Etude de la résistance de la tique brune du chien, Rhipicephalus
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Etude de la résistance de la tique brune du chien, Rhipicephalus
Etude de la résistance de la tique brune du chien, Rhipicephalus sanguineus aux acaricides A. ESTRADA-PENA Department of Parasitology. Veterinary Faculty. University of Zaragoza. Miguel Servet, 177 50013-ZARAGOZA (Spain). RÉSUMÉ SUMMARY Une étude in vitro a été conduite pour étudier la possibilité du développement de résistance aux acaricides de la tique brune du chien, Rhipicephalus sanguineus. Les tiques ont été récoltées dans plusieurs villes d’Espagne (Saragosse : 3 populations différentes, Madrid : 3 populations différentes, Barcelone : 4 populations différentes, Tarragona : 2 populations différentes, et Castellón : 3 populations différentes). Elles ont ensuite été nourries sur des lapins de laboratoire jusqu’à la ponte. Les larves ont été soumises à un test recommandé par la FAO pour évaluer la sensibilité au propoxur et à la deltaméthrine. La résistance par rapport à l’amitraz a été testée selon une nouvelle approche déjà publiée donnant des résultats plus cohérents que la méthode recommandée par la FAO. Une analyse probit a été utilisée comme méthode statistique pour déterminer les doses mortelles 50, 90 et 99. La résistance au propoxur a été faible ou modérée pour la plupart des souches, à l’exception de celles prélevées à Tarragona et Castellon (facteur de résistance entre 2 et 3). Pour la deltaméthrine, en revanche, la résistance est trés élevée avec des doses nécessaires pour obtenir la DM50 jusqu’à 12 fois supérieures à celles recommandées dans la population témoin. Aucune résistance n’a été notée pour l’amitraz dans cette étude. An appraisal of the resistance status against acaricides by the brown dog tick, Rhipicephalus sanguineus. By A. ESTRADA-PENA. Mots-clés : Rhipicephalus sanguineus - amitraz - propoxur - deltaméthrine - résistance - test in vitro. Introduction Rhipicephalus sanguineus est l’une des tiques les plus fréquentes chez le chien et chez certains carnivores sauvages. Elle est vectrice de nombreux processus parasitaires et infectieux, comme la fièvre boutonneuse méditerranéenne due à Rickettsia conori, l’ehrlichiose, l’hépatozoonose ou certaines formes de babésiose canine. D’autre part, cette tique peut également parasiter l’homme, à l’origine de divers processus infectieux. R. sanguineus est une tique endophile, ce qui signifie que la plus grande partie de son cycle biologique se fait à l’intérieur de terriers ou au sein des anfractuosités du terrain. R. sanguineus se trouve rarement dans la végétation, comme c’est le cas pour les tiques dites exophiles. Cette caractéristique importante de son comportement permet à R. sanguineus de s’adapter facilement aux conditions existantes à l’intérieur des constructions humaines, dans les jardins ou fréquemment dans les chenils. Dans ces conditions, et en raison des conditions climatiques locales favorables à son développement et à sa survie, la tique peut constituer des populations très nombreuses. De la même façon, la pression parasitaire sur le chien qui habite dans ces environnements ou sur l’espèce humaine, est continue, n’obéissant pas aux pics d’activités observés chez d’autres espèces de tiques, qui doivent adapter leurs cycles aux conditions environnementales plus variables. Les infestations par R. sanguineus sont difficiles à contrôler sans l’emploi d’une méthode adéquate. La survie hors de l’hôte peut être longue, au cours des stades de Revue Méd. Vét., 2005, 156, 2, 67-69 An in vitro study has been conducted to study the possibility of development of resistance against the acaricides by the brown dog tick, Rhipicephalus sanguineus. Ticks were collected in several cities in Spain (Zaragoza: 3 different populations, Madrid: 3, Barcelona: 4, Tarragona: 2, and Castellón: 3) and were allowed to feed on laboratory rabbits to produce offspring. The larvae were subjected to the FAO larval packet test to obtain the baseline activity of chemicals like propoxur and deltamethrin. The resistance against amitraz was tested using an already published novel approach as it produces better results than with the FAO method. Probit analysis was selected as the statistical method to determine lethal doses 50, 90 and 99. Resistance against propoxur has been low in most of the populations studied