Comment écrire et présenter un résumé en vue d`une

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Comment écrire et présenter un résumé en vue d`une
Comment écrire et présenter un résumé
en vue d’une communication orale
Christophe Baufreton
A
u même titre que la publication d’un article, la communication orale au cours de congrès est une façon
incontournable de valoriser ses travaux scientifiques.
La première étape passe par l’écriture d’un résumé des travaux effectués. Sa soumission et son acceptation auprès
d’un conseil scientifique sont des étapes souvent difficiles à
franchir, notamment pour les congrès internationaux, car la
concurrence y est rude. Hormis les contenus peu intéressants
(cas cliniques, courbe d’apprentissage, etc.) et les défauts méthodologiques importants (biais), c’est souvent la médiocrité
de l’écriture et de la présentation qui sont à l’origine du rejet
du résumé par les comités scientifiques. Ce qui ne signifie pas
que le contenu scientifique soit inconsistant, mais qu’il n’a
pas été possible d’en distinguer la valeur, faute d’un message
clair. Tout comme la rédaction de l’article lui-même, la technique d’écriture d’un résumé répond à certaines exigences
avec quelques différences cependant. En outre, la présentation orale d’un résumé déficient sera supposée de qualité
identique, ce qui incitera d’autant plus le comité scientifique
à l’écarter de son programme. Cet article a pour but de rapporter quelques éléments fondamentaux de la technique
d’écriture d’un résumé.
Principes généraux : précision, concision et structuration
Écrire un résumé revient à tenter d’écrire un article au dos
d’une carte postale. L’exercice est donc contraignant à la fois
en qualité et en quantité. Il est nécessaire de choisir l’information que l’on souhaite faire passer car le lecteur, comme
l’audience, ne retiendra qu’un seul message. Se restreindre
à ne poser qu’une question pour n’y apporter qu’une réponse
claire et précise est une bonne méthode. Les autres points
intéressants pourront être mentionnés lors de la communication orale, une fois celle-ci acceptée, et discutés avec l’assemblée lors de la présentation orale si le temps imparti le permet.
Au-delà de ce principe de précision, la limite de place impose
la concision. Y compris dans le titre qui, tout en restant honnête et pertinent, sans abréviation, doit reprendre les éléments
de la question posée car le lecteur doit pouvoir comprendre
instantanément de quoi il s’agit. Le nombre de mots qu’il est
possible d’inclure dans le résumé oscille souvent entre 250
et 350. D’une façon générale actuellement, c’est le site web
sur lequel la soumission est effectuée qui impose la longueur
maximale. Certaines sociétés savantes admettent des tableaux
ou figures, mais cette possibilité n’est pas systématique (en
particulier pour la SFCTCV).
La précision et la concision imposent par conséquent le style,
lequel doit garder une forme très simple – mais avec des
phrases construites (sujet-verbe-complément) – et descriptive,
car c’est l’information scientifique qui prime. Le temps des
verbes a son importance et tout doit être écrit au passé, car ce
qui est relaté est achevé, appartient donc au passé et n’est plus
à réaliser (donc pas de futur ni de présent). Chaque mot doit
être pesé car la signification ne doit pas prêter à confusion.
Normalement, les abréviations et acronymes n’ont pas leur
place dans un résumé mais, en la matière, chaque société savante a ses propres règles et certaines les acceptent à la condition d’une première définition dans le texte. Ce qui n’est pas
démontré n’a pas sa place et les expressions émotionnelles
sont à bannir. Il est maladroit de laisser des fautes d’orthographe, ce qui laisse toujours une impression de travail inachevé. Il existe aujourd’hui des outils informatiques efficaces.
Concernant l’écriture d’un résumé en anglais, il est possible
de recourir aux services de traducteurs spécialisés dans le domaine médical si besoin afin de soumettre un travail finalisé.
