Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
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Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle UNIVERSITE DE MONTPELLIER 1 FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE MASTER 2 DROIT DU MARCHE INEXECUTION CONTRACTUELLE ET RESPONSABILITE DELICTUELLE Par : Nordine ALLAOUI Directeur de recherche : Monsieur Jean Louis RESPAUD Maitre de conférences à la faculté de droit d’Avignon ANNEE UNIVERSITAIRE : 2010-2011 1|Page Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle 2|Page Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle « La Faculté de droit de Montpellier n’entend donner aucune approbation, ni improbation, aux opinions émises dans ce mémoire ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur ». 3|Page Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle REMERCIEMENTS Je tiens à remercier sincèrement : Monsieur Jean-Louis RESPAUD pour sa gentillesse, son suivi et la confiance qu’il m’a accordé dans mon travail de recherche. Monsieur Le professeur Daniel MAINGUY (Faculté de droit de Montpellier) et Monsieur Malo DEPINCE (Maitre de conférences à la Faculté de droit de Montpellier) (Maitre de conférences à la Faculté de droit d’Avignon) pour m’avoir permis d’être au sein de ce Master 2 Droit du Marché, riche en enseignements. L’ensemble du corps enseignant du Master 2 Droit du Marché, pour ses enseignements de qualité Sans oublier la promotion 2010-2011 du Master 2 Droit du Marché pour tous les souvenirs partagés. Mes amis ainsi que ma famille pour leur soutien dans les moments obscurs de la rédaction du mémoire. 4|Page Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle SOMMAIRE INTRODUCTION…………………………………………………………………..6 PARTIE 1 : LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE DES COCONTRACTANTS VIS-A-VIS DES TIERS VICTIMES DE L’INEXECUTION CONTRACTUELLE………..15 CHAPITRE 1 : La responsabilité des cocontractants à l’égard des tiers à travers les principes de la relativité et de l’opposabilité des conventions………………..17 SECTION 1 : La notion d’inexécution contractuelle et de tiers victime…………….18 SECTION 2 : Un débat doctrinal entre le principe de la relativité et de l’opposabilité des conventions…………………………………………………………………………..24 CHAPITRE 2 : Le manquement contractuel comme fait générateur de responsabilité délictuelle envers les tiers…………………………………………..34 SECTION 1 : De la relativité de la faute contractuelle a l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle : une « valse-hésitation jurisprudentielle » et doctrinale...37 SECTION 2 : La position du droit : une solution générale et inachevée……………..48 CONCLUSION PREMIERE PARTIE……………………………………………57 PARTIE 2 : LA PRIMAUTE DE LA NATURE DELICTUELLE DE L’ACTION EN RESPONSABILITE DU TIERS VICTIME DE L’INEXECUTION CONTRACTUELLE..59 CHAPITRE 1 : La prépondérance de la responsabilité civile délictuelle du cocontractant à l’égard des tiers…………………………………………………….61 SECTION 1 : L’exceptionnelle action en responsabilité contractuelle au bénéfice de certains tiers…………………………………………………………………………...63 SECTION 2 : Une action en responsabilité délictuelle des tiers de principe…………69 CHAPITRE 2 Une solution contestable nécessitant réaménagement…………….80 SECTION 1 : La remise en cause de l’excés et de la dangerosité de la solution……..82 SECTION 2 : Vers une solution de rechange : L’Avant-projet de réforme Catala…...87 CONCLUSION SECONDE PARTIE……………………………………………..92 CONCLUSION GENERALE………………………………………………………94 BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………..96 TABLE DES MATIERES………………………………………………………….101 5|Page Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle INEXECUTION CONTRACTUELLE ET RESPONSABILITE DELICTUELLE INTRODUCTION. « Res inter alios acta aliis neque nocere neque prodesse potest1 ». Omettre de rappeler cet adage serait impensable en matière de relation entre le contrat et le tiers, sujet de notre travail. Ce texte énoncé par le droit romain à pour traduction « l’accord passé entre les uns ne saurait ni nuire, ni profiter aux autres ». Ainsi, un contrat passé entre des parties ne rend pas les tiers débiteurs ou créanciers. Traditionnellement, le contrat est conçu avant tout comme un acte de prévisions. C’est un acte qui confère des droits et des obligations à la charge des parties. Conclu, le contrat doit être exécuté ; d’où sa force obligatoire. Ainsi, son inexécution est source de responsabilité. Dans un sens large, l’inexécution du contrat se définit soit comme le retard dans l’exécution, soit comme le défaut d’exécution, soit enfin comme l’exécution défectueuse des obligations contractuelles. Il est vrai que tout manquement contractuel entraine nécessairement un préjudice au créancier de l’obligation, partie au contrat. Cependant, il arrive souvent que cette défaillance contractuelle provoque un dommage à un tiers ; autrement-dit, le préjudice est extérieur au contrat, contrairement à la faute du débiteur de l’obligation. Seulement, il faudra faire appel aux principes gouvernant le droit des obligations pour analyser le domaine de notre étude. 1 Ce qui a été convenu entre les uns ne nuit ni ne profite aux autres. 6|Page Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Si le contrat a force obligatoire pour les personnes qui y consentent, ainsi que le rappelle l'article 1134 du Code Civil puisqu'il est le fruit de leur volonté, il ne peut produire d'effets qu'entre ces mêmes parties. Le lien de droit ainsi créé a donc intrinsèquement un effet relatif. Selon l’article 1165 du Code civil, « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes, elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121 » ; ce cas prévu n’étant autre que la stipulation pour autrui. C’est la consécration de cet adage « Res inter alios acta aliis neque nocere neque prodesse potest ». Dés lors, le contrat ne produirait aucun effet à l’égard des tiers. A sa lecture, il faut entendre par « tiers », celui qui n’a pas été partie à la formation du contrat, qui n’a pas échangé son consentement. C’est donc toute personne étrangère à un acte juridique. Cette règle est un des piliers des relations entre les conventions et les tiers. Cet adage a fait l’objet de nombreux travaux ; en effet cette règle de la relativité des contrats a fait naitre plusieurs thèses, dont notamment celle de BARTIN et DEBRAND2. Ces travaux ont permis d’apporter plusieurs réponses aux problèmes soulevés en matière de relativité des conventions. Cependant, d’autres auteurs dont notamment M. WINTGEN, a dans son ouvrage célèbre3, estimé que cette règle issue de cet adage était postérieur à la codification du code napoléonien ; selon lui, il semblerait « assez vraisemblable que ce n’est pas l’article 1165 qui traduit l’adage, mais l’adage qui traduit l’article »4. Pris à la lettre, ce texte semble signifier que le contrat ne produit aucun effet à l’égard des tiers. A sa lecture, le tiers est celui qui n’a pas été partie à la formation du contrat, qui n’a pas échangé son consentement. C’est donc toute personne étrangère à un acte juridique. 2 E. BARTIN, De la règle « res inter alios acta » en droit romain, th. Paris 1885. F. DEBRAND, Étude de la règle « res inter alios acta aliis nec nocet nec prodest » en droit romain, th. Dijon 1890. 3 R. WINTGEN, Étude critique de la notion d’opposabilité, LGDJ 2004. 4 R. WINTGEN, op. cit. , n°24. 7|Page Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Seulement cette notion est protéiforme. Il est donc nécessaire de distinguer les « tiers absolus », totalement étrangers au contrat de ceux qui, par un lien ou un autre sont en relation avec l’une des parties. Chaque individu étant indépendant, seule sa volonté peut restreindre sa liberté et le lier. Dès lors que l’obligation a sa source dans la volonté, ne peuvent être tenus que ceux qui l’ont voulu. Puisant peut-être son origine en droit romain, en tout cas inspiré de Pothier, ce principe a été repris par les commentateurs du code civil sans que cela provoque de véritable discussion. Inspiré de la théorie de l’autonomie de la volonté, apparue un siècle plus tôt, le principe de l’effet relatif, repris par les rédacteurs du Code civil de 1804 sans que cela provoque de véritable discussion, avait valeur d’évidence. Ce fut le cas de BIGOT-PREAMENEU. Cet auteur retient que « Chacun ne pouvant contracter que pour soi, les obligations ne doivent avoir d'effet qu'entre les parties contractantes et ceux qui les représentent. Il serait injuste qu'un acte auquel une tierce personne n'a point concouru pût lui être opposé ». Il affirme ensuite: « il me reste à parler des effets des conventions à l'égard des tiers ; et ceci n'a qu'un mot. Les conventions n'engagent point ceux qui n'y ont pas stipulé, et ne peuvent leur nuire. Les créanciers peuvent même attaquer les actes de leur débiteur qui se trouveraient faits en fraude de leurs droits5 ». Ce principe de la relativité des conventions était donc perçu pour certain comme un outil permettant un certain isolement du contrat. Cet idée traduit parfaitement la position de la doctrine, ou l’on retrouve notamment celle d’AUBRY et RAU, estimant que tous « les contrats ne peuvent ni être opposés aux tiers ni être invoqués par eux »6. Autrement-dit, dès lors que l’obligation a sa source dans la volonté, ne peuvent être tenus que ceux qui l’ont voulu. 5 6 P.A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du code civil, éd. 1827, 15 tomes. AUBRY et RAU, Cours de droit civil français, t.4, § 346. 8|Page Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Le contrat est le fruit de la volonté des parties ; il ne peut produire d'effet qu'entre ces mêmes parties. Le lien de droit ainsi créé a donc intrinsèquement un effet relatif. Dès lors, il serait logique de reconnaître a priori dans le prolongement de cette idée de relativité du lien contractuel que l'inexécution de l'accord de volonté par l'un des cocontractants, qu'elle soit volontaire ou non, ne puisse produire d'effet au-delà du cercle des parties à l'acte ; l'inexécution contractuelle aurait donc elle-même un effet relatif. Il est intéressant de noter que cette règle de la relativité des contrats, stricte au vue de la lettre de l’article 1165 du code civil, avait fait l’objet de critiques. La doctrine contemporaine en la matière, n’a pas hésité à reprocher l’individualisme total du droit des obligations ; M. SAVATIER avait reproché à cette règle de relativité des conventions, de camoufler l’aspect social des affaires de chacun. « Ces dernières auprès d'un côté individuel, ont aussi un côté social. Il faut donc reconnaître qu'elles ne concernent pas seulement celui qui y préside, mais à certains points de vue la société et, par conséquent, les tiers7 ». Cette approche n’a été remise en cause qu’un siècle plus tard avec la naissance de la théorie de la socialisation du contrat, laquelle, sous l’influence de la doctrine, et notamment de M. LALOU, a fait sortir le contrat de son « splendide isolement »8, c’està-dire de son individualisme. Cette critique a pour but de soulever l'idée de cette "socialisation". Il est vrai qu’à travers l'effet relatif des conventions, les tiers ne peuvent aucunement être créanciers ou même débiteurs en raison d'un contrat auquel ils n'ont pas point signé. Cependant, rien n’empêche à la convention d’avoir, à leur égard, des répercussions. Pour reprendre la formule de M. SAVATIER, les conventions ont à l’égard des tiers, un « effet réflexe »9. De ce fait, la doctrine contemporaine a élaboré la théorie dite du « contrat-fait ». Certes le contrat demeure avant tout le fruit des volontés individuelles et à ce titre se 7 R. SAVATIER, « Le prétendu principe de l’effet relatif des contrats », RTD civ. 1934, p. 525. H. LALOU, « 1382 contre 1165 ou la responsabilité délictuelle des tiers à l’égard d’un contractant ou d’un contractant à l’égard des tiers », DH 1928, chron. P. 69. 9 R. Savatier, op. cit., p. 544. 8 9|Page Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle suffit à lui-même en tant que source de droits et d’obligations. Pour autant, il ne peut être détaché de l’ordre juridique dans lequel il s’inscrit. Il crée au même titre que les autres règles de droit une situation de fait que les tiers ne peuvent ignorer. Dès lors, le contrat ne peut plus être conçu comme un élément isolé. Il doit aussi être appréhendé comme une composante de l’ordre juridique dans lequel il s’insère. Ainsi la doctrine moderne a mis au point la thèse du "contrat-fait" et ainsi dégagé le principe de l'opposabilité du contrat. Le contrat et la situation juridique découlant de ce premier, sont en tant que faits opposables aux tiers. Certains auteurs on tenté de résumer cette théorie du contrat-fait, autrement-dit, l’idée d’une socialisation du contrat. C’est effectivement le cas de MM. Mazeaud et Tunc ; selon eux, « se prévaloir de ce qu'une personne a passé un contrat et même de ce qu'elle ne l'a pas exécuté, c'est se prévaloir d'un pur fait, qui existe en tant que fait, donc à l'égard de tous ». La théorie de l’opposabilité du contrat procède d’une nouvelle lecture de l’article 1165 du code civil et qui conduit a distinguer l’effet obligatoire du contrat strictement limité aux parties contractantes, et la situation juridique née du contrat, opposable aux tiers par les parties, et aux parties par les tiers. Autrement dit, si le principe de l’effet relatif du contrat exonère les tiers du respect des stipulations contractuelles, le principe de l’opposabilité induit pour eux le droit de se prévaloir du contrat, mais aussi l’obligation de ne passer outre cette réalité juridique qu’il crée. Il serait donc difficile de prétendre que les tiers puissent être totalement extérieurs au champ contractuel, ainsi qu’à ses perturbations éventuelles à l’instar de l’inexécution. Il faudra cependant distinguer l’opposabilité des contrats aux tiers de celle par les tiers. Par la première, il faut entendre la possibilité pour un contractant (victime) d’opposer le contrat à un tiers lorsque ce dernier a aidé sciemment autrui à violer ses obligations contractuelles. Le tiers ne doit rien faire qui porterait atteinte à la bonne exécution du contrat. S'il le fait, ce tiers verra sa responsabilité délictuelle engagée. 10 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle C'est le cas lorsqu'un salarié est débauché, malgré la présence d’une convention de nonconcurrence10. On parlera alors de « tierce complicité », où la responsabilité civile délictuelle du tiers pourra être engagée pour complicité à l’inexécution d’un contrat. Alors que certains tentent d’insisté sur cette distinction entre la relativité des contrats et le principe d’opposabilité, d’autres ont au contraire, estimé qu’il fallait combiner ces deux principes. M. Denis MAZEAUD est de cet avis. Il considère que « la relativité des conventions se complète avec un « effet attractif qui place les tiers dans une relation duale avec le contrat »11. Dés lors, née l’idée que l’effet relatif doit être complété par le principe d’opposabilité du contrat aux tiers et par les tiers, où ce dernier n’est plus vu come une atténuation du premier12. Selon M. WINTGEN, le principe de l’effet relatif du contrat trouve son explication dans les principes supérieurs de justice commutative, de liberté individuelle et de sécurité juridique13. C’est enfin une considération de sécurité juridique des tiers et des parties qui justifierait la relativité des conventions, celle des tiers s’opposant à ce que leur situation soit affectée par le contrat d’une façon qu’ils n’ont pas acceptée, et celle des parties s’opposant à l’immixtion de tiers dans la relation contractuelle. La notion de « contrat - fait juridique » permet de justifier la notion d’opposabilité. Le tiers victime, étranger au cercle contractuel, ne se prétend pas créancier de l’obligation inexécutée, elle impute au contractant une faute qui est délictuelle à son égard. Ce tiers doit-être distingué du penitus extraneus14 et ainsi être qualifié de « tiersqualifié » ou ce dernier est intéressé par la situation objective crée par le contrat15. 10 Com, 11 Juillet 2000, n° 95-21, 888, NPT, RJDA 2001, n° 250. D. MAZEAUD, Defrénois, 1999, art. 37008, p745. 12 Pour une opinion en sens inverse, cf. J. GHESTIN, Traité, la formation du contrat, 3ème éd., 1993, n°179. 13 R. WINTGEN, op. cit. , n°51 et s. 14 Tiers complètement étranger au contrat. 15 Ph. Delmas Saint-Hilaire, th. Préc. 11 11 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Concernant les obligations violées, certains auteurs ont estimé que pour rechercher la responsabilité du cocontractant envers le tiers, il serait d’une grande utilité d’opérer à la distinction entre les obligations purement contractuelles et celles de portée générale. Il en est de même pour la seconde distinction ayant trait à la proximité du tiers victime avec le contrat inexécuté. Sur la base de cette idée, la jurisprudence accordant toutes sortes de situation et de personnes : irrespect d’une clause de non-concurrence16, vice de construction d’un ascenseur, mise à disposition d’un véhicule défectueux17, escalier défectueux dans un magasin18, commerçant non sélectionné ne respectant pas les règles du réseau, etc. Les tiers, en invoquant le contrat inexécuté par le cocontractant, en vertu du principe d’opposabilité des contrats, caractérise la faute délictuelle commise par ce cocontractant afin de se voir indemnisés. L’inexécution contractuelle apparait donc comme un outil d’indemnisation des tiers, en vertu de cette socialisation des conventions. La qualité de la victime du manquement contractuel devient de plus en plus indifférente aux yeux du juge et l’indemnisation des tiers demeure une priorité du droit positif. Dès lors que le contrat n'est plus appréhendé comme un phénomène isolé du point de vue de l'ordonnancement juridique, la question de son inexécution par l'une des parties pose celle de l'incidence de cette inexécution sur la situation des tiers. De ce constat, il est très important de cerner les conditions d’intervention du tiers victime du manquement contractuel. Tout l’intérêt de ce sujet réside dans le fait que tout l’équilibre du droit des obligations est concerné par la matière ; en plus du principe de l’effet relatif des contrats et de la notion d’opposabilité des conventions vue précédemment, d’autres piliers du droit des obligations sont en jeu. 16 com 24 mars 1998 n° 9615.694, Bull. civ. IV, n° 111, obs. P. Jourdain. Civ. 1re, 7 nov, 1973, n° 71-12.424, Bull. Civ. I, n° 298; RTD civ. 1974, 810, obs. Durry. 18 Civ. 1re, 27 juin 1978, n° 76-14.162, Bull. civ. I, n° 243. 17 12 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Tel est le cas de l’article 1134 alinéa 1er du code civil en ce qu’il limite l’effet des conventions « à ceux qui les ont faites », le principe de non-cumul des deux ordres de responsabilité, à savoir la responsabilité civile contractuelle et celle délictuelle, le principe de distinction des deux ordres de responsabilité et enfin l’article 1382 de Code civil qui conditionne la réparation du préjudice subi à la démonstration d’un fait générateur, la faute délictuelle. Il faut en convenir que le droit des obligations est devenu un droit extrêmement complexe et pointilleux ; il est indéniable notamment que le contenu de l'obligation contractuelle ne présente plus son ancienne clarté. De plus, ce sujet a fait l’objet d’un long et considérable débat doctrinal et jurisprudentiel, qui n’en finit plus, d’où le projet de réforme du droit des obligations, en raison de cette incohérence entre les deux ordres de régime de responsabilité civile. Ici, l’intérêt est tant social que juridique. En effet, la tendance actuelle est à la contractualisation des relations humaines. Il est donc nécessaire pour chacun de savoir à quel degré il intervient et son champ de responsabilité dans le contrat. Face à l’inexécution du contrat, le tiers peut être victime ou responsable. Cependant, lorsque le tiers est responsable de cette inexécution, le problème ne se pose pas véritablement. D’où la limitation de notre devoir aux tiers victimes, étant entendue que c’est ici que demeure véritablement le problème. Généralement lorsqu’on entend inexécution contractuelle, la responsabilité contractuelle va de soit ; cependant qu’en est-il lorsque ce manquement contractuel porte préjudice à un tiers ? La question de droit soulevée est donc celle de l’incidence de l’inexécution du contrat sur les tiers. Plus profondément, quel lien de responsabilité est susceptible de lier les tiers aux parties ? Il sera surtout question de savoir si le tiers victime du manquement contractuel doit nécessairement établir une faute délictuelle du débiteur contractuel indépendante du manquement, ou si cette inexécution du contrat préjudiciable est une condition suffisante pour établir la responsabilité du débiteur défaillant. 13 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Notre étude consistera dans un premier temps à apprécier les fondements de la responsabilité des cocontractants envers les tiers victimes de l’inexécution contractuelle à travers les grands principes gouvernant le droit des obligations et les différentes théories mises en place par le droit positif, tels le principe de l’opposabilité des contrats par les tiers et celui de la relativité des conventions, où la doctrine et la jurisprudence ont joué un rôle considérable (Partie 1). Nous tenterons dans un second temps, d’apprécier l’ampleur que prend aujourd’hui la responsabilité délictuelle des cocontractants vis-à-vis des tiers, solution que l’on se doit de confronter à celles proposées par le droit prospectif (Partie 2). PARTIE 1 : LES FONDEMENTS COCONTRACTANTS DE ENVERS LA LES RESPONSABILITE TIERS VICTIMES DES DE L’INEXECUTION CONTRACTUELLE. PARTIE 2 : L’HEGEMONIE DE LA NATURE DELICTUELLE DE L’ACTION EN RESPONSABILITE DU TIERS VICTIME L’INEXECUTION CONTRACTUELLE. 14 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle PARTIE 1 : LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE DES COCONTRACTANTS ENVERS LES TIERS VICTIMES DE L’INEXECUTION CONTRACTUELLE. 15 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Dans un sens large, l’inexécution du contrat se définit soit comme le retard dans l’exécution, soit comme le défaut d’exécution, soit enfin comme l’exécution défectueuse des obligations contractuelles. Dans ce cas, il peut arriver que ce manquement contractuel porte préjudice à un tiers au contrat. En matière de responsabilité des cocontractants envers les tiers, la doctrine et la jurisprudence ont joué un rôle considérable dans la détermination de la nature de cette responsabilité selon les différents cas pratiques, à travers les différents grands principes gouvernant le droit des obligations. Afin de pouvoir indemniser les tiers victimes, il faudra surtout s’intéresser au fait générateur de responsabilité ; comment un tiers peut-il invoquer une faute contractuelle alors qu’il n’est pas partie à ce dit contrat? Le droit positif n’hésitera pas à faire appel aux grands principes du droit des obligations pour rechercher la responsabilité de la partie contractante envers le tiers victime du manquement contractuel (Chapitre 1). Afin de déterminer le fait générateur d’une telle responsabilité, le juge ira jusqu’à assimiler la faute contractuelle et celle délictuelle (Chapitre 2). CHAPITRE 1 : LA RESPONSABILITE DES COCONTRACTANTS ENVERS LES TIERS AU REGARD DES PRINCIPES DE LA RELATIVITE ET DE L’OPPOSABILITE DES CONVENTIONS. CHAPITRE 2 : L’INEXECUTION GENERATEUR CONTRACTUELLE DE RESPONSABILITE COMME FAIT DELICTUELLE ENVERS LES TIERS. 