but in those coming from Tarragona and Castellón (resistance factor 2 to 3). However, resistance was very high against deltamethrin, with levels up to 12 times higher than the recommended dosage. No resistance against the amitraz has been noticed in the studied populations of R. sanguineus in this study. Keywords : Rhipicephalus sanguineus - amitraz - propoxur - deltamethrin - résistance - in vitro test. non-alimentation, elles ont tendance à se cacher entre les fissures des murs, ce qui rend le contrôle des chenils complexe, lorsque leur colonisation est possible [7]. Cet élément a favorisé l’application indifférenciée de divers composés, visant à réduire ou à éradiquer cette tique. Cette situation est la première cause de l’apparition de résistances face aux acaricides, car l’application continue favorise la survie des individus de la population manifestant une résistance minime face au traitement pharmacologique. Ainsi, après quelques années d’utilisation, il est possible d’observer des résistances chez les différentes populations de tiques. L’apparition de résistances face aux acaricides de la part des populations de tiques parasites des bovins, telles que Boophilus microplus, est un sujet bien documenté [3]. Dans ce cas, la pression de sélection exercée de façon continue sur les populations de tiques a favorisé la présence de souches résistantes dans quasiment tous les endroits où prédomine le parasite. Ces résistances suscitent de l’inquiétude, car le contrôle s’avère impossible au moyen des outils classiques. Tandis que les études sur la résistance aux composés chimiques chez les tiques des animaux de boucherie sont nombreuses, très rares sont les documents reflétant l’état actuel des résistances chez la tique du chien, R. sanguineus. Il existe divers rapports, vérifiés au niveau local, sur l’augmentation de la population du parasite, et ce, même dans le cadre d’un contrôle chimique exercé de façon continue, ce qui 68 conduit à envisager l’existence de résistances au moins chez certaines populations du parasite. Cette étude présente les résultats d’une étude réalisée en Espagne sur diverses populations de R. sanguineus, prélevées en différents lieux du pays, et dont la sensibilité à divers composés chimiques a été étudiée au laboratoire et comparée avec une souche témoin. Matériel et Méthode Cette étude a porté sur des populations de R. sanguineus, récoltées en Espagne au stade adulte non gorgé au sein de chenils et de propriétés particulières se trouvant à Saragosse (3 populations), Madrid (3 populations), Barcelone (4 populations), Tarragona (2 populations) et Castellón (3 populations). Les spécimens ont été capturés vivants au cours du printemps 2002 et ont été transportés au laboratoire dans des conditions adéquates pour leur survie. Au sein du laboratoire, les adultes ont été alimentés sur la région dorsale de lapins de race Albinos Géant Néo-zélandais, jusqu’à ce qu’ils soient repus et qu’ils se décrochent. Les femelles repues ont été placées dans des étuves, à 27°C et avec 90% d’humidité relative, jusqu’à la ponte. Les larves provenant de ces femelles de chaque population ont été utilisées pour les études de sensibilité aux composés chimiques. Pour l’évaluation de la sensibilité aux acaricides étudiés, la technique des sachets de thé, recommandée par la FAO [3] pour ce type d’étude, a été utilisée. Cependant, pour l’amitraz, c’est la méthode modifiée par MILLER et al. [6] qui a été utilisée, celle-ci donnant des résultats plus cohérents concernant la détection des résistances. Avant que l’éclosion n’ait lieu, les œufs de toutes les femelles ont été homogénéisés en un lot unique qui a été divisé en sous-lots de 100 œufs chacun. Chacun de ces lots a été introduit dans un sachet de thé en papier, jusqu’à leur éclosion. Dix jours après l’éclosion, le sachet a été immergé pendant 10 minutes dans la solution acaricide diluée dans de l’acétone à la concentration adéquate, en laissant sécher le sachet, et en plaçant celui-ci dans une étuve, à 22°C et avec 90% d’HR. L’amitraz a été dissout dans du trichloréthylène et de l’huile d’olive conformément aux recommandations [6]. La mortalité a été constatée 24 heures plus tard et les résultats ont été soumis à une analyse probit afin de déterminer les doses mortelles 50, 90 et 99 (DM50, DM90 et DM99). Les résultats provenant des populations testées ont été comparés avec ceux