« Nous sommes un cabinet de recrutement exclusivement
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« Nous sommes un cabinet de recrutement exclusivement
DOSSIER Un service onéreux. Qui n’a jamais rêvé d’avoir quelqu’un qui se soucie à plein temps de ses intérêts ? Cela a évidemment un coût. Aux EtatsUnis, créer son propre FO coûte 1,8 million de dollars et 2 millions de dollars par an pour ensuite le faire tourner (voir camemberts). Autant dire que ce n’est pas à la portée de toutes les bourses. « Avoir son FO relève d’une décision économique, indique Ars Prudentiae, cabinet américain de consultants en management et de conseil en art. La famille doit en évaluer le coût et la valeur quantitativement et qualitativement. » Il est relativement aisé d’évaluer le coût et la valeur d’un FO, comme les frais de fonctionnement, la mise en place d’un système d’information, l’appel à des conseillers externes, les frais de personnels. Sur ce point, le Family office exchange, vitrine de la profession aux Etats-Unis, estime que 71 % des dépenses sont consacrés aux personnels. A titre d’exemple, les cadres perçoivent souvent des salaires de base supérieurs à 250.000 dollars et, dans les grands FO, le fixe et le variable peuvent atteindre, voire dépasser, 750.000 dollars. En revanche qualitativement, « c’est beaucoup plus délicat, constate Thomas de Bellaigue, président du cabinet de conseil Synagir. La valeur ajoutée d’un FO qui aide à éviter les conflits entre membres d’une même famille est réelle, quoique très dure à évaluer ». Le coût élevé d’un FO dédié explique en partie pourquoi certaines familles ou individus optent pour une mutualisation. Cela explique aussi que rares sont les établissements, comme Pictet, à disposer d’un vrai service de FO et que certaines maisons, à l’image de Mirabaud, n’offrent qu’une partie de la prestation. « Par définition, nous ne sommes pas compétents sur tous les domaines et ne pouvons donc pas répondre à tous les besoins des clients », explique Etienne Mouthon, directeur de Mirabaud Planification Financière SA. Différentes sources de revenus. Pour Thomas de Bellaigue, la question est donc de savoir comment créer des « revenus récurrents ». Le principe même du FO exige un conseil indépendant, et donc une totale transparence au niveau de la facturation. Ce service devrait être rémunéré par la famille exclusivement suivant un devis détaillé des missions. Toutefois, chacun pratique ses propres modalités de rémunération car, même si les mentalités évoluent et que les clients prennent conscience de l’intérêt de l’offre, ils ne sont pas encore tout à fait prêts à rémunérer le conseil à sa juste valeur. « Les clients sont de plus en plus aptes à payer, mais ce sont encore les actes qui permettent de couvrir les charges du service de stratégie patrimoniale », indique Arlette Darmon, notaire responsable du service stratégie patrimoniale de l’étude Monassier, qui a créé en 1992 un service dédié aux familles fortunées composé de sept collaborateurs. Le MFO justifie dès lors son existence. « Au final, le coût réel de cette prestation est limité : au-delà de notre intervention de conseil, nous pouvons négocier les tarifs des prestataires et permettre ainsi à nos Etablir son propre " family office " nécessite de gros investissements Coûts annuels (2 millions de dollars) Coûts d’établissement initiaux (1,8 million de dollars) 8% 16 % 71 % 56 % Locaux * Plates-formes informatiques, réseau télécom... 21 % Sytèmes IT Personnel Sources : Banque X, FOX 28 % Christian Sulger-Büel, président de Sulger Buel & Company « Nous sommes un cabinet de recrutement exclusivement spécialisé dans la gestion de fortune » L’Agefi Actifs. - Quelle est la mission de Sulger-Buel & Company ? Christian Sulger-Büel. - Sulger Buel & Cie est un cabinet de recrutement spécialisé exclusivement dans l’industrie de la gestion de fortune sous toutes ses formes, family office (pour une ou plusieurs familles) ou banques privées. Le cabinet, créé en 1998, est basé à Londres pour des raisons stratégiques. Il est composé de six collaborateurs (consultants, analystes…) tous