16 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle CHAPITRE 1 : LA RESPONSABILITE DES COCONTRACTANTS ENVERS LES TIERS AU REGARD DES PRINCIPES DE LA RELATIVITE ET DE L’OPPOSABILITE DES CONVENTIONS. 17 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Il est vrai que tout manquement contractuel entraine nécessairement un préjudice au créancier de l’obligation, partie au contrat ; cependant, il arrive souvent que cette défaillance contractuelle provoque un dommage à un tiers ; autrement-dit, le préjudice est extérieur au contrat, contrairement à la faute du débiteur de l’obligation, qui elle est contractuelle. Il est donc d’intérêt primordial de s’intéresser à ces « tiers victimes » et à la notion de défaillance contractuelle et notamment de remarquer que la jurisprudence dans la recherche de la responsabilité des cocontractants envers les tiers n’a jamais fait de distinction quant-à la nature ou la portée de l’obligation violée (Section 1). Afin de déterminer quel lien de responsabilité est susceptible de lier les tiers aux parties, le droit positif part d’un principe de relativité des conventions jusqu’à celui de l’opposabilité des contrats par les tiers où il semble s’être engagé sur cette dernière voie. (Section 2). SECTION 1 : INEXECUTION CONTRACTUELLE ET TIERS VICTIME SECTION 2 : LE DEBAT DOCTRINAL ENTRE LE PRINCIPE DE LA RELATIVITE ET DE L’OPPOSABILITE DES CONVENTIONS 18 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Section 1 : Inexécution contractuelle et tiers victime. L’indemnisation des tiers victimes sera d’abord possible que lorsqu’on est en présence d’une défaillance contractuelle, et donc d’un contrat, ou le cocontractant manquera à ses obligations contractuelles. Il conviendra dans un premier temps de définir ce manquement au contrat au regard des différents types d’obligations conventionnelles (Paragraphe 1). Nous essayerons ensuite de cibler les différentes catégories de personne pouvant être qualifié de tiers victimes, intéressés au contrat, en raison du préjudice qu’ils ont pu subir suite à ce manquement contractuel, afin de délimiter notre sujet d’étude (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : La notion de défaillance contractuelle. Avant d’entamer notre étude sur la définition du manquement contractuelle, il est utile de préciser qu’il faut être en présence d’un contrat. Autrement-dit, sans contrat, point d’inexécution contractuelle, ce qui parait évident. Pourtant, les juridictions sont parfois amenées à rappeler ce principe ; ce qui fut le cas à propos de voyageurs sans billet19. L’évidence est parfois troublée par l’existence de situations marginales comme le sont les périodes précontractuelles, post-contractuelles, etc. Concernant la période précontractuelle, le principe est celui qu’il n’y à point de manquement contractuel lorsque le dommage a été causé durant cette période. Seulement voilà, la jurisprudence a admis l’existence d’une obligation précontractuelle de renseignement ; l’admission du dol par réticence allait en ce sens20. 19 20 CA Paris, 27 juin 1997, Gaz. Pal. 1999, 1, somm.188. Civ. 1re, 13 mai 2003, n° 01-11.511, Bull. civ. I, n° 114, note Mazuyer. 19 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle En principe le manquement à une telle obligation entraine la responsabilité délictuelle dans le sens où elle résulte d’un acte antérieur à la formation du contrat21. M. Fabre Magnan a estimé que le régime de la défaillance contractuelle s’appliquait dés que le manquement à l’obligation d’information a une incidence sur l’exécution du contrat. Quant à la défaillance contractuelle, elle peut se définir comme un manquement du débiteur de l’obligation contractuelle. Dans un sens large, l’inexécution du contrat se définit soit comme le retard dans l’exécution, soit comme le défaut d’exécution, soit enfin comme l’exécution défectueuse des obligations contractuelles. Par inexécution, il faut entendre l’inexécution totale comme celle partielle. Plus précisément, l’article 1147 du Code Civil prévoit que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ». Certes, l’article 1147 du Code civil, posant la règle, n’emploi pas le mot de faute ; mais celle-ci étant définie en matière délictuelle comme le manquement à une obligation, il est compréhensible que l’inexécution convenue de l’article 1147 ait été analysée comme une faute22, sauf au débiteur défaillant à prouver l’existence d’une cause étrangère. Mais cette faute annoncée n’est alors pas autre chose que l’inexécution de l’obligation convenue : en vérité une défaillance plus qu’une faute du débiteur contractuel. Dés lors, la défaillance contractuelle causera nécessairement un préjudice au créancier de l’obligation. L’inexécution contractuelle s’apprécie au regard de l’obligation convenue. Or, la détermination de ces obligations implicites ne va pas de soi. Surtout, elles peuvent mettre à la charge des contractants des prestations dont l’intensité varie selon les hypothèses. 21 22 Civ. 1re, 15 mars 2005, n° 01-13.018, Bull. civ. I, n° 136, note Cathiard. Com. 19 Janv. 1981, n° 79-14.699, Bull. civ. IV, n° 3 : à propose d’une clause de non-concurrence. 20 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Par exemple, l’obligation de soin du médecin à l’égard de ses patients n’est pas identique à celle du transporteur d’acheminer sains et saufs les voyageurs. La jurisprudence a ainsi imaginé diverses distinctions quant aux obligations contractuelles, parmi lesquelles les plus notoires sont les obligations de moyens, de résultats, de sécurité et de renseignement. Elle a décelé des obligations accessoires à ces contrat ; telle l’obligation de sécurité ou celle de renseignement. Cependant, il existe des cas où le dommage ne survient pas dans la sphère contractuelle ; autrement-dit, le dommage est extérieur au contrat. Le débiteur de l’obligation, de par son manquement, cause un préjudice à un tiers au contrat, et donc, à une personne étrangère au contrat. Paragraphe 2 : La notion de « tiers-victime ». Les tiers pouvant agir contre le contractant défaillant sont tous ceux qui ne sont pas parties au contrat. La qualité de tiers est appréciée au moment de la conclusion du contrat, indépendamment de l’inexécution du contrat. Sont donc considérées comme tiers victimes, toutes les personnes victimes d’un préjudice causé par l’inexécution d’une obligation conventionnelle, où celles-ci n'ont pas été parties au contrat, ni représentées par l'un quelconque des modes de représentation et qui ne tiennent des contractants aucun droit leur conférant la qualité d'ayant cause. Le tiers victime, ne se prétend pas créancier de l’obligation inexécutée, elle impute au contractant une faute qui est délictuelle à son égard. Ce tiers doit-être distingué du penitus extraneus23 et ainsi être qualifié de tiers-qualifié où ce dernier est intéressé par la situation objective crée par le contrat24. Sur la base de cette idée, la jurisprudence accordant toutes sortes de situation et de personnes : irrespect d’une clause de non-concurrence, vice de construction d’un ascenseur, mise à disposition d’un véhicule défectueux, escalier défectueux dans un 23 24 Tiers complètement étranger au contrat. Ph. Delmas Saint-Hilaire, th. Préc. 21 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle magasin, commerçant non sélectionné ne respectant pas les règles du réseau, lui permettant ainsi de réduire de manière déloyale ses prix de vente25, etc. Les tiers victimes de défaillance contractuelle se font de plus en plus nombreux. Ce tiers, extérieur au contrat, ne peut qu’engager la responsabilité délictuelle du cocontractant, en raison de l’absence de contrat entre eux. Les illustrations de cette responsabilité délictuelle des contractants envers les tiers sont nombreuses. il est intéressant de distinguer les « véritables tiers » ; ce ne sont autres que les personnes totalement étrangères au contrat et aux parties, qui n'ont aucun lien de droit avec elles ; autrement-dit, les fameux « penitus extranei » ; il faut entendre ici, tout tiers n’ayant de rapport juridique actuel. Nous avons aussi ceux qui ne sont pas vraiment tiers. Il s’agira d’une catégorie intermédiaire de personnes extérieurs au contrat mais cela dit, ne sont pas totalement étrangères à celui-ci. C’est l’exemple des créanciers chirographaires et des ayants-cause à titre particulier. Les tiers pouvant agir contre le contractant défaillant sont tous ceux qui n’étaient pas parties à la formation du contrat. La qualité de tiers est appréciée dés la conclusion du contrat. Sont donc considérées comme tiers, les personnes qui n'ont pas été parties à la convention, ni représentées par un mécanisme de représentation et qui ne tiennent des contractants aucun droit leur conférant la qualité d'ayant cause. Certains auteurs distinguent l'action du tiers totalement étranger au contrat, celle des victimes par ricochet, celle des tiers bénéficiaires de l'exécution du contrat, celle des tiers victimes d’une prestation de service défectueuse et enfin celle des coparticipants à une activité commune, dans les hypothèses de collaboration entre professionnels. Selon la doctrine contemporaine, les cas d’action possibles des tiers totalement étrangers au contrat seront ceux, tels celui du passant ou du voisin blessé par la chute de 25 Com. 1er juill. 2003, n° 99-17.183, Bull. civ. IV, n° 115; D. 2003, AJ 2235. 22 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle pierres pendant l'exécution d'un chantier par un entrepreneur. Ensuite on trouve l'action des victimes par ricochet ; elles sont tiers à la formation du contrat qui est à l'origine du dommage causé à la victime initiale.Les situations les plus courantes ont trait à l’exécution défectueuse d’une prestation de service ou à la livraison de produits défectueux ou dangereux. En tant que tiers, les victimes par ricochet sont admises à invoquer la responsabilité délictuelle du cocontractant de la victime directe. La jurisprudence a notamment jugé en 2000 que : « Dès lors que les fautes commises par un médecin et un laboratoire dans l’exécution des contrats formés avec une femme enceinte l’ont empêché d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues 26 » ; il s’agit bien sûr de la fameuse jurisprudence « Perruche ». Autre exemple, celui des parents d'un patient, désormais autorisés à exercer une action contre le médecin sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil27. Cette même jurisprudence a été appliquée pour reconnaître la responsabilité d'un centre de transfusion sanguine28 Il existe une catégorie de personnes qualifiée de « tiers bénéficiaires » de l'exécution du contrat ; c’est le cas des membres de la famille du locataire qui sont en principe des tiers par rapport au bailleur et peuvent agir contre lui29. Enfin, il existe des tiers victimes d'une prestation de service défectueuse. C’est le cas du mandataire qui, dans l'exécution de son mandat, commet des fautes qui nuisent à des tiers ; dés lors, il engage sa responsabilité délictuelle à leur égard30. 26 Ass. plén, 17 novembre 2000, Bull. 2000. Civ. 1ère, 18 juillet 2000, Bull., n° 221. 28 Civ. 1ère, 13 février 2001, Bull., n° 35. 29 Civ. 1ère, 13 décembre 1989, Bull., n° 222, RTD civ. 1990, p. 645, obs. J. Mestre. 30 Ch. Mixte, 26 mars 1971, Bull., n° 6. 27 23 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Cette même solution a été admise à propos de l'exécution d'un contrat de prêt, d'un contrat de transport, d'un contrat d'entreprise ou d'un dépôt bancaire. Après avoir vu la notion de manquement contractuel et les personnes susceptibles d’être qualifiées de tiers-victimes et les cas d’inexécution provoquant un dommage aux tiers, il est intéressant de voir que pour déterminer les fondements de la responsabilité des contractants vis-à-vis des tiers jurisprudence, un houleux débat doctrinal à vu le jour entre adhérents au principe de l’effet relatif des contrats et défendeurs du principe de l’opposabilité des conventions. Section 2 : Le débat doctrinal entre le principe de la relativité et celui de l’opposabilité des conventions. Afin de déterminer quel lien de responsabilité est susceptible de lier les tiers aux parties, la doctrine a joué un rôle considérable dans ce débat sur les fondements de la responsabilité des contractants envers les tiers. La majorité des auteurs sont partis de l’adage « Res inter alios acta aliis neque nocere neque prodesse potest » pour en déduire un principe de relativité des conventions. C’est en effet l’article 1165 du Code Civil qui traduira cette règle où l’idée est qu’un contrat passé entre des parties ne rend pas les tiers débiteurs ou créanciers (Paragraphe 1). Peu à peu, la doctrine moderne a mis au point la thèse du "contrat-fait", autrement-dit, l’idée d’une socialisation du contrat, où les tiers pouvaient être intéressés à ce dernier ; cette théorie a permis de dégager le principe de l'opposabilité du contrat. Le droit positif semble s’être engagé sur cette seconde voie (Paragraphe 2). 24 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Paragraphe 1 : Le principe d’effet relatif des contrats comme sécurité juridique des parties contre l’immixtion des tiers dans la relation contractuelle. Le contrat est un lien de droit, un rapport juridique entre deux personnes appelées « parties » ou « cocontractants », en vertu duquel l’une d’elles peut exiger de l’autre la réalisation d’une prestation. Il s’agit dés lors, d’un accord de volonté entre deux personnes destiné à produire des effets de droit. Le fondement du contrat réside dans la théorie philosophique qui remonte au XVIIIème siècle qui est celle de l’autonomie de la volonté. La force obligatoire du contrat est l’effet principal de celui-ci. L’article 1134 du Code Civil prévoit ce principe ; il énonce dans son premier alinéa : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Le contrat à donc force obligatoire entre les parties ; d’où le principe de l’effet relatif des conventions. L’article 1165 du Code Civil à cet égard dispose que « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes, elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121 ». Ce cas prévu par l’article 1121 de Code Civil n’étant autre que la stipulation pour autrui. L’article interdit donc à un tiers au contrat de se prévaloir de ces stipulations, il n’est donc pas concerné ou tenu par des conventions auxquelles il n’a pas participé. Il s’agit cependant d’un principe fondamental en droit des obligations. Ce cas prévu par l’article 1121 de Code Civil n’étant autre que la stipulation pour autrui. C’est la consécration de l’adage « Res inter alios acta aliis neque nocere neque prodesse potest ». Ainsi, un contrat passé entre des parties ne rend pas les tiers débiteurs ou créanciers. Ce principe de la relativité des conventions, gouvernant ainsi le droit des obligations, à donc été traduis à l’article 1165 de code civil. Ce texte énoncé par les glossateurs à l’époque romaine à pour traduction « l’accord passé entre les uns ne saurait ni nuire, ni profiter aux autres ». A sa lecture, il faut entendre par « tiers », celui qui n’a pas été partie à la formation du contrat, qui n’a pas 25 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle échangé son consentement. C’est donc toute personne étrangère à un acte juridique. Cette règle est un des piliers des relations entre les conventions et les tiers. Cet adage a fait l’objet de nombreux travaux, notamment ceux de Simone CALASTRENG, avec sa thèse portant sur le principe de la relativité des conventions31. La règle de la relativité des contrats a fait naitre plusieurs autres thèses, dont celles de BARTIN et de DEBRAND. Ces travaux ont permis d’apporter plusieurs réponses aux problèmes soulevés en matière de relativité des conventions. A la lecture du texte, le tiers est celui qui n’a pas été partie à la formation du contrat, qui n’a pas échangé son consentement. C’est donc toute personne étrangère à un acte juridique. Seulement cette notion est protéiforme. Il est donc nécessaire de distinguer les « tiers absolus », totalement étrangers au contrat de ceux qui, par un lien ou un autre sont en relation avec l’une des parties. Chaque individu étant indépendant, seule sa volonté peut restreindre sa liberté et le lier. Dès lors que l’obligation a sa source dans la volonté, ne peuvent être tenus que ceux qui l’ont voulu. Inspiré de la théorie de l’autonomie de la volonté et de Pothier, apparue un siècle plus tôt en droit romain, le principe de l’effet relatif, repris par les rédacteurs du Code civil de 1804 sans que cela provoque de véritable discussion, avait valeur d’évidence. BIGOT-PREAMENEU retient que « Chacun ne pouvant contracter que pour soi, les obligations ne doivent avoir d'effet qu'entre les parties contractantes et ceux qui les représentent. Il serait injuste qu'un acte auquel une tierce personne n'a point concouru pût lui être opposé ». Un autre auteur, M. ANCEL, a estimé quant à lui, que le principe d’opposabilité des contrats, notamment par les tiers, est un aspect que revêt la force obligatoire à l’égard des tiers. Selon lui, il faut distinguer entre « obligationnel », qui ne concernerait en principe que les parties, et « obligatoriété », qui serait nécessairement générale32. 31 S. CALASTRENG, La relativité des conventions, th. Toulouse 1939. P. ANCEL, note précitée., n°53 : « ces normes qui, en raison de leur origine privée, n’ont en principe qu’un effet personnel limité, n’en sont pas moins,en ce qu’elles procèdent d’une habilitation légale, obligatoires pour tout le monde ». L’analyse de P. ANCEL prolonge le raisonnement tenu par M. 32 26 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Ce principe de la relativité des conventions était donc perçu pour certain comme un outil permettant un certain isolement du contrat. Cet idée traduit parfaitement la position de la doctrine, ou l’on retrouve notamment celle d’AUBRY et RAU, estimant que tous « les contrats ne peuvent ni être opposés aux tiers ni être invoqués par eux ». Autrement-dit, dès lors que l’obligation a sa source dans la volonté, ne peuvent être tenus que ceux qui l’ont voulu. On s'interroge aujourd'hui sur les notions de parties et de tiers. Le contrat est le fruit de la volonté des parties ; il ne peut produire d'effet qu'entre ces mêmes parties. Le lien de droit ainsi créé a donc intrinsèquement un effet relatif. Dès lors, il serait logique de reconnaître a priori dans le prolongement de cette idée de relativité du lien contractuel, que l'inexécution de l'accord de volonté par l'un des cocontractants, qu'elle soit volontaire ou non, ne puisse produire d'effet au-delà du cercle des parties à l'acte ; l'inexécution contractuelle aurait donc elle-même un effet relatif33. En ce qui concerne les tiers, il faut tout d’abord distinguer les « véritables tiers » ; ce ne sont autres que les personnes totalement étrangères au contrat et aux parties, qui n'ont aucun lien de droit avec elles ; autrement-dit, les fameux « penitus extranei » ; il faut entendre ici, tout tiers n’ayant de rapport juridique actuel. Nous avons aussi ceux qui ne sont pas vraiment tiers. Il s’agira d’une catégorie intermédiaire de personnes extérieurs au contrat mais cela dit, ne sont pas totalement étrangères à celui-ci. C’est l’exemple des créanciers chirographaires et des ayants-cause à titre particulier. Selon M. WINTGEN, le principe de l’effet relatif du contrat trouve son explication dans les principes supérieurs de justice commutative, de liberté individuelle et de sécurité juridique. BILLIAU qui conçoit l’opposabilité comme un « instrument au service de la force obligatoire du contrat » (La Semaine Juridique, Éd. G, 3570, p. 149). 33 Le contrat, source de responsabilité envers les tiers, Petites affiches, 23 septembre 2003 n° 190, P. 3. 27 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Cette règle permet surtout une sécurité juridique au profit des parties, où ces dernières peuvent s’opposer à l’immixtion de tiers dans la relation contractuelle. Cette justice commutative va permettre de justifier la limitation du transfert de valeurs aux patrimoines des parties au contrat. Quant au principe de la liberté individuelle, il s’opposerait à ce que la volonté des uns ne lie les autres en dehors des cas prévus par la loi. Et c’est enfin une considération de sécurité juridique des tiers et des parties qui justifierait que l’effet relatif des contrats trouve ainsi sa justification dans le fait qu’elle permet une sécurité juridique à la fois des tiers et en même temps des parties, dans le sens où les tiers pourront tout d’abord s’opposer à ce que leur situation soit affectée par le contrat d’une façon qu’ils n’ont pas acceptée, car ils ne l’ont tout simplement pas voulu. Ensuite, cette relativité des conventions est d’autant plus justifier par le fait que les parties à la convention pourront dés lors s’opposer à l’immixtion de tiers dans la sphère contractuelle. Ainsi, la jurisprudence a estimé le 5 mai 1970, que ce principe de la relativité des contrats veux que le régime de la défaillance contractuelle soit inapplicable lorsque la victime est étrangère au contrat34. En raison de nombreuses critiques dues à la complexification des relations sociales et à l’insuffisance de ce principe, le droit positif a vu naitre un autre grand principe, vu comme un outil complémentaire à celui de l’effet relatif des conventions dont le principal but est celui d’indemniser les tiers victimes de défaillance contractuelle. Il s’agira bien sûr du principe de l’opposabilité des contrats par les tiers. Paragraphe 2 : L’émergence du principe d’opposabilité des contrats par les tiers. Il est intéressant de noter que cette règle de la relativité des contrats, stricte au vue de la lettre de l’article 1165 du code civil, avait fait l’objet de critiques. 34 Civ. 3e, 5 mai 1970, n° 68- 14.200, Bull. civ. I, n° 298. 