Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle

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Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
UNIVERSITE DE MONTPELLIER 1
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE
MASTER 2 DROIT DU MARCHE
INEXECUTION CONTRACTUELLE
ET
RESPONSABILITE DELICTUELLE
Par :
Nordine ALLAOUI
Directeur de recherche :
Monsieur Jean Louis RESPAUD
Maitre de conférences à la faculté de droit d’Avignon
ANNEE UNIVERSITAIRE : 2010-2011
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« La Faculté de droit de Montpellier n’entend donner aucune approbation, ni
improbation, aux opinions émises dans ce mémoire ; ces opinions doivent être
considérées comme propres à leur auteur ».
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REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier sincèrement :
Monsieur Jean-Louis RESPAUD pour sa gentillesse, son suivi et la confiance qu’il
m’a accordé dans mon travail de recherche.
Monsieur Le professeur Daniel MAINGUY (Faculté de droit de Montpellier) et
Monsieur Malo DEPINCE (Maitre de conférences à la Faculté de droit de Montpellier)
(Maitre de conférences à la Faculté de droit d’Avignon) pour m’avoir permis d’être au
sein de ce Master 2 Droit du Marché, riche en enseignements.
L’ensemble du corps enseignant du Master 2 Droit du Marché, pour ses enseignements
de qualité
Sans oublier la promotion 2010-2011 du Master 2 Droit du Marché pour tous les
souvenirs partagés.
Mes amis ainsi que ma famille pour leur soutien dans les moments obscurs de la
rédaction du mémoire.
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SOMMAIRE
INTRODUCTION…………………………………………………………………..6
PARTIE 1 : LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE DES COCONTRACTANTS
VIS-A-VIS DES TIERS VICTIMES DE L’INEXECUTION CONTRACTUELLE………..15
CHAPITRE 1 : La responsabilité des cocontractants à l’égard des tiers à travers
les principes de la relativité et de l’opposabilité des conventions………………..17
SECTION 1 : La notion d’inexécution contractuelle et de tiers victime…………….18
SECTION 2 : Un débat doctrinal entre le principe de la relativité et de l’opposabilité des
conventions…………………………………………………………………………..24
CHAPITRE 2 : Le manquement contractuel comme fait générateur de
responsabilité délictuelle envers les tiers…………………………………………..34
SECTION 1 : De la relativité de la faute contractuelle a l’assimilation des fautes
contractuelle et délictuelle : une « valse-hésitation jurisprudentielle » et doctrinale...37
SECTION 2 : La position du droit : une solution générale et inachevée……………..48
CONCLUSION PREMIERE PARTIE……………………………………………57
PARTIE 2 : LA PRIMAUTE DE LA NATURE DELICTUELLE DE L’ACTION EN
RESPONSABILITE DU TIERS VICTIME DE L’INEXECUTION CONTRACTUELLE..59
CHAPITRE 1 : La prépondérance de la responsabilité civile délictuelle du
cocontractant à l’égard des tiers…………………………………………………….61
SECTION 1 : L’exceptionnelle action en responsabilité contractuelle au bénéfice de
certains tiers…………………………………………………………………………...63
SECTION 2 : Une action en responsabilité délictuelle des tiers de principe…………69
CHAPITRE 2 Une solution contestable nécessitant réaménagement…………….80
SECTION 1 : La remise en cause de l’excés et de la dangerosité de la solution……..82
SECTION 2 : Vers une solution de rechange : L’Avant-projet de réforme Catala…...87
CONCLUSION SECONDE PARTIE……………………………………………..92
CONCLUSION GENERALE………………………………………………………94
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………..96
TABLE DES MATIERES………………………………………………………….101
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INEXECUTION CONTRACTUELLE ET RESPONSABILITE DELICTUELLE
INTRODUCTION.
« Res inter alios acta aliis neque nocere neque prodesse potest1 ».
Omettre de rappeler cet adage serait impensable en matière de relation entre le contrat et
le tiers, sujet de notre travail. Ce texte énoncé par le droit romain à pour traduction «
l’accord passé entre les uns ne saurait ni nuire, ni profiter aux autres ». Ainsi, un contrat
passé entre des parties ne rend pas les tiers débiteurs ou créanciers.
Traditionnellement, le contrat est conçu avant tout comme un acte de prévisions.
C’est un acte qui confère des droits et des obligations à la charge des parties.
Conclu, le contrat doit être exécuté ; d’où sa force obligatoire. Ainsi, son inexécution est
source de responsabilité.
Dans un sens large, l’inexécution du contrat se définit soit comme le retard dans
l’exécution, soit comme le défaut d’exécution, soit enfin comme l’exécution
défectueuse des obligations contractuelles.
Il est vrai que tout manquement contractuel entraine nécessairement un préjudice au
créancier de l’obligation, partie au contrat. Cependant, il arrive souvent que cette
défaillance contractuelle provoque un dommage à un tiers ; autrement-dit, le préjudice
est extérieur au contrat, contrairement à la faute du débiteur de l’obligation. Seulement,
il faudra faire appel aux principes gouvernant le droit des obligations pour analyser le
domaine de notre étude.
1
Ce qui a été convenu entre les uns ne nuit ni ne profite aux autres.
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Si le contrat a force obligatoire pour les personnes qui y consentent, ainsi que le rappelle
l'article 1134 du Code Civil puisqu'il est le fruit de leur volonté, il ne peut produire
d'effets qu'entre ces mêmes parties. Le lien de droit ainsi créé a donc intrinsèquement un
effet relatif.
Selon l’article 1165 du Code civil, « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties
contractantes, elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que dans le cas
prévu par l’article 1121 » ; ce cas prévu n’étant autre que la stipulation pour autrui.
C’est la consécration de cet adage « Res inter alios acta aliis neque nocere neque
prodesse potest ».
Dés
lors,
le
contrat
ne
produirait
aucun
effet
à
l’égard
des
tiers.
A sa lecture, il faut entendre par « tiers », celui qui n’a pas été partie à la formation du
contrat, qui n’a pas échangé son consentement. C’est donc toute personne étrangère à un
acte juridique. Cette règle est un des piliers des relations entre les conventions et les
tiers.
Cet adage a fait l’objet de nombreux travaux ; en effet cette règle de la relativité des
contrats a fait naitre plusieurs thèses, dont notamment celle de BARTIN et
DEBRAND2. Ces travaux ont permis d’apporter plusieurs réponses aux problèmes
soulevés en matière de relativité des conventions.
Cependant, d’autres auteurs dont notamment M. WINTGEN, a dans son ouvrage
célèbre3, estimé que cette règle issue de cet adage était postérieur à la codification du
code napoléonien ; selon lui, il semblerait « assez vraisemblable que ce n’est pas
l’article 1165 qui traduit l’adage, mais l’adage qui traduit l’article »4.
Pris à la lettre, ce texte semble signifier que le contrat ne produit aucun effet à l’égard
des tiers. A sa lecture, le tiers est celui qui n’a pas été partie à la formation du contrat,
qui n’a pas échangé son consentement. C’est donc toute personne étrangère à un acte
juridique.
2
E. BARTIN, De la règle « res inter alios acta » en droit romain, th. Paris 1885.
F. DEBRAND, Étude de la règle « res inter alios acta aliis nec nocet nec prodest » en droit romain, th.
Dijon 1890.
3
R. WINTGEN, Étude critique de la notion d’opposabilité, LGDJ 2004.
4
R. WINTGEN, op. cit. , n°24.
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Seulement cette notion est protéiforme. Il est donc nécessaire de distinguer les « tiers
absolus », totalement étrangers au contrat de ceux qui, par un lien ou un autre sont en
relation avec l’une des parties. Chaque individu étant indépendant, seule sa volonté peut
restreindre sa liberté et le lier. Dès lors que l’obligation a sa source dans la volonté, ne
peuvent être tenus que ceux qui l’ont voulu.
Puisant peut-être son origine en droit romain, en tout cas inspiré de Pothier, ce principe
a été repris par les commentateurs du code civil sans que cela provoque de véritable
discussion. Inspiré de la théorie de l’autonomie de la volonté, apparue un siècle plus tôt,
le principe de l’effet relatif, repris par les rédacteurs du Code civil de 1804 sans que cela
provoque de véritable discussion, avait valeur d’évidence.
Ce fut le cas de BIGOT-PREAMENEU. Cet auteur retient que « Chacun ne pouvant
contracter que pour soi, les obligations ne doivent avoir d'effet qu'entre les parties
contractantes et ceux qui les représentent. Il serait injuste qu'un acte auquel une tierce
personne n'a point concouru pût lui être opposé ». Il affirme ensuite: « il me reste à
parler des effets des conventions à l'égard des tiers ; et ceci n'a qu'un mot. Les
conventions n'engagent point ceux qui n'y ont pas stipulé, et ne peuvent leur nuire. Les
créanciers peuvent même attaquer les actes de leur débiteur qui se trouveraient faits en
fraude de leurs droits5 ».
Ce principe de la relativité des conventions était donc perçu pour certain comme un
outil permettant un certain
isolement du contrat. Cet idée traduit parfaitement la
position de la doctrine, ou l’on retrouve notamment celle d’AUBRY et RAU, estimant
que tous « les contrats ne peuvent ni être opposés aux tiers ni être invoqués par eux »6.
Autrement-dit, dès lors que l’obligation a sa source dans la volonté, ne peuvent être
tenus que ceux qui l’ont voulu.
5
6
P.A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du code civil, éd. 1827, 15 tomes.
AUBRY et RAU, Cours de droit civil français, t.4, § 346.
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Le contrat est le fruit de la volonté des parties ; il ne peut produire d'effet qu'entre ces
mêmes parties. Le lien de droit ainsi créé a donc intrinsèquement un effet relatif. Dès
lors, il serait logique de reconnaître a priori dans le prolongement de cette idée de
relativité du lien contractuel que l'inexécution de l'accord de volonté par l'un des
cocontractants, qu'elle soit volontaire ou non, ne puisse produire d'effet au-delà du
cercle des parties à l'acte ; l'inexécution contractuelle aurait donc elle-même un effet
relatif.
Il est intéressant de noter que cette règle de la relativité des contrats, stricte au vue de la
lettre de l’article 1165 du code civil, avait fait l’objet de critiques. La doctrine
contemporaine en la matière, n’a pas hésité à reprocher l’individualisme total du droit
des obligations ; M. SAVATIER avait reproché à cette règle de relativité des
conventions, de camoufler l’aspect social des affaires de chacun. « Ces dernières auprès
d'un côté individuel, ont aussi un côté social. Il faut donc reconnaître qu'elles ne
concernent pas seulement celui qui y préside, mais à certains points de vue la société et,
par conséquent, les tiers7 ».
Cette approche n’a été remise en cause qu’un siècle plus tard avec la naissance de la
théorie de la socialisation du contrat, laquelle, sous l’influence de la doctrine, et
notamment de M. LALOU, a fait sortir le contrat de son « splendide isolement »8, c’està-dire de son individualisme.
Cette critique a pour but de soulever l'idée de cette "socialisation". Il est vrai qu’à
travers l'effet relatif des conventions, les tiers ne peuvent aucunement être créanciers ou
même débiteurs en raison d'un contrat auquel ils n'ont pas point signé. Cependant, rien
n’empêche à la convention d’avoir, à leur égard, des répercussions. Pour reprendre la
formule de M. SAVATIER, les conventions ont à l’égard des tiers, un « effet réflexe »9.
De ce fait, la doctrine contemporaine a élaboré la théorie dite du « contrat-fait ».
Certes le contrat demeure avant tout le fruit des volontés individuelles et à ce titre se
7
R. SAVATIER, « Le prétendu principe de l’effet relatif des contrats », RTD civ. 1934, p. 525.
H. LALOU, « 1382 contre 1165 ou la responsabilité délictuelle des tiers à l’égard d’un contractant ou
d’un contractant à l’égard des tiers », DH 1928, chron. P. 69.
9
R. Savatier, op. cit., p. 544.
8
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suffit à lui-même en tant que source de droits et d’obligations. Pour autant, il ne peut
être détaché de l’ordre juridique dans lequel il s’inscrit. Il crée au même titre que les
autres règles de droit une situation de fait que les tiers ne peuvent ignorer. Dès lors, le
contrat ne peut plus être conçu comme un élément isolé. Il doit aussi être appréhendé
comme une composante de l’ordre juridique dans lequel il s’insère.
Ainsi la doctrine moderne a mis au point la thèse du "contrat-fait" et ainsi dégagé le
principe de l'opposabilité du contrat. Le contrat et la situation juridique découlant de ce
premier, sont en tant que faits opposables aux tiers. Certains auteurs on tenté de résumer
cette théorie du contrat-fait, autrement-dit, l’idée d’une socialisation du contrat. C’est
effectivement le cas de MM. Mazeaud et Tunc ; selon eux, « se prévaloir de ce qu'une
personne a passé un contrat et même de ce qu'elle ne l'a pas exécuté, c'est se prévaloir
d'un pur fait, qui existe en tant que fait, donc à l'égard de tous ».
La théorie de l’opposabilité du contrat procède d’une nouvelle lecture de l’article 1165
du code civil et qui conduit a distinguer l’effet obligatoire du contrat strictement limité
aux parties contractantes, et la situation juridique née du contrat, opposable aux tiers par
les parties, et aux parties par les tiers.
Autrement dit, si le principe de l’effet relatif du contrat exonère les tiers du respect des
stipulations contractuelles, le principe de l’opposabilité induit pour eux le droit de se
prévaloir du contrat, mais aussi l’obligation de ne passer outre cette réalité juridique
qu’il crée. Il serait donc difficile de prétendre que les tiers puissent être totalement
extérieurs au champ contractuel, ainsi qu’à ses perturbations éventuelles à l’instar de
l’inexécution.
Il faudra cependant distinguer l’opposabilité des contrats aux tiers de celle par les tiers.
Par la première, il faut entendre la possibilité pour un contractant (victime) d’opposer le
contrat à un tiers lorsque ce dernier a aidé sciemment autrui à violer ses obligations
contractuelles. Le tiers ne doit rien faire qui porterait atteinte à la bonne exécution du
contrat. S'il le fait, ce tiers verra sa responsabilité délictuelle engagée.
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C'est le cas lorsqu'un salarié est débauché, malgré la présence d’une convention de nonconcurrence10. On parlera alors de « tierce complicité », où la responsabilité civile
délictuelle du tiers pourra être engagée pour complicité à l’inexécution d’un contrat.
Alors que certains tentent d’insisté sur cette distinction entre la relativité des contrats et
le principe d’opposabilité, d’autres ont au contraire, estimé qu’il fallait combiner ces
deux principes. M. Denis MAZEAUD est de cet avis. Il considère que « la relativité des
conventions se complète avec un « effet attractif qui place les tiers dans une relation
duale avec le contrat »11.
Dés lors, née l’idée que l’effet relatif doit être complété par le principe d’opposabilité
du contrat aux tiers et par les tiers, où ce dernier n’est plus vu come une atténuation du
premier12.
Selon M. WINTGEN, le principe de l’effet relatif du contrat trouve son explication dans
les principes supérieurs de justice commutative, de liberté individuelle et de sécurité
juridique13. C’est enfin une considération de sécurité juridique des tiers et des parties
qui justifierait la relativité des conventions, celle des tiers s’opposant à ce que leur
situation soit affectée par le contrat d’une façon qu’ils n’ont pas acceptée, et celle des
parties s’opposant à l’immixtion de tiers dans la relation contractuelle. La notion de «
contrat - fait juridique » permet de justifier la notion d’opposabilité.
Le tiers victime, étranger au cercle contractuel, ne se prétend pas créancier de
l’obligation inexécutée, elle impute au contractant une faute qui est délictuelle à son
égard. Ce tiers doit-être distingué du penitus extraneus14 et ainsi être qualifié de « tiersqualifié » ou ce dernier est intéressé par la situation objective crée par le contrat15.
10
Com, 11 Juillet 2000, n° 95-21, 888, NPT, RJDA 2001, n° 250.
D. MAZEAUD, Defrénois, 1999, art. 37008, p745.
12
Pour une opinion en sens inverse, cf. J. GHESTIN, Traité, la formation du contrat, 3ème éd., 1993,
n°179.
13
R. WINTGEN, op. cit. , n°51 et s.
14
Tiers complètement étranger au contrat.
15
Ph. Delmas Saint-Hilaire, th. Préc.
11
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Concernant les obligations violées, certains auteurs ont estimé que pour rechercher la
responsabilité du cocontractant envers le tiers, il serait d’une grande utilité d’opérer à la
distinction entre les obligations purement contractuelles et celles de portée générale. Il
en est de même pour la seconde distinction ayant trait à la proximité du tiers victime
avec le contrat inexécuté.
Sur la base de cette idée, la jurisprudence accordant toutes sortes de situation et de
personnes : irrespect d’une clause de non-concurrence16, vice de construction d’un
ascenseur, mise à disposition d’un véhicule défectueux17, escalier défectueux dans un
magasin18, commerçant non sélectionné ne respectant pas les règles du réseau, etc. Les
tiers, en invoquant le contrat inexécuté par le cocontractant, en vertu du principe
d’opposabilité des contrats, caractérise la faute délictuelle commise par ce cocontractant
afin de se voir indemnisés.
L’inexécution contractuelle apparait donc comme un outil d’indemnisation des tiers, en
vertu de cette socialisation des conventions. La qualité de la victime du manquement
contractuel devient de plus en plus indifférente aux yeux du juge et l’indemnisation des
tiers demeure une priorité du droit positif.
Dès lors que le contrat n'est plus appréhendé comme un phénomène isolé du point de
vue de l'ordonnancement juridique, la question de son inexécution par l'une des parties
pose celle de l'incidence de cette inexécution sur la situation des tiers.
De ce constat, il est très important de cerner les conditions d’intervention du tiers
victime du manquement contractuel. Tout l’intérêt de ce sujet réside dans le fait que tout
l’équilibre du droit des obligations est concerné par la matière ; en plus du principe de
l’effet relatif des contrats et de la notion d’opposabilité des conventions vue
précédemment, d’autres piliers du droit des obligations sont en jeu.
16
com 24 mars 1998 n° 9615.694, Bull. civ. IV, n° 111, obs. P. Jourdain.
Civ. 1re, 7 nov, 1973, n° 71-12.424, Bull. Civ. I, n° 298; RTD civ. 1974, 810, obs. Durry.
18
Civ. 1re, 27 juin 1978, n° 76-14.162, Bull. civ. I, n° 243.
17
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Tel est le cas de l’article 1134 alinéa 1er du code civil en ce qu’il limite l’effet des
conventions « à ceux qui les ont faites », le principe de non-cumul des deux ordres de
responsabilité, à savoir la responsabilité civile contractuelle et celle délictuelle, le
principe de distinction des deux ordres de responsabilité et enfin l’article 1382 de Code
civil qui conditionne la réparation du préjudice subi à la démonstration d’un fait
générateur, la faute délictuelle.
Il faut en convenir que le droit des obligations est devenu un droit extrêmement
complexe et pointilleux ; il est indéniable notamment que le contenu de l'obligation
contractuelle ne présente plus son ancienne clarté. De plus, ce sujet a fait l’objet d’un
long et considérable débat doctrinal et jurisprudentiel, qui n’en finit plus, d’où le projet
de réforme du droit des obligations, en raison de cette incohérence entre les deux ordres
de régime de responsabilité civile.
Ici, l’intérêt est tant social que juridique. En effet, la tendance actuelle est à la
contractualisation des relations humaines. Il est donc nécessaire pour chacun de savoir à
quel degré il intervient et son champ de responsabilité dans le contrat. Face à
l’inexécution du contrat, le tiers peut être victime ou responsable. Cependant, lorsque le
tiers est responsable de cette inexécution, le problème ne se pose pas véritablement.
D’où la limitation de notre devoir aux tiers victimes, étant entendue que c’est ici que
demeure véritablement le problème.
Généralement lorsqu’on entend inexécution contractuelle, la responsabilité contractuelle
va de soit ; cependant qu’en est-il lorsque ce manquement contractuel porte préjudice à
un tiers ? La question de droit soulevée est donc celle de l’incidence de l’inexécution du
contrat sur les tiers. Plus profondément, quel lien de responsabilité est susceptible de
lier les tiers aux parties ?
Il sera surtout question de savoir si le tiers victime du manquement contractuel doit
nécessairement établir une faute délictuelle du débiteur contractuel indépendante du
manquement, ou si cette inexécution du contrat préjudiciable est une condition
suffisante pour établir la responsabilité du débiteur défaillant.
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Notre étude consistera dans un premier temps à apprécier les fondements de la
responsabilité des cocontractants envers les tiers victimes de l’inexécution contractuelle
à travers les grands principes gouvernant le droit des obligations et les différentes
théories mises en place par le droit positif, tels le principe de l’opposabilité des contrats
par les tiers et celui de la relativité des conventions, où la doctrine et la jurisprudence
ont joué un rôle considérable (Partie 1).
Nous tenterons dans un second temps, d’apprécier l’ampleur que prend aujourd’hui la
responsabilité délictuelle des cocontractants vis-à-vis des tiers, solution que l’on se doit
de confronter à celles proposées par le droit prospectif (Partie 2).
PARTIE 1 :
LES
FONDEMENTS
COCONTRACTANTS
DE
ENVERS
LA
LES
RESPONSABILITE
TIERS
VICTIMES
DES
DE
L’INEXECUTION CONTRACTUELLE.
PARTIE 2 :
L’HEGEMONIE DE LA NATURE DELICTUELLE DE L’ACTION
EN RESPONSABILITE
DU TIERS VICTIME L’INEXECUTION
CONTRACTUELLE.
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PARTIE 1 :
LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE DES
COCONTRACTANTS ENVERS LES TIERS VICTIMES DE
L’INEXECUTION CONTRACTUELLE.
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Dans un sens large, l’inexécution du contrat se définit soit comme le retard dans
l’exécution, soit comme le défaut d’exécution, soit enfin comme l’exécution
défectueuse des obligations contractuelles. Dans ce cas, il peut arriver que ce
manquement contractuel porte préjudice à un tiers au contrat. En matière de
responsabilité des cocontractants envers les tiers, la doctrine et la jurisprudence ont joué
un rôle considérable dans la détermination de la nature de cette responsabilité selon les
différents cas pratiques, à travers les différents grands principes gouvernant le droit des
obligations. Afin de pouvoir indemniser les tiers victimes, il faudra surtout s’intéresser
au fait générateur de responsabilité ; comment un tiers peut-il invoquer une faute
contractuelle alors qu’il n’est pas partie à ce dit contrat? Le droit positif
n’hésitera pas à faire appel aux grands principes du droit des obligations pour
rechercher la responsabilité de la partie contractante envers le tiers victime du
manquement contractuel (Chapitre 1). Afin de déterminer le fait générateur d’une telle
responsabilité, le juge ira jusqu’à assimiler la faute contractuelle et celle délictuelle
(Chapitre 2).
