Le livre informatique - Service cartographie de l`IRD

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Le livre informatique - Service cartographie de l`IRD
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Le livre informatique
Une nouvelle analyse des paysages
Alain Gérard Beaudou
Michel Langlois
Hervé Le Martret
La bibliothèque la plus complète ne sert à rien si l'information contenue dans son fonds
documentaire ne peut être consultée rapidement de façon efficace. Cela implique que l’utilisateur
n'a pas à se préoccuper de la façon dont les documents ont été répertoriés et organisés. Dans le
domaine de la connaissance, les hypermédias ont une ambition similaire ; cependant leur objet n’est
pas le document imprimé ou manuscrit, mais le document électronique. Les hypermédias ne sont
pas non plus de simples moyens de stockage. Associés au concept de l'hypertexte, permettant la
création d'outils fonctionnels, ils représentent une façon entièrement nouvelle de cheminer dans le
savoir, de manière analogique.
Hypertexte et hypermédias
La consultation d'un dictionnaire électronique, comme celle d'un dictionnaire papier, fait apparaître à l'écran la définition que l'on
cherche. La similitude s’arrête là. Avec l'hypertexte, chacun des mots inclus dans la définition peut être fonctionnel dans le sens où il
mène à une autre définition qui, elle-même, contient d'autres termes fonctionnels… Le cheminement peut être sans fin. Très vite
l'utilisateur se prend à son jeu d’exploration au point d'en oublier le parcours suivi. Avec l’enregistrement simultané, il se garde la
possibilité de revenir à tout moment, dans chaque niveau d’information, à tous les stades de son déplacement. En outre, comme il
s'agit d’un voyage, chacun peut organiser son périple à sa guise et se construire une vision personnelle de la réalité. L’utilisateur est
non seulement en contact avec la totalité de l'information mais il peut également intervenir sur cette information pour la compléter, la
transformer ou même imaginer des simulations qui répondent à ses interrogations.
La connaissance devient elle-même source de nouvelles connaissances ; à partir d’un seul terme, l’utilisateur peut dessiner un
réseau aussi grand qu'il le veut. Les hypermédias permettent l’utilisation de tout type de document avec les fonctionnalités de
l’hypertexte : non seulement du texte, mais aussi des images et du son. Une image ou une partie d'image activée fait accéder à une
autre image, à un texte et peut délivrer en même temps un message sonore, voire un fond musical… Les rapports des utilisateurs avec
la connaissance sont bouleversés et l'organisation de la connaissance devient champ d'investigation scientifique à part entière. Le
savoir, la science, ne sont à cet égard pas autre chose qu'une certaine forme de construction de la réalité. Avec les informations
toujours plus abondantes dont nous avons besoin, leur sélection et leur présentation sont essentielles.
La mise en œuvre des hypermédias représente ainsi beaucoup plus qu'un simple moyen
d'organiser l'information. C'est une vraie recherche, permanente, qui privilégie l'aspect dynamique
de l'analyse par la quête incessante de relations entre échelles, champs scientifiques, thèmes… Elle
implique également l'idée d'analyses globales, multidisciplinaires et la création de modèles
géographiques.
Le domaine qui nous occupe ici est celui de la compréhension des paysages comme expression
d’un milieu naturel et de son utilisation par ses habitants. Dans ce sens très général, le paysage
intègre le concept de système de production. Celui-ci peut être compris comme l’utilisation des
ressources et l’organisation du travail retenues par les paysans dans leur activité productive. Il l'est
aussi par les communautés rurales dans la gestion des paysages avec un environnement écologique,
économique et social déterminé.
L’organisation de l’information sous forme de cartes, de schémas de fonctionnement des
systèmes morpho-pédologiques et des systèmes de production, de modèles géographiques… est le
reflet de celle des paysages. Elle est présentée sous une forme particulière, que nous appellerons
livre informatique.
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Les choix méthodologiques
La région de Jambi (centre Sumatra) a été retenue comme représentative d’une zone bioclimatique sub-équatoriale largement présente dans l'archipel indonésien. Elle offre, dans un espace
relativement réduit, des types de peuplement variés et une grande diversité de paysages où se
manifestent des mouvements de population importants.