28 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle La doctrine contemporaine en la matière, n’a pas hésité à reprocher l’individualisme total du droit des obligations ; M. SAVATIER avait reproché à cette règle de la relativité des conventions, de camoufler l’aspect social des affaires de chacun. « Ces dernières auprès d'un côté individuel, ont aussi un côté social. Il faut donc reconnaître qu'elles ne concernent pas seulement celui qui y préside, mais à certains points de vue la société et, par conséquent, les tiers ». Cette approche n’a été remise en cause qu’un siècle plus tard avec la naissance de la théorie de la « socialisation du contrat, laquelle, sous l’influence de la doctrine, et notamment de M. LALOU. Cette critique soulève l'idée de cette "socialisation". Il est vrai qu’à travers l'effet relatif des conventions, les tiers ne peuvent aucunement être créanciers ou même débiteurs en raison d'un contrat auquel ils n'ont point signé. Cependant, rien n’empêche à la convention d’avoir, à leur égard, des répercussions. La doctrine contemporaine a ainsi élaboré la théorie dite du "contrat-fait". Le contrat crée au même titre que les autres règles de droit une situation de fait que les tiers ne peuvent ignorer. Dès lors, le contrat ne peut plus être conçu comme un élément isolé. Il doit aussi être appréhendé comme une composante de l’ordre juridique dans lequel il s’insère. La doctrine moderne a dégagé ce principe de l'opposabilité du contrat. Le contrat et la situation juridique découlant de ce premier, sont en tant que faits opposables aux tiers. La théorie de l’opposabilité du contrat conduit a distinguer l’effet obligatoire du contrat strictement limité aux parties contractantes, et la situation juridique née du contrat, opposable aux tiers par les parties, et aux parties par les tiers. Si le principe de l’effet relatif du contrat exonère les tiers du respect des stipulations contractuelles, le principe de l’opposabilité induit pour eux le droit de se prévaloir du contrat, mais aussi l’obligation de ne passer outre cette réalité juridique qu’il crée. Il serait donc difficile de prétendre que les tiers puissent être totalement extérieurs au champ contractuel, ainsi qu’à ses perturbations éventuelles à l’instar de l’inexécution. En effet, un auteur a estimé qu’il était possible de relever qu' "il s'est rapidement révélé que du fait de l'imbrication des relations sociales et de la circulation des richesses, bien 29 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle souvent les tiers victimes qui se prévalent de la responsabilité délictuelle sont en fait, d'une façon ou d'une autre, liés au contrat dont la mauvaise exécution leur a causé un dommage"35. Cependant, dans notre étude, nous nous attacherons seulement à l’opposabilité des contrats par les tiers, dans le sens où l’objet d’étude n’est autre que le tiers victime du manquement contractuel. La mise en œuvre jurisprudentielle de cette opposabilité des contrats par les tiers a été opérée par arrêt assez ancien datant de 1931, où la Cour de Cassation a admis l’action d’un tiers en responsabilité délictuelle contre un contractant36 ; il s’agit là d’un arrêt de principe. La Cour de cassation a repris cette conception en considérant que « si, en principe, les conventions ne sont pas opposables à ceux qui n'y ont pas été parties, il ne s'ensuit pas que le juge ne puisse pas rechercher dans les actes étrangers à l'une des parties en cause des renseignements de nature à éclairer sa décision, ni ne puisse considérer comme une situation de fait vis-à-vis des tiers les stipulations d'un contrat »37. Cette solution a ensuite été reprise dans un attendu de principe ; « s'ils ne peuvent être constitués ni débiteurs ni créanciers, les tiers à un contrat peuvent invoquer à leur profit, comme un fait juridique, la situation créée par ce contrat38 ». Certains auteurs ont défini ce principe d'opposabilité du contrat comme une « approche qui veut que les parties puissent être responsables de leurs agissements à l'égard de personnes autres que celles qui appartiennent au cercle étroit des parties au contrat est en définitive révélatrice de la modification de l'analyse du lien contractuel. Désormais, le contrat n'a plus pour objet la seule satisfaction des attentes exprimées par les parties mais répond aussi à un objet social. Il apparaît de ce point de vue moins comme ayant 35 M. Espagnon, juris-classeur, fasc. 176-20, § 2. 1ère Civ., 22 juillet 1931, D. H 1931, p. 506 : « Attendu que si dans les rapports des parties entre elles, lesdispositions des articles 1382 et 1383 du code civil ne peuvent en principe être invoqués pour le règlement de la faute commise dans l’exécution d’une obligation résultant d’un engagement contractuel, elles reprennent tout leur empire au regard des tiers étrangers au contrat ». 37 1ère Civ., 6 février 1952, Bull., n° 55. 38 Com., 22 octobre 1991, Bull., n° 302, RJDA 1992, p. 12. 36 30 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle un enjeu restreint participant d'un ensemble de volontés individuelles que comme étant pourvu d'un enjeu global, c'est-à-dire ayant une fonction d'organisation sociale39 ». Alors que certains tentent d’insisté sur cette distinction entre la relativité des contrats et le principe d’opposabilité tels que WEILL dans sa thése sur la relativité des conventions40, d’autres ont au contraire, estimé qu’il fallait combiner ces deux principes. M. Denis MAZEAUD est de cet avis. Il a ainsi estimé que ce lien entre ces deux principes reflète « la variété des effets du contrat et des obligations qu’il engendre ». Cet auteur semble rejeter une possible contradiction entre ces deux principes et va même jusqu’à considérer que la relativité des conventions se complète avec un « effet attractif qui place les tiers dans une relation duale avec le contrat ». Jean-Louis GOUTAL lorsqu’il écrit que « l’opposabilité du contrat procède de l’idée qu’il est un fait social, qu’il a créé une situation qu’aucun membre de la société n’est fondé à méconnaître – ni les tiers ni les parties41 ». A l’inverse, dans sa thèse, M. WINTGEN tend à démontrer qu’il fallait voir au cas par cas, pour chacun des effets du contrat, si l’opposabilité est justifiée au regard de certaines règles de droit. Dès lors qu’il n’est plus appréhendé comme un phénomène isolé du point de vue de l’ordonnancement juridique, le contrat est devenu « un lieu de responsabilité ouvert envers les tiers »42. Ainsi, la situation sociale et juridique née du contrat est opposable par les tiers aux parties. Un tiers peut invoquer un contrat pour rechercher la responsabilité d'une partie, lorsqu'il subit un préjudice du fait de la mauvaise exécution du contrat ; l’exemple type sera celui du vice de construction affectant une automobile ayant provoqué un accident dans lequel un tiers a été blessé ; Un autre exemple très intéressant en ce qui concerne le 39 O. Debat, Le contrat, source de responsabilité envers les tiers, Les petites affiches 23 septembre 2003, n° 190, p. 3. 40 A. WEILL, La relativité des conventions en droit privé français, th. Strasbourg, 1938. 41 J. – L. GOUTAL, Essai sur le principe de l’effet relatif du contrat, LGDJ, 1981, n°33. 42 O. DEBAT, article précité. 31 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle fondement de la responsabilité des cocontractants envers les tiers, sera celui du vice de construction d'un immeuble affecte les conditions d'occupation d'un appartement par le locataire, tiers au contrat de construction. L’inexécution contractuelle emporte pour le cocontractant des conséquences différentes à l'égard des parties et des tiers. A l'égard des parties, le contractant défaillant engage sa responsabilité contractuelle, tandis qu'à l'égard du tiers, il engage sa responsabilité délictuelle. Ce principe d’opposabilité, induit la faculté pour les tiers, dans l'hypothèse de la méconnaissance de cette situation par ceux qui l'ont créée, d'en obtenir la sanction juridique en se plaçant sur le terrain délictuel. Quant au travail de la jurisprudence dans ce débat doctrinal entre effet relatif des contrats et opposabilité des conventions par les tiers, le juge a rapidement eu recours à la responsabilité délictuelle43 ; cette dernière apparait alors comme un outil de protection contre les préjudices dont souffrent les tiers à l'occasion de l'exécution de contrats auxquels ils ne sont juridiquement pas parties. La jurisprudence à ainsi fait prévaloir la règle élémentaire d'équité et d'ordre public inscrite dans l'article 1382 du Code Civil sur le principe égoïste formulé dans l'article 1165 quand la violation d'un contrat constitue de la part des contractants une faute à l'égard d'un tiers, reconnaissant ainsi à un non contractant une action en responsabilité délictuelle contre un contractant"44 . Le principe selon lequel un tiers peut agir en responsabilité contre le contractant sur le fondement délictuel a été énoncé en 1931 par la Cour de cassation, dans un attendu de principe, maintes fois réaffirmé depuis45. Dans cet arrêt, la première chambre civil de la Cour de Cassation a considéré qu’ « attendu que si dans les rapports des parties entre elles, les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil ne peuvent en principe être invoquées pour le règlement de la faute commise dans l'exécution d'une obligation résultant d'un engagement contractuel, elles reprennent leur empire au regard des tiers étrangers au contrat ». 43 Req., 23 février 1897, S., 1898, I, 65 et Req., 9 mars 1936, D. H, 1936, p. 233. H. Lalou, op.cit., p. 72. 45 Civ. 1ère, 22 juillet 1931, DH 1931, p. 506. 44 32 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Malgré ce grand débat doctrinal entre ces deux grands principes, où certains estiment que seul l’effet relatif des contrats prévaut en matière de relation entre les cocontractants et les tiers et d’autres considèrent que le principe d’opposabilité des contrats prévaut et qu’il ne doit pas être vu comme une atténuation au premier principe mais plutôt vu comme complétant celui de la relativité des conventions, la jurisprudence a apparemment décidé de se placer du coté de la doctrine contemporaine adhérant à l’effet attractif du contrat, autrement-dit, au principe d’opposabilité des contrats par les tiers. Cependant, il serait maintenant temps de se pencher sur la mise en œuvre de cette responsabilité délictuelle du cocontractant défaillant afin que le tiers soit dédommagé du préjudice qu’il a subi par ce manquement. Dés lors, nous devons nous interroger sur un point très important qui est celui de la faute; par faute, il faut entendre la question du fait générateur de responsabilité du cocontractant à l’égard des tiers. 33 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle CHAPITRE 2 : LE FAIT GENERATEUR DE RESPONSABILITE DES COCONTRACTANTS ENVERS LES TIERS A TRAVERS LA FAUTE ET LE LIEN CAUSAL 34 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Une chose est sûre, le tiers victime de défaillance contractuelle doit nécessairement agir en responsabilité civile délictuelle dans le sens où il n’est pas partie à la convention. Ainsi, le régime juridique de ce qui est devenu la « responsabilité contractuelle » nous est présenté par la doctrine contemporaine selon le même schéma que la responsabilité délictuelle, avec ses trois composantes que sont la faute, le préjudice et le lien de causalité. Dés lors, nous sommes ici au cœur du débat ; La question soulevé suites aux différents cas d’inexécutions contractuelles est celle du fait générateur de responsabilité des cocontractants envers les tiers à travers la notion de « faute ». Ainsi, nous verrons les réponses apportées par le droit positif en ce qui concerne le fait générateur de responsabilité des contractants envers les tiers à travers la faute contractuelle et notamment à travers la théorie de la relativité de la faute contractuelle et celle de l’assimilation de la faute contractuelle et délictuelle (Section 1). Nous verrons ensuite dans un second temps, les critiques pouvant-être apportées au raisonnement du juge ayant conduit à la solution en vigueur à ce jour, à savoir, l’identité des fautes contractuelle et délictuelle (Section 2). SECTION 1 : DE LA RELATIVITE DE LA FAUTE CONTRACTUELLE A L’ASSIMILATION DES FAUTES CONTRACTUELLE ET DELICTUELLE : UNE « VALSE-HESITATION JURISPRUDENTIELLE » ET DOCTRINALE. SECTION 2 : LA POSITION DU DROIT : UNE SOLUTION GENERALE ET INACHEVEE. 35 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Section 1 : de la relativité de la faute contractuelle à l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle : une « valse-hésitation jurisprudentielle46 » et doctrinale. L’action d’un tiers en responsabilité délictuelle contre un contractant a été admise depuis très longtemps par la jurisprudence ; cette possibilité offerte au tiers marque l’émergence d’un principe d’opposabilité des contrats. Seulement, le centre du débat ne se situe pas dans la mise en œuvre de l’opposabilité des contrats mais dans la question de droit qui est la suivante ; le tiers, victime d’un dommage causé par le manquement contractuel, doit-il lorsqu’il exerce une action en responsabilité délictuelle contre le cocontractant défaillant, apporter la preuve d’une faute délictuelle spécifique, distincte de la faute contractuelle, ou peut-il se contenter de démontrer que son dommage procède de l’inexécution ou de la mauvaise exécution contractuelle imputable au débiteur ? Dés lors, on peut affirmer que nous sommes bien au cœur du débat. Il serait particulièrement malvenu de procéder à l’étude du droit positif en matière de responsabilité du contractant défaillant vis-à-vis d’un tiers sans évoquer au préalable les différentes étapes ayant conduit à l’adoption de la solution jurisprudentielle en vigueur à ce jour. La jurisprudence, a depuis fort longtemps imposé la preuve d’une faute délictuelle détachable de tout manquement contractuel afin d’engager la responsabilité du contractant envers le tiers victime d’un préjudice issu de cette défaillance contractuelle. Dés lors, l’article 1382 du Code Civil devait s’appliquer au regard des conditions prévues. Plusieurs jurisprudences en la matière ont suivi cette voie de la relativité de la faute contractuelle ; en 196247, 197048, 197849, etc. Seulement, on assiste dans les 46 Expression employée dans l’avis de M. l’avocat général A. GARIAZZO, Bulletin d’information de la Cour de cassation, n° 651, p. 57. 47 1ère Civ., 9 octobre 1962, Bull., n° 405, p. 349 48 3ème Civ. , 15 octobre 1970, Bull., n° 515, p. 375. 36 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle années 1980, à un retour à l’autonomie de la faute délictuelle par rapport au contrat. Cependant, à cette même période, on s’aperçoit que les juges considéraient au contraire, que toute inexécution contractuelle provoquant un dommage aux tiers, devaient nécessairement constituer une faute délictuelle50. Dans cette « valse-hésitation jurisprudentielle » et aussi doctrinale, sur la mise en œuvre de la responsabilité du cocontractant envers le tiers-victime du manquement contractuel, il faudra distinguer la théorie de la relativité de la faute contractuelle à travers la jurisprudence et la doctrine (Paragraphe 1), de la thèse de l’assimilation du manquement contractuel et de la faute délictuelle (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : la position doctrinale et jurisprudentielle sur la relativité de la faute contractuelle. I. La position jurisprudentielle Selon cette thèse, le principe de l’effet relatif du contrat n’engendre de responsabilité envers des tiers que si le manquement contractuel est doublé d’un écart de conduite, caractérisant la faute délictuelle ; notamment d’un manquement à une obligation générale de prudence et de diligence. Donc toute faute contractuelle n’est pas ipso facto une faute délictuelle et le contractant défaillant qui a causé un dommage à autrui ne sera sanctionné que lorsque ce dernier aura causé ce même dommage en dehors du contrat. Ainsi, toute faute contractuelle ne constitue pas automatiquement une faute délictuelle. Diverses formulations dans les arrêts consacrant cette thèse ont été retenues par la Cour de Cassation, ce qui montre la difficulté à cerner ce qui relève d’un manquement général à une règle de conduite. Dans un premier temps, par de nombreux arrêts 51, elle a considéré que les tiers ne pouvaient obtenir réparation que s’ils démontraient l’existence 49 1ère Civ., 23 mai 1978, Bull., n° 201, p. 161. 16 décembre 1992, Bull., n° 316, p. 207, R.T.D Civ., 1993, p. 362 obs. P. Jourdain. 51 Civ. 1ère, 9 oct. 1962, Bull No 405; Civ. 1ère, 7 nov. 1962, Bull No 465 ; Civ. 3è me , 15 oct 1970, Bull No 515 ; Civ, 3ème 18 avril 1972, Bull No233 ; Civ1ère, 23 mai 1978, Bull No 201. 50 37 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle d’une « faute délictuelle envisagée en elle-même, indépendamment de tout point de vue contractuel »52. Par contre, des arrêts ultérieurs se sont référés à la violation d’une obligation générale de prudence et de sécurité. Ainsi, dans un arrêt rendu en matière de transport maritime, la chambre commerciale a retenu que « le fait d’une partie au contrat peut à l’égard d’un tiers à celui-ci, constituer une faute quasi délictuelle par la violation d’une obligation générale de prudence et de diligence, bien qu’il pût être aussi un manquement de cette partie à ces obligations contractuelles »53.En l’espèce, la faute contractuelle de l’affréteur envers le fréteur pouvait était constitutive d’une faute délictuelle envers l’acheteur des marchandises, tiers à la convention. La chambre commerciale a utilisé une formulation voisine dans un arrêt du 17 juin 1997 dans lequel elle a retenu que « si la faute contractuelle d’un mandataire à l’égard de son mandant peut être qualifiée de faute quasi délictuelle à l’égard d’un tiers, c’est à la condition qu’elle constitue aussi la violation d’une obligation générale de prudence et de diligence »54. La première chambre civile a, elle aussi, appliqué ce principe de la relativité de la faute contractuelle dans un arrêt non publié55. Il en sera de même, dans un arrêt non publié rendu le 8 octobre 200256. La jurisprudence estima donc, qu’il fallait prouver la faute délictuelle indépendamment de la faute contractuelle57. La chambre commerciale n’a pas hésité à utiliser une formulation voisine dans un arrêt du 17 juin 1997 dans lequel elle a retenu que « si la faute contractuelle d’un mandataire à l’égard de son mandant peut être qualifiée de faute quasi délictuelle à l’égard d’un tiers, c’est à la condition qu’elle constitue aussi la violation d’une obligation générale de prudence et de diligence ». C’est cette formulation qui sera solennellement reprise 52 Voir arrêts sus évoqué. Com. 2 avril 1996, Bull., n°101 54 Com., 17 juin 1997, Bull., n° 187, p. 164, JCP G 1998, I, 144, G. Viney. 55 ère 1 . Civ., 16 décembre 1997, n° 95-22.321. 56 Com., 8 octobre 2002, n° 98-22.858 ; JCP G 2003, I, 152, n° 3, G. Viney. 57 ère 1 . Civ., 11 avril 1995, Bull., n° 171, p. 122, R.T.D Civ., 1995, p. 895 obs. P. Jourdain, a fondé la condamnation d'un mandataire, vis à vis d'un tiers autre que le mandant, sur "des fautes quasi délictuelles détachables des obligations du contrat de mandat". 53 38 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle par dans un arrêt publié58, de cette même formation, en ces termes : « un tiers ne peut sur le fondement de la responsabilité délictuelle, se prévaloir de l’inexécution d’un contrat qu’à la condition que cette inexécution constitue un manquement à son égard du devoir général de ne pas nuire à autrui ». A travers cette théorie de la relativité de la faute contractuelle, on peut ainsi en déduire une certaine invocabilité de la faute contractuelle par le tiers. Ce courant jurisprudentiel sera soutenu par plusieurs auteurs. II. La position doctrinale : Certains n’ont pas hésité à soutenir cette théorie de la relativité de la faute contractuelle en critiquant la thèse adverse, à savoir celle de l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle. C’est notamment le cas de M. Denis Mazeaud, qui estime que cette dernière conduit à brouiller une distinction des notions de partie et de tiers au contrat et surtout, à fragiliser la conciliation entre les principes de l’effet relatif du contrat et de l’opposabilité du contrat par les tiers. L’action exercée par le créancier contractuel étant de nature différente que celle exercée par le tiers victime de défaillance contractuelle, leur régime doit être distinct. M. VINEY a estimé que l’assimilation des fautes contractuelles et délictuelles conduisait aussi à permettre un panachage des règles contractuelles et délictuelles59. L’indépendance des fautes délictuelle et contractuelle a malheureusement conduit à permettre au tiers de se servir du contrat pour exercer son action en responsabilité délictuelle sans pour autant devoir respecter les clauses de ce contrat qui le gênent. Dans le même ordre d’idée, MM. TERRE, SIMLER et LEQUETTE estiment que « permettre à un tiers d’invoquer la faute contractuelle du débiteur revient à lui permettre de réclamer indirectement à son profit le bénéfice d’un contrat auquel il n’est 58 59 Com. 5 avril 2005, Bull No 81 G. Viney, op. cit., n° 213, p. 394, spéc., p. 403. 39 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle pourtant pas partie … sous couvert d’opposabilité du contrat, c’est porter directement atteinte au principe de l’effet relatif du contrat60 ». Selon JOURDAIN « tout dépend en réalité de la portée de l’obligation contractuelle violée. Si elle se limite au cercle étroit des parties contractantes, sa transgression ne pourra constituer une faute délictuelle. Au contraire si par son objet, elle intéresse les tiers, ceux-ci doivent être autorisés à se prévaloir de sa transgression pour établir la faute délictuelle ». Aussi approuve-t-il la jurisprudence la plus récente de la chambre commerciale consacrant la relativité de la faute contractuelle dans la mesure où « il est des obligations dont la portée est limitée aux seules parties contractantes et qui ne tendent nullement à protéger les tiers ni à leur procurer un quelconque avantage61 ». Ce n’est que lorsque les obligations inexécutées n’ont pas été souscrites au profit exclusif du créancier contractuel, que leur inexécution est constitutive d’un manquement à un devoir général ; dés lors, les tiers peuvent agir contre le cocontractant si la défaillance contractuelle leur a causé un préjudice. L’exemple type, sera celui de l’irrespect de la clause de non-concurrence. Le manquement à l’obligation de nonconcurrence du vendeur à l’égard de l’acheteur d’un fond de commerce, ne constitue pas une possible action en responsabilité délictuelle par les concurrents de l’acheteur. Les tiers pourront se prévaloir d’un manquement à une obligation contractuelle, dés lors que cette dernière aura un objet qui intéresse les tiers. Les victimes par ricochet sont la catégorie de personne la plus protégé en la matière. Par exemple, les obligations de sécurité, d’information ou de conseil traduisent une norme de comportement de portée générale. D’autres auteurs se rallient à la thèse séparatiste ; Deux de ces auteurs62 partage l’idée que, pour rechercher la responsabilité délictuelle du cocontractant défaillant, il faut distinguer deux hypothèses qui sont les suivantes ; lorsque l’obligation violée constitue un devoir général de comportement, tel les obligations de sécurité et d’information, la relativité de la faute contractuelle n’est pas justifiée. 60 F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, Droit civil-Les obligations, Précis Dalloz, 8ème édition, n° 495. P. Jourdain, RTD civ., 2005, p. 602. 62 D. Mazeaud et G. Viney. 61 40 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Au contraire, si l’obligation manquée est limitée au cercle étroit des parties et donc assumée par le débiteur au profit du seul créancier contractuel, c’est ainsi admettre que « l’inexécution d’une telle obligation, strictement contractuelle, constitue nécessairement une faute délictuelle, dont un tiers peut se prévaloir pour agir en responsabilité délictuelle contre le débiteur contractuel, conduit à neutraliser la distinction des notions de parties et de tiers au contrat. En effet, le tiers victime est alors soumis au même régime, du moins sur le plan de la preuve de la faute, que le créancier contractuel, et réclame et obtient alors, peu ou prou, l’exécution par équivalent d’un contrat auquel il n’était pas partie. [...] L’effet attractif du contrat qu’emporte l’identité des fautes contractuelle et délictuelle empiète alors sur le principe de l’effet relatif du contrat63 ». Mais ce courant jurisprudentiel, maintenu par la chambre commerciale, consacrant l’autonomie de la faute délictuelle par rapport à la faute contractuelle n’a pas empêché le développement d’un autre courant lui aussi bien nourri qui procède d’une assimilation de ces deux fautes. Paragraphe 2 : La consécration de la théorie de l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle : une position jurisprudentielle toujours en vigueur. I. La position jurisprudentielle : La Cour de Cassation est venue considérer que la faute contractuelle constituait de plano une faute délictuelle à l’égard des tiers ; on parlera donc d’une assimilation automatique des deux fautes. Un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 21 mars 1972 est particulièrement révélateur à cet égard, G. DURRY l’analysant comme une manifestation de la « double nature » de la faute : « à la fois manquement à l’obligation volontaire et, s’il y a, parmi les victimes, des tiers, faute 63 D. Mazeaud, commentaire de Com., 5 avril 2005, Revue de droit des contrats, 2005, p. 687. 