CHAPITRE 1 :
LA RESPONSABILITE DES COCONTRACTANTS ENVERS
LES TIERS AU REGARD DES PRINCIPES DE LA
RELATIVITE
ET
DE
L’OPPOSABILITE
DES
CONVENTIONS.
CHAPITRE 2 :
L’INEXECUTION
GENERATEUR
CONTRACTUELLE
DE
RESPONSABILITE
COMME
FAIT
DELICTUELLE
ENVERS LES TIERS.
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
CHAPITRE 1 :
LA RESPONSABILITE DES COCONTRACTANTS
ENVERS LES TIERS AU REGARD DES PRINCIPES DE
LA RELATIVITE ET DE L’OPPOSABILITE DES
CONVENTIONS.
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Il est vrai que tout manquement contractuel entraine nécessairement un préjudice au
créancier de l’obligation, partie au contrat ; cependant, il arrive souvent que cette
défaillance contractuelle provoque un dommage à un tiers ; autrement-dit, le préjudice
est extérieur au contrat, contrairement à la faute du débiteur de l’obligation, qui elle est
contractuelle. Il est donc d’intérêt primordial de s’intéresser à ces « tiers victimes » et à
la notion de défaillance contractuelle et notamment de remarquer que la jurisprudence
dans la recherche de la responsabilité des cocontractants envers les tiers n’a jamais fait
de distinction quant-à la nature ou la portée de l’obligation violée (Section 1).
Afin de déterminer quel lien de responsabilité est susceptible de lier les tiers aux parties,
le droit positif part d’un principe de relativité des conventions jusqu’à celui de
l’opposabilité des contrats par les tiers où il semble s’être engagé sur cette dernière voie.
(Section 2).
SECTION 1 :
INEXECUTION CONTRACTUELLE ET TIERS VICTIME
SECTION 2 :
LE DEBAT DOCTRINAL ENTRE LE PRINCIPE DE LA
RELATIVITE ET DE L’OPPOSABILITE DES CONVENTIONS
18 | P a g e
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Section 1 : Inexécution contractuelle et tiers victime.
L’indemnisation des tiers victimes sera d’abord possible que lorsqu’on est en présence
d’une défaillance contractuelle, et donc d’un contrat, ou le cocontractant manquera à ses
obligations contractuelles. Il conviendra dans un premier temps de définir ce
manquement au contrat au regard des différents types d’obligations conventionnelles
(Paragraphe 1). Nous essayerons ensuite de cibler les différentes catégories de personne
pouvant être qualifié de tiers victimes, intéressés au contrat, en raison du préjudice
qu’ils ont pu subir suite à ce manquement contractuel, afin de délimiter notre sujet
d’étude (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La notion de défaillance contractuelle.
Avant d’entamer notre étude sur la définition du manquement contractuelle, il est utile
de préciser qu’il faut être en présence d’un contrat. Autrement-dit, sans contrat, point
d’inexécution contractuelle, ce qui parait évident.
Pourtant, les juridictions sont parfois amenées à rappeler ce principe ; ce qui fut le cas à
propos de voyageurs sans billet19. L’évidence est parfois troublée par l’existence de
situations marginales comme le sont les périodes précontractuelles, post-contractuelles,
etc.
Concernant la période précontractuelle, le principe est celui qu’il n’y à point de
manquement contractuel lorsque le dommage a été causé durant cette période.
Seulement voilà, la jurisprudence a admis l’existence d’une obligation précontractuelle
de renseignement ; l’admission du dol par réticence allait en ce sens20.
19
20
CA Paris, 27 juin 1997, Gaz. Pal. 1999, 1, somm.188.
Civ. 1re, 13 mai 2003, n° 01-11.511, Bull. civ. I, n° 114, note Mazuyer.
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En principe le manquement à une telle obligation entraine la responsabilité délictuelle
dans le sens où elle résulte d’un acte antérieur à la formation du contrat21. M. Fabre
Magnan a estimé que le régime de la défaillance contractuelle s’appliquait dés que le
manquement à l’obligation d’information a une incidence sur l’exécution du contrat.
Quant à la défaillance contractuelle, elle peut se définir comme un manquement du
débiteur de l’obligation contractuelle. Dans un sens large, l’inexécution du contrat se
définit soit comme le retard dans l’exécution, soit comme le défaut d’exécution, soit
enfin comme l’exécution défectueuse des obligations contractuelles. Par inexécution, il
faut entendre l’inexécution totale comme celle partielle.
Plus précisément, l’article 1147 du Code Civil prévoit que « le débiteur est condamné,
s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de
l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas
que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore
qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ».
Certes, l’article 1147 du Code civil, posant la règle, n’emploi pas le mot de faute ; mais
celle-ci étant définie en matière délictuelle comme le manquement à une obligation, il
est compréhensible que l’inexécution convenue de l’article 1147 ait été analysée comme
une faute22, sauf au débiteur défaillant à prouver l’existence d’une cause étrangère. Mais
cette faute annoncée n’est alors pas autre chose que l’inexécution de l’obligation
convenue : en vérité une défaillance plus qu’une faute du débiteur contractuel. Dés lors,
la défaillance contractuelle causera nécessairement un préjudice au créancier de
l’obligation.
L’inexécution contractuelle s’apprécie au regard de l’obligation convenue. Or, la
détermination de ces obligations implicites ne va pas de soi. Surtout, elles peuvent
mettre à la charge des contractants des prestations dont l’intensité varie selon les
hypothèses.
21
22
Civ. 1re, 15 mars 2005, n° 01-13.018, Bull. civ. I, n° 136, note Cathiard.
Com. 19 Janv. 1981, n° 79-14.699, Bull. civ. IV, n° 3 : à propose d’une clause de non-concurrence.
20 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Par exemple, l’obligation de soin du médecin à l’égard de ses patients n’est pas
identique à celle du transporteur d’acheminer sains et saufs les voyageurs.
La jurisprudence a ainsi imaginé diverses distinctions quant aux obligations
contractuelles, parmi lesquelles les plus notoires sont les obligations de moyens, de
résultats, de sécurité et de renseignement. Elle a décelé des obligations accessoires à ces
contrat ; telle l’obligation de sécurité ou celle de renseignement. Cependant, il existe des
cas où le dommage ne survient pas dans la sphère contractuelle ; autrement-dit, le
dommage est extérieur au contrat. Le débiteur de l’obligation, de par son manquement,
cause un préjudice à un tiers au contrat, et donc, à une personne étrangère au contrat.
Paragraphe 2 : La notion de « tiers-victime ».
Les tiers pouvant agir contre le contractant défaillant sont tous ceux qui ne sont pas
parties au contrat. La qualité de tiers est appréciée au moment de la conclusion du
contrat, indépendamment de l’inexécution du contrat. Sont donc considérées comme
tiers victimes, toutes les personnes victimes d’un préjudice causé par l’inexécution
d’une obligation conventionnelle, où celles-ci n'ont pas été parties au contrat, ni
représentées par l'un quelconque des modes de représentation et qui ne tiennent des
contractants aucun droit leur conférant la qualité d'ayant cause.
Le tiers victime, ne se prétend pas créancier de l’obligation inexécutée, elle impute au
contractant une faute qui est délictuelle à son égard. Ce tiers doit-être distingué du
penitus extraneus23 et ainsi être qualifié de tiers-qualifié où ce dernier est intéressé par la
situation objective crée par le contrat24.
Sur la base de cette idée, la jurisprudence accordant toutes sortes de situation et de
personnes : irrespect d’une clause de non-concurrence, vice de construction d’un
ascenseur, mise à disposition d’un véhicule défectueux, escalier défectueux dans un
23
24
Tiers complètement étranger au contrat.
Ph. Delmas Saint-Hilaire, th. Préc.
21 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
magasin, commerçant non sélectionné ne respectant pas les règles du réseau, lui
permettant ainsi de réduire de manière déloyale ses prix de vente25, etc.
Les tiers victimes de défaillance contractuelle se font de plus en plus nombreux. Ce
tiers, extérieur au contrat, ne peut qu’engager la responsabilité délictuelle du
cocontractant, en raison de l’absence de contrat entre eux. Les illustrations de cette
responsabilité délictuelle des contractants envers les tiers sont nombreuses.
il est intéressant de distinguer les « véritables tiers » ; ce ne sont autres que les
personnes totalement étrangères au contrat et aux parties, qui n'ont aucun lien de droit
avec elles ; autrement-dit, les fameux « penitus extranei » ; il faut entendre ici, tout tiers
n’ayant de rapport juridique actuel.
Nous avons aussi ceux qui ne sont pas vraiment tiers. Il s’agira d’une catégorie
intermédiaire de personnes extérieurs au contrat mais cela dit, ne sont pas totalement
étrangères à celui-ci. C’est l’exemple des créanciers chirographaires et des ayants-cause
à titre particulier.
Les tiers pouvant agir contre le contractant défaillant sont tous ceux qui n’étaient pas
parties à la formation du contrat. La qualité de tiers est appréciée dés la conclusion du
contrat. Sont donc considérées comme tiers, les personnes qui n'ont pas été parties à la
convention, ni représentées par un mécanisme de représentation et qui ne tiennent des
contractants aucun droit leur conférant la qualité d'ayant cause.
Certains auteurs distinguent l'action du tiers totalement étranger au contrat, celle des
victimes par ricochet, celle des tiers bénéficiaires de l'exécution du contrat, celle des
tiers victimes d’une prestation de service défectueuse et enfin celle des coparticipants à
une activité commune, dans les hypothèses de collaboration entre professionnels.
Selon la doctrine contemporaine, les cas d’action possibles des tiers totalement
étrangers au contrat seront ceux, tels celui du passant ou du voisin blessé par la chute de
25
Com. 1er juill. 2003, n° 99-17.183, Bull. civ. IV, n° 115; D. 2003, AJ 2235.
22 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
pierres pendant l'exécution d'un chantier par un entrepreneur. Ensuite on trouve l'action
des victimes par ricochet ; elles sont tiers à la formation du contrat qui est à l'origine du
dommage causé à la victime initiale.Les situations les
plus courantes ont trait à
l’exécution défectueuse d’une prestation de service ou à la livraison de produits
défectueux ou dangereux.
En tant que tiers, les victimes par ricochet sont admises à invoquer la responsabilité
délictuelle du cocontractant de la victime directe.
La jurisprudence a notamment jugé en 2000 que : « Dès lors que les fautes commises
par un médecin et un laboratoire dans l’exécution des contrats formés avec une femme
enceinte l’ont empêché d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la
naissance d’un enfant atteint d’un handicap, ce dernier peut demander la réparation du
préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues
26
» ; il s’agit bien sûr
de la fameuse jurisprudence « Perruche ».
Autre exemple, celui des parents d'un patient, désormais autorisés à exercer une action
contre le médecin sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil27.
Cette même jurisprudence a été appliquée pour reconnaître la responsabilité d'un centre
de transfusion sanguine28
Il existe une catégorie de personnes qualifiée de « tiers bénéficiaires » de l'exécution du
contrat ; c’est le cas des membres de la famille du locataire qui sont en principe des tiers
par rapport au bailleur et peuvent agir contre lui29.
Enfin, il existe des tiers victimes d'une prestation de service défectueuse. C’est le cas du
mandataire qui, dans l'exécution de son mandat, commet des fautes qui nuisent à des
tiers ; dés lors, il engage sa responsabilité délictuelle à leur égard30.
26
Ass. plén, 17 novembre 2000, Bull. 2000.
Civ. 1ère, 18 juillet 2000, Bull., n° 221.
28
Civ. 1ère, 13 février 2001, Bull., n° 35.
29
Civ. 1ère, 13 décembre 1989, Bull., n° 222, RTD civ. 1990, p. 645, obs. J. Mestre.
30
Ch. Mixte, 26 mars 1971, Bull., n° 6.
27
23 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Cette même solution a été admise à propos de l'exécution d'un contrat de prêt, d'un
contrat de transport, d'un contrat d'entreprise ou d'un dépôt bancaire.
Après avoir vu la notion de manquement contractuel et les personnes susceptibles d’être
qualifiées de tiers-victimes et les cas d’inexécution provoquant un dommage aux tiers, il
est intéressant de voir que pour déterminer les fondements de la responsabilité des
contractants vis-à-vis des tiers jurisprudence, un houleux débat doctrinal à vu le jour
entre adhérents au principe de l’effet relatif des contrats et défendeurs du principe de
l’opposabilité des conventions.
Section 2 : Le débat doctrinal entre le principe de la relativité et celui de
l’opposabilité des conventions.
Afin de déterminer quel lien de responsabilité est susceptible de lier les tiers aux parties,
la doctrine a joué un rôle considérable dans ce débat sur les fondements de la
responsabilité des contractants envers les tiers. La majorité des auteurs sont partis de
l’adage « Res inter alios acta aliis neque nocere neque prodesse potest » pour en déduire
un principe de relativité des conventions. C’est en effet l’article 1165 du Code Civil qui
traduira cette règle où l’idée est qu’un contrat passé entre des parties ne rend pas les
tiers débiteurs ou créanciers (Paragraphe 1). Peu à peu, la doctrine moderne a mis au
point la thèse du "contrat-fait", autrement-dit, l’idée d’une socialisation du contrat, où
les tiers pouvaient être intéressés à ce dernier ; cette théorie a permis de dégager le
principe de l'opposabilité du contrat. Le droit positif semble s’être engagé sur cette
seconde voie (Paragraphe 2).
24 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Paragraphe 1 : Le principe d’effet relatif des contrats comme sécurité juridique
des parties contre l’immixtion des tiers dans la relation contractuelle.
Le contrat est un lien de droit, un rapport juridique entre deux personnes appelées
« parties » ou « cocontractants », en vertu duquel l’une d’elles peut exiger de l’autre la
réalisation d’une prestation. Il s’agit dés lors, d’un accord de volonté entre deux
personnes destiné à produire des effets de droit. Le fondement du contrat réside dans la
théorie philosophique qui remonte au XVIIIème siècle qui est celle de l’autonomie de la
volonté.
La force obligatoire du contrat est l’effet principal de celui-ci. L’article 1134 du Code
Civil prévoit ce principe ; il énonce dans son premier alinéa : « les conventions
légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Le contrat à donc
force obligatoire entre les parties ; d’où le principe de l’effet relatif des conventions.
L’article 1165 du Code Civil à cet égard dispose que « les conventions n’ont d’effet
qu’entre les parties contractantes, elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent
que dans le cas prévu par l’article 1121 ». Ce cas prévu par l’article 1121 de Code Civil
n’étant autre que la stipulation pour autrui.
L’article interdit donc à un tiers au contrat de se prévaloir de ces stipulations, il n’est
donc pas concerné ou tenu par des conventions auxquelles il n’a pas participé. Il s’agit
cependant d’un principe fondamental en droit des obligations. Ce cas prévu par l’article
1121 de Code Civil n’étant autre que la stipulation pour autrui.
C’est la consécration de l’adage « Res inter alios acta aliis neque nocere neque prodesse
potest ». Ainsi, un contrat passé entre des parties ne rend pas les tiers débiteurs ou
créanciers. Ce principe de la relativité des conventions, gouvernant ainsi le droit des
obligations, à donc été traduis à l’article 1165 de code civil.
Ce texte énoncé par les glossateurs à l’époque romaine à pour traduction « l’accord
passé entre les uns ne saurait ni nuire, ni profiter aux autres ». A sa lecture, il faut
entendre par « tiers », celui qui n’a pas été partie à la formation du contrat, qui n’a pas
25 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
échangé son consentement. C’est donc toute personne étrangère à un acte juridique.
Cette règle est un des piliers des relations entre les conventions et les tiers. Cet adage a
fait l’objet de nombreux travaux, notamment ceux de Simone CALASTRENG, avec sa
thèse portant sur le principe de la relativité des conventions31.
La règle de la relativité des contrats a fait naitre plusieurs autres thèses, dont celles de
BARTIN et de DEBRAND. Ces travaux ont permis d’apporter plusieurs réponses aux
problèmes soulevés en matière de relativité des conventions. A la lecture du texte, le
tiers est celui qui n’a pas été partie à la formation du contrat, qui n’a pas échangé son
consentement. C’est donc toute personne étrangère à un acte juridique. Seulement cette
notion est protéiforme.
Il est donc nécessaire de distinguer les « tiers absolus », totalement étrangers au contrat
de ceux qui, par un lien ou un autre sont en relation avec l’une des parties. Chaque
individu étant indépendant, seule sa volonté peut restreindre sa liberté et le lier. Dès lors
que l’obligation a sa source dans la volonté, ne peuvent être tenus que ceux qui l’ont
voulu. Inspiré de la théorie de l’autonomie de la volonté et de Pothier, apparue un siècle
plus tôt en droit romain, le principe de l’effet relatif, repris par les rédacteurs du Code
civil de 1804 sans que cela provoque de véritable discussion, avait valeur d’évidence.
BIGOT-PREAMENEU retient que « Chacun ne pouvant contracter que pour soi, les
obligations ne doivent avoir d'effet qu'entre les parties contractantes et ceux qui les
représentent. Il serait injuste qu'un acte auquel une tierce personne n'a point concouru
pût lui être opposé ».
Un autre auteur, M. ANCEL, a estimé quant à lui, que le principe d’opposabilité des
contrats, notamment par les tiers, est un aspect que revêt la force obligatoire à l’égard
des tiers. Selon lui, il faut distinguer entre « obligationnel », qui ne concernerait en
principe que les parties, et « obligatoriété », qui serait nécessairement générale32.
31
S. CALASTRENG, La relativité des conventions, th. Toulouse 1939.
P. ANCEL, note précitée., n°53 : « ces normes qui, en raison de leur origine privée, n’ont en principe
qu’un effet personnel limité, n’en sont pas moins,en ce qu’elles procèdent d’une habilitation légale,
obligatoires pour tout le monde ». L’analyse de P. ANCEL prolonge le raisonnement tenu par M.
32
26 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Ce principe de la relativité des conventions était donc perçu pour certain comme un
outil permettant un certain
isolement du contrat. Cet idée traduit parfaitement la
position de la doctrine, ou l’on retrouve notamment celle d’AUBRY et RAU, estimant
que tous « les contrats ne peuvent ni être opposés aux tiers ni être invoqués par eux ».
Autrement-dit, dès lors que l’obligation a sa source dans la volonté, ne peuvent être
tenus que ceux qui l’ont voulu. On s'interroge aujourd'hui sur les notions de parties et de
tiers.
Le contrat est le fruit de la volonté des parties ; il ne peut produire d'effet qu'entre ces
mêmes parties. Le lien de droit ainsi créé a donc intrinsèquement un effet relatif. Dès
lors, il serait logique de reconnaître a priori dans le prolongement de cette idée de
relativité du lien contractuel, que l'inexécution de l'accord de volonté par l'un des
cocontractants, qu'elle soit volontaire ou non, ne puisse produire d'effet au-delà du
cercle des parties à l'acte ; l'inexécution contractuelle aurait donc elle-même un effet
relatif33.
En ce qui concerne les tiers, il faut tout d’abord distinguer les « véritables tiers » ; ce ne
sont autres que les personnes totalement étrangères au contrat et aux parties, qui n'ont
aucun lien de droit avec elles ; autrement-dit, les fameux « penitus extranei » ; il faut
entendre ici, tout tiers n’ayant de rapport juridique actuel. Nous avons aussi ceux qui ne
sont pas vraiment tiers. Il s’agira d’une catégorie intermédiaire de personnes extérieurs
au contrat mais cela dit, ne sont pas totalement étrangères à celui-ci. C’est l’exemple des
créanciers chirographaires et des ayants-cause à titre particulier.
Selon M. WINTGEN, le principe de l’effet relatif du contrat trouve son explication dans
les principes supérieurs de justice commutative, de liberté individuelle et de sécurité
juridique.
BILLIAU qui conçoit l’opposabilité comme un « instrument au service de la force obligatoire du contrat
» (La Semaine Juridique, Éd. G, 3570, p. 149).
33
Le contrat, source de responsabilité envers les tiers, Petites affiches, 23 septembre 2003 n° 190, P. 3.
27 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Cette règle permet surtout une sécurité juridique au profit des parties, où ces dernières
peuvent s’opposer à l’immixtion de tiers dans la relation contractuelle. Cette justice
commutative va permettre de justifier la limitation du transfert de valeurs aux
patrimoines des parties au contrat. Quant au principe de la liberté individuelle, il
s’opposerait à ce que la volonté des uns ne lie les autres en dehors des cas prévus par la
loi.
Et c’est enfin une considération de sécurité juridique des tiers et des parties qui
justifierait que l’effet relatif des contrats trouve ainsi sa justification dans le fait qu’elle
permet une sécurité juridique à la fois des tiers et en même temps des parties, dans le
sens où les tiers pourront tout d’abord s’opposer à ce que leur situation soit affectée par
le contrat d’une façon qu’ils n’ont pas acceptée, car ils ne l’ont tout simplement pas
voulu. Ensuite, cette relativité des conventions est d’autant plus justifier par le fait que
les parties à la convention pourront dés lors s’opposer à l’immixtion de tiers dans la
sphère contractuelle.
Ainsi, la jurisprudence a estimé le 5 mai 1970, que ce principe de la relativité des
contrats veux que le régime de la défaillance contractuelle soit inapplicable lorsque la
victime est étrangère au contrat34.
En raison de nombreuses critiques dues à la complexification des relations sociales et à
l’insuffisance de ce principe, le droit positif a vu naitre un autre grand principe, vu
comme un outil complémentaire à celui de l’effet relatif des conventions dont le
principal but est celui d’indemniser les tiers victimes de défaillance contractuelle. Il
s’agira bien sûr du principe de l’opposabilité des contrats par les tiers.
Paragraphe 2 : L’émergence du principe d’opposabilité des contrats par les tiers.
