Comment définir un programme d`aménagement d`ensemble?

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Comment définir un programme d`aménagement d`ensemble?
QUESTIONS FINANCIÈRES
Comment définir un programme d’aménagement
d’ensemble?
1. Programme d’aménagement d’ensemble
(art. L. 332-9) Notion Nécessité d’un parti
d’aménagement Ensemble de travaux de
voirie et d’éclairage et d’adduction d’eau Oui. 2. Non-respect du délai de réalisation
des équipements programmés Possibilité
de prorogation du délai Non Conséquences Restitution des sommes payées
(art. L. 332-11).
Résumé
1. Un programme d’aménagement d’ensemble
(PAE) peut se limiter à un programme de viabilisation et de construction d’équipements publics
comportant des travaux de voirie et d’éclairage
public sur plusieurs voies communales, ainsi
que des travaux d’assainissement et d’adduction d’eau potable.
2. Le non-respect du délai de réalisation des
équipements publics entraîne l’obligation de
restitution des sommes versées au titre du PAE.
CE (8/3 SSR) 27 janvier 2010, Commune de Carqueiranne,
req. n° 308614 – M. Prévost, Rapp. – M. Olléon, Rapp.
public – SCP Roger, Sevaux, SCP Boutet, Av.
Décision qui sera publiée au Recueil Lebon.
Conclusions
LAURENT OLLÉON, rapporteur public
Par une délibération prise le 29 juin 1990, le conseil
municipal de la commune de Carqueiranne (Var) a
approuvé, en application de l’article L. 332-9 du code de
l’urbanisme, un programme d’aménagement d’ensemble
pour permettre l’urbanisation du quartier dit de La Martine,
situé au nord de la commune. Ce programme, qui devait
être achevé le 31 décembre 1997, comportait des équipements de voirie, d’assainissement et d’éclairage public, au
financement duquel les constructeurs devaient participer.
La SCI Les terrasses de Carqueiranne a obtenu, le
8 octobre 1990, un permis de construire dans ce secteur
cinq bâtiments représentant une surface hors œuvre
nette de 2 129 m2, sur un terrain de 16 296 m2. Le maire
de la commune a mis à sa charge, au titre de cette autorisation, une participation d’un montant de 1 104 418 F.
L’avancement des travaux de construction des équipements publics ayant pris du retard, le conseil municipal a,
par une délibération du 18 décembre 1997, décidé de
proroger le délai d’exécution des travaux, de revoir à la
baisse les participations relatives au programme d’aménagement d’ensemble et d’établir la proportionnalité de
la participation à l’équipement public.
p. 28
Au mois de février 1998, la SCI Les terrasses de Carqueiranne a sollicité le remboursement des sommes
d’ores et déjà versées au receveur municipal et la
décharge des sommes restant à payer, au motif que les
travaux n’avaient pas été exécutés dans le délai prévu.
Un refus implicite ayant été opposé à sa demande, la
société a saisi le tribunal administratif de Nice d’une
requête tendant à l’annulation de ce refus, à la restitution
de la somme de 552 074 F déjà versée et à la décharge
de la somme de 552 074 F restant à recouvrer. Par un
jugement rendu le 2 septembre 2004, le tribunal administratif a partiellement fait droit à cette requête en ordonnant la restitution de la participation déjà acquittée, d’un
montant de 410 922 F, et en prononçant la décharge de
la somme restant à payer. Le tribunal a en effet jugé que
la société établissait seulement avoir acquitté cette
somme, et non la somme de 552 074 F qu’elle avait allégué avoir réglé.
La commune a fait appel de ce jugement devant la cour
administrative d’appel de Marseille, suscitant un appel
incident de la société. La cour était compétente : la participation litigieuse n’ayant pas un caractère fiscal, elle n’est
BULLETIN DE JURISPRUDENCE DE DROIT DE L’URBANISME – 1/2010
QUESTIONS FINANCIÈRES
pas un impôt local au sens des dispositions du 5° de l’article R. 222-13 du code de justice administrative 1.
Par un arrêt rendu le 31 mai 2006, la cour a rejeté la
requête de la commune et fait droit aux conclusions incidentes de la société, en portant de 410 922 à 552 074 F
le montant de la restitution ordonnée. C’est cet arrêt que
la commune vous demande d’annuler.
Vous le savez, en principe, les dépenses d’équipement
communales sont supportées par les contribuables. Il est
cependant admis que les constructeurs qui tirent un bénéfice particulier des équipements proches, du fait de la valorisation de leurs constructions, puissent se voir imposer
des participations spécifiques, dont la liste est fixée limitativement par l’article L. 332-6 du code de l’urbanisme.