41 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle délictuelle64 ». Dans cet arrêt, la Cour de Cassation décide que la faute contractuelle était le fondement de la faute délictuelle65. De nombreux arrêts paraissent s’en tenir à une approche purement unitaire des fautes contractuelle et délictuelle et déduisent l’existence d’une faute délictuelle de la seule faute contractuelle. Cette position n’est pas nouvelle car des arrêts anciens procédaient déjà à une telle assimilation, dont notamment à travers la solution suivante ; « toute faute contractuelle est délictuelle au regard des tiers étrangers au contrat ». Mais c’est surtout à partir des années 1990 que ce courant jurisprudentiel a connu un fort développement essentiellement sous l’impulsion de la première chambre civile, bien que d’autres chambres de la Cour de Cassation y compris la chambre commerciale, s’y soient occasionnellement ralliées. La jurisprudence la plus révélatrice de cette thèse assimilatrice est, sans conteste, l’arrêt rendu le 15 décembre 1998 par la première chambre civile. Dans son arrêt du 15 décembre 199866, la 1ère chambre civile a retenu, sous le double visa des articles 1165 et 1382 du Code Civil, que « les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l’exécution défectueuse de celui-ci lorsqu’elle leur cause un préjudice ». Une autre solution a été rendue en matière de concurrence déloyale et de distribution sélective. Les juges ne reprennent pas exactement cette formulation de la solution du 15 décembre 1998, mais appliquent cette solution. Ils vont admettre que le tiers puisse se prévaloir de la violation par les distributeurs sélectifs de leurs obligations contractuelles. La Cour a donc considéré qu’« un tiers pouvait agir en concurrence déloyale contre les distributeurs sélectifs qui, profitant des avantages du réseau, ne remplissent pas en contrepartie leurs obligations contractuelles, en dépréciant les marques de cosmétiques de prestige qu’ils distribuent en les exposant à proximité immédiate de produits disponibles dans tout magasin populaire ». Il s’agit en effet de l’arrêt « Sté Anaïs »67. 64 G. DURRY, RTD civ. 1973, p. 128. Soc., 21 mars 1972, R.T.D. Civ., 1973, p. 128, obs. G. Durry qui constate que la faute a une "double nature, à la fois manquement à l'obligation volontaire et, s'il y a, parmi les victimes, des tiers, faute délictuelle"; Com., 16 janvier 1973, Bull., n° 28. 66 1ère civ., 15 décembre 1998, Bull. 1998, I, n°368. 67 Cass. com., 1er juillet 2003, Sté Anaïs c/ Sté Marie-Jeanne Godard et Sté MJG Béarn. 65 42 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Dans cette affaire, un tiers vient se plaindre de la concurrence déloyale que lui font les distributeurs sélectifs, qui profitent des avantages du réseau, sans respecter leurs obligations contractuelles. Franchissant un nouveau pas vers la consécration de l’assimilation des fautes, la jurisprudence a considéré dans un arrêt en date du 18 Juillet 2000, toujours au visa des articles 1165 et 1382 du Code Civil, à la suite du décès d’un patient d’une clinique psychiatrique imputable à un défaut de surveillance de cet établissement, que ses ayantdroit, victimes par ricochet et tiers au contrat d’hospitalisation, étaient fondés à invoquer l’exécution défectueuse de celui-ci dès lors qu’elle leur a causé un dommage « sans avoir à rapporter d’autre preuve68 ». En l’espèce, la faute délictuelle retenue à l’encontre d’un établissement psychiatrique consistait en un défaut de surveillance d’un patient, duquel découlait le décès de celui-ci, causant un préjudice par ricochet à son époux et à sa fille. C’est la même position qui sera adoptée dans un arrêt du 18 mai 2004 rendu en matière de mandat69 ; elle a retenu que « viole l’article 1382 du Code Civil la Cour d’Appel qui énonce que la faute du mandataire ne peut être invoquée que si elle est détachable du mandat ». La jurisprudence a repris ensuite ce principe en ajoutant, dans un arrêt rendu le 13 février 2001, « qu’un centre de transfusion sanguine est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les produits sanguins qu’il cède et que le manquement à cette obligation peut être invoqué aussi bien par la victime immédiate que par le tiers victime d’un dommage par ricochet70 ». La chambre commerciale dans un arrêt non publié du 05 mars 2002, a censuré une Cour d’Appel ayant retenu que les tiers n’invoquaient « aucune faute délictuelle envisagée en elle-même indépendamment 68 69 1ère civ., 18 juillet 2000, Bull. 2000, I, n°221. 1ère civ. 18 mai 2004, Bull. 2004, I, n°141 (Qui paraît aller à l’encontre de l’arrêt précité de la chambre commerciale du 17 juin 1997). 70 1ère Civ., 13 février 2001, Bull., n° 35, p. 21; D. 2001, somm. com., p. 2234 obs. Ph. Delebecque. 43 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle de tout point de vue contractuel » en énonçant que « les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l’exécution défectueuse de celui-ci lorsqu’elle leur a causé un dommage71 ». On peut donc affirmer que l’Assemblée Plénière a, au regard du fait générateur de responsabilité des cocontractants vis-à-vis des tiers, opté pour un rayonnement contractuel accru. II. La positon doctrinal : Le courant doctrinal favorable à l’assimilation des deux fautes part de l’idée soutenue par MM. FLOUR, AUBERT et SAVAUX « que le tiers victime, qui invoque le manquement contractuel au soutien de sa demande d’indemnisation, ne prétend en aucune façon s’introduire dans le rapport d’obligation contractuel : il se borne à faire valoir le fait de l’inexécution, comme tout tiers peut invoquer la situation de fait constituée par le contrat, qu’il soit ou non exécuté...Ce n’est là que le mécanisme de l’opposabilité du contrat qui est mis en œuvre ». Ces mêmes auteurs ajoutent que le fait même que les tiers aient subi un dommage en conséquence du manquement contractuel « parait bien impliquer une violation du devoir de ne pas nuire à autrui au sens de l’art 1382 du code civil » et qu’on s’explique mal « que les tiers victimes ne puisse faire valoir, contre le débiteur contractuel, la situation endommageable créée par ce débiteur, qui aurait pu l’éviter en exécutant correctement son obligation ». Selon ces auteurs, le seul véritable problème parait être celui de la causalité. Il convient dans tous les cas de s’assurer que le dommage dont la réparation est demandée est bien la conséquence du manquement du débiteur contractuel. M. TOSI milite également dans le sens de cette thèse, il estime que, de même que le contractant peut agir en responsabilité délictuelle contre le tiers complice de la violation d’une obligation contractuelle, de même le tiers qui subit un préjudice du fait de l’exécution d’un contrat doit pouvoir agir contre le contractant en faute. On voit mal pourquoi la solution serait également dans l’autre cas, c’est-à-dire lorsque c’est le tiers 71 Com., 5 mars 2002, n° 98-21.022. 44 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle qui se prévaut du contrat pour reprocher à un débiteur contractuel la violation de son obligation. Cet auteur nous parle de « manquement contractuel dérelativisé72 ». Au regard de cette conception jurisprudentielle de l’identité des fautes contractuelle et délictuelle, on comprend dés lors le succès de l’action en responsabilité du tiers, victime d’un dommage causé par l’inexécution du contrat, où celui-ci, n’a pas a prouvé une faute délictuelle, il doit seulement prouver que le préjudice qu’il a subi à été causé par cette défaillance contractuelle du cocontractant. Cette assimilation des fautes contractuelle et délictuelle permet ainsi d’assurer un traitement égalitaire entre toutes les victimes, qu’elles soient ou non liées par un contrat à l’auteur de la faute ou du manquement dommageable. Avec cette théorie, les conditions d’application de la responsabilité seront rigoureusement les mêmes quelle que soit la qualité de la victime demanderesse. La généralité des termes de l’article 1382 du Code Civil permet à la faute délictuelle d’englober la défaillance contractuelle73. L’explication la plus exacte justifiant cette thése est certainement le souci de protection des tiers victimes de défaillance contractuelle, où ces derniers pourront se voir indemniser en contrepartie du préjudice qu’ils subissent. Bien que beaucoup moins alimenté que la thèse de la relativité, le courant doctrinal favorable à l’assimilation des deux fautes a exercé une influence déterminante sur la jurisprudence contemporaine, puisque toutes les formations de la cours de cassation semblent s’y être ralliées. Le Rapport annuel74 de la cour de cassation, définissant la portée de l’arrêt rendu le 10 juillet 2000 à propos de la responsabilité d’une clinique psychiatrique, se réfère en ces termes à cette thèse : « la notion d’opposabilité du contrat est les fondements de cette décision simplificatrice : tout tiers auquel un manquement contractuel nuit75 est en droit 72 J.-P. Tosi, « Le manquement contractuel dérelativisé », Mélanges M. Gobert, 2004, p. 479. Voir en ce sens, Ph. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action 2004-2005, spéc. n° 973 ; R. Wintgen, Etude critique de la notion d'opposabilité. Les effets du contrat à l'égard des tiers en droit français et allemand, L.G.D.J., bibliothèque de droit privé, Tome 426, n° 327 ; L. Leveneur, commentaire de 1ère Civ., 18 mai 2004, Revue Contrats-concurrence-consommation 2004, n° 121. 74 Rapport annuel de la Cour de cassation 2000, La documentation française, p. 387, à propos de 1ère Civ., 18 juillet 2000. 75 Article 1165 73 45 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle d’invoquer ce manquement à l’appui de sa demande et il n’a pas à apporter d’autre preuve. » C’est bien en appliquant la jurisprudence assimilatrice des fautes contractuelles que l’assemblée plénière de la cour de cassation a rendu l’arrêt Perruche, même si la question ne lui était pas directement posée, et que « dès lors que les fautes commises par un médecin et un laboratoire dans l’exécution des contrats formés avec une femme enceinte avaient empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicape, ce dernier peut demander le réparation d’un préjudice résultant de cet handicap et causé par les fautes retenues76 ». La Haute Juridiction semble ainsi se rallier à la thèse de l’identité des fautes contractuelle et délictuelle, en vertu de laquelle, rappelons-le, tout manquement contractuel constituerait ipso facto une faute délictuelle. D’ailleurs, cette jurisprudence a été confirmée ultérieurement par trois arrêts rendus par la même formation précisant les conditions d’indemnisation des victimes77. C’est la position réaffirmée expressément par l’assemblée plénière de la Cour de Cassation dans son célèbre arrêt du 6 Octobre 200678, objet de vives discussions. Les faits mettaient en cause trois parties : les propriétaires (A) d’un immeuble, avaient concédé un bail commercial sur ce bien à la société (B), qui à son tour, avait donné l’immeuble en location gérance à une société (C). Imputant la responsabilité aux bailleurs (A) pour un défaut d’entretien des locaux, la société (C) les a assignés pour obtenir la remise en état des lieux et paiement d’une indemnité en réparation d’un préjudice d’exploitation. La société (C) invoquait, sur le fondement de la responsabilité délictuelle (article 1382 C.civ), l’inexécution par (A) de ses obligations envers (B). Après que la cour d’appel ait déclaré recevable cette demande, la cour de cassation a rejeté le pourvoi des bailleurs au motif que « le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ». 76 Ass. plén., 17 novembre 2000, Bull., n° 9, p. 15. Ass. plén., 13 juillet 2001, n° 97-17.369, 97-19.282, 98-19.190. 78 Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, n°05-13.255, P+B+R+I, Bull. civ. Ass. plén. n°9. 77 46 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Il suffit donc pour le tiers de faire montre du seul manquement contractuel, cause de son dommage pour obtenir réparation. Par delà toutes les explications possibles du ralliement à la thèse assimilatrice, celle qui apparaît sans doute la plus exacte et la plus prégnante est certainement le souci d’indemnisation des tiers victimes. Cette thèse leur permet donc de fonder leur action sur le terrain de la responsabilité délictuelle uniquement sur l’existence d’un dommage qu’ils ont subi, causé par la défaillance d’une partie au contrat. La jurisprudence a fait de l’identité des fautes contractuelle et délictuelle, un réel principe avec une jurisprudence d’une grande constance, ayant tendance a étendre son champ d’application ; Point n’est donc besoin d’un fait générateur propre à la responsabilité civile délictuelle pour engager une action contre l’auteur du dommage. Ici, l’Assemblée Plénière unifie les jurisprudences de la première chambre civile et de la chambre commerciale en mettant fin à leu divergence quant aux thèses de la relativité de la faute contractuelle et de l’identité des fautes. La formation la plus solennelle de la Cour de cassation tranche clairement la controverse qui divisait ses chambres et conforte la position de la première Chambre civile. Une récente décision du 13 juillet 2010, illustre bien cette extension, allant dans le même sens que la décision de l’Assemblée Plénière a aussi décidé que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage », et « qu’ayant retenu que la clause de non-concurrence avait pour but d’interdire au deuxième locataire d’exercer en même temps que le premier locataire déjà installé dans l’immeuble la même activité », la cour d’appel a « ainsi caractérisé le dommage causé par les manquements du second locataire et donc légalement justifié sa décision ».79. En l’espèce, il s’agissait d’une zone commerciale de non-concurrence80. Si la notion de fait générateur de responsabilité des contractants envers les tiers a fait naitre un débat doctrinal et jurisprudentiel intense et incessant, la jurisprudence quant à 79 80 Cass. 3e civ., 13 juill. 2010, no 09-67516 : LEDC oct. 2010, p. 1, obs. O. Deshayes. Revue des contrats, 01 janvier 2011 n° 1, P. 65. 47 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle elle, a choisi son camp ; les décisions vues précédemment demeurent fluctuantes et plutôt contradictoires et inachevées. Section 2 : L’identité des fautes contractuelle et délictuelle : une solution contestable. Il est vrai que la thèse de l’assimilation des fautes peut-être justifiée dans un souci de protection des tiers victimes afin de les indemniser pour les préjudices qu’ils subissent, également au regard des concepts du bon père de famille et de l’attente légitime ; Seulement, suite à la divergence jurisprudentielle, la solution ayant mis fin au débat, trouvant toute sa force dans le principe d’opposabilité des contrats par les tiers, semble excessive portant ainsi atteinte au principe d’effet relatif des conventions (Paragraphe 1). Si ce houleux débat sur le fait générateur de responsabilité des contractants envers les tiers a abouti à une solution, synonyme de terme à ces divergences tant jurisprudentielles que doctrinales, la thése de l’identité des fautes délictuelle et contractuelle consacrée par l’arrêt du 6 octobre 2006 demeure critiquable car trop générale ; les juges dans leur décisions, n’ont pas fait de distinction quant à la nature et portée de l’obligation violée (Paragraphe 2). Enfin, cette solution jurisprudentielle tendant à assimiler la faute contractuelle et délictuelle semble inachevée en raison du fait que les juges ont omis de se prononcer sur un élément clé, non négligeable, à savoir, le lien causal entre la faute du contractant et le préjudice subi par le tiers (Paragraphe 3). Paragraphe 1 : Une solution altérant la relativité des conventions. Dans cette divergence jurisprudentielle, alors que la première chambre civile de la Cour de Cassation a estimé que « les tiers à un contrat sont fondés à invoquer tout manquement du débiteur contractuel lorsque ce manquement leur a causé un dommage, sans avoir à rapporter d’autre preuve » la chambre commerciale quant à elle, considère que « le tiers ne peut, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, se prévaloir de 48 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle l’inexécution du contrat qu’à la condition que cette inexécution constitue un manquement à son égard au devoir général de ne pas nuire à autrui ». Toutes ces solutions sont beaucoup trop axé sur le contrat et non pas à la responsabilité délictuelle et ainsi que sur la faute, au détriment des autres éléments. La relativité de la faute contractuelle doit donc prédominer. Cette relativité de la faute contractuelle doit accompagner le principe de la relativité des conventions afin que cette dernière produise son plein effet. Pour certains auteurs, la violation d’une règle ne peut être invoquée que par celui que la règle a pour but de protéger81. Dans tout contrat, en cas de défaillance contractuelle, seul le créancier de l’obligation violée est en droit de se plaindre d’une telle faute. Dés lors, il devra agir en responsabilité contractuelle pour son préjudice subi. Cette idée est soutenue par la théorie de la relativité aquilienne82. Quant au tiers, il ne peut aucunement invoquer la responsabilité délictuelle, extracontractuelle du contractant défaillant dans le sens où l’obligation violée n’était pas établie dans son intérêt. Cependant, il en sera autrement s’il prouve une faute délictuelle distincte sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. Cette relativité de la faute contractuelle doit accompagner le principe de la relativité des conventions afin que cette dernière produise son plein effet. La relativité de la faute constitue un complément nécessaire83 de l’effet relatif des conventions. Qu’en est-il de la compatibilité entre la dérelativisation de la faute contractuelle consacrée par l’Assemblée Plénière et l’effet relatif des contrats ? Pour les adhérents à la relativité de la faute contractuelle, l’assimilation des fautes permettrait au tiers de réclamer indirectement à son profit le bénéfice d’un contrat 81 G. VINEY, P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2ème éd., 1998, n°441. Une définition en est proposée par l’Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, V. Relativité aquilienne : « expression signifia.nt que seules les personnes spécialement protégées par la règle de droit enfreinte peuvent demander réparation du dommage qui en est résulté 83 R. WINTGEN, thèse précitée, n°333. 82 49 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle auquel il n’a jamais été parti ; on en déduit donc une altération du principe d’effet relatif des contrats84. Indemniser un tiers en se basant sur une inexécution contractuelle conduit à créer une véritable exception au principe de la relativité contractuelle, brouiller la distinction des notions de partie et de tiers au contrat, fragiliser la conciliation entre les principes de l’effet relatif du contrat et de l’opposabilité du contrat par les tiers85. Pour d’autres auteurs, ce principe de l’effet relatif des contrats n’est pas altéré dans le sens où il interdit seulement aux tiers de ne pas réclamer l’exécution du contrat 86. La décision du 6 octobre 2006 vient consacrer un principe qualifié par certains, comme un principe « d’effet attractif du contrat inexécuté87 » s’inscrivant ainsi dans notre droit français des contrats aux coté de celui de l’effet relatif des conventions. Ainsi vu précédemment, certains auteurs soutenant la primauté du principe d’effet relatif du contrat, ont rejeté cette atteinte à la relativité des conventions en optant pour une distinction entre les devoirs généraux intégrés au contrat et les obligations spécifiquement contractuelles. Dés lors, assimiler les deux fautes en cas de manquement à une obligation spécifiquement contractuelle conduirait nécessairement à une atteinte à ce principe d’effet relatif du contrat ; ce qui a été chose faite par l’Assemblée Plénière. L’excès de la jurisprudence actuelle consiste dans le fait qu’elle peut aboutir en cas de violation d’une obligation de résultat à une responsabilité sans faute prouvée des contractants envers les tiers, alors qu’il serait logique que cette responsabilité soit limitée à la circonstance où la défaillance due à l’écart de conduite du débiteur de l’obligation, c’est-à-dire limitée à une responsabilité subjective pour faute prouvée du contractant envers les tiers. 84 C’est l’idée exprimée par J. HUET, Responsabilité contractuelle et délictuelle : essai de délimitation entre les deux ordres de responsabilité, thèse 1978, n°495 : « Comment concevoir que l’on puisse se plaindre de la violation d’une obligation, alors même que l’on ne saurait en réclamer l’exécution correcte ? » ; la même idée est énoncée par D. MAZEAUD, Revue des Contrats, 2005, p. 687: « le tiers victime est alors soumis au même régime, du moins sur le plan de la preuve de la faute, que le créancier contractuel, et obtient alors, peu ou prou, l’exécution par équivalent d’un contrat auquel il n’était pas partie ». 85 D. MAZEAUD, Revue des Contrats, 2007, p. 269. 86 G. VINEY, Recueil Dalloz, 2006, p. 2825. 87 D. MAZEAUD, revue précitée, p. 269. 50 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle L’effet relatif du contrat semble encore plus affaibli, lorsque le tiers se voit indemnisé ; on peut ainsi penser à une forme d’exécution de l’obligation contractuelle au profit de ce tiers. Il est ainsi temps de voir en quoi cette solution semble inachevée. Paragraphe 2 : L’absence de distinction quant à la nature et portée de l’obligation violée En matière de responsabilité des contractants à l’égard des tiers, la jurisprudence, dans ses solutions rendues, a été amené à promouvoir une distinction entre l’inexécution des obligations « strictement contractuelles », qui consistent dans « le non-accomplissement de la prestation promise »88 et le manquement à un devoir général de comportement intégré dans le contrat. Il existe certaines obligations qui, bien que reflétant une règle de conduite de portée générale s’imposant erga omnes89, sont rattachées au contrat. C’est le cas notamment des obligations de sécurité, de conseil, de mise en garde et d’information. Ce phénomène est mieux connu sous le nom de « forçage » du contrat par le juge. Tandis que la violation d’une obligation spécifiquement contractuelle ne peut être invoquée que par le créancier contractuel, les tiers sont admis à se prévaloir de l’inobservation des règles qui ne font que traduire un devoir général s’imposant à tous. Suite à la divergence jurisprudentielle, certains auteurs ont estimé que dans les espèces soumises, l’inexécution invoquée par les tiers n’avait pas un caractère contractuel très marqué. Seulement, il faut convenir que la mise en œuvre de cette distinction est difficile. Il existe certains contrats qui aménagent une règle générale de comportement, de telle sorte qu’elle en devient son principal objet ; c’est par exemple le cas du contrat conclu avec un garde du corps90. Dés lors, cette obligation est caractéristique du contrat. 