sur l'autonomisation des soins sur l'île. Le passage des Agences Régionales de l'Hospitalisation (ARH) aux Agences Régionales de Santé (ARS) a profondément modifié l'organisation de la santé en Corse puisque, de deux territoires de santé calqués sur les départements et rattachés à la région PACA, la région est passée à un seul et unique territoire de santé regroupant les territoires de Corse du Sud et Corse du Nord et rattaché à une nouvelle agence autonome : l'ARS de Corse. Une forte dispersion des habitants, rendant difficile la gestion de l'offre de soins Le caractère insulaire doublé d'une topographie montagneuse rendent difficile la couverture sanitaire du territoire, ce d'autant que les habitants sont « parsemés », sans réelle zone de densification. Pourtant, la couverture de soins infirmiers est l'une des plus élevée de France, les actes infirmiers représentent 82% de l'activité libérale contre 53% au niveau national. Malgré cette forte présence infirmière, la couverture médicale pourrait faire apparaître rapidement des zones désertiques ou des carences en milieu hospitalier. Certaines disciplines risquent de ne plus avoir de praticien hospitalier en exercice dans 5 ans (en obstétrique, 6 praticiens sur 7 pourront en effet cesser leur activité). Il en est de même en ambulatoire, les villages sont trop petits pour constituer une patientelle suffisante pour un médecin et les risquent relatifs au déplacement en montagne, tout comme le risque de burn out, pèsent sur l'organisation de la permanence des soins ambulatoires. Le modèle des maisons de santé pourrait constituer une bonne alternative. Ce concept a été mal compris au départ, les maires ayant vu cela comme des projets immobiliers, sans partage de données. De ce point de vue, il n'y a aucun gain d'efficience. Une Maison de santé, c'est de l'ambulatoire concentré avec une pratique concertée. Cette idée rentre peu à peu dans les mœurs mais les freins restent nombreux, la nouveauté fait souvent peur... L'ARS Corse se fixe comme priorité d'accroitre l'attractivité des établissements de santé et des zones exposées à la désertification médicale. Pour ce faire, l'évolution des pratiques, le développement de nouvelles technologies d'information et de communication, ainsi que les nouvelles formes possibles de coopération constituent des leviers d'action efficaces. Si la Corse parvient à dépasser les problèmes d'accès aux soins, cela pourrait servir d'exemple à d'autres régions montagneuses et menacées par les « déserts médicaux » telle que la Corrèze. 1 La volonté d'accroitre l'autarcie de l'île Beaucoup de corses vont se faire soigner sur le continent, selon l'ORS de Corse, sur les 136 026 hospitalisations décomptées pour l’année 2009, 13% sont des hospitalisations continentales (notamment en région PACA). Cette fuite a un impact important sur les recettes des établissements. En Corse, toutes les spécialités ne sont pas représentées. L'offre publique est essentiellement constituée par : le Centre Hospitalier Notre Dame de la Miséricorde à Ajaccio le Centre Hospitalier Général de Bastia Centre Médico-Psychologique et Centre Accueil Thérapeutique de Porto-Vecchio L'accès aux soins est donc limité, le PSRS entend accroitre l'autarcie de l'île. Plutôt que d'envoyer des dizaines de patients se faire soigner sur le continent, l'objectif est d'amener des médecins à effectuer des permanences dans les Centres hospitaliers de l'ile. Une population à géométrie variable et un accès inégal aux soins En matière de santé, l'île de beauté est victime de son succès. En effet, de 300 000 habitants durant l'année, la population passe à plus de 3 millions en période estivale. Même si les soins requis par les « patients touristes » sont souvent mineurs, leur prise en charge représente un vrai problème, d'autant que comme tout le monde, en aout, les médecins partent en vacances … L’organisation de l’offre de santé relevant du secteur public est bipolarisée ; chaque département dispose d’un centre hospitalier avec une particularité pour la Corse du Sud qui compte deux centres hospitaliers (La Miséricorde et Castelluccio). Bien que des conventions lient les deux établissements MCO, les activités sont bien souvent dédoublées. « L’organisation et la répartition territoriale des plateaux techniques doivent être repensées en intégrant les obligations règlementaires structurant les activités de soins et les logiques de parcours de prise en charge ». La nouvelle administration par une unique ARS pourrait faire évoluer les choses. Mais l'administration ne suffit pas, l'action se construit sur des hommes, il faut donc se concentrer sur les ressources humaines. L'ARS de Corse s'est engagée dans une approche à dominante « santé publique » mais avec un retour des acteurs. C'est à dire une première phase « top-down » puis une phase « bottom up », cette démarche dynamique est facilitée par la petite taille de la région. De la même manière, une démarche continue d'évaluation de la mise en place du PSRS a été prévue. 2