La structuration d’un résumé est plus simple et diffère un peu
de celle d’un article original qui suit la logique IMRAD (Introduction, Methods, Results, And, Discussion). Un résumé
comporte quatre sections qui doivent être clairement identifiables, et la discussion y est remplacée par une conclusion. Il
n’y a donc pas de discussion dans un résumé, ni de référence
bibliographique ! Ce point est important à retenir et conduit
pratiquement toujours au rejet du résumé s’il n’est pas respecté. C’est en effet le signe prémonitoire d’une communication
orale qui risque de s’éterniser sur une revue de la littérature
qui n’a pas sa place dans un congrès où le temps est compté…
La proportion entre ces quatre sections a son importance : en
général, 10-20 % pour l’introduction comme pour la conclusion et 30-40 % respectivement pour les sections « méthode »
et « résultats ». Ces deux sections représentent donc la plus
grand part du résumé au total.
Enfin, la cohérence générale doit être respectée. Le résumé
doit apporter une réponse à la question posée, être en concordance avec son titre et avec les résultats présentés. Ce qui
peut paraître évident mais n’est pas toujours respecté, en
particulier lorsque l’interprétation des résultats donne lieu à
extrapolations de ceux-ci.
Responsable de l’enseignement de lecture critique d’articles à la faculté de médecine d’Angers, France.
Service de chirurgie cardio-vasculaire et thoracique, CHU d’Angers.
[email protected]
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CHIRURGIE THORACIQUE ET CARDIO-VASCULAIRE - 2013 ; 17(4) : 246-247
enseignement
Les différentes sections dans le détail
Au-delà des généralités sur la forme, c’est souvent le fond qui
fait défaut dans la qualité de l’écriture d’un résumé. Les quatre
sections peuvent être mal renseignées, et les informations y
être mal rangées. Ainsi, les résultats n’ont pas leur place dans
la section « méthode » et inversement ; cette erreur a priori
grossière est pourtant fréquemment commise.
La section « introduction »
Courte, elle comporte une ou deux phrases, rarement plus. C’est
quasiment le seul endroit où un verbe au présent peut être utilisé
quand il exprime une généralité introductive communément
admise et qui ne ressort pas du travail présenté. Ensuite, et surtout si l’introduction ne comporte qu’une seule phrase, elle doit
poser la question qui a fondé le travail de recherche. Cette question doit idéalement comporter plusieurs informations que les
Anglo-Saxons ont coutume de résumer sous l’acronyme PICOT.
Cet acronyme regroupe les informations concernant les patients
(P), l’intervention (I) effectuée (au sens du travail de recherche
effectué et non au sens d’intervention chirurgicale), une comparaison (C) le cas échéant, le devenir ou critère de jugement
(O pour outcome,) et enfin le temps (T) pour les études ayant
un suivi prolongé (études pronostiques ou essais thérapeutiques).
La section « matériels et méthode »
Cette section comporte trois types d’informations importantes :
• le profil (design) de l’étude : essai clinique ou expérimental,
prospective ou rétrospective, cohorte, cas-témoin, randomisée (avec sa technique) ou ouverte, en simple ou double
aveugle, mono ou multicentrique, lieux et dates, enquête
téléphonique…
• les critères d’inclusion dans l’étude qui vont déterminer les
caractéristiques de la population source de patients. Les
critères d’exclusion étant en général plus nombreux, il est
souvent impossible de les citer tous. Le bon sens permet
de conserver ceux qui sont indispensables sans dépasser le
nombre de mots autorisés ;
• et les critères de jugement. Au minimum, il est indispensable de justifier le critère de jugement principal à cet
endroit. Il doit répondre à l’objectif de l’étude et c’est sur
lui que sera fondée la conclusion du résumé. Idéalement,
il est unique, robuste (peu contestable), pertinent (il peut
en être déduit que l’étude n’est pas sous-dimensionnée),
précis, objectif, et défini a priori. Des critères de jugement
secondaires peuvent également être mentionnés, mais ne
peuvent fonder les conclusions du travail. Il est fondamental de garder à l’esprit que tout ce qui est annoncé dans
cette section doit trouver une réponse dans la section suivante, « résultats ». Il n’est pas acceptable d’annoncer des
investigations (biologie ou imagerie par exemple) et de ne
pas en apporter les résultats par la suite, et inversement. Là
encore, il sera parfois nécessaire de faire des choix parmi la
quantité de résultats disponibles, dans le but de faire passer
un message clair. Dans certaines études (diagnostiques par
exemple), il est indispensable de mentionner quel test de
référence (gold standard) a été utilisé, et dont la carence
serait un défaut méthodologique majeur.