88 P. ANCEL, « Les arrêts de 1998 sur l’action en responsabilité contractuelle dans les groupes de contrats, quinze ans après », Litec, 2003, p. 3, spéc. n°10. 89 A l’égard de tous. 90 Exemple envisagé par P. ANCEL, « Faut-il " faire avec ? », Revue des Contrats, 2007, p.538, n°17. 51 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle D’autre part, il arrive que certaines obligations générales de comportement prennent un tout autre aspect lorsqu’elles sont appliquées à un contractant déterminé ; c’est l’idée que partage M. ANCEL91. En matière de devoir général d’information à l’égard des profanes, certains auteurs estiment qu’il serait absurde de déduire du manquement à ce devoir individualisé vis-àvis du cocontractant, une quelconque défaillance vis à-vis des tiers. Ces derniers ne se prévalant pas de la violation du devoir d’information à leur égard, réclament plutôt la réparation du préjudice qui leur a été causé du fait du manquement à l’obligation d’information particulière due au créancier. De par cette multiplicité des devoirs généraux, il parait très difficile et de moins en moins fréquent d’identifier des obligations contractuelles ne constituant pas, en même temps, l’un de ces devoirs qui s’imposent à tous et donc aux tiers. Il existe aussi un autre type de distinction tenant à la portée de l’obligation violé par le contractant à l’égard des tiers permettant de justifier l’existence d’un fait générateur de responsabilité à l’égard des tiers. Celle-ci est sans doute plus rationnelle que la précédente. D’une part, il y a les obligations stipulées dans l’intérêt exclusif du créancier, où leur violation ne serait pas en elle-même génératrice de responsabilité à l’égard des tiers. D’autre part, nous avons les obligations qui « en raison de leur objet dépassent le seul enjeu contractuel et qui, en tant que telles, sont susceptibles d’intéresser tous les tiers dès lors qu’ils ont eu à souffrir de leur transgression92 ». L’inexécution de ces dernières serait la plus susceptible de fonder l’action du tiers victime contre le cocontractant pour défaillance contractuelle. A titre d’exemple, l’obligation de non-concurrence serait l’une de ces obligations. La jurisprudence a estimé que l’irrespect d’une clause de non-concurrence pouvait porter atteinte au 91 P. ANCEL, note précitée : « C’est une chose de dire qu’on est tenu, d’une manière générale, de se comporter prudemment pour ne pas porter atteinte à la vie ou à l’intégrité corporelle d’autrui. C’en est une autre de dire que, dans un rapport contractuel déterminé, on assume (…) l’obligation de rendre saine et sauve telle personne (…) ». 92 M. ASSIE, conseiller rapporteur, Bulletin d’information de la Cour de cassation, n°651, 01 déc. 2006. 52 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle tiers93 ; la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a donc accordé l’action au tiers victime de ce manquement au contrat. Selon M. ASSIE, la solution rendue par la jurisprudence mettant fin au débat sur le fait générateur de responsabilité des cocontractants envers les tiers, peut être justifiée par la prise en compte de cette seconde distinction. L’intérêt est de permettre aux tiers intéressés au contrat, même si l’obligation violée est caractéristique du contrat, de bénéficier de l’action en réparation contre le contractant défaillant. Cependant, certains auteurs ont estimé que cette seconde distinction n’était pas si meilleur que la première ; Mme VINEY estime94 qu’au-delà des intérêts légitimes des parties, les dispositions supplétives prennent en considération l’intérêt général 95 et donc ceux des tiers au contrat96, si bien que la distinction entre les obligations prenant en compte l’intérêt général et celles qui ne le prend pas en compte, perd tout son sens. La Cour de cassation dans sa solution rendue, malgré avoir accueilli l’action du tiersvictime, n’a pas pris en compte la distinction entre les obligations purement contractuelles et celles de portée générale. Il en est de même pour la seconde distinction ayant trait à la proximité du tiers victime avec le contrat inexécuté. Cette dernière était pourtant selon M. ASSIE, le meilleur argument de logique juridique permettant à la Cour de Cassation de justifier sa solution tendant à accueillir l’action du tiers et à engager la responsabilité du contractant défaillant. La décision de la Cour de Cassation peut laisser penser qu’elle a peut-être pris en compte l’intérêt général à travers le fait que « le devoir d’entretien de la chose louée est destiné à profiter à toute personne qui aura à faire usage de cette chose97 ». Cependant, on observant d’autres arrêts plus récents, on peut deviner que la jurisprudence a décidé d’adhérer à aucune de ses distinctions et à tout simplement rendue une solution très étendue. On peut illustrer cette supposition par une décision 93 Com 24 mars 1998 n° 9615.694, Bull. civ. IV, n° 111, obs. P. Jourdain. ( voir note 30) G. VINEY, Recueil Dalloz, 2006, p. 2828. 95 M. MEKKI, L’intérêt général et le contrat, préf. J. Ghestin, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, vol. 411. 96 C. PERES, La règle supplétive, préf. G. Viney, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, vol. 421. 97 G. VINEY, Recueil Dalloz, 2006, p. 2828. 94 53 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle rendue le 10 mai 2007 par la deuxième Chambre civile de la Cour de Cassation qui a retenu la responsabilité d’un contractant à l’égard d’un tiers, malgré le fait que ce dernier n’était pas intéressé au contrat. Au regard de tous ces éléments, il est logique de remarquer que dans la recherche de la responsabilité du contractant envers le tiers pour manquement contractuel, la nature et la portée de l’obligation violée importent peu et ne sont pas pris en considération ; La nature de l’obligation passe alors au second plan et le comportement préjudiciable peut ainsi indifféremment être qualifié de manquement contractuel s’il est invoqué par la partie ou de délictuel s’il l’est par la victime. A mon sens, il semblerait intéressant de concilier ces deux théories de l’identité des fautes et de la relativité de la faute contractuelle ; les deux solutions doivent ainsi pouvoir coexister et l’élément déterminant la responsabilité délictuelle du contractant envers le tiers sera la preuve que cette défaillance contractuelle est une faute. Il semble donc qu’en réalité, le seul véritable problème soit celui de la causalité ; il conviendra ainsi de voir l’importance du lien causal entre la faute contractuelle et le préjudice négligée par le juge dans sa solution tendant à assimiler les fautes contractuelle et délictuelle. Paragraphe 3 : L’importance du rapport de causalité. Le tiers, même s’il démontre l’existence d’une faute, encore faut-il qu’il démontre que celle-ci est en lien de causalité avec son préjudice. Le débat sur le fait générateur de responsabilité des cocontractants envers les tiers a trop été axé sur le contrat et sur la faute ; il semblerait que le lien de causalité ai été trop facilement écarté car évident. Alors que le problème de droit posé était celui de savoir si l’inexécution contractuelle se suffisait à elle-même ou s’il fallait que le tiers prouve une faute détachable du contrat, donc extracontractuelle, il semblerait que la réelle question devrait être formulée d’une autre manière ; ainsi, il serait question de savoir si ce manquement contractuel est bien en lien de causalité avec le préjudice allégué. 54 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Si le caractère fautif du manquement fait défaut, il en sera de même pour le lien causal entre la faute et le préjudice. L’assimilation ne doit pas être automatique mais plutôt possible ; dans sa solution, la jurisprudence aurait dû employer d’autres termes, tels « tout fait fautif »en lieu et place de « toute faute ». Le courant doctrinal favorable à l’assimilation des deux fautes ont eux une remarque très intéressante ; selon eux, le seul véritable problème parait être celui de la causalité, il convient dans tous les cas de s’assurer que le dommage dont la réparation est demandée est bien la conséquence du manquement du débiteur contractuel. Il faut donc vérifier que le dommage subi par le tiers est bien la conséquence de l’inexécution invoquée. La jurisprudence exerce un contrôle accru de ce lien de causalité 98 . La qualification juridique des faits est toujours constatée et appréciés par les juges du fond. Ce contrôle porte surtout sur l’existence réelle du lien de causalité relevé par les juges du fond99. Les juges du fond n’hésitent pas à rappeler que le lien de causalité doit être direct, dés lors, ils contrôlent la certitude du rapport de causalité. Le lien de causalité doit ainsi être direct ; il fait ici entendre que le préjudice indemnisable doit être la conséquence directe du fait dommageable. Ainsi, les dommages en cascades doivent être exclus. Cependant ces dommages là sont parfois admis grâce à la théorie dite de l’équivalence des conditions. L’assemblée Plénière de la Cour de Cassation aurait pu opter pour une solution prenant plus en compte ce lien de causalité ; Il aurait été préférable de considérer que le « tiers à un contrat peut, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, invoquer son exécution défectueuse dès lors qu’il démontre qu’elle est constitutive, à son égard, d’une faute, cause de son préjudice personnel ». 98 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil-les obligations, 8e éd., Dalloz, n° 859. En ce sens, Ph. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action 2004/2005, spéc. n° 1709, et les arrêts cités ; P. Jourdain, Droit à réparation, Lien de causalité- Détermination des causes du dommage, LexisNexis, fasc. 160, spéc. n° 10, et les arrêts cités ; J. et L. Boré, La cassation en matière civile, Dalloz action 2003/2004, spéc. n° 67-156 ; Lamy - Droit de la responsabilité, étude n° 270, spéc. n° 270-31. 99 55 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Dans l’arrêt consacrant l’assimilation des fautes, du 6 octobre 2006, il appartenait à la société Boot Shop, tiers au contrat de bail passé entre les bailleurs et le preneur, et agissant sur le terrain délictuel, de démontrer que les manquements contractuels qu’elle impute aux bailleurs sont en lien de causalité avec le préjudice qu’elle estime avoir subi. Et il appartient donc aux juges du fond de constater l’existence de ce lien de causalité, sous le contrôle de la Cour de cassation. 56 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE Au demeurant, il a été question de savoir quel était l’effet de l’inexécution du contrat sur les tiers. En réponse à ce problème de droit, la jurisprudence et notamment la doctrine nous ont offert un long débat concernant les fondements de la responsabilité du contractant défaillant à l’égard des tiers à travers les principes de la relativité du contrat et celui de l’opposabilité des contrats par les tiers. La jurisprudence se décide à suivre cette seconde voie. L’idée selon laquelle la sphère contractuelle doit intéresser les seuls parties à l’acte et par la même, se désintéresser aux tiers, est substitué par celle d’une socialisation du contrat, où les tiers pourraient être intéressés à ce dernier grâce à la théorie du « contrat-fait ». Ceci-dit, le seul vrai problème ne réside ailleurs que dans le fait générateur de responsabilité. A la question de savoir si le tiers, victime d’un dommage causé par le manquement contractuel, doit ou non apporter la preuve d’une faute délictuelle spécifique, distincte de la faute contractuelle, là encore, la divergence doctrinale et jurisprudentielle est houleuse et incessante. Alors que la théorie de la relativité de la faute, développée pour estimer que toute faute contractuelle ne constitue pas automatiquement une faute délictuelle, s’opposait à la celle dite de l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle permettant de reconnaitre que la faute contractuelle constitue de plano une faute délictuelle à l’égard des tiers, le 6 octobre 2006 la formation solennelle met fin au débat et consacre cette dernière. On assiste ainsi à une « dérelativisation » du manquement contractuel. Autant cette solution tendant à indemniser les tiers victimes de défaillance contractuelle semble justifiée dans un souci de protection, autant elle demeure excessive et trop générale car allant d’une part à l’encontre du principe de la relativité des contrats, ne fait aucune distinction quant à la nature ou portée de l’obligation violée, ni référence au lien de causalité entre la faute contractuelle et le préjudice subi. Surtout, qu’à mon humble sens, la question de la nature de l’obligation manquée, de la réalité du dommage et du lien causal était le seul vrai problème en l’espèce. Comme le souligne M. DEBAT, le contrat perd donc sa fonction traditionnelle pour devenir un outil caractéristique de l’évolution du droit de la responsabilité pour faute 57 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle vers un droit de la responsabilité pour risque100. Ainsi on peut parler de rayonnement accru du contrat. Cet excès de la jurisprudence actuelle consiste dans le fait qu’elle peut aboutir en cas de violation d’une obligation de résultat à une responsabilité sans faute prouvée des contractants envers les tiers, alors qu’il serait logique que cette responsabilité soit limitée à la circonstance où la défaillance due à l’écart de conduite du débiteur de l’obligation, c’est-à-dire limitée à une responsabilité subjective pour faute prouvée du contractant envers les tiers. 100 O. DEBAT, note précitée : Celui-ci souligne à juste titre que l’évolution du droit de la responsabilité pour faute vers un droit de la responsabilité pour risque est « largement concomitante au développement de la technique de l’assurance ». 58 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle PARTIE 2 : LA PRIMAUTE DE LA NATURE DELICTUELLE DE L’ACTION EN RESPONSABILITE DU TIERS VICTIME L’INEXECUTION CONTRACTUELLE 59 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Sachant désormais sur quoi se fonde l’action en réparation du tiers, victime contre le contractant dont l’inexécution du contrat a causé un préjudice, il est aussi important de s’intéresser à sa mise en œuvre, et de constater ainsi que les juges n’hésitent pas à opter pour le régime de la responsabilité délictuelle. Nous verrons en quoi dans cette mise en œuvre de la responsabilité du cocontractant envers le tiers pour défaillance contractuelle, les juges opte pour le régime de la responsabilité délictuelle (Chapitre 1). Seulement, cette mise en œuvre de la responsabilité délictuelle du contractant envers le tiers via la consécration de l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle semble très contestable en raison du fait que l’indemnisation du tiers demeure de plus en plus l’objectif du juge, n’hésitant pas à favoriser le tiers victime et à provoquer un bouleversement de l’équilibre du contrat et des inégalités entre créanciers; ainsi une solution de rechange pourrait ainsi réaménager les conditions d’indemnisation des tiers victimes, consacrée par la jurisprudence. D’où l’intervention du droit prospectif au secours du droit positif (Chapitre 2). CHAPITRE 1 : LA PRIMAUTE DE DELICTUELLE DU LA RESPONSABILITE COCONTRACTANT CIVILE DANS L’INDEMNISATION DES TIERS VICTIMES CHAPITRE 2 : UNE SOLUTION CONTESTABLE NECESSITANT REAMENAGEMENT 60 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle CHAPITRE 1 : LA PREPONDERANCE DE LA RESPONSABILITE CIVILE DELICTUELLE DU COCONTRACTANT VIS-AVIS DES TIERS 61 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Dans toutes ces solutions vues précédemment, la nature de la responsabilité du cocontractant envers le tiers pour manquement à l’obligation contractuelle n’est autre que délictuelle. L’argument le plus logique réside dans le fait que le tiers n’est pas partie au contrat, dés lors son action en responsabilité doit être de nature délictuelle. Il serait fort opportun de voir que le droit positif est de plus en plus favorable à une action en responsabilité délictuelle du tiers, rejetant ainsi toute responsabilité contractuelle du contractant défaillant ; cette volonté en est devenue un principe en matière de responsabilité vis-à-vis des tiers (Section 2). Quant à l’action en responsabilité contractuelle du tiers victime, elle demeure une exception, où le juge aura tendance à intégrer le tiers dans la sphère contractuelle (Section1). SECTION 1 : L’EXCEPTIONNEL BENEFICE DE L’ACTION EN RESPONSABILITE CONTRACTUELLE AU PROFIT DES TIERS. SECTION 2 : UNE ACTION EN RESPONSABILITE DELICTUELLE DES TIERS DE PRINCIPE 62 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Section 1 : L’exceptionnel bénéfice de l’action en responsabilité contractuelle au profit des tiers. Conçue comme une responsabilité d’exception, la responsabilité contractuelle est destinée à réparer les dommages résultant de l’inexécution d’une obligation contractuelle et subis par le créancier cocontractant du débiteur défaillant. Elle suppose réunies deux conditions : l’inexécution d’une obligation contractuelle et la qualité de cocontractant de la victime. La défaillance de l’une de ces conditions prive la responsabilité contractuelle de sa vocation à réparer le dommage subi. Il en est ainsi lorsque l’inexécution d’une obligation contractuelle cause un dommage à un tiers au contrat. La qualité de tiers interdit à la victime de réclamer sur le terrain contractuel la réparation du dommage qu’elle subit101. Mais devrait-on laisser les tiers, victimes d’une défaillance contractuelle, sans réparation ? Cette question a déjà été résolue par les tribunaux102 qui se sont prononcés à plusieurs reprises sur l’action de la victime. Ainsi, il est reconnu au tiers, victime d’une inexécution contractuelle, parce qu’il a un lien avec une partie au contrat (Paragraphe 1) ou parce qu’il est contractant extrême d’une chaîne de contrats translatifs de propriété (Paragraphe 2), la possibilité d’engager la responsabilité contractuelle d’un partie au contrat auteur de son inexécution. Paragraphe 1 : L’action des tiers ayant un lien avec une partie au contrat. Il existe, à l’inverse des « penitus extranei », des tiers qui gravitent autour des contractants et qui entretiennent avec eux certaines relations : on dit que ce sont des tiers qui ont un lien avec une partie au contrat .Dans cette catégorie on cite généralement les ayants cause à titre universel ou à titre particulier, les créanciers chirographaires, les bénéficiaires d’une stipulation, les sous- mandataire, etc. Dans le cadre de la démonstration, des tiers qui ont un lien avec un contractant et qui peuvent engager la responsabilité contractuelle du contractant auteur de l’inexécution du 101 102 M. Bacache-Gibeili « la relativité des conventions et les groupes de contrats » . Civ. 1ère 8 mars 1988 - Civ. 1ère 21 juin 1988 – Civ. 3ème 13 déc. 1989 – Ass. Plén. 12 juil. 1991 63 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle contrat, on s’appesantira sur les cas du sous-mandataire ou mandataire substitué, du bénéficiaire d’une stipulation pour autrui et du créancier chirographaire. S’agissant du mandataire substitué au mandataire principal, la cour de cassation a admis dans son arrêt rendu par sa première chambre civile le 27 décembre 1960 que celui-ci pouvait engager la responsabilité du mandant afin d’obtenir le remboursement de ses avances et frais et le paiement de la rétribution qui lui est due, tout en censurant la décision des juges de fond qui affirmait que l’action du mandataire substituée ne pouvait être exercée qu’en cas de défaillance du mandataire103. Cette solution était soutenue par une partie de la doctrine104 en ce sens qu’elle évite au mandataire substitué de subir le concours des autres créanciers du mandant et lui évite également une pluralité d’actions qui compliqueraient les relations entre les parties. La question qui s’est véritablement posée à la suite de cet arrêt était celle du fondement de sa décision. Afin de donner une réponse à cette question les commentateurs de cet arrêt, désireux de concilier cette décision avec la conception traditionnelle de l’effet relatif des conventions en vertu duquel sont tiers les personnes qui n’ont pas échangé leur consentement, ont développé leurs arguments dans deux directions différentes. Pour les uns, à l’instar de BIGOT et STARCK l’huissier en l’espèce n’était qu’un tiers et non un mandataire substitué avec lequel le mandataire aurait reçu mission de contracter. Ainsi, on se serait placé sous le mécanisme de la représentation pour fonder l’action du mandataire substitué contre le mandant ; mais la cour a rejeté cette argumentation au motif qu’elle n’appréhendait que partiellement le situation, alors qu’il y avait bien selon elle, substitution de mandataire. Pour d’autres tel que CORNU, la décision de la cour s’expliquait par l’existence d’un accord tacite entre le mandant et le substitué. En clair, pour eux le mandat avait donné tacitement au mandataire principal le pouvoir de se substituer une personne et le substitué avait, en traitant avec celui-ci accepté de gérer les affaires du mandant. C’est pourquoi en vertu du principe de l’effet relatif des contrats, le mandataire substitué 103 104 1ère. Civ, 27decembre 1960. AUBRY, RAU et RODIERE. 64 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle pouvait engager la responsabilité contractuelle de mandant. Cette analyse à l’exemple de la première a également été ignorée par la cour de cassation en ce sens qu’elle a clairement consacré que « l’action directe du mandataire substitué contre le mandant peut être exercée dans tous les cas que la substitution ait été ou non autorisée par le mandant »105. Au final, un important courant doctrinal proposa l’existence de groupes de contrats solidement soudés comme fondement de la décision puisque le sous-mandat sert nécessairement à la réalisation des obligations nées du contrat ce qui fait de lui un groupe de contrats. Cette analyse, bien qu’elle ait pu être acceptée par la cour de cassation est désormais condamnée en vertu de l’arrêt BESSE de 1991 qui n’admet pas la responsabilité contractuelle dans les groupes de contrats autres que les chaînes de contrats translatifs de propriété par conséquent, la décision de la cour de cassation apparaît selon TERRE, SIMLER et LEQUETTE comme un correctif d’équité du principe de l’effet relatif des conventions. Il faut néanmoins remarquer que le régime de cette responsabilité favorise beaucoup plus le sous-mandataire en ce sens que celui-ci ne peut se voir opposer par le mandant les paiements faits à son mandataire immédiat106, même si ces paiements étaient antérieurs à l’exercice par le mandataire de droits propres que la jurisprudence lui reconnaît sur le fondement de l’article 1994 du Code civil. Par conséquent, le mandant pourra être amené à payer deux fois même s’il n’a pas autorisé et par ce fait même ignoré « l’embauche » du sous-mandataire. La jurisprudence, par le même souci d’équité qu’elle a fait montre pour établir le fondement de sa décision, devrait peut-être limiter l’obligation du mandant à ce qu’il doit encore au mandataire ; comme l’a fait le législateur lorsqu’il est intervenu pour reconnaître au sous-contractant une action directe en paiement contre le contractant initial107. 