L’analyse s'appuie sur différents concepts :
• Les systèmes de production, ce concept fédérateur permet l'analyse des relations entre les
paramètres des milieux naturel et humain,
• L'unité spatiale élémentaire doit posséder l’information minimale nécessaire à la
compréhension du fonctionnement des systèmes perçus à une échelle donnée. Par agrégation, on
peut approcher des systèmes plus vastes. Les concepts d'information minimale et de chemins
d’information facilitent les changements d’échelle par simple déplacement le long des chaînes
d'informations. L’unité spatiale élémentaire choisie, celle du territoire villageois, intègre aussi des
villages nouveaux créés par l’administration centrale, les centres de transmigration,
• Les typologies emboîtées et les modèles géographiques marquent les relations entre les
différents paramètres spécifiques des milieux. Ils visualisent les dynamiques d'évolution et évaluent
réalisations et modes d'utilisation de l'espace dans les territoires villageois,
• L’hypertexte et les hypermédias autorisent une nouvelle organisation de la connaissance.
Ces choix méthodologiques conduisent à l'étude de différents domaines (milieu physique,
systèmes fonciers, systèmes de mise en culture, structures économiques et commerciales,
mouvements de population) et de leurs implications dans la transformation des paysages (recul de la
forêt, érosion, mise en place des systèmes agraires, création de voies de communication, de circuits
commerciaux, de courants migratoires...). La collecte des données s'effectue de façon traditionnelle
par observation directe sur le terrain, analyse de laboratoire, utilisation de questionnaires, pratique
d'entretiens…
Le livre informatique utilise le principe de l'interactivité qui permet de communiquer avec les
données de l'information : circulation, déplacement, croisement, modification…
Les moyens de l’interactivité
Sur l'écran de l’ordinateur, des zones spécifiques sensibles sont matérialisées par différents
objets actifs. Objets graphiques (boutons, icônes, images), objets textes (menus, mots ou groupe de
mots dans un texte ou dans un titre), font apparaître, par pression sur le bouton de la souris, une
nouvelle information qui elle-même peut être active. Un programme, associé à chaque objet actif,
permet le travail sur l’information, son affichage et le déplacement à l'intérieur de celle-ci.
Des fenêtres mobiles se surimposent à l'écran de départ en cliquant sur le mot ou le groupe de
mots actif d'un texte. Elles correspondent à des définitions, légendes, illustrations, statistiques,
méthodes, sources documentaires. Sur chacune de ces fenêtres, il est possible de saisir de nouvelles
informations, de naviguer dans les différentes fiches, de faire une recherche sur un mot ou un
groupe de mots, de créer une nouvelle fiche.
D'autres fenêtres mobiles sont appelées par des boutons. Elles permettent de comparer les
données concernant les systèmes de production villageois, les sols, …
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Dans le menu outils, "historique" permet, à tout moment d'afficher la liste de toutes les fiches
consultées et de revenir à la fiche désirée.
Le livre informatique
Il rassemble trois états de la connaissance :
- Les données
- L'analyse
- La présentation
Les données, élémentaires ou traitées, sont utilisées en permanence, que ce soit en mode
consultation ou en mode modification.
C'est une base de données à deux niveaux, celui du secteur d'étude et celui de son environnement
géographique. Elle n'est pas conçue sur le mode exhaustif des Systèmes d’Information
Géographique. Elle ne retient que les informations thématiques spécifiques et les exemples
représentatifs, mais spatialement limités, pour la compréhension et le fonctionnement des systèmes
de production. Cette base de données minimale, structurée en fonction de l'échelle, peut être à tout
moment complétée, réorientée, modifiée en fonction d'autres choix de l'utilisateur.
Il comporte deux modes d'utilisation étroitement liés, le mode "consultation" et le mode
"modification". Le passage de l'un à l'autre peut s’effectuer à la demande.
Le mode consultation, qui emploie le logiciel SuperCard, s'articule en deux volets
interdépendants :
• Hyper-Atlas, pour consulter des cartes, d'échelles très différentes (du 5 000 000 au
10 000ème), associées à des légendes et des textes d'information sur l'environnement géographique
ou sur un thème choisi.
C’est le domaine des changements d’échelles qui comprend actuellement 5 niveaux
hiérarchisés : l’archipel indonésien (pays), Sumatra (îles), provinces, départements (avec une étude
de la dynamique de l'occupation du sol), villages.