Il n’est pas nécessaire en général de communiquer les infor-
mations sur les outils statistiques quand ceux-ci sont communs
(Chi 2, test t de Student, analyse de variance, nom des tests
non-paramétriques, valeur du p < 0,05, etc.) sauf pour les travaux dans lesquels les statistiques prennent une place primordiale et représentent donc l’essentiel du travail engagé. Il peut
être cependant utile de préciser des éléments méthodologiques
importants comme le plan d’analyse statistique (univariée puis
multivariée, score de propension), le calcul d’effectif le cas
échéant, ou le principe d’une analyse en intention de traiter ou
perprotocole. Point important, cette section ne doit comporter
aucun résultat. Éventuellement, seuls les effectifs des groupes
peuvent être mentionnés lorsque le détail d’un calcul d’effectif
est rapporté comme élément de la méthodologie statistique.
La section « résultats »
Fort logiquement, cette section présente tous les résultats (y
compris négatifs) et rien que les résultats, sans commentaire,
interprétation ou analyse de la littérature. Elle décline point par
point tout ce qui a été mentionné dans la section précédente en
suivant la même logique ordonnée de présentation. Il est impossible de mentionner des résultats inattendus à la lecture de la
méthodologie du travail. La hiérarchisation des idées et l’esprit
de synthèse doivent s’y retrouver. En premier lieu, c’est l’effectif
de la population source qui est rapporté, avec ses caractéristiques
démographiques initiales. C’est-à-dire l’équivalent du premier
tableau d’un article, avec des résultats chiffrés (moyenne ou
médiane) et complétés des indices de dispersion (écarts types ou
quartiles). La comparabilité initiale doit être mentionnée. Ensuite, les résultats principaux doivent être clairement rapportés
de la même façon. La valeur seule du p ne reflète pas la taille
de la différence, mais simplement la confiance que l’on accorde
à l’échantillon pour rejeter le hasard et expliquer une différence
observée. En conséquence de quoi, il est indispensable que les
résultats soient chiffrés pour distinguer l’importance de l’effet
observé et la précision qui s’y rattache (intervalle de confiance
à 95 %). Cette section « résultats » est d’autant plus informative
que le nombre de mots autorisé dans le résumé est important.
La section « conclusion »
Aussi courte que l’introduction, elle doit reposer sur les résultats préalablement rapportés et répondre à la question posée.
Comme elle s’appuie sur le critère de jugement principal,
elle synthétise en général le message essentiel que l’audience
gardera de la présentation des travaux scientifiques.
Au total, écrire un résumé est un exercice stéréotypé qui relève
d’une technique facilement reproductible. Actuellement, les
étudiants en médecine, dans leur grande majorité, maîtrisent
cette technique à la fin de leur second cycle d’études médicales, ECN oblige. Le respect de ces quelques règles permet
d’améliorer la valorisation de ses propres travaux de recherche
et d’accroître la visibilité de son équipe. La SFCTCV reçoit
chaque année de nombreuses propositions de communications
orales et procède à une sélection des meilleures. Les résumés
qui respectent ces principes ont toutes les chances d’être retenus pour les sessions scientifiques par le comité de sélection du
fait de leur clarté, de leur rigueur et de la portée du message
scientifique en qui découle. n
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