105 Com., 9 novembre 1987 ; Com., 14 octobre 1997. Com. 9 nov. 1987. 107 Loi du 18 juin 1966 et loi du 31 déc. 1975. 106 65 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle D’un autre côté, la rigueur de la cour de cassation (parfois réfutée par certains juges du fond)108 peut être justifiée et assouplie par l’éventuelle responsabilité du sousmandataire. En effet, le mandant peut engager une action pour diminuer ou supprimer sa dette en compensant avec celle-ci les dommages et intérêts dont le sous-mandataire lui est redevable à raison de sa faute109. Quant au bénéficiaire d’une stipulation pour autrui, il est admis que celui-ci a une action directe contre le promettant engageant ainsi sa responsabilité contractuelle en cas d’inexécution de la stipulation. Il est vrai qu’une stipulation doit être expresse, mais il n’en demeure pas moins que la jurisprudence admet surtout dans les contrats de transport les cas de stipulation tacite110. En vertu de cette reconnaissance, les victimes par ricochet d’un accident de la circulation, limitées aux « personnes envers lesquelles il (le voyageur) était tenu d’un devoir d’assistance en vertu d’un lien légal »111 peuvent engager la responsabilité contractuelle de l’auteur de cet accident. Il faut tout de même noter que cette fiction jurisprudentielle qu’est la stipulation pour autrui tacite, s’applique au seul contrat de transport112. S’agissant du créancier chirographaire, il faut dire que c’est celui qui a pour gage général le patrimoine de son débiteur. Il peut arriver que ce dernier néglige ses créances ou accomplit des actes d’appauvrissement en fraude des droits de son créancier ; mais, que ce soit l’action oblique ou l’action paulienne, le créancier chirographaire n’invoque pas l’exécution du contrat à son profit. Celle-ci enrichit le patrimoine de son débiteur. Toute autre est la situation lorsque la loi lui reconnaît une action directe qui lui permet d’exiger du cocontractant de son débiteur l’exécution à son profit du contrat et en cas d’inexécution, réparation sur le terrain contractuel. C’est le cas pour certains créanciers chirographaires auxquels la loi accorde un privilège sur créance et un moyen de paiement simplifié. En somme, les tiers ayant un lien avec une partie au contrat, à l’instar des sousmandataires, des bénéficiaires d’une stipulation pour autrui expresse ou tacite et des 108 Paris, 2 nov. 1995 cassé par Com. 24 mars 1998. Com. 25 juin 1991 110 Civ. 6 déc. 1932 111 Civ. 24 mai 1933 112 Civ. 1ère, 24 nov. 1954 109 66 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle créanciers peuvent engager la responsabilité contractuelle de l’auteur de l’inexécution dont ils sont victimes. Il en est de même pour les tiers, cocontractants extrêmes dans les chaînes de contrats translatifs de propriété. Paragraphe 2 : L’action des tiers dans les chaînes de contrats translatifs de propriété. Les chaînes de contrats translatifs de propriété appartiennent à un grand ensemble de groupes de contrats. C’est pourquoi le régime qui leur est applicable a voulu être étendu à tous les autres groupes de contrats (cette extension a été cassée par l’arrêt BESSE évoqué plus haut). Il s’agit donc d’un ensemble de contrats qui sont unis parce qu’ils portent sur la même chose en tout ou partie. Partant, elles peuvent être soit hétérogènes lorsque les contrats qui les constituent ont certes le même objet, mais sont de nature différente ; achat de matériaux pour construire (vente), construction (contrat d’entreprise), cession par le maître d’ouvrage (vente), bail consenti par le sousacquéreur (bail) ; soit homogènes lorsqu’elles sont constituées des contrats identiques : série de ventes successives (vente du fabricant au grossiste, du grossiste au détaillant, du détaillant au consommateur). Le problème qu’ont soulevé les chaînes de contrats translatifs de propriété portait sur la nature du recours dont disposait le sous-acquéreur contre le vendeur fabricant. Tout d’abord, il faut savoir que la qualité de partie ou tiers des contractants extrêmes a été résolue. Pour cela, ces derniers ont été assimilés aux ayants cause à titre particulier. C’est d’ailleurs de cette assimilation que le problème posé plus haut va trouver solution. Ainsi, comme les ayants-cause à titre particulier, les contractants extrêmes ne sont pas parties au contrat conclu par le vendeur initial. Ils ne deviennent donc pas créanciers ou débiteurs à la place de celui-ci. Les contrats conclus par ce dernier leur sont simplement opposables comme à tout autre tiers qu’ils sont. Afin de répondre au problème cidessus, la jurisprudence a admis comme pour l’ayant cause que le sous acquéreur dans une chaîne de contrats translatifs de propriété bénéficie des droits nés du contrat conclu antérieurement par le vendeur initial lorsque ceux-ci sont les accessoires de la chose. 67 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Par conséquent, la jurisprudence a reconnu pendant longtemps que le sous-acquéreur pouvait se placer soit sur le terrain de la responsabilité délictuelle soit sur le terrain de la responsabilité contractuelle113. Contraire à la règle du non cumul des responsabilités, cette solution fut abandonnée par les arrêts du 9 octobre 1979 et du 7 février 1986 114 . L’arrêt du 9 Octobre 1979 affirme en l’espèce que « l’action directe dont dispose le sous-acquéreur contre le fabricant ou un vendeur intermédiaire, pour la garantie des vices cachés affectant la chose vendu dès sa fabrication, est nécessairement de nature contractuelle ». L’arrêt de 1986 brisant les résistances de la 3 troisième chambre civile115 a posé la même solution dans le cas où la chaîne ne présente pas un caractère homogène. Pour attribuer au sous-acquéreur une action exclusivement contractuelle, l’assemblée plénière se fonde sur leur qualité d’ayant cause à titre particulier. Elle précise en effet qu’ils jouissent « de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à leur auteur ». Ainsi la garantie contractuelle dont peut se prévaloir le sous-acquéreur contre le vendeur initial résulte du premier contrat par lequel la propriété de la chose a été transmise au premier acquéreur. C’est pourquoi on peut dire que cette solution ne transgresse pas le principe de l’effet relatif des conventions en ce sens qu’elle ne repose pas sur un éventuel rapport contractuel direct entre le débiteur initial de la garantie et le sous-acquéreur. Notons tout de même que la notion d’accessoire chère à la jurisprudence reste difficile à cerner. Il n’est pas en effet évident de distinguer avec netteté les cas dans lesquels le droit est accessoire au bien transmis, suit donc son sort et ceux dans lesquels il est seulement relatif à ce bien et reste personnel à l’auteur alors que le bien passe dans le patrimoine de l’ayant cause à titre particulier du sousacquéreur. En tout état de cause, cerner cette notion est de l’appréciation souveraine des juges. L’admission de la responsabilité contractuelle entre cocontractants extrêmes dans les chaînes de contrats translatifs de propriété vise à protéger les intérêts du débiteur 113 114 Cass, civ, 25 janvier 1820. Civ 1ère, 9 octobre 1979 ; A.P. 7 février 1986 115 Civ 3ème 19 juin 1984 68 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle défaillant, en ce sens qu’elle respecte la prévisibilité contractuelle voulue par les contractants. En effet, en octroyant une action contractuelle au contractant extrême d’une chaîne de contrats translative de propriété, la jurisprudence présume que le débiteur défaillant a prévu tous les risques éventuels d’un contrat à l’instar de dommages de son inexécution sur les tiers. C’est d’ailleurs pourquoi les clauses limitatives contenues dans le contrat initial s’imposent également au tiers victime agissant en responsabilité dans ces contrats. Cette position a eu un large écho favorable autant en doctrine qu’en jurisprudence116. Seulement, une décision émanant de la Cour de justice des Communautés Européennes qui interprétait en l’espèce l’article 5-1 du 27 décembre 1968 a paru remettre en question cette position. En effet, la CJCE affirmait que : « un litige opposant le sous-acquéreur d’une chose au fabricant qui n’est pas le vendeur, en raison des défauts de la chose ou de l’impropreté de celle-ci à l’usage auquel elle est destinée » ne relève pas de la matière contractuelle117. Mais la cour va éclaircir la situation en ôtant le doute sur le sort de sa décision en droit interne. En ce sens, elle maintient et conserve sa position pour ce qui est du droit interne et cantonne la décision de la juridiction européenne à l’application de la convention de Bruxelles, à l’issue d’un arrêt du 7 février 1986. Certes ces deux cas offrent aux tiers la possibilité d’agir contre un cocontractant sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle, seulement, au regard de l’évolution du droit positif et notamment de la jurisprudence, on constate un net recul des actions direct des tiers ; d’où l’hégémonie de l’action en responsabilité délictuelle des contractants envers les tiers victimes. Section 2 : Une action en responsabilité délictuelle des tiers de principe Le régime de la responsabilité civile délictuelle est dans notre étude, celui qui est applicable à l’action des tiers qui se plaignent d’un dommage résultant de l’inexécution 116 117 Civ. 1ère, 28 oct. 1991; Civ. 3ème, 30 oct. 1991; Com. 10 déc. 1991. CJCE, 17 juin 1992, JCP 1992, II, 21927. 69 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle d’un contrat ; il en est ainsi pour le « tiers absolu » (Paragraphe 1). Si la jurisprudence a toujours admis une telle action en responsabilité, elle a aussi crée deux exceptions où là, le régime contractuel s’applique. C’est le cas des actions en responsabilité intentées par les victimes par ricochet, et d’autre part, celles exercées entre les membres d’une chaîne de contrats. Seulement, il est intéressant de noter que ces deux exceptions font l’objet d’un net recul en droit positif, où le régime délictuel prévaut (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : L’action des tiers absolu. Les tiers absolus n’ayant pas donné leur consentement au contrat, ce dernier peut néanmoins leur causer un préjudice en cas d’inexécution. C’est notamment le cas d’une personne passant près d’un chantier qui subit un préjudice du fait de la chute d’un mur ou de pierres provenant dudit chantier. Dans ce cas, ils bénéficient d’une action personnelle de nature délictuelle contre l’auteur du dommage. Cette nature trouvera sa raison d’être sur le fait que le débiteur d’une obligation aura manqué à un devoir général de prudence ou de diligence. Mais il faut aussi remarquer que, outre la victime principale, d’autres tiers peuvent subir un préjudice résultant non pas d’un dommage subi personnellement ; mais plutôt par une autre personne. Dans ce cas on parlera de réparation « du préjudice par ricochet ». Si la victime du dommage décède, ce sont ses héritiers qui vont exercer l’action en réparation. Mais la situation se complique suivant que les héritiers vont se contenter d’exercer l’action de la victime directe issue de son patrimoine qui leur échoit, ou au contraire, ils vont réclamer la réparation du préjudice que leur cause personnellement le décès survenu à cause de l’inexécution d’un contrat auquel la victime principale était pourtant tiers absolu. Dans le premier cas, les héritiers sont censés continuer la personne de leur auteur et peuvent donc réclamer la réparation non seulement du dommage matériel subi par leur auteur, mais aussi le préjudice moral et notamment son pretium doloris118. 118 Crim., 22 nov. 1961, D. 62, Somm., 69. 70 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Il est paru une divergence au sein de la haute cour, dans la mesure où la criminelle n’autorisait les héritiers à agir qu’en continuant l’action de la victime de l’accident intentée de son vivant. Alors que la seconde chambre civile estimait que le droit à réparation du dommage subi par la victime se transmet sans restriction, la chambre mixte, va affirmer que le droit à réparation du dommage résultant des souffrances physiques ou morales se transmet aux héritiers de la victime, même si celle-ci n’avait pas commencé à exercer l’action de son vivant119. Il a été en outre admis que les héritiers peuvent réclamer réparation de leur propre préjudice et que même si la victime était considérée comme fautive, cette faute ne pouvait pas être opposable aux héritiers, mais la cour de cassation décida que la faute de la victime leur était opposable lorsque l’action de l’héritier a le même objet que celle que la victime aurait intentée, puisqu’elle procède du même fait 120. Toutefois, si l’on applique la décision de l’arrêt Desmares du 21 juillet 1982 selon laquelle la faute de la victime ne peut plus être partiellement exonératoire pour le gardien de la chose, elle ne peut non plus être opposée aux héritiers. On reconnaît aussi une action délictuelle aux proches de la victime. Ce sont les frères qui doivent apporter la preuve du préjudice subi. Mais pour le préjudice d’affection, il existe une présomption de faute. Par contre, la preuve de la perte de subsides doit être établie. Il s’agit aussi des autres membres de la famille, légitimes, naturels ou adoptifs (ascendants, descendants, frères, sœurs, neveux, nièces et alliés) qui doivent également apporte la preuve du préjudice à eux causé. Les étrangers à la famille (fiancés, nourriciers, enfants recueillis, etc.) sont indemnisables s’ils prouvent le préjudice qu’ils ont subi. Pour les concubines, la Cour de Cassation leur accorde le droit à réparation à condition que ce soit un concubinage non adultérin121. Les organismes tenus à garantir la victime peuvent, lorsque leur action est admise, obtenir réparation d’un préjudice par ricochet. Mais cette action est généralement fondée sur une idée de subrogation des droits de la victime. 119 Ch. mixte, 30 avril 1976, D. 77-185. Ass. Plén., 19 juin 1981. 121 Ch. mixte, 27 fév. 1970 ; Cass. Crim. 10 juin 1975 pour un concubinage adultérin. 120 71 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Enfin, malgré le fait que les préjudices subis par les personnes en relation d’affaires avec la victime (clients, médecins, fournisseurs ou employés de la victime) sont rarement réparables, le tribunal de grande instance de Nanterre a tout de même admis que les salariés au chômage pouvaient obtenir réparation du fait de la démolition du salon par un automobiliste122. Ceci-dit, le droit positif a crée deux exceptions où là, le régime contractuel s’applique. C’est le cas des actions en responsabilité intentées par les victimes par ricochet, et d’autre part, celles exercées entre les membres d’une chaîne de contrats. Seulement, il est intéressant de noter que ces deux exceptions font l’objet d’un net recul en droit positif, où le régime délictuel prévaut Paragraphe 2 : Le déclin des exceptions à l’action en responsabilité civile délictuelle. I. L’action des contractants extrêmes dans les groupes de contrats non translatifs de propriété. Les groupes de contrats sont un ensemble de contrats liés entre eux parce qu’ils portent sur un même objet ou concourent à un même but. Le problème dans cette figure juridique est celui de la nature des liens qui se nouent entre les contractants extrêmes. Il s’agit des personnes faisant partie d’un même groupe contractuel, mais qui n’ont pas échangé directement leur consentement. Il existe deux nuances ici ; les chaînes translatives de propriété et les groupes de contrats dans lesquels n’intervient aucun transfert de propriété. L’exemple dans ce dernier est le contrat de sous-traitance lorsque l’entrepreneur et le sous-entrepreneur ne fournissent que leur travail. Ici, l’idée que les droits se transmettent avec la chose ne peut recevoir application. La question de la nature contractuelle ou délictuelle des contractants extrêmes dans ces groupes de contrats dépendra selon qu’on considère ceux-ci comme des parties ou alors 122 TGI Nanterre, 1975, RTD. 1976 72 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle comme de tiers, les uns par rapport aux autres. Cette question a créé une opposition de vues entre les première et troisième chambres civiles de la cour de cassation française. Pour la première chambre, « Dans un groupe de contrats, la responsabilité contractuelle régit nécessairement la demande en réparation de tous ceux qui n’ont souffert du dommage que parce qu’ils avaient un lien avec le contrat initial »123. Pour cette chambre, l’article 1165 du Code Civil ne fait pas obstacle à ce que les rapports de nature contractuelle se développent au sein d’un même ensemble contractuel, entre les personnes qui n’ont pas échangé leur consentement. En clair, selon elle, la victime d’un dommage résultant de l’inexécution d’une convention à laquelle elle n’est pas partie doit agir sur le terrain contractuel lorsqu’elle-même et le débiteur de l’obligation inexécutée sont membres d’un même groupe contractuel. Elle confirmait là sa position prise le 8 mars 1988 affirmant en l’espèce que l’action du maître d’ouvrage contre le sous-traitant était de nature contractuelle124. L’arrêt du 21 juin 1988 de la même chambre généralise cette solution en l’étendant, non plus seulement au sous-contrat, mais à tous les groupes de contrats. Une partie de la doctrine soutenait déjà cette solution. En effet selon M. DURRY, « si l’on pose en postulat que la responsabilité contractuelle est justiciable d’un régime spécifique parce que le débiteur a dû prévoir à quoi il s’engageait et quelles règles sont applicables en cas de défaillance, il ne faut pas tolérer que la qualification de tiers au contrat permette de déjouer ces prévisions, du moins chaque fois que cette qualification est, pour une large part, artificielle »125. La première chambre civile va donc suivre cette doctrine en appliquant la formule par laquelle cet auteur insistait sur « la nécessité de soumettre à un même régime, celui de la responsabilité contractuelle, tous ceux qui n’ont souffert d’un dommage que parce qu’ils avaient un lien avec le contrat initial »126. La notion de groupe de contrats va donc permettre d’étendre le cercle des personnes qui peuvent exercer une action de nature contractuelle. 123 Civ. 1ère, 21 juin 1988, D. 1989, 5 ; JCP. 1988, II, 21125, Soc. Soderep c/ Soc Braathens SAFE. Cass. civ. 1ère, 8 mars 1988, Bull. civ. I, n°69. 125 RTD Civ. 1980, 355 126 RTD Civ 1980, 355 124 73 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Prenant en compte le fait que le contrat est, selon HAURIOU, la tentative « la plus hardie qui se puisse concevoir pour établir la domination de la volonté humaine sur les faits, en les intégrant d’avance dans un acte de prévision »127 et reposant sur le souci de favoriser le respect des prévisions des parties et l’équilibre des contrats, cette extension du régime de la responsabilité contractuelle au sein des groupes de contrat implique une double limite. Premièrement, le débiteur de l’obligation inexécutée ne saurait être tenu envers le créancier de son créancier autrement qu’il ne l’est envers ce dernier. Deuxièmement, le débiteur de l’obligation inexécutée peut se prévaloir des clauses limitatives de responsabilité posées entre son créancier et le créancier de celui-ci. Il pourra donc lui opposer les clauses limitatives de responsabilité. Fidèle à la lecture classique de l’article 1165 du Code Civil, qui identifie les tiers aux personnes qui n’ont pas échangé leur consentement, la troisiéme chambre civile soutient que la responsabilité du sous-traitant envers le maître d’ouvrage128 comme celle du sous-traitant de second rang envers l’entrepreneur principal129 ne saurait être que de nature délictuelle. Elle refusait de voir un lien contractuel là où la première chambre civile en voyait un et condamne la théorie de groupes de contrat. Cette position sera soutenue en doctrine par MAZEAUD, CHABAS ainsi que CONTE. L’assemblée plénière va trancher cette controverse dans l’arrêt « Besse » du 12 juillet 1991 au profit de la troisième chambre civile. En l’espèce, les travaux de plomberie s’étant révélé défectueux, le maître d’ouvrage agissant plus de dix années après, demandait réparation des désordres qui en étaient résultés au sous-traitant ayant effectué ces travaux. La Cour d’ Appel va reprendre les termes de la première chambre civile dans une décision du 8 mars 1988 et conclure que le sous-traitant comme l’entrepreneur pouvait opposer au maître d’ouvrage la prescription décennale propre au contrat de construction. L’assemblée plénière va casser cette décision pour violation de l’article 1165 du Code Civil en retenant que « le sous–traitant n’est pas contractuellement lié au maître d’ouvrage ». Ainsi, l’action du maître d’ouvrage contre le sous-traitant est de 127 Principes de droit public, 1ère éd. 206 Civ.3ème, 22 juin 1988 129 Civ. 3ème, 1er décembre 1989 128 74 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle nature délictuelle. La formation solennelle écarte donc la solution « audacieuse » de la première chambre civile pour consacrer celle classique de la troisième chambre civile. Quant à la portée de cet arrêt, l’avocat général MOUNIER dans ses conclusions comme le conseiller LECLERCQ dans son rapport, avait indiqué qu’il ne souhaitait que cette jurisprudence s’étende aux chaînes de contrats translatifs de propriété. La solution de l’assemblée plénière sera confirmée plus tard comme devant être appliquée en droit interne. L’assemblée plénière ne retenant que la nature délictuelle de la responsabilité dans les groupes de contrats non translatifs de propriété, l’on se pose la question de savoir ce que devient l’action directe reconnue au sous-traitant et au maître d’ouvrage, l’un contre l’autre. Cette position de l’assemblée plénière est donc trop prudente et certains auteurs estiment même qu’il aurait été préférable pour elle d’approfondir la construction amorcée par la première chambre civile en limitant son application aux ensembles contractuels très structurés que sont les sous contrats. On remarque donc que la solution de l’assemblée plénière n’a pas répondu à toutes les difficultés en ce sens que les motifs qui ont déterminé la première chambre civile subsistent et la solution de la troisième chambre ne permet pas de bien y répondre. On remarque également qu’en adoptant la théorie des groupes de contrats, la première chambre a pris en compte le fait que le jeu de la responsabilité civile délictuelle conduisait à des résultats peu satisfaisants. En effet la jurisprudence ayant peu à peu abandonné la règle de l’indépendance des fautes contractuelle et délictuelles, les tribunaux n’hésitent pas à déduire de l’inexécution d’un contrat l’existence d’une faute délictuelle. Dans un tel système, la victime qui agit contre un membre du groupe autre que son cocontractant immédiat n’aura pas à prouver un manquement à une obligation générale de prudence et de diligence. Il lui suffit d’établir la non exécution d’une obligation contractuelle dont le défendeur était débiteur. Ainsi, la victime se servant du contrat devrait se voir opposer les clauses qui la gênent. C’est justement à ce résultat que conduit la qualification délictuelle lorsqu’elle se conduit avec l’abandon de la règle de 75 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle l’indépendance des fautes contractuelle et délictuelles. On devrait donc soit autoriser « la victime à se prévaloir de l’inexécution contractuelle, mais il faut admettre réciproquement le débiteur à opposer son contrat, ce qui doit conduire à reconnaître une nature contractuelle à sa responsabilité » ; ou alors en retenant une interprétation stricte de l’effet relatif des contrats, on décide que le débiteur ne peut pas opposer son propre contrat à la victime. En retour, la victime ne saurait se baser sur le contrat pour fonder son action et on ne devrait prendre en compte qu’un manquement à un devoir général de prudence et de diligence130. Consciente de cette difficulté, MIREILLE BACACHE GIBEILI dans sa thèse, « La relativité des conventions et des groupes de contrats131 », propose des solutions. Selon elle, un tiers ne peut être victime d’un dommage « strictement contractuel » que s’il est membre d’un groupe de contrat uni par une identité d’obligations. L’une des deux obligations se répercutant alors sur l’autre. Elle propose donc de reconnaître à ce tiers et à lui seul une action de nature contractuelle contre le contractant défaillant. Il en résulte ainsi une nouvelle définition des groupes de contrats calquée sur les buts poursuivis. Cette thèse répute les personnes qui n’ont pas échangé de consentement et recentre l’existence du lien contractuel non plus sur la volonté de s’obliger mais sur la communauté d’intérêt économique qui unit les membres du groupe. La notion même de contrat se trouve modifiée et le contrat tire sa force obligatoire moins de la volonté des parties que de la loi qui y voit un instrument socialement indispensable qui favorise l’échange des biens et services. On assiste donc à une évolution du droit positif en faveur du régime délictuelle de la responsabilité des contractants envers les tiers, notamment avec le déclin de la stipulation pour autrui tacite au profit des victimes par ricochet. 