En 1990, année de la délibération du conseil municipal
de la commune de Carqueiranne, la rédaction de l’article
L. 332-6, issue de la loi n° 85-129 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en œuvre de principes
d’aménagement, disposait que les bénéficiaires d’autorisation de construire ne pouvaient être tenus que du versement de la taxe locale d’équipement, prévue à
l’article 1585 A du code général des impôts, « ou de la
participation instituée dans les secteurs d’aménagement
définis à l’article L. 332-9 », ainsi que du versement des
contributions aux dépenses d’équipements publics mentionnées à l’article L. 332-6-1, tels le versement pour
dépassement du plafond légal de densité, la taxe départementale des espaces naturels sensibles, ou la participation pour raccordement à l’égout, enfin de la participation aux équipements propres mentionnés à l’article
L. 332-15, c’est-à-dire des travaux nécessaires à la viabilité et à l’équipement de la construction.
Issu de la même loi de 1985, l’article L. 332-9 du code
de l’urbanisme, dans sa version initiale, applicable au
litige, disposait que « dans les secteurs du territoire de la
commune où un plan d’aménagement d’ensemble a été
approuvé par le conseil municipal, celui-ci peut mettre à la
charge des bénéficiaires d’autorisations de construire tout
ou partie des dépenses de réalisation des équipements
publics correspondant aux besoins des habitants actuels
ou futurs du secteur concerné et rendus nécessaires par la
mise en œuvre du programme d’aménagement ». Il précisait aussi que le conseil municipal déterminait le secteur
d’aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour
la réalisation du programme d’équipements publics.
Par ailleurs, l’article L. 332-11, également issu de la loi
du 18 juillet 1985, prévoit que « lorsque le programme
d’aménagement d’ensemble fait l’objet d’une modification
substantielle, le conseil municipal peut, pour les autorisations à venir, réviser le régime de la participation dans les
conditions prévues à l’article L. 332-9 ». Il prévoit égale1
CE 24 juin 2009, Commune de Saessolsheim c/ Syndicat des
copropriétaires de la copropriété, req. n° 305975 : à mentionner aux
Tables sur ce point.
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ment que « si les équipements publics annoncés n’ont pas
été réalisés dans le délai fixé par la délibération instituant
ou modifiant la participation, la restitution des sommes
éventuellement versées ou de celles qui correspondent au
coût des prestations fournies peut être demandée par les
bénéficiaires des autorisations de construire ».
Le système paraît donc encadré par le code. Il n’y
manque qu’une pièce, mais il s’agit d’une pièce maîtresse : le programme d’aménagement d’ensemble (PAE)
n’est défini par aucune disposition législative ou réglementaire du code.
Définition du PAE
L’examen des travaux parlementaires montre que l’objectif de ces dispositions était de mettre en place un outil
souple, pour des opérations d’aménagement d’une taille
inférieure à celle des zones d’aménagement concerté
(ZAC). Alors que la procédure des ZAC était parfois utilisée par les communes dans des conditions irrégulières,
la nouvelle participation devait permettre de financer de
manière équitable les équipements d’une zone déterminée, pour l’aménagement duquel existe une « conception d’ensemble ». L’inclusion d’une opération dans un
plan d’aménagement d’ensemble dispensait du versement de la taxe locale d’équipement.
Ce qui est clair, c’est que le plan d’aménagement d’ensemble nécessite une conception d’aménagement d’une
zone. Ainsi, si ce mécanisme était utilisé pour financer un
seul équipement communal dans une partie de la commune, il y aurait détournement de procédure à ce que
son financement soit supporté par les constructeurs,
alors qu’il devrait être couvert par les contribuables.
C’est par une décision du 25 juin 2003, Commune de
Saint-Jean-de-Boiseau 2, que vous avez précisé le contrôle
de cassation que vous exercez en la matière. C’est sous
l’angle de la qualification juridique que vous vérifiez si les
juges du fond ont correctement jugé qu’un programme de
travaux constitue un plan d’aménagement d’ensemble au
sens de l’article L. 332-9 du code de l’urbanisme. Dans
cette espèce, vous avez jugé qu’un programme de travaux
qui n’avait pas été envisagé avant le dépôt d’une demande
d’autorisation de lotir et qui se limitait à des équipements
directement liés à la réalisation de ce lotissement ne constituait pas un programme d’aménagement d’ensemble.
Comment cerner ce qu’est un plan d’aménagement
d’ensemble ? Pour y parvenir, il faut s’intéresser aux décisions que vous avez déjà rendues sur le sujet.
Les premières remontent à l’époque où vous statuiez
encore comme juges d’appel. Par une décision du 8 janvier 1993, Association des riverains du front de Seine Parc
2
Rec., T., p. 961.
p. 29
QUESTIONS FINANCIÈRES
de Passy 3, vous avez jugé que des dépenses de réalisation d’un espace vert étaient nécessaires pour la mise en
œuvre d’un programme d’aménagement d’ensemble, dès
lors que ce programme prévoit la réalisation d’un tel
équipement public, qui correspond aux besoins des habitants du quartier.
Encore faut-il que le programme comporte plusieurs
équipements. Ainsi avez-vous jugé, par une décision du
15 avril 1996, Époux Maurice 4, que la délibération d’un
conseil municipal qui se borne à décider la création
d’une voie publique destinée à relier deux quartiers d’une
commune – il s’agissait de la commune de Mende – et
l’établissement de réseaux divers le long de cette voie ne
comporte aucun plan d’aménagement d’ensemble du
secteur du territoire communal qu’elle concerne.