Il est intéressant de noter que cette règle de la relativité des contrats, stricte au vue de la
lettre de l’article 1165 du code civil, avait fait l’objet de critiques.
34
Civ. 3e, 5 mai 1970, n° 68- 14.200, Bull. civ. I, n° 298.
28 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
La doctrine contemporaine en la matière, n’a pas hésité à reprocher l’individualisme
total du droit des obligations ; M. SAVATIER avait reproché à cette règle de la
relativité des conventions, de camoufler l’aspect social des affaires de chacun. « Ces
dernières auprès d'un côté individuel, ont aussi un côté social. Il faut donc reconnaître
qu'elles ne concernent pas seulement celui qui y préside, mais à certains points de vue la
société et, par conséquent, les tiers ». Cette approche n’a été remise en cause qu’un
siècle plus tard avec la naissance de la théorie de la « socialisation du contrat, laquelle,
sous l’influence de la doctrine, et notamment de M. LALOU.
Cette critique soulève l'idée de cette "socialisation". Il est vrai qu’à travers l'effet relatif
des conventions, les tiers ne peuvent aucunement être créanciers ou même débiteurs en
raison d'un contrat auquel ils n'ont point signé. Cependant, rien n’empêche à la
convention d’avoir, à leur égard, des répercussions.
La doctrine contemporaine a ainsi élaboré la théorie dite du "contrat-fait". Le contrat
crée au même titre que les autres règles de droit une situation de fait que les tiers ne
peuvent ignorer. Dès lors, le contrat ne peut plus être conçu comme un élément isolé. Il
doit aussi être appréhendé comme une composante de l’ordre juridique dans lequel il
s’insère. La doctrine moderne a dégagé ce principe de l'opposabilité du contrat. Le
contrat et la situation juridique découlant de ce premier, sont en tant que faits
opposables aux tiers.
La théorie de l’opposabilité du contrat conduit a distinguer l’effet obligatoire du contrat
strictement limité aux parties contractantes, et la situation juridique née du contrat,
opposable aux tiers par les parties, et aux parties par les tiers.
Si le principe de l’effet relatif du contrat exonère les tiers du respect des stipulations
contractuelles, le principe de l’opposabilité induit pour eux le droit de se prévaloir du
contrat, mais aussi l’obligation de ne passer outre cette réalité juridique qu’il crée. Il
serait donc difficile de prétendre que les tiers puissent être totalement extérieurs au
champ contractuel, ainsi qu’à ses perturbations éventuelles à l’instar de l’inexécution.
En effet, un auteur a estimé qu’il était possible de relever qu' "il s'est rapidement révélé
que du fait de l'imbrication des relations sociales et de la circulation des richesses, bien
29 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
souvent les tiers victimes qui se prévalent de la responsabilité délictuelle sont en fait,
d'une façon ou d'une autre, liés au contrat dont la mauvaise exécution leur a causé un
dommage"35.
Cependant, dans notre étude, nous nous attacherons seulement à l’opposabilité des
contrats par les tiers, dans le sens où l’objet d’étude n’est autre que le tiers victime du
manquement contractuel.
La mise en œuvre jurisprudentielle de cette opposabilité des contrats par les tiers a été
opérée par arrêt assez ancien datant de 1931, où la Cour de Cassation a admis l’action
d’un tiers en responsabilité délictuelle contre un contractant36 ; il s’agit là d’un arrêt de
principe.
La Cour de cassation a repris cette conception en considérant que « si, en principe, les
conventions ne sont pas opposables à ceux qui n'y ont pas été parties, il ne s'ensuit pas
que le juge ne puisse pas rechercher dans les actes étrangers à l'une des parties en
cause des renseignements de nature à éclairer sa décision, ni ne puisse considérer
comme une situation de fait vis-à-vis des tiers les stipulations d'un contrat »37. Cette
solution a ensuite été reprise dans un attendu de principe ; « s'ils ne peuvent être
constitués ni débiteurs ni créanciers, les tiers à un contrat peuvent invoquer à leur
profit, comme un fait juridique, la situation créée par ce contrat38 ».
Certains auteurs ont défini ce principe d'opposabilité du contrat comme une « approche
qui veut que les parties puissent être responsables de leurs agissements à l'égard de
personnes autres que celles qui appartiennent au cercle étroit des parties au contrat est
en définitive révélatrice de la modification de l'analyse du lien contractuel. Désormais,
le contrat n'a plus pour objet la seule satisfaction des attentes exprimées par les parties
mais répond aussi à un objet social. Il apparaît de ce point de vue moins comme ayant
35
M. Espagnon, juris-classeur, fasc. 176-20, § 2.
1ère Civ., 22 juillet 1931, D. H 1931, p. 506 : « Attendu que si dans les rapports des parties entre elles,
lesdispositions des articles 1382 et 1383 du code civil ne peuvent en principe être invoqués pour le
règlement de la faute commise dans l’exécution d’une obligation résultant d’un engagement contractuel,
elles reprennent tout leur empire au regard des tiers étrangers au contrat ».
37
1ère Civ., 6 février 1952, Bull., n° 55.
38
Com., 22 octobre 1991, Bull., n° 302, RJDA 1992, p. 12.
36
30 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
un enjeu restreint participant d'un ensemble de volontés individuelles que comme étant
pourvu d'un enjeu global, c'est-à-dire ayant une fonction d'organisation sociale39 ».
Alors que certains tentent d’insisté sur cette distinction entre la relativité des contrats et
le principe d’opposabilité tels que WEILL dans sa thése sur la relativité des
conventions40, d’autres ont au contraire, estimé qu’il fallait combiner ces deux
principes.
M. Denis MAZEAUD est de cet avis. Il a ainsi estimé que ce lien entre ces deux
principes reflète « la variété des effets du contrat et des obligations qu’il engendre ». Cet
auteur semble rejeter une possible contradiction entre ces deux principes et va même
jusqu’à considérer que la relativité des conventions se complète avec un « effet attractif
qui place les tiers dans une relation duale avec le contrat ».
Jean-Louis GOUTAL lorsqu’il écrit que « l’opposabilité du contrat procède de l’idée
qu’il est un fait social, qu’il a créé une situation qu’aucun membre de la société n’est
fondé à méconnaître – ni les tiers ni les parties41 ». A l’inverse, dans sa thèse, M.
WINTGEN tend à démontrer qu’il fallait voir au cas par cas, pour chacun des effets du
contrat, si l’opposabilité est justifiée au regard de certaines règles de droit.
Dès lors qu’il n’est plus appréhendé comme un phénomène isolé du point de vue de
l’ordonnancement juridique, le contrat est devenu « un lieu de responsabilité ouvert
envers les tiers »42.
Ainsi, la situation sociale et juridique née du contrat est opposable par les tiers aux
parties. Un tiers peut invoquer un contrat pour rechercher la responsabilité d'une partie,
lorsqu'il subit un préjudice du fait de la mauvaise exécution du contrat ; l’exemple type
sera celui du vice de construction affectant une automobile ayant provoqué un accident
dans lequel un tiers a été blessé ; Un autre exemple très intéressant en ce qui concerne le
39
O. Debat, Le contrat, source de responsabilité envers les tiers, Les petites affiches 23 septembre 2003,
n° 190, p. 3.
40
A. WEILL, La relativité des conventions en droit privé français, th. Strasbourg, 1938.
41
J. – L. GOUTAL, Essai sur le principe de l’effet relatif du contrat, LGDJ, 1981, n°33.
42
O. DEBAT, article précité.
31 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
fondement de la responsabilité des cocontractants envers les tiers, sera celui du vice de
construction d'un immeuble affecte les conditions d'occupation d'un appartement par le
locataire, tiers au contrat de construction. L’inexécution contractuelle emporte pour le
cocontractant des conséquences différentes à l'égard des parties et des tiers.
A l'égard des parties, le contractant défaillant engage sa responsabilité contractuelle,
tandis qu'à l'égard du tiers, il engage sa responsabilité délictuelle. Ce principe
d’opposabilité, induit la faculté pour les tiers, dans l'hypothèse de la méconnaissance de
cette situation par ceux qui l'ont créée, d'en obtenir la sanction juridique en se plaçant
sur le terrain délictuel.
Quant au travail de la jurisprudence dans ce débat doctrinal entre effet relatif des
contrats et opposabilité des conventions par les tiers, le juge a rapidement eu recours à
la responsabilité délictuelle43 ; cette dernière apparait alors comme un outil de
protection contre les préjudices dont souffrent les tiers à l'occasion de l'exécution de
contrats auxquels ils ne sont juridiquement pas parties. La jurisprudence à ainsi fait
prévaloir la règle élémentaire d'équité et d'ordre public inscrite dans l'article 1382 du
Code Civil sur le principe égoïste formulé dans l'article 1165 quand la violation d'un
contrat constitue de la part des contractants une faute à l'égard d'un tiers, reconnaissant
ainsi à un non contractant une action en responsabilité délictuelle contre un
contractant"44 .
Le principe selon lequel un tiers peut agir en responsabilité contre le contractant sur le
fondement délictuel a été énoncé en 1931 par la Cour de cassation, dans un attendu de
principe, maintes fois réaffirmé depuis45. Dans cet arrêt, la première chambre civil de la
Cour de Cassation a considéré qu’ « attendu que si dans les rapports des parties entre
elles, les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil ne peuvent en principe être
invoquées pour le règlement de la faute commise dans l'exécution d'une obligation
résultant d'un engagement contractuel, elles reprennent leur empire au regard des tiers
étrangers au contrat ».
43
Req., 23 février 1897, S., 1898, I, 65 et Req., 9 mars 1936, D. H, 1936, p. 233.
H. Lalou, op.cit., p. 72.
45
Civ. 1ère, 22 juillet 1931, DH 1931, p. 506.
44
32 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Malgré ce grand débat doctrinal entre ces deux grands principes, où certains estiment
que seul l’effet relatif des contrats prévaut en matière de relation entre les
cocontractants et les tiers et d’autres considèrent que le principe d’opposabilité des
contrats prévaut et qu’il ne doit pas être vu comme une atténuation au premier principe
mais plutôt vu comme complétant celui de la relativité des conventions, la jurisprudence
a apparemment décidé de se placer du coté de la doctrine contemporaine adhérant à
l’effet attractif du contrat, autrement-dit, au principe d’opposabilité des contrats par les
tiers. Cependant, il serait maintenant temps de se pencher sur la mise en œuvre de cette
responsabilité délictuelle du cocontractant défaillant afin que le tiers soit dédommagé du
préjudice qu’il a subi par ce manquement. Dés lors, nous devons nous interroger sur un
point très important qui est celui de la faute; par faute, il faut entendre la question du fait
générateur de responsabilité du cocontractant à l’égard des tiers.
33 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
CHAPITRE 2 :
LE FAIT GENERATEUR DE RESPONSABILITE DES
COCONTRACTANTS ENVERS LES TIERS A TRAVERS
LA FAUTE ET LE LIEN CAUSAL
34 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Une chose est sûre, le tiers victime de défaillance contractuelle doit nécessairement agir
en responsabilité civile délictuelle dans le sens où il n’est pas partie à la convention.
Ainsi, le régime juridique de ce qui est devenu la « responsabilité contractuelle » nous
est présenté par la doctrine contemporaine selon le même schéma que la responsabilité
délictuelle, avec ses trois composantes que sont la faute, le préjudice et le lien de
causalité. Dés lors, nous sommes ici au cœur du débat ; La question soulevé suites aux
différents cas d’inexécutions contractuelles est celle du fait générateur de responsabilité
des cocontractants envers les tiers à travers la notion de « faute ». Ainsi, nous verrons
les réponses apportées par le droit positif en ce qui concerne le fait générateur de
responsabilité des contractants envers les tiers à travers la faute contractuelle et
notamment à travers la théorie de la relativité de la faute contractuelle et celle de
l’assimilation de la faute contractuelle et délictuelle (Section 1). Nous verrons ensuite
dans un second temps, les critiques pouvant-être apportées au raisonnement du juge
ayant conduit à la solution en vigueur à ce jour, à savoir, l’identité des fautes
contractuelle et délictuelle (Section 2).
SECTION 1 :
DE LA RELATIVITE DE LA FAUTE CONTRACTUELLE A
L’ASSIMILATION DES FAUTES CONTRACTUELLE ET
DELICTUELLE :
UNE
« VALSE-HESITATION
JURISPRUDENTIELLE » ET DOCTRINALE.
SECTION 2 :
LA POSITION DU DROIT : UNE SOLUTION GENERALE ET
INACHEVEE.
35 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Section 1 : de la relativité de la faute contractuelle à l’assimilation des fautes
contractuelle et délictuelle : une « valse-hésitation jurisprudentielle46 » et
doctrinale.
L’action d’un tiers en responsabilité délictuelle contre un contractant a été admise
depuis très longtemps par la jurisprudence ; cette possibilité offerte au tiers marque
l’émergence d’un principe d’opposabilité des contrats. Seulement, le centre du débat ne
se situe pas dans la mise en œuvre de l’opposabilité des contrats mais dans la question
de droit qui est la suivante ; le tiers, victime d’un dommage causé par le manquement
contractuel, doit-il lorsqu’il exerce une action en responsabilité délictuelle contre le
cocontractant défaillant, apporter la preuve d’une faute délictuelle spécifique, distincte
de la faute contractuelle, ou peut-il se contenter de démontrer que son dommage
procède de l’inexécution ou de la mauvaise exécution contractuelle imputable au
débiteur ? Dés lors, on peut affirmer que nous sommes bien au cœur du débat. Il serait
particulièrement malvenu de procéder à l’étude du droit positif en matière de
responsabilité du contractant défaillant vis-à-vis d’un tiers sans évoquer au préalable les
différentes étapes ayant conduit à l’adoption de la solution jurisprudentielle en vigueur à
ce jour.
La jurisprudence, a depuis fort longtemps imposé la preuve d’une faute délictuelle
détachable de tout manquement contractuel afin d’engager la responsabilité du
contractant envers le tiers victime d’un préjudice issu de cette défaillance contractuelle.
Dés lors, l’article 1382 du Code Civil devait s’appliquer au regard des conditions
prévues. Plusieurs jurisprudences en la matière ont suivi cette voie de la relativité de la
faute contractuelle ; en 196247, 197048, 197849, etc. Seulement, on assiste dans les
46
Expression employée dans l’avis de M. l’avocat général A. GARIAZZO, Bulletin d’information de la
Cour de cassation, n° 651, p. 57.
47
1ère Civ., 9 octobre 1962, Bull., n° 405, p. 349
48
3ème Civ. , 15 octobre 1970, Bull., n° 515, p. 375.
36 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
années 1980, à un retour à l’autonomie de la faute délictuelle par rapport au contrat.
Cependant, à cette même période, on s’aperçoit que les juges considéraient au contraire,
que toute inexécution contractuelle provoquant un dommage aux tiers, devaient
nécessairement constituer une faute délictuelle50.
Dans cette « valse-hésitation jurisprudentielle » et aussi doctrinale, sur la mise en œuvre
de la responsabilité du cocontractant envers le tiers-victime du manquement contractuel,
il faudra distinguer la théorie de la relativité de la faute contractuelle à travers la
jurisprudence et la doctrine (Paragraphe 1), de la thèse de l’assimilation du manquement
contractuel et de la faute délictuelle (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : la position doctrinale et jurisprudentielle sur la relativité de la
faute contractuelle.
I. La position jurisprudentielle
Selon cette thèse, le principe de l’effet relatif du contrat n’engendre de responsabilité
envers des tiers que si le manquement contractuel est doublé d’un écart de conduite,
caractérisant la faute délictuelle ; notamment d’un manquement à une obligation
générale de prudence et de diligence. Donc toute faute contractuelle n’est pas ipso facto
une faute délictuelle et le contractant défaillant qui a causé un dommage à autrui ne sera
sanctionné que lorsque ce dernier aura causé ce même dommage en dehors du contrat.
Ainsi, toute faute contractuelle ne constitue pas automatiquement une faute délictuelle.
Diverses formulations dans les arrêts consacrant cette thèse ont été retenues par la Cour
de Cassation, ce qui montre la difficulté à cerner ce qui relève d’un manquement
général à une règle de conduite. Dans un premier temps, par de nombreux arrêts 51, elle a
considéré que les tiers ne pouvaient obtenir réparation que s’ils démontraient l’existence
49
1ère Civ., 23 mai 1978, Bull., n° 201, p. 161.
16 décembre 1992, Bull., n° 316, p. 207, R.T.D Civ., 1993, p. 362 obs. P. Jourdain.
51
Civ. 1ère, 9 oct. 1962, Bull No 405; Civ. 1ère, 7 nov. 1962, Bull No 465 ; Civ. 3è me , 15 oct 1970, Bull No
515 ; Civ, 3ème 18 avril 1972, Bull No233 ; Civ1ère, 23 mai 1978, Bull No 201.
50
37 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
d’une « faute délictuelle envisagée en elle-même, indépendamment de tout point de vue
contractuel »52.
Par contre, des arrêts ultérieurs se sont référés à la violation d’une obligation générale
de prudence et de sécurité. Ainsi, dans un arrêt rendu en matière de transport maritime,
la chambre commerciale a retenu que « le fait d’une partie au contrat peut à l’égard d’un
tiers à celui-ci, constituer une faute quasi délictuelle par la violation d’une obligation
générale de prudence et de diligence, bien qu’il pût être aussi un manquement de cette
partie à ces obligations contractuelles »53.En l’espèce, la faute contractuelle de
l’affréteur envers le fréteur pouvait était constitutive d’une faute délictuelle envers
l’acheteur des marchandises, tiers à la convention.
La chambre commerciale a utilisé une formulation voisine dans un arrêt du 17 juin 1997
dans lequel elle a retenu que « si la faute contractuelle d’un mandataire à l’égard de
son mandant peut être qualifiée de faute quasi délictuelle à l’égard d’un tiers, c’est à la
condition qu’elle constitue aussi la violation d’une obligation générale de prudence et
de diligence »54.
La première chambre civile a, elle aussi, appliqué ce principe de la relativité de la faute
contractuelle dans un arrêt non publié55. Il en sera de même, dans un arrêt non publié
rendu le 8 octobre 200256. La jurisprudence estima donc, qu’il fallait prouver la faute
délictuelle indépendamment de la faute contractuelle57.
La chambre commerciale n’a pas hésité à utiliser une formulation voisine dans un arrêt
du 17 juin 1997 dans lequel elle a retenu que « si la faute contractuelle d’un mandataire
à l’égard de son mandant peut être qualifiée de faute quasi délictuelle à l’égard d’un
tiers, c’est à la condition qu’elle constitue aussi la violation d’une obligation générale
de prudence et de diligence ». C’est cette formulation qui sera solennellement reprise
52
Voir arrêts sus évoqué.
Com. 2 avril 1996, Bull., n°101
54
Com., 17 juin 1997, Bull., n° 187, p. 164, JCP G 1998, I, 144, G. Viney.
55 ère
1 . Civ., 16 décembre 1997, n° 95-22.321.
56
Com., 8 octobre 2002, n° 98-22.858 ; JCP G 2003, I, 152, n° 3, G. Viney.
57 ère
1 . Civ., 11 avril 1995, Bull., n° 171, p. 122, R.T.D Civ., 1995, p. 895 obs. P. Jourdain, a fondé la
condamnation d'un mandataire, vis à vis d'un tiers autre que le mandant, sur "des fautes quasi délictuelles
détachables des obligations du contrat de mandat".
53
38 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
par dans un arrêt publié58, de cette même formation, en ces termes : « un tiers ne peut
sur le fondement de la responsabilité délictuelle, se prévaloir de l’inexécution d’un
contrat qu’à la condition que cette inexécution constitue un manquement à son égard du
devoir général de ne pas nuire à autrui ». A travers cette théorie de la relativité de la
faute contractuelle, on peut ainsi en déduire une certaine invocabilité de la faute
contractuelle par le tiers. Ce courant jurisprudentiel sera soutenu par plusieurs auteurs.
II. La position doctrinale :
Certains n’ont pas hésité à soutenir cette théorie de la relativité de la faute contractuelle
en critiquant la thèse adverse, à savoir celle de l’assimilation des fautes contractuelle et
délictuelle. C’est notamment le cas de M. Denis Mazeaud, qui estime que cette dernière
conduit à brouiller une distinction des notions de partie et de tiers au contrat et surtout, à
fragiliser la conciliation entre les principes de l’effet relatif du contrat et de
l’opposabilité du contrat par les tiers. L’action exercée par le créancier contractuel étant
de nature différente que celle exercée par le tiers victime de défaillance contractuelle,
leur régime doit être distinct.
M. VINEY a estimé que l’assimilation des fautes contractuelles et délictuelles
conduisait aussi à permettre un panachage des règles contractuelles et délictuelles59.
L’indépendance des fautes délictuelle et contractuelle a malheureusement conduit à
permettre au tiers de se servir du contrat pour exercer son action en responsabilité
délictuelle sans pour autant devoir respecter les clauses de ce contrat qui le gênent.
Dans le même ordre d’idée, MM. TERRE, SIMLER et LEQUETTE estiment que
« permettre à un tiers d’invoquer la faute contractuelle du débiteur revient à lui
permettre de réclamer indirectement à son profit le bénéfice d’un contrat auquel il n’est
58
59
Com. 5 avril 2005, Bull No 81
G. Viney, op. cit., n° 213, p. 394, spéc., p. 403.
39 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
pourtant pas partie … sous couvert d’opposabilité du contrat, c’est porter directement
atteinte au principe de l’effet relatif du contrat60 ».
Selon JOURDAIN « tout dépend en réalité de la portée de l’obligation contractuelle
violée. Si elle se limite au cercle étroit des parties contractantes, sa transgression ne
pourra constituer une faute délictuelle. Au contraire si par son objet, elle intéresse les
tiers, ceux-ci doivent être autorisés à se prévaloir de sa transgression pour établir la
faute délictuelle ». Aussi approuve-t-il la jurisprudence la plus récente de la chambre
commerciale consacrant la relativité de la faute contractuelle dans la mesure où « il est
des obligations dont la portée est limitée aux seules parties contractantes et qui ne
tendent nullement à protéger les tiers ni à leur procurer un quelconque avantage61 ».