130 131 P. Jourdain, Rév. crit. DIP, 1992 ; D. 1992, 155, n°33 Thèse Paris II, Ed 1996, n° 105, SP. P 98 et svtes 76 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle II. L’abandon de la stipulation pour autrui tacite au profit des victimes par ricochet. La stipulation pour autrui est une opération concernant trois personnes en vertu de laquelle le stipulant convient avec le promettant que ce dernier effectuera une prestation au profit du tiers bénéficiaire ; L’objet de la stipulation pour autrui est donc de créer un droit au profit exclusif d’une personne étrangère au contrat dont ce droit est issu. Cette règle énonce à l’article 1121 du code civil qu’ « on peut pareillement stipuler au profit d’un tiers, lorsque telle est la condition d’une stipulation que l’on fait pour soi-même ou d’une donation que l’on fait à un autre. Celui qui a fait cette stipulation ne peut plus la révoquer, si le tiers a déclaré vouloir en profiter. » ; il s’agit bien sûr, de la seule exception au principe de la relativité des contrats prévu à l’article 1165 de ce même code132. Ce mécanisme fait naitre, dés la stipulation, un droit direct du bénéficiaire contre le promettant, indépendamment de l’acceptation de ce bénéficiaire. Malgré le fait qu’il ne soit pas partie au contrat, le bénéficiaire devient créancier du promettant. Plus tard, la jurisprudence a décelé dans certaines situations contractuelles une stipulation pour autrui tacite au profit de certains tiers. Ici, le créancier n’a pas seulement contracté dans son intérêt mais également dans celui d’un tiers victime potentielle d’une défaillance contractuelle qui pourra ainsi, en cas de dommage survenu, rechercher la responsabilité contractuelle du débiteur. Ce mécanisme va ainsi permettre aux victimes par ricochet d’un contractant décédé lors de l’exécution d’un contrat, de bénéficier d’une action en responsabilité contractuelle contre le cocontractant auteur du dommage. Cette stipulation a d’abord été admise dans le transport de marchandises au profit du destinataire133. La jurisprudence a permis d’étendre le bénéfice de certaines obligations de sécurité aux victimes par ricochet, notamment de celles que contient le contrat de transport. 132 Selon les termes mêmes de l’article 1165 du code civil, elle constitue la seule exception au principe en vertu duquel les conventions ne profitent point aux tiers. 133 Civ. 26 janv. 1915, DP 1916.47. 77 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Elle a ainsi découvert une obligation de sécurité de résultat consistant en un engagement d’amener le cocontractant voyageur à destination sain et sauf. Les juges ont surtout admis ce mécanisme dans le transport de personnes au profit des proches du voyageur134. Cette stipulation pour autrui tacite a ensuite été étendue aux victimes par ricochet d’une personne décédée à la suite d’une transfusion sanguine135, le contrat de transfusion des produits sanguins contenant une obligation de sécurité de résultat. Il est important de noter que la doctrine a donné son avis sur cette création jurisprudentielle. Selon certains auteurs, ce bénéfice offert aux victimes par ricochet d’user d’une action en responsabilité contractuelle aboutie à une atteinte à un grand principe ; ce dernier n’est autre que le principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle. Selon ce principe, lorsqu’un dommage se rattache à l'exécution d'un contrat, il est interdit d'en demander la réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle. A fortiori, il est impossible de cumuler les deux voies et de demander réparation du même dommage sur deux fondements différents car cela constituerait un enrichissement sans cause de la victime à être indemnisée deux fois pour un seul dommage. En effet, accorder un tel bénéfice, supposera le fait que s’il accepte le bénéfice de la stipulation pour autrui, le bénéficiaire disposera d’une action en responsabilité contractuelle, tandis que s’il n’en voudrait pas, il pourra toujours refuser le bénéfice de la stipulation afin de profiter des avantages que l’évolution du régime délictuel lui permet d’espérer, tout en échappant aux limitations de responsabilité insérées dans le contrat. Tout comme l’assimilation des fautes, la stipulation pour autrui tacite offre un avantage aux tiers, jugé excessif ; Dés lors, la Cour de Cassation n’avait d’autres choix que d’abandonner ce recours à ce mécanisme jurisprudentiel. Un arrêt en date du 28 octobre 2003136 est notamment 134 135 Civ. 6 déc. 1932, DP 1933.177, note L. Josserand. Civ. 1re, 14 nov. 1995, Bull. civ. I, n° 44. 78 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle révélateur de l’abandon progressif de la stipulation pour autrui tacite au bénéfice des proches de la victime directe. Dans cet arrêt, la première chambre civile refuse aux victimes par ricochet de bénéficier du régime contractuel de responsabilité. En l’espèce, il s’agissait d’une action de parents d’une victime décédée lors d’un voyage à l’encontre de l’agence organisatrice. La jurisprudence semble s’être rangé du coté de la responsabilité délictuelle des victimes par ricochet en rendant la solution suivante : « attendu que l’arrêt, après avoir énoncé que les demandeurs, victimes par ricochet, n’étaient pas ayants cause de leurs parents décédés, n’agissant ni en qualité de cessionnaires, ni d’héritiers, a exactement décidé qu’ils ne pouvaient pas bénéficier d’une stipulation pour autrui implicite au titre du contrat de voyage, de sorte qu’il était exclu que leur action soit fondée sur la responsabilité contractuelle de l’agence de voyages ». On peut ainsi parler d’une entame de la remise en cause de la stipulation pour autrui, permettant d’une certaine façon, de mettre en échec les exceptions au principe de l’effet relatif du contrat. Ceci-dit, une remarque supplémentaire mérite réflexion. Dans l’arrêt rendu par la formation solennelle de la Cour de Cassation du 6 octobre 2006, consacrant l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle, le juge aurait pu axer sa solution sur la notion de stipulation pour autrui tacite malgré la fictivité de ce mécanisme ; surtout que l’obligation violée était loin d’être une violation d’un devoir général. Au regard de ces solutions, on assiste donc à un déclin de la responsabilité contractuelle au profit de la responsabilité délictuelle ; ce n'est plus que par exception que la responsabilité contractuelle intervient au profit de tiers, le principe étant celui de la réparation sur le terrain extracontractuel. On pourrait parler d’une évolution du droit positif en faveur du « tout délictuel ». Il est temps de s’intéresser aux conséquences de cette solution de l’assimilation des fautes et du choix pour le régime délictuel de responsabilité, qui pour la plupart semblent contestables ; 136 Cass. civ. 1ère, 28 oct. 2003, Bull.2003, I, n°219. 79 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle CHAPITRE 2 : UNE SOLUTION CONTESTABLE NECESSITANT REAMENAGEMENT 80 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle L’arrêt du 6 octobre 2006 consacrant le théorie de l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle et l’option pour la responsabilité délictuelle des contractants défaillant envers les tiers, a fait l’objet de nombreuses critiques en raison des effets que génère la solution ; en effet, le tiers s’est vu dans une telle solution, trop avantagé ; de plus il est intéressant de voir qu’avec cette jurisprudence, constante depuis, on constate une imbrication des deux ordres de responsabilité ; Nous verrons tout d’abord en quoi la solution demeure excessive et dangereuse malgré la constance de la jurisprudence en la matière (Section 1), pour ensuite tenter de trouver une meilleur solution, plus juste et équitable, afin de combler les lacunes du droit positif, avec l’intervention du droit prospectif (Section 2). SECTION 1 LA REMISE EN CAUSE DE L’EXCES ET DE LA DANGEROSITE DE LA SOLUTION SECTION 2 VERS UNE SOLUTION DE RECHANGE : L’AVANTPROJET DE REFORME « CATALA » 81 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Section 1 : La remise en cause de l’excès et de la dangerosité de la solution. La décision de l’Assemblée Plénière, bien que protectrice des tiers victimes de l’inexécution contractuelle, a fait un pas de trop synonyme d’excès ; dans sa solution, la formation solennelle a créer un véritable déséquilibre entre le tiers et les parties aux contrats. En effet, en optant pour la responsabilité délictuelle, le juge permet ainsi au tiers victime, de bénéficier des avantages d’un tel régime sans pour autant se voir appliquer les prévisions du contrat liant le défaillant contractuel et son créancier ; l’équilibre général du contrat semble donc ruiné (Paragraphe 1). De plus, cette décision d’assimiler les fautes contractuelle et délictuelle montre une indifférence voir une remise en cause du juge quant à la distinction des deux ordres de responsabilité (paragraphe 2). Paragraphe 1 : Une différence de traitement bouleversant l’équilibre général du contrat. I. La position avantageuse du tiers contournant les prévisions du débiteur contractuel. La solution consistant à attribuer au tiers le bénéfice de l’action en responsabilité civile délictuelle contre le contractant défaillant, permet d’une certaine façon, d’altérer le contrat en le vidant d’une partie de son contenu. En optant donc pour la responsabilité délictuelle, le juge aura parmi d’écarter et de tenir en échec les clauses attributives de compétence éventuellement insérées dans le contrat, les courtes prescriptions, fréquentes en matière contractuelle, à paralyser le jeu des clauses d’évaluation forfaitaire des dommages et intérêts, ou encore l’exigence de la mise en demeure. Néanmoins, il faut préciser que les délais de prescription extinctives de l’action en responsabilité ont été réformés ; notamment par une loi du 17 juin 2008. L’apport de cette loi a été de réduire les délais de prescription de l’action en responsabilité. Avant 82 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle elle était de trente ans pour les actions en responsabilité extracontractuelles et de 10ans pour les actions en responsabilité civile contractuelles. Désormais, le législateur a opté pour un seul et unique délais de droit commun qui est de cinq ans. La seule exception reste en faveur des actions pour dommages corporels. Le délai étant réduit, l’article 2222 du Code Civil prévoit qu’il court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, soit à compter du 19 juin 2008. De plus, l’option pour la responsabilité délictuelle est synonyme de réparation intégrale du préjudice. La solution de l’Assemblée plénière aboutit à priver le contractant des divers aménagements légaux ou conventionnels ; tels les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité. Il arrive souvent que se soit cette possibilité d’opposer des restrictions conventionnelles de responsabilité qui emporte le consentement du débiteur contractuel, sans laquelle celui-ci n’aurait pas conclu le contrat, ou l’aurait conclu, mais à des conditions bien différentes, notamment de prix. On peut illustrer cela avec un exemple assez simple ; lorsqu’un contractant s’engage à transporter une marchandise dans un délai particulièrement bref, mais seulement parce qu’il a réussi à imposer à son créancier, en contrepartie, une limitation de sa responsabilité dans son montant. Or, si un dommage est subi par un tiers du fait du retard dans le transport de la marchandise, le débiteur va se voir opposer cet engagement sans aucune contrepartie. Ainsi, ces effets semblent ruiner l’équilibre général du contrat en bouleversant les prévisions contractuelles en considération desquelles les parties avaient stipulé. D’une certaine façon, le débiteur est privé du régime de responsabilité qu’il avait prévu. Cependant, cette solution n’altère pas totalement les prévisions des parties dans le sens où l’étendue et la portée de certaines obligations, resteront une parade utile à l’action du tiers ; dés lors, la preuve du manquement contractuel sera plus difficile à prouver ; l’exemple type est celui du manquement à l’obligation de moyens prévu au contrat. 83 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Pour ainsi déterminer si les prévisions contractuelles sont altérées, il faut surtout s’intéresser à ce qui relève de la substance des obligations. Par exemple, les clauses attributives de compétence, n’affectent pas le droit substantiel à réparation et devraient ainsi pouvoir être tenues en échec dans le cadre de l’action en responsabilité civile d’un tiers. Dés lors, l’opposabilité aux tiers des clauses du contrat dépendra selon qu’elle affecte ou non le droit substantiel à réparation. L’exigence d’une mise en demeure prévue au contrat est pour selon certains auteurs, inopposable aux tiers victimes137. Or, cette option pour la responsabilité délictuelle ne se contente pas de cette sévérité à l’égard du débiteur et de ses prévisions contractuelles, elle s’avère également présenter un caractère discriminatoire à l’égard d’autres personnes, en particulier à l’encontre du créancier contractuel. II. La position avantageuse du tiers par rapport au créancier contractuel. Cette solution permet au tiers de se voir appliquer des règles de compétence et de prescription différentes de celles auxquelles aurait été soumis le cocontractant si c’était lui qui avait eu à se plaindre de l’inexécution ; l’utilisation du régime de la responsabilité délictuelle permet au tiers de lui conférer une position plus avantageuse et des droits bien plus étendus vis-à-vis du débiteur de la prestation inexécutée que ceux dont dispose le créancier contractuel lui-même. Cette différence de traitement s’est notamment illustrée dans l’arrêt du 6 octobre 2006, où les juges du fond ainsi que l’Assemblée Plénière ont estimé que la clause de nonresponsabilité dont l’existence était, à ce propos, invoquée par le deuxième moyen de cassation pour contester la condamnation prononcée par la cour d’appel, n’aurait pas été « de nature à permettre l’admission du pourvoi ». Ce rejet du pourvoi a donc eu pour conséquence de valider l’action en réparation du tiers et de lui permettre d’être indemnisé du préjudice subi, alors même que cette indemnisation, aurait été refusée au 137 M. BILLIAU, La Semaine Juridique, Éd. G, II, 10181, p. 2116. 84 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle preneur s’il avait lui-même exploité le fonds et intenté une action en réparation en se prévalant du même manquement et en invoquant le même dommage. Il y a donc là une discrimination manifeste à l’encontre du créancier contractuel qui, bien que dans une situation comparable à celle du tiers, ne se verrait pas appliquer un traitement identique. Pour certains auteurs, ce bénéfice offert aux tiers est en règle générale refusé au créancier contractuel par le jeu du principe du non-cumul. Il y a donc là une nouvelle manifestation de l’inégalité injustifiée mise en œuvre au profit du tiers. L’action délictuelle permet ainsi d’éviter les règles contractuelles qui protègent le débiteur, elle le prive en même temps des règles contractuelles qui avantagent le créancier ; Quant-à l’exécution en nature du contrat, elle doit en principe être réservée au bénéfice du créancier, à l’exclusion du tiers. Cependant, il existe une exception à cette voie délictuelle favorable au tiers ; c’est le cas des tiers victimes de l’inexécution d’un contrat translatif de propriété. Ces derniers ne peuvent se prévaloir de l’inexécution du contrat que par la voie contractuelle et peuvent, de ce fait, se voir opposer toutes les exceptions tirées de ce contrat. Mais rappelons le, il ne s’agit que d’une exception, où le principe reste celui de la responsabilité délictuelle du contractant envers le tiers victime de la défaillance contractuelle. L’option pour le régime délictuel affecte en effet profondément l’intégrité du contrat. Elle contourne fortement les prévisions du débiteur contractuel et favorise considérablement le tiers victime par rapport au créancier contractuel victime. Il est ainsi temps de découvrir que le juge, dans sa solution, s’est prononcé sans pour autant respecter la séparation des deux ordres de responsabilité. Paragraphe 2 : L’indifférence apporté au principe de séparation des deux ordres de responsabilité. Les défendeurs de la théorie de l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle, tel 85 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle GRANDMOULIN, militent pour l’unité de la théorie de la responsabilité et à l’absence d’existence de la responsabilité contractuelle. M. HUET quant à lui, a insisté sur la dualité des fonctions assignées aux dommages et intérêts contractuels138. Ces derniers doivent être distingués de ceux dus à la suite d’un délit. Alors que certains estiment que la responsabilité contractuelle est « un faux concept »139, d’autres partagent l’idée que le contrat est doté d’une « fonction de protection d’intérêts extracontractuels140 », cette responsabilité contractuelle semble être en concurrence avec celle délictuelle. Il y a sans doute dans cette décision, un nouveau pas vers la remise en cause de la distinction entre responsabilité contractuelle et délictuelle. Le phénomène n’est pas nouveau. Il puise ses origines d’une part dans l’affirmation – après tout relativement récente du principe du non-cumul, et d’autre part, dans le recours judiciaire du contrat. Le juge a tendance à confondre parfois les deux ordres de responsabilité lorsqu’il assimile toute faute contractuelle à une faute délictuelle ; Cette assimilation est justifiée lorsque l’obligation violée est un devoir général contractualisé. Cependant, il en sera autrement s’il s’agit d’une obligation purement contractuelle ; certains auteurs parlent d’ « un plus contractuel141 ». Cette identité des fautes contractuelle et délictuelle, comme nous l’avons déjà vu, porte atteinte à l’effet relatif des contrats ; dés lors, cela constitue un tempérament à ce principe de distinction des deux ordres de responsabilité. M. BRUN quant à lui, parle d’une consécration de la « fongibilité des objets respectifs de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle »142. Ainsi, la jurisprudence dans sa solution, semble avoir nié le particularisme de la responsabilité contractuelle. L’évolution du droit positif tend vers une unité de régime, où celui contractuel est considéré comme l’exception et celui délictuelle, comme le principe ; 138 J. HUET, thèse 1978, Responsabilité contractuelle et délictuelle : essai de délimitation entre les deux ordres de responsabilité. 139 P. REMY, « La responsabilité contractuelle, histoire d’un faux concept », RTD civ., 1997. 140 P. REMY, article précité, p. 323. 141 J. HUET, thèse précitée, p. 637. 142 P. BRUN, « Feu la relativité de la faute contractuelle », RLDC, 2007. 86 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Le droit positif se doit d’être corrigé vu ses imperfections ; c’est pour cela qu’un réaménagement du droit de la responsabilité a été proposé par le droit prospectif. Section 2 : Vers une solution de rechange : l’Avant-projet de réforme « Catala ». Assimilation des fautes, remise en cause de la distinction des deux ordres de responsabilité, altération de l’effet relatif du contrat, bouleversement de l’équilibre général du contrat, voilà les conséquences issues de la solution rendue par la formation solennelle de la Cour de Cassation le 6 octobre 2006 ; ainsi, pour pouvoir combler ces lacunes du droit positif et notamment du droit des obligations, le droit prospectif intervient par le biais de l’avant-projet de réforme du droit des obligations ; ce projet envisage une forte innovation en matière de responsabilité des parties envers les tiers (Paragraphe 1). Malgré une telle innovation juridique palliant ainsi les inconvénients pratiques, cette première semble aussi contenir de graves imperfections sur le plan théoriques (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : Un droit prospectif en faveur d’un principe d’option entre l’action en responsabilité délictuelle et contractuelle au profit du tiers. La recherche des solutions permettant de concilier le principe de l’effet relatif des conventions avec le droit pour les tiers victimes de l’inexécution d’un contrat d’obtenir réparation est ce qui a sans doute guidé le groupe de travail animé par le Professeur CATALA dans la rédaction de l’Avant-projet de reforme du droit des obligations et du droit de la prescription. Ce projet prévoit d’ajouter au code civil un article 1165-2 disposant que « les conventions sont opposables aux tiers ; ceux-ci doivent les respecter et peuvent s’en prévaloir sans être en droit d’en exiger l’exécution ». Ce texte consacre donc le principe d’opposabilité des contrats « erga omnès » qu’avaient dégagé peu à peu la doctrine et la 87 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle jurisprudence. Il souligne le double sens de cette opposabilité qui joue tant à l’encontre des tiers qu’à leur profit, sous la réserve essentielle qu’ils ne peuvent exiger l’exécution du contrat, ce qui permet de distinguer de façon radicale l’effet obligatoire de l’opposabilité. En outre cet avant- projet contient un article beaucoup plus novateur ; il s’agit de l’article 1342 de l’avant-projet ainsi rédigé : « lorsque l’inexécution d’une clause contractuelle est la cause directe d’un dommage subi par un tiers, celui-ci peut en demander réparation au débiteur sur le fondement des articles 1362 à 1366 (dispositions propres à la responsabilité contractuelle). Il est alors soumis à toutes les limites et conditions qui s’imposent au créancier pour obtenir réparation de son propre dommage. Il peut également obtenir réparation sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, mais à charge pour lui de rapporter la preuve de l’un des faits générateurs visés aux articles 1352 à 1362143 ». Ce projet permettrait ainsi de régler le problème du fondement des droits des tiers victimes d’inexécutions contractuelles. Le tiers pourrait par principe, obtenir réparation de son dommage sur le fondement contractuel s’il rapporte la preuve d’un fait générateur d’une telle responsabilité mais à la condition d’appliquer à leur action le régime contractuel de responsabilité. Malgré les nombreuses discussions qu’il a suscitées, ce texte est le résultat d’un compromis dicté par des considérations pratiques qui doivent l’emporter. En en effet, si on veut imposer le respect du contrat, il faut admettre que toute action fondée exclusivement sur un manquement au contrat est soumise au régime contractuel, quelle que soit la qualité des parties à l’action. Ainsi, les considérations pratiques commandent d’imposer l’application du régime contractuel dès lors que le fondement de l’action réside uniquement dans un manquement au contrat. 