Dans les conclusions qu’il a prononcées sur cette
affaire, Christophe Chantepy relève que l’article L. 332-9
du code de l’urbanisme « énumère précisément les éléments que doit comporter une délibération approuvant un
programme d’aménagement d’ensemble […]. Parmi ces
éléments figurent la détermination du secteur d’aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d’aménagement d’ensemble ». Et
votre commissaire du gouvernement de noter que si, au
cas d’espèce, la délibération déterminait le périmètre du
secteur et faisait état de la réalisation de la voie et du coût
prévisionnel des travaux, elle ne définissait aucunement
la nature de l’aménagement, pas davantage que les
délais de réalisation. En effet, « compte tenu du périmètre
concerné, l’aménagement d’ensemble ne pouvait porter
sur la seule réalisation d’une voie, pour une fraction tout
à fait marginale des terrains concernés ».
Reste donc à préciser ce qu’est la « nature » de l’aménagement dont le plan d’ensemble est arrêté par délibération du conseil municipal. Par une décision du
21 décembre 2007, Commune de Verneuil-l’Étang 5, vous
avez jugé qu’une cour ne commet pas d’erreur de droit en
se fondant sur un faisceau d’indices, tels que le fait que
l’adoption du programme d’aménagement d’ensemble
n’avait pas été envisagé avant le dépôt de la demande
d’autorisation de lotir, que le plan ne s’appliquait qu’aux
terrains du lotissement et que la nature des travaux envisagés ne les rendait pas nécessaires pour les besoins des
futurs habitants du lotissement, pour juger, sans erreur de
qualification juridique, que le plan de travaux annexé à la
délibération du conseil municipal ne constituait pas un
programme d’aménagement d’ensemble au sens de l’article L. 332-9 du code de l’urbanisme.
Dans les conclusions qu’il a prononcées sur votre décision Commune de Saint-Jean-de-Boiseau précitée, Didier
Chauvaux pointait les risques de détournement de procé3
4
5
Rec., T., p. 1086.
Req. n° 145489 : aux Tables sur un autre point.
Req. n° 282580.
p. 30
dure et soulignait qu’il fallait un « véritable projet d’aménagement d’ensemble », c’est-à-dire un « programme cohérent d’une certaine ampleur » qui s’opposerait, selon lui, à
ce qu’une commune informée de l’existence d’un projet
immobilier fasse usage des dispositions de l’article L. 3329 pour « mettre à la charge du constructeur des équipements ponctuels, même destinés à faire face à des besoins
induits par la réalisation du projet ». Pour autant, il considérait qu’il n’y avait pas lieu d’exclure par principe qu’un
programme d’aménagement d’ensemble puisse exceptionnellement ne concerner qu’un seul constructeur, « s’il
se livre à une opération immobilière importante, intéressant
un secteur significatif du territoire communal ».
Si le programme doit être d’une certaine ampleur, c’està-dire porter sur un secteur de la commune, il ne saurait se
confondre avec un projet d’urbanisme en bonne et due
forme. En effet, vous avez estimé qu’un programme
d’aménagement d’ensemble qui a pour but exclusif le
financement d’équipements publics ne constitue pas un
document d’urbanisme au sens de l’article L. 600-3 du
code de l’urbanisme 6.
La notion, nous devons le reconnaître, est entourée d’un
certain flou, qui tient pour l’essentiel à l’absence de définition légale du programme d’aménagement d’ensemble, à
laquelle vous ne pourriez suppléer qu’au prix d’un arrêt de
règlement. Il ressort toutefois de votre jurisprudence qu’un
tel programme doit concerner un secteur ou plusieurs secteurs de la commune et prévoir la réalisation d’équipements publics correspondants aux besoins actuels ou
futurs des habitants de ce secteur. Il faut aussi que ce programme présente une cohérence d’ensemble du point de
vue de l’aménagement : les équipements prévus ne sauraient être uniquement liés à une opération de construction donnée.
Revenons à présent au pourvoi. Tant le tribunal administratif de Nice que la cour administrative d’appel de Marseille ont jugé que le programme de travaux prévu par la
délibération du 29 juin 1990 du conseil municipal de la
commune de Carqueiranne ne constituait pas un plan
d’aménagement d’ensemble du secteur de La Martine. Le
tribunal a relevé que ce programme prévoyait l’aménagement d’un carrefour, l’élargissement, l’aménagement et
l’éclairage de voies existantes ainsi que la création d’un
collecteur pluvial et d’une canalisation. Il a alors repris la
motivation de votre décision Époux Maurice du 15 avril
1996, en jugeant qu’un programme d’aménagement d’ensemble ne peut se borner à décider l’aménagement de
voies publiques et l’établissement de réseaux divers le
long de ces voies. La cour a abouti à la même conclusion
au prix d’une motivation sensiblement différente, en
jugeant que le conseil municipal de la commune s’était
6
CE Avis 17 janvier 1997, Association de défense du site de l’environnement de Galluis : Rec., p. 22.
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borné, dans sa délibération, à dresser une liste de travaux
dans la zone concernée « sans justifier d’un parti d’aménagement de l’ensemble du secteur ».
Cette référence à un parti d’aménagement est compréhensible, mais elle est maladroite. Compréhensible, parce
qu’en l’absence de définition précise de ce qu’est un programme d’aménagement d’ensemble, les juges du fond
tentent de se raccrocher à ce qu’ils connaissent. Ainsi, la
notion de parti d’aménagement est-elle présente dans le
code de l’urbanisme. Mais – et c’est là que réside la maladresse de la cour – elle est utilisée dans le cadre du
contentieux des documents d’urbanisme, alors que le plan
d’aménagement d’ensemble ne présente pas ce caractère.