issus du métier de gestion de fortune. Nous intervenons auprès des banques ou familles installées en Europe, Asie et MoyenOrient, ce qui nécessite d’avoir une vision globale du métier et de parler plusieurs langues. Quels types de profils êtes-vous amenés à rechercher le plus souvent ? - Pour chaque mission, nous signons un contrat avec le client dans lequel est clairement défini le profil du poste à pourvoir, la spécificité de la fonction et la rémunération. La principale difficulté de ce métier est de bien comprendre les besoins de nos clients et les aspirations des candidats. A partir de là, nous recherchons les personnes qui pourraient correspondre à la demande du client en approchant des gens en poste directement ou en passant des annonces dans la presse nationale et internationale. Ensuite, clients de réaliser de substantielles économies, remarque François Mollat du Jourdin. Par ailleurs, les rétrocessions leur sont reversées. Enfin, nous surveillons en permanence et évitons toute dérive des frais. » Les MFO indépendants ont divers types de facturation : tarif horaire, forfait et pourcentage du patrimoine géré. De même, Quilvest et Meeschaert ont choisi ces modes de rémunération et, à titre d’exemple, Meeschaert facture selon la taille de la surface financière gérée de 0,35 à 0,50 %. D’autres maisons, comme Rothschild & Cie, ont fait le choix de se rémunérer uniquement par honoraires. « Facturer des honoraires permet de mettre des barrières, des limites, des freins. En aucun cas, nous ne prenons un pourcentage des actifs », assure Claire Grand, qui reconnaît que tous les frais ne sont pas forcément couverts. La transparence de la facturation signifie aussi que les commissions sont reversées au client ou viennent en déduction des factures. Toutefois, pour certains MFO plus récents sur le marché, il reste difficile d’utiliser ces formes de rétribution. « Pour l’instant, mes rémunérations mixent la facturation d’honoraires et les rétrocessions, avec pour objectif de faire croître la partie honoraires », explique JeanBernard Dudouit. Quant aux banques, elles font mine d’offrir « gracieusement » le service de FO à leurs clients. Jens Baumgarten, directeur du département service financier du cabinet de conseil Simon & Kucher Partners en Allemagne, indique que « les banques génèrent de plus en plus de revenus en facturant les services individuellement, comme les frais sur achat/vente de titres. Et nous analysons les curriculum vitae des candidats et rencontrons ceux qui nous semblent correspondre au profil recherché. Finalement, nous présentons au client une sélection de profils de candidats qu’il choisira ou non de rencontrer. Les demandes portent principalement sur trois postes : directeur général de family office, directeur administratif et financier et directeur des investissements. Se sont bien évidemment des seniors que nous recrutons généralement dans les secteurs de la banque privée ou d’investissement, du droit, de la fiscalité, de la comptabilité. Après avoir placé un candidat, il y a un suivi pour savoir si tout se passe bien à la fois du côté du client et du candidat car il peut arriver qu’une personne ait du mal à s’intégrer dans une banque ou un family office. En termes de rémunération, nous percevons un pourcentage de la première année de rémunération du candidat. AVIS d’expert Rothschild & Cie s’est aussi positionné sur le créneau en rachetant la banque Sogip en 2001. A l’origine, cet établissement a été créé pour gérer les intérêts des enfants Deutsch de la Meurthe. Claire Grand, directeur du FO chez Rothschild & Cie, précise : « En rachetant Sogip, nous avons capitalisé sur son savoir-faire en matière de gestion de grandes fortunes. Nous sommes désormais à même de coordonner l’ensemble des services liés au patrimoine ». Acquérir ce type d’établissement a permis à la banque de pénétrer dans le milieu très fermé et convoité des grandes fortunes. De son côté, Meeschaert est l’un des seuls établissements à avoir créé en 2003 une entité juridique indépendante pour développer son département de FO. Pour cela, la société s’est offert les