obtenus sur une souche de laboratoire, maintenue dans des conditions artificielles depuis 1991 et n’ayant jamais reçu de traitement acaricide. Les composés évalués lors de ces tests ont été l’amitraz (dilué de 1 à 100 parties par million, ppm - dilutions 1, 5, 10, 50, 100), le propoxur (dilué de 10 à 1000 ppm - dilutions 10, 50, 100, 200, 500, 1000) et la deltaméthrine (diluée de 50 à 2000 ppm - dilutions 50, 100, 200, 500, 1000, 2000). Tous les acaricides ont été obtenus auprès de Sigma Aldrich Chemical, avec une pureté supérieure à 99%. L’acétone utilisée pour leur dilution présentait une pureté de 100%. La souche témoin ainsi que certains lots sélectionnés parmi les différentes populations objet de l’expérience ont également été immergés pendant la même durée dans de l’acétone pure ou dans le mélange trichloréthylène-huile ESTRADA-PENA (A.) d’olive, afin de déterminer la ligne de base de mortalité due au solvant et afin de vérifier l’absence d’une mortalité élevée due uniquement au solvant utilisé. Le processus d’évaluation de chaque produit et de dilution a été répété à 10 reprises, de même que le relevé des données moyennes utilisées en vue de l’analyse probit. Résultats Le tableau I présente les résultats de l’analyse probit sur les données de mortalité obtenues en mettant en contact les larves de R. sanguineus avec les acaricides sélectionnés. Activité du propoxur : il ressort que toutes les souches testées présentent un degré variable de résistance à cet organophosphoré, par rapport à la population témoin. La résistance au propoxur a été faible ou modérée pour la plupart des souches, à l’exception de celles prélevées à Tarragona et à Castellón. Chez certaines populations, le facteur de résistance oscille entre 2 et 3, par rapport à la population témoin. Activité de la deltaméthrine : toutes les populations de R. sanguineus évaluées ont présenté une résistance élevée à ce pyréthroïde. Pour certaines souches prélevées dans la province de Saragosse, ainsi que pour celles prélevées à Tarragona et Castellón, les doses nécessaires à l’obtention de la DM50 peuvent être 12 fois supérieures à celle nécessaire pour obtenir le même niveau de mortalité chez la population témoin, et jusqu’à 10 fois supérieures pour atteindre la DM99. Activité de l’amitraz : toutes les souches de R. sanguineus évaluées dans cette étude présentent une sensibilité élevée à l’amitraz. Bien qu’une légère augmentation de la DM99 ait été observée chez une population capturée à Madrid (Mad1), ce résultat n’est pas significatif sur le plan statistique. L’analyse statistique des différentes doses calculées par cette méthode indique qu’aucune population ne présente de différences significatives par rapport à la population témoin. Discussion Cette étude a évalué les niveaux de résistance de la tique brune du chien, R. sanguineus, face aux trois acaricides communément utilisés en vue de son contrôle. Ces analyses ont permis de dégager plusieurs points intéressants. Tout d’abord, qu’il existe des souches de la tique manifestement résistantes aux différents acaricides. De plus, cette résistance est bien plus importante dans les régions côtières. Cela peut être dû au fait que, dans ces régions, le climat de type méditerranéen (avec des hivers doux et des étés humides) favorise davantage l’augmentation des populations de cette tique, entraînant une augmentation de la pression du traitement acaricide et de la sélection de souches résistantes. Cet aspect a une répercussion épidémiologique importante, car le fait de continuer à appliquer ces traitements dans ces régions, entraîne simplement une plus grande sélection des souches résistantes et, par conséquent, davantage de difficultés pour les contrôler. Cependant, toutes les souches évaluées se sont avérées sensibles à l’amitraz, par rapport à la souche témoin maintenue sans traitement dans des conditions de laboratoire. C’est un point particulièrement intéressant car l’utilisation de l’amitraz en Espagne remonte, approximativement, à l’année Revue Méd. Vét., 2005, 156, 2, 67-69 RÉSISTANCE DE RHIPICEPHALUS SANGUINEUS AUX ACARICIDES 69 TABLEAU I.—Doses mortelles (DM) 50, 90, 99 pour chacun des composés testés, exprimées en parties par million. Provenance des souches : CTL : Témoin ; Zar : Saragosse ; Mad : Madrid ; Bar : Barcelone ; Tar : Tarragona ; Cas : Catellon. Les différentes populations testées de chaque lieu sont indiquées avec des numéros. 