Entreprise générale: quel levier pécuniaire en cas de défaut?

Transcription

Entreprise générale: quel levier pécuniaire en cas de défaut?
La chronique de cgi Conseils
Cette semaine par Sidonie Morvan, titulaire du brevet d’avocat
Entreprise générale: quel levier
pécuniaire en cas de défaut?
J’ai conclu, en tant que maître d’ouvrage, un contrat d’entreprise générale pour la construction d’un appartement «clefs
en main» à un prix forfaitaire. Les conditions de paiement du prix de l’ouvrage, en plusieurs acomptes, sont basées
sur le planning de construction et le solde est payable à la livraison. Celle-ci doit avoir lieu dans deux semaines et j’ai
constaté lors de ma dernière visite plusieurs problèmes importants, notamment des meubles de cuisine de dimension
inexacte, le parquet du séjour abîmé à plusieurs endroits, un carrelage différent de celui que j’avais commandé, etc. Je
crains de perdre tout moyen de pression pour obtenir la réfection de ces défauts si je m’acquitte du solde du prix lors
de la livraison de l’ouvrage. Puis-je retenir le solde ou une partie du prix? (Céline R., Genève)
L
Retenue du prix:
moyen licite du maître
pour tenter d’obtenir la
réfection de l’ouvrage
Il existe dès lors bien un droit
du maître d’ouvrage, qui exige
de l’entrepreneur la réparation
de l’ouvrage suite à un défaut, de
retenir la rémunération jusqu’à
l’exécution de la réfection exigée,
votre contrat. Si rien n’est prévu
spécifiquement et si l’exception
d’inexécution n’est pas exclue,
vous pourrez vous en prévaloir en
même temps que vous signalerez
les défauts et que vous fixerez un
délai à l’entrepreneur général pour
effectuer les travaux de réfection.
Il est conseillé de vous faire assister dans ces démarches relativement formelles et nécessitant
une analyse des divers documents
contractuels. n
• Le prix de l’ouvrage est payable à la livraison.
sauf convention contraire. Ce
droit de rétention est un moyen
de pression licite du maître d’ouvrage qui sert à mettre en œuvre
sa créance en réfection. Ainsi, le
maître à qui un ouvrage défectueux a été livré et qui exerce son
droit à la réfection de l’ouvrage est
fondé à retenir la rémunération
jusqu’à l’exécution de l’obligation
de réfection.
Le droit de rétention du maître tiré
de l’art. 82 CO n’est pas un droit
de garantie au sens de la réglementation spéciale des droits de
garantie en cas d’exécution défectueuse de l’ouvrage, mais vient
compléter le droit à la réfection de
l’ouvrage.
Il est important de préciser que ce
droit n’est pas conditionné à l’existence d’un défaut d’une certaine
importance ou d’un défaut empêchant le maître d’utiliser l’ouvrage.
Quel montant retenir?
S’agissant du montant à retenir,
la loi ne prévoit pas de ratio, en
particulier que le droit de réten-
tion s’exercerait en proportion
du montant des frais de réfection
prévisibles. L’on considère ainsi
qu’il s’étend à toute la rémunération de l’entrepreneur général
encore due, dans les limites des
règles de la bonne foi. En effet,
dans la mesure où le droit de
rétention est essentiellement un
moyen de pression pour obtenir
la réfection exigée, le maître peut
retenir le montant nécessaire pour
garantir efficacement sa créance
en réfection, ce qui signifie que ce
montant peut dépasser les frais de
réfection.
Enfin, il convient d’examiner si
le contrat d’entreprise générale
contient une clause réglant spécialement le droit à une retenue et
à d’éventuelles garanties supplémentaires. Les parties peuvent en
effet prévoir conventionnellement
que, pour garantir le droit à la réfection de l’ouvrage, une partie de
la rémunération de l’entrepreneur
général deviendra exigible uniquement après un délai de garantie.
En l’espèce, vous devrez ainsi
en premier lieu vous référer à
TOUT L’IMMOBILIER • No 661 • 14 janvier 2013
Brèves
a loi prévoit que le prix de
l’ouvrage est payable au
moment de la livraison. Toutefois, le paiement du prix de l’ouvrage et la livraison de l’ouvrage,
achevé et exempt de défauts doivent avoir lieu trait pour trait, sauf
convention contraire. Ainsi, selon
la jurisprudence et une partie de
la doctrine, la première condition
d’exigibilité du prix de l’ouvrage
par l’entrepreneur général est la
livraison d’un ouvrage achevé et
réalisé conformément au contrat
dans chacune de ses parties, c’està-dire sans défauts. En effet, si le
contrat prévoit bien un prix forfaitaire, il n’en demeure pas moins
que l’entrepreneur général n’y a
droit, selon le Tribunal fédéral, que
si l’ouvrage correspond en tout
point aux accords passés. Pour
d’autres auteurs de référence, le
défaut de l’ouvrage ne diffère pas
l’exigibilité de la rémunération audelà du moment de la livraison,
mais donne au maître d’ouvrage,
exerçant son droit à la réfection, la
faculté de refuser la prestation en
soulevant l’exception d’inexécution
contre la créance de prix de l’entrepreneur (en vertu de l’article 82
du Code des obligations).
Anne HILTPOLD et Sidonie
MORVAN, titulaires du
brevet d’avocat, spécialisées en droit de la
construction, en droit du
bail, droit foncier et droit
de la PPE, vous reçoivent
sur rendez-vous pour des
conseils personnalisés
dans les bureaux de CGI
Conseils. Elles sont en
mesure de vous conseiller,
de vous assister et de
vous représenter devant
les juridictions en matière
administrative (construction) et en matière de
baux et loyers.
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