Ce n’est que lorsque les obligations inexécutées n’ont pas été souscrites au profit
exclusif du créancier contractuel, que leur inexécution est constitutive d’un
manquement à un devoir général ; dés lors, les tiers peuvent agir contre le cocontractant
si la défaillance contractuelle leur a causé un préjudice. L’exemple type, sera celui de
l’irrespect de la clause de non-concurrence. Le manquement à l’obligation de nonconcurrence du vendeur à l’égard de l’acheteur d’un fond de commerce, ne constitue
pas une possible action en responsabilité délictuelle par les concurrents de l’acheteur.
Les tiers pourront se prévaloir d’un manquement à une obligation contractuelle, dés lors
que cette dernière aura un objet qui intéresse les tiers. Les victimes par ricochet sont la
catégorie de personne la plus protégé en la matière. Par exemple, les obligations de
sécurité, d’information ou de conseil traduisent une norme de comportement de portée
générale.
D’autres auteurs se rallient à la thèse séparatiste ; Deux de ces auteurs62 partage l’idée
que, pour rechercher la responsabilité délictuelle du cocontractant défaillant, il faut
distinguer deux hypothèses qui sont les suivantes ; lorsque l’obligation violée constitue
un devoir général de comportement, tel les obligations de sécurité et d’information, la
relativité de la faute contractuelle n’est pas justifiée.
60
F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, Droit civil-Les obligations, Précis Dalloz, 8ème édition, n° 495.
P. Jourdain, RTD civ., 2005, p. 602.
62
D. Mazeaud et G. Viney.
61
40 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Au contraire, si l’obligation manquée est limitée au cercle étroit des parties et donc
assumée par le débiteur au profit du seul créancier contractuel, c’est ainsi admettre que
« l’inexécution
d’une
telle
obligation,
strictement
contractuelle,
constitue
nécessairement une faute délictuelle, dont un tiers peut se prévaloir pour agir en
responsabilité délictuelle contre le débiteur contractuel, conduit à neutraliser la
distinction des notions de parties et de tiers au contrat. En effet, le tiers victime est alors
soumis au même régime, du moins sur le plan de la preuve de la faute, que le créancier
contractuel, et réclame et obtient alors, peu ou prou, l’exécution par équivalent d’un
contrat auquel il n’était pas partie. [...] L’effet attractif du contrat qu’emporte l’identité
des fautes contractuelle et délictuelle empiète alors sur le principe de l’effet relatif du
contrat63 ».
Mais ce courant jurisprudentiel, maintenu par la chambre commerciale, consacrant
l’autonomie de la faute délictuelle par rapport à la faute contractuelle n’a pas empêché
le développement d’un autre courant lui aussi bien nourri qui procède d’une
assimilation de ces deux fautes.
Paragraphe 2 : La consécration de la théorie de l’assimilation des fautes
contractuelle et délictuelle : une position jurisprudentielle toujours en vigueur.
I. La position jurisprudentielle :
La Cour de Cassation est venue considérer que la faute contractuelle constituait de
plano une faute délictuelle à l’égard des tiers ; on parlera donc d’une assimilation
automatique des deux fautes. Un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation en
date du 21 mars 1972 est particulièrement révélateur à cet égard, G. DURRY
l’analysant comme une manifestation de la « double nature » de la faute : « à la fois
manquement à l’obligation volontaire et, s’il y a, parmi les victimes, des tiers, faute
63
D. Mazeaud, commentaire de Com., 5 avril 2005, Revue de droit des contrats, 2005, p. 687.
41 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
délictuelle64 ». Dans cet arrêt, la Cour de Cassation décide que la faute contractuelle
était le fondement de la faute délictuelle65.
De nombreux arrêts paraissent s’en tenir à une approche purement unitaire des fautes
contractuelle et délictuelle et déduisent l’existence d’une faute délictuelle de la seule
faute contractuelle. Cette position n’est pas nouvelle car des arrêts anciens procédaient
déjà à une telle assimilation, dont notamment à travers la solution suivante ; « toute
faute contractuelle est délictuelle au regard des tiers étrangers au contrat ». Mais c’est
surtout à partir des années 1990 que ce courant jurisprudentiel a connu un fort
développement essentiellement sous l’impulsion de la première chambre civile, bien
que d’autres chambres de la Cour de Cassation y compris la chambre commerciale, s’y
soient occasionnellement ralliées.
La jurisprudence la plus révélatrice de cette thèse assimilatrice est, sans conteste, l’arrêt
rendu le 15 décembre 1998 par la première chambre civile. Dans son arrêt du 15
décembre 199866, la 1ère chambre civile a retenu, sous le double visa des articles 1165 et
1382 du Code Civil, que « les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l’exécution
défectueuse de celui-ci lorsqu’elle leur cause un préjudice ».
Une autre solution a été rendue en matière de concurrence déloyale et de distribution
sélective. Les juges ne reprennent pas exactement cette formulation de la solution du 15
décembre 1998, mais appliquent cette solution. Ils vont admettre que le tiers puisse se
prévaloir de la violation par les distributeurs sélectifs de leurs obligations contractuelles.
La Cour a donc considéré qu’« un tiers pouvait agir en concurrence déloyale contre les
distributeurs sélectifs qui, profitant des avantages du réseau, ne remplissent pas en
contrepartie leurs obligations contractuelles, en dépréciant les marques de cosmétiques
de prestige qu’ils distribuent en les exposant à proximité immédiate de produits
disponibles dans tout magasin populaire ». Il s’agit en effet de l’arrêt « Sté Anaïs »67.
64
G. DURRY, RTD civ. 1973, p. 128.
Soc., 21 mars 1972, R.T.D. Civ., 1973, p. 128, obs. G. Durry qui constate que la faute a une "double
nature, à la fois manquement à l'obligation volontaire et, s'il y a, parmi les victimes, des tiers, faute
délictuelle"; Com., 16 janvier 1973, Bull., n° 28.
66
1ère civ., 15 décembre 1998, Bull. 1998, I, n°368.
67
Cass. com., 1er juillet 2003, Sté Anaïs c/ Sté Marie-Jeanne Godard et Sté MJG Béarn.
65
42 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Dans cette affaire, un tiers vient se plaindre de la concurrence déloyale que lui font les
distributeurs sélectifs, qui profitent des avantages du réseau, sans respecter leurs
obligations contractuelles.
Franchissant un nouveau pas vers la consécration de l’assimilation des fautes, la
jurisprudence a considéré dans un arrêt en date du 18 Juillet 2000, toujours au visa des
articles 1165 et 1382 du Code Civil, à la suite du décès d’un patient d’une clinique
psychiatrique imputable à un défaut de surveillance de cet établissement, que ses ayantdroit, victimes par ricochet et tiers au contrat d’hospitalisation, étaient fondés à invoquer
l’exécution défectueuse de celui-ci dès lors qu’elle leur a causé un dommage « sans
avoir à rapporter d’autre preuve68 ». En l’espèce, la faute délictuelle retenue à l’encontre
d’un établissement psychiatrique consistait en un défaut de surveillance d’un patient,
duquel découlait le décès de celui-ci, causant un préjudice par ricochet à son époux et à
sa fille.
C’est la même position qui sera adoptée dans un arrêt du 18 mai 2004 rendu en matière
de mandat69 ; elle a retenu que « viole l’article 1382 du Code Civil la Cour d’Appel qui
énonce que la faute du mandataire ne peut être invoquée que si elle est détachable du
mandat ».
La jurisprudence a repris ensuite ce principe en ajoutant, dans un arrêt rendu le 13
février 2001, « qu’un centre de transfusion sanguine est tenu d’une obligation de
sécurité de résultat en ce qui concerne les produits sanguins qu’il cède et que le
manquement à cette obligation peut être invoqué aussi bien par la victime immédiate
que par le tiers victime d’un dommage par ricochet70 ». La chambre commerciale dans
un arrêt non publié du 05 mars 2002, a censuré une Cour d’Appel ayant retenu que les
tiers n’invoquaient « aucune faute délictuelle envisagée en elle-même indépendamment
68
69
1ère civ., 18 juillet 2000, Bull. 2000, I, n°221.
1ère civ. 18 mai 2004, Bull. 2004, I, n°141 (Qui paraît aller à l’encontre de l’arrêt précité de la chambre
commerciale du 17 juin 1997).
70
1ère Civ., 13 février 2001, Bull., n° 35, p. 21; D. 2001, somm. com., p. 2234 obs. Ph. Delebecque.
43 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
de tout point de vue contractuel » en énonçant que « les tiers à un contrat sont fondés à
invoquer l’exécution défectueuse de celui-ci lorsqu’elle leur a causé un dommage71 ».
On peut donc affirmer que l’Assemblée Plénière a, au regard du fait générateur de
responsabilité des cocontractants vis-à-vis des tiers, opté pour un rayonnement
contractuel accru.
II. La positon doctrinal :
Le courant doctrinal favorable à l’assimilation des deux fautes part de l’idée soutenue
par MM. FLOUR, AUBERT et SAVAUX « que le tiers victime, qui invoque le
manquement contractuel au soutien de sa demande d’indemnisation, ne prétend en
aucune façon s’introduire dans le rapport d’obligation contractuel : il se borne à faire
valoir le fait de l’inexécution, comme tout tiers peut invoquer la situation de fait
constituée par le contrat, qu’il soit ou non exécuté...Ce n’est là que le mécanisme de
l’opposabilité du contrat qui est mis en œuvre ». Ces mêmes auteurs ajoutent que le fait
même que les tiers aient subi un dommage en conséquence du manquement contractuel
« parait bien impliquer une violation du devoir de ne pas nuire à autrui au sens de l’art
1382 du code civil » et qu’on s’explique mal « que les tiers victimes ne puisse faire
valoir, contre le débiteur contractuel, la situation endommageable créée par ce débiteur,
qui aurait pu l’éviter en exécutant correctement son obligation ». Selon ces auteurs, le
seul véritable problème parait être celui de la causalité. Il convient dans tous les cas de
s’assurer que le dommage dont la réparation est demandée est bien la conséquence du
manquement du débiteur contractuel.
M. TOSI milite également dans le sens de cette thèse, il estime que, de même que le
contractant peut agir en responsabilité délictuelle contre le tiers complice de la violation
d’une obligation contractuelle, de même le tiers qui subit un préjudice du fait de
l’exécution d’un contrat doit pouvoir agir contre le contractant en faute. On voit mal
pourquoi la solution serait également dans l’autre cas, c’est-à-dire lorsque c’est le tiers
71
Com., 5 mars 2002, n° 98-21.022.
44 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
qui se prévaut du contrat pour reprocher à un débiteur contractuel la violation de son
obligation. Cet auteur nous parle de « manquement contractuel dérelativisé72 ».
Au regard de cette conception jurisprudentielle de l’identité des fautes contractuelle et
délictuelle, on comprend dés lors le succès de l’action en responsabilité du tiers, victime
d’un dommage causé par l’inexécution du contrat, où celui-ci, n’a pas a prouvé une
faute délictuelle, il doit seulement prouver que le préjudice qu’il a subi à été causé par
cette défaillance contractuelle du cocontractant.
Cette assimilation des fautes contractuelle et délictuelle permet ainsi d’assurer un
traitement égalitaire entre toutes les victimes, qu’elles soient ou non liées par un contrat
à l’auteur de la faute ou du manquement dommageable. Avec cette théorie, les
conditions d’application de la responsabilité seront rigoureusement les mêmes quelle
que soit la qualité de la victime demanderesse. La généralité des termes de l’article 1382
du Code Civil permet à la faute délictuelle d’englober la défaillance contractuelle73.
L’explication la plus exacte justifiant cette thése est certainement le souci de protection
des tiers victimes de défaillance contractuelle, où ces derniers pourront se voir
indemniser en contrepartie du préjudice qu’ils subissent. Bien que beaucoup moins
alimenté que la thèse de la relativité, le courant doctrinal favorable à l’assimilation des
deux fautes a exercé une influence déterminante sur la jurisprudence contemporaine,
puisque toutes les formations de la cours de cassation semblent s’y être ralliées.
Le Rapport annuel74 de la cour de cassation, définissant la portée de l’arrêt rendu le 10
juillet 2000 à propos de la responsabilité d’une clinique psychiatrique, se réfère en ces
termes à cette thèse : « la notion d’opposabilité du contrat est les fondements de cette
décision simplificatrice : tout tiers auquel un manquement contractuel nuit75 est en droit
72
J.-P. Tosi, « Le manquement contractuel dérelativisé », Mélanges M. Gobert, 2004, p. 479.
Voir en ce sens, Ph. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action 2004-2005,
spéc. n° 973 ; R. Wintgen, Etude critique de la notion d'opposabilité. Les effets du contrat à l'égard des
tiers en droit français et allemand, L.G.D.J., bibliothèque de droit privé, Tome 426, n° 327 ; L. Leveneur,
commentaire de 1ère Civ., 18 mai 2004, Revue Contrats-concurrence-consommation 2004, n° 121.
74
Rapport annuel de la Cour de cassation 2000, La documentation française, p. 387, à propos de 1ère
Civ., 18 juillet 2000.
75
Article 1165
73
45 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
d’invoquer ce manquement à l’appui de sa demande et il n’a pas à apporter d’autre
preuve. »
C’est bien en appliquant la jurisprudence assimilatrice des fautes contractuelles que
l’assemblée plénière de la cour de cassation a rendu l’arrêt Perruche, même si la
question ne lui était pas directement posée, et que « dès lors que les fautes commises par
un médecin et un laboratoire dans l’exécution des contrats formés avec une femme
enceinte avaient empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin
d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicape, ce dernier peut demander le
réparation d’un préjudice résultant de cet handicap et causé par les fautes retenues76 ».
La Haute Juridiction semble ainsi se rallier à la thèse de l’identité des fautes
contractuelle et délictuelle, en vertu de laquelle, rappelons-le, tout manquement
contractuel constituerait ipso facto une faute délictuelle.
D’ailleurs, cette jurisprudence a été confirmée ultérieurement par trois arrêts rendus par
la même formation précisant les conditions d’indemnisation des victimes77.
C’est la position réaffirmée expressément par l’assemblée plénière de la Cour de
Cassation dans son célèbre arrêt du 6 Octobre 200678, objet de vives discussions.
Les faits mettaient en cause trois parties : les propriétaires (A) d’un immeuble, avaient
concédé un bail commercial sur ce bien à la société (B), qui à son tour, avait donné
l’immeuble en location gérance à une société (C). Imputant la responsabilité aux
bailleurs (A) pour un défaut d’entretien des locaux, la société (C) les a assignés pour
obtenir la remise en état des lieux et paiement d’une indemnité en réparation d’un
préjudice d’exploitation. La société (C) invoquait, sur le fondement de la responsabilité
délictuelle (article 1382 C.civ), l’inexécution par (A) de ses obligations envers (B).
Après que la cour d’appel ait déclaré recevable cette demande, la cour de cassation a
rejeté le pourvoi des bailleurs au motif que « le tiers à un contrat peut invoquer sur le
fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que
ce manquement lui a causé un dommage ».
76
Ass. plén., 17 novembre 2000, Bull., n° 9, p. 15.
Ass. plén., 13 juillet 2001, n° 97-17.369, 97-19.282, 98-19.190.
78
Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, n°05-13.255, P+B+R+I, Bull. civ. Ass. plén. n°9.
77
46 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Il suffit donc pour le tiers de faire montre du seul manquement contractuel, cause de son
dommage pour obtenir réparation. Par delà toutes les explications possibles du
ralliement à la thèse assimilatrice, celle qui apparaît sans doute la plus exacte et la plus
prégnante est certainement le souci d’indemnisation des tiers victimes. Cette thèse leur
permet donc de fonder leur action sur le terrain de la responsabilité délictuelle
uniquement sur l’existence d’un dommage qu’ils ont subi, causé par la défaillance d’une
partie au contrat.
La jurisprudence a fait de l’identité des fautes contractuelle et délictuelle, un réel
principe avec une jurisprudence d’une grande constance, ayant tendance a étendre son
champ d’application ; Point n’est donc besoin d’un fait générateur propre à la
responsabilité civile délictuelle pour engager une action contre l’auteur du dommage.
Ici, l’Assemblée Plénière unifie les jurisprudences de la première chambre civile et de
la chambre commerciale en mettant fin à leu divergence quant aux thèses de la relativité
de la faute contractuelle et de l’identité des fautes. La formation la plus solennelle de la
Cour de cassation tranche clairement la controverse qui divisait ses chambres et
conforte la position de la première Chambre civile.
Une récente décision du 13 juillet 2010, illustre bien cette extension, allant dans le
même sens que la décision de l’Assemblée Plénière a aussi décidé que « le tiers à un
contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement
contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage », et « qu’ayant
retenu que la clause de non-concurrence avait pour but d’interdire au deuxième locataire
d’exercer en même temps que le premier locataire déjà installé dans l’immeuble la
même activité », la cour d’appel a « ainsi caractérisé le dommage causé par les
manquements du second locataire et donc légalement justifié sa décision ».79. En
l’espèce, il s’agissait d’une zone commerciale de non-concurrence80.
Si la notion de fait générateur de responsabilité des contractants envers les tiers a fait
naitre un débat doctrinal et jurisprudentiel intense et incessant, la jurisprudence quant à
79
80
Cass. 3e civ., 13 juill. 2010, no 09-67516 : LEDC oct. 2010, p. 1, obs. O. Deshayes.
Revue des contrats, 01 janvier 2011 n° 1, P. 65.
47 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
elle, a choisi son camp ; les décisions vues précédemment demeurent fluctuantes et
plutôt contradictoires et inachevées.
Section 2 : L’identité des fautes contractuelle et délictuelle : une solution
contestable.
Il est vrai que la thèse de l’assimilation des fautes peut-être justifiée dans un souci de
protection des tiers victimes afin de les indemniser pour les préjudices qu’ils subissent,
également au regard des concepts du bon père de famille et de l’attente légitime ;
Seulement, suite à la divergence jurisprudentielle, la solution ayant mis fin au débat,
trouvant toute sa force dans le principe d’opposabilité des contrats par les tiers, semble
excessive portant ainsi atteinte au principe d’effet relatif des conventions (Paragraphe
1). Si ce houleux débat sur le fait générateur de responsabilité des contractants envers
les tiers a abouti à une solution, synonyme de terme à ces divergences tant
jurisprudentielles que doctrinales, la thése de l’identité des fautes délictuelle et
contractuelle consacrée par l’arrêt du 6 octobre 2006 demeure critiquable car trop
générale ; les juges dans leur décisions, n’ont pas fait de distinction quant à la nature et
portée de l’obligation violée (Paragraphe 2). Enfin, cette solution jurisprudentielle
tendant à assimiler la faute contractuelle et délictuelle semble inachevée en raison du
fait que les juges ont omis de se prononcer sur un élément clé, non négligeable, à savoir,
le lien causal entre la faute du contractant et le préjudice subi par le tiers (Paragraphe 3).
Paragraphe 1 : Une solution altérant la relativité des conventions.
Dans cette divergence jurisprudentielle, alors que la première chambre civile de la Cour
de Cassation a estimé que « les tiers à un contrat sont fondés à invoquer tout
manquement du débiteur contractuel lorsque ce manquement leur a causé un dommage,
sans avoir à rapporter d’autre preuve » la chambre commerciale quant à elle, considère
que « le tiers ne peut, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, se prévaloir de
48 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
l’inexécution du contrat qu’à la condition que cette inexécution constitue un
manquement à son égard au devoir général de ne pas nuire à autrui ».
Toutes ces solutions sont beaucoup trop axé sur le contrat et non pas à la responsabilité
délictuelle et ainsi que sur la faute, au détriment des autres éléments. La relativité de la
faute contractuelle doit donc prédominer. Cette relativité de la faute contractuelle doit
accompagner le principe de la relativité des conventions afin que cette dernière produise
son plein effet.
Pour certains auteurs, la violation d’une règle ne peut être invoquée que par celui que la
règle a pour but de protéger81. Dans tout contrat, en cas de défaillance contractuelle,
seul le créancier de l’obligation violée est en droit de se plaindre d’une telle faute. Dés
lors, il devra agir en responsabilité contractuelle pour son préjudice subi. Cette idée est
soutenue par la théorie de la relativité aquilienne82.
Quant au tiers, il ne peut aucunement invoquer la responsabilité délictuelle,
extracontractuelle du contractant défaillant dans le sens où l’obligation violée n’était pas
établie dans son intérêt. Cependant, il en sera autrement s’il prouve une faute délictuelle
distincte sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. Cette relativité de la faute
contractuelle doit accompagner le principe de la relativité des conventions afin que cette
dernière produise son plein effet. La relativité de la faute constitue un complément
nécessaire83 de l’effet relatif des conventions. Qu’en est-il de la compatibilité entre la
dérelativisation de la faute contractuelle consacrée par l’Assemblée Plénière et l’effet
relatif des contrats ?
Pour les adhérents à la relativité de la faute contractuelle, l’assimilation des fautes
permettrait au tiers de réclamer indirectement à son profit le bénéfice d’un contrat
81
G. VINEY, P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2ème éd., 1998, n°441.
Une définition en est proposée par l’Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, V. Relativité
aquilienne : « expression signifia.nt que seules les personnes spécialement protégées par la règle de droit
enfreinte peuvent demander réparation du dommage qui en est résulté
83
R. WINTGEN, thèse précitée, n°333.
82
49 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
auquel il n’a jamais été parti ; on en déduit donc une altération du principe d’effet relatif
des contrats84.
Indemniser un tiers en se basant sur une inexécution contractuelle conduit à créer une
véritable exception au principe de la relativité contractuelle, brouiller la distinction des
notions de partie et de tiers au contrat, fragiliser la conciliation entre les principes de
l’effet relatif du contrat et de l’opposabilité du contrat par les tiers85.
Pour d’autres auteurs, ce principe de l’effet relatif des contrats n’est pas altéré dans le
sens où il interdit seulement aux tiers de ne pas réclamer l’exécution du contrat 86. La
décision du 6 octobre 2006 vient consacrer un principe qualifié par certains, comme un
principe « d’effet attractif du contrat inexécuté87 » s’inscrivant ainsi dans notre droit
français des contrats aux coté de celui de l’effet relatif des conventions.
Ainsi vu précédemment, certains auteurs soutenant la primauté du principe d’effet
relatif du contrat, ont rejeté cette atteinte à la relativité des conventions en optant pour
une distinction entre les devoirs généraux intégrés au contrat et les obligations
spécifiquement contractuelles. Dés lors, assimiler les deux fautes en cas de manquement
à une obligation spécifiquement contractuelle conduirait nécessairement à une atteinte à
ce principe d’effet relatif du contrat ; ce qui a été chose faite par l’Assemblée Plénière.