C’est ainsi que l’article R. 122-25 du code de l’urbanisme
dispose qu’un « schéma directeur se compose d’un rapport
et de documents graphiques », et que le rapport présente,
notamment « le parti d’aménagement adopté et sa justification ». De même, dans les décisions que vous avez rendues
au sujet des plans d’occupation des sols (POS), vous vérifiez que le conseil municipal a, ou non, adopté un parti
d’aménagement. Dans votre décision du 4 novembre 1982,
Mlle Bonnaire et autres 7, vous avez ainsi jugé qu’il « appartient aux auteurs d’un plan d’occupation des sols de déterminer le parti d’aménagement à retenir, en tenant compte
de la situation existante et des perspectives d’avenir et de
fixer en conséquence le zonage et les possibilités de
construction ». Vous avez également utilisé cette notion
pour une zone d’aménagement concerté 8.
Suivre la cour conduirait à appliquer aux programmes
d’aménagement d’ensemble une notion adaptée aux
documents d’urbanisme, ce qui pose problème. Le texte
de l’article L. 332-9 du code de l’urbanisme, dans son
laconisme, invite seulement à vérifier que la nature du programme est précisée et qu’il s’agit à la fois d’un programme d’aménagement et d’un programme d’ensemble.
C’est ce qui donne toute sa force à l’argumentation de
la commune, qui reproche à la cour administrative d’appel de Marseille d’avoir commis une erreur de qualification juridique en jugeant que le conseil municipal de la
commune de Carqueiranne n’avait pas adopté un programme d’aménagement d’ensemble.
de la réalisation des équipements dans ce secteur serait
réglé par la procédure du programme d’aménagement
d’ensemble, dès lors que le seul produit de la taxe locale
d’équipement n’apparaissait pas en mesure de régler le
coût des équipements à réaliser. Confirmant une première
délibération de principe, qui avait été prise le 27 mars
1990, le conseil municipal avait donc décidé la mise en
œuvre d’un programme d’aménagement d’ensemble sur
ce quartier, d’une superficie un peu supérieure à 10 ha.
Suivait la liste des équipements qui seraient mis en totalité
à la charge des constructeurs et la précision que le programme devait être achevé au 31 décembre 1997.
Qu’exiger de plus de la commune ? Elle fait référence,
dans sa délibération, à la modification du plan d’occupation des sols survenue neuf mois plus tôt, qui a classé le
secteur en zone UC, c’est-à-dire en secteur à urbaniser.
L’objectif de l’aménagement est donc cette urbanisation.
La zone est définie : il s’agit du quartier de La Martine. Elle
n’est pas ponctuelle. Enfin, les équipements sont prévus
pour les besoins des habitants actuels et futurs du secteur.
Vous ne vous trouvez donc pas dans la même configuration que celle de l’affaire Époux Maurice de 1996, dans
laquelle il s’agissait de relier deux quartiers existants par
une voie, avec les réseaux qui la longeaient, sans qu’aucune opération ne soit définie autour de cette voie. Nous
n’êtes pas non plus dans le cas de figure de votre décision
Commune de Saint-Jean-de-Boiseau de 2003, dans
laquelle vous avez jugé qu’il n’y avait pas de programme
d’aménagement d’ensemble parce que les équipements
n’étaient que ceux d’un lotissement. Ici, il s’agit d’équipements importants, d’un coût estimé à plus de 8 MF, qui
concernent un large secteur de la commune. Par conséquent, nous vous invitons à juger que la cour a bien commis une erreur de qualification juridique en jugeant que la
commune n’avait pas institué un programme d’aménagement d’ensemble et à censurer l’arrêt sur ce terrain.
Réglant l’affaire au fond, vous serez saisis, à la fois, de
l’appel de la commune et de l’appel incident de la société
formés contre le jugement du tribunal administratif.
Jeu de la prescription
quadriennale
Existence d’un véritable PAE
La délibération du 29 juin 1990 est motivée de la façon
suivante. Elle rappelle qu’à l’occasion de la révision du
plan d’occupation des sols, au mois de septembre 1989,
la commune a décidé de classer en zone UC le quartier de
La Martine. Toutefois, dans le rapport de présentation du
plan d’occupation des sols, il était indiqué que le problème
Req. nos 30396, 30419 et 30459 : Rec., p. 363.
CE 6 décembre 1985, SA de promotion immobilière Jean Ache et
autres, req. n° 49088 : aux Tables sur un autre point.
Vous devrez tout d’abord vous pencher sur la prescription quadriennale que la commune opposait en appel.
C’est bien la prescription quadriennale qui s’applique ici,
et non la prescription spéciale de l’article L. 332-6 du code
de l’urbanisme, ainsi que vous l’avez jugé par une décision
du 13 juillet 2006, Société des établissements Laget 9.