1988. Cela signifie que, malgré l’évidente pression acaricide exercée par ce composé, la tique n’a pas été capable de générer des résistances. Ceci peut être dû à divers facteurs. Tout d’abord, à l’incapacité des populations de R. sanguineus de développer des résistances face à la molécule de l’amitraz. Certaines populations de Boophilus microplus, une tique fréquente chez les bovins, ont présenté divers degrés de résistance face à cette molécule, dans certaines régions du Mexique, du Brésil et de l’Argentine [3]. Bien que les gènes responsables de la résistance aux pyréthroïdes aient été isolés et séquencés, nous méconnaissons les mécanismes de résistance face à l’amitraz, et il reste donc à découvrir certains aspects fondamentaux de leur mécanisme biochimique. Par ailleurs, la mortalité élevée découlant de l’utilisation de l’amitraz [2] peut également être responsable de l’absence de résistances, car leur utilisation à des doses adéquates empêcherait la sélection en tant que cause indirecte de la mortalité élevée et rapide observée lors de son utilisation. Certains auteurs ont démontré l’existence de résistance partielle à l’amitraz chez des souches de Rhipicephalus sanguineus au Panamá [5] même si ces informations n’ont pas été obtenues en suivant la technique officielle (modification de MILLER au test LPT de la FAO, utilisé ici). D’autres auteurs ont également indiqué que les souches de tiques présentent une réversibilité de résistance à l’amitraz [4], étant peut-être due au fait que cette résistance est associée à une capacité de survie moindre dans des conditions naturelles. Cela pourrait peut-être expliquer pourquoi peu d’espèces de tiques ont développé des résistances face à l’amitraz, et ce, même chez les tiques soumises depuis plusieurs années à la pression de la sélection dans les conditions de production de bétail. Les résultats obtenus dans ce protocole conduisent à penser que l’amitraz devrait être le composé choisi dans le cadre d’un traitement des animaux lors d’infestations des chiens par R. sanguineus. La capacité élevée de cette tique à coloniRevue Méd. Vét., 2005, 156, 2, 67-69 ser les espaces, comme les jardins et les espaces de loisir, entraîne un grave problème de santé publique, rendu complexe par le fait qu’elle constitue le vecteur de divers agents pathogènes provoquant la zoonose. Il est nécessaire d’empêcher, au moyen d’un traitement adapté sur les animaux mais également sur l’environnement, que les femelles provenant des infestations du chien ne colonisent ces espaces afin de pouvoir ainsi empêcher son parasitisme envers l’homme. Pour traiter les animaux, l’amitraz est donc une molécule très intéressante du fait de son efficacité déjà démontrée [1] [2] et de la faible résistance des tiques à cette molécule. Références 1. — ELFASSY O., GOODMAN F., LEVY S., LEEPER-CARTER L. : Efficacy of an amitraz-impregnated collar in preventing transmission of Borrelia burgdorferi by adult Ixodes scapularis to dogs. JAVMA, July 15, 219 (2), 185-189. 2. — ESTRADA-PEÑA A., ASCHER F. : Comparison of an amitraz impregnated collar with topical administration of fipronil for prevention of experimental and natural infestations by the brown dog tick (Rhipicephalus sanguineus). J. Am. Vet. Med. Assoc., 1999, 214, 1799-1803. 3. — FAO : The eradication of ticks. Proceedings of the expert consultation on the eradication of ticks with special reference to Latin America. Mexico City, Mexico, 22-26 June, 1987. 4. — LI A.Y., DAVEY R.B., MILLER R.J., GEORGE J.E. : Detection and characterization of amitraz resistance in the southern cattle tick, Boophilus microplus (Acari : Ixodidae). Vè Séminaire International de Parasitologie Animale, 2003, Mérida, Mexique. 5. — MILLER R.B., GEORGE J.E., GUERRERO F., CARPENTER L., WELCH J.B. : Characterization of acaricide resistance in Rhipicephalus sanguineus (Latreille) (acari : Ixodidae) collected fom the Corozal Army Veterinary Quarantine Center, Panama. J. Med. Entomol., 2001, 38 : 298-302. 6. — MILLER R.B., DAVEY T.J., GEORGE J.E. : Modification of the Food and Agriculture Larval Packet test to measure Amitraz susceptibiloty against Ixodidae. J. Med. Entomol., 2002, 39 : 645-651. 7. — RAZIG A.A., OSMAN O.M. : Resistance and susceptibility of Rhipicephalus sanguineus (Acari : Ixodidae) (Latreille, 1806) to ixodicice chemicals in Sudan. Int. Pest Control, 1987, 29 : 70-74.