L’excès de la jurisprudence actuelle consiste dans le fait qu’elle peut aboutir en cas de
violation d’une obligation de résultat à une responsabilité sans faute prouvée des
contractants envers les tiers, alors qu’il serait logique que cette responsabilité soit
limitée à la circonstance où la défaillance due à l’écart de conduite du débiteur de
l’obligation, c’est-à-dire limitée à une responsabilité subjective pour faute prouvée du
contractant envers les tiers.
84
C’est l’idée exprimée par J. HUET, Responsabilité contractuelle et délictuelle : essai de délimitation
entre les deux ordres de responsabilité, thèse 1978, n°495 : « Comment concevoir que l’on puisse se
plaindre de la violation d’une obligation, alors même que l’on ne saurait en réclamer l’exécution correcte
? » ; la même idée est énoncée par D. MAZEAUD, Revue des Contrats, 2005, p. 687: « le tiers victime est
alors soumis au même régime, du moins sur le plan de la preuve de la faute, que le créancier contractuel,
et obtient alors, peu ou prou, l’exécution par équivalent d’un contrat auquel il n’était pas partie ».
85
D. MAZEAUD, Revue des Contrats, 2007, p. 269.
86
G. VINEY, Recueil Dalloz, 2006, p. 2825.
87
D. MAZEAUD, revue précitée, p. 269.
50 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
L’effet relatif du contrat semble encore plus affaibli, lorsque le tiers se voit indemnisé ;
on peut ainsi penser à une forme d’exécution de l’obligation contractuelle au profit de
ce tiers. Il est ainsi temps de voir en quoi cette solution semble inachevée.
Paragraphe 2 : L’absence de distinction quant à la nature et portée de l’obligation
violée
En matière de responsabilité des contractants à l’égard des tiers, la jurisprudence, dans
ses solutions rendues, a été amené à promouvoir une distinction entre l’inexécution des
obligations « strictement contractuelles », qui consistent dans « le non-accomplissement
de la prestation promise »88 et le manquement à un devoir général de comportement
intégré dans le contrat.
Il existe certaines obligations qui, bien que reflétant une règle de conduite de portée
générale s’imposant erga omnes89, sont rattachées au contrat.
C’est le cas notamment des obligations de sécurité, de conseil, de mise en garde et
d’information. Ce phénomène est mieux connu sous le nom de « forçage » du contrat
par le juge. Tandis que la violation d’une obligation spécifiquement contractuelle ne
peut être invoquée que par le créancier contractuel, les tiers sont admis à se prévaloir de
l’inobservation des règles qui ne font que traduire un devoir général s’imposant à tous.
Suite à la divergence jurisprudentielle, certains auteurs ont estimé que dans les espèces
soumises, l’inexécution invoquée par les tiers n’avait pas un caractère contractuel très
marqué. Seulement, il faut convenir que la mise en œuvre de cette distinction est
difficile. Il existe certains contrats qui aménagent une règle générale de comportement,
de telle sorte qu’elle en devient son principal objet ; c’est par exemple le cas du contrat
conclu avec un garde du corps90. Dés lors, cette obligation est caractéristique du contrat.
88
P. ANCEL, « Les arrêts de 1998 sur l’action en responsabilité contractuelle dans les groupes de
contrats, quinze ans après », Litec, 2003, p. 3, spéc. n°10.
89
A l’égard de tous.
90
Exemple envisagé par P. ANCEL, « Faut-il " faire avec ? », Revue des Contrats, 2007, p.538, n°17.
51 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
D’autre part, il arrive que certaines obligations générales de comportement prennent un
tout autre aspect lorsqu’elles sont appliquées à un contractant déterminé ; c’est l’idée
que partage M. ANCEL91.
En matière de devoir général d’information à l’égard des profanes, certains auteurs
estiment qu’il serait absurde de déduire du manquement à ce devoir individualisé vis-àvis du cocontractant, une quelconque défaillance vis à-vis des tiers. Ces derniers ne se
prévalant pas de la violation du devoir d’information à leur égard, réclament plutôt la
réparation du préjudice qui leur a été causé du fait du manquement à l’obligation
d’information particulière due au créancier.
De par cette multiplicité des devoirs généraux, il parait très difficile et de moins en
moins fréquent d’identifier des obligations contractuelles ne constituant pas, en même
temps, l’un de ces devoirs qui s’imposent à tous et donc aux tiers. Il existe aussi un
autre type de distinction tenant à la portée de l’obligation violé par le contractant à
l’égard des tiers permettant de justifier l’existence d’un fait générateur de responsabilité
à l’égard des tiers. Celle-ci est sans doute plus rationnelle que la précédente.
D’une part, il y a les obligations stipulées dans l’intérêt exclusif du créancier, où leur
violation ne serait pas en elle-même génératrice de responsabilité à l’égard des tiers.
D’autre part, nous avons les obligations qui « en raison de leur objet dépassent le seul
enjeu contractuel et qui, en tant que telles, sont susceptibles d’intéresser tous les tiers
dès lors qu’ils ont eu à souffrir de leur transgression92 ».
L’inexécution de ces dernières serait la plus susceptible de fonder l’action du tiers
victime contre le cocontractant pour défaillance contractuelle. A titre d’exemple,
l’obligation de non-concurrence serait l’une de ces obligations. La jurisprudence a
estimé que l’irrespect d’une clause de non-concurrence pouvait porter atteinte au
91
P. ANCEL, note précitée : « C’est une chose de dire qu’on est tenu, d’une manière générale, de se
comporter prudemment pour ne pas porter atteinte à la vie ou à l’intégrité corporelle d’autrui. C’en est
une autre de dire que, dans un rapport contractuel déterminé, on assume (…) l’obligation de rendre saine
et sauve telle personne (…) ».
92
M. ASSIE, conseiller rapporteur, Bulletin d’information de la Cour de cassation, n°651, 01 déc. 2006.
52 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
tiers93 ; la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a donc accordé l’action au
tiers victime de ce manquement au contrat.
Selon M. ASSIE, la solution rendue par la jurisprudence mettant fin au débat sur le fait
générateur de responsabilité des cocontractants envers les tiers, peut être justifiée par la
prise en compte de cette seconde distinction.
L’intérêt est de permettre aux tiers intéressés au contrat, même si l’obligation violée est
caractéristique du contrat, de bénéficier de l’action en réparation contre le contractant
défaillant. Cependant, certains auteurs ont estimé que cette seconde distinction n’était
pas si meilleur que la première ; Mme VINEY estime94 qu’au-delà des intérêts légitimes
des parties, les dispositions supplétives prennent en considération l’intérêt général 95 et
donc ceux des tiers au contrat96, si bien que la distinction entre les obligations prenant
en compte l’intérêt général et celles qui ne le prend pas en compte, perd tout son sens.
La Cour de cassation dans sa solution rendue, malgré avoir accueilli l’action du tiersvictime, n’a pas pris en compte la distinction entre les obligations purement
contractuelles et celles de portée générale. Il en est de même pour la seconde distinction
ayant trait à la proximité du tiers victime avec le contrat inexécuté. Cette dernière était
pourtant selon M. ASSIE, le meilleur argument de logique juridique permettant à la
Cour de Cassation de justifier sa solution tendant à accueillir l’action du tiers et à
engager la responsabilité du contractant défaillant.
La décision de la Cour de Cassation peut laisser penser qu’elle a peut-être pris en
compte l’intérêt général à travers le fait que « le devoir d’entretien de la chose louée est
destiné à profiter à toute personne qui aura à faire usage de cette chose97 ».
Cependant, on observant d’autres arrêts plus récents, on peut deviner que la
jurisprudence a décidé d’adhérer à aucune de ses distinctions et à tout simplement
rendue une solution très étendue. On peut illustrer cette supposition par une décision
93
Com 24 mars 1998 n° 9615.694, Bull. civ. IV, n° 111, obs. P. Jourdain. ( voir note 30)
G. VINEY, Recueil Dalloz, 2006, p. 2828.
95
M. MEKKI, L’intérêt général et le contrat, préf. J. Ghestin, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé,
vol. 411.
96
C. PERES, La règle supplétive, préf. G. Viney, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, vol. 421.
97
G. VINEY, Recueil Dalloz, 2006, p. 2828.
94
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
rendue le 10 mai 2007 par la deuxième Chambre civile de la Cour de Cassation qui a
retenu la responsabilité d’un contractant à l’égard d’un tiers, malgré le fait que ce
dernier n’était pas intéressé au contrat.
Au regard de tous ces éléments, il est logique de remarquer que dans la recherche de la
responsabilité du contractant envers le tiers pour manquement contractuel, la nature et la
portée de l’obligation violée importent peu et ne sont pas pris en considération ;
La nature de l’obligation passe alors au second plan et le comportement préjudiciable
peut ainsi indifféremment être qualifié de manquement contractuel s’il est invoqué par
la partie ou de délictuel s’il l’est par la victime.
A mon sens, il semblerait intéressant de concilier ces deux théories de l’identité des
fautes et de la relativité de la faute contractuelle ; les deux solutions doivent ainsi
pouvoir coexister et l’élément déterminant la responsabilité délictuelle du contractant
envers le tiers sera la preuve que cette défaillance contractuelle est une faute.
Il semble donc qu’en réalité, le seul véritable problème soit celui de la causalité ; il
conviendra ainsi de voir l’importance du lien causal entre la faute contractuelle et le
préjudice négligée par le juge dans sa solution tendant à assimiler les fautes
contractuelle et délictuelle.
Paragraphe 3 : L’importance du rapport de causalité.
Le tiers, même s’il démontre l’existence d’une faute, encore faut-il qu’il démontre que
celle-ci est en lien de causalité avec son préjudice. Le débat sur le fait générateur de
responsabilité des cocontractants envers les tiers a trop été axé sur le contrat et sur la
faute ; il semblerait que le lien de causalité ai été trop facilement écarté car évident.
Alors que le problème de droit posé était celui de savoir si l’inexécution contractuelle se
suffisait à elle-même ou s’il fallait que le tiers prouve une faute détachable du contrat,
donc extracontractuelle, il semblerait que la réelle question devrait être formulée d’une
autre manière ; ainsi, il serait question de savoir si ce manquement contractuel est bien
en lien de causalité avec le préjudice allégué.
54 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Si le caractère fautif du manquement fait défaut, il en sera de même pour le lien causal
entre la faute et le préjudice. L’assimilation ne doit pas être automatique mais plutôt
possible ; dans sa solution, la jurisprudence aurait dû employer d’autres termes, tels
« tout fait fautif »en lieu et place de « toute faute ».
Le courant doctrinal favorable à l’assimilation des deux fautes ont eux une remarque
très intéressante ; selon eux, le seul véritable problème parait être celui de la causalité, il
convient dans tous les cas de s’assurer que le dommage dont la réparation est demandée
est bien la conséquence du manquement du débiteur contractuel. Il faut donc vérifier
que le dommage subi par le tiers est bien la conséquence de l’inexécution invoquée.
La jurisprudence exerce un contrôle accru de ce lien de causalité
98
. La qualification
juridique des faits est toujours constatée et appréciés par les juges du fond. Ce contrôle
porte surtout sur l’existence réelle du lien de causalité relevé par les juges du fond99.
Les juges du fond n’hésitent pas à rappeler que le lien de causalité doit être direct, dés
lors, ils contrôlent la certitude du rapport de causalité. Le lien de causalité doit ainsi être
direct ; il fait ici entendre que le préjudice indemnisable doit être la conséquence directe
du fait dommageable. Ainsi, les dommages en cascades doivent être exclus. Cependant
ces dommages là sont parfois admis grâce à la théorie dite de l’équivalence des
conditions.
L’assemblée Plénière de la Cour de Cassation aurait pu opter pour une solution prenant
plus en compte ce lien de causalité ; Il aurait été préférable de considérer que le « tiers à
un contrat peut, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, invoquer son
exécution défectueuse dès lors qu’il démontre qu’elle est constitutive, à son égard,
d’une faute, cause de son préjudice personnel ».
98
F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil-les obligations, 8e éd., Dalloz, n° 859.
En ce sens, Ph. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action 2004/2005, spéc.
n° 1709, et les arrêts cités ; P. Jourdain, Droit à réparation, Lien de causalité- Détermination des causes du
dommage, LexisNexis, fasc. 160, spéc. n° 10, et les arrêts cités ; J. et L. Boré, La cassation en matière
civile, Dalloz action 2003/2004, spéc. n° 67-156 ; Lamy - Droit de la responsabilité, étude n° 270, spéc.
n° 270-31.
99
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Dans l’arrêt consacrant l’assimilation des fautes, du 6 octobre 2006, il appartenait à la
société Boot Shop, tiers au contrat de bail passé entre les bailleurs et le preneur, et
agissant sur le terrain délictuel, de démontrer que les manquements contractuels qu’elle
impute aux bailleurs sont en lien de causalité avec le préjudice qu’elle estime avoir subi.
Et il appartient donc aux juges du fond de constater l’existence de ce lien de causalité,
sous le contrôle de la Cour de cassation.
56 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Au demeurant, il a été question de savoir quel était l’effet de l’inexécution du contrat
sur les tiers. En réponse à ce problème de droit, la jurisprudence et notamment la
doctrine nous ont offert un long débat concernant les fondements de la responsabilité du
contractant défaillant à l’égard des tiers à travers les principes de la relativité du contrat
et celui de l’opposabilité des contrats par les tiers. La jurisprudence se décide à suivre
cette seconde voie. L’idée selon laquelle la sphère contractuelle doit intéresser les seuls
parties à l’acte et par la même, se désintéresser aux tiers, est substitué par celle d’une
socialisation du contrat, où les tiers pourraient être intéressés à ce dernier grâce à la
théorie du « contrat-fait ».
Ceci-dit, le seul vrai problème ne réside ailleurs que dans le fait générateur de
responsabilité. A la question de savoir si le tiers, victime d’un dommage causé par le
manquement contractuel, doit ou non apporter la preuve d’une faute délictuelle
spécifique, distincte de la faute contractuelle, là encore, la divergence doctrinale et
jurisprudentielle est houleuse et incessante.
Alors que la théorie de la relativité de la faute, développée pour estimer que toute faute
contractuelle ne constitue pas automatiquement une faute délictuelle, s’opposait à la
celle dite de l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle permettant de
reconnaitre que la faute contractuelle constitue de plano une faute délictuelle à l’égard
des tiers, le 6 octobre 2006 la formation solennelle met fin au débat et consacre cette
dernière. On assiste ainsi à une « dérelativisation » du manquement contractuel.
Autant cette solution tendant à indemniser les tiers victimes de défaillance contractuelle
semble justifiée dans un souci de protection, autant elle demeure excessive et trop
générale car allant d’une part à l’encontre du principe de la relativité des contrats, ne fait
aucune distinction quant à la nature ou portée de l’obligation violée, ni référence au lien
de causalité entre la faute contractuelle et le préjudice subi. Surtout, qu’à mon humble
sens, la question de la nature de l’obligation manquée, de la réalité du dommage et du
lien causal était le seul vrai problème en l’espèce.
Comme le souligne M. DEBAT, le contrat perd donc sa fonction traditionnelle pour
devenir un outil caractéristique de l’évolution du droit de la responsabilité pour faute
57 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
vers un droit de la responsabilité pour risque100. Ainsi on peut parler de rayonnement
accru du contrat.
Cet excès de la jurisprudence actuelle consiste dans le fait qu’elle peut aboutir en cas de
violation d’une obligation de résultat à une responsabilité sans faute prouvée des
contractants envers les tiers, alors qu’il serait logique que cette responsabilité soit
limitée à la circonstance où la défaillance due à l’écart de conduite du débiteur de
l’obligation, c’est-à-dire limitée à une responsabilité subjective pour faute prouvée du
contractant envers les tiers.
100
O. DEBAT, note précitée : Celui-ci souligne à juste titre que l’évolution du droit de la responsabilité
pour faute
vers un droit de la responsabilité pour risque est « largement concomitante au développement de la
technique de l’assurance ».
58 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
PARTIE 2 :
LA PRIMAUTE DE LA NATURE DELICTUELLE DE
L’ACTION EN RESPONSABILITE DU TIERS VICTIME
L’INEXECUTION CONTRACTUELLE
59 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Sachant désormais sur quoi se fonde l’action en réparation du tiers, victime contre le
contractant dont l’inexécution du contrat a causé un préjudice, il est aussi important de
s’intéresser à sa mise en œuvre, et de constater ainsi que les juges n’hésitent pas à opter
pour le régime de la responsabilité délictuelle. Nous verrons en quoi dans cette mise en
œuvre de la responsabilité du cocontractant envers le tiers pour défaillance
contractuelle, les juges opte pour le régime de la responsabilité délictuelle (Chapitre 1).
Seulement, cette mise en œuvre de la responsabilité délictuelle du contractant envers le
tiers via la consécration de l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle semble
très contestable en raison du fait que l’indemnisation du tiers demeure de plus en plus
l’objectif du juge, n’hésitant pas à favoriser le tiers victime et à provoquer un
bouleversement de l’équilibre du contrat et des inégalités entre créanciers; ainsi une
solution de rechange pourrait ainsi réaménager les conditions d’indemnisation des tiers
victimes, consacrée par la jurisprudence. D’où l’intervention du droit prospectif au
secours du droit positif (Chapitre 2).
CHAPITRE 1 :
LA
PRIMAUTE
DE
DELICTUELLE
DU
LA
RESPONSABILITE
COCONTRACTANT
CIVILE
DANS
L’INDEMNISATION DES TIERS VICTIMES
CHAPITRE 2 :
UNE
SOLUTION
CONTESTABLE
NECESSITANT
REAMENAGEMENT
60 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
CHAPITRE 1 :
LA PREPONDERANCE DE LA RESPONSABILITE
CIVILE DELICTUELLE DU COCONTRACTANT VIS-AVIS DES TIERS
61 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Dans toutes ces solutions vues précédemment, la nature de la responsabilité du
cocontractant envers le tiers pour manquement à l’obligation contractuelle n’est autre
que délictuelle. L’argument le plus logique réside dans le fait que le tiers n’est pas partie
au contrat, dés lors son action en responsabilité doit être de nature délictuelle. Il serait
fort opportun de voir que le droit positif est de plus en plus favorable à une action en
responsabilité délictuelle du tiers, rejetant ainsi toute responsabilité contractuelle du
contractant défaillant ; cette volonté en est devenue un principe en matière de
responsabilité vis-à-vis des tiers (Section 2). Quant à l’action en responsabilité
contractuelle du tiers victime, elle demeure une exception, où le juge aura tendance à
intégrer le tiers dans la sphère contractuelle (Section1).
SECTION 1 :
L’EXCEPTIONNEL BENEFICE DE L’ACTION
EN RESPONSABILITE CONTRACTUELLE AU
PROFIT DES TIERS.
SECTION 2 :
UNE
ACTION
EN
RESPONSABILITE
DELICTUELLE DES TIERS DE PRINCIPE
62 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Section 1 : L’exceptionnel bénéfice de l’action en responsabilité contractuelle au
profit des tiers.
Conçue comme une responsabilité d’exception, la responsabilité contractuelle est
destinée à réparer les dommages résultant de l’inexécution d’une obligation
contractuelle et subis par le créancier cocontractant du débiteur défaillant. Elle suppose
réunies deux conditions : l’inexécution d’une obligation contractuelle et la qualité de
cocontractant de la victime. La défaillance de l’une de ces conditions prive la
responsabilité contractuelle de sa vocation à réparer le dommage subi. Il en est ainsi
lorsque l’inexécution d’une obligation contractuelle cause un dommage à un tiers au
contrat. La qualité de tiers interdit à la victime de réclamer sur le terrain contractuel la
réparation du dommage qu’elle subit101. Mais devrait-on laisser les tiers, victimes d’une
défaillance contractuelle, sans réparation ? Cette question a déjà été résolue par les
tribunaux102 qui se sont prononcés à plusieurs reprises sur l’action de la victime. Ainsi,
il est reconnu au tiers, victime d’une inexécution contractuelle, parce qu’il a un lien
avec une partie au contrat (Paragraphe 1) ou parce qu’il est contractant extrême d’une
chaîne de contrats translatifs de propriété (Paragraphe 2), la possibilité d’engager la
responsabilité contractuelle d’un partie au contrat auteur de son inexécution.
Paragraphe 1 : L’action des tiers ayant un lien avec une partie au contrat.
Il existe, à l’inverse des « penitus extranei », des tiers qui gravitent autour des
contractants et qui entretiennent avec eux certaines relations : on dit que ce sont des
tiers qui ont un lien avec une partie au contrat .Dans cette catégorie on cite
généralement les ayants cause à titre universel ou à titre particulier, les créanciers
chirographaires, les bénéficiaires d’une stipulation, les sous- mandataire, etc.
Dans le cadre de la démonstration, des tiers qui ont un lien avec un contractant et qui
peuvent engager la responsabilité contractuelle du contractant auteur de l’inexécution du
101
102
M. Bacache-Gibeili « la relativité des conventions et les groupes de contrats »
. Civ. 1ère 8 mars 1988 - Civ. 1ère 21 juin 1988 – Civ. 3ème 13 déc. 1989 – Ass. Plén. 12 juil. 1991
63 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
contrat, on s’appesantira sur les cas du sous-mandataire ou mandataire substitué, du
bénéficiaire d’une stipulation pour autrui et du créancier chirographaire.
S’agissant du mandataire substitué au mandataire principal, la cour de cassation a admis
dans son arrêt rendu par sa première chambre civile le 27 décembre 1960 que celui-ci
pouvait engager la responsabilité du mandant afin d’obtenir le remboursement de ses
avances et frais et le paiement de la rétribution qui lui est due, tout en censurant la
décision des juges de fond qui affirmait que l’action du mandataire substituée ne
pouvait être exercée qu’en cas de défaillance du mandataire103. Cette solution était
soutenue par une partie de la doctrine104 en ce sens qu’elle évite au mandataire substitué
de subir le concours des autres créanciers du mandant et lui évite également une
pluralité d’actions qui compliqueraient les relations entre les parties.