La superposition de cartes : sur un fond préalablement choisi (carte des sols, des paysages,
…), à une échelle donnée, il est possible de superposer, unité cartographique par unité
cartographique, une autre carte thématique réalisée à la même échelle (population, occupation des
sols, …).
• Systèmes de production, pour analyser les données et comprendre les fonctionnements
depuis l'échelle familiale jusqu'à celle du département :
L’approche globale retenue s’appuie sur une analyse des systèmes de production en cinq
composantes principales figurées par les cinq secteurs colorés d'une cible :
- Le milieu : paysages, climat ;
- Le capital d’exploitation : terres et biens d’équipement faisant l’objet d’un droit
d’utilisation ;
- Le système de culture : modes et techniques d’utilisation du capital ;
- Le système familial : utilisation de la force de travail et résultats économiques ;
- Le marché réseaux : valeur des facteurs de production et des produits.
Chaque secteur est subdivisé en trois niveaux. La cible est donc doublement hiérarchisée, du
général (centre) vers le particulier (périphérie), au niveau des thèmes et de l’espace. En d’autres
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termes, à chacun des trois niveaux thématiques correspond une échelle d’analyse spécifique allant
du département au village, puis à l’exploitation.
Chaque intitulé de la cible est actif. Il renvoie soit à des notices spécifiques qui représentent
un niveau d’interprétation et de synthèse, soit aux données de base. Un bouton "Typologies" permet
d’accéder à des informations synthétiques regroupées dans quinze thèmes retenus pour caractériser
les villages.
Le mode modification se surimpose au mode consultation et permet la modification ou
l’actualisation des données déjà rassemblées dans l'hypertexte.
Le mode travail qui utilise des logiciels spécifiques, largement diffusés, traitement de texte,
tableur graphique, correction d'images, dessin vectoriel, permet la création de nouveaux documents
qui seront inclus ensuite dans la base de données. Ce mode travail est indépendant de l'hypertexte.
Conclusion
Le Livre Informatique s'articule en deux chapitres :
• Recherche, cheminement qui permet de consulter les informations sous de multiples formes.
• Interventions, simulations qui permet à l'utilisateur de modifier les informations et qui met
en avant les possibilités de travail et d'interactivité offertes. La structure de la base de données
permet d'intervenir très facilement pour la compléter.
L’utilisation des concepts d’hypertexte et d’hypermédias, qui crée une réelle interaction entre
l'utilisateur et l'information, donne une nouvelle expression à la notion de Paysage. On a toute
latitude pour effectuer les confrontations souhaitées, rechercher les données, les facteurs
d'explication et connaître les moyens disponibles ou à mettre en œuvre pour répondre aux
problèmes qui se posent. S'instaure ainsi un dialogue rapide et instantané entre l'utilisateur et les
données. Ces dernières ne sont pas uniquement le produit élémentaire d'enquêtes mais aussi des
données "travaillées", résultats d'une recherche préalable. Le système est totalement ouvert, on peut
le compléter et le modifier à tous moments.
Le livre informatique est donc bien une méthode originale de travail et de recherche. Il met à la
disposition des acteurs du développement régional une base de données interactive et évolutive,
ainsi que des résultats d'analyse habituellement confinés dans des recueils de documentation d'accès
difficile.
Bibliographie sommaire
Loubière P. 1994 Le savoir magnétique, une révolution de l’intelligence, in "Le magazine littéraire", n° 308, pp. 96104
Beaudou A.G. 1989 Recherche d’un système d’information pour le milieu physique, Orstom TDM n°63.
Systèmes de production agricole en Afrique tropicale. Cahiers de Sciences Humaines, vol. 23 & 24. Paris, Orstom,
1988.
Scholz U. 1983 - The natural regions of Sumatra and their agricultural production patterns. A regional analysis. 2
vol., CRIFC - SARIF/ Minist. of Agriculture, Bogor, 16 cartes.
Anonyme 1988 - Land use, land suitability, land status and recommended development areas. Sumatra. REPPROT,
Bakosurtanal.
Whitten A. J., et al. 1987 The ecology of Sumatra. éd. Gadjah Mada Univ. Press, Yogyakarta, 603 p.
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