services de Bernard Camblain. Ainsi est né Meeschaert FO composé de sept personnes (fiscalistes, ingénieurs patrimoniaux, conseillers commerciaux et gestionnaires du back office). Huit familles détenant au moins 15 millions d’euros d’actifs financiers composent actuellement sa clientèle et devraient être rejointes par quatre autres clients d’ici à la fin de l’année. « L’objectif est d’attirer une dizaine de familles par an sans toutefois dépasser le nombre de cinquante et d’atteindre à terme 15 % du chiffre d’affaires de l’établissement financier Meeschaert », explique Cédric Meeschaert. Quelles sont les motivations d’un candidat à travailler pour une famille ou une entité de family office ? - J’en vois trois : l’environnement de travail (plus petite structure, attrait pour une ambiance plus familiale), l’intérêt de la fonction et, bien sûr, la rémunération. Mais si la rémunération est la seule motivation, cela ne peut pas fonctionner. ■ comme les portefeuilles sont rebalancés régulièrement, cela crée des revenus récurrents ». Autre formule retenue par Mirabaud & Cie. « Nous distinguons deux sources de revenu : les honoraires liés aux services proposés par le groupe Mirabaud en matière de planification financière et les frais de dépôts et/ou de gestion prélevés sur les actifs que la banque Mirabaud peut être amenée à gérer pour ce type de clientèle », indique Yves Mirabaud, associé de Mirabaud & Cie. Sur ce dernier point, Mirabaud retient entre 0,5 et 1,5 % de l’actif net. « La structure de FO, si on la considère en tant que telle, ne pourra jamais être bénéficiaire » La question de la rentabilité divise. Concernant la rentabilité de cette activité, les avis divergent donc. Cyril Maïdanatz, directeur général adjoint d’Unigestion à Paris, affirme que « ce n’est pas un centre de profit important mais un service nécessaire et apprécié par nos clients ». D’autres, comme Patrice Dordet, concèdent que « c’est un service de valeur ajoutée de haut niveau et non un centre de profit ». Quilvest annonce, pour sa part, que son FO n’a pas été conçu pour gagner de l’argent : « A l’origine, ce pôle de services partagés n’avait pas pour vocation d’être une source de contribution économique lourde. Pour garantir la pérennité d’un service de qualité, l’activité de FO doit toutefois toujours être à l’équilibre. Il est possible que, dans l’avenir, sa contribution soit réelle », souligne Guillaume Dozinel, responsable du FO de la Banque Privée Quilvest. Certains acteurs interrogés déclarent, sans donner de chiffres, que « si ce n’était pas rentable, nous ne le ferions pas ». Jens Baumgarten estime d’ailleurs que « les services apportées par les banques sont de qualité et à haute valeur ajoutée. Les clients sont donc prêts à payer pour cela ». Même son de cloche chez Pictet. Vera Boissier, spécialiste senior family office chez Pictet, indique que « la rentabilité vient d’une offre de services sophistiquée, à haute valeur ajoutée, en mettant aux services des familles des équipes de spécialistes dédiés ». Un grand banquier suisse, qui a souhaité rester anonyme, juge quant à lui que « la structure de FO, si on la considère en tant que telle, ne pourra jamais être bénéficiaire pour plusieurs raisons : la nécessité d’une structure juridique avec gouvernance différente de celle de la banque ; la mise en place d’une équipe spécialisée et hautement qualifiée, ce qui coûte cher ; la recherche continue de produits et services innovants et compétitifs par rapport à la concurrence, ce qui demande de très gros investissements ; la commission, qui reste un pourcentage des actifs gérés et qui ne peut donc pas être trop élevée ». Que cette activité soit rentable ou pas, tous les grands établissements la déclinent ou déclarent le faire. L’intérêt d’un tel service va bien au-delà du fait de proposer une offre globale aux clients fortunés. Chaque acteur doit faire face à une concurrence qui fournit une prestation de plus en plus haut de gamme. L’image ainsi transmise étant bien, in fine, d’attirer les sources supérieures de la richesse. ■ n° 218 - semaine du 9 au 15 septembre 2005 - 11