La question qui s’est véritablement posée à la suite de cet arrêt était celle du fondement
de sa décision. Afin de donner une réponse à cette question les commentateurs de cet
arrêt, désireux de concilier cette décision avec la conception traditionnelle de l’effet
relatif des conventions en vertu duquel sont tiers les personnes qui n’ont pas échangé
leur consentement, ont développé leurs arguments dans deux directions différentes.
Pour les uns, à l’instar de BIGOT et STARCK l’huissier en l’espèce n’était qu’un tiers
et non un mandataire substitué avec lequel le mandataire aurait reçu mission de
contracter. Ainsi, on se serait placé sous le mécanisme de la représentation pour fonder
l’action du mandataire substitué contre le mandant ; mais la cour a rejeté cette
argumentation au motif qu’elle n’appréhendait que partiellement le situation, alors qu’il
y avait bien selon elle, substitution de mandataire.
Pour d’autres tel que CORNU, la décision de la cour s’expliquait par l’existence d’un
accord tacite entre le mandant et le substitué. En clair, pour eux le mandat avait donné
tacitement au mandataire principal le pouvoir de se substituer une personne et le
substitué avait, en traitant avec celui-ci accepté de gérer les affaires du mandant. C’est
pourquoi en vertu du principe de l’effet relatif des contrats, le mandataire substitué
103
104
1ère. Civ, 27decembre 1960.
AUBRY, RAU et RODIERE.
64 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
pouvait engager la responsabilité contractuelle de mandant. Cette analyse à l’exemple
de la première a également été ignorée par la cour de cassation en ce sens qu’elle a
clairement consacré que « l’action directe du mandataire substitué contre le mandant
peut être exercée dans tous les cas que la substitution ait été ou non autorisée par le
mandant »105.
Au final, un important courant doctrinal proposa l’existence de groupes de contrats
solidement soudés comme fondement de la décision puisque le sous-mandat sert
nécessairement à la réalisation des obligations nées du contrat ce qui fait de lui un
groupe de contrats. Cette analyse, bien qu’elle ait pu être acceptée par la cour de
cassation est désormais condamnée en vertu de l’arrêt BESSE de 1991 qui n’admet pas
la responsabilité contractuelle dans les groupes de contrats autres que les chaînes de
contrats translatifs de propriété par conséquent, la décision de la cour de cassation
apparaît selon TERRE, SIMLER et LEQUETTE comme un correctif d’équité du
principe de l’effet relatif des conventions.
Il faut néanmoins remarquer que le régime de cette responsabilité favorise beaucoup
plus le sous-mandataire en ce sens que celui-ci ne peut se voir opposer par le mandant
les paiements faits à son mandataire immédiat106, même si ces paiements étaient
antérieurs à l’exercice par le mandataire de droits propres que la jurisprudence lui
reconnaît sur le fondement de l’article 1994 du Code civil.
Par conséquent, le mandant pourra être amené à payer deux fois même s’il n’a pas
autorisé
et
par
ce
fait
même
ignoré
« l’embauche » du
sous-mandataire.
La jurisprudence, par le même souci d’équité qu’elle a fait montre pour établir le
fondement de sa décision, devrait peut-être limiter l’obligation du mandant à ce qu’il
doit encore au mandataire ; comme l’a fait le législateur lorsqu’il est intervenu pour
reconnaître au sous-contractant une action directe en paiement contre le contractant
initial107.
105
Com., 9 novembre 1987 ; Com., 14 octobre 1997.
Com. 9 nov. 1987.
107
Loi du 18 juin 1966 et loi du 31 déc. 1975.
106
65 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
D’un autre côté, la rigueur de la cour de cassation (parfois réfutée par certains juges du
fond)108 peut être justifiée et assouplie par l’éventuelle responsabilité du sousmandataire. En effet, le mandant peut engager une action pour diminuer ou supprimer sa
dette en compensant avec celle-ci les dommages et intérêts dont le sous-mandataire lui
est redevable à raison de sa faute109.
Quant au bénéficiaire d’une stipulation pour autrui, il est admis que celui-ci a une action
directe contre le promettant engageant ainsi sa responsabilité contractuelle en cas
d’inexécution de la stipulation. Il est vrai qu’une stipulation doit être expresse, mais il
n’en demeure pas moins que la jurisprudence admet surtout dans les contrats de
transport les cas de stipulation tacite110. En vertu de cette reconnaissance, les victimes
par ricochet d’un accident de la circulation, limitées aux « personnes envers lesquelles il
(le voyageur) était tenu d’un devoir d’assistance en vertu d’un lien légal »111 peuvent
engager la responsabilité contractuelle de l’auteur de cet accident. Il faut tout de même
noter que cette fiction jurisprudentielle qu’est la stipulation pour autrui tacite,
s’applique au seul contrat de transport112.
S’agissant du créancier chirographaire, il faut dire que c’est celui qui a pour gage
général le patrimoine de son débiteur. Il peut arriver que ce dernier néglige ses créances
ou accomplit des actes d’appauvrissement en fraude des droits de son créancier ; mais,
que ce soit l’action oblique ou l’action paulienne, le créancier chirographaire n’invoque
pas l’exécution du contrat à son profit. Celle-ci enrichit le patrimoine de son débiteur.
Toute autre est la situation lorsque la loi lui reconnaît une action directe qui lui permet
d’exiger du cocontractant de son débiteur l’exécution à son profit du contrat et en cas
d’inexécution, réparation sur le terrain contractuel. C’est le cas pour certains créanciers
chirographaires auxquels la loi accorde un privilège sur créance et un moyen de
paiement simplifié.
En somme, les tiers ayant un lien avec une partie au contrat, à l’instar des sousmandataires, des bénéficiaires d’une stipulation pour autrui expresse ou tacite et des
108
Paris, 2 nov. 1995 cassé par Com. 24 mars 1998.
Com. 25 juin 1991
110
Civ. 6 déc. 1932
111
Civ. 24 mai 1933
112
Civ. 1ère, 24 nov. 1954
109
66 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
créanciers peuvent engager la responsabilité contractuelle de l’auteur de l’inexécution
dont ils sont victimes. Il en est de même pour les tiers, cocontractants extrêmes dans les
chaînes de contrats translatifs de propriété.
Paragraphe 2 : L’action des tiers dans les chaînes de contrats translatifs de
propriété.
Les chaînes de contrats translatifs de propriété appartiennent à un grand ensemble de
groupes de contrats. C’est pourquoi le régime qui leur est applicable a voulu être étendu
à tous les autres groupes de contrats (cette extension a été cassée par l’arrêt BESSE
évoqué plus haut). Il s’agit donc d’un ensemble de contrats qui sont unis parce qu’ils
portent sur la même chose en tout ou partie. Partant, elles peuvent être soit hétérogènes
lorsque les contrats qui les constituent ont certes le même objet, mais sont de nature
différente ; achat de matériaux pour construire (vente), construction (contrat
d’entreprise), cession par le maître d’ouvrage (vente), bail consenti par le sousacquéreur (bail) ; soit homogènes lorsqu’elles sont constituées des contrats identiques :
série de ventes successives (vente du fabricant au grossiste, du grossiste au détaillant, du
détaillant au consommateur).
Le problème qu’ont soulevé les chaînes de contrats translatifs de propriété portait sur la
nature du recours dont disposait le sous-acquéreur contre le vendeur fabricant.
Tout d’abord, il faut savoir que la qualité de partie ou tiers des contractants extrêmes a
été résolue. Pour cela, ces derniers ont été assimilés aux ayants cause à titre particulier.
C’est d’ailleurs de cette assimilation que le problème posé plus haut va trouver solution.
Ainsi, comme les ayants-cause à titre particulier, les contractants extrêmes ne sont pas
parties au contrat conclu par le vendeur initial. Ils ne deviennent donc pas créanciers ou
débiteurs à la place de celui-ci. Les contrats conclus par ce dernier leur sont simplement
opposables comme à tout autre tiers qu’ils sont. Afin de répondre au problème cidessus, la jurisprudence a admis comme pour l’ayant cause que le sous acquéreur dans
une chaîne de contrats translatifs de propriété bénéficie des droits nés du contrat conclu
antérieurement par le vendeur initial lorsque ceux-ci sont les accessoires de la chose.
67 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Par conséquent, la jurisprudence a reconnu pendant longtemps que le sous-acquéreur
pouvait se placer soit sur le terrain de la responsabilité délictuelle soit sur le terrain de la
responsabilité contractuelle113. Contraire à la règle du non cumul des responsabilités,
cette solution fut abandonnée par les arrêts du 9 octobre 1979 et du 7 février 1986 114 .
L’arrêt du 9 Octobre 1979 affirme en l’espèce que « l’action directe dont dispose le
sous-acquéreur contre le fabricant ou un vendeur intermédiaire, pour la garantie des
vices cachés affectant la chose vendu dès sa fabrication, est nécessairement de nature
contractuelle ». L’arrêt de 1986 brisant les résistances de la 3 troisième chambre
civile115 a posé la même solution dans le cas où la chaîne ne présente pas un caractère
homogène.
Pour attribuer au sous-acquéreur une action exclusivement contractuelle, l’assemblée
plénière se fonde sur leur qualité d’ayant cause à titre particulier. Elle précise en effet
qu’ils jouissent « de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à leur
auteur ». Ainsi la garantie contractuelle dont peut se prévaloir le sous-acquéreur contre
le vendeur initial résulte du premier contrat par lequel la propriété de la chose a été
transmise au premier acquéreur. C’est pourquoi on peut dire que cette solution ne
transgresse pas le principe de l’effet relatif des conventions en ce sens qu’elle ne repose
pas sur un éventuel rapport contractuel direct entre le débiteur initial de la garantie et le
sous-acquéreur. Notons tout de même que la notion d’accessoire chère à la
jurisprudence reste difficile à cerner. Il n’est pas en effet évident de distinguer avec
netteté les cas dans lesquels le droit est accessoire au bien transmis, suit donc son sort et
ceux dans lesquels il est seulement relatif à ce bien et reste personnel à l’auteur alors
que le bien passe dans le patrimoine de l’ayant cause à titre particulier du sousacquéreur. En tout état de cause, cerner cette notion est de l’appréciation souveraine des
juges.
L’admission de la responsabilité contractuelle entre cocontractants extrêmes dans les
chaînes de contrats translatifs de propriété vise à protéger les intérêts du débiteur
113
114
Cass, civ, 25 janvier 1820.
Civ 1ère, 9 octobre 1979 ; A.P. 7 février 1986
115
Civ 3ème 19 juin 1984
68 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
défaillant, en ce sens qu’elle respecte la prévisibilité contractuelle voulue par les
contractants. En effet, en octroyant une action contractuelle au contractant extrême
d’une chaîne de contrats translative de propriété, la jurisprudence présume que le
débiteur défaillant a prévu tous les risques éventuels d’un contrat à l’instar de
dommages de son inexécution sur les tiers. C’est d’ailleurs pourquoi les clauses
limitatives contenues dans le contrat initial s’imposent également au tiers victime
agissant en responsabilité dans ces contrats. Cette position a eu un large écho favorable
autant en doctrine qu’en jurisprudence116. Seulement, une décision émanant de la Cour
de justice des Communautés Européennes qui interprétait en l’espèce l’article 5-1 du 27
décembre 1968 a paru remettre en question cette position. En effet, la CJCE affirmait
que : « un litige opposant le sous-acquéreur d’une chose au fabricant qui n’est pas le
vendeur, en raison des défauts de la chose ou de l’impropreté de celle-ci à l’usage
auquel elle est destinée » ne relève pas de la matière contractuelle117. Mais la cour va
éclaircir la situation en ôtant le doute sur le sort de sa décision en droit interne. En ce
sens, elle maintient et conserve sa position pour ce qui est du droit interne et cantonne la
décision de la juridiction européenne à l’application de la convention de Bruxelles, à
l’issue d’un arrêt du 7 février 1986.
Certes ces deux cas offrent aux tiers la possibilité d’agir contre un cocontractant sur le
fondement de la responsabilité civile contractuelle, seulement, au regard de l’évolution
du droit positif et notamment de la jurisprudence, on constate un net recul des actions
direct des tiers ; d’où l’hégémonie de l’action en responsabilité délictuelle des
contractants envers les tiers victimes.
Section 2 : Une action en responsabilité délictuelle des tiers de principe
Le régime de la responsabilité civile délictuelle est dans notre étude, celui qui est
applicable à l’action des tiers qui se plaignent d’un dommage résultant de l’inexécution
116
117
Civ. 1ère, 28 oct. 1991; Civ. 3ème, 30 oct. 1991; Com. 10 déc. 1991.
CJCE, 17 juin 1992, JCP 1992, II, 21927.
69 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
d’un contrat ; il en est ainsi pour le « tiers absolu » (Paragraphe 1). Si la jurisprudence a
toujours admis une telle action en responsabilité, elle a aussi crée deux exceptions où là,
le régime contractuel s’applique. C’est le cas des actions en responsabilité intentées par
les victimes par ricochet, et d’autre part, celles exercées entre les membres d’une chaîne
de contrats. Seulement, il est intéressant de noter que ces deux exceptions font l’objet
d’un net recul en droit positif, où le régime délictuel prévaut (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L’action des tiers absolu.
Les tiers absolus n’ayant pas donné leur consentement au contrat, ce dernier peut
néanmoins leur causer un préjudice en cas d’inexécution. C’est notamment le cas d’une
personne passant près d’un chantier qui subit un préjudice du fait de la chute d’un mur
ou de pierres provenant dudit chantier. Dans ce cas, ils bénéficient d’une action
personnelle de nature délictuelle contre l’auteur du dommage. Cette nature trouvera sa
raison d’être sur le fait que le débiteur d’une obligation aura manqué à un devoir général
de prudence ou de diligence. Mais il faut aussi remarquer que, outre la victime
principale, d’autres tiers peuvent subir un préjudice résultant non pas d’un dommage
subi personnellement ; mais plutôt par une autre personne. Dans ce cas on parlera de
réparation « du préjudice par ricochet ».
Si la victime du dommage décède, ce sont ses héritiers qui vont exercer l’action en
réparation. Mais la situation se complique suivant que les héritiers vont se contenter
d’exercer l’action de la victime directe issue de son patrimoine qui leur échoit, ou au
contraire, ils vont réclamer la réparation du préjudice que leur cause personnellement le
décès survenu à cause de l’inexécution d’un contrat auquel la victime principale était
pourtant tiers absolu. Dans le premier cas, les héritiers sont censés continuer la personne
de leur auteur et peuvent donc réclamer la réparation non seulement du dommage
matériel subi par leur auteur, mais aussi le préjudice moral et notamment son pretium
doloris118.
118
Crim., 22 nov. 1961, D. 62, Somm., 69.
70 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Il est paru une divergence au sein de la haute cour, dans la mesure où la criminelle
n’autorisait les héritiers à agir qu’en continuant l’action de la victime de l’accident
intentée de son vivant. Alors que la seconde chambre civile estimait que le droit à
réparation du dommage subi par la victime se transmet sans restriction, la chambre
mixte, va affirmer que le droit à réparation du dommage résultant des souffrances
physiques ou morales se transmet aux héritiers de la victime, même si celle-ci n’avait
pas commencé à exercer l’action de son vivant119.
Il a été en outre admis que les héritiers peuvent réclamer réparation de leur propre
préjudice et que même si la victime était considérée comme fautive, cette faute ne
pouvait pas être opposable aux héritiers, mais la cour de cassation décida que la faute de
la victime leur était opposable lorsque l’action de l’héritier a le même objet que celle
que la victime aurait intentée, puisqu’elle procède du même fait 120. Toutefois, si l’on
applique la décision de l’arrêt Desmares du 21 juillet 1982 selon laquelle la faute de la
victime ne peut plus être partiellement exonératoire pour le gardien de la chose, elle ne
peut non plus être opposée aux héritiers.
On reconnaît aussi une action délictuelle aux proches de la victime. Ce sont les frères
qui doivent apporter la preuve du préjudice subi. Mais pour le préjudice d’affection, il
existe une présomption de faute. Par contre, la preuve de la perte de subsides doit être
établie. Il s’agit aussi des autres membres de la famille, légitimes, naturels ou adoptifs
(ascendants, descendants, frères, sœurs, neveux, nièces et alliés) qui doivent également
apporte la preuve du préjudice à eux causé. Les étrangers à la famille (fiancés,
nourriciers, enfants recueillis, etc.) sont indemnisables s’ils prouvent le préjudice qu’ils
ont subi. Pour les concubines, la Cour de Cassation leur accorde le droit à réparation à
condition que ce soit un concubinage non adultérin121.
Les organismes tenus à garantir la victime peuvent, lorsque leur action est admise,
obtenir réparation d’un préjudice par ricochet. Mais cette action est généralement
fondée sur une idée de subrogation des droits de la victime.
119
Ch. mixte, 30 avril 1976, D. 77-185.
Ass. Plén., 19 juin 1981.
121
Ch. mixte, 27 fév. 1970 ; Cass. Crim. 10 juin 1975 pour un concubinage adultérin.
120
71 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Enfin, malgré le fait que les préjudices subis par les personnes en relation d’affaires
avec la victime (clients, médecins, fournisseurs ou employés de la victime) sont
rarement réparables, le tribunal de grande instance de Nanterre a tout de même admis
que les salariés au chômage pouvaient obtenir réparation du fait de la démolition du
salon par un automobiliste122.
Ceci-dit, le droit positif a crée deux exceptions où là, le régime contractuel s’applique.
C’est le cas des actions en responsabilité intentées par les victimes par ricochet, et
d’autre part, celles exercées entre les membres d’une chaîne de contrats. Seulement, il
est intéressant de noter que ces deux exceptions font l’objet d’un net recul en droit
positif, où le régime délictuel prévaut
Paragraphe 2 : Le déclin des exceptions à l’action en responsabilité civile
délictuelle.
I. L’action des contractants extrêmes dans les groupes de contrats non translatifs
de propriété.
Les groupes de contrats sont un ensemble de contrats liés entre eux parce qu’ils portent
sur un même objet ou concourent à un même but. Le problème dans cette figure
juridique est celui de la nature des liens qui se nouent entre les contractants extrêmes. Il
s’agit des personnes faisant partie d’un même groupe contractuel, mais qui n’ont pas
échangé directement leur consentement. Il existe deux nuances ici ; les chaînes
translatives de propriété et les groupes de contrats dans lesquels n’intervient aucun
transfert de propriété. L’exemple dans ce dernier est le contrat de sous-traitance lorsque
l’entrepreneur et le sous-entrepreneur ne fournissent que leur travail. Ici, l’idée que les
droits se transmettent avec la chose ne peut recevoir application.
La question de la nature contractuelle ou délictuelle des contractants extrêmes dans ces
groupes de contrats dépendra selon qu’on considère ceux-ci comme des parties ou alors
122
TGI Nanterre, 1975, RTD. 1976
72 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
comme de tiers, les uns par rapport aux autres. Cette question a créé une opposition de
vues entre les première et troisième chambres civiles de la cour de cassation française.
Pour la première chambre, « Dans un groupe de contrats, la responsabilité contractuelle
régit nécessairement la demande en réparation de tous ceux qui n’ont souffert du
dommage que parce qu’ils avaient un lien avec le contrat initial »123. Pour cette
chambre, l’article 1165 du Code Civil ne fait pas obstacle à ce que les rapports de nature
contractuelle se développent au sein d’un même ensemble contractuel, entre les
personnes qui n’ont pas échangé leur consentement. En clair, selon elle, la victime d’un
dommage résultant de l’inexécution d’une convention à laquelle elle n’est pas partie
doit agir sur le terrain contractuel lorsqu’elle-même et le débiteur de l’obligation
inexécutée sont membres d’un même groupe contractuel. Elle confirmait là sa position
prise le 8 mars 1988 affirmant en l’espèce que l’action du maître d’ouvrage contre le
sous-traitant était de nature contractuelle124. L’arrêt du 21 juin 1988 de la même
chambre généralise cette solution en l’étendant, non plus seulement au sous-contrat,
mais à tous les groupes de contrats.
Une partie de la doctrine soutenait déjà cette solution. En effet selon M. DURRY, « si
l’on pose en postulat que la responsabilité contractuelle est justiciable d’un régime
spécifique parce que le débiteur a dû prévoir à quoi il s’engageait et quelles règles sont
applicables en cas de défaillance, il ne faut pas tolérer que la qualification de tiers au
contrat permette de déjouer ces prévisions, du moins chaque fois que cette qualification
est, pour une large part, artificielle »125. La première chambre civile va donc suivre
cette doctrine en appliquant la formule par laquelle cet auteur insistait sur « la nécessité
de soumettre à un même régime, celui de la responsabilité contractuelle, tous ceux qui
n’ont souffert d’un dommage que parce qu’ils avaient un lien avec le contrat initial »126.
La notion de groupe de contrats va donc permettre d’étendre le cercle des personnes qui
peuvent exercer une action de nature contractuelle.
123
Civ. 1ère, 21 juin 1988, D. 1989, 5 ; JCP. 1988, II, 21125, Soc. Soderep c/ Soc Braathens SAFE.
Cass. civ. 1ère, 8 mars 1988, Bull. civ. I, n°69.
125
RTD Civ. 1980, 355
126
RTD Civ 1980, 355
124
73 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Prenant en compte le fait que le contrat est, selon HAURIOU, la tentative « la plus
hardie qui se puisse concevoir pour établir la domination de la volonté humaine sur les
faits, en les intégrant d’avance dans un acte de prévision »127 et reposant sur le souci de
favoriser le respect des prévisions des parties et l’équilibre des contrats, cette extension
du régime de la responsabilité contractuelle au sein des groupes de contrat implique une
double limite. Premièrement, le débiteur de l’obligation inexécutée ne saurait être tenu
envers le créancier de son créancier autrement qu’il ne l’est envers ce dernier.
Deuxièmement, le débiteur de l’obligation inexécutée peut se prévaloir des clauses
limitatives de responsabilité posées entre son créancier et le créancier de celui-ci. Il
pourra donc lui opposer les clauses limitatives de responsabilité.
Fidèle à la lecture classique de l’article 1165 du Code Civil, qui identifie les tiers aux
personnes qui n’ont pas échangé leur consentement, la troisiéme chambre civile soutient
que la responsabilité du sous-traitant envers le maître d’ouvrage128 comme celle du
sous-traitant de second rang envers l’entrepreneur principal129 ne saurait être que de
nature délictuelle. Elle refusait de voir un lien contractuel là où la première chambre
civile en voyait un et condamne la théorie de groupes de contrat. Cette position sera
soutenue en doctrine par MAZEAUD, CHABAS ainsi que CONTE.