Vous ne pourrez qu’écarter l’exception de prescription
opposée par la commune. En effet, l’article 7 de la loi
7
8
BULLETIN DE JURISPRUDENCE DE DROIT DE L’URBANISME – 1/2010
9
Rec., T., p. 1102.
p. 31
QUESTIONS FINANCIÈRES
n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription
des créances sur l’État, les départements, les communes
et les établissements publics dispose que « l’administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d’une créance
litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l’invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier
degré se soit prononcée sur le fond ». Or, dans notre
affaire, la commune a soulevé la prescription pour la première fois en appel. Au surplus, ainsi que l’avait relevé la
cour, la prescription avait été opposée dans un mémoire
portant la seule signature de l’avocat de la commune,
alors que seul le maire, ou l’adjoint délégué à cet effet, a
qualité pour opposer cette prescription 10.
Vous serez ensuite saisis du moyen de la commune
selon lequel, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, la
délibération du 29 juin 1990 avait bien institué un programme d’aménagement d’ensemble. Si vous nous avez
suivi au stade de la cassation, ce motif ne tient plus. Vous
vous trouverez alors saisis, par l’effet dévolutif de l’appel,
des autres moyens développés par la SCI Les terrasses
de Carqueiranne devant les juges du fond.
Caractère impératif du délai
de réalisation des équipements
L’un d’entre eux nous semble justifier qu’il soit fait droit
à la demande de restitution de la société. Il est tiré de ce
que les dispositions de l’article L. 332-11 du code de l’urbanisme prévoient que si les équipements publics n’ont
pas été réalisés dans le délai fixé par la délibération instituant ou modifiant la participation, la restitution des
sommes éventuellement versées ou de celles qui correspondant au coût des prestations fournies peut être demandée par les bénéficiaires des autorisations de construire.
Or, la société faisait valoir qu’à la date du 31 décembre
1997, fixée par la délibération du 29 juin 1990 pour l’achèvement des travaux, aucun des travaux mentionnés n’avait
été réalisé. Elle produisait à cette fin un constat d’huissier.
Il est vrai que le conseil municipal de la commune,
s’apercevant à l’approche du 31 décembre 1997 qu’aucun
équipement n’avait été réalisé, avait, par une délibération
du 18 décembre 1997, prolongé le terme des travaux jusqu’au 31 décembre 2001. Cette délibération indique
d’ailleurs expressément que, sur les 8,30 MF de travaux
projetés, seuls 269 538 F avaient été menés à bien à la
date du 18 décembre 1997, ce qui montre à quel point les
choses étaient demeurées en suspens depuis 1990. Or,
l’article L. 332-11 du code impose, nous venons de le dire,
que les travaux aient été réalisés dans le délai fixé par la
délibération instituant ou modifiant la participation, ce qui
pourrait laisser penser qu’une prolongation du délai est
10
CE S. 29 juillet 1983, Ville de Toulouse : Rec., p. 312.
p. 32
possible. Il n’en est rien. Le premier alinéa de l’article
L. 332-11 précise en effet en quoi le régime de la participation peut être révisé, en disposant que lorsque le programme d’aménagement d’ensemble fait l’objet d’une
modification substantielle, le conseil municipal peut, pour
les autorisations à venir, procéder à cette révision. Or,
d’une part, la commune de Carqueiranne ne soutient à
aucun moment que le programme d’aménagement d’ensemble aurait fait l’objet d’une modification substantielle
en décembre 1997, et cela ne ressort pas des pièces du
dossier, et, d’autre part, l’article L. 332-11 ne parle de révision de la participation que pour les autorisations à venir :
la SCI Les terrasses de Carqueiranne n’est donc pas
concernée par ces dispositions. La société pouvait donc,
pour cette raison, demander la restitution des sommes
déjà versées par elle.
Faut-il pour autant, comme l’avait jugé la cour, restituer à
la société la totalité de ces sommes ? Il le fallait certainement dans la logique du raisonnement suivi par les juges
d’appel, qui avaient jugé, comme le tribunal, qu’il n’y avait
pas du tout de plan d’aménagement d’ensemble dans
notre affaire. Mais, dès lors que vous aurez jugé le
contraire, puis considéré que les travaux projetés n’ont pas
été réalisés dans les délais, vous entrerez dans le champ
des dispositions de l’article L. 332-11 du code de l’urbanisme, qui fixent la marche à suivre dans cette hypothèse.
Rétablissement de la TLE
et compensation
Cet article prévoit en effet que dans les communes où la
taxe locale d’équipement (TLE) est instituée, la taxe est
rétablie de plein droit dans le secteur concerné par le programme d’aménagement et la restitution des sommes est
limitée à la part excédant le montant de la taxe locale
d’équipement qui aurait été exigible en l’absence de la délibération créant le programme d’aménagement d’ensemble. Or, il ressort des pièces du dossier que la taxe
locale d’équipement a bien été instituée dans la commune
de Carqueiranne : la délibération du 29 juin 1990 en parle,
et c’est d’ailleurs parce que cette taxe procure des ressources insuffisantes pour couvrir le coût des aménagements projetés que le conseil municipal a, par cette délibération, créé un programme d’aménagement d’ensemble.
Dans votre office de juge du plein contentieux, vous
devrez donc limiter la restitution des sommes à la différence entre ce que la société a versé au titre de la participation et ce qu’elle aurait dû verser au titre de la taxe locale
d’équipement. Comme le dossier ne vous renseigne aucunement sur ce point, il vous faudra rouvrir l’instruction.