143 Ces articles traitent de la responsabilité délictuelle du fait personnel et du fait des choses, du fait d’autrui et enfin du fait des activités dangereuses. 88 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle En revanche, si le tiers peut établir à la charge du débiteur, outre la défaillance contractuelle, un fait générateur de responsabilité extracontractuelle, il n’y alors aucune raison de le priver de l’action destinée à faire connaître cette responsabilité. Certes, le tiers a ici un avantage par rapport au créancier, mais cet avantage semble normal puisque le tiers n’a pas consenti aux éventuelles limitations du droit à réparation que le créancier a accepté. Or il a subi un dommage contre lequel il n’avait aucun moyen de se prémunir. Quant à la solution de l’assimilation des fautes, elle n’emprunte aucune de ces deux alternatives proposées par cet avant-projet. Dans un premier temps, cet article 1342 ouvrira ainsi droit au tiers victime de l’inexécution contractuelle, de se prévaloir de cette inexécution si elle est la cause directe de son dommage. Cependant, la grande différence avec le droit positif, d’où l’innovation, sera d’imposer au tiers les contraintes liées au contrat, à savoir les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité, les clauses de compétence, l’exigence de prévisibilité du dommage, etc. Dans un second temps, en son alinéa 2, le même article de cet avant-projet autorise le tiers à emprunter la voie délictuelle de façon à ce qu’il échappe aux contraintes nées du contrat, telles les clauses limitatives de responsabilité. Cependant cette option est conditionnée par la preuve que le fait dommageable est un « fait illicite ou anormal » au sens de l’article 1340 alinéa 1 de l’avant-projet. Dés lors, la relativité de la faute contractuelle semble respectée contrairement à la solution assimilatrice des fautes contractuelles et délictuelles. Le bénéfice d’une telle option permet ainsi de concilier le soucis de protection des tiers victimes et la sécurité juridique des parties, dans le sens où l’équilibre général du contrat ne sera pas altéré par le contournement des prévisions contractuelles du débiteur144. 144 J.-B. SEUBE, Revue des Contrats, 2007, p. 379. 89 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Certains auteurs n’ont pas hésité à approuver cette solution, jugée très novatrice en pratique145. Cette seconde option pour la responsabilité extracontractuelle semble logique dans le sens où le tiers pourra échapper à l’opposabilité des stipulations contractuelles auxquelles il n’a pas choisi de s’y soumettre. Si le tiers choisit la voie contractuelle, il sera soumis aux mêmes conditions et limites que le créancier contractuel. Dés lors, contrairement à la solution du 6 octobre 2006, l’égalité de traitement entre les différentes catégories de victimes sera respectée. De plus, le débiteur contractuel pourra ainsi voir ses prévisions contractuelles s’appliquer. Avec un tel mécanisme, le juge n’aura pas à privilégier la sécurité de l’un au détriment de l’autre ; chaque partie sera protégée, à savoir, le tiers, le débiteur et le créancier contractuel. Il est intéressant de préciser que la voie contractuelle sera ainsi ouverte qu’aux tiers ayant une certaine relation de proximité avec le contrat 146. Ainsi, les tiers pouvant être concernés, seront ceux contractant dans le cadre d’une chaine ou groupe de contrat et notamment les victimes par ricochet. Dans le cas contraire, le tiers disposera à ce moment là, de l’option pour l’action en responsabilité délictuelle. Cependant, malgré les avantages que procure l’article 1342 de cet avant-projet de réforme, les conséquences théoriques semblent entachées d’imperfections. Paragraphe 2 : Les imperfections théoriques d’un tel projet. Il est vrai que le principe de l’effet relatif du contrat interdit aux parties de lier les tiers ; seulement, il ne commande aucunement le choix du régime à appliquer. Dés lors, cette option pour ces deux régimes ne porte aucunement atteinte à l’article 1165 du Code Civil. 145 146 G. VINEY, sous-titre III, De la responsabilité civile (articles 1340 à 1386). P. ANCEL, « Présentation des solutions de l’avant-projet », Revue des Contrats, 2007, p. 19, n°21. 90 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Ceci-dit, certains auteurs ont qualifié ce projet de « monstruosité juridique »147. C’est l’idée que partage M. ANCEL ; il justifie ce qualificatif par cette abolition des frontières entre le contractuel et le délictuel. En effet, le juge a permis au tiers de s’immiscer dans la sphère contractuelle, portant logiquement atteinte à la relativité des conventions. D’autres personnes semblent au contraire, adhérer à ce projet, dans le sens où l’option de la voie contractuelle au profit du tiers constitue seulement une action en réparation et non une réclamation de l’exécution du contrat. Il en est autrement lorsque la réparation ne fait que refléter la notion de dommages et intérêts alloués au tiers, synonyme d’exécution du contrat par équivalent ; dans ce cas, l’article 1342 de l’avant-projet demeure tout à fait critiquable. L’innovation proposée par l’avant-projet est loin d’être parfaite, mais ses imperfections apparaissent comme étant moins graves que celles affectant la solution retenue en droit positif. Cependant, ce projet, optant pour les deux régimes de responsabilité, porterait atteinte au principe de non-cumul vu précédemment. Au regard des toutes ces observations relatives à l’innovation proposée par l’avantprojet Catala, il est utile d’en conclure que d’un coté, l’option entre les deux types de responsabilités serait avantageuse et innovante, remédiant ainsi les imperfections pratiques du droit positif. Mais de l’autre, elle constitue une réelle atteinte au principe de non cumul et marque un pas de plus vers une remise en cause du principe de distinction des deux ordres de responsabilité. 147 P. ANCEL, « Faut-il " faire avec » ? », Revue des Contrats, 2007, p.538, n°21 : l’auteur utilise cette expression pour illustrer les propos tenus par les détracteurs de la solution proposées dans l’avant-projet, propos qu’il est bien loin de partager. 91 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle CONCLUSION SECONDE PARTIE Notre analyse étant limitée à l’effet de l’inexécution du contrat sur les tiers (tiers victimes), il ressort que le tiers peut poursuivre la partie au contrat dont la défaillance a été à l’origine de son préjudice sur le plan délictuel par principe et très exceptionnellement sur le plan contractuel. L’utilisation du régime de la responsabilité délictuelle par principe permet au tiers non seulement d’éviter les clauses du contrat que les clauses aménageant ou limitant la responsabilité, mais également de se voir appliquer des règles de compétence différentes de celles auxquelles aurait été soumis le créancier de la prestation. Le tiers est ainsi admis à se servir de ce contrat pour fonder son action sans pour autant être soumis à l’ensemble des règles qui s’appliquent aux contractants, ce qui confère souvent une position plus avantageuse et des droits plus étendus vis-à-vis du débiteur de la prestation inexécutée. Il est donc mieux traité. En effet, il ne peut se voir appliquer le contrat, mais peut l’invoquer à son profit tout en contournant le régime contractuel. Dès lors, le fondement délictuel de l’action en responsabilité du tiers aboutit à rompre, voire à ruiner l’équilibre général du contrat, en bouleversant les prévisions contractuelles en considération desquelles les parties avaient stipulé. L’augmentation du nombre de tiers, victimes potentielles de fautes contractuelles met en lumière les inconvénients de l’action en responsabilité délictuelle contre le débiteur défaillant. Cependant, le souci de respecter les prévisions du débiteur défaillant n’est pas jugé suffisant pour justifier la substitution de l’action contractuelle à l’action délictuelle en réparation du dommage subi par un tiers au contrat. C’est pour cela que le droit prospectif intervient pour proposer une option entre le régime de la responsabilité contractuelle, à condition toutefois de respecter les contraintes liées au contrat, et le régime délictuelle, conditionné à la preuve que le fait dommageable est un fait illicite. Ainsi cette option permettrait de concilier le soucis de protection des tiers victimes et la sécurité juridique des parties. Certes l’Avant-projet de réforme du droit des obligations semble innovante, mais laisse à désirer quant tenu de ses effets pervers dus à une abolition des frontières entre le contractuel et le délictuel où le particularisme de la responsabilité contractuelle est nié au profit d’une unité de régime, à une atteinte à la relativité des conventions causée par un bénéfice d’immixtion des tiers dans la sphère contractuelle, à l’allocation de 92 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle dommages et intérêts, synonyme d’exécution du contrat par équivalent et notamment en raison d’une atteinte au principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle. 93 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle CONCLUSION GENERALE Nous sommes désormais fixés, la jurisprudence a fini par trancher l’incessante controverse concernant le fait générateur de responsabilité des contractants envers les tiers, en optant ainsi pour une dérelativisation de la faute contractuelle au profit d’une identité des fautes contractuelle et délictuelle tiré d’un principe d’opposabilité des contrats par les tiers. Comment le juge en est-il arrivé à une telle solution ? Voila une question à laquelle on ne peut répondre que dans un sens. Alors que les adhérents au principe de la relativité des conventions et de la faute contractuelle estiment que la sphère contractuelle doit intéresser les seuls parties à l’acte et que la faute contractuelle doit être indépendante de la faute délictuelle, les défendeurs de l’opposabilité des contrats et de la théorie de l’identité des fautes considèrent qu’il faut à tout prix protéger les victimes de défaillances contractuelles quelle que soit leur qualité. Ces derniers ont en effet, parvenu à influencer l’Assemblée Plénière pour décider que toute faute contractuelle constituait automatiquement une faute délictuelle dés lors qu’elle cause un préjudice au tiers. On voit bien qu'à en rester à l'effet relatif du contrat ou à son opposabilité par le tiers, ou encore à l'assimilation ou non des fautes contractuelle et délictuelle, on ne résout pas la difficulté. La solution demeure simpliste et générale du fait de l’absence dans sa formule de distinction quant à la nature ou portée de l’obligation violée, de la réalité du dommage et surtout de la négligence du lien de causalité entre l’inexécution contractuelle et le préjudice. Le juge aurait pu vérifier si la violation de l’obligation était spécifiquement contractuelle et donc non invocable par le tiers ou si l’obligation constituait un devoir général s’imposant à tous. Le juge aurait du consacrer une assimilation possible et non pas automatique. Le contrat a vocation à concrétiser la poursuite d'un objectif commun Cependant, cette mission tend aujourd’hui à s'effacer face à l'hégémonie du droit de la responsabilité, pour ne pas dire du droit à l'indemnisation. On peut ainsi parler d’une évolution du droit positif en faveur du « tout délictuel » avec un rayonnement accru du contrat entrainant ainsi des imperfections telles le bouleversement de l’équilibre du contrat causé par un placement du tiers dans une situations favorable par rapport aux parties, etc., entachant 94 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle ainsi le droit positif, d’où l’intervention du droit prospectif avec notamment l’Avantprojet de réforme du droit des obligations qui propose une option pour un des deux régimes de responsabilité. Ainsi, en privilégiant le terrain délictuel, on privilégie les intérêts du tiers victime au détriment des intérêts du débiteur défaillant et en privilégiant le terrain contractuel, ce sont les intérêts du débiteur défaillant qui sont privilégiés au détriment des intérêts du tiers victime. Se trouverait-on alors face à une impasse ? Serait-on contraint de choisir entre deux solutions également condamnables ? L’imperfection de chacune expliquerait l’embarras dans lequel se trouve la jurisprudence actuelle et les contradictions qui l’affectent. Il faudrait alors rechercher une solution au problème de la responsabilité du débiteur défaillant qui concilierait les besoins de protection de ce dernier et les intérêts des tiers victimes. Dans ce sens la jurisprudence gagnerait à s’inspirer de la thèse de Mme BACACHE GIBEILI pour essayer de parvenir à un point d’équilibre entre les tiers victimes et le débiteur défaillant, équilibre recherché dans un souci de justice équitable. 95 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle BIBLIOGRAPHIE I. DICTIONNAIRES - G. Cornu et Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, 8ème éd., PUF 2008. - S. GUINCHARD et G. MONTAGNIER (dir), lexique des termes juridiques, 15e éd., Dalloz, 2005. II. OUVRAGES JURIDIQUES - Flour - J. Flour, J.-L. 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Mazeaud, « Responsabilité délictuelle du débiteur contractuel », Revue des Contrats, 2005, p. 687. -D. Mazeaud, « Du principe de l’effet relatif du contrat conclu à la règle de l’effet attractif du contrat inexécuté », Revue des Contrats, 2007, p. 269. 97 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle - J.-B. Seube, « L’identité des fautes l’emporte sur la relativité de la faute contractuelle », Revue des Contrats, 2007, p. 379. - J.-P. Tosi, « Le manquement contractuel dérelativisé », in Mélanges M. Gobert, Économica, 2004, p. 479. - G. Viney, JCP – La Semaine Juridique Édition Générale, 2003, I, n°152, p. 1353. - G. Viney, Recueil Dalloz, 2006, p. 2825. JURISPRUDENCE - Cass. 1ère civ., 22 juill. 1931, D. H 1931, p. 506. - Cass. 1ère civ., 7 nov. 1962 : Bull. civ. 1962, I, n°465. - Cass. 1ère civ., 8 mars 1988, Bull. civ. 1988, I, n°69. - Cass. 1ère civ., 21 juin 1988, Bull. civ. 1988, I, n°202. - Cass. Ass. plén., 12 juill. 1991, Besse, Bull. civ. Ass. plén. 1991, n°5. - Cass. 1ère civ., 27 janv. 1993, Jakob Handte, Bull. civ. 1993, I, n°44. - Cass. 1ère civ., 7 juin 1995, Zurich France, Bull. civ. 1995, I, n°3. - Cass. Com., 2 avr. 1996, Bull. 1996, IV, n°101. - Cass. Com., 17 juin 1997, Bull. 1997, IV, n°187. - Cass. 1ère civ., 15 déc. 1998, Bull. civ. 1998, I, n°368. - Cass. 1ère civ., 5 janv. 1999, Thermo-king, Bull. civ. 1999 , I, n°6. - Cass. 1ère civ., 18 juillet 2000, Bull. civ. 2000, I, n°221. - Cass. Ass. plén, 17 nov. 2000, Perruche, Bull. civ. Ass. plén. 2000, n°9. - Cass. 1ère civ., 6 févr. 2001, Bull. civ. 2001, I, n°22. - Cass. 1ère civ., 13 févr. 2001, Bull. civ. 2001, I, n°35. - Cass. 3ème civ., 28 nov. 2001, Haironville, Bull. civ. 2001, III, n°137. - Cass. Com., 8 oct. 2002, pourvoi n°98-22858, Inédit titré. - Cass. 1ère civ., 28 oct. 2003, Bull. civ. 2003, I, n°219. 98 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle - Cass. 1ère civ., 18 mai 2004, Bull. civ. 2004, I, n°141. - Cass. Com., 5 avr. 2005, Bull. 2005, IV, n°81. - Cass., Ass. plén., 6 oct. 2006, n°05-13255, Bull. civ. Ass. plén. 2006, n°9. - Cass. 1ère civ., 27 mars 2007, Bureau Veritas, pourvoi n°05-10480, Publié au Bulletin. - Cass. 2ème civ., 10 mai 2007, Région Aquitaine, pourvoi n°06-13269, Publié au Bulletin. - Cass. 1ère civ., 15 mai 2007, pourvoi n°05-16926, Publié au Bulletin. - Cass. 3ème civ., 4 juill. 2007, pourvoi n°06-15776, Publié au Bulletin. - Cass. 3ème civ., 12 sept. 2007, pourvoi n°06-15329, Publié au Bulletin.c TEXTES DE LOIS - Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, rédigé par Pierre Catala, Ministère de la Justice, La Documentation française, 2006. - Bulletin d’information de la Cour de cassation, 1er décembre 2006, n°651, Rapport du Conseiller rapporteur M. Assié, p. 43, et Avis du Premier avocat général M. Gariazzo p. 53. - Code civil français, Dalloz, 2008. - Rapport annuel de la Cour de cassation, 2001, La Documentation française, p. 428. THESES - M. Bacache-Gibeili, La relativité des conventions et les groupes de contrats, préf. Y. Lequette, LGDJ, 1996. - E. BARTIN, De la règle « res inter alios acta » en droit romain, thèse. Paris 1885. - S. CALASTRENG, La relativité des conventions, thèse. Toulouse 1939. - F. DEBRAND, Étude de la règle « res inter alios acta aliis nec nocet nec prodest » en droit romain, thèse. Dijon 1890. - J.-L. Goutal, Essai sur le principe de l’effet relatif du contrat, préf. H. Batiffol, LGDJ, 1981. 99 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle - R. Wintgen, Étude critique de la notion d’opposabilité - les effets du contrat à l’égard des tiers en droit français et allemand -, préf. J. Ghestin LGDJ, 2004. SITES INTERNET - http://www.conseil-etat.fr: Communiqué de presse sur la décision de l’Assemblée du contentieux en date du 16 juillet 2007. - http://www.courdecassation.fr: Bulletin d’information n°651 du 01/12/2006, Note du Conseiller rapporteur M. Assié. 100 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle TABLE DES MATIERES INTRODUCTION……………………………………………………………………...6 PARTIE 1 : LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE DES COCONTRACTANTS VIS-A-VIS DES TIERS VICTIMES DE L’INEXECUTION CONTRACTUELLE…………………………………………...15 CHAPITRE 1 : La responsabilité des cocontractants à l’égard des tiers à travers les principes de la relativité et de l’opposabilité des conventions…………………17 SECTION 1 : La notion d’inexécution contractuelle et de tiers victimes…………...18 Paragraphe 1 : La notion de défaillance contractuelle………………………...........19 Paragraphe 2 : La notion de « tiers victime »………………………………………21 SECTION 2 : Un débat doctrinal entre le principe de la relativité et de l’opposabilité des conventions…………………………………………...…………………………24 Paragraphe 1 : Le principe d’effet relatif des contrats comme sécurité juridique des parties contre l’immixtion des tiers dans la relation contractuelle…………………25 Paragraphe 2 : L’émergence du principe d’opposabilité des contrats par les tiers…………………………………………………………………………………….28 CHAPITRE 2 : Le manquement contractuel comme fait générateur de responsabilité délictuelle envers les tiers…………………………………………..34 SECTION 1 : De la relativité de la faute contractuelle a l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle : une « valse-hésitation jurisprudentielle » et doctrinale……………………………………………………………………………37 101 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle Paragraphe 1 : la position doctrinale et jurisprudentielle sur la relativité de la faute contractuelle……………………………………………………………………..37 I. La position jurisprudentielle…………………………………………………37 II. La position doctrinale……………………………………………………….39 Paragraphe 2 : La consécration de la théorie de l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle : une position jurisprudentielle toujours en vigueur……………………………………………………………………………41 I. La position jurisprudentielle…………………………………………………..41 II. La positon doctrinal………………………………………………………….44 SECTION 2 : La position du droit : une solution générale et inachevée………….48 Paragraphe 1 : Une solution altérant la relativité des conventions……………….48 Paragraphe 2 : L’absence de distinction quant à la nature et portée de l’obligation violée……………………………………………………………………………...51 Paragraphe 3 : L’importance du rapport de causalité……………………………..54 CONCLUSION PREMIERE PARTIE. PARTIE 2 : LA PRIMAUTE DE LA NATURE DELICTUELLE DE L’ACTION EN RESPONSABILITE DU TIERS VICTIME DE L’INEXECUTION CONTRACTUELLE……………………………………………………………….59 102 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle CHAPITRE 1 : La prépondérance de la responsabilité civile délictuelle du cocontractant à l’égard des tiers…………………………………………………...61 SECTION 1 : L’exceptionnelle action en responsabilité contractuelle au bénéfice de certains tiers………………………………………………………………………...63 Paragraphe 1 : L’action des tiers ayant un lien avec une partie au contrat……….63 Paragraphe 2 : L’action des tiers dans les chaînes de contrats translatifs de propriété……………………………………………………………………………….67 SECTION 2 : Une action en responsabilité délictuelle des tiers de principe………..69 Paragraphe 1 : L’action des tiers absolu…………………………………………..70 Paragraphe 2 : Le déclin des exceptions à l’action en responsabilité civile délictuelle………………………………………………………………………….72 I. L’action des contractants extrêmes dans les groupes de contrats non translatifs de propriété………………………………………………………………………….72 II. L’abandon de la stipulation pour autrui tacite au profit des victimes par ricochet………………………………………………………………………………...77 CHAPITRE 2 : Une solution contestable nécessitant réaménagement………….80 SECTION 1 : La remise en cause de l’excés et de la dangerosité de la solution…...82 Paragraphe 1 : Une différence de traitement bouleversant l’équilibre général du contrat……………………………………………………………………………...82 103 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle I. La position avantageuse du tiers contournant les prévisions du débiteur contractuel…………………………………………………………………………82 II. La position avantageuse du tiers par rapport au créancier contractuel………..84 Paragraphe 2 : L’indifférence apporté au principe de séparation des deux ordres de responsabilité………………………………………………………………………85 SECTION 2 : Vers une solution de rechange : L’Avant-projet de réforme Catala…..87 Paragraphe 1 : Un droit prospectif en faveur d’un principe d’option entre l’action en responsabilité délictuelle et contractuelle au profit du tiers………………………..87 Paragraphe 2 : Les imperfections théoriques d’un tel projet………………………90 CONCLUSION SECONDE PARTIE………………………………………………92 CONCLUSION GENERALE……………………………………………………….94 BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………...96 104 | P a g e Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle 105 | P a g e