L’assemblée plénière va trancher cette controverse dans l’arrêt « Besse » du 12 juillet
1991 au profit de la troisième chambre civile. En l’espèce, les travaux de plomberie
s’étant révélé défectueux, le maître d’ouvrage agissant plus de dix années après,
demandait réparation des désordres qui en étaient résultés au sous-traitant ayant effectué
ces travaux. La Cour d’ Appel va reprendre les termes de la première chambre civile
dans une décision du 8 mars 1988 et conclure que le sous-traitant comme l’entrepreneur
pouvait opposer au maître d’ouvrage la prescription décennale propre au contrat de
construction. L’assemblée plénière va casser cette décision pour violation de l’article
1165 du Code Civil en retenant que « le sous–traitant n’est pas contractuellement lié au
maître d’ouvrage ». Ainsi, l’action du maître d’ouvrage contre le sous-traitant est de
127
Principes de droit public, 1ère éd. 206
Civ.3ème, 22 juin 1988
129
Civ. 3ème, 1er décembre 1989
128
74 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
nature délictuelle. La formation solennelle écarte donc la solution « audacieuse » de la
première chambre civile pour consacrer celle classique de la troisième chambre civile.
Quant à la portée de cet arrêt, l’avocat général MOUNIER dans ses conclusions comme
le conseiller LECLERCQ dans son rapport, avait indiqué qu’il ne souhaitait que cette
jurisprudence s’étende aux chaînes de contrats translatifs de propriété. La solution de
l’assemblée plénière sera confirmée plus tard comme devant être appliquée en droit
interne.
L’assemblée plénière ne retenant que la nature délictuelle de la responsabilité dans les
groupes de contrats non translatifs de propriété, l’on se pose la question de savoir ce que
devient l’action directe reconnue au sous-traitant et au maître d’ouvrage, l’un contre
l’autre. Cette position de l’assemblée plénière est donc trop prudente et certains auteurs
estiment même qu’il aurait été préférable pour elle d’approfondir la construction
amorcée par la première chambre civile en limitant son application aux ensembles
contractuels très structurés que sont les sous contrats.
On remarque donc que la solution de l’assemblée plénière n’a pas répondu à toutes les
difficultés en ce sens que les motifs qui ont déterminé la première chambre civile
subsistent et la solution de la troisième chambre ne permet pas de bien y répondre. On
remarque également qu’en adoptant la théorie des groupes de contrats, la première
chambre a pris en compte le fait que le jeu de la responsabilité civile délictuelle
conduisait à des résultats peu satisfaisants. En effet la jurisprudence ayant peu à peu
abandonné la règle de l’indépendance des fautes contractuelle et délictuelles, les
tribunaux n’hésitent pas à déduire de l’inexécution d’un contrat l’existence d’une faute
délictuelle.
Dans un tel système, la victime qui agit contre un membre du groupe autre que son
cocontractant immédiat n’aura pas à prouver un manquement à une obligation générale
de prudence et de diligence. Il lui suffit d’établir la non exécution d’une obligation
contractuelle dont le défendeur était débiteur. Ainsi, la victime se servant du contrat
devrait se voir opposer les clauses qui la gênent. C’est justement à ce résultat que
conduit la qualification délictuelle lorsqu’elle se conduit avec l’abandon de la règle de
75 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
l’indépendance des fautes contractuelle et délictuelles. On devrait donc soit autoriser
« la victime à se prévaloir de l’inexécution contractuelle, mais il faut admettre
réciproquement le débiteur à opposer son contrat, ce qui doit conduire à reconnaître une
nature contractuelle à sa responsabilité » ; ou alors en retenant une interprétation stricte
de l’effet relatif des contrats, on décide que le débiteur ne peut pas opposer son propre
contrat à la victime. En retour, la victime ne saurait se baser sur le contrat pour fonder
son action et on ne devrait prendre en compte qu’un manquement à un devoir général de
prudence et de diligence130.
Consciente de cette difficulté, MIREILLE BACACHE GIBEILI dans sa thèse, « La
relativité des conventions et des groupes de contrats131 », propose des solutions. Selon
elle, un tiers ne peut être victime d’un dommage « strictement contractuel » que s’il est
membre d’un groupe de contrat uni par une identité d’obligations. L’une des deux
obligations se répercutant alors sur l’autre. Elle propose donc de reconnaître à ce tiers et
à lui seul une action de nature contractuelle contre le contractant défaillant. Il en résulte
ainsi une nouvelle définition des groupes de contrats calquée sur les buts poursuivis.
Cette thèse répute les personnes qui n’ont pas échangé de consentement et recentre
l’existence du lien contractuel non plus sur la volonté de s’obliger mais sur la
communauté d’intérêt économique qui unit les membres du groupe. La notion même de
contrat se trouve modifiée et le contrat tire sa force obligatoire moins de la volonté des
parties que de la loi qui y voit un instrument socialement indispensable qui favorise
l’échange des biens et services.
On assiste donc à une évolution du droit positif en faveur du régime délictuelle de la
responsabilité des contractants envers les tiers, notamment avec le déclin de la
stipulation pour autrui tacite au profit des victimes par ricochet.
130
131
P. Jourdain, Rév. crit. DIP, 1992 ; D. 1992, 155, n°33
Thèse Paris II, Ed 1996, n° 105, SP. P 98 et svtes
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
II. L’abandon de la stipulation pour autrui tacite au profit des victimes par
ricochet.
La stipulation pour autrui est une opération concernant trois personnes en vertu de
laquelle le stipulant convient avec le promettant que ce dernier effectuera une prestation
au profit du tiers bénéficiaire ; L’objet de la stipulation pour autrui est donc de créer un
droit au profit exclusif d’une personne étrangère au contrat dont ce droit est issu. Cette
règle énonce à l’article 1121 du code civil qu’ « on peut pareillement stipuler au profit
d’un tiers, lorsque telle est la condition d’une stipulation que l’on fait pour soi-même ou
d’une donation que l’on fait à un autre. Celui qui a fait cette stipulation ne peut plus la
révoquer, si le tiers a déclaré vouloir en profiter. » ; il s’agit bien sûr, de la seule
exception au principe de la relativité des contrats prévu à l’article 1165 de ce même
code132.
Ce mécanisme fait naitre, dés la stipulation, un droit direct du bénéficiaire contre le
promettant, indépendamment de l’acceptation de ce bénéficiaire. Malgré le fait qu’il ne
soit pas partie au contrat, le bénéficiaire devient créancier du promettant. Plus tard, la
jurisprudence a décelé dans certaines situations contractuelles une stipulation pour
autrui tacite au profit de certains tiers. Ici, le créancier n’a pas seulement contracté dans
son intérêt mais également dans celui d’un tiers victime potentielle d’une défaillance
contractuelle qui pourra ainsi, en cas de dommage survenu, rechercher la responsabilité
contractuelle du débiteur. Ce mécanisme va ainsi permettre aux victimes par ricochet
d’un contractant décédé lors de l’exécution d’un contrat, de bénéficier d’une action en
responsabilité contractuelle contre le cocontractant auteur du dommage.
Cette stipulation a d’abord été admise dans le transport de marchandises au profit du
destinataire133.
La jurisprudence a permis d’étendre le bénéfice de certaines obligations de sécurité aux
victimes par ricochet, notamment de celles que contient le contrat de transport.
132
Selon les termes mêmes de l’article 1165 du code civil, elle constitue la seule exception au principe en
vertu duquel les conventions ne profitent point aux tiers.
133
Civ. 26 janv. 1915, DP 1916.47.
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Elle a ainsi découvert une obligation de sécurité de résultat consistant en un engagement
d’amener le cocontractant voyageur à destination sain et sauf. Les juges ont surtout
admis ce mécanisme dans le transport de personnes au profit des proches du
voyageur134.
Cette stipulation pour autrui tacite a ensuite été étendue aux victimes par ricochet d’une
personne décédée à la suite d’une transfusion sanguine135, le contrat de transfusion des
produits sanguins contenant une obligation de sécurité de résultat.
Il est important de noter que la doctrine a donné son avis sur cette création
jurisprudentielle. Selon certains auteurs, ce bénéfice offert aux victimes par ricochet
d’user d’une action en responsabilité contractuelle aboutie à une atteinte à un grand
principe ; ce dernier n’est autre que le principe du non-cumul des responsabilités
contractuelle et délictuelle. Selon ce principe, lorsqu’un dommage se rattache à
l'exécution d'un contrat, il est interdit d'en demander la réparation sur le fondement de la
responsabilité délictuelle. A fortiori, il est impossible de cumuler les deux voies et de
demander réparation du même dommage sur deux fondements différents car cela
constituerait un enrichissement sans cause de la victime à être indemnisée deux fois
pour un seul dommage.
En effet, accorder un tel bénéfice, supposera le fait que s’il accepte le bénéfice de la
stipulation pour autrui, le bénéficiaire disposera d’une action en responsabilité
contractuelle, tandis que s’il n’en voudrait pas, il pourra toujours refuser le bénéfice de
la stipulation afin de profiter des avantages que l’évolution du régime délictuel lui
permet d’espérer, tout en échappant aux limitations de responsabilité insérées dans le
contrat. Tout comme l’assimilation des fautes, la stipulation pour autrui tacite offre un
avantage aux tiers, jugé excessif ;
Dés lors, la Cour de Cassation n’avait d’autres choix que d’abandonner ce recours à ce
mécanisme jurisprudentiel. Un arrêt en date du 28 octobre 2003136 est notamment
134
135
Civ. 6 déc. 1932, DP 1933.177, note L. Josserand.
Civ. 1re, 14 nov. 1995, Bull. civ. I, n° 44.
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
révélateur de l’abandon progressif de la stipulation pour autrui tacite au bénéfice des
proches de la victime directe. Dans cet arrêt, la première chambre civile refuse aux
victimes par ricochet de bénéficier du régime contractuel de responsabilité. En l’espèce,
il s’agissait d’une action de parents d’une victime décédée lors d’un voyage à l’encontre
de l’agence organisatrice. La jurisprudence semble s’être rangé du coté de la
responsabilité délictuelle des victimes par ricochet en rendant la solution suivante : «
attendu que l’arrêt, après avoir énoncé que les demandeurs, victimes par ricochet,
n’étaient pas ayants cause de leurs parents décédés, n’agissant ni en qualité de
cessionnaires, ni d’héritiers, a exactement décidé qu’ils ne pouvaient pas bénéficier
d’une stipulation pour autrui implicite au titre du contrat de voyage, de sorte qu’il était
exclu que leur action soit fondée sur la responsabilité contractuelle de l’agence de
voyages ».
On peut ainsi parler d’une entame de la remise en cause de la stipulation pour autrui,
permettant d’une certaine façon, de mettre en échec les exceptions au principe de l’effet
relatif du contrat. Ceci-dit, une remarque supplémentaire mérite réflexion. Dans l’arrêt
rendu par la formation solennelle de la Cour de Cassation du 6 octobre 2006, consacrant
l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle, le juge aurait pu axer sa solution sur
la notion de stipulation pour autrui tacite malgré la fictivité de ce mécanisme ; surtout
que l’obligation violée était loin d’être une violation d’un devoir général. Au regard de
ces solutions, on assiste donc à un déclin de la responsabilité contractuelle au profit de
la responsabilité délictuelle ; ce n'est plus que par exception que la responsabilité
contractuelle intervient au profit de tiers, le principe étant celui de la réparation sur le
terrain extracontractuel. On pourrait parler d’une évolution du droit positif en faveur du
« tout délictuel ».
Il est temps de s’intéresser aux conséquences de cette solution de l’assimilation des
fautes et du choix pour le régime délictuel de responsabilité, qui pour la plupart
semblent contestables ;
136
Cass. civ. 1ère, 28 oct. 2003, Bull.2003, I, n°219.
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CHAPITRE 2 :
UNE SOLUTION CONTESTABLE NECESSITANT
REAMENAGEMENT
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L’arrêt du 6 octobre 2006 consacrant le théorie de l’assimilation des fautes contractuelle
et délictuelle et l’option pour la responsabilité délictuelle des contractants défaillant
envers les tiers, a fait l’objet de nombreuses critiques en raison des effets que génère la
solution ; en effet, le tiers s’est vu dans une telle solution, trop avantagé ; de plus il est
intéressant de voir qu’avec cette jurisprudence, constante depuis, on constate une
imbrication des deux ordres de responsabilité ; Nous verrons tout d’abord en quoi la
solution demeure excessive et dangereuse malgré la constance de la jurisprudence en la
matière (Section 1), pour ensuite tenter de trouver une meilleur solution, plus juste et
équitable, afin de combler les lacunes du droit positif, avec l’intervention du droit
prospectif (Section 2).
SECTION 1
LA REMISE EN CAUSE DE L’EXCES ET DE LA
DANGEROSITE DE LA SOLUTION
SECTION 2
VERS UNE SOLUTION DE RECHANGE : L’AVANTPROJET DE REFORME « CATALA »
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Section 1 : La remise en cause de l’excès et de la dangerosité de la solution.
La décision de l’Assemblée Plénière, bien que protectrice des tiers victimes de
l’inexécution contractuelle, a fait un pas de trop synonyme d’excès ; dans sa solution, la
formation solennelle a créer un véritable déséquilibre entre le tiers et les parties aux
contrats. En effet, en optant pour la responsabilité délictuelle, le juge permet ainsi au
tiers victime, de bénéficier des avantages d’un tel régime sans pour autant se voir
appliquer les prévisions du contrat liant le défaillant contractuel et son créancier ;
l’équilibre général du contrat semble donc ruiné (Paragraphe 1). De plus, cette décision
d’assimiler les fautes contractuelle et délictuelle montre une indifférence voir une
remise en cause du juge quant à la distinction des deux ordres de responsabilité
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Une différence de traitement bouleversant l’équilibre général du
contrat.
I. La position avantageuse du tiers contournant les prévisions du débiteur
contractuel.
La solution consistant à attribuer au tiers le bénéfice de l’action en responsabilité civile
délictuelle contre le contractant défaillant, permet d’une certaine façon, d’altérer le
contrat en le vidant d’une partie de son contenu. En optant donc pour la responsabilité
délictuelle, le juge aura parmi d’écarter et de tenir en échec les clauses attributives de
compétence éventuellement insérées dans le contrat, les courtes prescriptions,
fréquentes en matière contractuelle, à paralyser le jeu des clauses d’évaluation
forfaitaire des dommages et intérêts, ou encore l’exigence de la mise en demeure.
Néanmoins, il faut préciser que les délais de prescription extinctives de l’action en
responsabilité ont été réformés ; notamment par une loi du 17 juin 2008. L’apport de
cette loi a été de réduire les délais de prescription de l’action en responsabilité. Avant
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elle était de trente ans pour les actions en responsabilité extracontractuelles et de 10ans
pour les actions en responsabilité civile contractuelles. Désormais, le législateur a opté
pour un seul et unique délais de droit commun qui est de cinq ans. La seule exception
reste en faveur des actions pour dommages corporels. Le délai étant réduit, l’article
2222 du Code Civil prévoit qu’il court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi
nouvelle, soit à compter du 19 juin 2008.
De plus, l’option pour la responsabilité délictuelle est synonyme de réparation intégrale
du préjudice.
La solution de l’Assemblée plénière aboutit à priver le contractant des divers
aménagements légaux ou conventionnels ; tels les clauses exonératoires ou limitatives
de responsabilité. Il arrive souvent que se soit cette possibilité d’opposer des restrictions
conventionnelles de responsabilité qui emporte le consentement du débiteur contractuel,
sans laquelle celui-ci n’aurait pas conclu le contrat, ou l’aurait conclu, mais à des
conditions bien différentes, notamment de prix.
On peut illustrer cela avec un exemple assez simple ; lorsqu’un contractant s’engage à
transporter une marchandise dans un délai particulièrement bref, mais seulement parce
qu’il a réussi à imposer à son créancier, en contrepartie, une limitation de sa
responsabilité dans son montant. Or, si un dommage est subi par un tiers du fait du
retard dans le transport de la marchandise, le débiteur va se voir opposer cet
engagement sans aucune contrepartie. Ainsi, ces effets semblent ruiner l’équilibre
général du contrat en bouleversant les prévisions contractuelles en considération
desquelles les parties avaient stipulé. D’une certaine façon, le débiteur est privé du
régime de responsabilité qu’il avait prévu.
Cependant, cette solution n’altère pas totalement les prévisions des parties dans le sens
où l’étendue et la portée de certaines obligations, resteront une parade utile à l’action du
tiers ; dés lors, la preuve du manquement contractuel sera plus difficile à prouver ;
l’exemple type est celui du manquement à l’obligation de moyens prévu au contrat.
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Pour ainsi déterminer si les prévisions contractuelles sont altérées, il faut surtout
s’intéresser à ce qui relève de la substance des obligations. Par exemple, les clauses
attributives de compétence, n’affectent pas le droit substantiel à réparation et devraient
ainsi pouvoir être tenues en échec dans le cadre de l’action en responsabilité civile d’un
tiers. Dés lors, l’opposabilité aux tiers des clauses du contrat dépendra selon qu’elle
affecte ou non le droit substantiel à réparation. L’exigence d’une mise en demeure
prévue au contrat est pour selon certains auteurs, inopposable aux tiers victimes137.
Or, cette option pour la responsabilité délictuelle ne se contente pas de cette sévérité à
l’égard du débiteur et de ses prévisions contractuelles, elle s’avère également présenter
un caractère discriminatoire à l’égard d’autres personnes, en particulier à l’encontre du
créancier contractuel.
II. La position avantageuse du tiers par rapport au créancier contractuel.
Cette solution permet au tiers de se voir appliquer des règles de compétence et de
prescription différentes de celles auxquelles aurait été soumis le cocontractant si c’était
lui qui avait eu à se plaindre de l’inexécution ; l’utilisation du régime de la
responsabilité délictuelle permet au tiers de lui conférer une position plus avantageuse et
des droits bien plus étendus vis-à-vis du débiteur de la prestation inexécutée que ceux
dont dispose le créancier contractuel lui-même.
Cette différence de traitement s’est notamment illustrée dans l’arrêt du 6 octobre 2006,
où les juges du fond ainsi que l’Assemblée Plénière ont estimé que la clause de nonresponsabilité dont l’existence était, à ce propos, invoquée par le deuxième moyen de
cassation pour contester la condamnation prononcée par la cour d’appel, n’aurait pas été
« de nature à permettre l’admission du pourvoi ». Ce rejet du pourvoi a donc eu pour
conséquence de valider l’action en réparation du tiers et de lui permettre d’être
indemnisé du préjudice subi, alors même que cette indemnisation, aurait été refusée au
137
M. BILLIAU, La Semaine Juridique, Éd. G, II, 10181, p. 2116.
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preneur s’il avait lui-même exploité le fonds et intenté une action en réparation en se
prévalant du même manquement et en invoquant le même dommage.
Il y a donc là une discrimination manifeste à l’encontre du créancier contractuel qui,
bien que dans une situation comparable à celle du tiers, ne se verrait pas appliquer un
traitement identique. Pour certains auteurs, ce bénéfice offert aux tiers est en règle
générale refusé au créancier contractuel par le jeu du principe du non-cumul. Il y a donc
là une nouvelle manifestation de l’inégalité injustifiée mise en œuvre au profit du tiers.
L’action délictuelle permet ainsi d’éviter les règles contractuelles qui protègent le
débiteur, elle le prive en même temps des règles contractuelles qui avantagent le
créancier ;
Quant-à l’exécution en nature du contrat, elle doit en principe être réservée au bénéfice
du créancier, à l’exclusion du tiers. Cependant, il existe une exception à cette voie
délictuelle favorable au tiers ; c’est le cas des tiers victimes de l’inexécution d’un
contrat translatif de propriété. Ces derniers ne peuvent se prévaloir de l’inexécution du
contrat que par la voie contractuelle et peuvent, de ce fait, se voir opposer toutes les
exceptions tirées de ce contrat.
Mais rappelons le, il ne s’agit que d’une exception, où le principe reste celui de la
responsabilité délictuelle du contractant envers le tiers victime de la défaillance
contractuelle. L’option pour le régime délictuel affecte en effet profondément l’intégrité
du contrat. Elle contourne fortement les prévisions du débiteur contractuel et favorise
considérablement le tiers victime par rapport au créancier contractuel victime.
Il est ainsi temps de découvrir que le juge, dans sa solution, s’est prononcé sans pour
autant respecter la séparation des deux ordres de responsabilité.
Paragraphe 2 : L’indifférence apporté au principe de séparation des deux ordres
de responsabilité.
Les défendeurs de la théorie de l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle, tel
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GRANDMOULIN, militent pour l’unité de la théorie de la responsabilité et à l’absence
d’existence de la responsabilité contractuelle. M. HUET quant à lui, a insisté sur la
dualité des fonctions assignées aux dommages et intérêts contractuels138. Ces derniers
doivent être distingués de ceux dus à la suite d’un délit.
Alors que certains estiment que la responsabilité contractuelle est « un faux
concept »139, d’autres partagent l’idée que le contrat est doté d’une « fonction de
protection d’intérêts extracontractuels140 », cette responsabilité contractuelle semble
être en concurrence avec celle délictuelle. Il y a sans doute dans cette décision, un
nouveau pas vers la remise en cause de la distinction entre responsabilité contractuelle
et délictuelle. Le phénomène n’est pas nouveau. Il puise ses origines d’une part dans
l’affirmation – après tout relativement récente du principe du non-cumul, et d’autre part,
dans le recours judiciaire du contrat.
Le juge a tendance à confondre parfois les deux ordres de responsabilité lorsqu’il
assimile toute faute contractuelle à une faute délictuelle ; Cette assimilation est justifiée
lorsque l’obligation violée est un devoir général contractualisé. Cependant, il en sera
autrement s’il s’agit d’une obligation purement contractuelle ; certains auteurs parlent
d’ « un plus contractuel141 ».
Cette identité des fautes contractuelle et délictuelle, comme nous l’avons déjà vu, porte
atteinte à l’effet relatif des contrats ; dés lors, cela constitue un tempérament à ce
principe de distinction des deux ordres de responsabilité.