C’est sur la base des éléments qui vous seront fournis que
vous pourrez déterminer, ensuite, s’il y avait lieu de restituer à la société une somme supérieure ou inférieure à
celle dont le tribunal avait ordonné qu’elle lui soit rendue.
BULLETIN DE JURISPRUDENCE DE DROIT DE L’URBANISME – 1/2010
QUESTIONS FINANCIÈRES
Vous vous souvenez en effet que, par son appel incident,
la société avait contesté le jugement de première instance
en affirmant qu’elle s’était acquittée d’une participation
supérieure à celle que le tribunal avait retenue. Elle avait
raison. En effet, la société avait payé la participation en
deux fois, par un chèque de 141 750 F le 15 décembre
1992 et par un second de 410 922,37 F le 30 juin 1993. Par
erreur, le tribunal n’avait retenu que le second chèque. La
société avait donc bien payé 552 074,37 F, soit 84 163,20 €.
Et par ces motifs, nous concluons :
– à l’annulation de l’arrêt du 31 mai 2006 de la cour administrative d’appel de Marseille ;
– à ce que vous sursoyez à statuer en attendant que les
parties vous indiquent le montant de la taxe locale d’équipement que la SCI Les terrasses de Carqueiranne aurait
supporté si le quartier de La Martine n’avait pas fait l’objet d’un programme d’aménagement d’ensemble. Décision
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire,
enregistrés les 17 août et 13 novembre 2007 au secrétariat
du contentieux du Conseil d’État présentés pour la commune de Carqueiranne, représentée par son maire ; la commune de Carqueiranne demande au Conseil d’État :
1°) d’annuler l’arrêt du 31 mai 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, statuant sur sa requête tendant à
l’annulation du jugement du 2 septembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Nice, d’une part, a déchargé la SCI Les
Terrasses de Carqueiranne de la participation financière de
410 922,37 F (62 644,71 €) qu’elle lui avait versée au titre du
plan d’aménagement d’ensemble (PAE) prévu sur le secteur
de La Martine ainsi que du surplus de la participation au titre
du même PAE et, d’autre part, l’a condamnée à verser à cette
SCI des intérêts au taux légal à compter du 12 février 1998, et
réformant ce jugement, a, en premier lieu, décidé que la restitution serait portée à la somme de 84 163,20 € (552 074,37 F)
et, en second lieu, que les intérêts au taux légal courraient à
compter du 16 février 1998 ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de la SCI
Les Terrasses de Carqueiranne ;
3°) de mettre à la charge de la SCI Les Terrasses de Carqueiranne la somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1
du code de justice administrative ;
[…]
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux
juges du fond que, par une délibération en date du 29 juin
1990, le conseil municipal de la commune de Carqueiranne a
approuvé un programme d’aménagement d’ensemble pour
le quartier de La Martine, devant être réalisé avant le
31 décembre 1997 et comprenant un programme d’équipements publics, et décidé que le coût total de ce programme
serait pris en charge par les constructeurs ; que, par une délibération en date du 18 décembre 1997, le conseil municipal a
modifié le programme et l’échéancier des travaux, revu le
régime des participations imposées aux constructeurs et
décidé de leur rembourser les participations perçues au titre
des équipements prévus par le programme initial et non réalisés ; que le tribunal administratif de Nice, sur demande de la
SCI Les Terrasses de Carqueiranne, a déchargé celle-ci de la
participation, d’un montant de 62 644,71 € qu’elle avait déjà
versée à la commune de Carqueiranne au titre du programme
BULLETIN DE JURISPRUDENCE DE DROIT DE L’URBANISME – 1/2010
d’équipements ainsi que de l’obligation de verser le surplus
de sa participation ; que, saisie d’un appel de la commune, la
cour administrative d’appel de Marseille a, par un arrêt en
date du 31 mai 2006, confirmé le droit de la SCI à restitution,
porté le montant de celle-ci à la somme de 84 163,20 € et
modifié la date à compter de laquelle courent les intérêts au
taux légal ; que la commune de Carqueiranne se pourvoit en
cassation contre cet arrêt ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du
pourvoi ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 332-9 du code de
l’urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : « Dans les
secteurs du territoire de la commune où un programme d’aménagement d’ensemble a été approuvé par le conseil municipal,
celui-ci peut mettre à la charge des bénéficiaires d’autorisations de construire tout ou partie des dépenses de réalisation
des équipements publics correspondant aux besoins des habitants actuels ou futurs du secteur concerné et rendus nécessaires par la mise en œuvre du programme d’aménagement. /
Dans les communes où la taxe locale d’équipement est instituée, les constructions édifiées dans ces secteurs sont exclues
du champ d’application de la taxe. / Le conseil municipal détermine le secteur d’aménagement, la nature, le coût et le délai
prévus pour la réalisation du programme d’équipements
publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de
ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que
les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions. […] » ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’adoption
d’un programme d’aménagement d’ensemble doit permettre
de conduire, à l’occasion d’un projet d’urbanisme, dans un ou
plusieurs secteurs du territoire communal, la réalisation, dans
un délai et pour un coût déterminés, d’un ensemble d’équipements publics, dont tout ou partie des dépenses peut être mis
à la charge des constructeurs, correspondant aux besoins
actuels des habitants du secteur et à ceux qui résulteront
d’une ou plusieurs opérations de construction, sans que ces
équipements soient uniquement liés à une opération de
construction isolée ; que, par suite, en jugeant que le conseil
municipal de Carqueiranne ne pouvait être regardé comme
ayant adopté, par sa délibération en date du 30 juin 1990, un
programme d’aménagement d’ensemble, faute d’avoir justifié
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QUESTIONS FINANCIÈRES
