Caritas Genève ne veut pas de l`argent de Japan Tobacco

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Caritas Genève ne veut pas de l`argent de Japan Tobacco
Datum: 20.10.2014
Genève
Le Courrier
1211 Genève 8
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Medientyp: Tages- und Wochenpresse
Auflage: 7'510
Erscheinungsweise: 6x wöchentlich
Themen-Nr.: 310.013
Abo-Nr.: 1032028
Seite: 4
Fläche: 62'994 mm²
Caritas Genève ne veut pas
de l'argent de Japan Tobacco
SOCIAL L'oeuvre d'entraide, pourtant déficitaire, a refusé un important don du cigarettier,
dont le siège est à Genève. Une question de cohérence avec ses valeurs.
CHIFFRES
4
Ami
Caritas génère aussi ses propres revenus (ici, un camion-épicerie). L'ceuvre d'entraide diversifie ainsi
ses sources de financement, relève Dominique Froidevaux. DR
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> Caritas Genève
a un budget d'environ 11 millions
de francs et est
déficitaire d'un
million de francs.
Un tiers de ses
ressources proviennent de dons,
un tiers des revenus sont issus des
prestations et
marchandises
qu'elle vend, et un
tiers de subventions publiques
(fédérales, cantonales, communales). Le contrat
de prestations
avec l'Etat de
Genève (conseil
juridique et
social) représente
5% de son budget. RA
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PROPOS RECUEILLIS PAR
RACHAD ARMANIOS
Il y a quelques mois, Gantas Genève a
refusé une manne financière de Japan
Tobacco International (JTI), dont le
siège est dans le canton. Le comité de
Fceuvre d'entraide, très partagé, a finalement décliné l'offre. Le directeur
Dominique Froidevaux nous explique
le dilemme, que bien d'autres associations doivent parfois trancher.
Il y a quelques mois, Caritas Genève a
refusé un don de JTI. Pourquoi?
Dominique Froidevaux: C'est la
deuxième fois que JTI nous propose
spontanément de l'argent, pour plus
pement a des effets délétères en pre- le subside pour les primes maladie,
mier lieu sur les populations les plus l'aide aux aînés, aux personnes hanprécarisées. Or il existe une dispropor- dicapées... Cela se traduit par un retion entre les moyens pour la préven- port de charges sur les uvres d'ention et ceux des cigarettiers. Ceux-ci, traide puisque ce sont vers elles que
profitant de la faiblesse de ces Etats, se tournent les populations visées. Il
cherchent à conquérir ces marchés faut conserver un juste équilibre pour
sans entraves. Je relève aussi que Cari- que l'action sociale ne soit pas trop
tas apporte un soutien particulier aux dépendante de l'argent du privé. Lejeunes, qui sont une cible de premier quel est toutefois nécessaire, en parchoix, via la publicité. Enfin, l'indus- ticulier parce qu'il permet aux assotrie du tabac a tellement falsifié de re- ciations de se montrer innovantes,
cherches qu'elle n'apparaît pas com- tandis que l'Etat, lui, assure les presme un partenaire fiable.
tations «ordinaires».
Caritas n'a aucun tabou concerEn 2013, le Musée international de la
nant des fonds privés venant d'entreCroix-Rouge a décidé de rendre à JTI
prises qui partagent nos valeurs ou de
de 100 000 francs annuels. Surtout, le les 150 000 francs reçus pour rénover
financement aurait été assuré pour
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le musée, après une grosse pression des
milieux antitabac qui avaient aussi ciblé
la Croix-Rouge genevoise...
plusieurs années et, encore plus alléchant, sans exigence de finalité. Le
comité, une vingtaine de personnes, Je ne me suis pas privé d'évoquer cette
a finalement refusé, mais de justesse affaire au sein de notre comité. Nous,
puisque c'est la voix du président qui nous manquons d'argent, mais avons
a fait pencher la balance. «Avons- une bonne image. JTI, c'est le contrainous le choix?», ont avancé les parti- re. On pourrait voir le don comme un
sans. Caritas a un déficit de plus d'un deal gagnant-gagnant. Mais le risque
certains milieux qui font preuve
d'une véritable solidarité
nous
avons besoin de cet argent et de par-
tenariats privés fiables. Ceci étant,
plus les impôts baissent et moins
l'Etat peut faire face à ses obligations.
Vu les perspectives fiscales, refuser
une manne comme celle de JTI sera
donc toujours plus délicat...
million de francs alors que les be- est grand pour une oeuvre sociale Caritas Genève est déjà le Caritas le
d'entamer son capital image en l'assosoins croissent et les subventions publiques baissent. Ce sont des presta- ciant à une industrie controversée et,
tions et des emplois qui sont en jeu! au final, de perdre d'autres donateurs.
Au sein du comité, une partie voyait
une cohérence entre le don de JTI et Améliorer leur image, c'est ça que
sa finalité.
cherchent ces multinationales?
En affichant leur «responsabilité sociale», en favorisant la culture, elles
J'ai plaidé pour la cohérence entre cherchent à assurer leur siège à GenèCela n'était pas votre avis...
l'origine des fonds et nos valeurs. C'est ve, à y asseoir leurs activités. C'est auspourquoi il faut bien choisir avec qui si une façon de faire accepter les avan-
moins soutenu de Suisse par l'Eglise
locale et par le canton, en regard des
prestations qu'elle fournit. Mais nous
avons la chance d'avoir une grande
diversification des sources de financement, un vaste réseau et une bonne
visibilité. Pour d'autres associations,
plus petites ou plus isolées, refuser
des dons controversés sera plus difficile que pour nous, et l'est déjà. Beaucoup d'associations font ou ont fait
l'on travaille. Je n'ai pas spécifique- tages fiscaux dont elles bénéficient, face au même dilemme que nous,
ment enquêté sur JTI, mais l'industrie sachant qu'elles sont installées chez !par exemple concernant des dons
du tabac est réputée pour être à l'exact nous pour y pratiquer la très légale op- d'entreprises du négoce de matières
opposé de l'action de Caritas. Alors timisation fiscale.
premières. Certaines n'ont d'autres
que nous luttons contre la pauvreté et
choix que d'accepter. Toutes préféreses racines, nos partenaires au Sud té- La nécessité de recourir aux dons privés
raient être davantage soutenues
moignent des rémunérations très est-elle liée à un désengagement des
par la puissance publique. C'est
basses que peut y pratiquer cette in- collectivités publiques?
dustrie, marchande de mort et de Le canton a opéré des coupes d'abord via l'impôt que doit se
misère. Sans compter qu'il y a aussi linéaires dans les subventions dans le traduire la responsabilité sociale des
des enfants exploités pour cultiver le cadre du projet de budget 2015, qui multinationales.
tabac!
affectent notre contrat de prestation.
Le manque d'informations contre Mais il a aussi opéré des coupes dans Caritas s'est-il dans la foulée donné
ses méfaits dans les pays en dévelop- les aides sociales, l'aide au logement, une charte éthique?
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Nous sommes en train de l'élaborer.
La piste est de refuser l'argent venant
d'activités contraires aux droits humains, nocives à la santé et l'environnement, provenant du commerce des
armes, etc. Le Collectif d'associations
genevoises pour l'action sociale (CAPAS), que je préside, s'est aussi réuni
la semaine passée pour réfléchir à
la façon de renforcer la recherche
de fonds. La question éthique a aussi
été discutée. Mais on est encore
loin d'un cadre éthique commun, car
il faut d'abord s'entendre entre 33
associations, toutes pilotées par un
comité... I
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