M. BRUN quant à lui, parle d’une consécration de la « fongibilité des objets respectifs
de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle »142. Ainsi, la
jurisprudence dans sa solution, semble avoir nié le particularisme de la responsabilité
contractuelle. L’évolution du droit positif tend vers une unité de régime, où celui
contractuel est considéré comme l’exception et celui délictuelle, comme le principe ;
138
J. HUET, thèse 1978, Responsabilité contractuelle et délictuelle : essai de délimitation entre les deux
ordres de responsabilité.
139
P. REMY, « La responsabilité contractuelle, histoire d’un faux concept », RTD civ., 1997.
140
P. REMY, article précité, p. 323.
141
J. HUET, thèse précitée, p. 637.
142
P. BRUN, « Feu la relativité de la faute contractuelle », RLDC, 2007.
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Le droit positif se doit d’être corrigé vu ses imperfections ; c’est pour cela qu’un
réaménagement du droit de la responsabilité a été proposé par le droit prospectif.
Section 2 : Vers une solution de rechange : l’Avant-projet de réforme « Catala ».
Assimilation des fautes, remise en cause de la distinction des deux ordres de
responsabilité, altération de l’effet relatif du contrat, bouleversement de l’équilibre
général du contrat, voilà les conséquences issues de la solution rendue par la formation
solennelle de la Cour de Cassation le 6 octobre 2006 ; ainsi, pour pouvoir combler ces
lacunes du droit positif et notamment du droit des obligations, le droit prospectif
intervient par le biais de l’avant-projet de réforme du droit des obligations ; ce projet
envisage une forte innovation en matière de responsabilité des parties envers les tiers
(Paragraphe 1). Malgré une telle innovation juridique palliant ainsi les inconvénients
pratiques, cette première semble aussi contenir de graves imperfections sur le plan
théoriques (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Un droit prospectif en faveur d’un principe d’option entre l’action
en responsabilité délictuelle et contractuelle au profit du tiers.
La recherche des solutions permettant de concilier le principe de l’effet relatif des
conventions avec le droit pour les tiers victimes de l’inexécution d’un contrat d’obtenir
réparation est ce qui a sans doute guidé le groupe de travail animé par le Professeur
CATALA dans la rédaction de l’Avant-projet de reforme du droit des obligations et du
droit de la prescription.
Ce projet prévoit d’ajouter au code civil un article 1165-2 disposant que « les
conventions sont opposables aux tiers ; ceux-ci doivent les respecter et peuvent s’en
prévaloir sans être en droit d’en exiger l’exécution ». Ce texte consacre donc le principe
d’opposabilité des contrats « erga omnès » qu’avaient dégagé peu à peu la doctrine et la
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
jurisprudence. Il souligne le double sens de cette opposabilité qui joue tant à l’encontre
des tiers qu’à leur profit, sous la réserve essentielle qu’ils ne peuvent exiger l’exécution
du contrat, ce qui permet de distinguer de façon radicale l’effet obligatoire de
l’opposabilité.
En outre cet avant- projet contient un article beaucoup plus novateur ; il s’agit de
l’article 1342 de l’avant-projet ainsi rédigé : « lorsque l’inexécution d’une clause
contractuelle est la cause directe d’un dommage subi par un tiers, celui-ci peut en
demander réparation au débiteur sur le fondement des articles 1362 à 1366 (dispositions
propres à la responsabilité contractuelle). Il est alors soumis à toutes les limites et
conditions qui s’imposent au créancier pour obtenir réparation de son propre dommage.
Il peut également obtenir réparation sur le fondement de la responsabilité
extracontractuelle, mais à charge pour lui de rapporter la preuve de l’un des faits
générateurs visés aux articles 1352 à 1362143 ».
Ce projet permettrait ainsi de régler le problème du fondement des droits des tiers
victimes d’inexécutions contractuelles. Le tiers pourrait par principe, obtenir réparation
de son dommage sur le fondement contractuel s’il rapporte la preuve d’un fait
générateur d’une telle responsabilité mais à la condition d’appliquer à leur action le
régime contractuel de responsabilité. Malgré les nombreuses discussions qu’il a
suscitées, ce texte est le résultat d’un compromis dicté par des considérations pratiques
qui doivent l’emporter. En en effet, si on veut imposer le respect du contrat, il faut
admettre que toute action fondée exclusivement sur un manquement au contrat est
soumise au régime contractuel, quelle que soit la qualité des parties à l’action.
Ainsi, les considérations pratiques commandent d’imposer l’application du régime
contractuel dès lors que le fondement de l’action réside uniquement dans un
manquement au contrat.
143
Ces articles traitent de la responsabilité délictuelle du fait personnel et du fait des choses, du fait
d’autrui et enfin du fait des activités dangereuses.
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En revanche, si le tiers peut établir à la charge du débiteur, outre la défaillance
contractuelle, un fait générateur de responsabilité extracontractuelle, il n’y alors aucune
raison de le priver de l’action destinée à faire connaître cette responsabilité.
Certes, le tiers a ici un avantage par rapport au créancier, mais cet avantage semble
normal puisque le tiers n’a pas consenti aux éventuelles limitations du droit à réparation
que le créancier a accepté. Or il a subi un dommage contre lequel il n’avait aucun
moyen de se prémunir.
Quant à la solution de l’assimilation des fautes, elle n’emprunte aucune de ces deux
alternatives proposées par cet avant-projet.
Dans un premier temps, cet article 1342 ouvrira ainsi droit au tiers victime de
l’inexécution contractuelle, de se prévaloir de cette inexécution si elle est la cause
directe de son dommage. Cependant, la grande différence avec le droit positif, d’où
l’innovation, sera d’imposer au tiers les contraintes liées au contrat, à savoir les clauses
limitatives ou exclusives de responsabilité, les clauses de compétence, l’exigence de
prévisibilité du dommage, etc.
Dans un second temps, en son alinéa 2, le même article de cet avant-projet autorise le
tiers à emprunter la voie délictuelle de façon à ce qu’il échappe aux contraintes nées du
contrat, telles les clauses limitatives de responsabilité. Cependant cette option est
conditionnée par la preuve que le fait dommageable est un « fait illicite ou anormal » au
sens de l’article 1340 alinéa 1 de l’avant-projet.
Dés lors, la relativité de la faute contractuelle semble respectée contrairement à la
solution assimilatrice des fautes contractuelles et délictuelles. Le bénéfice d’une telle
option permet ainsi de concilier le soucis de protection des tiers victimes et la sécurité
juridique des parties, dans le sens où l’équilibre général du contrat ne sera pas altéré par
le contournement des prévisions contractuelles du débiteur144.
144
J.-B. SEUBE, Revue des Contrats, 2007, p. 379.
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Certains auteurs n’ont pas hésité à approuver cette solution, jugée très novatrice en
pratique145. Cette seconde option pour la responsabilité extracontractuelle semble
logique dans le sens où le tiers pourra échapper à l’opposabilité des stipulations
contractuelles auxquelles il n’a pas choisi de s’y soumettre. Si le tiers choisit la voie
contractuelle, il sera soumis aux mêmes conditions et limites que le créancier
contractuel. Dés lors, contrairement à la solution du 6 octobre 2006, l’égalité de
traitement entre les différentes catégories de victimes sera respectée. De plus, le
débiteur contractuel pourra ainsi voir ses prévisions contractuelles s’appliquer.
Avec un tel mécanisme, le juge n’aura pas à privilégier la sécurité de l’un au détriment
de l’autre ; chaque partie sera protégée, à savoir, le tiers, le débiteur et le créancier
contractuel.
Il est intéressant de préciser que la voie contractuelle sera ainsi ouverte qu’aux tiers
ayant une certaine relation de proximité avec le contrat 146. Ainsi, les tiers pouvant être
concernés, seront ceux contractant dans le cadre d’une chaine ou groupe de contrat et
notamment les victimes par ricochet. Dans le cas contraire, le tiers disposera à ce
moment là, de l’option pour l’action en responsabilité délictuelle.
Cependant, malgré les avantages que procure l’article 1342 de cet avant-projet de
réforme, les conséquences théoriques semblent entachées d’imperfections.
Paragraphe 2 : Les imperfections théoriques d’un tel projet.
Il est vrai que le principe de l’effet relatif du contrat interdit aux parties de lier les tiers ;
seulement, il ne commande aucunement le choix du régime à appliquer. Dés lors, cette
option pour ces deux régimes ne porte aucunement atteinte à l’article 1165 du Code
Civil.
145
146
G. VINEY, sous-titre III, De la responsabilité civile (articles 1340 à 1386).
P. ANCEL, « Présentation des solutions de l’avant-projet », Revue des Contrats, 2007, p. 19, n°21.
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Ceci-dit, certains auteurs ont qualifié ce projet de « monstruosité juridique »147.
C’est l’idée que partage M. ANCEL ; il justifie ce qualificatif par cette abolition des
frontières entre le contractuel et le délictuel. En effet, le juge a permis au tiers de
s’immiscer dans la sphère contractuelle, portant logiquement atteinte à la relativité des
conventions.
D’autres personnes semblent au contraire, adhérer à ce projet, dans le sens où l’option
de la voie contractuelle au profit du tiers constitue seulement une action en réparation et
non une réclamation de l’exécution du contrat. Il en est autrement lorsque la réparation
ne fait que refléter la notion de dommages et intérêts alloués au tiers, synonyme
d’exécution du contrat par équivalent ; dans ce cas, l’article 1342 de l’avant-projet
demeure tout à fait critiquable. L’innovation proposée par l’avant-projet est loin d’être
parfaite, mais ses imperfections apparaissent comme étant moins graves que celles
affectant la solution retenue en droit positif.
Cependant, ce projet, optant pour les deux régimes de responsabilité, porterait atteinte
au principe de non-cumul vu précédemment.
Au regard des toutes ces observations relatives à l’innovation proposée par l’avantprojet Catala, il est utile d’en conclure que d’un coté, l’option entre les deux types de
responsabilités serait avantageuse et innovante, remédiant ainsi les imperfections
pratiques du droit positif. Mais de l’autre, elle constitue une réelle atteinte au principe
de non cumul et marque un pas de plus vers une remise en cause du principe de
distinction des deux ordres de responsabilité.
147
P. ANCEL, « Faut-il " faire avec » ? », Revue des Contrats, 2007, p.538, n°21 : l’auteur utilise cette
expression pour illustrer les propos tenus par les détracteurs de la solution proposées dans l’avant-projet,
propos qu’il est bien loin de partager.
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CONCLUSION SECONDE PARTIE
Notre analyse étant limitée à l’effet de l’inexécution du contrat sur les tiers (tiers
victimes), il ressort que le tiers peut poursuivre la partie au contrat dont la défaillance a
été à l’origine de son préjudice sur le plan délictuel par principe et très
exceptionnellement sur le plan contractuel. L’utilisation du régime de la responsabilité
délictuelle par principe permet au tiers non seulement d’éviter les clauses du contrat que
les clauses aménageant ou limitant la responsabilité, mais également de se voir
appliquer des règles de compétence différentes de celles auxquelles aurait été soumis le
créancier de la prestation. Le tiers est ainsi admis à se servir de ce contrat pour fonder
son action sans pour autant être soumis à l’ensemble des règles qui s’appliquent aux
contractants, ce qui confère souvent une position plus avantageuse et des droits plus
étendus vis-à-vis du débiteur de la prestation inexécutée. Il est donc mieux traité. En
effet, il ne peut se voir appliquer le contrat, mais peut l’invoquer à son profit tout en
contournant le régime contractuel. Dès lors, le fondement délictuel de l’action en
responsabilité du tiers aboutit à rompre, voire à ruiner l’équilibre général du contrat, en
bouleversant les prévisions contractuelles en considération desquelles les parties avaient
stipulé. L’augmentation du nombre de tiers, victimes potentielles de fautes
contractuelles met en lumière les inconvénients de l’action en responsabilité délictuelle
contre le débiteur défaillant. Cependant, le souci de respecter les prévisions du débiteur
défaillant n’est pas jugé suffisant pour justifier la substitution de l’action contractuelle à
l’action délictuelle en réparation du dommage subi par un tiers au contrat.
C’est pour cela que le droit prospectif intervient pour proposer une option entre le
régime de la responsabilité contractuelle, à condition toutefois de respecter les
contraintes liées au contrat, et le régime délictuelle, conditionné à la preuve que le fait
dommageable est un fait illicite. Ainsi cette option permettrait de concilier le soucis de
protection des tiers victimes et la sécurité juridique des parties.
Certes l’Avant-projet de réforme du droit des obligations semble innovante, mais laisse
à désirer quant tenu de ses effets pervers dus à une abolition des frontières entre le
contractuel et le délictuel où le particularisme de la responsabilité contractuelle est nié
au profit d’une unité de régime, à une atteinte à la relativité des conventions causée par
un bénéfice d’immixtion des tiers dans la sphère contractuelle, à l’allocation de
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
dommages et intérêts, synonyme d’exécution du contrat par équivalent et notamment en
raison d’une atteinte au principe de non cumul des responsabilités contractuelle et
délictuelle.
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
CONCLUSION GENERALE
Nous sommes désormais fixés, la jurisprudence a fini par trancher l’incessante
controverse concernant le fait générateur de responsabilité des contractants envers les
tiers, en optant ainsi pour une dérelativisation de la faute contractuelle au profit d’une
identité des fautes contractuelle et délictuelle tiré d’un principe d’opposabilité des
contrats par les tiers. Comment le juge en est-il arrivé à une telle solution ? Voila une
question à laquelle on ne peut répondre que dans un sens. Alors que les adhérents au
principe de la relativité des conventions et de la faute contractuelle estiment que la
sphère contractuelle doit intéresser les seuls parties à l’acte et que la faute contractuelle
doit être indépendante de la faute délictuelle, les défendeurs de l’opposabilité des
contrats et de la théorie de l’identité des fautes considèrent qu’il faut à tout prix protéger
les victimes de défaillances contractuelles quelle que soit leur qualité.
Ces derniers ont en effet, parvenu à influencer l’Assemblée Plénière pour décider que
toute faute contractuelle constituait automatiquement une faute délictuelle dés lors
qu’elle cause un préjudice au tiers. On voit bien qu'à en rester à l'effet relatif du contrat
ou à son opposabilité par le tiers, ou encore à l'assimilation ou non des fautes
contractuelle et délictuelle, on ne résout pas la difficulté. La solution demeure simpliste
et générale du fait de l’absence dans sa formule de distinction quant à la nature ou
portée de l’obligation violée, de la réalité du dommage et surtout de la négligence du
lien de causalité entre l’inexécution contractuelle et le préjudice. Le juge aurait pu
vérifier si la violation de l’obligation était spécifiquement contractuelle et donc non
invocable par le tiers ou si l’obligation constituait un devoir général s’imposant à tous.
Le juge aurait du consacrer une assimilation possible et non pas automatique.
Le contrat a vocation à concrétiser la poursuite d'un objectif commun Cependant, cette
mission tend aujourd’hui à s'effacer face à l'hégémonie du droit de la responsabilité,
pour ne pas dire du droit à l'indemnisation. On peut ainsi parler d’une évolution du droit
positif en faveur du « tout délictuel » avec un rayonnement accru du contrat entrainant
ainsi des imperfections telles le bouleversement de l’équilibre du contrat causé par un
placement du tiers dans une situations favorable par rapport aux parties, etc., entachant
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
ainsi le droit positif, d’où l’intervention du droit prospectif avec notamment l’Avantprojet de réforme du droit des obligations qui propose une option pour un des deux
régimes de responsabilité. Ainsi, en privilégiant le terrain délictuel, on privilégie les
intérêts du tiers victime au détriment des intérêts du débiteur défaillant et en privilégiant
le terrain contractuel, ce sont les intérêts du débiteur défaillant qui sont privilégiés au
détriment des intérêts du tiers victime. Se trouverait-on alors face à une impasse ?
Serait-on contraint de choisir entre deux solutions également condamnables ?
L’imperfection de chacune expliquerait l’embarras dans lequel se trouve la
jurisprudence actuelle et les contradictions qui l’affectent. Il faudrait alors rechercher
une solution au problème de la responsabilité du débiteur défaillant qui concilierait les
besoins de protection de ce dernier et les intérêts des tiers victimes. Dans ce sens la
jurisprudence gagnerait à s’inspirer de la thèse de Mme BACACHE GIBEILI pour
essayer de parvenir à un point d’équilibre entre les tiers victimes et le débiteur
défaillant, équilibre recherché dans un souci de justice équitable.
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
BIBLIOGRAPHIE
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
- Cass. 1ère civ., 18 mai 2004, Bull. civ. 2004, I, n°141.
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Bulletin.
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Bulletin.
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TEXTES DE LOIS
- Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, rédigé par
Pierre Catala, Ministère de la Justice, La Documentation française, 2006.
- Bulletin d’information de la Cour de cassation, 1er décembre 2006, n°651, Rapport du
Conseiller rapporteur M. Assié, p. 43, et Avis du Premier avocat général M. Gariazzo p.
53.
- Code civil français, Dalloz, 2008.
- Rapport annuel de la Cour de cassation, 2001, La Documentation française, p. 428.
THESES
- M. Bacache-Gibeili, La relativité des conventions et les groupes de contrats, préf. Y.
Lequette, LGDJ, 1996.
- E. BARTIN, De la règle « res inter alios acta » en droit romain, thèse. Paris 1885.
- S. CALASTRENG, La relativité des conventions, thèse. Toulouse 1939.
- F. DEBRAND, Étude de la règle « res inter alios acta aliis nec nocet nec prodest »
en droit romain, thèse. Dijon 1890.
- J.-L. Goutal, Essai sur le principe de l’effet relatif du contrat, préf. H. Batiffol, LGDJ,
1981.
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
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SITES INTERNET
- http://www.conseil-etat.fr: Communiqué de presse sur la décision de l’Assemblée du
contentieux en date du 16 juillet 2007.
- http://www.courdecassation.fr: Bulletin d’information n°651 du 01/12/2006, Note du
Conseiller rapporteur M. Assié.
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION……………………………………………………………………...6
PARTIE 1 : LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE DES
COCONTRACTANTS VIS-A-VIS DES TIERS VICTIMES DE
L’INEXECUTION CONTRACTUELLE…………………………………………...15
CHAPITRE 1 : La responsabilité des cocontractants à l’égard des tiers à travers
les principes de la relativité et de l’opposabilité des conventions…………………17
SECTION 1 : La notion d’inexécution contractuelle et de tiers victimes…………...18
Paragraphe 1 : La notion de défaillance contractuelle………………………...........19
Paragraphe 2 : La notion de « tiers victime »………………………………………21
SECTION 2 : Un débat doctrinal entre le principe de la relativité et de l’opposabilité
des conventions…………………………………………...…………………………24
Paragraphe 1 : Le principe d’effet relatif des contrats comme sécurité juridique des
parties contre l’immixtion des tiers dans la relation contractuelle…………………25
Paragraphe 2 : L’émergence du principe d’opposabilité des contrats par les
tiers…………………………………………………………………………………….28
CHAPITRE 2 : Le manquement contractuel comme fait générateur de
responsabilité délictuelle envers les tiers…………………………………………..34
SECTION 1 : De la relativité de la faute contractuelle a l’assimilation des fautes
contractuelle et délictuelle : une « valse-hésitation jurisprudentielle » et
doctrinale……………………………………………………………………………37
101 | P a g e
Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
Paragraphe 1 : la position doctrinale et jurisprudentielle sur la relativité de la faute
contractuelle……………………………………………………………………..37
I. La position jurisprudentielle…………………………………………………37
II. La position doctrinale……………………………………………………….39
Paragraphe 2 : La consécration de la théorie de l’assimilation des fautes
contractuelle et délictuelle : une position jurisprudentielle toujours en
vigueur……………………………………………………………………………41
I. La position jurisprudentielle…………………………………………………..41
II. La positon doctrinal………………………………………………………….44
SECTION 2 : La position du droit : une solution générale et inachevée………….48
Paragraphe 1 : Une solution altérant la relativité des conventions……………….48
Paragraphe 2 : L’absence de distinction quant à la nature et portée de l’obligation
violée……………………………………………………………………………...51
Paragraphe 3 : L’importance du rapport de causalité……………………………..54
CONCLUSION PREMIERE PARTIE.
PARTIE 2 : LA PRIMAUTE DE LA NATURE DELICTUELLE DE L’ACTION
EN RESPONSABILITE DU TIERS VICTIME DE L’INEXECUTION
CONTRACTUELLE……………………………………………………………….59
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
CHAPITRE 1 : La prépondérance de la responsabilité civile délictuelle du
cocontractant à l’égard des tiers…………………………………………………...61
SECTION 1 : L’exceptionnelle action en responsabilité contractuelle au bénéfice de
certains tiers………………………………………………………………………...63
Paragraphe 1 : L’action des tiers ayant un lien avec une partie au contrat……….63
Paragraphe 2 : L’action des tiers dans les chaînes de contrats translatifs de
propriété……………………………………………………………………………….67
SECTION 2 : Une action en responsabilité délictuelle des tiers de principe………..69
Paragraphe 1 : L’action des tiers absolu…………………………………………..70
Paragraphe 2 : Le déclin des exceptions à l’action en responsabilité civile
délictuelle………………………………………………………………………….72
I. L’action des contractants extrêmes dans les groupes de contrats non translatifs de
propriété………………………………………………………………………….72
II. L’abandon de la stipulation pour autrui tacite au profit des victimes par
ricochet………………………………………………………………………………...77
CHAPITRE 2 : Une solution contestable nécessitant réaménagement………….80
SECTION 1 : La remise en cause de l’excés et de la dangerosité de la solution…...82
Paragraphe 1 : Une différence de traitement bouleversant l’équilibre général du
contrat……………………………………………………………………………...82
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Allaoui Nouredine - Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle
I. La position avantageuse du tiers contournant les prévisions du débiteur
contractuel…………………………………………………………………………82
II. La position avantageuse du tiers par rapport au créancier contractuel………..84
Paragraphe 2 : L’indifférence apporté au principe de séparation des deux ordres de
responsabilité………………………………………………………………………85
SECTION 2 : Vers une solution de rechange : L’Avant-projet de réforme Catala…..87
Paragraphe 1 : Un droit prospectif en faveur d’un principe d’option entre l’action en
responsabilité délictuelle et contractuelle au profit du tiers………………………..87
Paragraphe 2 : Les imperfections théoriques d’un tel projet………………………90
CONCLUSION SECONDE PARTIE………………………………………………92
CONCLUSION GENERALE……………………………………………………….94
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………...96
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