d’un parti d’aménagement du secteur, et alors que la délibération prévoyait de conduire dans le quartier de La Martine un
programme de viabilisation et de construction d’équipements
publics comportant des travaux de voirie et d’éclairage public
sur plusieurs voies communales, ainsi que des travaux d’assainissement et d’adduction d’eau potable, la cour administrative de Marseille a entaché d’une erreur de qualification juridique son arrêt, qui doit, pour ce motif, être annulé ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur l’exception de prescription quadriennale :
Considérant que, en tout état de cause, en vertu des dispositions du premier alinéa de l’article 7 de la loi du
31 décembre 1968 susvisée, la prescription quadriennale,
qui n’a pas été opposée par l’administration en première instance, ne peut être invoquée pour la première fois en appel ;
que, dès lors, l’exception tirée de la prescription quadriennale ne peut qu’être écartée ;
Sur la restitution demandée :
Considérant qu’ainsi qu’il a été dit, la délibération en date du
30 juin 1990 par laquelle le conseil municipal de la commune
de Carqueiranne a prévu de conduire dans le quartier de La
Martine un programme de viabilisation et de construction
d’équipements publics comportant des travaux de voirie et
d’éclairage public sur plusieurs voies communales, ainsi que
des travaux d’assainissement et d’adduction d’eau potable, a
approuvé un programme d’aménagement d’ensemble de ce
secteur du territoire communal, au sens des dispositions de
l’article L. 332-9 du code de l’urbanisme ; que, dès lors, la commune de Carqueiranne est fondée à soutenir que c’est à tort
que, par son jugement du 2 septembre 2004, le tribunal administratif de Nice a déchargé la SCI Les Terrasses de Carqueiranne du montant de la participation qu’elle lui avait versée au
motif que le conseil municipal de la commune n’avait pas
approuvé un plan d’aménagement d’ensemble ;
Considérant, toutefois, qu’il y a lieu pour le Conseil d’État
saisi par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres
moyens soulevés par la SCI Les Terrasses de Carqueiranne à
l’appui de sa demande de restitution ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 332-11 du code de
l’urbanisme : « […] Si les équipements publics annoncés n’ont
pas été réalisés dans le délai fixé par la délibération instituant
ou modifiant la participation, la restitution des sommes éventuellement versées ou de celles qui correspondent au coût
des prestations fournies peut être demandée par les bénéfi-
ciaires des autorisations de construire. Dans les communes
où la taxe locale d’équipement est instituée, la taxe est alors
rétablie de plein droit dans le secteur concerné et la restitution
de ces sommes peut être demandée par les bénéficiaires des
autorisations de construire pour la part excédant le montant de
la taxe locale d’équipement qui aurait été exigible en l’absence
de la délibération prévue à l’article L. 332-9. Les sommes à
rembourser portent intérêt au taux légal » ;
Considérant que la délibération du 29 juin 1990 du conseil
municipal de la commune de Carqueiranne, approuvant un
programme d’aménagement d’ensemble pour le quartier de
La Martine, prévoyait que le programme des équipements
publics devait être achevé au plus tard le 31 décembre 1997 ;
qu’il ressort des pièces du dossier que la réalisation de ce
programme de travaux avait à peine commencé à cette date,
comme le révèle la délibération du conseil municipal en date
du 18 décembre 1997 qui approuve un nouveau programme
portant pour une large part sur les mêmes équipements
publics ; que, par suite, la restitution des sommes versées
peut être demandée par la SCI Les Terrasses de Carqueiranne, bénéficiaire d’une autorisation de construire ; que, toutefois, cette restitution n’est due, en vertu des dispositions
précitées de l’article L. 332-11 du code de l’urbanisme, que
pour la part excédant le montant de la taxe locale d’équipement qui aurait été exigible en l’absence de la délibération
approuvant le programme d’aménagement d’ensemble dans
le cas où la taxe locale d’équipement aurait été instituée dans
cette commune ; que l’état du dossier ne permet pas de déterminer si la taxe locale d’équipement a été instituée dans la
commune de Carqueiranne et, si elle l’a été, quel aurait été
son montant exigible en l’absence de la délibération du
29 juin 1990 ; qu’il y a lieu, dès lors, d’ordonner un supplément d’instruction contradictoire pour le déterminer ;
DÉCIDE :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de
Marseille en date du 31 mai 2007 est annulé.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions d’appel de la SCI Les Terrasses de Carqueiranne, procédé dans un
délai de deux mois à compter de la notification de la présente
décision à un supplément d’instruction aux fins, par la commune de Carqueiranne, de produire les éléments de nature à
justifier de l’établissement de la taxe locale d’équipement et,
en cas de réponse affirmative, du montant de la taxe qui aurait
été exigible de la SCI Les Terrasses de Carqueiranne. […] Observations
1. L’article L. 332-9 du code de l’urbanisme permet, dans les secteurs où un programme d’aménagement d’ensemble (PAE) a été approuvé par
le conseil municipal, de mettre à la charge des
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bénéficiaires d’autorisations de construire, tout
ou partie des dépenses de réalisation des équipements publics correspondant aux besoins des
habitants actuels ou futurs du secteur concerné
BULLETIN DE JURISPRUDENCE DE DROIT DE L’URBANISME – 1/2010
QUESTIONS FINANCIÈRES
et rendus nécessaires par la mise en œuvre du
programme d’aménagement. Reste que la notion
de PAE n’est pas définie par le code de l’urbanisme, comme c’est d’ailleurs le cas pour beaucoup de concepts utilisés par le législateur. Il est
vrai que, contrairement à la tradition anglosaxonne, il n’est pas d’usage d’accompagner la
loi d’un glossaire, ce qui amène du coup le juge
à faire œuvre de linguiste 11. Il est vrai, cependant, que l’article L. 332-9 est particulièrement
succinct, puisqu’il ne fixe pas précisément le
contenu d’un tel programme, se contentant
d’évoquer le financement d’équipements publics.
2. L’enjeu du débat contentieux était de déterminer si une délibération fixant une liste de travaux
à réaliser au sein d’un quartier déterminé, en l’espèce de réalisation d’ouvrages de voirie et
d’éclairage public sur plusieurs voies communales, ainsi que des travaux d’assainissement et
d’adduction d’eau potable, pouvait être qualifiée
de PAE. L’arrêt frappé de pourvoi reprochait à cet
acte de ne pas avoir justifié d’un parti d’aménagement du secteur concerné. Il s’inscrivait dans
une jurisprudence tendant à considérer que de
simples travaux de voirie et de réseaux ne pouvaient relever d’un PAE 12. Le Conseil d’État était
donc conduit à opérer un contrôle de la qualification juridique, conformément à sa jurisprudence précédente 13.
Il s’ensuivait la nécessité de définir le concept
d’aménagement. Visiblement, pour ce faire,
comme le remarquait très justement le rapporteur public, la cour avait entendu s’inspirer de la
notion de « parti d’aménagement », propre aux
documents d’urbanisme, et aujourd’hui remplacée par celle de « projet d’aménagement et de
développement durable ». C’est à travers ces
11
Cf. C. Vigouroux, « L’expression « au sens de » ou le juge linguiste
sans être encyclopédiste », in Juger l’administration et administrer la
justice, Mélanges en l’honneur du président Labetoulle, Dalloz,
2007, p. 847.
12
TA Melun 4 décembre 1997, EURL Modap : BJDU 1/1998, p. 77,
chron. B. Phémolant ; T32A Versailles 23 octobre 2001, SCI Jeancel
c/ Département des Yvelines : BJDU 1/2020, p. 67, chron. B. Phémolant et M. Raunet ; CAA Lyon 12 novembre 2002, Y. Romestin c/
Commune de Montbrison : BJDU 1/2003, p. 69, chron. B. Phémolant
et M. Raunet.
13
CE 25 juin 2003, Commune de Saint-Jean-de-Boiseau : BJDU
6/2003, p. 435, concl. D. Chauvaux.
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notions que l’administration se doit de préciser
les principes d’urbanisation du territoire
concerné, sous forme de choix politiques. Utilisé
à de nombreuses reprises par le code de l’urbanisme, le terme d’« aménagement » nécessite
souvent des précisions 14. Il n’est pas certain,
cependant, qu’il doive recevoir une définition
univoque.
En tout cas, le Conseil d’État considère que le
PAE ne peut être confondu avec un document
d’urbanisme, s’agissant seulement d’une technique de financement des équipements publics,
et il censure donc de ce chef l’arrêt de la cour
administrative d’appel. Le parti d’aménagement
ne constitue donc pas un élément nécessaire de
la définition du PAE.
Toutefois, la qualification de PAE nécessite une
perspective d’ensemble qui se doit d’être cohérente et non une instauration suscitée par l’opportunité de faire financer par un constructeur ou un
aménageur, à l’occasion d’une demande d’autorisation déterminée, des équipements publics 15.
C’est la raison pour laquelle le Conseil d’État précise que les équipements financés par le PAE ne
peuvent être uniquement liés à une opération de
construction isolée.
3. La qualification de PAE une fois acquise, c’est
le régime de cette participation qui s’applique.
En particulier, l’article L. 332-11, qui prévoit la
décharge en cas de non-respect du délai de réalisation des équipements, est susceptible de produire tous ses effets. Mais alors, la taxe locale
d’équipement est rétablie, dans les communes
où elle a été instituée, ce qui autorise la compensation 16. J.T.
Cf., dernièrement, en matière de lotissement, réponse ministérielle à Jean-Pierre Giran n° 16281, JO AN 9 février 2010, p. 1367.
15
CE 25 juin 2003, Commune de Saint-Jean-de-Boiseau, préc. ; CE
21 décembre 2007, Commune de Verneuil-l’Étang, req. n° 282580.
16
CE 31 juillet 2009, Fillatre : BJDU 5/2009, p. 381, concl. C. Legras,
obs. J.-C. B.
14
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